Saint-Epvre ? On ignore combien de prédications ont lieu pendant le Carême, et quels jours
257 A.D.54, H 2873.
258 A.M.N., CC 64, f.° 116 v°.
elles ont lieu. L’Avent n’est guère mieux renseigné sur ce sujet. Toutefois, il apparaît que celui
qui prêche l’Avent à Saint-Epvre ne prêche pas forcément que pendant cette période : en 1611,
en remboursant le curé de Saint-Epvre pour avoir logé pendant neuf jours le « prédicateur de la
Ville » qui est monté en chaire pendant la station de l’Avent, la Ville précise que celui-ci a
prêché deux jours à la Toussaint, et sept jours pendant l’Avent même
260. En 1631, le receveur
de la Ville indemnise le curé Jean Simonin à hauteur de 80 francs des frais induits par le séjour
du sieur Caillier, chanoine de Saint-Gengoult de Toul
261, qui a prêché le Carême de cette année.
Mais une pièce jointe, servant peut-être de justificatif de paiement, précise que le sieur Caillier
a également prêché lors d’autres fêtes : Saint-Nicolas, la Conception de Notre-Dame, Noël,
Saint-Étienne, et Saint-Jean l'Évangéliste, le tout, toujours à Saint-Epvre
262. Cette liste de fêtes
est longue, mais surtout toutes ont lieu au mois de décembre, ce qui les rapproche davantage
des prédications de l’Avent, que le sieur Caillier aurait dû assurer si une probable épidémie de
peste n’avait pas empêché le bon déroulement de l’année liturgique. L’hypothèse que toutes ces
prédications font partie de la tâche normale d’un prédicateur choisi pour l’Avent à Saint-Epvre
n’est pas confirmée par la moindre source. On peut également envisager que ces prédications
aient été assurées exceptionnellement en lieu et place de celles de l’Avent, comme une sorte de
« service minimum » : étant donné les circonstances, il était plus que nécessaire de porter la
parole divine aux fidèles (le prédicateur jésuite de Saint-Sébastien, lui, reçoit 70 francs en plus
de l’indemnité normale pour avoir vaqué aux confessions auprès des malades
263), mais sans
organiser de grandes assemblées où la maladie se serait propagée.
3. Les temps de la parole divine à Nancy
Le XVII
esiècle à Nancy n’est toutefois pas le temps des seules prédications d’Avent et
de Carême. Ce sont certes les deux périodes de prédication les plus importantes du calendrier
liturgique, justifiant que le Conseil de Ville prenne en main leur organisation. Mais il existe
bien d’autres temps de prédication qui se mettent alors en place et certains d’entre eux
apparaissent dans les sources de l’époque. D’autres n’ont pas forcément laissé de traces,
notamment les prédications que certaines confréries organisaient à leurs frais lors de leur fête.
Toutefois l’une de ces confréries exerce un rôle suffisamment important à Nancy pour que la
municipalité s’y intéresse et, à l’occasion, évoque sa prédication : c’est « l’écuelle des âmes »,
260 A.M.N., CC 40, f.° 104 v°.
261 A.M.N., CC 91, f.° 130 v°.
262 A.M.N., CC 92.
appelée plus rarement « confrérie des Âmes », « confrérie des fidèles trépassés », « confrérie
des Morts », … Son nom est, à partir de 1642 (date de reconnaissance de ses statuts),
« Confrérie de Notre-Dame des Saints Suffrages ». Chaque paroisse possède la sienne, et
chacune est surveillée de près par le Conseil de Ville. Celui-ci a demandé et obtenu du duc
Charles III le droit d’en examiner les comptes dès le 3 mars 1595
264, en même temps que le
droit d’examiner les comptes de la fabrique de Saint-Epvre. La nomination des quêteurs de ces
confréries est faite ou entérinée par la Ville : beaucoup de délibérations municipales consistent
en la nomination de tel ou tel comme quêteur ou comme receveur. Cette confrérie qui semble
exister depuis le Moyen Âge à Nancy possède un rôle d’une grande importance aux yeux de la
Ville : l’argent collecté par les quêtes sert à financer une messe hebdomadaire et une prédication
pendant la semaine de la Toussaint, dite « octave des Morts ». En revanche, la prédication de
la Toussaint elle-même fait partie de la prédication de l’Avent ; le prédicateur de l’Avent 1611
à Saint-Epvre loge chez le tabellion Jean Jeannot pendant un séjour de trente-trois jours, et neuf
jours chez le curé de la paroisse. Le tout fait un total de quarante-deux jours ; on dépasse là
largement les quatre semaines de l’Avent, mais si on y ajoute la Toussaint et le temps qui la
sépare de l’Avent (dont la date de commencement est mobile), on trouve là l’explication d’un
si long séjour. Les comptes précisent que le prieur des Dominicains de Toul, choisi pour monter
en chaire à Saint-Epvre, a prêché deux jours à la Toussaint, et sept jours pendant l’Avent
même
265. En revanche, il n’est pas possible de savoir si le prédicateur de l’Avent prêchait
également l’octave des Morts, car le nom de ceux que « l’écuelle des âmes » choisissait n’est
pas arrivé jusqu’à nous. Un autre élément tend à confirmer que la prédication de la Toussaint
et celle de l’octave des Morts sont différentes en dépit de leur proximité dans le calendrier
liturgique. Le 31 mars 1616, la Ville fixe les jours où les réveilleurs sont autorisés à quêter, de
façon à limiter la concurrence entre quêteurs autorisés et empêcher les quêtes illicites. Les
« réveilleurs » (veilleurs de nuit) se voient réserver le droit « de faire les questes ordinaires par
ladite ville et es eglises comme du passé scavoir […] es jours de Pasques, Penthecoste,
Toussaint, Noel, jour des Roys et Purification notre Dame par touttes les eglises dudit
Nancy »
266. Les membres de la confrérie des Morts ont, pour leur part, le droit exclusif de quêter
dans les églises pendant l’Octave des Morts ; les délibérations nommant des quêteurs le
rappellent souvent ; c’est même là que la confrérie tire une part non négligeable de ses revenus),
264 A.M.N., GG 1.
265 A.M.N., CC 40, f.° 104 v°.
il y aurait eu une juxtaposition et une querelle d’intérêts si la Toussaint était considérée comme
Dans le document
« Pour le salut des âmes du peuple de ladite ville » : municipalité et vie religieuse à Nancy, fin XVIe siècle-fin XVIIIe siècle
(Page 175-178)