• Aucun résultat trouvé

Conclusion du titre

Section 2- La vulnérabilité des Etats membres dans l’exercice de leur compétence résiduaire

II- Des Etats membres victimes de la discrimination à rebours

La discrimination à rebours constitue un moyen de pression supplémentaire sur les Etats membres . En effet, selon le principe de la reconnaissance mutuelle, tout produit légalement

      

556

Arrêt de la Cour du 9 décembre 1997, « Commission des Communautés européennes contre République française », affaire C-265/95, Rec. 1997, p. 5969.

557

Ibid, points 20 à 23

558

Certains commentateurs préfèrent le concept anglo-saxon de « due diligence ». Voir Vaqué Luis Gonzales , Lothar Ehring et Cyril Jacquet, Unité XV.D.1, « Application des articles 30 à 36 du traité CE et élimination des restrictions aux échanges », Commission Européenne, Bruxelles, Revue du Marché Unique Européen 1/1999,

559

Arrêt de la Cour du 9 décembre 1997, « Commission des Communautés européennes contre République française », affaire C-265/95, Rec. 1997, p. 5969, point 57.

560

La Cour devrait se montrer tout aussi intraitable face au cynisme des Etats membres tel qu’il se manifeste parfois. En effet si le chantage politique existe, (Nous pensons notamment aux menaces du Royaume-Uni de pratiquer la politique de la chaise vide lorsque la Commission a décrété l’embargo sur la viande de bœuf britannique), le chantage économique peut à l’inverse servir des objectifs politiques. Ainsi en réaction à l’opposition par les Pays-bas à l’intégration de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen, le gouvernement de Bucarest a décidé de bloquer l’entrée sur le territoire roumain à un une trentaine de camions hollandais chargés de fleurs, bulbes et semences.

fabriqué et commercialisé dans un Etat membre doit pouvoir être mis sur le marché des autres Etats membres. En conséquence, le maintien d’une réglementation nationale qui ne devrait alors concerner que les produits nationaux risquerait de les soumettre à un régime plus contraignant que les produits importés, générant ainsi pour l’Etat membre d’importation une forme d’auto discrimination. Cet effet induit par les orientations de la Cour a été souligné par la Commission dans sa communication interprétative de l’affaire « Cassis de Dijon » dans les termes suivants : « Si les Etats membres peuvent, en ce qui concerne leur propre production et en l’absence de dispositions communautaires en la matière, réglementer les conditions de commercialisation des produits, il en est autrement s’il s’agit de produits importés des autres Etats membres ».561 Par conséquent, l’importateur bénéficie d’un régime plus favorable que le producteur national (qui est également un exportateur potentiel), comme l’illustrent les exemples suivants.

L’affaire « Cognet »562 concerne une question préjudicielle visant à apprécier la compatibilité avec le droit communautaire d’une réglementation nationale telle que la législation française sur le prix du livre. Celle-ci aboutit en effet, lors de la vente au détail des livres, à une différence de traitement selon qu’il s’agit de livres mis directement sur le marché dans cet Etat membre où de livres réimportés après avoir été préalablement exportés dans un autre Etat membre, le prix de vente des premiers étant imposé et celui des seconds restant libre. La Cour souligne clairement que le droit communautaire n’interdit pas la discrimination à rebours. Elle précise en effet que « l’article 30 a pour objet d’éliminer les entraves à l’importation de marchandises et non d’assurer que les marchandises d’origine nationale bénéficient, dans tous les cas du même traitement que les marchandises importées ou réimportées. Une différence de traitement entre marchandises qui n’est pas susceptible d’entraver l’importation ou de défavoriser la commercialisation de marchandises importées ou réimportées ne relève pas de l’interdiction établie par cet article ».563

Une seconde affaire « Ministère public contre Arthur Mathot »564 correspond à l’exemple caractéristique d’une réglementation plus sévère vis-à-vis des produits nationaux qu’elle ne l’est vis-à-vis des produits importés. En l’occurrence, le droit belge impose de faire figurer sur

      

561

Communication de la Commission sur les suites de l’arrêt rendu par la CJCE, le 20 février 1979, dans l’affaire 120/78 (Cassis de Dijon). Journal officiel n° C 256 du 3/10/1980, p. 2,3.

562

Arrêt du 23 octobre 1986, « Driancourt contre Cognet », affaire 355/85, Recueil 1986, p. 3231.

563

Ibid, point 10.

564

l’emballage du beurre produit en Belgique, le nom du fabricant, du préparateur ou du vendeur. Or cette obligation ne concerne pas le beurre importé des autres Etats membres. Dans son arrêt d’interprétation, la Cour confirme son analyse l’article 30 TCEE (article 34 TFUE) telle qu’elle ressort de l’affaire « Cognet ». Dans la mesure où la réglementation n’est pas susceptible d’entraver les importations ou de défavoriser la commercialisation des marchandises importées, elle se trouve hors du champ d’application de l’article 30 TCEE (Article 34 TFUE).565 Précisément, une différence de traitement au détriment du produit national ne saurait entraver l’importation du produit importé et par conséquent ne tombe pas sous le coup de l’article 30 du traité (article 34 du TFUE).566

Certes, l’harmonisation permet d’éviter les effets de la discrimination à rebours au nom du principe général de non discrimination.567 Mais encore faut-il que le droit dérivé soit effectivement appliqué afin qu’un Etat membre ne puisse continuer à faire peser des obligations sur les seuls produits nationaux à l’exclusion des produits importés. A cet égard, dans l’hypothèse où les effets d’une directive n’affecterait que les seuls produits nationaux, maintenant ainsi une discrimination à rebours, la Cour juge que les opérateurs économiques ne seraient pas autorisés à demander à être exonérés des obligations émanant du droit dérivé. En sa qualité de gardienne des traités, il revient en effet exclusivement à la Commission de veiller à l’application des directives sur l’ensemble de la Communauté.568

La discrimination à rebours de nature fiscale n’est pas davantage prise en compte par la Cour de Justice.

Dans l’affaire « Hans just »,569 elle adopte une interprétation stricte de l’article 95 du traité CEE (article 110 TFUE)570 quant aux personnes pouvant s’en prévaloir. Ainsi, dans l’hypothèse où une imposition nationale est jugée discriminatoire pour des produits importés,

      

565

Ibid, point 7.

Voir également en ce sens, l’arrêt du 23 octobre 1986, « Driancourt contre Cognet », affaire 355/85, Rec. 1986, p. 3231, points 10 et 11.

566

Ibid, point 8.

567

Selon la jurisprudence de la Cour, un traitement défavorable aux produits nationaux par rapport aux produits importés dans un secteur non harmonisé ne relève pas du champ d’application du droit communautaire (arrêt du 18 février 1987, « Ministère public contre Arthur Mathot », affaire 98/86, Rec. 1987, p. 809, point 9).

568

Ibid, point 11.

569

Arrêt du 27 février 1980, « Hans Just », Affaire 68/79, Rec. 1980, p. 501, point 15.

570

Article 110 TFUE : « Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou dindirectement les produits nationaux similaires. En outre, aucun Etat membre ne frappe les produits des autres Etats d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions ».

la circonstance qu’une partie de la production nationale est également pénalisée par un taux d’imposition plus élevé n’y change rien. L’État membre n’est tenu d’éliminer la marge discriminatoire que vis à vis des importateurs et non pas des producteurs nationaux.

La discrimination à rebours correspond ainsi à un sous produit de la répartition des compétences entre les droits nationaux et le droit communautaire. En conséquence, elle ne doit pas être associée à une discrimination volontaire des Etats membres contre leurs propres nationaux.571 Il n’en demeure pas moins que la discrimination à rebours exerce une contrainte supplémentaire sur les Etats membres qui ne peuvent arguer de cette situation pour s’opposer à l’importation de marchandises en provenance d’autres Etats membres.572 Cette situation serait justifiée par le fait que l’article 34 ne vise guère à réguler le commerce mais à supprimer les entraves à l’importation de produits en provenance des autres Etats membres. Pour autant, l’effet de régulation du commerce ne peut être totalement nié, dans la mesure où la discrimination à rebours peut inciter les Etats membres à assouplir leur réglementation afin de ne pas pénaliser les producteurs nationaux.

Demeure la question de savoir si une telle position est en phase avec l’idéal d’un véritable marché intérieur ? Autrement dit, la discrimination à rebours ne correspond-t-elle pas un principe contre nature ?

Cette analyse relative aux conséquences de la discrimination à rebours dans un espace économique intégré concerne également dans une certaine mesure, l’obligation de confiance mutuelle qui s’impose aux États membres.

III- Le principe de la confiance mutuelle entre les états membres : logique