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La phase du développement sans croissance économique : la révolution

Selon Lionel Balout, le néolithique est un terme forgé en 1865 par John Lubbock355. Il s’agit

d’une période de la préhistoire marquée par l’émergence des premières sociétés agricoles sédentaires356. Le terme signifie âge de la « pierre nouvelle » avec production de nourriture (agriculture,

pastoralisme)357. Il s’oppose au paléolithique qui désigne l’âge de la « pierre ancienne » sans

production de nourriture358. Cette ère correspond à l’époque où les sociétés humaines vivaient de

350 Ibid.

351 Jean Cueugniet, « La contribution des éco-TIC à la protection de l'environnement » ( 2011) 1 :61 Annales des Mines - Responsabilité et environnement 64 à la p 68 .

352 Ibid. Sur l’apport des TIC dans la lutte contre la dégradation de l’environnement, voir également Alain Kiyindou, TIC et

développement socio-économique : enjeux et pratiques, Paris, Lavoisier, 2010 aux pp 156-159.

353 OCDE, Développement durable : les Grandes Questions, OCDE, 2001 aux pp 493-494.

354 Joseph Ki-Zerbo, Histoire générale de l’Afrique - Volume 1, Méthodologie et préhistoire africaine, Paris, Unesco, 1980. 355 Lionel Balout, « L’hominisation : problèmes généraux. Partie II » dans Joseph Ki-Zerbo, dir, Méthodologie et préhistoire

africaine, Paris, Unesco, 1980, 457 à la p 469.

356 Jean-Paul Demoule, « La révolution néolithique », Sciences Humaines 227:5 (2011) 20 à la p 21. 357 Ibid; Balout, supra note 355 à la p 469.

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chasse, de pêche et de cueillette359. Le néolithique constitue : « l’aboutissement de millénaires

d’observation de la nature […] [marqués] par un buissonnement de tentatives […], d’échecs […] [où] certains groupes humains ont éprouvé le désir de se surpasser, de porter intérêt à des champs inexplorés, d’inventer des relations inconnues avec leur milieu, de concevoir différemment le monde [et leur façon de vivre] »360.

Plusieurs auteurs, parmi lesquels Paul Bairoch361 et François Roch362 associent l’origine du

développement à la révolution du néolithique. Il s’agit d’un développement sans croissance. La croissance renvoie à une augmentation du volume de production par habitant, tandis que le développement renvoie aux changements des structures économiques et sociales qui ne provoquent pas de changements notoires du niveau de vie363.

La révolution néolithique est survenue dans les différentes régions du monde à différentes dates. Au Proche-Orient, par exemple, endroit considéré pendant longtemps comme le foyer de la révolution néolithique, et par conséquent berceau de la civilisation mondiale364, on estime qu’elle a

débuté vers 9000 ans avant Jésus-Christ, et a pris fin vers 3300 ans avant Jésus-Christ365. En Afrique,

la révolution eut lieu 5000 ans avant Jésus-Christ366. Grâce à l’archéologie, « on s’accorde aujourd’hui

à reconnaître que l’Afrique fut selon toute probabilité le berceau de l’humanité, qu’on y assista à l’une des premières révolutions technologiques de l’histoire — celle du néolithique — et qu’avec l’Égypte s’y épanouit l’une des civilisations anciennes les plus brillantes du monde »367. Comme vestige du

néolithique, on a trouvé sur les berges du Nil en Afrique, des harpons et des hameçons en os qui servaient d’outils de pêche et de chasse aux communautés riveraines368.

359 Demoule, supra note 356 à la p 21.

360 Jean Guilaine, Caïn, Abel, Ötzi l’héritage néolithique, Paris, Gallimard, 2011 aux pp 35-36 [Guilaine, Caïn, Abel, Ötzi]. 361 Bairoch, Le tiers-monde dans l’impasse, supra note 331 à la p 18; Bairoch, Victoires et déboires, supra note 331 aux pp 11-12.

362 Roch, Tome I, supra note 330 aux pp 73-74.

363 En effet, à l’époque du néolithique, la productivité était en recul par rapport à la situation antérieure à cause de l’introduction de l’agriculture qui demandait plus de travail et de volume d’heures que la chasse et la cueillette pratiquées autrefois. Par ailleurs, la révolution néolithique a favorisé l’apparition des classes sociales, de nouveaux modes de vie. Bairoch, Victoires et déboires, supra note 331 aux pp 96-97; Roch, Tome I, supra note 330 à la p 83.

364 José Garanger, « Une révolution lente mais décisive », Science et Vie Hors-série (mars 1992) 5 à la p 6. 365 Roch, Tome I, supra note 330 à la p 83.

366 Ibid.

367 Mahtar M’Bow, supra note 1 à la p 11.

368 Mabogunje, « Géographie historique : aspects économiques » dans Joseph Ki-Zerbo, dir, Méthodologie et préhistoire

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En général, la révolution du néolithique a été marquée par l’utilisation des outils de la pierre polie (innovation technique), mais également par le passage d’une économie basée sur la chasse, la pêche et la cueillette à une économie basée sur la production alimentaire (agriculture et élevage), la poterie369, la céramique, et le tissage370. Cette étape est considérée comme une évolution majeure pour

les sociétés humaines. Le concept de développement n’est que la façon contemporaine d’exprimer cette évolution371. D’après le premier courant de pensée, qui remonte l’origine du développement au

néolithique, le développement a toujours existé, mais il manquait le mot pour le dire372.

La révolution néolithique a eu pour conséquences la sédentarisation de l’homme373 et une

augmentation de la production alimentaire par lopin de terre, ce qui a rendu possible le surplus alimentaire stockable et échangeable, avec pour corollaire un accroissement de la population, l’émergence de l’urbanisation374, et les prémisses de l’économie375. En effet, comme le souligne Clotilde

Champeyrache, au cours du néolithique, le surplus dégagé des récoltes a permis de nourrir les artisans qui ne pratiquaient pas l’agriculture. À cette époque, il y avait déjà une division du travail et une multiplication des échanges à travers le troc376.

Aujourd’hui, plusieurs legs sont attribuables au néolithique : la maison pérenne, les habitudes alimentaires, les comportements sociaux, les innovations techniques, et la modification du rapport de l’homme avec la nature377.

L’humanité doit donc au néolithique l’habitation pérenne qui favorisa l’émergence des villages agricoles378. C’est dans ces villages agricoles que se sont développées de nombreuses cultures

végétales.

369 Li Liu, « L’émergence de l’agriculture et de la domestication en Chine » dans Jean-Paul Demoule, dir, La révolution

néolithique dans le monde, Paris, CNRS, 2010, 65 à la p 65.

370 Garanger, supra note 364 à la p 6. 371 Roch, Tome I, supra note 330 à la p 74. 372 Legouté, supra note 331 à la p 8.

373 La pratique de l’agriculture a provoqué l’abandon de la vie nomade. 374 Bairoch, Victoires et déboires, supra note 331 à la p 13.

375 Champeyrache, supra 335 à la p 8. 376 Ibid aux pp 9-10,11.

377 Jean Guilaine, « L’héritage néolithique », Sciences Humaines 227:26 (juin 2011) aux pp 26-27 [Guilaine, « L’héritage»]. 378 Guilaine, Caïn, Abel, Ötzi, supra note 360 aux pp 257-258.

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L’alimentation de l’humanité aujourd’hui à base de céréales (blé, riz, et maïs) provient de l’agriculture néolithique. L’alimentation carnée est toute aussi héritière des expériences néolithiques379.

Le néolithique a également favorisé une série de comportements sociaux tels que : le sens de l’identité, les règles de sociabilité, le goût de la distinction, la quête du prestige, le goût de la compétition et du pouvoir380.

En outre, plusieurs innovations techniques apparurent pendant le néolithique. Notamment, les systèmes hydrauliques (puits, barrages, irrigation), l’exploitation des minerais, les outils de déforestation, les outils agricoles, l’attelage des animaux, les véhicules à roues, et les premiers indices de comptabilité381.

Le legs du néolithique qui aujourd’hui fait le plus problèmeest sans doute la modification du rapport de l’homme avec l’environnement. En effet, pendant le paléolithique, l’homme se limitait à ce que la nature lui offrait382. Avec le néolithique, l’homme a commencé à transformer son milieu, à

l’aménager, à le modeler à sa guise383. Selon Jean-Paul Demoule, l’impact du néolithique sur

l’environnement a été radical et demeure irrémédiable. C’est à cette époque que l’environnement planétaire a été marqué par les premiers déboisements intensifs à la hache et les incendies volontaires, avec pour conséquence la diminution, voire la disparition de nombreuses forêts dans le monde et la réduction de la biodiversité. En outre, la dégradation de l’environnement a été favorisée par la pratique d’une agriculture irriguée, le broutage excessif des repousses des arbres par les chèvres et les moutons, et par le lessivage des sols suite aux pluies. Par ailleurs, c’est au cours du néolithique qu’ont eu lieu les premières manipulations sur le vivant, du fait de la domestication des animaux et de la sélection des plantes384.

Contrairement à la révolution néolithique qui a permis à l’homme la maîtrise de l’agriculture pour son alimentation, celui-ci a manifesté au cours de la révolution industrielle plus d’engouement à

379 Ibid à la p 259.

380 Guilaine, « L’héritage », supra note 377 à la p 26. 381 Guilaine, Caïn, Abel, Ötzi, supra note 360 à la p 258.

382 Pascal Depaepe, « Et les hommes peuplèrent la Terre... », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines n° 24:9 (2011) 3.

383 Guilaine, « L’héritage », supra note 377 aux pp 26-27.

384 Jean-Paul Demoule, « Quel impact le néolithique a-t-il eu sur l’environnement? », Sciences Humaines n°227 (juin 2011) 27 à la p 27; Jean Zammit, « L’homme néolithique et les maladies » dans Jean Guilaine, dir, Populations néolithiques et

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dominer la nature et à s’approprier ses richesses385, à travers de nombreuses inventions telles que : la

machine à vapeur, l’automobile et le moteur à explosion, et par l’essor de l’électricité, l’exploitation des réactions chimiques, de la fission et de la fusion de l’atome386. Toutes ces innovations ont favorisé de

nombreux progrès au niveau de la vie sociale, de la production, de la consommation387 et de la