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Article pp.11-23 du Vol.5 n°1 (2013)

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doi:10.3166/r2ie.5.11-23 © 2013 Lavoisier SAS. Tous droits réservés

Brevets et végétaux : quels enjeux ?

Par Rose-Marie Borges

Maître de conférences en droit privé Centre Michel de l’Hospital École Universitaire de Management,

26 avenue Léon Blum, TSA 20273, 63000 Clermont-Ferrand r-marie.borges@udamail.fr

Résumé

Le brevet sur le vivant a pris une importance considérable depuis les années 80. Dans le do- maine végétal, il est entré en concurrence avec le COV, bien que la protection conférée par ces deux titres soit fondamentalement différente.

La reconnaissance de la brevetabilité des gènes, quelle que soit leur nature (humaine, animale ou végétale), est à l’origine de l’essor des brevets biotechnologiques. L’appréciation extensive de la notion d’invention qui est faite par les offices de brevet conduit parfois à protéger ce qui ne devrait pas l’être. Le rôle du brevet comme vecteur de connaissance tend à devenir margi- nal au profit d’une appropriation des connaissances. Une telle évolution n’est pas sans risque et peut constituer un frein important à l’innovation. © 2013 Lavoisier SAS. All rights reserved

Mots clés : brevets, certificat d’obtention végétale, biotechnologie, végétaux, gènes, innovation.

Abstract

Plants and patents: what stakes? The patenting of living organisms has become in- creasingly important since the 80s.

For plants, patent is in competition with the Plant Variety Protection Certificate, although the protection provided by these two IP titles is fundamentally different.

The admissibility of the genes patentability, regardless of their nature (human, animal or plant), has led to the development of biotechnology patents. The broad interpreta- tion of the invention notion made by the patent offices sometimes leads to protect what should not be. The purpose of patents as a knowledge conveyor is becoming marginal, and becomes a knowledge appropriation means. Such a development could run the risk to create a major obstacle to innovation. © 2013 Lavoisier SAS. All rights reserved

Keywords: patents, plant variety protection, biotechnology, plants, genes, innovation.

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Introduction

D’aucuns considèrent que les biotechnologies représentent la « seconde grande révolution technologique de l’histoire » (Rifkin, 1998). Les brevets sur le vivant représentent une étape capitale de l’évolution des systèmes de brevet mis en place à la fin du XVIIe siècle pour favoriser l’innovation. La loi du 7 janvier 1791 a, pour la première fois, conféré à l’inventeur un droit exclusif sur les inventions totalement ou simplement nouvelles en France et ce, pour une durée de 15 ans. Ce texte, tout comme celui voté aux États-Unis un an plus tôt, met en place un véritable contrat social entre l’État et l’inventeur : le brevet délivré par l’État confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation temporaire ; en contrepartie, l’inventeur s’engage à rendre l’invention publique grâce à une description sincère et complète. Ce contrat permettait ainsi à la société de profiter des avancées techniques grâce à l’exploitation de l’invention et à la diffusion des connaissances, tout en permettant au titulaire du brevet de bénéficier d’un retour sur investissement. Le législateur de 1791 n’a pas éprouvé la nécessité d’exclure expressément le vivant du domaine de la brevetabilité tant cette exclusion allait de soi. Les animaux et les plantes étaient tacitement écartés du champ d’application de la loi, leur nature même empêchant d’en concevoir l’appropriation. Il était en effet généralement admis qu’il existait deux sortes de choses : les choses inanimées et les choses animées que sont les êtres vivants. Les premières pouvaient subir l’intervention de l’homme et, de ce fait, être appropriées via un droit de propriété industrielle. Les secondes étaient exclues de la propriété en raison de leur caractère sacré. Le brevet tel qu’il était envisagé alors représentait un moyen de stimuler la concurrence entre inventeurs et, ainsi, de contribuer au progrès technique. La concentration de l’industrie à l’aube du XXe siècle a petit à petit remplacé le

« brevet-concurrence » par un « brevet-monopole » (Berlan, 2005) dont l’objectif est de limiter au maximum la concurrence sur le secteur concerné. L’évolution du rôle du brevet s’est accompagnée d’une extension du domaine de celui-ci. L’exclusion du vivant de la brevetabilité a connu une véritable remise en cause lors de l’adoption, aux États-Unis, du Plant Patent Act le 13 mai 1930. Ce texte autorise le dépôt de brevet pour les « variétés de plantes distinctes » et « nouvelles », autres que celles trouvées à l’état sauvage, qui ont été

« découvertes » ou « inventées » et reproduites de manière asexuée. Le Plant Patent Act, distinct de la loi générale sur les brevets, va principalement bénéficier à l’horticulture et l’arboriculture fruitière. Le processus reconnaissant la brevetabilité au domaine du vivant ne cessera plus. Le 2 décembre 1961 est signée à Paris la Convention UPOV (Union pour la Protection des Obtentions Végétales) permettant de protéger les variétés végétales, quel que soit leur mode de reproduction. La Convention crée le COV (Certificat d’Obtention Végétale), accordant à l’obtenteur d’une nouvelle variété l’exclusivité sur la multiplication et la vente de celle-ci pendant 20 ou 25 ans selon les espèces. Le 24 décembre 1970 est adopté le Plant Variety Protection Act permettant de protéger les plantes reproduites de façon sexuée ainsi que leurs graines. Ce texte met en place le Certificate of Protection, équivalent du COV, qui va essentiellement concerner les végétaux alimentaires.

Jusqu’au début des années 80, la frontière entre le brevet et le COV était clairement définie, ne serait-ce qu’en raison des conditions de protection, très différentes selon le titre revendiqué. La place sans cesse croissante du brevet dans le domaine végétal est la conséquence indirecte de la décision rendue par la Cour suprême américaine dans l’affaire

« Diamond v/Chakrabarty ». Ananda Chakrabarty, pour le compte de General Electric,

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avait déposé une demande de brevet portant sur une bactérie capable de dégrader les hydrocarbures. L’office américain des brevets avait accepté la demande concernant le procédé de manipulation de la bactérie mais avait refusé le brevet à la bactérie elle-même au motif que les produits de la nature ne pouvaient être brevetés. Le 16 juin 1980, la Cour suprême a finalement accepté le brevet portant sur la bactérie per se, précisant que ladite bactérie présentait des caractéristiques différentes de celles que l’on peut trouver dans la nature. Cette décision affirme également la brevetabilité de « tout ce qui, sous le soleil, est fait par l›homme ». Dès 1981, l’Office européen des brevets modifie ses principes et admet la brevetabilité des micro-organismes. Le vivant devient brevetable dès lors qu’il nécessite l’intervention de l’homme pour être mis en évidence. L’inclusion du végétal dans le domaine du brevet et donc du privé est l’un des exemples du mouvement plus général de l’intégration du vivant dans l’économique (Passet, 1996). Paradoxalement, le recours aux brevets en biotechnologie végétale, tout comme en biotechnologie médicale est aujourd’hui remis en cause en raison des effets pervers qu’il peut engendrer.

1. Le végétal : de l’exclusion à l’intégration dans le champ du brevet

Le nombre de demandes de brevets dans le monde est passé de 800 000 au début des années 80 à 1,8 million en 20091. Les demandes portant sur des inventions biotechnolo- giques ont, quant à elles, crû d’environ 57 % entre 2000 et 2009, soit environ 10 % de plus que le nombre de demandes portant sur les technologies informatiques, lesquelles ont cependant connu un essor considérable. Parmi les demandes de brevets biotechnologiques, celles portant sur des végétaux sont également en forte augmentation. L’accroissement du nombre de brevets biotechnologiques demandés et délivrés s’explique en grande partie par la reconnaissance de la brevetabilité du gène ou de séquences de gènes. La protection reconnue aux végétaux par le brevet pose des questions d’articulation entre le brevet et le COV, dont les objectifs sont fondamentalement différents.

1.1. La brevetabilité de la séquence génétique végétale

Si le brevet a longtemps été exclu du domaine du vivant, il lui a peu à peu été étendu grâce au rapprochement opéré entre les molécules d’ADN et les molécules chimiques. Les dépo- sants ont mis l’accent sur le fait qu’une séquence d’ADN équivaudrait à la formule chimique d’un produit. Les gènes ou les fragments de gènes sont alors traités comme des molécules chimiques et sont donc brevetables au même titre qu’un composé chimique classique. Une fois admis son caractère brevetable, la séquence génétique a été définie par référence à l’opération consistant à isoler le gène de son environnement naturel et à le reproduire par un procédé technique. La polémique suscitée par l’application du brevet aux séquences génétiques tient essentiellement au fait que ces gènes constituent des supports d’information contrôlant des activités biologiques essentielles, qu’elles soient humaines, animales ou végétales, qui seraient insusceptibles d’appropriation. L’assimilation de la molécule d’ADN à une molécule chimique a cependant été entérinée par la directive européenne 98/44 sur la protection des inventions

1 OMPI 2011, Rapport sur la propriété intellectuelle dans le monde : le nouveau visage de l’innovation

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biotechnologiques2 (Directive Biotech). L’article 3 de ce texte confère la brevetabilité à une matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l’aide d’un procédé technique même lorsqu’elle préexistait à l’état naturel. L’application du brevet au gène est également admise tacitement par l’article 52 de la convention sur le brevet européen, qui dispose que « les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle ». Quant à l’accord sur les droits de propriété industrielle qui touchent au commerce (ADPIC), il a repris ce principe à l’article 27.3 en lui conférant le caractère international propre à l’Organisation mondiale du commerce.

Le domaine végétal ne pouvait qu’être concerné par la brevetabilité des gènes en raison notamment des techniques de génie génétique de plus en plus utilisées dans la sélection végétale. Ainsi, en septembre 1985, l’office américain des brevets (USPTO) a octroyé un brevet classique au premier maïs OGM, en application de la jurisprudence Chakrabarty3. Cette décision permettra ensuite à nombre de plantes OGM de se voir reconnaître une protection au titre du brevet plutôt que du COV, bien qu’elles puissent également, dans certains cas, être reconnues comme des variétés nouvelles.

1.2. Le cumul du COV et du brevet

La protection du végétal par un système sui generis tel que le COV n’exclut pas l’applica- tion du droit des brevets à ce domaine. Certains végétaux, transgéniques notamment, peuvent prétendre à une double protection : par le COV si l’on veut protéger la variété nouvelle ; par le brevet si l’on veut protéger le procédé d’obtention ou un nouveau trait génétique. Le cumul de ces deux protections permet aux entreprises de bénéficier des avantages de l’une et de l’autre mais le COV et le brevet diffèrent quant à la philosophie générale qui sous-tend ces deux titres. Le certificat d’obtention végétale (COV) protège uniquement les variétés nouvelles de plantes et non leurs procédés d’obtention. Le COV ne porte pas sur un génotype mais sur un phénotype. Il ne protège pas l’information génétique en elle-même mais la combinaison de gènes spécifique aboutissant à la nouvelle variété (Claeys, 2001). Le COV garantit ainsi un libre accès aux ressources variétales faisant l’objet de la protection, tant pour les concurrents de l’obtenteur que pour les agriculteurs, bien que le « privilège de l’agriculteur » ait fait l’objet de restrictions dans la version de 1991. Le COV se distingue essentiellement du brevet par le domaine de la protection et les exceptions prévues aux droits de l’obtenteur. Si dans sa version de 1978, la convention UPOV excluait la possibilité de protéger une plante à la fois par un COV et par un brevet, l’interdiction de la double protection a été levée lors de la révision de 1991, dès lors que les conditions pour bénéficier des deux titres sont cumulativement réunies.

Seuls les variétés végétales et les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végé- taux ne peuvent être brevetés, ainsi que le rappelle l’accord sur les ADPIC (article 27.3b), la CBE (article 53) et la directive Biotech (article 4). Cependant, ne sont considérés comme des procédés essentiellement biologiques que les procédés de sélection et de croisement

2 Directive 98/44 CE du Parlement et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, JOCE L 213, 30 juillet 1998 p. 13

3 Les OGM sont des organismes dont on a modifié le génome par des modes de reproduction ou de recombinaison qui ne sont pas naturels

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traditionnels, à l’exception des procédés d’obtention de végétaux par génie génétique (OEB, Brocoli, 2010). Le génie génétique permet notamment d’obtenir des plantes résistantes à certains insectes, à certaines maladies ou à la sécheresse, ou simplement d’en améliorer le rendement. Les inventions portant sur des végétaux sont brevetables, même si elles englobent des variétés végétales, dès lors que les revendications ne se limitent pas à une seule variété végétale (OEB, Novartis II, 1999). C’est l’option qui a d’ailleurs été retenue par l’article 4.2 de la directive Biotech. De telles créations peuvent tout à fait relever du régime du brevet dès lors que le végétal dont il s’agit, présente un caractère de nouveauté, notamment par la technique utilisée, que la méthode mise en œuvre fait état d’une activité inventive et que l’invention que constitue le végétal est susceptible d’application industrielle, dans l’agriculture en particulier.

La protection par le COV permettra à son titulaire de bénéficier du droit exclusif sur la multiplication et la commercialisation de la nouvelle variété, qui est généralement le fruit du travail opéré sur une variété classique. Or, si l’on observe les variétés transgé- niques, on remarque que leurs obtenteurs sont généralement différents des obtenteurs de la variété classique. La plante génétiquement modifiée représentera souvent une variété principalement dérivée de la variété classique et sera soumise à l’autorisation de l’obtenteur originaire pour pouvoir être exploitée. Le brevet quant à lui permettra de bénéficier d’une protection sur le gène lui-même ou un trait génétique. Le titulaire du brevet pourra alors interdire l’utilisation de la plante transgénique sans son autorisation, y compris à des fins expérimentales. Si la variété est librement accessible, le gène ne l’est pas. Le brevet et le COV réunis permettront à leur titulaire de bénéficier d’une protection totale sur le procédé d’obtention, le trait génétique et la plante elle-même. Cette protection est d’autant plus étendue lorsque le brevet porte sur un procédé puisque l’article 64 (2) CBE dispose que « si l’objet du brevet européen porte sur un procédé, les droits conférés par ce brevet s’étendent aux produits obtenus directement par ce procédé ». Le brevet protège donc indirectement toutes les plantes et les semences obtenues grâce audit procédé.

Le cumul des deux titres présente un intérêt stratégique pour les entreprises car il assure un retour sur investissement beaucoup plus rapide que le simple COV. De plus, la détention de brevets offre aux entreprises la possibilité de lever plus facilement les fonds nécessaires à leur développement, le brevet faisant office de garantie pour les investisseurs potentiels.

Cet état de fait a pu faire dire à certains que « les gènes constituent l’or vert du nouveau siècle et ceux qui contrôleront les ressources génétiques de la planète seront en mesure d’exercer un immense pouvoir sur l’économie mondiale » (Rifkin, 1998).

La protection du végétal par le brevet, outre les débats éthiques qu’elle peut susciter, soulève aujourd’hui des questions quant à son opportunité économique et sociale. Ces ques- tionnements de plus en plus prégnants trouvent leur origine dans la fonction même du brevet.

2. La remise en cause du brevet sur le végétal

Le principal argument en faveur de la brevetabilité des gènes, qu’ils soient humains ou végétaux, est d’ordre économique. Les entreprises intervenant dans le domaine des biotech- nologies investissent en effet des sommes considérables dans la recherche-développement, sans aucune garantie de résultat. Le brevet constitue alors un moyen de rémunérer l’inno- vation lorsque les recherches ont abouti. L’octroi de brevets sur les plantes est cependant

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souvent la conséquence d’une confusion entre découverte et invention, pourtant à l’origine de l’existence même du brevet. La disparition des frontières entre les deux notions conduit les offices de brevet à protéger ce qui ne devrait pas l’être, créant ainsi un environnement parfois considéré comme un frein à l’innovation.

2.1. Conséquences de l’appréciation extensive de la notion d’invention

Un brevet n’est accordé, quel que soit le texte auquel on se réfère, qu’aux inventions, à l’exclusion des découvertes. « La découverte se distingue de l’invention en ce qu’elle est la perception par voie d’observation d’un phénomène naturel préexistant à toute intervention de l’homme, alors que l’invention se caractérise en ce qu’elle est la coordination volontaire par l’homme de moyens matériels » (Mousseron, 1984). La découverte ne représente que la mise au jour d’éléments auparavant ignorés. L’invention quant à elle, constitue une solution technique à un problème technique. La découverte peut être à l’origine d’une invention mais ne peut lui être assimilée, même lorsqu’elle est faite grâce à des techniques innovantes.

La distinction entre invention et découverte est à l’origine de l’exclusion des « procédés essentiellement biologiques d’obtention des végétaux » du domaine du brevet. Cette notion a soulevé bien des interrogations quant à ce qu’il fallait comprendre par « procédés essen- tiellement biologiques ». En particulier, un procédé de sélection et de croisement utilisant des marqueurs moléculaires constitue-t-il une invention brevetable ou un procédé essen- tiellement biologique non brevetable ? C’est la question à laquelle la grande chambre des recours de l’OEB a répondu le 9 décembre 2010 dans l’affaire « Brocoli »4. Cette décision particulièrement importante a non seulement délimité le brevetable du non brevetable en matière d’obtention de végétaux, mais elle peut également être comprise comme une remise en cause de la brevetabilité des gènes en tant que tels5. La société Plant Bioscience Ltd revendiquait un procédé d’obtention de choux brocoli qui permet d’augmenter la teneur, dans ces choux, de certains glucosinolates, substances qui auraient des propriétés anti car- cinogènes. Ce procédé se décompose en quatre étapes principales consistant à croiser des espèces sauvages de brocoli puis à sélectionner, au moyen de marqueurs moléculaires, les hybrides présentant les teneurs les plus élevées en glucosinolates. Le demandeur du brevet considérait qu’une interprétation restrictive de la règle 26 (5) CBE 2000 était nécessaire et conduisait à reconnaître la brevetabilité à un procédé comportant une étape non naturelle.

Or, il apparaît que plusieurs étapes du procédé revendiqué ne pouvaient être considérées comme naturelles, telles que le recours à des marqueurs moléculaires, l’emploi d’une souche haploïde doublée6 ou la mise en contact direct entre les souches de brocoli sauvage et les lignées de brocoli, ces différentes phases exigeant une intervention humaine.

4 Brocoli/Plant Bioscience, Aff. G 2/07, 9 décembre 2010, Journal officiel OEB mars 2012, p. 130-205

5 Borges R-M, La décision « Brocoli » de la grande chambre des recours de l’OEB : quelles conséquences ?

« La protection juridique du végétal et ses enjeux économiques », p. 205-213, Economica 2012

6 Les lignées haploïdes doublées sont obtenues en extrayant des microspores à partir d’anthères en cours de développement, c’est-à-dire des cellules qui ont subi une méiose – et sont donc haploïdes – et qui deviendraient du pollen. Les microspores sont ensuite cultivées dans une boîte de Pétri contenant des hormones végétales sous l’action desquelles elles deviennent des plantes haploïdes. Celles-ci sont ensuite traitées à la colchicine afin d’empêcher la division cellulaire, ce qui double le nombre de chromosomes, de sorte que l’on obtient des plantes haploïdes doublées.

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La règle 26 (5) CBE 2000, qui renvoie à l’article 2 (2) de la directive Biotech7 dispose que seuls les procédés consistant intégralement en des phénomènes naturels constituent des procédés essentiellement biologiques. Sont notamment cités comme exemples de phénomènes intégralement naturels le croisement et la sélection. Or, le croisement et la sélection tels qu’ils sont pratiqués dans la sélection végétale traditionnelle ne se produisent pas sans intervention humaine. La grande chambre a donc précisé l’interprétation à donner aux termes « croisement » et « sélection » : ceux-ci ne peuvent s’entendre comme s’appli- quant uniquement aux cas dans lesquels ces éléments présentent un caractère purement naturel, sans intervention de l’homme, une telle interprétation ayant pour conséquence de restreindre la portée de l’article 53b) CBE, voire de rendre celui-ci inefficace. En effet, un procédé ne contenant aucune caractéristique technique ne peut faire l’objet d’un brevet, faute d’invention ; dès lors, il n’y aurait pas lieu de l’exclure de la brevetabilité par une disposition expresse8. Il faut donc considérer que le croisement et la sélection constituent une intervention technique relevant du domaine de l’invention mais doivent être appréciés comme des procédés essentiellement biologiques exclus de la brevetabi- lité lorsqu’ils sont traditionnels. Souvent, l’usage d’un moyen technique est seulement implicite dans le déroulement des étapes de croisement ou de sélection, comme c’est le cas de la pesée et du séchage dans le processus d’élaboration de tomates ayant une faible teneur en eau9. La simple utilisation d’une technique, fût-elle nouvelle, dans un proces- sus de croisement et de sélection de végétaux ne peut donc, en tant que telle, conférer un caractère technique à un procédé par ailleurs biologique. Si la présence d’une étape technique dans un procédé est une condition nécessaire à sa brevetabilité, elle ne suffit pas à enlever à celui-ci son caractère essentiellement biologique. La nature de l’intervention technique se révèle déterminante puisqu’elle doit avoir un impact décisif sur le résultat final. Ainsi, dans l’affaire Plant Genetic systems, la chambre a précisé qu’un « procédé de production de plantes comprenant au moins une étape essentielle technique, qui ne peut être effectuée sans intervention humaine et qui a un impact décisif sur le résultat final, ne tombe pas sous le coup des exceptions à la brevetabilité de l’article 53b), première demi-phrase, CBE ».10 La difficulté est alors de déterminer à partir de quel moment une étape technique est décisive ou ne l’est pas.

Il faut pour cela envisager la totalité de l’intervention humaine et son impact sur le résultat obtenu. Cette intervention humaine doit être appréciée sur la base de l’essence de l’invention et ne doit pas être insignifiante. De plus, la totalité des opérations concer- nées ne doit ni se produire dans la nature, ni correspondre à des procédés de sélection classique. L’existence d’une étape technique dans un procédé de croisement des plantes et la sélection subséquente ne permet pas à l’invention revendiquée d’échapper à l’exclu- sion de l’article 53b) CBE si cette étape technique ne sert qu’à accélérer ou faciliter le processus de sélection11, ce qui est notamment le cas des marqueurs moléculaires. La

7 Directive 98/44/CE du Parlement européen et du conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques : JOCE n° L 213, 30 juillet 1998, p. 13. V. DOC 2bis §4-7et §5

8 Décision Brocoli, pt 4.4 §4

9 Ibid. pt 6.4.1 §8

10 Chambre de recours techniques, 21 février 1995, aff. T 356/93, Plant genetic systems, JO OEB août 1995, p. 545, pt 28

11 Ibid. pt 6.4.2.3 §11

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sélection traditionnelle pourrait donc être considérée comme relevant du domaine de la découverte et non de celui de l’invention.

Tel n’est pas le cas de la sélection issue des techniques de génie génétique prévoyant l’insertion d’un gène ou d’un caractère dans un végétal grâce à de telles techniques. Le procédé utilisé n’étant plus basé sur la recombinaison entre des génomes complets et le mélange naturel de gènes, un tel procédé sera alors brevetable. Les techniques de génie génétique, très différentes des techniques de sélection classiques, font l’objet de nombreux brevets. Cependant, une revendication portant sur de tels procédés de génie génétique ne doit pas inclure des étapes de croisement et de sélection sous peine de tomber à nouveau sous le coup de l’exclusion de l’article 53b) CBE12.

On ne peut que se féliciter de la tendance des offices de brevets à revenir à une interprétation plus restrictive de la notion d’invention, en particulier dans le domaine du vivant. Des progrès restent cependant à accomplir au vu du nombre de demandes de brevets biotechnologiques et du caractère particulièrement étendu de leurs revendications.

L’octroi de brevets portant sur des revendications très larges va conférer un monopole excessif à leur titulaire en permettant de protéger des produits ou des fonctions non encore établis. Le brevet « ne consiste plus en une « récompense » attribuée à l’inventeur en échange de la divulgation de son invention : le brevet se mue, pour la firme qui le détient, en droit d’exploration, cédé sous forme de monopole, pour toutes les inventions à venir, non décrites et non prévisibles, avant même que toute invention ait été effectuée et, a fortiori, divulguée » (Coriat, 2002).

La fonction première du brevet qui était la diffusion de la connaissance produite par l’inventeur disparaît peu à peu au profit d’une fonction d’appropriation de cette connaissance.

Une telle évolution n’est pas sans incidences, en particulier sur la dynamique d’innovation.

2.2. Le brevet sur le végétal : un frein à l’innovation

Les brevets protégeant des séquences génétiques entretiennent un lien ambigu avec la recherche et l’innovation. En effet, si le système de brevets organise une diffusion des connaissances sur les gènes, il réserve l’usage de la ressource génétique au titulaire du brevet et établit ainsi une dépendance de tous les utilisateurs ultérieurs vis-à-vis du premier découvreur et propriétaire de la séquence (Cassier, 2001). Ces brevets, de par le monopole conféré à leurs titulaires, peuvent avoir un impact négatif sur la recherche et l’innovation.

Ce monopole, beaucoup plus étendu que celui mis en place par le COV, peut également provoquer des situations de blocage dans le secteur agricole.

2.2.1. Des monopoles dangereux pour la recherche

Ces dernières années, de nombreux auteurs ont mis en évidence les effets pervers de la multiplication des brevets, particulièrement dans le domaine du vivant (Cassier, 2001, Laperche 2004). Certains (Heller et Eisenberg, 1998) ont montré que la multiplication de brevets portant sur des données fondamentales pouvait être moins bénéfique que prévu pour l’innovation et même pour la rentabilité de l’entreprise. Heller et Eisenberg se sont particu-

12 Ibid. pt 6.4.2.3 §13

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lièrement intéressés à la recherche biomédicale mais leurs conclusions peuvent tout à fait être transposées à la recherche végétale. Ces auteurs ont repris, en l’inversant, la théorie des

« communs »13. Selon eux, l’accroissement des droits de propriété intellectuelle qui caractérise la recherche biomédicale, pourrait mener à une situation dans laquelle des ressources rares telles que l’information génétique seraient sous-exploitées de par l’existence de multiples propriétaires, détenteurs de brevets, sur les séquences de cette information. Le développement de la recherche par les firmes elles-mêmes et le recours aux brevets de la part des institutions publiques de recherche, aboutirait à privatiser des connaissances fondamentales et à les rendre difficilement accessibles. La multiplication de brevets concurrents, sur des résultats de plus en plus fragmentaires, conduirait à bloquer le développement de produits de santé en aval14. La recherche biologique explore des systèmes complexes où chaque événement dépend de plusieurs facteurs et où toutes les parties interagissent les unes avec les autres.

La recherche nécessite l’utilisation de nombreux récepteurs, séquences d’ADN, marqueurs, etc. Lorsque chacun de ces outils est protégé par un brevet, cela nécessite l’obtention d’une licence de la part de chaque détenteur de droits. Le refus de l’un d’eux ou la mise en œuvre de redevances trop élevées peut conduire au blocage de programmes de recherche. Ce risque est particulièrement élevé dans le domaine des biotechnologies, chaque innovation faisant appel à des inventions préexistantes. Ces innovations cumulatives posent la question de la répartition des profits générés par la nouvelle invention et de la détermination d’un « brevet optimal » permettant de concilier protection et incitation (Levêque et Meniere, 2003). Ces observations se retrouvent à l’identique dans le secteur végétal. Le cumul de protections par COV et par brevet limite considérablement ou rend indisponible l’utilisation du végétal protégé. Ainsi, une variété de riz génétiquement modifié pour produire du bêta-carotène et nommé « Golden rice » nécessitait, pour pouvoir être commercialisée, l’accord des détenteurs des 70 brevets relevant de cinq domaines complémentaires (méthodes de trans- formation, marqueurs de sélection, promoteurs, peptides de transit, gènes de biosynthèse du carotène), détenus par une trentaine de personnes différentes. Au-delà de l’intérêt que peut présenter un tel produit et des questions que sa production peut soulever, l’exemple du riz doré met en évidence la difficulté qu’il peut y avoir à innover lorsque les outils de l’innovation sont détenus par de multiples propriétaires15. Les contrats de licence peuvent prévoir des restrictions à l’utilisation des brevets, des redevances élevées ou des clauses de

« reach-throug », qui confèrent au titulaire du brevet des droits sur les innovations réalisées grâce à son invention. Ces pratiques augmentent considérablement le coût de la recherche.

Seules les entreprises ou les institutions ayant une surface financière suffisante pourraient

13 Cette théorie, développée par G. Hardin, montre que les ressources collectives, sans propriétaire déterminé, sont souvent surexploitées car il n’y a pas d’incitation à les préserver. Une solution consisterait donc à privatiser certaines ressources considérées comme des biens communs : G. Hardin, The tragedy of the commons, Science 162 (859), 1243-1248

14 M.A Heller, R.S. Eisenberg, Can patents deter innovation ? The anticommons in biomedical research, Science 280 (5364), 698-701

15 Face à ces difficultés, l’équipe publique à l’origine du riz doré a passé un accord avec Syngenta, une des multinationales propriétaires de brevets impliqués dans la création du produit. Cet accord prévoyait que l’équipe publique conserverait la formule exacte du riz doré, et la firme conserverait les brevets. Il prévoyait également que Syngenta s’occuperait de négocier avec les autres propriétaires de brevets et de diffuser gratuitement le riz doré dans les pays les plus pauvres. En échange, l’entreprise a acquis les droits exclusifs de commercialisation de l’OGM comme aliment de santé.

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avoir accès à des technologies avancées, avec le risque que certaines d’entre elles soient dissuadées de se lancer dans un programme lorsque la balance coûts / bénéfices est trop déséquilibrée. Le risque de voir l’innovation freinée ou empêchée par les brevets est réel et d’autant plus regrettable qu’il concerne des secteurs sensibles comme la médecine ou l’agro-alimentaire.

2.2.2. Des monopoles contestables sur l’agriculture

Les brevets couvrant des plantes transgéniques confèrent à leur titulaire une protection particulièrement étendue. L’utilisation de semences transgéniques est soumise à l’autorisation du titulaire et au versement de redevances lors de leur utilisation. Cet effet du brevet peut faire obstacle à la mise en œuvre du privilège de l’agriculteur : l’utilisation de semences issues de semences protégées est en effet soumise à autorisation tant que le trait génétique est actif dans la plante. Le privilège de l’agriculteur disparaît donc en présence d’un brevet portant sur le gène. Une affaire actuellement pendante devant la Cour suprême des États- Unis est particulièrement éclairante en la matière.

La firme Monsanto a en effet poursuivi Vernon Hugh Bowman, un fermier américain cultivant du soja, du maïs et du blé pour utilisation non autorisée de semences protégées.

En 1999, V.H Bowman achète des grains de soja de seconde génération16 dans un silo, pour faire des économies. Il les utilise pour une culture intermédiaire, avant de conserver les graines issues de cette récolte. Selon l’agriculteur, cette pratique ne viole pas la clause le liant à Monsanto, qui lui interdit de conserver et replanter les semences issues d’une récolte qui est elle-même directement issue des semences achetées à Monsanto. L’agriculteur doit donc acheter de nouvelles semences chaque année, ce qu’il fait d’ailleurs pour sa récolte principale. Les semences en cause contiennent un gène Roundup Ready (RR), qui rend les plants résistants au Roundup. Les semences RR représentent environ 90 % des cultures de soja aux États-Unis, ce qui explique qu’elles se soient trouvées dans un silo à grains.

Monsanto, grâce au travail de ses inspecteurs, s’est toutefois aperçu que le fermier avait une production supérieure à celle que les semences achetées pouvaient générer. En 2007, la société a engagé des poursuites contre V.H Bowman pour avoir cultivé des graines issues de la technologie de Monsanto, sans les lui avoir achetées directement. Cette affaire a fait l’objet d’une audience devant la Cour suprême le 19 février 2013. La discussion principale porte sur le fait de savoir si les brevets sur les semences, ou sur toute chose qui peut se répliquer, couvrent simplement la première génération du produit ou s’ils couvrent tous les produits qui peuvent en être issus, bien au-delà de la première génération. La réponse de la Cour sera très intéressante quant à la portée du brevet, même si la protection conférée par celui-ci devrait a priori s’étendre à toutes les semences contenant le gène actif, quelle que soit la génération.

L’existence d’un brevet permet à son titulaire de poursuivre toute personne utilisant des semences et ne pouvant justifier d’un accord préalable. Tel est le cas notamment de la culture de plants transgéniques résultant de la contamination d’un champ par des cultures voisines. Une autre affaire impliquant la société Monsanto illustre bien l’étendue des droits

16 Les semences de seconde génération sont issues d’une récolte et non directement achetées au fabri- cant, ici Monsanto.

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conférés par le brevet sur le gène. En août 1998, Monsanto engage une action contre Percy Schmeiser, un fermier canadien qui cultive du colza depuis 40 ans et ressème une partie de sa récolte, au motif qu’il aurait illégalement cultivé du colza transgénique résistant à l’herbicide Roundup (Roundup Ready Canola, RRC) dont Monsanto détient le brevet, sans payer la redevance de 37 dollars par hectare. Monsanto lui reprochait d’avoir acheté illégalement des semences de colza transgénique à des cultivateurs locaux pour les semer en 1997 et d’avoir gardé une partie de la récolte pour la semer en 1998. P. Schmeiser a toujours affirmé que le colza transgénique RRC poussant dans ses champs avait été dispersé par le vent ou par les camions de grains roulant sur les routes voisines et avait contaminé plus de 320 hectares de ses terres. Il a toujours nié avoir jamais acheté de semences de colza Monsanto, lequel demandait 400 000 dollars de réparation pour la violation de son brevet17.

Le 29 mars 2001, le jugement du Tribunal fédéral du Canada a reconnu le principe selon lequel un agriculteur est propriétaire des semences ou des plantes qui poussent sur ses terres si elles sont amenées par le vent ou proviennent d’une fécondation par du pollen, tout en précisant que ce principe ne s’applique pas aux semences et plantes transgéniques. La demande en réparation de Monsanto fut toutefois rejetée car P. Schmeiser réussit à prouver ne jamais avoir utilisé des semences génétiquement modifiées de Monsanto ni l’herbicide non sélectif Roundup et donc ne pas avoir tiré profit de la présence d’organismes génétiquement modifiés dans sa récolte. En 2005, l’agriculteur a constaté une nouvelle contamination de ses champs avec du colza transgénique RRC et a exigé que le groupe enlève ces plantes.

Monsanto lui a confirmé par écrit qu’il s’agissait bien de colza RR et que ces plantes leur appartenaient. Se référant au jugement qui engage la responsabilité du propriétaire d’une plante pour les dommages résultant d’une contamination, P. Schmeiser a fait nettoyer ses champs et envoyé la facture de 660$ à Monsanto. Après une procédure longue et coûteuse, Monsanto a finalement conclu un accord amiable le 19 mars 2008, dans lequel le groupe reconnaît sa responsabilité pour la contamination des champs de P. Schmeiser et assume les dommages qui ont pu en résulter.

Cette affaire met l’accent sur la difficulté de concilier la protection conférée par le brevet bio-végétal et les droits des utilisateurs de ces technologies. Reconnaître un droit sur toutes les plantes issues de la technologie brevetée revient à reconnaître un droit sur toute chose qui peut se répliquer. C’est l’étendue du brevet sur le vivant, qui va bien au-delà de la seule technologie, qui suscite les critiques des opposants à de tels brevets.

Conclusion

Les brevets sur les innovations contenant du matériel génétique sont sans doute indis- pensables à l’équilibre économique des industries biotechnologiques. Leurs effets négatifs sur l’innovation sont cependant réels. Même si les principaux offices de brevets ont depuis quelques années restreint les critères d’attribution des brevets, notamment dans le domaine des biotechnologies, cette tendance ne suffit pas à limiter les risques d’appropriation du

17 Cette somme comprenait 250 000 dollars de frais d’avocat, 105 000 dollars pour les bénéfices que P.

Schmeiser aurait faits sur sa récolte de 1998, 13 500 dollars de redevance d’utilisation de la technologie (15 dollars par acre) et 25 000 de dédommagements.

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vivant pouvant résulter de la détention de tels brevets. La principale difficulté est de mettre en œuvre une protection suffisante de nature à permettre une valorisation de l’invention, tout en permettant un accès aux séquences génétiques elles-mêmes. L’une des voies à même de concilier ces deux exigences serait peut-être d’exclure les brevets de produit protégeant la séquence génétique elle-même au profit de brevets de procédé protégeant les techniques d’isolation des gènes. Une telle modification du régime des brevets serait de nature à favoriser la mise au point de nouveaux produits tout en laissant libre l’accès aux ressources génétiques (Clayes, 2001). Cela limiterait peut-être également la tendance de nombreuses entreprises à commercialiser l’accès à des données ou des outils de recherche, plutôt qu’à développer de nouveaux produits. Toutes les propositions de nature à favoriser une évolution du régime des brevets sur le vivant devront se faire à l’échelle internationale afin de parvenir à une harmoni- sation aussi étendue que possible. Certains auteurs regrettent que le système actuel de brevet, qu’ils considèrent comme « malade », particulièrement aux États-Unis, ait pu être imposé au reste de la planète dans le cadre de l’OMC avec les accords ADPIC (Henry, Trommetter et Tubiana, 2003). Le régime juridique harmonisé du brevet sur le vivant risque toutefois de se faire désirer, tant les résistances sont vives sur ce point.

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Références

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