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L'effectivité des normes du développement durable dans le processus d'intégration en Afrique

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Texte intégral

(1)

© Guy Marcel Nono, 2019

L'effectivité des normes du développement durable

dans le processus d'intégration en Afrique

Thèse

Guy Marcel Nono

Doctorat en droit

Docteur en droit (LL. D.)

(2)

L’effectivité des normes du développement durable

dans le processus d’intégration en Afrique

Thèse

Guy Marcel Nono

Sous la direction de :

Charles-Emmanuel Côté, directeur de recherche

Emmanuel Kam Yogo, codirecteur de recherche

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iii

Résumé

A priori, l’Union africaine, avec son programme pour le développement de l’Afrique connu sous

le nom de NEPAD, peut être considérée comme un « moulin à prières ». Ce, en raison de nombreux documents internationaux adoptés à l’échelle régionale africaine, et de l’étroite marge de manœuvre qu’a l’Union africaine pour trouver des solutions durables aux crises économiques et sociales qui secouent l’Afrique. Crises ayant des incidences sur l’environnement. En effet, depuis l’avènement de l’Union africaine, le développement durable est devenu dans les textes le principe directeur du processus d’intégration africaine.

Cette étude analyse les efforts de l’Union africaine en vue de l’effectivité des normes du développement durable en Afrique, ainsi que la contribution de l’Afrique à l’évolution du droit international. L’analyse de l’effectivité des normes de développement durable à l’échelle régionale africaine s’est faite en deux étapes. Premièrement, on a analysé la positivité des normes africaines de développement durable dans l’ordre juridique africain au regard des standards internationaux en la matière. Deuxièmement, on a analysé la mise en œuvre régionale des normes africaines de développement durable au regard des prescriptions des standards internationaux en la matière. Au-delà de la priorisation de l’économique et du social, la façon dont l’Union africaine concilie les trois piliers du développement durable a été mise en relief. Ce travail contribue à mettre en lumière l’approche juridique de l’Union africaine vis-à-vis du développement durable, et montre comment ce concept se matérialise d’une façon particulière en Afrique. Elle analyse, d’une part, les initiatives de l’Union africaine pour traduire dans les faits les trois piliers du développement durable. Et, d’autre part, les obligations que l’Union africaine impose à ses États membres pour mettre en œuvre ces piliers. Cette étude est également destinée à favoriser la compréhension de l’évolution de la notion de développement, de droit au développement, de développement durable, et elle met en évidence le lien entre le droit et le développement. Enfin, ce travail contribue à mettre en exergue les avancées du droit international sur la remise en cause de la notion de droit subjectif et la consécration de l’existence des « droits sans sujet » en droit international public, à travers le concept de développement durable.

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iv

Abstract

A priori, the African Union and its program for development known as NEPAD can be regarded

as a prayer wheel. This, due to the impressive number of international documents adopted at the African regional level and the narrow margin of maneuver of the African Union to find lasting solutions to economic and social crises in the continent, with environmental impacts. With certain indications of realism, we cannot think otherwise. When we know that since the advent of the African Union, sustainable development has become in the texts, the guiding principle of the process of African integration.

This study analyzes the efforts of the African Union for a sustainable development in Africa as well as Africa's contribution to the evolution of international law. We have evaluated the effectiveness of the norms of sustainable development in the African regional level. We proceeded in two stages. This study also analyzes how the international standards relating to sustainable development was received in the African legal order and their implementation. Beyond the prioritization of the economic and social pillars of sustainable development, we highlighted the way in which the African Union reconciles the three values of sustainable development. This study contributes to shedding some light on the African Union’s legal approach with respect to sustainable development, and to show how this concept is materializes in a particular way in Africa. It firstly analyzes the obligations which the African Union lays on itself to translate to reality, the economic and social pillars of the sustainable development, and secondly, the obligations the African Union addresses to its Member States to implement these pillars. This study is also a contribution to the understanding of the evolution of the concept of development, right to development, sustainable development, and establishes the link between law and development. This study also helps to highlight the evolution of international law, including the questioning of the notion of subjective right and the consecration of the existence of rights with no owner in Public International Law, through the concept of sustainable development.

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v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Table des acronymes et abréviations ... vii

Dédicace ... xii

Remerciements ... xiii

Avant-Propos ... xv

INTRODUCTION ... 1

PARTIE PRÉLIMINAIRE — LES ÉTAPES DE L’ÉVOLUTION DU CONCEPT DE DÉVELOPPEMENT POUR ABOUTIR AU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SON INSERTION DANS LE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ... 63

CHAPITRE I — GENÈSE ET ÉVOLUTION DU CONCEPT DE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE ... 66

Section I — La phase du développement sans croissance économique : la révolution néolithique ... 72

Section II- Approche interdisciplinaire de la notion de développement axée sur la croissance économique ... 76

Section III- La phase de la recherche d’un développement qualitatif dans la perspective du développement durable... 107

CHAPITRE II — LA RÉCEPTION DU CONCEPT DE DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ... 130

Section I – La dissémination du concept de développement dans les traités et dans la jurisprudence internationale ... 131

Section II- La nature juridique potentielle du concept de développement durable ... 144

Section III — L’existence du droit international du développement durable comme branche du droit international ... 154

CONCLUSION DE LA PARTIE PRÉLIMINAIRE ... 197

PREMIÈRE PARTIE : LA TRANSPOSITION DES STANDARDS INTERNATIONAUX DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LE DROIT POSITIF RÉGIONAL AFRICAIN ... 199

CHAPITRE I- PRÉSENTATION DE L’ORDRE JURIDIQUE RÉGIONAL AFRICAIN ... 201

Section I- Les indices de l’existence d’un ordre juridique régional africain... 203

Section II- Le positionnement de l’ordre juridique de l’Union africaine par rapport à l’ordre juridique international apprécié par référence à l’Union européenne ... 255

(6)

vi

CHAPITRE II- LA RÉCEPTION PAR LE DROIT RÉGIONAL AFRICAIN DES STANDARDS

INTERNATIONAUX DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ... 264

Section I- Analyse des traités régionaux africains relatifs au développement durable et le Document-cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, au regard des prescriptions des standards internationaux en la matière ... 265

Section II- L’intégration des trois piliers du développement durable dans certaines obligations de moyens que l’Union africaine impose à ses États membres ... 328

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE ... 345

SECONDE PARTIE : LA MISE EN ŒUVRE RÉGIONALE DES NORMES AFRICAINES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE AU REGARD DES PRESCRIPTIONS DES STANDARDS INTERNATIONAUX EN LA MATIÈRE ... 347

CHAPITRE I- LES MÉCANISMES DE CONTRÔLE CONTENTIEUX ET NON-CONTENTIEUX DES NORMES AFRICAINES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ... 358

Section I- Le contrôle mixte institué par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples pour garantir la mise en œuvre des droits de l’homme, y compris le droit au développement considéré comme norme africaine de développement durable ... 360

Section II- Le contrôle mixte institué par le Traité d’Abuja pour assurer le suivi de la libéralisation du commerce des marchandises considérée comme norme africaine de développement durable... 412

Section III- Le contrôle mixte institué pour la résolution diplomatique des conflits civils reconnue comme norme africaine de développement durable ... 420

CHAPITRE II- LES MÉCANISMES DE SANCTION EN CAS D’INEXÉCUTION DES NORMES AFRICAINES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE... 434

Section I- Les sanctions économiques expérimentées par l’Union africaine pour résoudre les conflits civils et applicables pour censurer les violations des règles qui régissent la libéralisation des échanges commerciaux intra-africains ... 438

Section II- Les sanctions politiques expérimentées par l’Union africaine pour résoudre les conflits civils et pouvant être appliquées aux violations du droit au développement ... 445

Section III- Les sanctions militaires expérimentées pour résoudre les conflits civils en Afrique ... 458

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ... 463

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 466

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vii

Table des acronymes et abréviations

ACDI Annuaire canadien de droit international AFDI Annuaire français de droit international Afr Hum Rts L J African Human Rights Law Journal

Afr J Int’l & Comp L African Journal of International and Comparative Law Afr J Leg Stud African Journal of Legal Studies

Afr Y B Int’l L African Yearbook of International law AG Assemblée générale

AHRCLA African Human Rights Case law Analyser Am J Int’l L American Journal of International Law

Ann Surv Int’l & Comp L Annual Survey of International & Comparative Law ASIL American Society of International Law

ATS Australian Treaty Series

Brook J Int’l L Brooklyn Journal of International Law B U Int’l L J Boston University International Law Journal

CADHP Charte africaine des droits de l’homme et des peuples Cal W Int’l LJ California Western International Law Journal

CAE Communauté d’Afrique de l’Est CE Communauté européenne

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viii

CEEAC Communauté économique des États de l’Afrique centrale CEDH Cour européenne des droits de l’homme

CEN-SAD Communauté des États sahélo-sahariens CES Conseil économique et social

Chi J Int’l L Chicago Journal of International Law CIJ Cour internationale de justice CM Conseil des ministres

COMESA Marché commun de l’Afrique orientale et australe

Comm Afr DHP Commission africaine des droits de l’homme et des peuples CUA Commission de l’Union africaine

CPS Conseil de paix et de sécurité

CrAfr DHP Cour africaine des droits de l’homme et des peuples Déc Décision

Décl Déclaration Doc Document

Envtl Pol’y &L Environmental Policy and Law HRLJ Human Rights Law Journal

IELMT International Environmental Law Multilateral Treaties IGAD Autorité intergouvernementale pour le développement ILA International Law Association

(9)

ix

ILM International Legal Materials

Ind Int’l & Comp L Rev Indiana International & Comparative Law Review J Judic Haye Journal judiciaire de la Haye

JO Journal officiel

LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence MAEP Mécanisme africain d’évaluation par les pairs

Mich St U Coll L Int’l L Michigan State University College of Law Journal of International Law N C J Int’l L North Carolina Journal of International Law

NEPAD New Partnership for Africa’s Development Neth Int’l L Rev Netherlands International Law Review NU Nations unies

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques Off Officiel

OIF Organisation internationale de la francophonie OIT Organisation internationale du travail

OMC Organisation mondiale du commerce ONG Organisation non gouvernementale

PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques

PIDESC Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels PUF Presses universitaires de France

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x

RCADI Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye

RDIDC Revue de droit international et de droit comparé

RDC République démocratique du Congo RD McGill Revue de droit de McGill

RDPDD Revue internationale de droit et politique du développement durable Regent J Int’l L Regent Journal of International Law

Rés Résolution

Rev BDI Revue belge de droit international RFDA Revue française de droit administratif RGDIP Revue générale de droit international public RIDC Revue internationale de droit comparé RIDE Revue internationale de droit économique Re Int Sc Soc Revue internationale des sciences sociales RJE Revue juridique de l’environnement

RQDI Revue québécoise de droit international RSA Recueil des sentences arbitrales

RSDIE Revue suisse de droit international et européen RTNU Recueil des traités des Nations unies

SADC Communauté de développement de l’Afrique australe San Diego Int’l L J San Diego International Law Journal

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xi

Santa Clara J Int’l L Santa Clara Journal of International Law SDN Société des Nations

Seattle J Envtl L Seattle Journal of Environmental Law Sér Série

STCE Série des traités du Conseil de l’Europe Transnat’l L & Contemp Probs Transnational Law & Contemporary Problems UA Union africaine

UKTS United Kingdom Treaty Series UMA Union du Maghreb arabe

Univ Pa J Int Law University of Pennsylvania Journal of International Law Vand J Transnat’l L Vanderbilt Journal of Transnational Law

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xii

Dédicace

À mes parents et à mes frères et sœurs.

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Remerciements

Au terme de cette étude, nous remercions tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à la réalisation de ce travail.

Nous sommes tout particulièrement reconnaissants envers notre directeur de thèse le Professeur Charles-Emmanuel Côté, une personne inspirante, d’une grande rigueur et d’une grande humilité intellectuelle. Très ouvert à la discussion, Charles-Emmanuel Côté n’a jamais cessé de nous instruire. Il a su nous prodiguer des conseils judicieux tant au niveau académique qu’au niveau social. Ce qui a facilité notre intégration au Québec en général et dans la ville de Québec en particulier. Le Professeur Charles-Emmanuel Côté n’a pas hésité à partager avec nous ses réflexions. Il nous a donné l’opportunité d’avoir une expérience de recherche et d’enseignement au sein de la Faculté de Droit de l’Université Laval, et nous a encouragé sans cesse à postuler à des offres de bourse, à dépasser nos limites, et à avoir confiance en nous, même lorsque tout semblait obscur. Qu’il trouve ici l’expression de notre profonde gratitude.

Nos remerciements vont également à l’endroit de notre codirecteur, le Professeur Emmanuel Kam Yogo, qui a suivi de près notre parcours académique depuis notre troisième année de droit. Il nous a marqué par sa modestie, son humilité intellectuelle, son engagement et ses encouragements à notre endroit.

À cette marque de reconnaissance, nous voudrions associer aussi tous les Professeurs de la Faculté de Droit de l’Université Laval, notamment Dominic Roux, Geneviève Parent, Georges Azzaria, Pierre Issalys et Véronique Guèvremont.

Nous adressons aussi nos remerciements aux prélecteurs, aux évaluateurs externes, à l’association des étudiants des deuxième et troisième cycles, et au Comité organisateur des rencontres des deuxième et troisième cycles de la Faculté de Droit de l’Université Laval. Nous remercions nos étudiants du premier cycle en droit qui au fil des sessions de cours nous ont beaucoup appris sur le monde de l’enseignement, et nous ont donné le goût de la recherche en droit à travers leurs questions parfois si naïves, mais si riches de sens. Nous remercions Matthieu Juneau qui nous a appris à utiliser le Manuel canadien de la référence juridique.

(14)

xiv

Enfin, nous tenons également à remercier les organismes subventionnaires pour leur support financier qui a grandement facilité la réalisation de cette étude, notamment, la bourse du Centre for International Governance Innovation (CIGI), et la Faculté de Droit de l’Université Laval à travers son fonds de soutien.

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xv

Avant-Propos

« Si tu veux aller vite, vas-y seul mais si tu veux aller loin, alors il faut y aller ensemble ». Ce célèbre proverbe africain traduit bien la nécessité de l’intégration régionale en Afrique pour l’atteinte de l’objectif du développement durable.

Au cours de notre parcours universitaire, nous avons animé de nombreuses discussions sur l’intégration africaine. Les réflexions faites par nos interlocuteurs à propos de la situation de l’Afrique et leur regard prospectif sur ses chances de développement étaient d’un pessimisme tel que nous ne savions pas quoi répondre pour relativiser la critique systématique de l’Afrique, et pour démentir les idées reçues sur l’immobilisme de son développement depuis les indépendances. Nos arguments en faveur de l’Afrique étaient rattrapés par certaines lapalissades. La grande majorité des populations africaines est cantonnée dans une économie de subsistance et dans l’informel. Face à cette situation, comment expliquer que les chances du développement de l’Afrique dépendent de l’Union africaine, et qu’elles sont conditionnées par le développement durable, qui fait son chemin en Afrique? Nous relativisions alors les tâtonnements, les essais et les erreurs de l’Union africaine en arguant qu’elle fait de son mieux, et que, selon un dicton africain : « Quelle que soit la longueur du chemin à parcourir, le voyage commence par un premier pas ».

Notre position était difficile à comprendre, puisque l’histoire de l’Afrique est trop souvent méconnue et racontée par « bon nombre de spécialistes non africains »1 qui, au mépris de la réalité

du cheminement actuel des peuples africains, s’évertuent à donner une vision de ce qu’ils pensent que celle-ci devait être2. Par ailleurs, le développement est encore perçu dans l’imaginaire populaire, ou

plutôt dans l’inconscient collectif, comme une course de rattrapage sur le plan économique des nations les plus industrialisées. Cet imaginaire populaire ramène le développement au modèle de consommation occidental, au statut lié à ce mode de vie, à une consommation par les populations comparable à celle de l’« Américain moyen », à une production de masse, et à la production de gadgets3.

1 Amadou Mahtar M’Bow, « Préface » dans A A Mazrui et C Wondji, dir, Histoire générale de l’Afrique. VIII. L’Afrique depuis

1935, UNESCO, 1998, 9 à la p 9.

2 Ibid.

3 Serge Latouche, Faut-il refuser le développement?: essai sur l’anti-économique du tiers-monde, Paris, Presses universitaires de France, 1986 aux pp 7, 11 [Latouche, Faut-il refuser le développement?].

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xvi

Aux afro-pessimistes obstinés, pour faire court, nous répondions : « La poule sait bien que l’aube est levée, mais elle laisse le coq chanter »4. Nous avions la conviction que les choses avancent en Afrique depuis l’avènement de l’Union africaine, et que ce continent est déterminé à avancer. Nous cherchions à montrer qu’il y a des choses qui sont faites de manière subtile par l’Union africaine, et qui ne sont que trop mal connues. C’est de là qu’est née l’idée d’entreprendre cette recherche sur le développement durable en Afrique dans le cadre du processus d’intégration africaine. Nous avons été confortés dans cette idée par le bon sens qui commande qu’avant de porter un jugement de condamnation sur toute chose, y compris sur l’Afrique, il faut d’abord la connaître de l’intérieur5. Or, l’Afrique ne peut être connue de l’intérieur si « personne n’entreprend la tâche ardue de la dégager de l’immédiateté et du vécu »6. Elle ne peut être connue de l’intérieur si les intellectuels africains continuent de faire l’économie d’un inventaire réfléchi de son passé, de son présent et de ses aspirations au monde7.

Ah, si vous saviez comme l’Afrique est belle8! Loin d’être la damnée de la terre comme certains

s’attachent à la dépeindre, l’Afrique recèle d’étonnantes initiatives et des réserves d’espoir pour son développement durable9. Que n’a-t-on pas entendu à propos du « mal – développement »10 de l’Afrique?

“L’Afrique… est mal partieˮ, “L’Afrique peut-elle partir? ˮ, “L’Afrique seuleˮ… Une vaste littérature politique a été consacrée au continent africain, une littérature qui analyse à la fois les difficultés dans lesquelles s’empêtrent les pays africains et les regrets des observateurs occidentaux devant les gaspillages économiques et sociaux et les luttes intestines qui marquent la première décade de l’indépendance de l’Afrique11.

4 Proverbe africain tel que cité dans Mathias Leridon, L’Afrique va bien : 10 chapitres à l’usage de ceux qui disent que

l’Afrique ne s’en sortira jamais, Paris, Nouveaux débats publics, 2010 à la p 177.

5 Pierre Meinrad Hebga, « Éloge de l’ethnophilosophie » (2002) 1: 165 Présence africaine 165 à la p 176 [Hebga, « Éloge »]. 6 Ibid.

7 Voir Pierre Meinrad Hebga, La rationalité d’un discours africain sur les phénomènes paranormaux, L’Harmattan, 1998 à la p 8; Kum’a Ndumbe III, « Histoire coloniale : De l’unidimensionnalité des sources léguées par le colonisateur à l’urgence de la pluralité des documents grâce à la sauvegarde de la mémoire collective des anciens peuples colonisés » dans Kum’a Ndumbe III, dir, Quand les anciens parlent ...Témoignages africains comme sources d'histoire coloniale. Actes du Symposium international de Vienne, 21-22 octobre 2015, AfricAvenir, 2016, 40 à la p 48.

8 Edgard Pisani, Pour l’Afrique, O Jacob, 1988 à la p 8. 9 Leridon, supra note 4 à la quatrième de couverture.

10 Cette expression est de Larabi Jaïdi et Iván Martín, « Europe-Afrique. Quelles perspectives d’avenir » (2018) OCP Policy Center. Policy Paper No PP-18/04. en ligne : < http://www.ocppc.ma/publications/europe-afrique-quelles-perspectives-d%E2%80%99avenir> à la p 10.

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xvii

Objet de mépris et de charité, l’Afrique cherche en elle-même, aujourd’hui plus que jamais, les ressorts de son avenir12. Les regrets ci-dessus évoqués par les observateurs occidentaux ont été

entendus par l’Union africaine, puisque la stratégie d’intégration régionale développée depuis la création de l’Union est enracinée dans ce constat, au point que cette organisation internationale a fait du développement durable son cheval de bataille. Ainsi, de nombreux progrès ont été réalisés par le continent africain depuis la création de l’Union africaine, progrès qui sont trop souvent dissimulés par l’afro-pessimisme.

Cette étude vise à créer une vision juste de l’Afrique, et pour ce faire, elle soutient qu’à travers l’action de l’Union africaine pour l’intégration africaine, on peut prétendre à l’effectivité et à l’application dans une certaine mesure des normes du développement durable à l’échelle régionale africaine. Elle présente l’Union africaine comme un catalyseur du développement durable, et démontre que la priorisation des piliers économique et social du développement durable dans le cadre du processus d’intégration régionale africaine n’a pas d’effets pervers sur l’environnement. Par ailleurs, elle met en relief la contribution de l’Afrique à la réalisation du développement durable, et soutient que sa mise en œuvre est de nature à favoriser l’intégration régionale africaine. Enfin, elle analyse l’intégration africaine de manière à identifier comment le développement durable est conceptualisé et appliqué en Afrique, tout en montrant que l’Union africaine s’est approprié la notion de développement durable, l’a réinterprétée en fonction de ses priorités et l’a mise au service de l’unité africaine.

12 Pisani, supra note 8 à la p 9.

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(19)

1 INTRODUCTION

« [N]ous n’avons pas toujours le regard adéquat pour appréhender les phénomènes émergents. Nous tendons à les approcher avec des grilles de lecture anciennes et nous en concluons alors [hâtivement] que rien n’a changé »13. Ces propos s’appliquent à l’Afrique. En général, lorsqu’on parle de l’Afrique, on a à l’esprit une image toute faite d’un continent où la pauvreté est à l’état stationnaire, un continent résilient et insensible au développement. Pourtant, pour peu qu’on y regarde de près avec un oeil neuf, on se rend compte que les choses ont bel et bien changé. L’Afrique vit une mutation profonde, subtile, mais significative en vue de son développement durable.

Contexte de la recherche

Cette étude part d’un constat. L’Afrique a été longtemps décrite comme : « une cicatrice sur la conscience du monde »14. Le continent de l’immobilisme et de l’imperméabilité au développement15. Un terrible « mouroir de tous les espoirs »16. Un « trou à rats »17 constitué de « pays de merde »18. Incidemment peut-être, ces qualificatifs ont enchaîné l’inconscient collectif à une image de l’Afrique qui n’a plus sa raison d’être, puisque ce continent s’est engagé résolument sur la voie du développement durable. Toutefois, cet engagement reste encore pour beaucoup une terra incognita.

À lire Axelle Kabou dans son ouvrage intitulé Et si l’Afrique refusait le développement?19, à l’heure actuelle, l’Afrique ne dispose pas encore d’une stratégie de développement clairement

13 Jacques Lévy, « Vers la société-monde ? » dans Marie-Françoise Durand, Jacques Lévy et Denis Retaillé, dir, Le Monde :

espaces et systèmes, Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques; Dalloz, 1993 à la p 191.

14 Tony Blair, ancien premier ministre du Uni tel que cité par Sir Emyr Parry Jones, représentant du Royaume-Uni au Conseil de sécurité de l’ONU, voir « Conseil de sécurité: le règlement des conflits en Afrique passe par une plus grande coopération avec l’Union africaine et les institutions sous-régionales » (30 mars 2005), en ligne : un.org < https://www.un.org/press/fr/2005/CS8348.doc.htm >.

15 Anne E Calvès et Richard Marcoux, « Présentation : Les processus d’individualisation “à l’africaine” » ( 2007) 39 : 2 Sociologie et sociétés 1 à la p 6; Sophie Dulucq, Écrire l'histoire de l'Afrique à l'époque coloniale : XIXe-XXe siècles, Paris, Karthala, 2009 à la p 137.

16 Stephen Smith, Négrologie : pourquoi l'Afrique meurt, France, Calmann-Lévy, 2003 à la p 13.

17 Hermann Cohen tel que cité dans Sylvie Brunel, L'Afrique est-elle si bien partie?, Sciences humaines, 2014 à la p 9. 18 Donald Trump président des États-Unis d’Amérique tel que cité par Centre d’actualités de l’ONU, « Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme dénonce des propos “choquants” prêtés au Président américain » (12 janvier 2018), en ligne : UN.org <http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=40773&Cr=HCDH&Cr1=#.WlkpiajiVnI>; Mathieu Prost, « Trump nie avoir traité certains pays de “trous à rats”» (11 janvier 2018), en ligne :

<http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1077602/donald-trump-etats-unis-maison-blanche-immigration-declaration-trous-a-rats?>; Donald Trump tel que cité par RFI, «“Pays de merde”: des dirigeants africains s’élèvent contre les propos de Trump » (13 janvier 2018), en ligne : RFI.fr <http://www.rfi.fr/afrique/20180113-pays-merde-dirigeants-africains-s-elevent-contre-propos-trump>.

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2

comprise par ses populations20. Vue de l’extérieur, l’Afrique, paraît être au bord du gouffre, à l’article de la mort. En ayant un regard de l’intérieur de l’Afrique, on est frappé par l’acharnement des Africains à saboter tout ce qui pourrait contribuer au développement de l’Afrique. Cela étant, l’Afrique n’est pas du tout intéressée au développement, car rien à l’heure actuelle ne permet d’affirmer qu’elle soit mue par la volonté de se développer. L’Afrique est sous-développée et stagnante parce qu’elle rejette le développement de toutes ses forces. La notion de développement en Afrique n’évoque pas pour les Africains la nécessité de mener un combat pour améliorer leurs conditions de vie. D’ailleurs, le développement suscite chez les Africains une réaction de répulsion et d’autodéfense culturelle21.

À la suite d’Axelle Kabou, Essè Amouzou, dans son ouvrage au titre très évocateur Le mythe

du développement durable en Afrique noire22, soutient que le développement durable en Afrique est

un leurre, puisque les programmes de développement initiés sur ledit continent depuis l’indépendance des pays africains n’ont pas contribué à l’amélioration des conditions de vie des populations africaines23.

Pour François Collart Dutilleul, parler de développement durable en Afrique est complètement « irréaliste », voire absurde. Les Africains ne sont pas àmême d’avoir un développement durable sur leur continent, dans la mesure où leurs besoins fondamentaux ne sont pas encore satisfaits24.

Par ailleurs, de nombreux auteurs donnent de constater que l’Afrique est caractérisée par des violations massives des droits de l’homme25; des coups d’État26; la corruption27 ; les conflits civils

incessants28 ; l’absence de démocratie (confiscation du pouvoir à travers le truquage des élections29);

20 Ibid à la p 40.

21 Ibid aux pp 17-18, 23, 26.

22 Essè Amouzou, Le mythe du développement durable en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, 2010. 23 Ibid aux pp 8, 10.

24 François Collart Dutilleul, « Relations extérieures de l’Union européenne au service du développement durable? Table ronde de synthèse et de discussion » dans Gourdin-Lamblin Anne-Sophie et Mondielli Éric, dir, Le droit des relations

extérieures de l’Union européenne après le Traité de Lisbonne, Bruylant, Bruxelles, 2013, 343 à la p 353.

25 Rachidatou Illa Maikassoua, La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples : un organe de contrôle au

service de la Charte africaine, Paris, Karthala, 2013 aux pp 241-244.

26 Babacar Guèye, « La démocratie en Afrique : succès et résistances » (2009) 2:129 Pouvoirs 5 à la p 21.

27 Melissa Khemani, « Corruption and the Violation of Human Rights: the Case for Bringing the African Union Convention on Preventing and Combating Corruption Within the Jurisdiction of the African Court on Human and Peoples’ Rights » (2008) 16 Afr Y B Int’l L 213 à la p 213.

28 Guèye, supra note 26 à la p 21.

29 Ibid à la p 23; Essè Amouzou, La démocratie à l’épreuve du régionalisme en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, 2013 aux pp 144-146.

(21)

3

la pauvreté30 ; et par l’irresponsabilité pénale des auteurs des crimes graves de portée internationale31

(crimes de guerre, génocide, corruption, crimes contre l’humanité) devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CrAfr DHP). D’autres auteurs soulignent que l’état de l’environnement africain est un sujet de préoccupation, puisque le continent africain demeure le centre de graves catastrophes écologiques préjudiciables à son développement économique et à la santé des populations32. Selon le raisonnement de ces auteurs, c’est user d’un oxymoron que de parler de

développement durable en Afrique.

Tous ces discours donnent à penser que les trois piliers interdépendants du développement durable, définis par les textes issus des conférences onusiennes relatives au développement durable, à savoir, le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement33,

ne sont pas des priorités pour l’Afrique. Cet avis est partagé par Yvette Veyret, lorsqu’elle affirme que la question du développement durable pour les pays africains est un luxe, voire un objectif secondaire34, dans la mesure où les régulations internationales souhaitables pour envisager une

évolution de ces pays vers un développement durable peinent à s’y instaurer35.

Tout en admettant l’intérêt de l’approche de ces auteurs qui invite à ne pas être naïf et illuminé à l’égard d’un quelconque engouement de l’Afrique pour son développement durable aux dépens de

30 Tidiane Diakité, Cinquante ans après, l’Afrique, Paris, Arléa, 2011 aux pp 25-27.

31 Francois-Xavier Bangamwabo, « International Criminal Justice and the Protection of Human Rights in Africa » dans Anton Bösl et Joseph Diescho, dir, Human Rights in Africa: Legal Perspectives on their Protection and Promotion, Windhoek, Macmillan Education Namibia, 2009, 105 à la p 105; Abass Ademola, « The proposed International Criminal Jurisdiction for the African Court: Some Problematical Aspects » (2013) 60:1 Neth Int’l Rev 27 aux pp 29-30, 41-42.

32 Angèle Communier, « Protection de l’environnement en Afrique : conditions de la mise en œuvre d’un développement durable » (2000) 8 L’observateur des Nations Unies 103 aux pp 103, 105-107; Nasser Zammit, L’Afrique et la question

environnementale, Paris, Connaissances et Savoirs, 2012 aux pp 83, 87-89, 91, 97, 106.

33 Ces trois piliers ont été définis par les textes issus des conférences onusiennes relatives au développement durable, notamment, le Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Doc off AG NU, 1992, Annexe I: Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Doc NU A/CONF.151/26/Rev. 1, vol. I, 31 ILM 874 (1992) au principe 25 [Déclaration de Rio]; Ibid Annexe II-Action 21 au chapitre 8 (8 para (2)), au chapitre 39 (39. 1 (b)) [Agenda 21] ; le Programme relatif à la poursuite de la mise en œuvre d’Action 21, Rés AG S-19/2, Doc off AG NU, 19e sess, sess extra, supp n° 2, Doc NU A/RES/S-19/2 (1997) 1 au para 23 [Programme

d’Action 21]; le Rapport du Sommet mondial pour le développement durable, Johannesburg, (Afrique du Sud) 26 août-4 septembre 2002, Doc off NU A/CONF199/20 (2002). Annexe. Déclaration de Johannesburg sur le développement durable

aux paras 5, 8 [Déclaration de Johannesburg]; L’avenir que nous voulons, Rés AG 66/288, Doc off AG NU 66e sess, Doc NU A/RES/66/288(2012) au para 1 [Document final de Rio+20].

34 Yvette Veyret, « Définition et composantes du développement durable : une question qui ne va pas de soi » dans Yvette Veyret, dir, Le développement durable, Paris, Sedes, 2007, 13 à la p 42.

35 Yvette Veyret, « Développement durable et plans d’ajustement structurels » dans Yvette Veyret, dir, Dictionnaire de

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4

la connaissance de la situation concrète de l’Afrique, il faut garder une certaine ouverture d’esprit en abordant l’effectivité des normes de développement durable en Afrique.

En effet, face à ces auteurs qui tiennent des propos qu’on pourrait qualifier d’« extrémistes », des observateurs « modérés », parmi lesquels on peut citer Bruno Boidin, infirment implicitement et subtilement l’idée répandue selon laquelle le développement durable est un luxe pour les pays du Sud36. Prudemment, peut-être, sans particulièrement pointer l’Afrique du doigt, celui-ci estime que

malgré l’universalité du concept et des objectifs de développement durable, l’étude de l’effectivité du développement durable doit être différenciée en fonction des contextes37. Car, si la protection de l’environnement demeure l’objectif souhaitable au Nord comme au Sud, l’ordre des priorités du développement durable au sein des pays du Sud se différencie de celui privilégié dans les « pays riches »38. Les contraintes des pays du Sud leur commandent de traiter prioritairement les dimensions économique et sociale du développement durable39, dans la mesure où ces deux piliers constituent pour ces pays des enjeux cruciaux, qui occultent en partie la dimension environnementale du développement durable40. Il va sans dire que ce raisonnement s’applique à l’Afrique réunie dans le

cadre de l’Union africaine, car ce continent est composé exclusivement des « pays en développement». Le même auteur affirme que si la priorisation des dimensions économique et sociale constitue un fait au sein des stratégies de développement durable prônées par le Sud, ceci ne préjuge pas des effets négatifs sur l’environnement41, dans la mesure où la réalisation de ces deux piliers est

indispensable pour assurer une meilleure protection de l’environnement. Virginie Barral abonde dans ce sens lorsqu’elle affirme que si la communauté internationale est unie autour du développement durable, les moyens d’y parvenir peuvent varier en fonction des contextes. Par conséquent, la conception du développement durable pour les pays du Nord n’est pas la même que pour les pays du Sud42. Cette idée est d’ailleurs présente dans la Déclaration finale de Rio+2043. Celle-ci souligne qu’il

36 L’expression « Pays du Sud » est une expression moderne qui remplace celle de « pays en développement », jadis utilisée pour désigner les pays les moins industrialisés et économiquement pauvres. Jacques Gaillard, La coopération

scientifique et technique avec les pays du Sud: peut-on partager la science?, Karthala, 1999 à la p 18.

37 Bruno Boidin, « Développement humain, développement durable et « pays en développement »: comment articuler et mesurer les différentes dimensions? » (2004) 3 Développement durable et territoires 1 à la p 2.

38 Ibid à la p 15. 39 Ibid à la p 2. 40 Ibid à la p 15. 41 Ibid.

42 Virginie Barral, Le développement durable en droit international. Essai sur les incidences juridiques d’une norme

évolutive, Bruxelles, Bruylant, 2015 à la p 60 [Barral, Le développement durable].

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5

existe une diversité d’approches pour parvenir au développement durable dans ses trois dimensions. Dans cette lancée, Joseph Hulse précise que : « Pour bien comprendre ce qu’est le développement durable, il faut […] réaliser une analyse systématique […] selon le contexte. Le développement durable n’est pas un objectif qui s’atteint par un chemin linéaire; il ne s’explique pas non plus au moyen d’une formule toute faite. Chaque processus de développement doit être analysé à la lumière de son contexte social, économique, physique, et parfois politique »44. Ce contexte peut être national ou régional.

Autrement dit, la littérature sur le développement durable laisse entrevoir que le concept de développement durable est malléable, et peut s’adapter aux besoins de développement de chaque région du monde, et qu’il convient de mettre en lumière cette réalité. À partir de ce constat, une réflexion est engagée. Il convient de : « Questionner les dimensions (économique, environnementale, sociale) du développement durable au regard des contraintes des pays en développement, en insistant tout particulièrement sur la nécessité de considérer ces dimensions de façon intégrée plutôt que juxtaposée »45. Autrement dit, il s’agit de voir dans quelle mesure en répondant adéquatement aux

préoccupations économiques et sociales de leurs populations, les pays du Sud contribuent à la protection de l’environnement. Car, comme le souligne le Rapport Brundtland46, la pauvreté et l’injustice

sont les principales causes des crises écologiques et sociales, dans la mesure où les populations qui ont faim sont facilement amenées à détruire leur environnement immédiat pour survivre. Dans ces conditions, il faut donc inverser la tendance.

À contre-courant de la littérature qui soutient que c’est user d’un oxymoron que de parler de développement durable en Afrique, George J S Dei souligne que les communautés autochtones en général, y compris africaines ont contribué énormément à la réalisation du développement durable, et ce, depuis des temps immémoriaux47. Autrement dit, le phénomème de développement durable est endogène à l’Afrique48. Par ailleurs, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU), peut-être contre toutes attentes, et sans faire preuve de catastrophisme et de fatalisme résigné, salue sans enthousiasme tapageur les progrès accomplis par les pays africains en matière de démocratie,

44 Joseph H Hulse, Développement durable : un avenir incertain; avons-nous oublié les leçons du passé?, CRDI, Presses de l’Université Laval, 2008 à la p 5.

45 Boidin, supra note 37 à la p 1.

46 Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, Éditions du Fleuve, 1989 aux pp 10, 33 [Rapport Brundtland].

47 George J S Dei, « Sustainable Development in the African Context: Revisiting Some Theoretical and Methodological Issues» (1993) 18: 2 Africa Development 97 à la p 104 [Dei, «Sustainable Development »].

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6

de protection des droits de l’homme, et de bonne gouvernance49. L’ONU soutient également que de

nombreux progrès ont été réalisés en matière de protection de l’environnement en Afrique50, et que ce

continent connaît un taux de croissance économique impressionnant. Ce taux est passé de 3,1 % à 5,6 % entre 1998-201351, et sept des dix économies à forte croissance dans le monde sont africaines52.

À partir de ce constat, on peut conjecturer que le développement durable en Afrique n’est pas un luxe. L’ONU attribue ce succès à l’Union africaine, chargée d’accélérer l’intégration politique et socio-économique du continent africain53 en faisant du développement durable une réalité en Afrique.

Pour comprendre cet écart qui existe entre le discours de l’ONU et celui des afro-pessimistes au sujet de l’avancée de l’Afrique sur la voie du développement durable, il faut admettre que lorsque les afro-pessimistes recherchent l’effectivité du développement durable dans la réalité sociale africaine, c’est le résultat de se développer durablement qu’ils évaluent54 (c’est-à-dire, entre autres,

l’absence totale des conflits civils sur le continent africain, l’absence de violation des droits de l’homme, un accroissement du niveau de vie et de consommation des populations africaines comparable à celle de l’ « Américain moyen », une production de masse, une amélioration de la protection de l’environnement en Afrique et une utilisation rationnelle des ressources naturelles).

49 Nations Unies, Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique : progrès accomplis dans la mise en œuvre et

appui international, Rés AG A/RES/67/294, Doc off AG NU, 67esess, Doc NU A/67/L.57/Rev.1 (2013) 1 à la p 5.

50 Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique : dixième rapport complet sur les progrès de la mise en œuvre

et l’appui international, Doc off AG NU, 67e sess, Doc NU A/67/204 (2012) 1 aux pp 7-8.

51 Programme des Nations Unies pour l’environnement, Évaluation des progrès du développement durable en Afrique

depuis Rio (1992), Doc off UNEP, 2001, Doc NU UNEP/(ROA)/WSSD/1/4 », à la p 14 en ligne :

<www.unep.org/roa/docs/pdf/Assessment%20report_French_.pdf>; Département de l’information, « Assemblée générale: l’Afrique présente une croissance économique « impressionnante » menacée par les défis énormes de la pauvreté, du chômage et des maladies » (25 octobre 2013), en ligne : <www.un.org/News/fr-press/docs/2013/AG11444.doc.htm> [« Assemblée générale: l’Afrique présente une croissance économique “impressionnante” »]

52 Assemblée générale: l’Afrique présente une croissance économique « impressionnante », supra note 51.

53 Ibid. L’Union africaine est une organisation internationale créée à l’aube du troisième millénaire pour « faire face de manière efficace aux nouvelles réalités sociales, politiques et économiques en Afrique et dans le monde ». Elle regroupe les 55 pays qui constituent le continent africain. Son Acte constitutif a été adopté en 2000 par les chefs d’État africains lors du Sommet de Lomé au Tchad. Elle a commencé officiellement ses activités en juillet 2002 à Durban (Afrique du Sud), et son siège se trouve à Addis-Abeba (Éthiopie). L’Union africaine succède à l’Organisation de l’unité africaine (OUA) créée le 25 mai 1963 avec pour principal objectif d’éliminer le colonialisme et l’apartheid. Acte constitutif de l’Union africaine, 11 juillet 2000, 2158 RTNU 3 ( entrée en vigueur: 26 mai 2001) à l’article 3 (c) [Acte constitutif]; Déclaration de Syrte, Décl AG, Doc off AG UA, 4e sess, Doc UA EAHG/Decl. (IV) Rev.1(1999) 1 à la p 2; Union africaine, Guide de l’Union africaine

2017, Commission de l’Union africaine et Couronne de Nouvelle-Zélande, 2017 aux pp 11-12.

54 Cette idée est empruntée à Virginie Barral, lorsque l’auteure s’interroge sur l’appartenance du concept de développement durable au droit international coutumier. On a transposé sa pensée au contexte africain. Barral, Le développement durable,

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7

Or, le développement durable reconnu à l’article 3 (j) de l’Acte constitutif de l’Union africaine55 en tant que norme régionale africaine est une obligation de moyens « qui n’oblige […] qu’à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour atteindre le résultat »56. Autrement dit, « le comportement qui est

attendu des États est un comportement de nature à promouvoir le développement durable »57. Par

conséquent :

[L’ineffectivité du développement durable] n’est pas caractérisée de par la seule constatation de l’échec du résultat [immédiat] visé (le développement durable). Au contraire, c’est le défaut d’effort ou l’insuffisance des efforts dans la poursuite du développement durable qui constituent la condition de la violation de l’obligation de promotion [du développement durable]. Le faisceau de paramètres définis [par les standards internationaux] comme nécessaires au développement durable représente ainsi le critère d’évaluation de la licéité de la conduite de l’État […]58.

Le fait important est donc de voir dans quelle mesure l’Union africaine met en œuvre les moyens nécessaires définis par les standards internationaux en la matière pour parvenir au développement durable, avant de conclure à son effectivité ou à son ineffectivité au niveau régional africain.

Cela dit, pour atteindre l’objectif du développement durable, l’Union africaine a adopté le document-cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NOPADA)59 connu sous l’acronyme anglais de NEPAD. Le NEPAD est à la fois une structure technique de l’Union africaine et un programme de développement de l’Afrique. En tant que structure technique de l’Union africaine, l’ancien Secrétariat du NEPAD a été remplacé par la nouvelle Agence de planification et de coordination du NEPAD, qui a son siège en Afrique du Sud, et dont le mandat est, entre autres, de faciliter et de coordonner la mise en œuvre des programmes continentaux prioritaires, de faire de la sensibilisation, de plaider pour les principes et les valeurs essentiels de l’Union africaine et du NEPAD. Le fonctionnement de la nouvelle Agence de planification et de coordination du NEPAD est financé par les sources statutaires de l’Union africaine, les contributions volontaires des États membres de l’Union africaine, l’appui additionnel des partenaires au développement et du secteur privé60.

55 Acte constitutif, supra note 53.

56 Barral, Le développement durable, supra note 42 à la p 173. 57 Ibid à la p 366.

58 Ibid à la p 395.

59 Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, Doc off AG NU 57e sess, Doc NU A/57/304, annexe (2002) 2 [Document-cadre du NEPAD]. Ce Document a été adopté en octobre 2001.

60 Décision sur l’intégration du nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) dans les structures et les

processus de l’Union africaine y compris la mise en place de l’agence de planification et de coordination du NEPAD (APCN),

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8

Comme plan de développement socio-économique et programme clé de l’Union africaine, le

Document-cadre du NEPAD61 est un document non contraignant adopté par les chefs d’État africains dans lequel sont énumérées les conditions de réalisation du développement durable en Afrique, en conformité avec l’article 3 (j) de l’Acte constitutif de l’Union africaine62. Ledit article donne une assise juridique au concept de développement durable qui a émergé dans le cadre de l’ONU grâce au Rapport

Brundtland63. Dans le sillage de cette reconnaissance juridique du concept de développement durable

en Afrique, sans faire fi de la protection de l’environnement64, l’Union africaine a priorisé les piliers

61 Supra note 59.

62 Acte constitutif, supra note 53 à l’art. 3 (j) l’un des objectifs de l’Union africaine est de : « Promouvoir le développement durable aux plans économique, social et culturel, ainsi que l’intégration des économies africaines ». Cet article consacre le concept de développement durable comme obligation de moyens que ladite organisation impose à ses États membres. Cette interprétation se déduit non seulement de la place dudit concept au sein des objectifs de l’Union africaine, mais également du vocabulaire associé à l’expression développement durable au sein de l’Acte constitutif de l’Union africaine. En effet, le terme «promouvoir» qui implique une recherche continue, laisse percevoir que la concrétisation de ce concept doit s’analyser non pas en obligation de résultat, mais plutôt en obligation de moyens. Par conséquent, l’Union africaine et ses États membres sont tenus de s’efforcer raisonnablement de déployer tous les moyens nécessaires pour parvenir au développement durable, sans toutefois garantir un quelconque résultat dans ce sens. On emprunte ici l’idée de Virginie Barral développée en droit international général qu’on transpose au contexte régional africain. Barral, supra note 42 aux pp 221, 232, 361, 363, 364.

63Rapport Brundtland, supra note 46 aux pp 10, 51-76.

64 L’adoption de la Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles connue sous le nom de Convention d’Algerest symptomatique à cet égard. Outre la Convention d’Alger, il existe plusieurs autres conventions africaines relatives à protection de l’environnement, notamment, la Convention phytosanitaire pour l’Afrique, la Convention

de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique les déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des produits dangereux produits en Afrique, la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles connue sous le nom de Convention de Maputo. De toutes ces conventions seules la Convention d’Alger, la Convention de Maputo et la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontaliers et la question des déchets dangereux produits en Afrique

sont entrées en vigueur. Dans le cadre de cette étude, compte tenu de la grille d’analyse, on n’étudiera pas cette dernière convention, dans la mesure où elle a été ratifiée par moins de la moitié des États de l’Union africaine, soit seulement 25 États sur les cinquante-cinq États qui constituent l’Union africaine. Ce qui dénote le peu d’intérêt immédiat des États africains pour cette Convention. Voir Rapport sur l’état des traités de l’OUA /UA (au 11 juillet 2012), Doc Off CE UA 2012, Doc UA EX.CL/728(XXI) Rev.1 (2012) 1; Mohamed Ali Mekouar, « La Convention africaine: petite histoire d’une grande rénovation » (2001) 34:1 Environ Policy Law 43; Stéphane Doumbé-Billé, « La nouvelle convention africaine de Maputo sur la conservation de la nature et des ressources naturelles » (2005)1RJE 5; Rose Nicole Sime, « L’intégration et l’harmonisation des normes de droit international de l’environnement dans le droit africain » dans Laurent Granier, dir,

Aspects contemporains du droit de l’environnement en Afrique de l’Ouest et centrale, UICN, Gland, 2008, 157 aux pp

169-173. Par ailleurs, il faut souligner que le continent africain a été le précurseur de la protection de l’environnement au niveau régional en proclamant depuis 1981, à l’art. 24 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le droit des peuples africains à un environnement satisfaisant et global propice à leur développement. Charte africaine des droits de

l’homme et des peuples, 27 juin 1981, 1520 RTNU 268 (entrée en vigueur : 21 octobre 1986) [CADHP]; Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, 15 septembre 1968, 1001 RTNU 3 (entrée en vigueur : 16

juin 1969) [Convention d’Alger]; Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et

sur le contrôle des mouvements transfrontaliers et la question des déchets dangereux produits en Afrique, 30 janvier 1991,

30 ILM 773 (entrée en vigueur : 22 avril 1998); Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources

naturelles, 11 juillet 2003 (entrée en vigueur : 23 juillet 2016) [Convention de Maputo], en ligne : <http://www.pcpalgerie.or

g/IMG/pdf/Convention_Africaine_nature_ressources_naturelles.pdf>. Voir Alexandre Touzet, « Droit et développement durable » (2008) 2 Revue du droit public et de la science politique en France et à l’Étranger 453 aux pp 469-470.

(27)

9

économique65 et social66 du développement durable, en adoptant d’une part, une série de traités

sectorielsafricains (sur l’environnement, le développement économique et la protection des droits de l’homme) qui promeuvent le développement durable, et qui sont assortis de mécanismes de contrôle. Et d’autre part, en entérinant ceux conclus sous l’égide de l’Organisation de l’unité africaine (connue sous le nom de l’OUA, créée en 1963)67, son ancêtre, en faveur de l’économie et du social.

Dans le cadre de cette étude, ce sont certaines dispositions figurant dans ces traités sectoriels africains que l’on considère comme normes africaines de développement durable68. Il s’agit en fait des

dispositions qui visent la réalisation du développement durable en Afrique. En effet, si on considère que l’expression « normes environnementales » renvoie à l’ensemble du corpus juridique relatif à la protection de l’environnement69, il faut admettre qu’il existe des normes africaines de développement

durable constituées des dispositions des traités régionaux relatifs ou pertinents à la protection de l’environnement, au commerce régional intra-africain, à la protection des droits de l’homme qui promeuvent le développement durable, et reconnaissent l’interdépendance des trois piliers dudit concept. Plus précisément, les normes africaines de développement durable sont des obligations de moyens à la charge des États dont la formulation intègre implicitement ou explicitement les trois piliers du développement durable (économique, social et environnemental), et dont le respect implique la réalisation de ces piliers. Ces normes sont issues des traités qui promeuvent le développement durable70, c’est-à-dire des conventions dans lesquelles l’interdépendance des trois piliers du développement durable est particulièrement perceptible dans l’articulation de l’ensemble de leurs

65 Ce pilier renvoie à la libéralisation des échanges, notamment au commerce intra-africain régit par le Traité instituant la

Communauté économique africaine, 3 juin 1991, 30 ILM 1245 (entrée en vigueur : 1994) [Traité d’Abuja].

66 Le pilier social renvoie à la protection des droits de l’homme. Celle-ci est régie par la CADHP.

67 L’OUA est l’organisation internationale panafricaine remplacée par l’Union africaine. L’OUA a été créée après la grande vague de décolonisation des pays africains au début des années 1960 avec pour but, entre autres, de : renforcer l’unité et la solidarité des États africains; coordonner et intensifier leur coopération et leurs efforts pour offrir de meilleures conditions d’existence aux peuples d’Afrique; éliminer le colonialisme en Afrique; défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance des États africains. Voir Charte de l’OUA, 25 mai 1963, 479 RTNU 39 (entrée en vigueur : 13 septembre 1963).

68 C’est dire que, dans le cadre de l’Union africaine, il n’existe pas de convention régionale dénommée « Convention africaine du développement durable » regroupant toutes les normes africaines de développement durable.

69 P-M Dupuy, « Le Droit international de l’Environnement et la souveraineté des États. Bilan et perspectives » dans René Jean Dupuy, dir, L’Avenir du droit international de l’environnement: colloque, La Haye, 12-14 novembre 1984, Martinus Nijhoff, 1985, 29 aux pp 30-32.

70 Dans le cadre de ce travail de recherche, les termes « traités qui promeuvent le développement durable », « traités relatifs au développement durable », « traités de développement durable », « traités qui visent le développement durable » sont interchangeables.

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10

dispositions, et dans lesquelles il est prévu des mécanismes de contrôle et de sanction de leur mise en œuvre.

En réalité, le choix de cette appellation de normes africaines de développement durable est inspiré de la doctrine juridique, qui considère le droit international du développement durable comme:

« a ‘group of congruent norms’, a corpus of international legal principles and treaties that aim to promote sustainable development, often in the areas of intersection between international economic law, international environmental law, and international human rights law »71. Par ailleurs, l’article 39.5 de l’Agenda 2172 évoque le terme : « normes dans le domaine du développement durable », et précise que : « Ceci pourrait comprendre […] des droits et obligations de caractère général des États, selon qu’il conviendra, dans le domaine du développement durable ». Cela étant, même si les traités régionaux africains relatifs ou pertinents à la protection de l’environnement, au développement économique et à la protection des droits de l’homme ne font pas expressément mention du terme « développement durable », ce sont certaines dispositions de ces traités qui sont considérées comme des normes de développement durable, du moment où elles mettent implicitement ou explicitement en relief les trois piliers interdépendants du développement durable, et respectent les standards internationaux en la matière.

À ce niveau, une précision s’impose. Cette étude ne se livre pas à un exercice purement théorique, voire « cosmétique », visant à faire un inventaire des textes régionaux africains qui peuvent être rattachés à tel ou tel autre pilier du concept de développement durable. Si tel était le cas, cela reviendrait à dire que l’Afrique fait du développement durable comme monsieur Jourdain faisait de la prose, c’est-à-dire, sans le savoir, et ce depuis longtemps déjà73. Or, tel n’est pas le cas. En effet, c’est

consciemment que l’Afrique s’est résolument engagée dans la voie du développement durable, dans la mesure où cet objectif est consacré à l’article 3 (j) de l’Acte constitutif de l’Union africaine comme obligation de moyens74. Ainsi, de par son ancrage dans ce traité fondamental de l’ordre juridique

71 Marie-Claire Cordonier Segger, « International Law, Criminal Justice, and Sustainable Development » dans Sébastien Jodoin et Marie-Claire Cordonier Segger, dir, Sustainable Development, International Criminal Justice, and Treaty

Implementation, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, 17 à la p 28 [ Cordonier Segger, « International Law »]

72 Supra note 33.

73 Cette idée est empruntée à Franck-Dominique Vivien, « Jalons pour une histoire de la notion de développement durable » (2003) 1 Mondes en développement 1 à la p 2 [ Vivien, « Jalons »]

74 Une obligation de moyens est une : « Obligation exigeant du débiteur d’apporter ses soins et ses capacités dans un domaine particulier. Ainsi entendue, elle est synonyme d’obligation de comportement […] et s’oppose à l’obligation de résultat […] qui est violée si le résultat n’est pas atteint quel que soit le soin apporté pour le réaliser ». Jean Salmon, dir,

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11

régional africain, il est tout à fait logique que le concept de développement durable innerve l’ensemble du droit régional africain, et que ce droit soit interprété à la lumière dudit concept. En outre, l’article 19 du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme

en Afrique75 reconnaît expressément le : « Droit à un développement durable » au profit des femmes. Dans cette perspective, il importe de voir quels sont les moyens et les techniques déployés par l’Union africaine pour promouvoir le développement durable. Il est entendu qu’en droit international, l’exécution des obligations de moyens s’évalue par la confrontation du comportement des sujets de droit avec les exigences des standards internationaux en la matière qui précisent les mesures nécessaires à la réalisation des obligations de moyens76.

Par conséquent, cette étude explore l’approche juridique de l’Union africaine vis-à-vis du développement durable, au regard de la réception de ce concept dans l’ordre juridique communautaire africain en référence aux standards internationaux en la matière. En d’autres termes, cette recherche met en lumière les moyens mis en œuvre ainsi que les initiatives concrètes de l’Union africaine pour promouvoir le développement durable et traduire dans les faits l’effectivité des normes africaines en la matière qui ont des répercussions sur la vie quotidienne des populations africaines, en tenant compte du contexte et des priorités de l’Afrique. En effet, il a été reconnu que « le développement durable est la priorité la plus urgente de la communauté internationale »77 dont fait partie les États africains, en raison de l’enjeu que sa réalisation représente pour la survie de la planète terre et de ses habitants. Si l’on ajoute à cela que certains auteurs sonnent le glas des paroles en l’air concernant le développement durable, en estimant que celui-ci doit être jugé à l’aune de sa mise en œuvre concrète78, et que les

est une obligation de s’efforcer soit à poser un acte déterminé, soit à faire un effort en vue d’atteindre un objectif, tandis qu’une obligation de résultat est une obligation de réussir. Jean Combacau, « Obligations de résultat et obligations de comportement. Quelques questions et pas de réponse » dans Paul Reuter, dir, Mélanges offerts à Paul Reuter: le droit

international, unité et diversité, Paris, Pedone, 1981, 181 à la p 196.

75 Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, 11 juillet 2003, Doc off UA, 2e sess (entrée en vigueur : 25 novembre 2005), en ligne : UA <http://www.africa-union.org/Official_documents/Treaties_Conventions_fr/Protocole%20sur%20le% 20droit%20de%20la%20femme.pdf>. 76 Barral, Le développement durable, supra note 42 aux pp 370-371.

77 Ecosoc, « Promotion du développement durable », en ligne : un.org < https://www.un.org/ecosoc/fr/content/promotion-du-d%C3%A9veloppement-durable>.

78 Stéphane Doumbé Billé, « Les mécanismes de suivi de la mise en œuvre du développement durable » dans Sandrine Maljean-Dubois et Rostane Mehdi, dir, Les Nations Unies et la protection de l’environnement : la promotion d’un

développement durable : Aix-en-Provence, les 15 et 16 janvier 1999, Paris, Pedone, 1999, 103 à la p 104; Sandrine

Maljean-Dubois, dir, L’effectivité du droit européen de l’environnement : contrôle de la mise en œuvre et sanction du

non-respect, Paris, Documentation française, 2000; Stéphane Doumbé Billé, « Droit international et développement durable »

dans Alexandre Kiss, Michel Prieur et Claude Lambrechts, dir, Les hommes et l’environnement: quels droits pour le

vingt-et-unième siècle ? : études en hommage à Alexandre Kiss ; textes réunis par Michel Prieur et Claude Lambrechts, Paris,

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