FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNEE 1901-1902 X" 50
LE
I ï il I ÏS1 1i
...Cœurs faux à force de faiblesse.
(Haraucourt).
THÈSB FOUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
présentée et soutenue publiquement le 17 Janvier 1902
Pierre-Albert-Marie RICHARD
Elève de l'Ecole principale du Service de santé de la Marine Né à Rouen (Seine-Inférieure), le 10 novembre 1875.
A10RACHE, professeur.... Président.
LAYET, professeur.... 1
RONDOT, agrégé .luges.
LE DANTEC, agrégé \
Le('au^idat répondra aux questions quilui serontfaites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
mprimerie y. cadoret
17, Ilce Poquelin-Molière, 17
(ANCIENNERUEMONTMÊJAN
1902
FACBIJIi DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE
BORUBM!
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES Doyenhonoraire.
PROFESSEURS
MM. MICÉ J
DUPUY Professeurshonoraires.
MuCSSOUS ! )
Cliniqueinterne.
Cliniqueexterne
Pathologieetthérapeu¬
tique générales Thérapeutique
Médecineopératoire...
Clinique d'accouchements
Anatomiepathologique
Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie Hygiène
SECTION 1)14
MM.
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE VERGELY.
AliNOZAN.
MASSE.
I.EFOUR.
COYNE.
CANNIEU.
VIAULT.
. JOLYET.
. LAYET.
AGRÉGÉS EN médecine (Patholog SABItAZÈS.
Le DANTEC.
HOBBS.
MM.
Médecinelégale MORACHR Physiquemédicale BERGONIE,
Chimie BLAREZ.
Histoire naturelle GUILLAUD,
Pharmacie FIGUIER.
Matière médicale deNABIAS.
Médecineexpérimentale. FERRE.
Clinique ophtalmologique BADAL.
Cliniquedes maladies chirurgicales
des enfants PIÉCHAÙD.
Cliniquegynécologique. BOURSIER.
Clinique médicale des
maladies des enfants. A.MOUSSOUS Chimiebiologique DKNIGES.
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EXERCICE :
•e interneetMédecine léyaie).
MM. MONGOUR.
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Pathologieexterne
section le chirurgie et accouchements MM.CHAVANNAZ.
BIIAQUEHAYE BEGOUIN.
. ,
, ( MM. FIEUX.
Accouchements aNDERODIAS.
Anatomie.
section des sciences anatomiques et physiologiques
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I Histoire naturelle BE1L
Chimie
section des sciences physiques
M. BKNECH. I Pharmacie M.DUPOUY.
COURS COMPLÉMENTAIRES :
Cliniquedesmaladiescutanéesetsyphilitiques MM. D vrigsoN
Cliniquedes maladies des voies urinaires
ViOTlRE
Maladies dularynx, desoreillesetdu liez
«FflS '
Maladies mentales
riFNUCÉ.
Pathologie externe
hoNDOT.
Pathologieinterne
UII'TX Accouchements
p,guQN Physiologie
pRINCETEAU.
Embryologie
lAGRANGK.
Ophtalmologie
parles.
Hydrologieetminéralogie . ,,
raNTEC.
Pathologieexotique *
-
Le Secrétaire delaFaculté: LEMA1KL-
jggTlièscs^
Pardélibérationdu 5 août1879, la Facultéaarrêtéqueles opinions émisesdans |el sont présentéesdoivent être considéréescomme propres à leursauteurs,et que e donnerni approbation ni improbation.
A monPrésident de Thèse,
Monsieur le Docteur G. MORAGHE
Professeur de Médecinelégaleà laFaculté de Médecine de Bordeaux, Commandeur de laLégiond'honneur,Officier de l'Instructionpublique, etc.,
Membrecorrespondant national del'Académiedemédecine.
M. leprofesseur Morachenous a donné
l'idée première de
ce travailetnous a fait le grand honneur d'accepter la présidencede notrethèse, qu'il noussoitpermis de luipayer
ici
notredette
dereconnaissance. Nous garderons toujours lemeilleur souvenir
du bienveillant accueil que ce maîtreéminent abien voulu nous faireet son enseignement restera notre guide dans la carrière
dontnousfranchissons aujourd'hui le seuil.
Noustémoignons ici notre gratitude aux maîtres qui, durant
nos années d'études,nousontprodigué leurs conseils etnous ont
soutenu de leurs lumières et de leur sympathie.
Nousremercions particulièrement MM. les professeurs Ferré
et Picot, M. le médecin-major Rouget, pour avoir souvent en¬
couragénos efforts et pour labienveillance qu'il a montré sans
cesseà notre égard; M. le médecin enchefChevallier, pour l'in¬
térêtqu'ilnous a témoignéet l'indulgenceavec laquelle il abien
voulutoujours nous accueillir.
Ilnous reste enfin le devoir d'assurerde notre entier dévoue¬
menttous ceux avec qui nous avons entretenu, durant trois ans, dexcellentes relations et de leur affirmer que nous emportons
deuxun souvenirineffaçable.
Bordeaux,décembre 1901.
L E
LAF
... Cœurs fauxàforce de faiblesse.
(Haratjcourt).
INTRODUCTION
L'hystérie,cevéritableprotéepathologiquesur lequeldevaient
enfin projeter la lumière les considérables travaux des neuro-
pathologistes contemporains et particulièrement de l'école de la
Salpêtrière,
n'estencore connuedans lepublic, et souvent môme dans le public éclairé, que par les conceptions erronées des aliénistesanciens.Pour un très
grand nombre de gens, hystérie est synonyme decorruption morale, de dévergondage, de perversité. Il arrive
quel'onregarde l'hystérie, dit M. le professeur Pitres, comme
((
l'expression
pathologique du tempérament érotique, comme la conséquenceet le châtimentdulibertinage des mœurs ». Leper¬sonnage du romande Zola (1) mettant dans le mot « hystérie »
(( toute la gaillardise bourgeoise d'une indécence, le sourire
Uppu
d'un père de famille dont l'imagination brusquement(hZola,Pothouille,page78.
— 12 -
lâchéese repalt de tableaux orgiaques », est le fidèleinterprète
du sentiment commun.
Depuis longtemps déjà., la science afaitjustice decette erreur née de la confusion de l'hystérie avec d'autres états mentaux
pathologiques (la nymphomanie, par exemple) et de la vieille hypothèse localisant dans les organes génitaux internesdela femme les prétendues lésions de cette névrose. Il n'enestpas moins vrai qu'en bien des cas encore le médecin n'osepaspro¬
noncer le mot d'hystérie, « comme s'ils'agissait là d'une maladie honteuse, comme si une fille vertueuse ne pouvaitêtrehystéri¬
que » (1).
L'hystérie est un caput mortuam dans lequel on entasse tout
ce quisemble étrange, toutce quenotreespritnepeutexpliquer.
C'est surtout lorsqu'il s'agit de malades mentaux que sedessine
cette tendance; qu'une malade étrange seprésente,une déséqui¬
librée quelconque, une débile plus ou moins coquette,uneéva¬
porée : c'est une hystérique, dit-on, et il semble qu'on ait tout
dit.
Nous ne nous attacherons pas à toute la série d'idéesfausses
autant que fantaisistes qui ont couru et qui courentencoresur l'état mental des hystériques, malgré les explications
réellement
scientifiques qui en ont été données en cesderniers temps;nousne retiendrons qu'un seul reproche, le plus grave parses con-
quences, celui auquel l'observation de tous lesjours donneune
valeur très nette et que corrobore l'autorité d'un grand
nombre
de traités classiques même récents : celui de mensonge.
« Il y a longtemps, dit Ch. Vibert (2), que l'on a
remarqué
» combien les hystériques étaient portés à faire des
récits faux,
» à inventer, souvent avec un grand luxe de détails,
des bis-
« toires ne reposant sur rien deréel etqui sont racontées cepen-
» dant avec une telle assurance et une telle précision,
qu'il faut
» parfois une enquête sérieuse pour en reconnaître
l'inexacti-
» tude ».
(1)Pitres,Leçonscliniquessurl'hystérieell'hypnotisme.
(2) Annales d'hygiène publiqueet de médecinelégale.
— 13 —
Pour Tardieu, un trait commun caractérise ces malades :
«C'est la simulation instinctive, le besoin invétéré etincessant
«dementir sans intérêt, sans objet, uniquement pour mentir ».
«L'hystérique mentdans la mortcommeellementdanstoutes
»les circonstancesde sa vie ». dit encore Taquet.
Enfin clansun manuel qui est entre les mains de tous les étu¬
diants,Dieulafoy appuie encore surcetteaccusation :«La femme
«hystérique, écrit-il, est exagérée en toute chose, volontiers
»ellesedonne en spectacle et pour se rendre intéressante elle
»imaginétoute sorte de simulations, elle est capable des actes
«les plus répugnants. Les hystériquessont souvent malicieuses,
«perverses, dissimulées, menteuses; certaines mententavec une
«ténacité et une effronterie inouïes; elles sèment partout la
«brouille et la discorde; elles ne saventqu'inventer pour qu'on
«s'occupe d'elles; ellesjettent le désespoir dans leur famille en
«annonçantqu'elles vont se tuer, alors qu'elles n'en ont aucune
«envie; elles s'accusent d'actesqu'elles n'ont pas commis; elles
«portentcontre autrui de fausses accusations de vol et de meur¬
tre, elles se disent victimes d'attentat et de viol et elles font
"traîner desinnocents devant les tribunaux, quand elles ne les
"ont pas fait monter sur le bûcher, comme ce malheureux
"Urbain Grandier que les Ursulines de Loudun accusaient de
»crimesimaginaires ».
Si tous cesauteurs sont d'accord surla réalité des mensonges des
hystériques,
on ne l'était pas moins autrefois sur la cause présumée de ces mensonges. Tout le monde se rattachait auxidées de Legrand du Saulle et, de nos jours encore, bien des
Sens,bien des médecins même,y sont restés fidèles.
beaucoup
de ces mensonges, onl'a notédepuis longtemps, neprocurent àleur auteur aucun bénéfice appréciable, on suppo¬
sâtdoncqu'enmentantles hystériques n'avaient d'autre mobile
fiuedechercher à se rendre intéressantes pardes aventuresplus
011moinsétranges, h jouer un rôle qui les mettait en évidence,
iiest
beaucoup
de médecins qui ont même fait de ce singulier 'Jcsoin d'attirer l'attention sur soi un des traits essentiels du caractèrehystérique.
Les études très attentivesfaitesdepuis sur ce sujetont montré que cette interprétation ne saurait être acceptée qu'aveclesplus
expresses réserves et que les prétendus mensonges deshystéri¬
ques ne méritent souventpas un telnom.
Parler contre la vérité n'est pas mentir; s'il en étaitainsi, qui
doncneserait pas menteur?Mais on peutcependantêtreendroit de soupçonner de mensonge celui qui parle contre la vérité,
surtout si son erreur est persistante et s'il se trompe dans des circonstances qui laissentcroire quec'estsciemment qu'il le fait.
Or, dans un premier chapitre, nous montrerons que la femme hystérique est portée à parler contre la vérité. Cette tendance s'est manifestée de façons très diverses et notamment par de
fausses accusations ayant parfois amené les plus déplorables
erreursjudiciaires.
Mais parler contre la vérité ne suffisant pas pour mentir, il n'y aura vraiment mensonge que si le sujet parle contre son
jugement. Il est loin d'en avoir toujours été ainsi pour leshys¬
tériques ; leurs mensonges ne sont souvent que des pseudo¬
mensonges s'expliquant par l'auto-suggestibilité, l'hétéro-sug- gestion, les troubles de la conscience et de la mémoire.
Cependant
l'hystérique
peut, comme toute autre femme et plus que toute autrefemme, mentir, parlercontre sonjugement;donc, après avoir étudié les pseudo-mensonges hystériques,
nous étudierons les véritables mensonges hystériques.
Enfin, après quelques considérations générales et
médico-
légales, nousdonnerons nos conclusions.CHAPITRE PREMIER
Leshystériques parlent-elles contre la vérité ?
Les auteurs dont, en 1882, Huchard résumait les idées sur l'état mental des hystériques, ceux dont les théories ont long¬
temps survécu dans l'esprit du public, des littérateurs et de beaucoup de médecins, s'appuyaient, on doit le dire, sur un nombre considérable d'observations.
Si l'onse contente d'enregistrer les faits, sansplus, ilestbien
évidentque de tout temps les hystériques n'ont fait qu'inventer
leshistoiresles plus étranges, qu'elles n'ont reculé devantau¬
cunedes conséquences de leurs simulations.
Suivantles époques et les circonstances, elles ont trompé la
clairvoyance
desjuges, les observations des savants etlafoi des peuples.Entretous les faits qu'on peut citer à ce sujet,nousferonsun choixdesplus caractéristiques et des plus probants, aussi bien
parmiceux qui appartiennent à d'autres âges que parmi ceux fui sontl'apanage denotre civilisation moderne.
Les mensonges hystériquesd'aujourd'huirevêtent,eneffet,un caractère tout différentde celui qu'ils possédaient autrefois.
-Jusqu'au
siècle dernier, où la religion n'avait pas encore déclinésasupériorité, où non seulement la foi, mais encore la
superstitionrégnaient sur beaucoup de consciences et particu¬
lièrement de consciences féminines, « on ne voyait guère les
à'uestourmentées que du combat des mauvais anges contre les
1)0ÛS>
les démons et les séraphins jouaient le grand rôle dansJ°us lesdélires » (1). Aussi les hystériques d'alors se rangent-
d)M.dePleury,Introductionàla médecine del'esprit,p.5.
— 16 —
elles,par leur état mental, en deux catégories : les mystiqueset les sorcières.
L'on a si bien considéré les mystiques comme de simples
menteuses que Legrand du Saulle, peu tendre pourles hysté¬
riques, ne se donne pas la peine d'insister sur leurcas, croyant
en avoir assez dit sur l'état mental de ces malades. Le seul mérite qu'il reconnaisseaux mystiques, c'est d'êtreinoffensives.
Certes, nousciterons avecbeaucoup de respect sainte Thérèse
que Charcot appelait « une femme de génie », mais enfin sa
réputation eût été aussi déplorable que celle de la première possédée venue si, au lieu de raconter les visites que lui fai¬
saient les habitants du ciel, elle eût dit avoir desrapportsavec le diable et, pour ceux qui font de la soif de notoriétélacause des mensongeshystériques, nul plusque Thérèsenesembleavoir
atteint son but. D'ailleurs, quoi qu'en ait dit sonhagiographe,le
R. P. Hahn, il est douteux qu'elle aitété simplementunehysté¬
rique extatique, une opinion toute récente admet dans soncas autant d'aliénation mentale que de névrose.
Hystériques étaient aussi sainte Angèle de Foligno, que
le
Christ aime et qu'il entretient longuement; Catherine de
Gênes
qui rédige des notes sur son voyage en purgatoire etCatherine
Emmerich qui voit se dérouler toute la Passion. Suivantle
mol
de ITuysmans lui-même : « Les mystiques sont des anémo-ner-
veux, les extatiques des hystériques mal nourris » (1).
D'ailleurs, même au point de vue canonique, les
visions, les
extases, les luttes contre le diable sont tout à fait accessoires.
Sainte Hildegarde dit notamment : « Grâce à Dieu,
je
nai jamais connu la faiblesse de l'extase ».Si des mystiques nous passons aux sorcières,
l'allure
géné¬rale de leur état mental change moins que le résultat
de leurs
dires, elles cessent d'être inoffensives, au moins pour
elles-
mêmes. L'auto-accusation, privilège de certaines
psychoses, es!
moinsfréquentequel'hétéro-accusationdansl'hystérie;
pourtant
elles portaient contre elles-mêmes la pire des
accusations, ces
(1) Huysmans,En Route.
— 17 —
malheureusesqui déclaraient être alléesau sabbaten ces siècles
oùladémonialité était le pire des crimes. Le talent d'observa¬
tion,lesouci de vérité, le soin scrupuleux à noter les moindres
détails dont firent preuve les inquisiteurs et les.juges du temps
ne peuvent manquer de frapper un esprit impartial et ne lui
laissentaucun doute sur la nature du mal dont étaient atteintes la pluralité des sorcières. L'interprétation des symptômes a
changé, mais le tableau clinique laissé par Pierre de Lancre ou parLaubardemontnous permet àcoup sûr de porterle diagnos¬
ticd'hystérie. Or ces hystériques trompaient leurs juges quand
elles disaient être la cause de la grêle ou de l'incendie des récoltes, de la mort d'animaux, d'enfants ou de voisins; quand
ellessevantaientd'avoir des rapports avecle diable.
Jeanne Herviller raconte (1) quelorsqu'elle eutatteint l'âge de
douzeans, sa mère la présenta au diable « lequel coucha avec elle
charnellement,
en la même sorte et manière que font les hommes avec les femmes, hormis que la semence était froide ».Unesorcière de Laon « condamnée à estre estranglée, puys
bruslée, confessa que Sathan avait sa compagnie ordinairement
etqu'elle sentait la semence froide ».
Jacques Sprenger et Paul Gril lard, « qui ont fait le procès à
uneinfinité de sorcières, déclarent que presque toutes avaient copulationcharnelle avec le diable ».
Maislevasselage de Sathan eut des effets encore plus som¬
bresetles
possédéesne secontentèrent pastoujours de s'accuser
elles seules. En bien des cas, la tendance devientplus marquée
etplus odieuse ; des malheureux paient de leur vie les divaga-
hons de malades bien définies, d'hystériques caractérisées.
Wsallons citer les
cas les plus typiques de pseudo-possession
diabolique
ayant abouti à de fausses accusations portéescontre desinnocents. Il est certain qu'elles ont tout l'air, ces soi-disant possédées, de poser pour la galerie ; elles ont l'air d'inventer des crimes dont elles sont leshéroïnes pour attirer sur elles
iattention.
Leur mensonge semble d'autant plus soigneusementBodin,Démonomaniedes sorciers.
Richard
2
— 18 —
combiné qu'il est collectif et, par conséquent, qu'il fait d'autant plus illusion. Elles n'ont reculé devantaucunedesconséquences
de leurs faux récits. On a pu les excuser, démontrer leur irres¬
ponsabilité, il n'en est pas moins vrai qu'elles inspirentpeude sympathie.
Observation I
Possession d'Aix.
Yersla fin de l'année 1603, les religieuses de Sainte-UrsuleàAix
devinrent laproie des esprits déchus. Deux d'entre elles: Madeleine de Mandol, fille dusieur de laPallud etLouiseCapeau,d'originerotu¬
rière, accusèrent le prêtre GaufTridi de les avoir ensorcelées, ledési¬
gnant comme le prêtre des magiciens d'Espagne, de France, d'An¬
gleterre etde Turquie. Le procès, au milieu des péripéties lesplus
émouvantes, fut conduit par l'inquisiteur Michaëlis et jugé parle parlementde Provence. Ileutle bûcherpourdénouement. Le30avril
1611, Louis GaufTridi futbrûlé vifà Aix sur la place desPrêcheurs
etses cendres, non encorerefroidies, lancées auvent.
Sur Madeleine de Mandol, on avait retrouvé lessymptômes delà
grande attaque avec les contorsions et les grands mouvements,
Dans l'intervalle des attaques, elle avait de la contracturede l'œso¬
phage, des troublesde lamotilité, etc. Les hallucinationsdiaboliques
et génésiques dont elle était atteinte furent le point de départ
de
l'accusation qu'elleporta contre GaufTridi.
Observation II
Possession de Loudun.
ALoudun, dès 1632, des signes de possession démoniaquesapP'1
raissent dansuncouventd'Ursulines.Ungrandnombrede
religieux
sontpossédées ou maléficiées. Lasupérieure, Madame de
Belciel, en
religion sœur Jeanne des Anges, était possédée par sept
démons,
c'étaient : Asmodée,leur chef, Isaacaron et Balaam
personnifiant h
- 19 —
luxure; Béhémoth, la paresse; Léviathan, l'orgueil; Grésil et Aman denature indéterminée. « Isaacaron, dit elle, qui ne me donnoyt quasi pas de relasche, tiroit un grand avantage de mes laschetez
pour me donner d'horribles tentations contre la chasteté. Il faisait
uneopération sur mon corps la plus furieuse et la plus estrange qu'on se puisse imaginer, ensuite il me persuada vivement que j'étoisgrossed'enfant, en sorte que je le croïois fermementetj en avaistousles signes qu'on en peut avoir. »
Malheureusementelle ne se borna pointà raconterles entreprises d'isaacaron sur sa personne et les apparitions de son bon ange revêtant la forme de François de Vendôme duc de Beaufort, mais elleprétendit de plus recevoir les visites nocturnes d'Urbain Gran- dier,ellel'accusade l'avoir ensorcelée, d'être l'instigateur des incur¬
sions démoniaques dans son couvent, d'avoir jeté des sorts àses
religieuses. Grandierportaplainte en calomnie devant l'archevêque
deBordeaux, Charles de Sourdis; cesage prélatcalma les esprits
et étouffa l'affaire. Mais à quelque temps de là, un émissaire du cardinaldeRichelieu, Laubardemont, étant venu à Loudun, l'accu¬
sation futrenouveléecontre lui. Grandier, qui,peutêtre, avait donné priseaux accusations par une vie peu réglée, fut déclaré coupabl
d'adultère, de sacrilège, de magie, de maléfices et de possession et condamné àêtre brûlé vif aprèsavoir été appliquéà latorture.
Onatrouvé chez Mme de Belciel et ses religieuses les symptômes
de1attaque etlesstigmateshystériques, notammentleszoneshysté- rogènes, qui étaient, pour elles, les endroits de leur corps où se
localisaientles démons et les maléfices.
11 estànoter que beaucoup de religieuses secontredirentpendant
1° procès. D'ailleurs les juges semblentavoir obéi en condamnant
Grandier,à des ordressecretsdeRichelieu; lespreuvesqu'on donnait
Ocsaculpabilité étaient souvent desplus futiles.
((11estbien curieux, dit P.Richer (1), que les raisons qu'on invo-
1ue à 1appui dela sincérité des dépositions des religieuses contre
Grandiersontjustement les mêmes que notre malade Gen., invoque dansunbut
semblable.
' cliniquessurlagrandehystérie,p. 817.
» La preuve, nousdit Gen., que les visites nocturnes de M. X„.
sont bien réelles, c'est qu'aussitôt queje le vois dans lajournée,je deviens pâle etsuis prise de tremblement. Tout le monde peutdire l'émotion que saseulevue me cause ».
Observation III Possession de Louviers.
A Louviers, les premiers signes de la possession sedéclarenten 1642parmi les religieusesdumonastère de Saint-Louis. Pendant six
ans, les possédées furent exorcisées dans le butde découvrir lessor¬
ciers, auteurs de la possession. Les démons désignèrent le Père Picard, directeur spirituel de la communauté; Thomas Bouillé,curé
au Mesnil-JourdanetMadeleineBavent, qui, toutenaccusantlesdeux prêtres, s'avoua coupable des plus grandscrimesde démonialité.Le
procès eutpour conclusion le bûcher pour Bouillé, la prisonperpé¬
tuelle pourMadeleine Bavent.
Ce que l'on pourrait appeler les symptômes
religieux de
1 hystérie sontloin d'avoir disparu à notre époque. Les
exemples
en sont encore nombreux, nous pourrions notamment
citer les
épidémies de possession de Morzines (1861), de
Verzegnis
(Frioul, 1870), de Pleidran (1881), de Jaca (1881), et
le
cas trop célèbre de Bernadette. Cependant il faut bien avouerque1hystérie s'est laïcisée, qu'elle a, en quelque sorte,
cessée!être
du ressort de la juridiction ecclésiastique pour
devenir de droit
commun. Nous retrouvons d'ailleurs souvent les
hystériques
devant les tribunaux soit comme accusées, soit comme accusa¬
triceset souvent même comme fausses accusatrices.
Observation IV Legrand du Saulle
MarieV..., 23 ans. Ayant eu de fréquentesattaques
d'hystérie, de
somnambulisme, de visions ascétiques, vienttomberune
après-midi'
dansunétatapparentd'évanouissement, àquelquespas de la maison
desononcle et sur le bord d'un chemin très fréquenté. Elle a les mains attachées, elle est bâillonnée avec son propre mouchoir et portesurle corpsde nombreuses incisions régulières. Elle raconte qu'elleaété attaquée par quatre jeunes gens qui lui ont fait des propositions qu'elle a repoussées. Alors ils l'ont bâillonnée, lui ont lié les bras et ont inutilement tenté de la violer. De dépit, ils lui ont fait des incisions multiplessurla figure, les bras et lapoitrine; et,
comme elle résistait, ils lui ontdonné des coups de poing et des
coupsde pied.
L'instruction démontra que cette aventure avait été imaginéepar laprétendue victime.
Observation Y Legrand du Saulle.
En1873, M"e A. de M..., 18ans, dans unmémoireadressé aupro¬
cureurgénéral, déclare avoir été victime d'un grand nombre de viols commis sur sa personne par des prêtres et accuse sa cousine de lavoir livréeà eux.
Les accuséscomparurent en cour d'assises; l'impossibilité maté¬
rielle desfaits futdémontrée; d'accusatrice Mlle de M... devint accu¬
sée.Les médecins Eslor etCavalier, de Montpellier, constatèrent des antécédents nerveux héréditaires, des troubles hystériques et la reconnurentvierge. Sur le rapportdesexperts,elle fut acquittée.
Observation YI AffaireSagrera.
MraeSagrera,riche Espagnole, 40 ans,ayant eudesattaques d'hys-
leiio
COnvulsive, porte contre son mari, ses deux beaux-frères et tr°ismédecinslesplus criminelles accusations.Ces six hommessont
c°ndamnéslesuns àdix-huit, les autres à vingt ans de prison. La
Pe'nefutcommuéeen celle de l'exil.
^oiseau, Legrand du Saulle et Biergede Boismont démontrent
l'inanité dos accusations etconcluent à l'état de folie hystériquede l'accusatrice. Les condamnés furent graciés etréhabilités.
Observation VII
VlBERT
Il y a quelques années, une jeune fille qui se trouvait dans un train de chemin de fer de ceinture à Paris saute d'un wagonàune
station, déclare qu'un homme vient de tenter de la violer et, n'y ayantpasréussi, l'a frappée d'un coup de couteauavantde s'enfuir;
elle porte en effet une blessure àlapoitrine. On recherchele coupa¬
ble qui reste introuvable.
Observation VIII
VlBERT
X..., âgée de28 ans, estdomestique chez une dame Z. Unmatin
cettedame sort pour faire une course dans le voisinageenpréve¬
nant sa bonne qu'elle s'absente seulement pour unedemi-heure.
Elle rentre en effet aumoment fixé, mais elle trouve la portedeson appartement ouverte et dans l'antichambrela bonneétendue àterre, bâillonnée, la figure et les mains ensanglantées. Cette fille raconte qu'en entrant dans la chambre à coucher, elle a trouvé unhomme
dont elle donne le signalement, occupé à fouiller dans l'armoireà
glace; cet homme s'est jeté sur elle, l'a terrassée, bâillonnée, puisa disparu.
Dès le premier abord, quelques circonstances ont fait suspecter
l'exactitude de ce récit. C'est ainsi que si la fille X. saignait dunez
et si elle avait à la main une dizaine de profondes égratignures,
le
linge qui bâillonnait la prétendue victime ne tenait dansla
bouche
que parce qu'il était serréavec les dents; il n'était pas attachéet ne
portaitpas detracesde nœud.
En outre, le commissaire de policeavait remarquéquele
désordie
quirégnait dansla chambre à coucher
était
assezrégulier;
tousles
siègessansexception et tous lesmeubles maniables étaientrenver¬
sés la tête en bas, mais en conservant à peu près leurs places respectives. D'ailleurs il fut bientôt prouvé qu'un malfaiteur n'avait
pupénétrerdans l'appartement, la conciergeavait nettoyé l'escalier
danslapartie située au-dessous du logement de cette dame et elle
n'avaitvupasseraucune personne inconnue.
Vers la fin de la journée et comprenant la portée des objections qui lui était faites, elle déclara quelascène qu'elle avait décrite n'a¬
vait pasdûse produire et qu'elle ne s'en souvenait pas.
Observation VII Affaire de la Roncière.
En1834, legénéralbaron de M..., commandant en chef de l'école
de Saumur, habitait cette ville avec sa famille composée de sa femmeencorejeune etbelle et de deux enfants: un garçon et une filleâgéede16 ans, Marie.
Parmi les officiers de l'école qui assistaient aux réceptions de
l'hôtelde M..., se trouvaitun lieutenant de lanciers, âgé de 30 ans,
Emile-Clémentde laRoncière, filsd'un lieutenant général et que des incartadesdejeunesse avaientbrouillé avec safamille. Marie de M...
seplaignitunjour à sesparents quele jeune lieutenant, placé à côté
d'elle cà dîner, lui eût tenu des propos inconvenants. Depuis déjà quelque temps une pluie de lettres anonymes tombait dans l'hôtel;
°n entrouvait dans tous lescoins, il en arrivait par laposte... Les
unes contenaient des déclarations d'amour pour Mme de M..., les
autresdesoutrages ou des menaces pour sa fille. Bientôt il en vint
designéesavec desinitialessi transparentes (E. de laR.)que Mmede
M—avertitson mari.
Lelieutenantdela Roncière s'étantprésenté àune soirée del'hôtel
dpM...futsommé
parle généralde n'y plus revenir.
«Deuxjours après, le 3septembre 1834, il était environdeux heures
dumatin,la jeune fille étaitdepuis longtemps endormie,quand, tout àcouP,unbruitde (vitres qui se brisent vint l'éveiller. Ecartant ses
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rideaux, elle voit- àla clarté de lalune un bras passer parlecarreau
cassé et lever la poignée de l'espagnolette de sa fenêtre, puis un homme pénétrer dans sa chambre et se diriger rapidementversla porte communiquantavecla chambre de sa gouvernante.
»A cette vue, par un mouvement promptcomme la pensée, Marie
se précipite à bas de son lit et cherche à se faire un rempartd'une chaise derrière laquelle elle se place. Elle peut alors examiner l'homme qui vient de s'introduirechez elle. Il est de tailleordinaire, vêtu d'une capote de drap, coiffé d'un bonnet de police en drap
rouge et qui paraît àlajeune fille avoir pour ornement un galon d'argent. Autour du col, il a une vaste cravate noire quicacheles
oreilles.
» L'homme lacouvrant d'un regard effrayant, lui dit: Je vaisou je viensme venger. En même temps, ilse jettesur elle etlui arrache violemment la chaise àlaquelle elle se cramponnaitconvulsivement.
Alors il saisit lajeune fillepar les épaules, la terrasse et lui arrache
sa camisolede nuit, puis luipasse un mouchoir autourdu couetla
serre de manière à nelaisser àsa victime que la faculté depousser de faibles gémissements; ensuite il lui étreint le corps dans une corde, etil met ses pieds sur les jambes de la malheureuse enfant.
» Quand il l'a ainsi garottée, ilse penche sur elle et luiporte des
coups violents sur la poitrine et sur les bras; il la mordau poignet
droit. Et tout enfrappant et en mordant, il dit qu'il veutsevenger
de ce qui lui est arrivé chez M. de M... deux jours auparavant.A
mesure qu'il parle, son exaspération va croissant, et il redoubleses coups : « Depuisqueje vous connais, poursuit-il, y a quelquechose
en vous qui m'a donné le désir de vous faire du mal ».
» Aces mots, la rage du forcené ne connaît plus de bornes. Hsai¬
sit un instrument que la jeune fille ne peutvoir, mais qu'elle croit
être un couteau, et lui en porte deux coups surlesjambes; dautre»
coups surle corpsoccasionnentdes contusions graves.Jusque-là,
le
saisissementa laissé M"e de M... sans voix; l'excès de la douleurlui
rendant desforces, ellepousse des cris qui parviennent aux
oreilles
de sa gouvernante.
» Jusque là, la gouvernante n'avait rien entendu, si ce n'est
les
gémissements que pousse habituellementl'hystérique en