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Jean-Joseph Lionnois a qualifié cet accord de « concordat » en 1805 dans son Histoire des villes vieille et neuve de Nancy159, terme repris ensuite par Christian Pfister160 , mais qui ne

se trouve nulle part dans le texte d’origine

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. Le choix du mot « concordat » leur permet de

faire écho aux divers concordats de l’Histoire, à commencer par celui de Bologne passé en 1516

entre le royaume de France et la Papauté, et de sous-entendre que l’État lorrain possédait une

importance égale à celle de ses voisins

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. Cette convention n’a pourtant aucun rapport avec la

nomination ou les investitures des évêques et son contenu est désormais bien connu des

historiens de Nancy. Elle prévoit que la Ville Vieille et la Ville Neuve soient divisées chacune

156 LIONNOIS Jean-Joseph, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, depuis leur fondation jusqu’en 1788, vol. 2. Nancy, Haener & Delahaye, 1805. L’auteur cite, p. 557, cette anecdote tirée des registres de la paroisse Saint-Epvre.

157 POULL Georges, La maison ducale de Lorraine. Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1991, p. 41.

158 Voir annexe n° 1.

159 LIONNOIS Jean-Joseph, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy…, op. cit., p. 558.

160 PFISTER Christian, Histoire de Nancy, op. cit., vol. 2, p. 642.

161 A.M.N., GG 1. Voir également annexe n° 1.

162 On note toutefois que BRIAN Isabelle, dans Messieurs de Sainte-Geneviève, … op. cit., utilise à plusieurs reprises le terme de « concordat » à propos d’accords survenant entre un évêque et un supérieur génovéfain, ou entre le supérieur et un couvent de l’ordre qui demande son rattachement à la congrégation.

en deux paroisses. Les deux paroisses de la Ville Neuve étant créées ex-nihilo, elles seront de

même taille, autant que faire se peut. Du côté de la Ville Vieille, la paroisse Saint-Epvre reste

la principale paroisse, et il est prévu de lui affecter le cimetière de l’ancien village de

Saint-Dizier, donc une nécropole hors les murs. La paroisse Notre-Dame nouvellement créée doit

utiliser la nef de l’église du prieuré du même nom. Il faut donc aménager celle-ci pour l’adapter

aux besoins d’une paroisse, c'est-à-dire installer un autel et des fonds baptismaux. Le faubourg

des Trois-Maisons, reste du village de Saint-Dizier désormais rasé, est rattaché à la paroisse

Notre-Dame, dont l’essentiel de la surface se trouve donc hors les murs de Nancy. Ajoutons la

création d’une cinquième paroisse, créée pour le village de Laxou, jusqu’ici annexe de la

paroisse de Nancy. Enfin, la collégiale Saint-Georges est reconnue comme la sixième paroisse

de Nancy, mais elle est de statut extraterritorial, ne concerne que la Cour et ne dépasse pas les

limites du palais ducal et de la collégiale. Chacune de ces paroisses doit avoir son cimetière.

Saint-Epvre peut utiliser le cimetière de l’ancien village de Saint-Dizier, faute de pouvoir en

aménager un en pleine ville. Comme de juste, le Concordat attend que les fidèles fournissent et

entretiennent à leurs frais tout ce qui est nécessaire au culte. La situation matérielle de la

paroisse Saint-Epvre est alors décrite ainsi : « Quant à l’église Saint-Epvre, elle est ja garnie de

tout ce qui est requis et nécessaire à une église parochialle, excepté le cimetière ». On remarque

d’ailleurs que c’est à partir de cette décennie que les comptes des fabriques des paroisses nous

parviennent. Mais ceux de la paroisse Notre-Dame ne contiennent aucune dépense relative à un

quelconque aménagement de l’église du prieuré pour l’adapter aux besoins de la paroisse.

Le contenu du Concordat n’est pourtant pas appliqué tout à fait comme il aurait dû l’être.

En premier lieu, les fidèles de la paroisse Epvre refusent d’utiliser le cimetière de

Saint-Dizier : il est trop loin de l’église, et les paroissiens craignent que leurs prières faites à l’église

ne profitent pas à leurs défunts et « se perdent ». Le cimetière est également un lieu de

sociabilité qui doit rester accessible, sans compter, éventuellement, les difficultés pour s’y

rendre à la mauvaise saison

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. Les paroissiens de Saint-Epvre persistent donc à utiliser le

cimetière intra-muros en commun avec la paroisse Notre-Dame, et le fait est toléré par toutes

les autorités. Le village de Saint-Dizier a été pratiquement rasé et sa population installée dans

la Ville Neuve, à l’exception de trois maisons qui donnent au faubourg son nom. Le faubourg

des Trois-Maisons appartient au ban de Nancy, mais sa situation hors les murs le place outre

l’autorité du Conseil de Ville : très peu de décisions émanant de la municipalité concernent cet

espace, encore moins de façon directe. Mais ce faubourg, qui s’est rapidement reconstruit, fait

partie de la paroisse Notre-Dame, nouvellement créée par le Concordat de 1593 : il est donc

partie intégrante de la vie religieuse nancéienne. Surtout, les habitants semblent ne pas

réellement accepter cette « annexion » à la paroisse Notre-Dame : si, selon les termes du

Concordat, le cimetière de l’ancien village de Saint-Dizier doit désormais accueillir les morts

de la paroisse Saint-Epvre tandis que les corps du faubourg doivent être enterrés dans le

cimetière de Notre-Dame, dans les faits, les habitants des Trois-Maisons conservent leur

cimetière tandis que le cimetière de Notre-Dame reste commun aux deux paroisses de la Ville

Vieille de Nancy. La pratique religieuse des habitants du faubourg est toutefois rendue

compliquée par la distance avec l’église paroissiale Notre-Dame, et par le fait que les murs de

la ville sont clos la nuit (il devient difficile d’obtenir les sacrements en urgence pour un malade).

En conséquence, le 21 juin 1627, les habitants du faubourg s’assemblent pour demander au duc

Charles IV et à « Monsieur de Sitie », administrateur de l’évêché de Toul au nom de l’évêque

Nicolas-François de Lorraine

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, la permission de faire construire une chapelle où la messe

pourra être célébrée et les sacrements déposés. Les habitants sont prêts à fournir de leurs deniers

tout ce qui est nécessaire au culte

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. Répondant à un besoin admis et reconnu, la chapelle est

construite la même année, mais démolie dès 1632 pour les besoins de la guerre.

D’autre part, la création de deux paroisses en Ville Neuve présente rapidement des

difficultés matérielles. La municipalité ne trouve pas les moyens financiers requis pour

construire deux églises dans la Ville Neuve ; la population de ce quartier encore récent n’était

peut-être pas considérée comme suffisamment nombreuse pour justifier la création de deux

paroisses, avec tous les frais que cela entraine. Comme bien souvent dans ce genre de situation,

on préfère utiliser une église ou une chapelle existant déjà

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. C’est ainsi que la chapelle de

l’hôpital Saint-Julien est employée comme église paroissiale temporaire, apparemment

gratuitement car nulle part la Ville n’en paie la location. Cette gratuité est, il est vrai, facile à

obtenir puisque la municipalité est l’administratrice de l’hôpital ! En 1609, le Conseil de Ville

rachète la première Primatiale provisionnelle moyennant 6 000 francs ; l’église de la Ville

Neuve se trouve donc en position quasi-centrale, toute proche de l’Hôtel de Ville une fois

celui-ci acquis. De là à penser qu’elle devient la paroisse du corps municelui-cipal… Le celui-cimetière de la

Ville Neuve est installé, pour sa part, entre les deux villes, dans cet espace non encore bâti qui

164 Nicolas-François de Lorraine, frère de Charles IV, est évêque de Toul depuis 1624, cardinal depuis 1626, mais sans être prêtre. Son statut de cardinal n’est pas encore annoncé officiellement en 1627.

165 A.M.N., DD 66.

166 A.D.55, E 460 31, f.° 281 v°. À Bar-le-Duc par exemple, la paroisse unique de la ville étant trop grande, le Conseil de Ville passe un accord avec la collégiale Saint-Pierre, en 1696, pour utiliser son église pour le quartier de la ville haute, situé à l’opposé de l’église paroissiale Notre-Dame

apparaît dès lors comme une périphérie de la Ville Neuve plus que comme un espace commun