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ENTRE SOUS LE N'
co, o 9
FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNEE 1901-1902 N° 54
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
LA KÉRATITE INTERSTITIELLE
dans la Syphilis acquise, le Rhumatisme
ET
LA VIE GÉNITALE DE LA FE
THESE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECIN
présentée et soutenuepubliquement
le 24 Janvier 1902
Gaston-Edouard
ROQUES
Néà Soumoulou (Basses-Pyrénées), le 24 avril1876
Examinateursde la Thèse:
MM. BADAL professeur Président MOUSSOUS professeur \ CABANNES agrégé
(
Juges.RÉGIS chargé decours)
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront t'aites sur les
diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 1902
IlMl
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. MIGÉ \
DUPUY MOUSSOUS.
Professeurs honoraires.
Cliniqueinterne
MM. MM.
PICOT. Physiquemédicale... BERGON1É.
PITRES. Chimie BLAREZ.
. . \ DEMONS. Histoire naturelle ... GUILLAUD.
Clinique externe
j
LANEL0NGUE. Pharmacie FIGUIER.Pathologie et théra- Matière médicale.... de NABIAS peutique générales. VERGELY. Médecine expérimen-
Tliérapeutique ARNOZAN. taie FERRÉ.
Médecine opératoire. MASSE. Clinique ophtalmolo-
Clinique d'accouché- gique
ments LEFOUR. Clinique des maladies
Anatomie pathologi- ' chirurgicales des en-
que COYNË: fants
Anatomie CANNIEU Clinique gynécologique Anatomie générale et Cliniquemédicale des histologie V1AULT. maladies des enfants Physiologie JOLYET. Chimiebiologique...
Hygiène LAYET. Physique phai-maceu-
Médecine légale MORACHE. tique. S1GALAS.
AGRÉGÉS l'Hii EXERCICE :
sectionMM.demédecine (Pathologie interneet Médecinelégale.) SABRAZÈS. | MM. MONGOUR.
LE DANTEC. j CABANNÉS.
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1
BADAL.
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section de chirurgie et accouchements
Pathologieexterne
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Anatomie,
section dessciences anatomiqueset physiologiques
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section dessciences physiques
Chimie MM. BENECH. | Pharmacie M. DUPOUY.
U'OURS €G HS»I,É11IUA TAI R 10 S :
Clinique desmaladies cutanées etsyphilitiques Clinique desmaladies desvoies urinaires Maladies du larynx, des oreilleset du nez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Physiologie
Embryologie
OphtalmologieHydrologie etMinéralogie Pathologie exotique
Le Secrétaire de la Faculté:
MM. DUBRHUILH.
POUSSON.
MOURE.
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RONDOT.
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FIEUX.
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PRINCETEAU LAGRANGE.
CARIES.
LE DANTEC.
LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août1879, lu Faculté aarrêté que les opinions émises dans les Thè-ies qui luisontprésentéesdoivent êtreconsidérées commepropres à leursauteurs, qu'elle n'entend leur donner niapprobation niimprobation.
A
MONSIEUR LE DOCTEUR CABANNES
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA
FACULTÉ
DEMÉDECINE DE BORDEAUX
OCULISTE DES HOPITAUX
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR BADAL
PROFESSEURDECLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
CHEVALIERDE LALÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
INTRODUCTION
L'histoire.de la kératite interstitielle remonte bien loin.
Elle a été étudiée dans toutes ses causes, sous toutes ses formes et nous n'avons pas la prétention de reprendre ici
tout au longson étude. Nous ne l'envisagerons que dans ses rapports avec la syphilis acquise, le rhumatisme et la vie génitale de la femme qui feront l'objet de' trois chapitres distincts, précédésd'un rapide
historique.
Nous publieronsensuiteun certainnombred'observations et nous terminerons par le traitement, que nous ne ferons qu'indiquer, sans nousy arrêter bien
longtemps.
L'idée première de ce travail revient à M. le Prof, agrégé Cabannes, qui ne nous a ménagé ni son temps, ni ses con¬
seils ; qu'il veuille croire à notre vive gratitude, pour la grande bienveillance qu'il nousa toujours montrée.
M. le Prof. Badal a bien voulu nous faire le grand honneur
d'accepter
la présidence de notre thèse. Nous lui en expri¬mons ici toute notre reconnaissance.
Enfin que tousnos amis, que tous ceuxqui, de près ou de loin, sesont intéressés à nos études, soient persuadés que
no is en conserverons un souvenir ému.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Lorsqu'on parcourt les anciens traités classiques traitant des maladies des yeux, on esttrès surpris de constater que les auteurs n'aient pas consacré,une mention spéciale à la kératite interstitielle de la syphilis acquise.
C'est en 1873 que Fournier, dans ses leçonssur la
Syphilis
chez la
femme,
cite un cas de kératite interstitielle, qu'il rattache à la syphilis acquise. Après lui, Galezowski en publie plusieurs observations dans son Recueild'ophtalmo¬
logie,
et Desmarres, en 1874, dans sa thèse inaugurale, en cite plusieurs cas dont deux qui lui sont personnels.Quelques années après, Lacombe, dans son excellente thèse inaugurale, en cite 6 cas ; Alexander 13, dans son travail :
Syphilis und Auge\
Haltenhoff, en 1887, en rapporte3 cas.
Panas accepte, quoique rare, la syphilis acquise comme
cause de la kératite interstitielle. Il en cite 37 cas dans son
Traité
d'ophtalmologie.
En 1883, dans les Archives
générales de médecine,
Parinaud en cite un cas très net; Valude un autrecas, dans les Annales
d'oculistique,
en 1897. Galezowski,Trousseau, Trau- tas, de Constantinople, en ont également publié plusieurscas.
Trousseau, dans un article paru dans les Annales d'ocu¬
listique,
en 1895, dit avoir recueilli sur cette question 10 observations des plus probantes. La même année, Miliée, à- 10 -
la séance du 9 février, de la Société de médecine deParis, en lut une observation.
Terson en a observé un cas
typique
unilatéral chez une femme qui avait eu la syphilis huit ans auparavant. La gué- rison, avec quelquesnéphélions,
a été obtenue encinq
mois par les injections de biiodure etd'iodure de mercure.En 1897, Desvaux, dans sa thèse
inaugurale,
en rapporteun cas. 1
L'histoire de la kératite interstitielle liée au rhumatisme remonte plus haut. Elle a fait l'objet de bien des discussions et de bien des travaux. Chaque auteur en a fait une des¬
cription différente de celle de son
prédécesseur,
et lui a donné un nom différent.Wardrop l'appelait
kératite inters¬titielle ; Desmarres, kératitedisséminée ; Sichel, kératite vas-
culaire interstitielle ponctuée ; Sœmish, kératite
parenchy-
mateuse; Arlt, kératite scrofuleuse; Hutchinson, kératite
hérédo-syphili
tique.C'est en 1858 que Hutchinson, dans
Opht.
medic.Reports,
(t. I, p. 22Get 292, et t. II, p. 258), rattacha la kératite inters¬titielle à la syphilis héréditaire. Panas, avec bien d'autres, combattit cette théorie et admit pour cause le rhumatisme,
Il cite des cas de kératites parenehymateuses chez des enfants issus de parents goutteux, ayant une hydrarthrose
du genou, et qui ont été guéris par le
salicylate
de soude.Avant lui, Leber, Michel, Mackensie dans son Traité des maladies des yeux ont signalé l'influence du rhumatisme dans la kératite interstitielle.
En parlant de cette
kératite,
Mackensie dit que conjointe¬ment avec elle existent des symptômes scrofuleux, tels que engorgement des ganglions
lymphatiques,
sous-maxillaires surtout; assez souvent des nodus sur les tibias, quelquefoisdes épancliements dans la bourse située sous le tendon des extenseurs de la jambe.
Forster, de Breslau, a observé des cas de kératite rhuma¬
tismale
(Grœfe
Sœmisch, Handbuch d.Augenheilkunde,
Bd VII).
- 11 —
En 1876, Becker,
dans l'article
«Rhumatisme
»du Dict.
encycl. des Sciences méd., fait une description de la kératite
interstitielled'origine
rhumatismale.
Couzon en 1883, Boquin et Burucua en
1884, dans leurs
thèses inaugurales, citent
plusieurs
casde kératite rhuma¬
tismale.
Au Congrès
d'ophtalmologie français (Paris, 1884
;séance
du 8janvier),
Parinaud
afait
unecommunication très inté¬
ressante surquelques
observations de kératite interstitielle
d'origine
rhumatismale. La même année, Abadie, dans son
Traitédesmaladies des yeux,
après avoir décrit la kératite
rhumatismale, ditqu'il est
avantageux de recourir d'emblée
au salicylate de
soude
commetraitement, car il amende
rapidement tous
les symptômes et amène la guérison.
Enfin M. Cabannes, professeur
agrégé à la Faculté de
Bordeaux, faitparaître un
travail dans la Gazette hebdoma¬
dairedes Sciences médicales
de Bordeaux (novembre 1901),
où il rapporte une
observation de kératite interstitielle rhu¬
matismale guérie par
le salicylate de soude.
Bien
plus récents sont les faits observés de kératite inters¬
titielle liés à la viegénitale de
la femme. En 1871, Davidson,
dans les Annales d'oculistique,
cite deux observations où
des troubles profonds
de la menstruation avaient été suivis
dudéveloppement
d'une kératite interstitielle des deux yeux
et d'une surdité concomitante.
Èn
1889,Noblot, dans
sa thèse inaugurale,traite des affections oculaires liées à la
menstruation.
La même année, dans les
Archives d'ophtalmologie, Puecli
fait paraître un
article
surl'influence de l'établissement de
la menstruation sur l'apparition
d'accidents oculaires,
en particulierchez les sujets diathésiques.
En 1893,Mailland Ramsay
(British médical Journal) attire
l'attention surla fréquente
association des symptômes ocu¬
laires dans les troubles fonctionnels des organes
génitaux
chez la femme. Comme appartenant
à cette classe, l'auteur
cite les inflammation de la cornée, et
particulièrement les
kératitesinterstitielles.
— 12 —
En1825, John Dunn fait paraître un article surle mauvais effetde l'apparition de la menstruation surla kératite inters¬
titielle. Deux ans après, en 1897, Kœnig publie, dans les Archives
d'ophtalmologie,
uneobservation de kératiteparen- chymateuse récidivanted'origine
utérine, et Desvaux, danssa thèse inaugurale, un cas de kératite parenchymateuse
survenue au cours d'une grossesse.
Nous nous sommes borné à ce rapide
historique,
nous réservant dans le cours de notre travail de revenir sur les diverses manièresd'interpréter
ces trois formes de kératite interstitielle de quelques-uns des auteurs dont nous venons de citer les travaux.CHAPITRE II
De la Kératite interstitielle dans
la Syphilis acquise.
La kératite interstitielle de la syphilis
acquise
aété long¬
tempspasséesous
silence
parles auteurs classiques. Croyant
à l'intégrité de la cornée
dans la syphilis
parinfection
directe, les adversaires
d'Hutchinson
enfaisaient
un argu¬ment contre l'origine hêrédo-syphilitique
de la kératite
interstitielle. C'était en 1871, lors de la discussion à la
Société
de Chirurgie, que ces idées
étaient émises, et les faits de
kératite dans la syphilis
acquise n'avaient
pas encoreété
signalés.
Depuis,Fournier,
dans
sesleçons de Lourcine,
en1873,
surla syphilis
chez la femme,
encite
un cas. «Je
vousprésente,
dit-il, une malade affectée
d'iritis (association constante de
la kératite à d'autres phlegmasies
oculaires). A travers la
cornée nuageuse vous pouvez
apercevoir la pupille, très
déformée, présentant
dans
sacirconférence
unede
ces papules iriennesquej'ai décrites ailleurs. La
zonepériphé¬
rique de
la cornée est intacte, mais toute
sapartie centrale
est nébuleuse, etsur cenuage on distingue
facilement
une série de dix à douze taches, d'un blancjaunâtre,très fines,
punctiformes. »Après lui, Galezowskiet Daguenet, Panas l'ont décrite dans
leurs traités
d'ophtalmologie.
La kératite interstitielle dans la syphilis acquise
n'est
pas aussirare qu'onl'avait d'abord affirmé; les observateurs
n'ont pas
suffisamment recherché la syphilis quand ils
avaient à examiner un adulte atteint de kératiteinterstitielle.
Les malades souvent veulent cacher leur tare syphilitique, et
cen'est qu'avec les plus minutieuses recherches qu'on arrive à les découvrir.
Dans son Traité
d'ophtalmologie,
Panas cite 37 cas dekératite interstitielle dus à la
syphilis
acquise. Galezowski, Parinauden citent également plusieurs cas. Trousseau, deson côté, en citeplusieurs observations. « J'ai, dit-il,pour ma part, depuis queje m'occupe de ce
sujet, recueilli
10 observa¬tions desplusprobantes,et je n'aipasprêtéuneattention suffi¬
sante à tous les cas qui sont parvenus
à
ma connaissance.A la séance du 9 février 1895 de la Société deMédecine de Paris, le docteurMillée a lu une observation des plus nettes et qui offre, avec les mienneset avec
celles
des observateurs divers, une telle analogie que je crois être actuellement en droit de faire quelques commentaires sur la kératite inters¬titielle de la syphilis acquise.
» Cette kératite paraît plus fréquentechez les femmes que chez les hommes, puisque sur les 11 cas quej'ai bien suivis, celui du docteur Millée compris, il y avait 8 femmes et 3 hommes. Nous retrouvons là un point de contact avec la kératite hérédo-syphilitique,bien plus fréquente chez les filles
que chez lesgarçons.
» En revanche, si la kératite héréditaire affecte souventles deux yeux
simultanément
ouconsécutivement, la kératite
acquise s'est presquetoujours montrée à
moiunilatérale
(9 foissur11),
cequi confirme les observations d'Haltenhoff
(Société françaised'ophtalmologie, 1887), qui
a reconnul'uni-
latéralité 4 fois sur 5. »
C'est presque
toujours
entrela fin de la première
année, après l'infection, etle
commencementdelà troisième,
que naissent les désordres cornéens, fréquemment accompagnés de divers accidents nettementsyphilitiques.
La kératite acquise débute
insidieusement
et dans un pointquelconquelimité de la circonférence cornéenne, où
elle reste confinéependant toute
la durée de la
maladie. C'est— 15 —
dans son point d'élection primitif que la maladie traverse toutes ses phases ; la cornée devient d'abordtrouble, louche, opalescente
dans
unede
sesportions;
puis elle se vascula-rise légèrement dans toute sa partie opaque, et elle pourra rester indéfiniment dans cet état si elle n'est pas arrêtée danssa marche par un traitement antisyphilitique appro¬
prié,
ou bien ellesecompliquera
d'une iritis ou d'une irido- choroïdite.L'opacifîcation de la
cornée
se faitlentement,
les phéno¬mènes fonctionnels sont très modérés pendant la période
d'état. Pasde photophobie, ou bien elle est
très
légère; pas de larmoiement intense,pas d'injection; pas de vascularisation marquée sur la cornée. Ceci ladifférencie
nettement de la kératite, de la syphilis héréditaire,où
ces symptômes sont très accusés. Comme durée, elle est bien moinslongue dans la kératiteacquise que dans la kératite héréditaire. Si dans quelques cas, comme nous en citons dans nos observations,on a vu les phénomènes inflammatoires persister dix et douze mois, le plus souvent les symptômes évoluent dans
une période de tempsallant de cinq semaines à trois mois.
L'iris esttoujours pris assez violemment et le corps vitré se remplit d'une fine poussière.
Le dernier phénomène qui persiste après le retour de la cornée à la transparence est l'hyalitis
(Trousseau).
Cetterapidité d'évolution est due au traitement spécifique, qui agit plus rapidement dans la kératite acquise que dans la kératite héréditaire. La kératite héréditaire parcourt ses diverses phases, et il est rare qu'on arrive rapidement au succès. Dans la kératiteacquise, au contraire, l'influence du traitement se fait sentir dans les premiers jours. Tel malade qui la veille ne pouvait compter ses doigts, les compte faci¬
lement dans les deuxou troisjours qui suivent l'institution du traitement. «En général, dit de Wecker, lesformesgraves qui ne se terminent pas par une résolution complète, qui
traînent définitivement en longueur, ou qui présentent des rechutes répétées, sontcelles qui ont la syphilis héréditaire
pour cause. »
— 16 —
On aura encore, pour
distinguer la kératite héréditaire de
la kératite acquise, les
symptômes si nets décrits
parHutchinson. C'estd'abord les lésionsdes dents ;
l'échancrure
en coup
d'ongle,
encroissant qu'on rencontre presque exclu¬
sivement sur les deux incisives médianes
supérieures
:c'est
une échancrure semi-lunaire occupant
le bord inférieur de
la dent. Cette échancrure tend à
disparaître
avecl'âge, à
cause de l'usurede la dent. On en trouve
rarement les vesti¬
ges
après vingt-cinq
ans.Ensecond lieu, c'est la dureté
de l'ouïe et la surdité qu'on
retrouve presque
toujours dans la syphilis héréditaire.
Un autre signe non moins
important, est la polyléthalité
des enfants issus de parents
syphilitiques. Les premiers sont
expulsésdans les premiers mois de la vie intra-utérine, et
cela à la moindre émotion, à la moindre
fatigue de la mère.
Puis la maladie laissevivre les enfants
quelques jours, quel¬
ques
semaines
;ils naissent alors avec des tares syphiliti¬
ques;
pemphigus, rhagades, etc. Ce sont des enfants petits,
chétifs, vidés : « Ils
s'éteignent plutôt qu'ils
nemeurent
»,a
dit Fournier.
Enfin à la sixième,
septième
ouhuitième
grossesse, unenfant naîtpourvivre,
mais souvent il est la proie des atta¬
ques
de la syphilis héréditaire infantile et tardive : kératite
interstitielle, rachitisme,
surdité, atrophie intellectuelle et
physique.Comme
pronostic,
nousconclurons qu'à intensité égale
dela maladie, celui de la
kératite acquise est plus favorable
que
celui de la kératite héréditaire. Toutefois, il est des cas
malheureux où la kératite acquise
prend des caractères
aussi graves
et aussi mauvais
queles plus désastreux parmi les kératites héréditaires. Plusieurs de ces cas malheu¬
reux ont été relevés par
Alexander, dans
saremarquable
étude :
Syphilis und Auge. Il
aobservé un malade chez qui
la
syphilis était manifestement en cause, et chez lequel la
kératite
parenchymateuse
aévolué si fâcheusement qu'elle
a eu pour
résultat la formation d'un staphylome cornéen,
avec pertecomplète de la vision. Symons aurait rapporté un
casdu même genre avec pertedes deuxyeux.Trousseau cite lecas d'un enfant de huit ansqui, infecté par sa nourrice, et parconséquent syphilitique acquis, eut une double kératite interstitielle des plus graves et des plus longues. Il serait tenté d'attribuer cettemalignité à la moindre résistance du jeune sujet, ou à celle desa membrane cornéenne si prédis¬
posée aux phlegmasies.
Nous rappellerons ici que cette kératite interstitielle ou
parenchymateuse diffuse ne doit pas être confondue avec d'autres formes de kératitesprofondes, et particulièrement les irido-kératites ponctuées où la lésion cornéenne est dif¬
fuse et les irido-kératites partielles. D'après Fournier, dans la kératite ponctuée syphilitique compliquée d'iritis, c'est l'iritis qui joue le rôle prépondérant. Les lésions cornéennes sont constituées par de petites tachesopalines, qui ontpour caractères d'être très bien limitées et de ressembler à des grains de semoule disséminés dans le champ cornéen. Cet aspect distingue suffisamment cette maladie de la kératite interstitielle, qui a pour caractèred'être diffuse. De plus, ces taches ne sont pas interstitielles et elles siègent sur la mem¬
brane deDescemet, ainsi que l'examen à l'aide de la loupe et del'éclairage oblique permet de le reconnaître. L'erreur avec des cas de cegenre ne pourrait être faite que s'ilexistait un
léger dépoli de la surface cornéenne, encore est-elle assez facile à éviter.
Pour la kératite interstitielle quecomplique ordinairement l'iritis et quidépend aussi de la syphilis,comme l'a établi Alexander, l'infiltration est limitée, localiséele plussouvent
en haut de la cornée, quelquefois en bas, et l'opacification
affecte ordinairement la forme d'un triangle. L'iritis qui l'accompagnesuffit à la caractériser, iritis qui n'est pas la règle dans la kératite diffuse, ou en tous cas n'y joue pas le principal rôle. Le seul signe qui permettrait de la confondre
avec la kératite interstitielle, c'est la vascularisation; mais l'iritis, qui estle symptôme prépondérant, permet de la dif-
— 18 —
férencier de la kératite
diffuse. Hock, Demarbaix, Sturgis
ont
publié des
casde
cegenre, et Alexander pense qu'il
s'agit de
troubles trophiques produits par une névrite dégé-
nérative des nerfsciliaires,
atteints
parl'inflammation de
l'iris et ducorps
ciliaire.
Il nous a paru
bon de signaler cette variété, que Panas
décritjustement
à part
sousle
nomde kératite interstitielle
circonscrite, car nombre
d'auteurs ont assimilé de pareils
cas à des cas de kératite
interstitielle diffuse dans la syphilis
acquise.
CHAPITRE III
De la Kératite interstitielle dans le Rhumatisme,
La cornée peut devenir le siège d'une inflammation sous l'influence du rhumatisme. Longtemps cette relation entre la kératite et le rhumatisme avaitéténiée par la plupart des auteurs. Les travaux de Mackensie en Angleterre, de Panas, Abadie et Parinaud en France, ont levé tous les doutes sur cette question, et ont montré dans leurs observations l'in¬
fluence bien nette du rhumatisme sur
l'apparition
de kéra¬tites interstitielles. Panas cite le cas d'une jeune fille, âgée de neufà dix ans, qui lui avait été adressée à l'Hôtel-Dieu par M. Mangolin, et qui présentait un type de kératite rhu¬
matismale des plus purs. Du côté des parents, aucune trace de syphilis; mais chez le père, des douleurs rhumatismales.
Pendant lecours dutraitement, qui dura plusieurssemaines, la petite fille fut prise d'arthrite avec épanchement abondant
d'un genou, puis de l'autre, gênant la marche et ayant nécessité un traitement de six semaines parl'iodure de po¬
tassium. M. Cabannes, dans la Gazette hebdomadaire des Sciences médicalesde Bordeaux, cite un cas analogue; nous
en reproduisons plus loin l'observation.
Abadie étudie la kératite parenchymateuse sous deux formes: interstitielle et ulcéreuse. Dans la forme intersti¬
tielle,on voit au début un léger trouble de la cornée don¬
nant l'aspect d'un verre dépoli. Examinée à l'éclairage oblique, elle est terne et offre dans son épaisseur quelques points grisâtres plus foncés: d'où l'aspect
granité
noté parle— 20 —
professeur Panas. L'opacité naît soit au centre, soit
à la
périphérie. Au bout de quelque temps, de petites taches plus foncées, d'un blanc sale, presquejaunâtre, se détachent.Les contours de la région infiltrée se fondent graduellementavec les zones voisines. A mesure que le mal progresse,
l'opacité augmente d'épaisseur et finit par masquer la
chambre antérieure, la pupilleet l'iris.
C'est dans la membrane de Bowman que
siège
le plus sou¬vent cette opacité. A l'éclairageoblique, la cornée présente des extoliations caractérisées par un piqueté. L'opacité peut être disséminée, la cornée offre alors un aspect comparé par Bérard à un ciel pommelé.
Après
l'apparition des opacitéscornéennes
il se produitune injection qui, le plus souvent, est légère. Cette injection débute par un cercle périkératique composé de vaisseaux très fins et très rouges. L'injection devient de plus en plus forte, et les vaisseaux envahissent de proche en proche le
tissu cornéen. Quelquefois ces vaisseaux sont si fins et si nombreux, qu'ils simulent un épanchement sanguin. Il est des cas où la vascularisation fait défaut, quand inopinément
elle apparaît. Elle est d'un bon augure, car elle vient activer
une résolution longtemps attendue. Les douleurs sont nulles
ou très légères; la photophobie peu marquée; l'œil estsen¬
sible à la pression; quanta la cornée, sasensibilité n'est pas émoussée.
La marche de la kératite interstitielle rhumatismale est très lente. Rarement les deux yeux sont pris enmême temps;
ce n'est que lorsque la maladie arrive à sa période de termi¬
naison sur un œil, qu'elle envahit la cornée du côté opposé.
Mais pour en arriver là, la kératite interstitielle demande plusieurs semaines et même plusieurs mois. Le pronostic est généralement favorable, bienqueles récidives soient fré¬
quentes. Cette variété de
kératite
rhumatismale ne suppure jamais.Dans la forme ulcéreuse, ce qui frappe d'abord, c'est une
injection périkératique intense, des
plus
vives, accompagnée— 21 —
de photophobie et de larmoiement très marqués, dedouleurs
de tête violentes,assez intenses pour empêcher le malade de dormir. L'ulcère, qui avait débuté par la couche épithéliale, attaque ensuite les lames superficielles de la cornée, s'étend
aux parties profondes, détruisant tous les éléments consti¬
tuants du tissu cornéen. L'ulcération a une forme en coup d'ongle, les bords en sont déchiquetés, abrupts. Le fond est occupé par un magma grisâtre, formé des débris du tissu détruit. Les ulcérations de la cornée affectent de préférence
comme siège les bords de cette membrane. Le champ pupil- laire reste libre.
Dans la période d'état, l'ulcération se déterge, les bords
sont moins déchiquetés,
l'épithélium
se reproduit; lacornée
redevient transparente en commençant par les parties les plus éloignées du foyer morbide, pour gagner peu à peu le foyer lui-même. En même temps les douleurs se calment, l'injection
périkératique
et la photophobie disparaissent.« Phénomènes réactionnels et ulcérationsguérissent rapide¬
ment parl'emploi du salicylate de soude »(Cabannes).
Dans les observations que nous reproduisons plus loin, la kératite est le fait dominant de la manifestation ocûlaire du rhumatisme. S'il existe un peu d'iritis ou de sclérite, elles passent tout à faitinaperçues. Il estdes cas, cependant,
où
la kératite est secondaire soit à une sclérite, soit à une irido-choroïdite. Dans le cassuivant, rapporté par Parinaud,
un cas de sclérite fut suivi d'une kératite interstitielletypi¬
que sur le même œil, chez une femme atteintede rhuma¬
tisme. Il s'agit d'une jeune femme de vingt ans. Cette malade, observée le 8 octobre 1883, présentait une sclérite de l'œil gauche avec injection violacée et tuméfaction du tissu épi- thélial entourant toute la cornée,qui était indemne ainsi que l'iris. Quelques taches exsudatives de la choroïde dans la région équatoriale avec légers flocons du corps vitré. On constatait, en outre, quelques points d'infiltration intersti¬
tielle du bord de la cornée; cette infiltration ne fit qu'aug¬
menter les jours qui suivirent. L'atropine, l'iodure de potas-
sium, les fumigations sèches
amenèrent
uneguérison
presque complète le 17
janvier 1884.
La sclérite, puis la kératite
survinrent
sousl'influence du
froid chez cette malade rhumatisante, qui a eu une
arthrite
du genoudroit et qui est sujette aux
douleurs articulaires,
principalement dansle coude droit. La mère
asouffert à
plusieurs reprises
d'attaques de rhumatisme articulaire.
Aucun soupçon
de syphilis héréditaire
ouacquise.
Dans le cas suivant, rapporté par
Boquin, la kératite
interstitielle fut consécutive à une irido-choroïdite. Il s'agit
d'un homme de quarante-sept ans,
arthritique et rhumati¬
sant,quia euà
plusieurs reprises des migraines, de la névral¬
gie
intercostale, etc. Il est
myopede 2
ou3 dioptries envi¬
ron. A droite, il présente un
staphylome postérieur et
un petitnéphélion résultat d'une ancienne kératite ulcéreuse.
Son œilgauche, le
meilleur, est depuis quelques jours atteint
d'un œdème marqué des
paupières,
avec rougeurde la
con¬jonctive.
Il existe
uneiritis plastique ep des flocons consi¬
dérables dans le vitré. La cornée, légèrement troublée, pré¬
sente unpointillé
à
sasurface postérieure. En
somme,il
s'agit d'une
aquo-capsulite rhumatismale. Au bout de quel¬
ques
jours, l'opacité cornéenne s'accuse de plus
enplus et
représente toutà fait l'aspect de la kératite interstitielle.
L'iodure de potassium
produisit
unsamélioration de
courte durée.
Les diverses autres observations que nous publions dans
notre travail permettent
de
seconvaincre de l'importance
qu'occupele rhumatisme articulaire (aigu, subaigu
ou chronique)dans l'étiologie de la kératite interstitielle. Voici
les conditions qui,
d'après M. Cabannes, permettent d'affir¬
mer, qu'une
kératite est d'origine rhumatismale
:a) tout
d'abord, l'absenced'antécédents de syphilis acquise
ouhéré¬
ditaire;b) la
coexistence
oul'alternance des troubles
ocu¬laires et d'autres accidents du rhumatisme; c)
l'influence
curatrice du traitementgénéral du
rhumatisme,
eten parti¬culier du salicylate
de soude,
surles phénomènes oculaires
— 23 —
et articulaires. Ces différentes conditions, se rencontrent d'une façon
suffisamment précise dans les diverses observa¬
tions que nous avons
étudiées, et surtout dans l'observation
personnelle que nousrelatons. Nous tenons à faire
remar¬quer spécialement
l'action rapidement effective des médica¬
tions dirigées contre le
rhumatisme
engénéral
:kératite
(surtoutulcéreuse)
etaccidents articulaires disparaissent
avec une grande rapidité sous
l'influence du salicylate de
soude ou de l'iodure de potassium.
Cette dernière condition,
activité du traitement employé sur les
phénomènes oculai¬
res etarticulaires, nous
paraît
depremier ordre,
carsi le
salicylate de soude(Fano)
peut,à la rigueur, améliorer et
mêmeguérir à la longue des
accidents oculaires qui n'ont
aucune relation avec le rhumatisme, il n'aura aucun effet appréciable sur
les accidents articulaires qui peuvent
coexisteravec certaines kératites interstitiellessyphilitiques
et tuberculeuses, dont ilspartagent la nature.
Les notions qui précèdent surles
relations du rhumatisme
avecla kératite interstitielle, vont nous permettre d'établir quelques
considérations générales
surla pathogénie de cette
curieuseaffection oculaire.Il semble résulter de l'étude atten¬
tive des diverses observations de kératite interstitielle, que cettemaladie estcommandée dans 'son apparition et dans
son évolution par deux conditions
pathogéniques de
pre¬mierordre :
a) rint^«©$<pe^ &) l'altération de l'état général. De
ces deux éléments, le second est de beaucoup le plus impor¬
tant.
a)
L'influence de l'infection
nedoit plus être mise
endoute.
Elle est nettement démontrée par la
pathologie humaine,
dans laquellenous voyons la
syphilis, la tuberculose, le rhu¬
matisme, etc., concourir tour à tour
à
ladétermination de la
kératite parenchymateuse, et
aussi
parla pathologie vétéri¬
naire; nousciterons sur ce
dernier point les observations
deWagenmann et Hennike, qui ont vu
la maladie clinique-
ment et histologiquement semblable
(un examende Wagen¬
mann) sévir
épidémiquement
surdes
ours,et les constata-
— 24 —
tion de Pflûger qui a étudié une épidémie de kératite paren-
chymateuse sur un troupeau de 30chèvres dont 6 seulement furent épargnées. La maladie, désignée communément sous le nom d'agalaxie infectieuse (fièvre mycotique rhumatis¬
male), commença par un arrêt de la sécrétion lactée, puis se montra une kératite diffuse et, une ou deux semaines après, les localisations articulaires firent leur apparition.
b)
La notion durôle
de l'infection est donc indubitable, mais une condition prime de beaucoup, à notre sens, l'im¬portance de
l'infection, c'est l'altération
de l'état général. On voit,en effet, la kératite parenehymateuse affecter de préfé¬rence des individus débilités, affaiblis, présentant des tares organiques héréditaires de la syphilis, delà tuberculose ou de toute autre affectien de longue durée ayant atteint les as¬
cendants. Les scrofuleux, les lymphatiques,les tuberculeux,
les rhumatisants, etc., sont les individus qui paientle tribut
habituel à la kératite interstitielle. Cetteprédominance de la maladie chez des gens affaiblis lui a valu le nom impropre,
à notre avis, de « kératite cachectique » (Panas), la lésion
cornéenne descachectiques étant plus exactement un trou¬
ble trophique, la kératomalacie,qu'une inflammation à pro¬
prement parler.
Ce qui prouve bien le rôle
prépondérant
de l'affaiblisse¬mentde l'individu, c'est que bien souvent la kératite ne se montreau coursdes infections que lorsquecelles-ci ontdéjà,
parleur
durée,
anémié etdébilitéceux qui en sont atteints ;onvoit dans la pathologie vétérinaire des faits analogues:
lesjeunes chiens, par exemple, font des kératites parenchy-
mateuses dans la convalescence de la maladie qu'ils font presque tous
à l'âge de six
ouhuit
mois.De pareilles kératites interstitielles peuvent survenir lors¬
qu'on prive
l'organisme de
certains organes indispensablesà la vieou qu'onen trouble les fonctions.
Gley et
Rochon-Duvignaud
ont vu sur des chiens thyroï-dectomisés se produire de l'opacité cornéenne. Cette altéra¬
tion a étéobservée sur trois chiens. Lepremierétaitunjeune
— 25
chien du poids de 9 kilogrammes, sur lequel avait été prati¬
quée, le 1er février 1893, l'extirpation de la glande thyroïde
avec conservation des glandules. Un moisenvironaprèsl'ex¬
tirpation des glandules, faite le 10 mai, il devint cachectique;
c'est le 8juilletque l'opacité cornéenne a été constatée sur l'œil droit; le 19 juillet, on note un léger trouble sur la cor¬
née du côté gauche; la cornée droite est complètement
opaque. Elle est restée sensible.
Dans la deuxième observation, il s'agit d'un chien d'âge moyen et du poids de 12 kilogrammes sur lequel l'ablation du corps thyroïde avait été faite d'abord, puis celle des glan¬
dules. L'animal vingt-six jours après la seconde opération, devint abruti, fut pris de vomissements et d'anorexie et mourut paralysé en six jours; l'opacitéde la cornée à droite était absolue ; sensibilité de la cornée conservée.
Le troisième cas concerne un petit chien du poids de 6 kilogrammes, adulte, qui fut thyroïdectomisé le 11 mars 1893. Le20 mars, il était pris de vomissements ; on constate aussi quelques secousses musculaires. Le 21, les secousses sont plus fortes; albumine dans les urines, traces de sucre ; la cornée, du côté gauche,est opaque; dans l'après-midi,con¬
tractions violentes de tous les muscles. Le mêmejour on lui fait une injection intra-péritonéale de liquide thyroïdien, après laquelle il se rétablît. Le 23, les accidents convulsifs reparaissent, ainsi que l'albumine dans les urines; sur l'œil droit on constate un peu d'opacité. Le 24, l'opacité des deux cornées estabsolue. La sensibilité est conservée quoique un peu diminuée peut-être. Le 27, examen
bactériologique
de la sérosité recueillie dans les culs-de-sac conjonctivaux: cette sérosité a donné des cultures presque pures de staphylococ-cus albus. L'animal meurt le20.
En 1894, à la Société de Biologie, M. Gley rapporte de nou¬
veau, avecM. Terson, un cas de kératite interstitielle surve¬
nue chez un chien diabétique à la suite de l'extirpation du pancréas. L'animal, depuis trois mois, éliminait de 70 à 110 grammesdeglycose par jour et avait énormément maigri,
Il s'agissait donc
d'un diabète très
grave.Il se produisit alors
une double kératite d'abord diffuse;
d'un côté l'opacité s'est
peu
à
peucentralisée et est devenue kératoconique, dépolie
par suite
de la chute de l'épithélium, sans véritable ulcéra¬
tion, et se laissant
déprimer
parle contact du stylet: de l'au¬
tre côté, les lésions ont
été moins marquées, il
nes'est
montré
qu'une nébulosité centrale. Les parties qu'abandon¬
nait peuà peu
l'opacité sont redevenues transparentes.
Gomme on le voit par ces
faits de pathologie expérimen¬
tale, la kératite
interstitielle trouve dans l'affaiblissement de
la constitution et dans une certaineusure
des forces le ter¬
rain leplus propre
à
sondéveloppement.
CHAPITRE IV
De la Kératite interstitielle dans la vie
génitale
de la femme.
De tout temps on a connu
l'influence qu'exerce l'ap¬
pareil génital sur
la femme. Hippocrate
enfaisait la
cause de toutes les maladies chez la femme : « Propter uterummulier tota morbus est. »
Nous ne serons pas aussi affirmatif
qu'Hippocrate, mais
nous reconnaissons que les accidents les
plus divers, et
en particulier ceuxqui
nousoccupent, peuvent être le résultat
des troubles survenus dans les organes génitaux de la
femme.
Cette période
génitale
vade la puberté à la ménopause.
Lors de la
première apparition des règles il n'est
pas rarede
voir des accidents survenir du côté de la cornée, sous forme de kératite interstitielle. De même, de pareils
phénomènes
apparaissent àchaque
époquemenstruelle. A
ce propos,nous citeronslecas rapportépar Kœnig.
Il s'agit d'une jeune
femme de vingt-cinq ans, qui,
pendant
un an etdemi,
a euà
chaqueépoque menstruelle des troubles de la vision, qui
se manifestaient le plus souvent sur unœil
etqui
setradui¬
saient par de
l'infiltration dans le parenchyme cornéen
(nous enreproduisons plus loin l'observation). Au
coursde
la grossesse, on a vu
également des kératites interstitielles
survenir, progresser malgré les
divers traitements institués
et ne cesser
qu'après l'accouchement.
«La
grossesse,dit
d'Aran, touche de très près à l'état morbide ».
Enfin
au mo-— 28 -
ment où la vie génitale va cesser, à la ménopause, les mêmes phénomènes se reproduisent.
Cette forme de kératiteprofondese différenciede la kératite interstitielle commune, qui est le plus souvent torpide, par
une inflammation plus vive, legonflementdes paupières, des
sécrétions catarrhales, et quelquefois de petites ulcérations
de l'épithélium cornéen, et par la
présence
de petites pustu¬les placées surla sclérotique.
Quelle est l'origine de cette kératite ? D'après Noblot, elle serait d'origine nerveuse.Lorsqueles règles vont apparaître,
tout l'appareil vasculaire de la matrice s'injecte d'une façon
inusitée. Ce phénomène se trouve placé sous la dépendance de l'ovulation, qui elle-même agitparactionréflexe. En même temps que ces phénomènes de congestion on voit s'éveiller dans l'organisme des sympathies nombreuses.Si la stimula¬
tion qui s'exerce sur les ramuscules nerveux de l'ovaire ne
produit plus parréflexe le flux sanguin dans l'utérus, ou s'il
se produit mal, cette stimulation sera déviée deson butphy¬
siologique, et agissant sur les nombreuses ramifications du plexus solaire, son action s'étendra au loin sur le tronc du sympathique. Comme les autres phénomènes sympathiques qui s'éveillent chez la femmesousl'influence des troubles de la menstruation, Noblot pense qu'on peut expliquer les lésions oculaires survenant dans les mêmes conditions par
un réflexe dont le point d'origine se trouvedans le plexus
nerveux utéro-ovarien et dont la voie de transmission serait le
système
nerveux ganglionnaire : cette action réflexe du grandsympathique agirait sur la couche de fibres circulai¬res des petits vaisseaux artériels.
Telle n'est pas notre
manière
de voir. Nous reconnaissons à cette kératite deux origines : l'une, peut être infectieuse, d'origine génitale; l'autre, d'ordre général, tenant souventau réveil d'une diathèse latente,sousl'influence de la menstrua¬tion oud'un trouble quelconque survenant dans les organes
génitaux.
La première cause est l'auto-infection. A l'état normal,
- 29 -
les cavités vaginale et utérine contiennent de nombreux micro-organismes. A l'occasion du flux sanguin, leur viru¬
lence estexaltée,et grâce à la desquamation épithéliale etàla dilatationvasculaire,ilspénètrent dans le sanget vont infec¬
ter l'organisme directement ou par leur toxine. Du côté des yeux, ils produisent entre autres lésions la kératite intersti¬
tielle diffuse.
Avecl'origine infectieuse, nous voyons l'origine diathési- que. Certaines diathèses, en particulier la scrofule etlelym- phatisme, semblent attendreune déchéance de l'organisme
pour provoquer des troubles du côté de l'organe visuel. Cet affaiblissement de l'organisme sera dû à l'apparition des menstrues, à la grossesse, à l'allaitementou à laménopause.
Des jeunes filles portant des tares héréditaires, n'ayant jamaiseu de manifestationsoculaires, les voient apparaître
à l'établissement des menstrues, le plus souvent sous forme de kératite interstitielle. Les cas de kératite interstitielle se
développentsousl'influence d'un état général spécial, il n'est donc pas étonnant de les voir paraître au moment où ce même état général, déjà souvent précaire auparavant, est devenu, par suite de ce travail de la puberté, encore moins satisfaisant.
En somme, nousvoyons des kératites interstitielles, déve¬
loppées
sousl'influence d'un mauvais état général provoquéou exagéré par des troubles survenant du côté des organes génitaux, rétrocéder une fois ces troubles terminés.