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Le rôle de la Cour de justice de l'Union européenne dans le processus de constitution et d'évolution du marché intérieur des marchandises

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Submitted on 14 Oct 2015

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Le rôle de la Cour de justice de l’Union européenne dans le processus de constitution et d’évolution du marché

intérieur des marchandises

Jacques Hémon

To cite this version:

Jacques Hémon. Le rôle de la Cour de justice de l’Union européenne dans le processus de constitution et d’évolution du marché intérieur des marchandises. Droit. Université Rennes 1, 2015. Français.

�NNT : 2015REN1G007�. �tel-01215539�

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                    à Viviane, Maïwenn, Sterenn 

(4)

SOMMAIRE   

Sommaire      3 

 

Introduction  5 

   

Première partie : L’élaboration d’un mode d’emploi du marché intérieur à  

        l’interface du traité et des législations communautaires et  

        nationales  39 

 

Titre 1 – La jurisprudence constructive de la Cour de Justice  41 

 

  Chapitre 1 – L’effet « Big‐Bang » de « l’arrêt Cassis de Dijon »  42 

   

  Chapitre 2 – Une jurisprudence constructive bornée par le respect des compétences 

      étatiques et l’état de la législation de l’Union Européenne  60 

     

Titre 2 : Le difficile compromis entre l’efficacité de l’action de la Cour et  

    sa légitimité  124 

       

Chapitre 1- Un pouvoir d’influence de la CJCE/CJUE potentiellement défavorable

aux valeurs non économiques 126

Chapitre 2- Une conciliation nécessaire mais difficile entre l’objectif d’ un marché unique et la nature complexe du marché et des mar-

chandises 164

 

Seconde partie : La recherche laborieuse d’une cohérence jurisprudentielle pour 

      concilier le marché intérieur et les nouvelles politiques de l’Union  235 

 

Titre 1 – Une jurisprudence soucieuse d’adaptation à l’évolution du système des 

      politiques de l’Union  236   

 

  Chapitre 1 – Une jurisprudence pragmatique illustrée, en amont, par une  

 interprétation évolutive du champs d’application des articles 34 et 36  

TFUE        236 

     

  Chapitre 2‐ Une jurisprudence pragmatique illustrée, en aval, par une 

      interprétation évolutive des conditions et des motifs de dérogation 

      à l’interdiction des entraves aux échanges : l’exemple du principe de 

      précaution     292 

     

Titre 2 : Les clés d’une jurisprudence légitime  316 

 

  Chapitre 1 – Une jurisprudence légitimée grâce aux critères combinés des  

      compétences étatiques et des valeurs non économiques  317 

 

  Chapitre 2 – Une évolution souhaitable vers l’unité jurisprudentielle fondée 

      sur le critère revisité de l’accès au marché  348 

(5)

     

Conclusion générale        434 

 

Bibliographie       455 

 

Table des matières         466   

                                                 

(6)

LE RÔLE DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE DANS LE PROCESSUS DE CONSTITUTION ET D’EVOLUTION DU MARCHE INTERIEUR

DES MARCHANDISES

Jacques HEMON

Introduction

Le 25 juillet 2012, le ministre français du Redressement Productif annonçait le lancement d’une campagne de publicité financée par l’État et destinée à promouvoir le « made in France ».1 On ne fera pas l’injure à un membre du gouvernement français, avocat de surcroit, d’imaginer un instant qu’il ait pu ignorer un principe du droit communautaire aussi fondamental que celui de la libre circulation des marchandises. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)2 condamne les mesures protectionnistes auxquelles il convient sans équivoque d’associer les dispositions incitant au chauvinisme économique.3 Au delà de son caractère politique,4 une telle déclaration provenant du gouvernement d’un État membre fondateur de la CEE ne raisonne-t-il pas comme l’aveu d’un échec ? A tout le moins ne révèle-t-il pas le caractère inachevé du marché intérieur (A) plus d’un demi siècle après la signature du Traité de Rome, alors même que la réalisation dudit marché demeure l’une des fondations du projet politique de l’Union européenne ? La réponse à cette question passe inévitablement par l’observation du rôle fondamental exercé en ce domaine par l’organe juridictionnel de l’UE qui se situe à l’interface du traité, du droit communautaire et des

      

1 « Le gouvernement engagera une campagne de mise en valeur du « Made in France » de l’automobile française et nous avons demandé avec (la ministre de la Culture) Aurélie Filipetti, à des cinéastes engagés de signer grâce à leur rayonnment international, leur talent, les publicités en faveur de l’automobile française et du fabriqué en France ». (Extrait du discours de Monsieur Arnaud Montebourg, à l’issue du Conseil des ministres, le 25 juillet 2012). Les encouragements à acheter français étaient repris par la ministre du Commerce extérieur, Madame Nicole Bricq lors d’une allocution en début d’année 2013.

2 Nouvelle dénomination de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) depuis le traité de Lisbonne.

3 Arrêt du 24 novembre 1982, « Commission des Communautés européennes contre Irlande », affaire 249/81, Rec. 1982, p.

4005.

Voir également les conclusions de l’avocat général M. M. Poiares Maduro dans l’arrêt du 14 septembre 2006, « Alfa Vita Vassilopoulos et Carrefour-Mrinopoulos » affaires C-158/04 et C-159/04, Rec. 2006, p. I-8135, point 43 :

« Toute discrimination à raison de la nationalité, qu’elle soit directe ou indirecte est prohibée. Il est évident, par exemple qu’un programme de campagne publicitaire faisant la promotion de l’achat de produits nationaux au détriment des échanges intracommunautaires constitue une infraction aux règles du traité. »

4 …dont l’analyse se trouve en dehors du sujet de notre étude.

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législations nationales (B) et contribue à l’élaboration d’un véritable mode d’emploi du marché intérieur (C). Celui-ci se matérialise dans des arrêts fondateurs dont on appréciera le caractère interventionniste et téléologique dans le domaine de la libre circulation des marchandises (D). Notre introduction est également l’occasion de préciser l’objet de notre réflexion et la méthodologie employée (E).

A- Le marché intérieur, une œuvre inachevée

Selon la lettre du traité, le marché intérieur est largement conditionné par une économie compétitive gage d’un « développement harmonieux et équilibré des activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, d’une croissance durable … d’un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, d’un relèvement du niveau et de la qualité de la vie … ».5 C’est pourquoi, l’article 2 du traité CE accorde à l’établissement du marché commun une place prééminente, tandis que l’article 26-2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise que « le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du traité ». La première de ces libertés constitue l’ « un des fondements de la Communauté »6 et correspond logiquement à la liberté économique la plus aboutie en tant que « première étape du marché intérieur ».7

Les premières étapes de la construction du marché intérieur des marchandises sont inscrites dans les traités originels.8 Cependant, grâce au nombre restreint des États fondateurs et à une conjoncture économique favorable, l’Union douanière a été réalisée dès le mois de juillet

      

5 Ces vertus attribuées au marché unique sont soulignées par le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso dans sa lettre de mission à M. Mario Monti, le 20 octobre 2009 : « Un affaiblissement du marché unique éroderait la base de l’intégration économique et de la croissance et de l’emploi dans l’Union européenne à un moment où l’émergence de nouvelles puissances mondiales et de grands défis environnementaux rendent la cohésion communautaire plus nécessaire que jamais dans l’intérêt des citoyens européens et de la gouvernance mondiale. » Rapport au Président de la Commission européenne José Manuel Barroso, présenté par M. Mario Monti le 9 mai 2010.

6 Voir notamment les arrêts du 9 décembre 1997, « Commission contre France », Rec. 1997, p. I‐6959, point 24; du 30  avril  1996,  « CIA  Security  International »,  affaire  C‐194/94,  point  40;  du  12  juin  2003,  « Schmidberger »,  affaire  C‐

112/00, Rec. 2003, p. I‐5659, point 78 ; du 15 novembre 2005, « Commission contre République d’Autriche », affaire  C‐320/03, Rec. 2005, p. I‐9871, point 63 ; du 14 septembre 2006, « Alfa Vita Vassilopoulos et Carrefour‐Marinopoulos  affaires », C‐158/04 et C‐159/04,  Rec. p. I‐8135, point 14. 

7 Malcom  Jarvis,  “The  application  of  EC  Law  by  National  Courts  ‐  The  free  Movement  of  Goods”  Malcolm  Jarvis,  Clarendon Press‐Oxford, 1988, p. 3. 

A noter également la place particulière de la liberté de circulation des marchandises par rapport aux autres libertés dans le traité sur le fonctionnement de l’UE. Le régime applicable à la première liberté figure dans le titre II de la troisième partie du traité intitulé « Les politiques et actions internes de l’Union » tandis que les règles applicables aux secondes sont regroupées dans le titre IV de la même partie. Les principales sources du droit primaire de la libre circulation des marchandises sont inscrites dans les articles 34 et suivants du TFUE.

8 Article 12 et suivants du traité de Rome.

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1968, soit avec 18 mois d’avance sur l’échéance fixée. Quant aux obstacles non tarifaires, ils se sont alors révélés comme de redoutables instruments protectionnistes, plus encore que les droits de douane. En effet, à l’importation ces derniers pénalisent le produit originaire des autres États membres mais sans toutefois pouvoir l’exclure totalement du marché d’importation. En revanche, des normes techniques imposées par l’État d’importation peuvent conduire à en interdire l’accès à des produits provenant d’États membres plus « laxistes ». La production à l’échelle de la Communauté requiert alors la mise aux normes des pays d’exportation, avec pour conséquence une nécessaire diversification de cette production et un coût unitaire plus élevé.9

Sans aller jusqu’à présenter la réalisation du marché intérieur comme une sorte d’idéal inaccessible, il faut bien reconnaître que l’œuvre reste inachevée et le restera pour longtemps encore,10 même si la lettre du traité pouvait laisser croire le contraire. L’article 7 A du traité CE n’affichait-il pas la prétention d’établir progressivement le marché intérieur à l’échéance du 31 décembre 1992 ?11 La réalité s’est cruellement révélée aux autorités communautaires.

La nature de la tâche n’est pas étrangère à cet état de fait. Le rapport Monti précité explique cette situation par le constat que les produits évoluent constamment en fonction des goûts des consommateurs et des nouvelles technologies. Il relève également que les obstacles liés aux pratiques et aux réglementations nationales perdurent.12

Les décideurs et les acteurs de la réalisation du marché intérieur l’ont bien compris. La prise de conscience des premiers apparaît à la lecture des modifications apportées par le traité de Lisbonne. La version consolidée du traité sur l’Union européenne dispose en effet dans son article 3 que « L’Union établit un marché intérieur » tandis qu’une version plus modeste et réaliste dispose dans son article 26 que « l’Union adopte les mesures destinées à établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur …». Face à la crise, le marché intérieur       

9 Dans un tel contexte inégal de concurrence, les PME sont particulièrement pénalisées. Voir Nicolas Moussis, « Accès à l’Union européenne : droit, économie, politique », Rixensart, European Study Service, 13ème édition révisée).

10 « Le marché unique est à l’origine une idée de l’Europe, il est aussi son œuvre inachevée. …Par chaînons manquants et blocages, on entend que, dans de nombreux domaines, le marché unique existe en théorie, mais que, dans la pratique de multiples barrières et obstacles réglementaires fragmentent les échanges commerciaux à l’intérieur de l’UE et compromettent l’initiative économique et l’innovation. » (extrait du rapport Monti précité, p. 43).

Voir également les conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire du 9 février 1995, « Leclerc-Siplec », affaire C- 412/93, Rec. 1995, p. I-179.point 21 : « Dans des marchés qui, malgré le processus d’intégration économique amorcé par le traité, sont toujours dans une large mesure divisés et cloisonnés en suivant le tracé des frontières nationales, il est probable que les marques connues appartiennent de manière prédominante à des producteurs nationaux. »

11 « La communauté arrête les mesures destinées à établir progressivement le marché intérieur au cours d’une période expirant le 31 décembre 1992… »

12 Rapport Monti : L’auteur du rapport explique que pour les raisons précitées, ce serait une erreur de croire que le processus est achevé.

(9)

redevient pour l’exécutif communautaire un axe majeur qualifié d’« objectif stratégique ».

Nul doute que la Cour de justice de l’Union européenne se trouve au cœur du dispositif qui doit conduire à sa réalisation.

B- La CJUE à l’interface du traité, du droit communautaire dérivé et des législations nationales

Aux termes de l’article 4 du traité de Rome, la Cour devait contribuer à la réalisation des tâches confiées à la Communauté.13 Cette phrase lapidaire traduit mal l’influence de sa jurisprudence sur l’interprétation et la mise en œuvre du principe de libre circulation des marchandises.

D’une manière générale, l’influence de la CJCE/CJUE s’explique d’abord par le cadre original, pour ne pas dire exceptionnel dans lequel elle est appelée à intervenir. Le renoncement par les États membres à une partie significative de leur souveraineté au profit de la Communauté dans un processus d’intégration, impliquait l’existence de règles impératives et la présence d’un organe juridictionnel de contrôle. Or, le niveau ou la qualité de l’intégration d’un ensemble régional se reflète dans la nature et le fonctionnement de ses institutions. Précisément, le rôle dévolu au juge communautaire constitue à cet égard un révélateur du degré d’intégration institutionnelle et normative de l’Union européenne.

Naturellement, ce constat vaut également pour les autres ensembles régionaux, même si l’observation de différents modèles d’intégration régionale révèle une grande diversité. En effet, si la Cour de justice des communautés européennes a longtemps servi de modèle (au point d’être parfois citée expressément dans les décisions d’autres juridictions),14 l’Union européenne n’est plus aujourd’hui le seul ensemble régional disposant d’une juridiction permanente et indépendante des États membres et soumis à son autorité. Observons le continent africain qui compte une douzaine de juridictions régionales,15 mais aussi l’Amérique latine,16 sans oublier l’Europe.17

      

13 Article 4 du traité de Rome : « La réalisation des tâches confiées à la Communauté est assurée par : un Parlement européen ; un Conseil ; une Commission ; une Cour de justice... ».

14 Cour  de  justice  SICA,  du  27  novembre  2001,  Nicaragua  vs  Honduras  (La  Cour  SICA  se  réfère  expressément  aux  arrêts Costa / Enel ( CJCE, 15 juillet 1964, « Costat contre E.N.E.L. », affaire 6/64, Rec. 1964, p. 1141) et Van Gend en  Loos (5 février 1963, « Van Gend & Loos »,  affaire 26/62, Rec. 1963, p. 3) de la CJCE. Voir Eric Carpano, « Le règlement  des  litiges  dans  les  intégrations  régionales  internationales –  Essai  de  typologie, in  « Les  intégrations  régionales,  une  approche comparative », p. 45, sous la direction de Jacques Hémon, Edition Octares (2013). 

15 Cour africaine des droits de l’homme, Cour de l’Union africaine et de la Communauté économique africaine, Instance judiciaire de l’Union du Magrheb Arabe (UMA), Cour de la Communauté d’Afrique de l’est (EAC), Cour du Marché commun d’Afrique orientale et centrale (COMESA), Tribunal de la Communauté pour le développement de l’Afrique

(10)

De plus, une étude comparative des organes judiciaires ou juridictionnels des intégrations régionales démontre que le modèle de la CJCE/CJUE est parfois dépassé par des juridictions cumulant des fonctions internes et régionales.18

Ainsi le rôle et le fonctionnement de ces institutions permettent une distinction et un classement parmi les juridictions « communautaires » ou les juridictions internationales classiques. Les premières partagent plusieurs traits communs témoignant du degré d’intégration des organisations auxquelles elles appartiennent.

Le premier de ces traits tient à la compétence obligatoire et exclusive de la Cour dans les cas prévus par les traités. Sur ce dernier point, on reproche parfois à la CJCE/CJUE de dépasser son rôle de juridiction en imposant des solutions aux États membres dans le cadre du recours en constatation de manquement, concernant des domaines où les États membres ne disposent que de pouvoirs limités.19 Peut-on craindre une forme de détournement de pouvoirs ? Il appartient en réalité à la Cour d’encadrer l’exercice par les États membres de leur compétence réservée, en veillant notamment à ce que les mesures nationales ne constituent pas des restrictions déguisées à la libre circulation des marchandises. Cantonnée dans ce rôle, l’action de la Cour ne peut être assimilée à l’exercice d’un pouvoir normatif.20

       

orientale (SADC), Cour de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Cour de l’Union économique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA), Cour de la Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC), Cour commune de Justice et d’arbitrage de l’Organisation de l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA). Voir Eric Carpano, « Le règlement des litiges dans les intégrations régionales internationales – Essai de typologie (précité).

16 La Cour de justice de la Caraïbe (CARICOM), la Cour de justice andine (SAI) ou la Cour de justice du marché commun d’Amérique centrale (SICA).

17 Les Cours du BENELUX et de l’AELE et la Cour européenne des droits de l’homme.

18 Notamment en Amérique centrale et dans la Caraïbe. Voir Eric Carpano, « Le règlement des litiges dans les intégrations régionales internationales – Essai de typologie (précité).

19 Conformément à l’article 258 TFUE, « Si la Commission estime qu’un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet état en mesure de présenter ses observations. Si l’Etat en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne. » L’article 259 du traité ajoute que « chacun des Etats membres peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne s’il estime qu’un autre Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités. Avant qu’un Etat membre n’introduise, contre un autre Etat membre, un recours fondé sur une prétendue violation des obligations qui lui incombent en vertu des traités, il doit en saisir la Commission. La Commission émet un avis motivé après que les Etats intéressés ont été mis en mesure de présenter contradictoirement leurs observations écrites et orales. Si la Commission n’a pas émis l’avis dans un délai de trois mois à compter de la demande, l’absence d’avis ne fait pas obstacle à la saisine de la Cour. »

En cas d’inexécution de l’arrêt, la Cour peut en vertu de l’article 260 TFUE, infliger à l’Etat récalcitrant, le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte.

Ajoutons que le rapport Monti (précité) propose que la décision de la Commission constatant une infraction créée, pour l’Etat membre destinataire, une obligation immédiate de se mettre en conformité, sans préjudice de son droit de contester la décision devant la CJUE.

20 « Une telle action ne constitue pas un détournement de l’article 152 CE parce qu’elle ne permet pas à la Commission, ni à la Cour de se substituer à l’Etat membre concerné et d’imposer à celui-ci, une solution plutôt qu’une autre. Elle n’est donc pas assimilable à un pouvoir normatif. Elle a seulement pour effet d’encadrer l’exercice, par cet Etat membre, de sa compétence réservée, …, en précisant les limites qui découlent des libertés de circulation que tous les Etats membres se sont engagés à respecter, en concluant puis en ratifiant le traité. (Conclusions de l’Avocat général Yves Bot, point 91 dans l’

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Le second trait se traduit par l’accessibilité des particuliers à la Cour (bien que ces derniers ne soient pas considérés comme des requérants privilégiés devant la CJUE 21), soit directement, soit indirectement en se prévalant de dispositions du droit primaire ou dérivé à effet direct devant leurs juridictions nationales.22. Précisément, la Cour a reconnu l’effet direct des règles du marché intérieur, facteur d’efficacité dans la lutte contre les obstacles aux échanges inter étatiques, dans la mesure où elle permet une collaboration des agents économiques au contrôle du respect des règles concernées.23 Toutefois la reconnaissance explicite de l’effet direct de l’article 30 CE (article 34 TFUE) n’a été explicitement confirmée que tardivement.24 Quant au droit dérivé, l’applicabilité directe des règlements25 génère logiquement un effet direct au profit des particuliers. Pour autant, la Cour n’exclut pas que les directives, alors même qu’elles ne sont pas directement applicables, puissent également conférer aux particuliers des droits dont ils peuvent se prévaloir devant les juridictions nationales. Un tel effet suppose que le délai de transposition de la directive en question soit écoulé et qu’elle soit suffisamment précise et inconditionnelle.26

       

Arrêt du 11 septembre 2008, « Commission des Communautés européennes contre République Fédérale d’Allemagne », affaire C-141/07, Rec. 2008 p. 6935).

21 Les possibilités de recours des particuliers devant la juridiction communautaire sont limitées.

Voir en ce sens l’arrêt du 5 mai 2011, « MSD Sharp & Dohme GmbH contre Merckle GmbH », affaire C-316/09, Rec. 2011, p. I-3249 dans lequel la Cour précise que « l’article 267 TFUE n’ouvre pas de voie de recours aux parties à un litige pendant devant le juge national de sorte que la Cour ne saurait être tenue d’apprécier la validité du droit de l’Union pour le seul motif que cette question a été invoquée devant elle par l’une des parties dans ses observations écrites» ( point 23).

Dans l’arrêt du 12 juillet 2012, « Association Kokopelli contre Graines Baumaux SAS », affaire C-59/11 (non encore publiée), la Cour rappelle que si « des personnes physiques ou morales ne peuvent pas, en raison des conditions de recevabilité visées au quatrième alinéa de l’article 263 TFUE, attaquer directement des actes de l’Union de portée générale, ils ont néanmoins la possibilité, selon les cas, de faire valoir l’invalidité de tels actes soit, de manière incidente en vertu de l’article 277 TFUE, devant le juge de l’Union, soit devant les juridictions nationales et d’amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l’invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles » (point 34).

22 Une disposition du droit communautaire primaire ou dérivé produit des effets directs lorsqu’elle confère aux particuliers des droits dont ils peuvent se prévaloir devant leurs juridictions nationales.

23 Arrêt du 24 mars 2009, « Danske Slagterier contre Bundesrepublik Deutschland », affaire C-445/06, Rec.2009, p. I-2119, La Cour en déduit que « les particuliers qui ont été lésés par la transposition et l’application incorrectes des directives peuvent se prévaloir du droit à la libre circulation des marchandises afin de pouvoir engager la responsabilité de l’Etat en raison de la violation du droit communautaire » (point 26).

24 Timmerman Chistian W.A., « La libre circulation des marchandises », in « Trente ans de droit communautaire », Collection Perspectives européennes, Bruxelles, Commission des Communautés européennes, 1982, p. 280.

Voir l’arrêt du 22 mars 1977, « Ianelli contre Meroni », affaire 74/76, Rec. 1977, p. 557, point 13 : « Attendu que l’interdiction des restrictions quantitatives et des MEERQ édictée à l’article 30 du traité…ne nécessite, pour sa mise en œuvre, aucune intervention ultérieure des Etats membres ou des institutions. Qu’elle a, dès lors, un effet direct et engendre pour les particuliers des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder… ».

Voir également les arrêts du 29 novembre 1978, « Pigs Marketing Board contre Raymond Redmond », affaire 83/78, Rec.

1978, p.2347, point 66 et du 8 novembre 1979, « Denkavit », affaire 251/78, Rec. 1979, p. 3369, point 3.

25 Les dispositions communautaires directement applicables dans les Etats membres ne nécessitent aucune mesure de transposition dans les droits nationaux.

26 Arrêt du 5 avril 1979, « Ministère public contre Tullio Ratti », affaire 148/78, Rec. 1979, p. 1629, points 23 et 24.

Le rapport Monti précise que 80% des règles du marché unique sont établies au moyen de directives qui présentent l’avantage de favoriser un meilleur « ajustement » de son contenu aux situations locales. En revanche les règlements présentent de meilleures garanties en terme de clarté, de prévisibilité et d’efficacité. Ils garantissent également une plus grande égalité des citoyens et des entreprises auxquels ils offrent également de plus grandes possibilités de recours (p. 112).

A cet égard, M. Monti relève également que 55% des directives ne sont pas transposées dans les délais requis.

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Un troisième trait concerne le rapport particulier qui s’établit entre le juge national, juge communautaire de droit commun et la CJUE, garante de l’uniformité d’interprétation dans le cadre de la procédure du renvoi préjudiciel en interprétation.27 Cette situation est liée à l’existence d’une forme de décentralisation de l’application du droit communautaire dans les États membres, conséquence des principes de primauté et d’effet direct. Logiquement les tribunaux nationaux deviennent les juridictions naturelles pour en assurer la bonne application. En ce sens, on peut affirmer que les tribunaux nationaux ont participé activement à la construction de l’ordre juridique communautaire en général et à celui du marché intérieur en particulier.28 En effet, la procédure instituée par l’actuel 267 du TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation requis pour la résolution des litiges qui leur sont soumis.29 Ce lien privilégié entre les juridictions nationales et la Cour de justice de l’Union européenne est considéré par la doctrine comme l’une des « success stories » majeures de l’intégration européenne.30 En effet, les interprétations préjudicielles de la Cour ont révélé la majorité des grands principes du droit communautaire tels que celui de la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux et celui de l’effet direct.

Logiquement, la procédure du renvoi préjudiciel ne permet pas à la Cour de statuer sur la compatibilité d’une disposition nationale avec le droit communautaire,31 à l’inverse du recours en constatation de manquement. Tout au plus peut-elle « dégager des éléments du libellé de la question formulée par la juridiction nationale, les éléments relevant de

      

27 Conformément à l’article 267 du TFUE, « la Cour de justice l’Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l’interprétation des traités,

b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.

Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des Etats membres,cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question… ».

28 Miguel Poiares Maduro, “ We the Court, The European Court of Justice and the European Economic Constitution, A  critical reading of Article 30 of the EC Treaty”, Oxford Portland Oregon, 2002, p. 30. 

29 Voir à titre d’exemples parmi d’autres, les arrêts du 8 octobre 1990, « Dzodzi contre Etat belge », affaires C-297/88 et C- 197/89, Recueil 1990, p.I-3763, point 33, du 8 novembre 1990, « Gmurzynska-Bscher contre OberfinanzdirektionKöln », affaire C-231/89, Rec. 1990, p.I-4003, point 18 ; du 16 juillet 1992, « Meilicke contre ADV-ORGA », affaire C-83/91, Rec.

1992, p. I-4871, point 22 ; du 17 septembre 2002, « Baumbast- et R », affaire C-413/99, Rec. 2002, p. I-7091, point 31 ; du 12 juin 2003 « Schmidberger », affaire C-112/00, Rec. 2003, p. I-5659, point 30 ; du 20 janvier 2005, « Salgado Alonso », affaire C-306/03, Recueil 2005, p. I-705, point 40; du 17 avril 2007, « AGM COS.MET Srl contre Suomen Valtio, Tarmo Lehtinen», affaire C-470/03, Rec. 2007, p.I-2749, point 43.

30 Jacqué and Weiler, « On the road to European Union-A New Judicial architecture : An Agenda for the Intergovernmenal conference » (1990)27 CMLR, p. 185 et 186.

31 Il s’agit là d’un rappel fréquent de la Cour aux juridictions nationales. Voir par exemple les arrêts du 12 octobre 1978,

« Joh. Eggers Sohn & Co. Contre Freie Hansestadt Bremen, affaire 13/78, Recueil 1978, p. 1935, point 19 ; du 13 mars 1986,

« Ministère public contre Albert Mirepoix », affaire 54/85, Rec. 1986 p. I-1986, p. 1067, point 6 ; du 18 février 1987,

« Ministère public contre Arthur Mathot », affaire 98/86, Rec. 1987 p.I-809, point 6 ; du 13 mars 1986, « Ministère public contre Albert Mirepoix », affaire 54/85, Rec. 1986, p.I-1067, point 6 ; du 3 février 2000, « Chalarampos Dounias contre Ministère de l’Economie », affaire C-228/98, Rec. 2000, p. I-7113, point 36.

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l’interprétation du droit communautaire ». Il n’appartient pas davantage à la Cour de se prononcer dans le cadre d’un recours préjudiciel, sur l’interprétation de dispositions nationales ni de juger si l’interprétation qu’en donne la juridiction de renvoi est correcte.32

En revanche, il appartient à la juridiction nationale d’apprécier tant la nécessité d’un renvoi préjudiciel auprès de la CJUE que la pertinence de son objet.33 En effet, l’article 267 alinéa 2 du TFUE stipule que lorsqu’une question sur l’interprétation ou la validité des traités ou du droit communautaire dérivé est soulevée devant une juridiction d’un État membre, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Précisons toutefois que, conformément à l’article 267 troisième alinéa du traité, lorsqu’une question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un renvoi juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.34 Néanmoins, la portée de cette affirmation doit être relativisée à la suite de plusieurs interprétations restrictives de cette disposition du traité par la Cour, toutes fondées sur une logique de bon sens.

      

32 Arrêt du 14 février 2008, « Dynamic Medien Vertriebs GmbH contre Avides media AG », affaire C-244/06, Rec. 2008, p.

I-505, point 19.

Cette  distinction  de  principe  n’est  toutefois  pas  systématiquement  respectée  par  la  Cour  de  justice.  M.  Lawrance  Collins affirme que « The distinction between interpretation of Community law and ruling on the validity of national law  is  as  elusive  as  the  distinction  between  interpretation  and  application ».  European    Community  Law  in  the  United  Kingdom, Butterworths, Third edition, 1984, p.167. 

33 Arrêt du 29 novembre 1978, « Pigs Marketing Board contre Raymond Redmond », affaire 83/78, Rec. 1978, p. 2347, points 25 et 26 « …dans le cadre de la répartition des fonctions juridictionnelles, entre les juridictions nationales et la Cour, par l’article 177 du traité, le juge national qui est le seul à avoir une connaissance directe des faits de l’affaire comme aussi des arguments mis en avant par les parties, et qui devra assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, est mieux placé pour apprécier en pleine connaissance de cause, la pertinence des questions de droit soulevées par le litige, dont il se trouve saisie et la nécessité d’une décision préjudicielle…Que cependant, il reste réservé à la Cour de justice, en présence de questions formulées de manière impropre ou dépassant le cadre des fonctions qui lui sont dévolues…d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale…les éléments qui appellent une interprétation ou…une appréciation de validité… ».

Voir également les arrêts du 14 juillet 1988, « Smanor », affaire 298/87, Rec. 1988, p. 4489, point 9 ; du 18 octobre 1990,

« Dzodzi contre Etat belge », affaire C-297/88 et C-187/89, Rec. 1990, p. I-3763, points 33 et 34 ; du 10 juillet 1997, « Leur- Bloem contre Inspecteur der Belastingdientst/Ondernemingen Amsterdam 2 », affaire C-28/95, Rec. 1997, p. I-4161, point 24 ; du 12 juin 2003, « Schmidberger », affaire C-112/00, Rec. 2003, p. I-5659, point 31 ; du 14 octobre 2004, « Omega », affaire C-36/02, Rec. 2004 p. I-9609, point 19 ; du 30 novembre 2006, « Brünsteiner et Autohaus Hilgert, », affaire C-376/05 et C-377/05, Rec. 2006, p. I-11383, point 26 ; du 17 avril 2007, « AGM COS.MET Srl contre Suomen Valtio, Tarmo Lehtinen», affaire C-470/03, Rec. 2007, p. I-2749, point 44 ; du 5 mai 2011, « MSD Sharp & Dohme GmbH », affaire C- 316/09, Rec. 2011, p. I-3249, point 21 ; du 1 mars 2012, « Ascafor et Asidac contre Administacion des Estado et a. », affaire 484/10 (non encore publié), point 32..

34 « Cette  obligation  serait  néanmoins  privée  de  sa  cause  et  vidée  de  son  contenu,  lorsque  la  question  soulevée  est  matériellement identique à une question ayant déjà fait l’objet d’une décision à titre préjudiciel dans le cadre de la même  affaire nationale » ‐ Arrêt du 4 novembre 1997, « Dior », Affaire C‐337/95, Rec. 1997, p. I‐6013, point 31. 

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Ainsi, dans l’affaire « Da Costa »,35 la Cour a jugé que lorsque la question soulevée est matériellement identique à une question déjà posée à titre préjudiciel dans une affaire similaire », le recours n’est pas obligatoire.36 L’exploitation raisonnable de la procédure suppose une économie de temps et de ressources, mais qui reste conditionnée par une bonne coordination au sein de la justice nationale des États membres.37 Cette explication vaut également pour justifier le refus par la Cour de donner des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, notamment lorsque les litiges entre les parties sont arrangés dans ce simple but.38

Une autre entorse à la règle provient de la reconnaissance par la Cour de justice de la théorie de l’acte clair qui autorise les États membres à ne pas solliciter le juge de Luxembourg, lorsque l’interprétation du droit communautaire est si évidente qu’elle ne laisse aucun doute raisonnable sur la manière dont la question soulevée doit être résolue.39

Ainsi, il revient à la juridiction nationale de décider du stade de la procédure auquel il convient de poser une question préjudicielle. 40 Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, cette dernière peut examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national, afin que son action s’inscrive dans les limites des missions confiées à la CJUE, qui est de contribuer concrètement à l’administration de la justice dans les États membres et non d’émettre des opinions théoriques.41 En conséquence, la Cour peut estimer ne pas pouvoir statuer à titre préjudiciel lorsque l’interprétation ou l’appréciation de validité d’une règle communautaire demandée par la juridiction de renvoi sont sans rapport avec le litige au principal, ou lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit pour       

35 Arrêt du 27 mars 1963, « Da Costa contre Nederlandse Belastingadministratie », affaires jointes 28 à 30/62. Rec. 1963, p.

61.

36 Ibid, points 75 et 76.

37 Dans l’arrêt du 29 janvier 1983, « Cullet contre Leclerc », affaire 231/83, Rec. 1985, p. 305, l’interprétation de la législation française sur le prix de l’essence n’a pas tari la source des questions préjudicielles sur le même sujet. Neuf autres recours préjudiciels de juridictions françaises suivront.

38 Arrêts du 16 décembre 1981, « Foglia », affaire 244/80, Rec. 1981, p. 3045 ; du 3 février 1983, « Robards », affaire 149/82, Rec. 1983, p. 171 ; du 16 juillet 1992, « Meilicke », affaire C-83/91, Rec. 1991, p. I-4871 ; du 16 juillet 1992,

« Lourenço Dias », affaire C-343/90, Rec. 1992, p. I-4673 ; du 26 janvier 1993, « Telemarsicabruzzo », affaires C-320/90, C- 321/90, et C-322/90, Rec. 1990, p. I-393.

En revanche, un recours préjudiciel ne peut être jugé irrecevable uniquement parce-que les parties sont d’accord sur le résultat à obtenir. Arrêt du 9 février 1995, « Leclerc-Siplec », affaire C-412/93, Rec. 1995, p. I-179, point 14.

39 Arrêts  du  15  septembre  2005,  « Intermodal  Transports  BV  contre  Staatssecretaris  van  Financiën »,  affaire  C‐

495/03, , Rec. 2005, p. I‐8151, point 39; du 6 octobre 1982, «  CILFIT contre « Italian Ministry of Health », affaire C‐

283/81, Rec. 1982, p.3415 (dispositif de l’arrêt). 

Les juridictions françaises et tout particulièrement le Conseil d’Etat avaient acquis la réputation d’abuser de la doctrine de l’acte clair avant même que celle-ci soit reconnue par la Cour de justice.

40 Arrêt du 12 juin 2003, « Schmidberger », affaire C-112/00, Rec. 2003, p. I. 5659, point 39.

41 Arrêts du 13 mars 2001, « Preussen Elektra », affaire C-379/98, Rec. 2001, p. I-2009, point 38 ; du 12 juin 2003,

« Schmidberger », affaire C-112/00, Rec. 2003, p. I. 5659, point 32.

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répondre utilement au juge national ou enfin lorsque le problème présente un caractère hypothétique.42 Sur ce dernier point, l’avocat général Jacobs estime dans ses conclusions rendues dans plusieurs affaires, que les questions posées à la CJUE devraient être directement liées aux faits dans l’affaire au principal.43

Dans toutes les affaires précitées, la Cour se démarque de son avocat général, jugeant que dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, la Cour est en principe tenue des statuer. Le principe s’applique également dans le cas particulier où le droit national d’un État membre renvoie au contenu de la disposition communautaire pour déterminer les règles applicables à une situation purement interne à cet État.44 Une autre explication de la volonté du juge communautaire d’intervenir se trouve dans un souci probable d’apporter une réponse de principe au juge national. Pour justifier son intervention, la Cour se fonde notamment sur les effets potentiellement restrictifs de la réglementation sur les échanges intracommunautaires.

En conséquence, alors même que l’application d’une mesure nationale ne présentant aucun lien avec l’importation des marchandises ne relève pas de l’article 34 du TFUE, cette dernière disposition ne peut être écartée, pour la seule raison que dans le cas concret soumis à la juridiction nationale, tous les éléments soumis sont cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre.45

      

42 Affaire C-112/00 précitée, point 33 ; Arrêt du 14 octobre 2004, affaire C-3602, Rec. 2004, p. 9609, point 20.

43 Conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’arrêt «Pistre », concernant la législation française réservant l’indication de provenance « montagne » à certains produits nationaux. Cependant l’affaire au principal n’impliquait que des ressortissants français poursuivis pour avoir, en violation avec la réglementation litigieuse, mis en vente sur le territoire national des produits d’origine française. Le gouvernement français, en phase avec les conclusions de l’AG, soutenait que les poursuites intentées devant la juridiction nationale ne relevaient pas des articles 30 et 36 du traité CE (articles 34 et suivant TFUE) et qu’il n’y avait donc pas lieu de répondre à la question de la compatibilité de la réglementation litigieuse avec le traité. La Cour cependant ne l’a pas suivi sur ce point , estimant que l’article 30 peut s’appliquer même si tous les faits au principal se déroulent à l’intérieur d’un Etat membre, mais dès lors que la mesure nationale facilite la commercialisation des produits nationaux (arrêt du 7 mai 1997, «Procédure pénale contre Jacques Pistre » (affaire C-321/94), « Michèle Barthes » ( affaire C-322/94), « Yves Milhau » (affaire C-323/94) et « Didier Oberti » (affaire C-324/94), Rec. 1997, p. I-2343.

Voir également les conclusions de Monsieur Jacobs dans les arrêts du 17 juillet 1997 (« Leur-Bloem », affaire C-28/95, Rec.

1997, p. 4161 et « Giloy contre Hauptzollant Frankfurt am Main-Ost », affaire 130/95, Rec. p. I-4291), dans lesquelles la Cour est interrogée à titre préjudiciel pour savoir si elle est compétente au titre de l’article 177 du traité (article 267 TFUE), pour interpréter le droit communautaire lorsque celui-ci ne régit pas directement la situation en cause, mais que le législateur national a décidé d’appliquer le même traitement aux situations purement internes et à celles qui relèvent de la directive, en sorte qu’il a aligné sa législation sur le droit communautaire.

44 Arrêt du 18 octobre 1990, « Dzodzi » (précitée), affaires C-297/88 et C-197/89, Rec. 1990, p. I-3763, point 36; du 8 novembre 1990, « Gmurzynska-Bscher », affaire C-231/89, Rec. 1990, p. I-4003, point 25 ; du 17 juillet 1997, « AK Leur – Bloem contre Inspecteur der Belastingdienst/Ondermnemingen Amsterdam 2 », affaire C-28/95, Rec. 1997, p. I-4161, point 25.

45 Affaire  321/94,  «Pistre »  (précitée),  point  44. ;  Voir  également  l’arrêt  du  14  juillet  1988,  «Procédure  de  redressement judiciaire contre  Smanor SA», affaire 298/87, Rec. 1988, p. 4489,  points 8 et 9. 

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La Cour précise sa mission en indiquant qu’il lui revient de fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments relevant du droit communautaire qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie,46 qu’elle y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ces questions.47

L’affaire « Schmidberger »48 est intéressante à cet égard dans la mesure où la Cour de Luxembourg réoriente clairement une question qui lui est adressée par la juridiction autrichienne. Rappelons que l’affaire au principal concerne un litige entre une société de transport à l’administration autrichienne à laquelle la première reproche de ne pas avoir interdit une manifestation pacifique ayant eu pour conséquence de bloquer temporairement l’accès à une autoroute. Au stade de la justification éventuelle de l’entrave, tandis que le juge de renvoi interroge la CJCE pour déterminer si l’objectif du rassemblement est susceptible de tenir en échec le principe de libre circulation des marchandises, cette dernière recadre la question afin de ne prendre en considération que l’action ou l’omission imputable à l’État membre. En effet, si les manifestants sont motivés par des objectifs liés à la protection de l’environnement, la conduite de l’administration autrichienne est inspirée par des considérations liées au respect des droits fondamentaux et notamment aux libertés d’expression et de réunion.49

La Cour ajoute qu’il lui revient également de décider du moment, c’est à dire du stade de la procédure auquel la ou les questions préjudicielles doivent être posées. Logiquement, la Cour de justice, une fois saisie en vue d’une interprétation du droit communautaire, est tenue de statuer.

Ce cadre d’intervention est d’autant plus remarquable qu’il est largement exploité par la Cour dont on a pu qualifier les interprétations de généreuses,50 fournissant ainsi à la Commission les moyens de l’efficacité.

      

46 Arrêts du 15 novembre 2011, « Dereci e.a. », C-256/11, Rec. 2011, p. 11315, point 72 ; du 8 novembre 2012, « KGH Belgium », C-351/11, point 17.

47 Arrêts du 12 septembre 2000, « Yannick Jeffroy et Casino France SNC », affaire C‐366/98, Rec. 2000, p. I‐6579, point  20 ; du 4 juillet 2000, « Haim », affaire C‐424/97, Rec. p. I‐5123 ; point 58 ; du 11 septembre 2007, « Céline, affaire C‐

17/06, Rec. 2007, p. I‐7041, point 29. Arrêt du 16 décembre 2008,  « Gysbrechts  et Santurel Inter », affaire C‐205/07,  Rec. 2008, p.I‐9947, point 30. 

48 Arrêt du 12 juin 2003, « Schmidberger », affaire C-112/00, Rec. 2003, p. I. 5659.

49 Ibid, points 65 à 69.

50 Renaud Dehousse , « La Cour de Justice des communautés européennes »  – Montchrestien – Clefs politique, 1997. 

L’exemple de l’identification de l’Etat membre comme responsable de mesures nationales restrictives est éloquent : Large conception de l’Etat, c’est à dire comme un ensemble comprenant toutes ses composantes, qu’il s’agisse des autorités

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Des ombres viennent toutefois assombrir ce tableau trop parfait. La durée effective de la procédure de l’article 267 du TFUE allant de dix-huit à vingt mois peut en effet décourager d’y avoir recours, notamment lorsqu’elle compromet le résultat recherché devant la juridiction nationale. 51

L’affaire « Smanor »52 illustre cette situation dans la mesure où le requérant dans l’affaire au principal a été mis en faillite avant le prononcé de l’arrêt d’interprétation. Pareilles références sont susceptibles de décourager les tribunaux d’intenter un recours en interprétation. Le cas échéant, c’est la cohérence et l’uniformité du droit qui se trouvent menacées.

La réticence des tribunaux nationaux à en référer à la Cour de justice est plus critiquable encore dans d’autres circonstances où la durée de la procédure est nullement mise en question,53 même si au terme d’une nouvelle étape de maturité du droit communautaire, on peut imaginer et espérer que le renvoi préjudiciel devienne l’exception. Une telle évolution donnerait toute sa dimension au principe selon lequel le juge national est le juge communautaire de droit commun.54 Toutefois, la coopération demeure pour l’instant primordiale dans un contexte où le droit communautaire occupe une place grandissante et où le nombre de tribunaux nationaux a sensiblement augmenté au fil des derniers élargissements de l’Union.55 Dans une première étape, le recours préjudiciel est essentiel pour ces

       

administratives ou des collectivités territoriales (Voir l’arrêt du 5 mai 1970, « Commission contre Royaume de Belgique », affaire 77/69, Rec. 1970, p. 237, point 15).

51 Plus  précisément,  la  durée  moyenne  de  la  procédure  est  passée  de  25,5  mois  en  2003  à  17,  1  mois  en  2009  (ces  chiffres  intègrent  les  ordonnances  et  les  affaires  sans  conclusions  de  même  que  les  procédures  accélérées  et  les  procédures préjudicielles d’urgence. Voir Caroline Naömé, 2ème édition, 2010, Guide pratique, « Le renvoi préjudiciel  en droit européen », JLMB, Opus 4, Editions Larcier, p. 205. 

Des  références  plus  récentes  font  état  d’une  durée  moyenne  des  renvois  préjudiciels  de  16,3  mois  jugée 

« satisfaisante » par la doctrine  (Deny Simon, Valérie Michel, Anne Rigaux, Système juridictionnel de l’Union, Europe,  Revue mensuelle Lexisnexis jurisclasseur, mai 2014, p.29). 

52 Arrêt du 14 juillet 1988, “Smanor”, affaire 298/87 (précitée), Rec.1998, p. 4489.

53 Malcom Jarvis, « The application of EC law by national courts- The free movement of goods », Clarendon press - Oxford, 1988, p.39 et 87. Concernant l’affaire «Syndicat national des importateurs français en produits laitiers et avicoles et Decker et Cie » (Rec. Lebon 1967), l’auteur critique l’absence de recours préjudiciel de la part de la juridiction administrative.

54 L’avocat général Tesauro a souligné que : « The national court is the natural forum for Community law which it can and normally does apply ; and it is right and proper that preliminary rulings should be sought from the Court of Justice only in exceptional cases, both because national proceedings are thereby considerably protracted, and because, at the present stage, Community law should by now be seen as a routine component of the rules applicable to everyday litigation, rather than an exotic excrescence upon the national legal order” (“The Effectiveness of Judicial Protection and Cooperation between the Court of Justice and National Court”, in Festskrift til Ole Due, Liber Amicorum 1994, Gad, Copenhagen, pp. 355 et suivantes).

55 Par exemple, le nombre de tribunaux nationaux a plus ou moins doublé en mai 2004 avec l’adhésion des 10 nouveaux Etats membres. Voir Xavier Groussot, « The Role of the National Courts in the European Union : A Future Perpspective », Sieps, Swedish Institute for European Policiy Studies, report No. 10, November 2005.

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juridictions « inexpérimentées » auxquelles la CJUE peut communiquer un véritable mode d’emploi du droit communautaire.

Plus graves sont les cas dans lesquels le tribunal national n’est pas en phase avec l’interprétation de la règle communautaire telle qu’elle figure dans l’arrêt préjudiciel.56 Tout aussi regrettable serait le caractère erratique des jurisprudences nationales, lors de l’application du test de proportionnalité permettant de justifier les réglementations nationales restrictives. La doctrine regrette la négligence dont font preuve des tribunaux nationaux en affirmant simplement que les mesures nationales sont proportionnées sans se fonder sur une véritable analyse et parfois même sans aucune référence audit principe.57 Une telle attitude est en totale contradiction avec l’esprit et la logique de coopération qui doit présider à la relation entre le juge communautaire et son homologue national.

L’audace des décisions de la Cour peut également s’expliquer par le caractère inachevé de la construction européenne qui reste une œuvre en voie de réalisation58 mais aussi par des traités dont la compréhension appelle de nombreuses clarifications.59 Dans son rôle d’architecte d’un édifice en construction, le juge de Luxembourg doit faire preuve « d’imagination juridique ».

Une ultime et remarquable particularité de cette juridiction se révèle dans la compétence obligatoire qui la caractérise. Ses décisions s’imposent tant aux gouvernements qu’aux institutions de l’Union.

Ces mêmes États membres ont parfaitement compris le potentiel d’influence exercée par la Cour. En atteste l’utilisation stratégique qu’ils en font par des recours qui ont pour principale justification d’amener la Cour à se prononcer sur une question de droit, afin d’influencer le législateur.60 L’efficacité du procédé serait favorisée par la légitimité de la Cour.61 Toutefois,       

56 Ibid, p. 57. A propos de l’affaire “Nauleau”, Cour de Cassation, ch. Criminelle, 14 octo.1992, Bull. Cass. Crim. 1992 n°326, p. 899.

57 Malcom Jarvis, « The application of EC Law by National Courts – The Free Movement of Goods », Clarendon Press – Oxford 1998, p. 440 et 441.

58 Comme nous l’avons précisé antérieurement, l’harmonisation totale n’existe pratiquement pas. En outre, certains produits ne doivent pas nécessairement faire l’objet d’une harmonisation. Enfin de nouveaux produits sont constamment proposés sur le marché. Voir R. Munoz, « Le principe de reconnaissance mutuelle et l’abrogation de la décision 3052/95, chronique d’une future révolution ? », issu d’une présentation qui a été faite lors de la conférence « Le principe de reconnaissance mutuelle » organisée par le Centre d’Etudes Internationales et Européennes de Strasbourg le 5 décembre 2008, p. 5.

59 Cécile Robert, « Au cœur des mécanismes de l’intégration européenne, ce juge méconnu de Luxembourg », Le Monde diplomatique, Mai 1999 : l’auteur évoque des difficultés d’interprétation « épouvantables ».

60 La doctrine a pu évoquer l’hypocrisie des Etats membres souvent enclins à critiquer l’application par la Cour d’un droit dont ils semblent rejeter la paternité. Cécile Robert, « Au cœur des mécanismes de l’intégration européenne, ce juge méconnu de Luxembourg », Le Monde diplomatique, Mai 1999 (article précité). En revanche et paradoxalement, le juge

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