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Pour finir de commencer... Réflexion sur la construction de l'identité professionnelle de psychomotricien

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Academic year: 2021

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Pour finir de commencer... Réflexion sur la construction

de l’identité professionnelle de psychomotricien

Isabelle Broucas

To cite this version:

Isabelle Broucas. Pour finir de commencer... Réflexion sur la construction de l’identité professionnelle de psychomotricien. Psychologie. 2018. �dumas-01835646�

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UNIVERSITÉ de BORDEAUX

Collège Sciences de la Santé

Institut de Formation en Psychomotricité

Mémoire en vue de l'obtention

du Diplôme d’État de psychomotricité

Pour finir de commencer...

Réflexion sur la construction de l'identité

professionnelle de psychomotricien

BROUCAS Isabelle

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UNIVERSITÉ de BORDEAUX

Collège Sciences de la Santé

Institut de Formation en Psychomotricité

Mémoire en vue de l'obtention

du Diplôme d’État de psychomotricité

Pour finir de commencer...

Réflexion sur la construction de l'identité

professionnelle de psychomotricien

BROUCAS Isabelle

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AVANT-PROPOS

Ce mémoire est le fruit de mon cheminement au cours de ces trois dernières années, tant sur le plan personnel que professionnel. Il est le résultat de questionnements qui ont émergé durant ma formation suite à de nombreux constats dont le principal est celui de la difficulté à définir ma future profession.

La majeure partie de mes heures de stages a été effectuée dans des structures éducatives (crèches, Service d'Activités de Jour) dans lesquelles il me semblait, au début, compliqué d'affirmer les spécificités du psychomotricien.

Rédiger un mémoire me semblait être l'occasion de me livrer à une réflexion approfondie sur ces questions que je me posais au sujet de l'identité professionnelle de psychomotricien.

Ce mémoire découle donc de mon évolution dans ma manière de me considérer en tant que personne et que professionnelle, mais aussi de considérer les autres et le monde. Il découle aussi du partage de mes interrogations avec des proches, camarades et professionnels, sans que l'un d'entre eux n'ait supervisé à lui seul mon travail de mémoire.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier mon père, pour ses questions, ses relectures et ses corrections qui ont nourri mon travail de réflexion pour ce mémoire.

Un grand merci à ma maître de stage Anne-Sophie pour sa bienveillance, ses encouragements, et l'aide qu'elle m'a apportée dans mon cheminement professionnel.

Merci à ses collègues pour leur accueil, leurs conseils et leur confiance.

Merci également aux professionnels et patients que j'ai rencontré durant ces trois années et qui m'ont permis de mieux connaître mon futur métier et de prendre confiance en moi.

Merci à Laura, Leïla et Mélodie pour nos échanges enrichissants sur la pratique psychomotrice et leur présence dans les moments difficiles.

Merci à ma famille et mes amis pour m'avoir accompagnée et soutenue pendant ces années de formation.

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SOMMAIRE

Avant-propos p.3

Remerciements p.4

Sommaire p.5

Introduction p.6

1. La psychomotricité, de l'émergence d'un concept à celle

d'une profession actuelle

p.9

1.1. Naissance de la psychomotricité

p.9

1.2. La place actuelle de la psychomotricité

p.31

2. L'identité, sa pluralité, sa construction et son évolution

p.40

2.1. L'identité et les formes identitaires

p.40

2.2. Éléments de la construction identitaire

p.42

3. La construction de l'identité professionnelle de

psychomotricien

p.46

3.1. Les problèmes en psychomotricité

p.46

3.2. Le processus de formation

p.51

3.3. Le développement de cette identité après le diplôme

p.76

Conclusion p.78

Bibliographie p.81

Tables des matières

p.85

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INTRODUCTION

Selon le dictionnaire encyclopédique Hachette (1994), la profession est une « activité rémunératrice exercée habituellement par quelqu'un » ou encore un « corps constitué par tous ceux qui pratiquent le même métier ». Le métier est alors défini par ce même livre comme une « occupation manuelle ou mécanique qui permet de gagner sa vie » ou comme une « profession quelconque, considérée relativement au genre de travail qu'elle exige ». Il n'en ressort pas une grande différence entre les termes de profession et de métier. Cependant, en sociologie, ce sont deux mots qui ne veulent pas dire tout à fait la même chose. D'après C. TOURMEN « à partir du moment où un métier est caractérisé par une structuration forte de l’accès au marché du travail (fermeture) que ses membres contrôlent, une identité largement revendiquée et reconnue socialement, des savoir-faire spécifiques bien identifiés, alors on pourra parler de profession ».

L'identité « vient du latin idem (le même) et désigne ce dans quoi je me reconnais et dans quoi les autres me reconnaissent. L'identité est toujours attachée à des signes par lesquels elle s'affiche, de sorte qu'elle est à la fois affirmation d'une ressemblance entre les membres du groupe identitaire et d'une différence avec « les autres » ».

Parler d'identité professionnelle de psychomotricien implique donc que l'ensemble des psychomotriciens forme un groupe défini qui s'est constitué autour d'une base commune : la psychomotricité. Cette dernière doit alors être validée scientifiquement, faire l'objet d'une

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formation gérée par les professionnels, avoir une identité revendiquée par les professionnels, une place reconnue par la division du travail et la société, et son exercice doit être réglementé.

En théorie, la psychomotricité a tout d'une profession, mais dans la réalité les notions d'identité et de reconnaissance semblent comme avortées. Dans la société, la psychomotricité n'est pas une profession reconnue, puisque pas clairement connue. Dans le monde médical, les médecins, qui sont les prescripteurs de bilans et de prises en charges en psychomotricité, le font peu, car ils ne connaissent pas bien cette profession paramédicale. Les psychomotriciens eux-mêmes rencontrent des difficultés lorsqu'ils doivent définir leur profession de manière claire et concise. Ce qui est révélateur d'une sorte d'indétermination en ce qui concerne l'identité professionnelle de psychomotricien. Rien d'étonnant donc si les étudiants en psychomotricité semblent confus dans la construction de leur identité professionnelle.

D. GRABOT, lui-même directeur d'un Institut de Formation en Psychomotricité, écrivait en 2004 qu' « excepté Toulouse donc pour qui les indicateurs sont cohérents et stables et Lille qui joue cavalier seul, les autres centres de formation actifs semblent offrir aux jeunes une intégration professionnelle indéterminée qui se modèlera au moment de l'incorporation dans l'institution lieu de travail ». 14 ans après, les choses ont-elles changé ?

Qu'est-ce qui nuit à la reconnaissance de la psychomotricité ? Quels obstacles les étudiants en psychomotricité rencontrent-ils dans la construction de leur identité professionnelle ? La construction de l'identité professionnelle du psychomotricien prend-elle fin à l'obtention du Diplôme d’État ? Mais avant tout, qu'est-ce que la psychomotricité ?

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Pour tenter de commencer à répondre à ces questions, la première partie traitera de l'histoire de la psychomotricité, et de sa place dans la société actuelle.

La partie suivante définira le concept d'identité en sociologie, et sa construction.

Pour finir, une troisième partie sera consacrée aux particularités de la construction identitaire professionnelle durant la formation du psychomotricien.

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1. Psychomotricité, de l'émergence d'un concept à celle d'une profession actuelle

1.1. Naissance de la psychomotricité

Les éléments historiques qui ont permis l'émergence de la psychomotricité telle qu'elle est aujourd'hui ne sont pas tous issus d'un seul et même domaine de recherche mais d'un assemblage de découvertes et théories ; comme le met en avant D. GRABOT (2004) lorsqu'il parle de « l'invention d'une tradition ». Les avancées scientifiques qui ont été majeures dans la naissance de la psychomotricité sont principalement situées dans la période comprise entre la deuxième partie du XVIIIe siècle et aujourd'hui. Elles sont relatées ci-après dans un historique non exhaustif reconstitué grâce aux écrits de C. BALLOUARD (2011), J-C. CARRIC (2014), S. FAUCHE (1993), D. GRABOT et J.M. LEHMANS (1999).

1.1.1. Histoire d'une discipline psychomotrice

1.1.1.1. Origine du concept « psychomoteur »

Vers 1745, D. HARTLEY, philosophe anglais qui s'est détourné de son avenir de clerc anglican pour devenir médecin, s'intéresse au fonctionnement de l'être humain dans sa globalité. En 1749 est publiée son œuvre principale, Observations on Man, his Frame, his Duty and his Expectations dont la première partie traite du cadre du corps et de l'esprit humains, et de leurs connexions et influences réciproques. Cette publication suit de trois ans celle de l'Essai sur

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influencé par les travaux de J. LOCKE.

C'est dans ce contexte que D. HARTLEY se concentre sur l'observation des comportements humains et du développement de l'enfant. Il identifie des stades dont le stade idéo-moteur, analyse le « grasp reflex » du nouveau-né et l'effet des sentiments sur la mimique,

ce qui met en avant pour la première fois un lien entre les émotions et le tonus. Il décrit également l'influx nerveux comme étant de nature électrique à une époque où de nombreux penseurs l'appellent encore « esprit animal ».

En 1800, Victor de l'Aveyron, enfant sauvage âgé d'une petite dizaine d'années lorsqu'il a été recueilli, est devenu un objet d'étude scientifique sur l'intelligence. L'enfant ne présentait ni malformation ni maladie mais des troubles de l'exécution du geste et de la communication. Pour P. PINEL qui a pu l'examiner, Victor est un idiot incurable. J.M.G. ITARD, pensant qu'il présente des carences éducatives, le récupère et en s'appuyant sur les écrits de E.B. de CONDILLAC, s'engage dans un projet de rééducation ayant pour bases la stimulation sensorielle et l'activité physique. Selon ces deux auteurs, l'intelligence n'est pas innée et se construit notamment

grâce aux cinq sens. J.M.G ITARD a beaucoup documenté sa pratique en notant ses résultats dans les domaines des sens, des fonctions intellectuelles et des facultés affectives. La rééducation de Victor est un quasi-échec ; malgré quelques apprentissages, le jeune demeure inadapté au niveau de la communication et des aptitudes sociales. Cependant, l’œuvre de J.M.G. ITARD reste importante car elle constitue la première rééducation psycho-corporelle documentée.

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J.C.A. HEINROTH, médecin allemand appartenant au courant romantique, reste connu pour ses travaux dans le domaine de la psychiatrie. Il adhère aux principes de la médecine holistique et considère que l'esprit prime sur le corps mais que ces deux entités interagissent de manières variées. Cela l'amène, en 1818, à introduire le mot « psychosomatique » dans le vocabulaire médical.

En 1839, W. GRIESINGER, assiste au cours de F. MAGENDIE sur la physiologie du système nerveux au Collège de France. C'est un médecin psychiatre allemand du mouvement matérialiste qui s'oriente vers la neuropsychiatrie. En 1843 il décrit les réflexes vasomoteurs liés aux émotions et l'hypotonie du déprimé. C'est à ce moment que le mot « psychomoteur » est employé pour la première fois.

Ce mot est ensuite réutilisé à plusieurs reprises dans la littérature. Par exemple J. SPIELMANN parle en 1855 d' « appareil psychomoteur », désignant l'ensemble formé par le psychisme associé au système nerveux.

Les « névroses psychomotrices » regroupant les anesthésies, hyperesthésies et paralysies psychomotrices (respectivement l'aboulie, la manie et la démence) sont définies par O. MULLER en 1863.

La « mécanique psychomotrice » est intégrée en 1869 aux enseignements du neuropsychiatre allemand T. MEYNERT.

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Suite à des observations sur des soldats et des expériences sur des chiens, E. HITZIG et G. FRITSCH parviennent à identifier en 1870 la bande motrice et les centres psychomoteurs cérébraux. Cette découverte a ouvert la voie de nouvelles expériences de localisations de

structures cérébrales. Elle a de plus été enseignée par T. MEYNERT et J.M. CHARCOT qui ont tous deux eu S. FREUD comme élève.

La médecine admet alors une mécanique psychomotrice reliant des structures neuroanatomiques et des processus neurophysiologiques à l'expression de dysfonctionnements moteurs et émotionnels.

1.1.1.2. Formalisation d'une discipline psychomotrice

La dernière décennie du XIXe siècle semble être celle de la discipline psychomotrice. L'intuition de premières méthodes de thérapie psychomotrice est formalisée par différentes personnes.

En Suisse en 1887, H. S. FRENKEL expérimente sur ses patients une rééducation fonctionnelle se rapprochant de ce que peut être une thérapie psychomotrice. C'était un neurologue qui exerçait auprès de patients atteints d'ataxies locomotrices. Il est le pionnier de la neuroréhabilitation. Ce qui l'a amené à réfléchir à une nouvelle méthode est l'amélioration significative des capacités d'un de ses patients quelques mois après un échec lors d'un exercice.

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Sans avoir de nouveau travaillé l'exercice en question avec le neurologue, ce patient s'était entraîné chez lui car il avait été vexé de rater.

F.S. FRENKEL a alors intégré à sa thérapie des notions d'exercice, d'habitude, d'éducation et de psychologie. Il préconise donc un entraînement moteur ayant pour but l'appropriation par la personne de mouvements précis en fonction de situations données. Au delà de la pure rééducation fonctionnelle que cette méthode permettait, la dimension relationnelle trouve une place importante. En effet, le patient s'implique de manière différente

en fonction de ce qui se joue entre le thérapeute et lui.

Cette question de la relation soignant-soigné, primordiale en psychomotricité, sera traitée plus loin.

En 1890, la méthode de thérapie psychomotrice est enseignée à la Salpêtrière.

J.M. CHARCOT décède en 1893 et F. RAYMOND est nommé pour lui succéder à la chaire de neurologie. Il devient aussi directeur de l'école psychomotrice de la Salpêtrière qui voit alors le jour et recevra H.S. FRENKEL en tant qu'élève.

En 1892, P. TISSIE, un des premiers neuropsychiatres français, propose une méthode inspirée de la gymnastique suédoise pour remédier aux troubles mentaux et certains troubles psychologiques comme les obsessions et les phobies. Il lui donne en 1896 le nom de

traitement « psycho-dynamique ». Ce dernier se donne pour objectif, grâce à des mouvements volontaires et contrôlés consciencieusement, de restaurer un fonctionnement psychique normal. Selon P. TISSIE, « l'idée et le mouvement provoquent mutuellement la mise en fonction des

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centres psychomoteurs » (BRIER, P. & DEFRANCE, J., 2012).

H.S. FRENKEL a inspiré E. BRISSAUD, E. FEINDEL et E. MEIGE qui ont coopéré pour l'élaboration d'un traitement des tics via un principe de rétroaction sensorimotrice, l'inhibition de mouvements et des mouvements d'inhibition. Ils ont publié un ouvrage présentant cette méthode (MEIGE, H. & FEINDEL, E., 1902).

Leur rééducation motrice des crampes professionnelles date également de cette période.

E. BRISSAUD et E. MEIGE ont constaté que la rééducation motrice devait associer la psychothérapie à la kinésithérapie pour être complète. Ils ont renommé leur traitement « discipline psychomotrice » ; elle visait à « supprimer les actes automatiques et intempestifs et à les remplacer par des actes corrects, utiles, voulus et réfléchis » (THOUMIE, P. & PRADAT-DIEHL, P., 2000). Elle a ensuite été adaptée pour bénéficier aux infirmes.

E. BRISSAUD et E. MEIGE ont présenté leur discipline au Congrès International de Médecine de Madrid en 1903.

1.1.2. Développement de la psychomotricité moderne

Bien que la discipline psychomotrice est désormais connue de la communauté médicale, elle demeure « éloignée » de ce qu'est devenue la pratique psychomotrice de la fin du XXe siècle. La discipline psychomotrice n'est pas encore une profession. Elle sera le fruit de l'essor des neurosciences, de la psychanalyse, du développement de la psychologie infantile, et surtout des

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travaux effectuées par De Ajuriaguerra et ses collaborateurs.

1.1.2.1. Apports de la neurologie

Durant les cinq dernières années du XIXe siècle, l'imagerie médicale voit le jour grâce aux travaux de W. RONTGEN. De plus, les découvertes en neurophysiologie permettent de mieux étudier les interactions entre psychologie et motricité.

Dans son ouvrage paru en 1906, C.S. SHERRINGTON décrit « l'action intégrative du système nerveux ». Le système nerveux ne se réduit pas à une structure émettrice-réceptrice

mais a aussi une fonction d'intégration ; il reçoit des informations sensorielles qu'il assimile, et le produit de cette intégration (la perception) va engendrer une réponse (motrice ou glandulaire). Chaque mouvement, du réflexe au geste volontaire a une signification biologique mais est aussi dépendant du contexte car tout organisme est animé par un conflit visant à maintenir son équilibre et sa survie. Mais ce qui permet l'élaboration d'une motricité de plus en plus sophistiquée c'est la fonction d'intégration sensorimotrice du système nerveux.

E. DUPRE a décrit en 1909 le syndrome de débilité motrice. Il a étudié l'évolution de ce syndrome au cours du développement de l'enfant et a expliqué que les troubles psychiques ou intellectuels et les troubles moteurs peuvent être liés selon la localisation anatomique de dysfonctionnements cérébraux. « Dans cette perspective le trouble psycho-moteur n'est que

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l'expression clinique de désordres provoqués par des lésions ou dysfonctionnements de territoires cérébraux proches » (GRABOT, D. 2004).

Les dysfonctionnements peuvent être causés par une immaturité ou un arrêt du développement, ce qui est une nouveauté par rapport au modèle de l'époque selon lequel

chaque symptôme est supposé correspondre à une lésion.

En 1914, C. VON MONAKOV expose que les troubles moteurs peuvent avoir d'autres raisons qu'une paralysie, une démence ou une lésion anatomique localisée. Autrement dit, il existe des troubles fonctionnels qui engendrent des symptômes bien qu'aucun dysfonctionnement ou lésion ne puisse en être à l'origine.

Plus tard, les soins apportés aux infirmes de guerre feront encore évoluer la neurologie. Puis, la plasticité cérébrale et les neurones miroirs seront découverts, ce qui alimentera des théories dans les domaines de l'éducation et de la rééducation.

1.1.2.2. Apports de la psychologie et de la psychanalyse

La psychomotricité a grandement été alimentée par la psychologie, et plus spécifiquement, la psychologie du développement qui est discipline émergente au XXe siècle. Au Moyen-Age l'enfant était considéré comme un petit adulte et jusqu'au XVIIIe siècle, les questions du développement et du statut de l'enfant n'étaient abordées que d'un point de vue religieux.

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C'est au siècle des Lumières que les encyclopédistes se sont intéressés à l'enfance. Depuis, la souffrance, le psychisme, le développement de l'enfant sont devenus des objets d'études.

La deuxième guerre mondiale a également fait évoluer les recherches en psychologie, notamment au sujet des traumatismes (syndrome de stress post traumatique), mais aussi à propos de l'attachement et du développement infantile des orphelins.

1.1.2.2.1. La psychanalyse

En plus d'avoir beaucoup apporté aux méthodes de thérapies chez l'adulte et au courant psychosomatique, la psychanalyse a permis un travail de reconstruction des étapes du développement psychique de l'enfant, en partie au travers de récits de cures d'adultes. Étant conscients que cette méthode entraînait des biais, des psychanalystes ont eu l'idée d'observer les enfants et leurs interactions avec l'environnement, puis des thérapies d'enfants ont été mises au point.

S. FREUD est le fondateur de la psychanalyse. Il a, entre autres choses, formulé des descriptions de l'appareil psychique et mis au jour la notion d'inconscient, les phénomènes de transfert et de contre-transfert, le dualisme pulsionnel, mais aussi le complexe d'Œdipe et

des stades de développement psycho-affectif.

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place au transfert et à l'éducation que M. KLEIN qui utilise le jeu comme équivalent de l'association libre chez l'adulte.

Comme M. KLEIN, D.W. WINNICOTT a étudié les apports du jeu, de l'objet et de l'espace transitionnel chez l'enfant mais il s'est davantage interrogé qu'elle sur l'importance des

relations précoces entre le bébé et son environnement. Pour D.W. WINNICOTT, « un bébé ne

peut pas exister tout seul, il fait essentiellement partie d'une relation » (D.W. WINNICOTT, 1972) ; c'est pourquoi il présente les notions de « mère suffisamment bonne » et d' « environnement suffisamment bon », mais aussi les fonctions du « holding », du « handling » et de l' « object presenting ».

J. LACAN a notamment décrit les registres imaginaire, symbolique et réel, et le stade du miroir. Son amie, F. DOLTO, pour qui « Tout est langage » (F. DOLTO, 1987), considère l'enfant

comme étant une personne. Ses œuvres autour de l'enfance et l'adolescence ont beaucoup nourri les thérapies d'enfants actuelles. Elle a aussi publié deux ouvrages à propos de l'image du corps et du sentiment de soi, qui sont maintenant des références pour les psychomotriciens.

« Le Moi-Peau » de D. ANZIEU (1985) est un livre qui fait aussi partie des classiques en psychomotricité. Il présente le rôle de la peau dans la construction du Moi ; sujet qui avait déjà intéressé E. BICK plus tôt.

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W. REICH définit la « cuirasse musculaire » qui représente une défense musculaire face à l'apparition d'émotions et de sensations végétatives. C'est l'expression corporelle de la cuirasse caractérielle. Selon W. REICH « toute rigidité musculaire contient l’histoire et la signification de son origine » (1970).

« Aux sources de l'expérience » (1962) est un ouvrage de W. BION dans lequel est présentée la fonction alpha. Le jeune enfant ayant un appareil psychique immature, il ne peut s'approprier les sensations liées aux stimuli internes ou externes qui lui parviennent. Ces sensations sont des éléments non assimilables par l'enfant en tant que tels ; des éléments dits bêta. La mère, grâce à sa capacité de rêverie, va interpréter les manifestations que ces éléments provoquent chez son enfant et leur donner du sens pour les transformer en éléments alpha, alors assimilables par la psyché du bébé.

Cette fonction va apporter à l'enfant un sentiment de contenance et petit à petit lui permettre de développer son appareil psychique.

J. BOWLBY s'est questionné sur le lien entre la délinquance et la séparation prématurée entre un bébé et sa figure d'attachement. Il a observé que « l'absence maternelle à court terme engendre un état de détresse dont il décrit le développement en trois phases » (POUPON, L. 2018). Une absence de figure d'attachement peut causer des carences relationnelles précoces et des « psychopathies sans affection », mais aussi avoir des effets néfastes sur le quotient intellectuel, les capacités attentionnelles et le contrôle émotionnel et de l'agressivité.

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M. AINSWORTH a développé cette théorie en décrivant trois types d'attachement (sécure, insécure évitant et insécure ambivalent ou anxieux) chez les enfants en fonction de leur relation avec leur figure d'attachement (sécure ou non). M. MAIN ajoutera un quatrième type (attachement désorganisé ou désorienté) à la théorie de M. AINSWORTH.

R. SPITZ définit le syndrome d'hospitalisme qui est une forme d'état dépressif qui entraîne un repli relationnel et un arrêt du développement psychomoteur et qui survient chez des enfants ayant été séparés de leur mère et/ou privés de soins affectifs. Les soins médicaux, le sommeil et l'alimentation ne sont pas suffisants pour qu'un enfant se développe de manière harmonieuse.

1.1.2.2.2. La psychologie maturationniste

A. GESELL fait partie des psychologues qui ont marqué l'histoire de la psychologie du développement. Il s'intéresse davantage au processus même de maturation de l'enfant qu'à l'influence de l'environnement. Grâce à des méthodes d'observation vidéo, des entretiens avec les familles, des tests et des études statistiques, il a pu décrire et identifier différents niveaux d'âges et stades de développement qui sont immanquablement retrouvés dans le même ordre chez tous les enfants entre la naissance et seize ans.

A. GESELL a aussi mis en évidence les lois fondamentales de la maturation neurologique que sont les lois proximo-distale et céphalo-caudale, et élaboré une échelle de développement

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permettant de déceler des précocités ou des retards.

1.1.2.2.3. La psychobiologie

H. WALLON est un autre personnage important dans l'histoire de la psychomotricité. Il a étudié le développement de l'enfant en portant son attention sur la combinaison entre les éléments propres à l'enfant, ceux de son environnement, et les conséquences de ces combinaisons sur l'évolution des conduites et aptitudes de l'enfant.

Il a accordé de l'importance au rôle du tonus et son lien avec les émotions notamment dans le domaine de la communication. Il a décrit le phénomène de dialogue tonico-émotionnel qui se produit entre la mère et l'enfant, mais aussi la place du corps et du mouvement dans la naissance des émotions. Pour lui, les activités motrices, la pensée et les émotions s'influencent de manière réciproque au cours du développement de l'enfant.

1.1.2.2.4. La psychologie de la connaissance

J. PIAGET a consacré de nombreuses années à la recherche sur l'origine de l'intelligence. Il est arrivé à identifier des stades de développement dans lesquels la motricité et les sensations sont essentiels. Il dirigera A. BULLINGER pendant sa thèse avant qu'il se spécialise dans le développement de l'enfant et dans la psychomotricité ; plus précisément dans l'étude du stade sensorimoteur.

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1.1.2.3. Le creuset Henri Rousselle

A partir de 1950 à Paris, l'unité Henri Rousselle de l'hôpital Sainte-Anne devient un lieu d'innovations mais aussi le berceau de la psychomotricité actuelle.

J. DE AJURIAGUERRA, histopathologue, neurologue, psychiatre, psychanalyste, parvient à faire une synthèse de ses différents domaines d'études en se concentrant sur les troubles psychomoteurs.

Il fait de son service un creuset en collaborant avec « F. BARUK pour la neurologie, R. DIATKINE et S. LEBOVICI pour la psychanalyse, R. ZAZZO pour la psychologie génétique, M. AUZIAS pour la latéralité, M. STAMBACK pour la rythmique » (GRABOT, D. in POTEL, C., 2015), J. BERGES pour l'organisation temporelle et spatiale et G. SOUBIRAN pour les thérapies corporelles.

En 1958, J. DE AJURIAUERRA part en Suisse où il sera directeur d'un centre de formation en psychomotricité. En France, il faut attendre 1960 et l'article qu'il publie dans la revue Psychiatrie de l'enfant avec G. SOUBIRAN ; « article qui est considéré comme l'acte de naissance de « l’École française de la psychomotricité » » (GRABOT, D. 2004).

Y sont définies les caractéristiques générales des troubles psychomoteurs :

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des syndromes neurologiques classiques ;

2° Ils sont plus ou moins automatiques, plus ou moins motivés, plus ou moins subis, plus ou moins voulus ;

3° Liés aux affects, mais attachés au soma par leur fluence à travers la voie finale commune, ils ne présentent pas pour cela uniquement des caractéristiques d'un système défini ;

4° Persistants ou labiles dans leur forme, mais variables dans leur expression ; ils restent, chez un même sujet intimement liés aux afférences et aux situations ;

5° Ils ont souvent un caractère expressionnel caricatural et gardent des caractères primitifs, quoique modifiés par l'évolution ultérieure, qui les rapproche de phases primitives de

contact ou de répulsion, de passivité ou d'agression. Parfois ils n'ont même plus la forme du mouvement primaire mais seulement la valeur de symbole. » (DE AJURIAUERRA , J. & SOUBIRAN, G., 1960).

Dans son Manuel de psychiatrie de l'enfant, J. DE AJURIAUERRA reprend cet article et fait référence aux techniques de T. BUGNET pour la graphomotricité, E. GUILMAIN pour son examen et ses techniques de rééducation, S. BOREL MAISONNY pour la rééducation du

bégaiement et S.M. VYL pour les techniques liées au rythme.

G. SOUBIRAN a ensuite été contactée par la Salpêtrière pour qu'elle mette au point une formation qui aurait pour objectif de « faire rentrer le corps en psychiatrie » (SOUBIRAN, G. as cited in GRABOT, D., 2004).

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Grâce aux travaux de l'équipe d'Henri Rousselle, une définition des troubles psychomoteurs est formulée, des bilans pour les évaluer sont élaborés, des séances types de rééducation psychomotrice sont conçues, et une formation débouchant sur un certificat de capacité en rééducation psychomotrice est créée.

1.1.3. Racines philosophiques

Bien que la philosophie ne fasse pas partie des savoirs scientifiques permettant à une profession d'acquérir une légitimité, c'est une discipline qui permet de se questionner sur des thèmes comme le monde, le travail, les autres, soi, le savoir-être, l'éthique, la déontologie... Autant de thèmes qui sont importants dans les métiers de la santé et du social.

Il ne suffit pas d'accumuler les savoirs-faire pour devenir psychomotricien, il est aussi essentiel de s'intéresser aux racines de la psychomotricité (souvent comparée à un carrefour complexe) afin de comprendre de quoi il s'agit et dans quel contexte s'établit la pratique psychomotrice. J. DE AJURIAGUERRA a opéré la synthèse de nombreux savoirs du domaine médical, mais il était aussi « farouchement attaché à la lignée philosophique et singulièrement phénoménologique en psychiatrie » (LABES, G. & JOLY, F., 2008).

Lorsque J. DE AJURIAGUERRA dit que « l'action ne se pose pas comme l'activité d'un esprit désincarné » (ibid.) , F. JOLY ajoute que « poser ainsi la perspective psychomotrice et

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fonder l'école française de psychomotricité, c'est aussi ouvrir une position nouvelle à l'endroit du dualisme corps/esprit, pour dépasser le problème de la dualité de la substance, et aller vers un monisme complexe et processuel » (ibid.). En effet, la psychomotricité soulève, rien que par son nom, un débat philosophique qui est celui de la liaison entre le corps et l'esprit.

Comme J. LE BOUCH l'a demandé en 1977, « pourquoi évoquer constamment ces thèmes obsessionnels alors que de toute évidence à l'heure de la médecine psychosomatique, de la psychanalyse et de la psychophysiologie pavlovienne, toute activité humaine met en jeu l'individu dans son entier ? » Cette réflexion est perçue par R. MURCIA comme une façon de se débarrasser du problème de la fausse évidence que représente l'Homme total. A. COMTE-SPONVILLE, membre du Comité Consultatif National d’Éthique, avertissait en 1995 que « l'union de l'âme et du corps est évidemment inintelligible. On n'échappe pas à cette difficulté par sa dénégation. Beaucoup croient échapper au dualisme cartésien, comme ils disent, quand ils ne font qu'oublier sa rigueur ». Ce sujet, bien que récurrent, mérite la réflexion des psychomotriciens, qui ne doivent pas s'arrêter à considérer le corps comme l'instrument de la pensée.

1.1.3.1. La question de la liaison corps/esprit

Dans la Grèce pré-socratique (SOCRATE -470 ; -399), le corps (soma) est différencié de l'âme (psyché). Le soma est le corps privé de vie et la psyché est considérée comme un souffle, une enveloppe extérieure au corps. Ces deux éléments ne sont pas complètement opposés car il est important pour les Grecs anciens d'entretenir leur corps pour veiller à la santé psychique.

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Selon la pensée Orphique, l'Homme est doté d'une part divine et d'un corps qui est le siège de la souillure. Il y a donc une recherche de purification pour accéder au salut.

Pour HIPPOCRATE (-460 ; -377), c'est la physiologie qui coordonne le corps et l'âme, via la respiration et la circulation. Il distingue deux types de maladies : l'épilepsie, ancrée dans le corps, et la mélancolie, ancrée dans l'âme. Si l'âme s'incarne dans le corps, elle s'aliène.

DEMOCRITE (-460 ; -356) adopte une vision moniste selon laquelle le corps est un tout matériel composé d'atomes. L'âme et le corps sont la même chose. Pour lui l'illusion vient de la transcendance car le vrai et l'être sont ce que l'Homme perçoit.

Mais d'après PLATON (-428 ; -348), le corps reste séparé de l'âme. Il est le témoignage de notre passage sur Terre. Il est soumis aux sensations et au changement, notamment celui provoqué par le vieillissement, ce qui le rend trompeur. Il s'oppose donc à l'âme qui garantit l'identité du sujet et qui peut atteindre la perfection. Le corps doit alors être entretenu et bonifié pour ne pas devenir une entrave, et l'âme doit s'affranchir des tourments du corps. A cette époque existent déjà des médiations du corps comme les bains, le théâtre, la musique et la danse pour les âmes énervées.

Pour ARISTOTE (-384 ; -322), le corps et l'âme sont deux éléments d'une même substance. Il relie biologie et psychologie en présumant que l'âme ne peut penser qu'à partir de la sensation du corps et que la vie est un mouvement que l'âme impulse au corps.

Au Moyen-Âge apparaît la notion de péché originel ; le corps est l'objet des tourments de l'amour. La maladie et la douleur sont interprétées comme de véritables punitions divines.

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R. DESCARTES, qui se dit être « une chose qui pense » (2009) suit les recommandations de PLATON sur l'isolement sensoriel afin de s'exercer à la pensée pure. Cependant, il écrit « que l'esprit, qui est incorporel, puisse faire mouvoir le corps, il n'y a ni raisonnement ni comparaison tirée des autres choses qui nous le puisse apprendre ; mais néanmoins nous n'en pouvons douter, puisque des expériences trop certaines et trop évidentes nous le font connaître tous les jours manifestement ». Il identifie plus tard la glande pinéale comme le siège de l'interaction entre l'âme et le corps.

B. SPINOZA, quant à lui, se représente l'Homme comme un tout faisant partie de la substance (la nature), et ayant deux facettes qui sont l'étendue (le corps) et la pensée. Il définit

la volonté comme l'effort de conservation de l'Homme quand il est rapporté à l'âme : l'appétit quand l'effort est rapporté à l'âme et au corps ; et le désir qui est « l'appétit avec conscience de lui-même ». B. SPINOZA étudie les relations somato-psychiques et le rôle du langage, des affects corporels, l'activité imaginaire... Ses réflexions font penser à ce qui deviendra plus tard

la psychanalyse.

Alors que R. DESCARTES estime que le corps et l'âme sont deux entités bien distinctes, il s'intéresse au fonctionnement de l'animal qu'il envisage comme régi par ses pulsions car l'âme est propre à l'humanité. Cette réflexion donne naissance à la théorie de « l'animal-machine », reprise par J.O. DE LA METTRIE qui transpose cette idée au fonctionnement humain. Cependant, « l'homme-machine » n'est pas un être dominé par ses pulsions, mais seulement par son cerveau.

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J.O. DE LA METTRIE était un matérialiste radical selon qui l'humain n'est composé que de matière et ne possède pas d'âme ou d'esprit ou encore d'appareil psychique. L'émergence de conceptions matérialistes radicales a permis la naissance de théories plus ou moins douteuses comme la phrénologie, mais aussi d'expériences de cartographie cérébrale.

F.W. NIETZSCHE considère que l'Homme est un être de chair guidé par ses pulsions et ses affects et que les valeurs chrétiennes ont limité l'humanité dans son épanouissement. Les pulsions, les affects, sont à l'origine des pensées. Cette conception rappelle l'origine

corporelle du Moi, et l'inconscient en psychanalyse.

La psychanalyse reconnaît que le développement de l'enfant se base sur la liaison entre corps et psyché ; les expériences du corps permettent la construction d'une pensée individuée. L'enfant s'inscrit dans le temps et l'espace qui l'entoure grâce à ses rythmes et

espace corporels.

La phénoménologie « pose l'expérience comme fondamentale avant toute construction du moi » (MEURIN, B., in GIRARDIER, N., 2016). L'objectif du questionnement phénoménologique est de déterminer le rôle de la conscience dans la connaissance du monde. Il s'agit de s'interroger, sans effort de compréhension et sans porter de jugement, sur la manière dont les choses se présentent spontanément à la conscience. Pouvoir retourner à la nature même des choses, du vécu et s'en instruire correspond à la réduction phénoménologique, qui est permise

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par l'époché d'E. HUSSERL ; la suspension de toute attitude subjective. L'intentionnalité, le caractère expressif de la conscience qui permet de percevoir un objet en entier lorsqu'une

simple esquisse en est visible, est mis en avant par la réduction phénoménologique qui a pour but d'amener à la conscience de la perception, c'est-à-dire du vécu authentique.

Notre corps a donc une capacité d'expression, mais pour M. MERLEAU-PONTY, « il n'est pas un espace expressif parmi d'autres ; il est à l'origine de tous les autres, [il est] ce qui projette au dehors les significations en leur donnant un lieu, ce qui fait qu'elles se mettent à exister comme des choses, sous nos mains, sous nos yeux. Notre corps est en ce sens ce qui dessine et fait vivre un monde, notre moyen général d'avoir un monde ». Le corps peut recevoir et exprimer, émettre et être perçu ; le corps sentant et le corps senti peuvent être apparentés à deux facettes de la chair merleau-pontienne, métaphore de l'entrelacs entre le corps et le monde.

La conscience n'existe pas sans objet, et l'appareil psychique se construit dans la

relation au monde. Comme l'a écrit J. DE AJURIAGUERRA dans son Manuel de psychiatrie de l'enfant, « l'enfant ne peut être compris en fonction de ce qui se passe au sein de ses appareils fonctionnels car il se forme par la communication, par les liens qui l'unissent au monde extérieur, par le choc entre ses activités instinctuelles et le milieu environnant ».

La phénoménologie synthétise en quelque sorte l'idée du moi transcendantal de R. DESCARTES, la substance de B. SPINOZA par la métaphore de la chair de M. MERLEAU-PONTY, et l'origine corporelle de la pensée qui rappelle F.W. NIETZSCHE et S. FREUD.

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1.1.3.2. Questionnements éthiques

L'originalité de la psychomotricité est la rencontre avec le patient dans sa globalité, dans son unité psychocorporelle prise dans sa relation au monde. Le psychomotricien « s'implique dans son langage corporel pour rencontrer le patient là où il est, comme il est » (DESOBEAU, F., 2010), et cela induit que le praticien doit pouvoir faire une lecture de la problématique de son patient pour s'y ajuster et mieux percevoir en retour. C'est là qu'intervient le savoir validé par l'obtention du Diplôme d’État, mais le psychomotricien doit aussi « posséder un savoir être, et qui plus est, un savoir exister dans son corps » (ibid.).

Cette particularité de l'implication corporelle et personnelle du psychomotricien justifie le questionnement philosophique sur les notions de corps expressif, sentant-senti, mais aussi sur la façon du praticien d'être au monde. Il est important que le psychomotricien prenne conscience de ce qui se joue dans la relation avec son patient, ce qu'il reçoit du patient, et ce qu'il fait sentir au patient. Il doit être impliqué dans la relation en observant ce qui s'opère chez le patient, mais aussi chez lui, et dans la relation. Lors de la séance, il faudrait presque que le thérapeute se rapproche de l'époché afin de tirer des observations authentiques de ce qui s'est passé, avant de prendre le temps de relire ses notes pour passer au travail d'interprétation.

A. BULLINGER encourage à ne pas savoir trop de choses sur le patient avant de le recevoir pour le bilan psychomoteur, pour éviter des biais dans l'observation.

La phénoménologie peut aussi amener à se questionner sur ce que le patient peut voir là où le praticien voit une chose précise. Lorsque le psychomotricien pense un cadre pour son

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patient, il conçoit certaines paramètres dans l'optique d'optimiser les conditions de déroulement de la séance. Mais le patient projettera dans ce cadre ses propres significations. Cela ne veut pas dire qu'il faut se mettre à la place du patient ou tenter d'anticiper ses comportements, mais il est essentiel de lui laisser l'opportunité de s'exprimer et de laisser entrevoir sa réalité.

La reconnaissance des psychomotriciens passe aussi par un discours rigoureux et clair. Que ce soit à destination des patients, des proches, ou des collègues, il est important de rendre compte des savoirs, compétences et actes des psychomotriciens tout en s'adaptant au capacités de compréhension de l'interlocuteur. Pouvoir justifier la légitimité des psychomotriciens ou d'une prise en charge (ou d'une non prise en charge) en psychomotricité nécessite que les praticiens maîtrisent les origines et enjeux de leur profession. Se dispenser de considérer les apports philosophiques, c'est passer à côté du sens des principes fondateurs de la psychomotricité.

1.2. La place actuelle de la psychomotricité

1.2.1. Le statut dans le système de santé

La formation d'une année mise au point à la Salpêtrière par G. SOUBIRAN et son équipe fait l'objet d'un arrêté ministériel qui reconnaît, le 4 février 1963, le certificat de capacité en rééducation psychomotrice. Les étudiants deviennent, à l'issue de cette année d'enseignements, des rééducateurs en psychomotricité.

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G. SOUBIRAN estime que la formation dispensée par des grands professeurs de la Salpêtrière (qui s'est émancipée de la faculté de médecine de Paris) devient trop théorique. Elle ouvre donc en 1968 l'Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice qui reçoit des petits groupes d'étudiants pour permettre une offre de formation plus pratique grâce à l'intervention de professionnels. Les deux écoles délivrent le certificat instauré en 1963.

Depuis la circulaire n° 138 DH 4 du 23 février 1973, les rééducateurs en psychomotricité sont inscrits dans le livre IX du Code de la Santé Publique qui est intitulé « statut général du personnel des établissements d'hospitalisation publics et de certains établissements à caractère social ».

Bien que les kinésithérapeutes s'insurgent contre la proposition faite en 1972 par J. CHABAN-DELMAS de créer un Diplôme d’État de psychorééducateur, ce dernier voit le jour le 15 février 1974. En effet, les professions de la rééducation réclament l'accès à des spécialisations plutôt que la création d'un nouveau corps de métier. P. MESMER élabore tout de même le décret n° 74-112 qui donne accès aux psychorééducateurs à un diplôme reconnu bac+2.

Le 3 mars 1980, les psychorééducateurs accèdent au statut hospitalier grâce au décret n° 80-253.

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psychomotricien, et fait valoir le Diplôme d’État de psychomotricien.

Les actes réalisés par les psychomotriciens sont délimités par le décret de compétence n° 88-659 du 6 mai 1988.

Un amendement du 11 décembre 1994 accorde aux psychomotriciens le statut d'auxiliaire médical. Ils sont maintenant inscrits en quatrième partie du Code de la Santé Publique, au livre III, intitulé « auxiliaires médicaux, aides-soignants, auxiliaires de puériculture

et ambulanciers ». Il est précisé que le psychomotricien réalise la rééducation psychomotrice sur prescription médicale.

Cependant, la psychomotricité semble encore mal connue y compris au sein du système de santé. L'accès au statut d'auxiliaire médical n'a pas abouti au remboursement des soins psychomoteurs pratiqués en libéral. La reconnaissance des psychomotriciens paraît encore limitée mais la possibilité d'accès à des postes de cadre de santé et les plans ministériels (plans autisme, et maladies dégénératives par exemple), avec les recommandations de la Haute Autorité de Santé, laissent malgré tout une place plus importante à la psychomotricité. De plus, le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales et de l’Inspection Générale de l’Administration de l’Éducation Nationale et de la Recherche (IGAS-IGAENR) a été publié en août 2017. Le rapport préconise l’allongement des études à 5 ans ; ce qui pourrait aider les psychomotriciens à mieux se préparer à exercer et à être davantage reconnus.

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1.2.2. Des représentations encore floues

Comme vu plus tôt, la psychomotricité peut parfois être décrite de manière simpliste et peu précise comme étant une héritière des neurosciences et de la psychiatrie, se situant entre la kinésithérapie et la psychologie. Pourquoi ne pas se décrire en fonction de ce que la pratique apporte, plutôt qu'en fonction des autres professions ? Est-il si difficile d'expliquer en quoi

consiste la psychomotricité ?

Peut-être que le corps, cher aux psychomotriciens et qui semble si familier, reste trop mystérieux. Il est impossible de tout voir d'un corps, ou même de tout sentir. Il est parfois

compliqué de contrôler son propre corps et d'identifier ou verbaliser ses tourments, de le libérer d'une tension ou de comportements à valeur protectrice, ou encore de lui accorder suffisamment d'attention. Suivant les époques et les cultures, les rapports des personnes à leur propre corps sont tellement différents qu'il n'est pas évident d'expliquer ce que la psychomotricité peut apporter ou non à chacun.

Le principe selon lequel le psychomotricien doit laisser au patient le temps dont il a besoin, et ne pas lui coller une étiquette diagnostique peut donner l'impression que la pratique psychomotrice fait preuve de légèreté face aux troubles et besoins des patients. Peut-être faudrait-il commencer par expliquer les apports des activités d'exploration, du jeu, des médiations ou autres références des psychomotriciens pour justifier leur positionnement sans

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qu'ils aient l'air d'animateurs ou de gourous...

Les différentes façons utilisées pour décrire la pratique psychomotrice peuvent sembler opposées en fonction des convictions de la personne qui explique ; les psychomotriciens eux-mêmes définissent la psychomotricité avec des mêmes termes différents en fonction de leurs orientations théoriques. Parler de thérapie psychomotrice, de psychothérapie à médiation corporelle ou encore de rééducation psychomotrice semble tendre vers un soin propre aux psychomotriciens, ou vers la psychologie, ou encore vers l'idée de la rééducation fonctionnelle pure. Ces conclusions hâtives font fi des spécificités des psychomotriciens qui ne sont ni de purs rééducateurs fonctionnels, ni des psychothérapeutes. L'approche psychomotrice considère l'individu dans son entièreté, y compris dans ses fonctionnements anatomique et psychique. Cela implique que les psychomotriciens doivent acquérir des savoirs dans ces domaines sans pour autant se prétendre kinésithérapeute ou psychologue, parce que « la psychomotricité ne peut faire autrement que de convoquer et d'articuler les apports les plus fondamentalistes (des neurosciences, de la cognition, et des sciences développementales) avec les apports les plus subjectifs et relationnels de notre être (psychanalyse ou phénoménologie) ; […] à perdre un élément de ce nouage, de cette intrication subjective serrée entre corps et psyché, on perd la psychomotricité toute entière... » (JOLY, F., in GIRARDIER, N., 2016).

Les différences dans les explications données par les psychomotriciens pour présenter leur métier peuvent aussi être dues à la diversité des lieux d'exercice. Suivant la vocation de la

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structure dans laquelle un psychomotricien travaille, il peut avoir des missions et des pratiques différentes. Un psychomotricien exerçant en crèche ne décrira pas ses actions de la même façon qu'un psychomotricien libéral ou hospitalier par exemple.

La nomenclature de la PCS-ESE des professions et catégories socioprofessionnelles des emplois salariés des employeurs privés et publics publiée en septembre 2017 par l'Insee situe plus clairement la psychomotricité :

Professions intermédiaires de la santé et du travail social

Masseur kinésithérapeute et

rééducateur

Autres professionnels

de la rééducation Spécialistes de l'intervention socio-éducative

Masseur kinésithérapeute Psychomotricien, orthophoniste, pédicure-podologue orthoptiste, diététicien

Éducateur spécialisé Éducateur de jeunes enfants

Professionnels salariés réalisant, de façon manuelle ou

instrumentale, des actes entrepris à des fins de rééducation, dans le but de prévenir l'altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu'elles sont altérées, de les rétablir ou d'y suppléer.

Professionnels diplômés qui exercent des actions thérapeutiques de rééducation sur prescription médicale, ainsi éventuellement que des soins hygiéniques ou esthétiques. Concourt à l'éducation d'enfants, d'adolescents ou au soutien d'adultes présentant un handicap ou des difficultés d'insertion. Par le soutien qu'il apporte, soit en milieu ouvert, soit dans des

institutions sociales ou médico-sociales par les projets qu'il élabore, il aide les personnes en difficulté à restaurer ou à préserver leur autonomie. Il favorise également les actions de prévention.

Spécialiste de la petite enfance, ses fonctions se situent à trois niveaux : éducation, prévention,

coordination. Il intervient auprès des enfants de 0 à 7 ans qui se situent hors de leur cadre familial, soit temporairement, soit de façon permanente. Il s'attache à favoriser le développement global et harmonieux des enfants, en stimulant leurs potentialités intellectuelles, affectives, artistiques.

Professions libérales exercées sous statut de salarié ; cadres et professions intellectuelles supérieures

Psychologue, psychanalyste, psychothérapeute (non médecin)

Professionnels non docteurs en médecine chargés d'analyser les phénomènes de la vie affective, intellectuelle et comportementale des personnes. Ils peuvent être chargés de mettre en œuvre des thérapies destinées à améliorer l'état psychologique de leurs patients.

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Cette nomenclature sépare les psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes des professions intermédiaires de la santé et du social dont font partie les masseur-kinésithérapeutes, les psychomotriciens et les éducateurs. Sans grande surprise, les psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes ont pour particularité de viser à améliorer l'état psychique des patients.

Dans les professions intermédiaires de la santé et du social, les masseur-kinésithérapeutes ont leur propre sous-catégorie. Leur spécificité est donc la rééducation et la prévention des capacités fonctionnelles des patients.

Les psychomotriciens appartiennent, avec les orthophonistes, les orthoptistes, les pédicure-podologues et les diététiciens, à la sous-catégorie des autres professionnels de la rééducation. Ils sont alors séparés des éducateurs qui appartiennent à la sous-catégorie des

spécialistes de l'intervention socio-éducative.

Les éducateurs spécialisés ont un rôle de soutien auprès de personnes en difficulté alors que les éducateurs de jeunes enfants ont un rôle d'éducation, de prévention et de coordination. Ils stimulent les capacités d'enfants de moins de 7 ans pour favoriser un développement harmonieux.

Il reste encore à différencier les psychomotriciens des autres professionnels de la rééducation. D'après le décret de compétence, les psychomotriciens sont habilités « à accomplir, sur prescription médicale et après examen neuropsychologique du patient par le médecin, les actes professionnels suivants :

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1. Bilan psychomoteur.

2. Éducation précoce et stimulation psychomotrices.

3. Rééducation des troubles du développement psychomoteur ou des désordres psychomoteurs suivants au moyen de techniques de relaxation dynamique, d'éducation gestuelle, d'expression corporelle ou plastique et par des activités rythmiques, de jeu, d'équilibration et de coordination :

- retards du développement psychomoteur ;

- troubles de la maturation et de la régulation tonique ; - troubles du schéma corporel ;

- troubles de la latéralité ;

- troubles de l'organisation spatio-temporelle ; - dysharmonies psychomotrices ;

- troubles tonico-émotionnels ;

- maladresses motrices et gestuelles, dyspraxies ; - débilité motrice ;

- inhibition psychomotrice ; - instabilité psychomotrice ;

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4. Contribution, par des techniques d'approche corporelle, au traitement des déficiences intellectuelles, des troubles caractériels ou de la personnalité, des troubles des régulations émotionnelles et relationnelles et des troubles de la représentation du corps d'origine psychique ou physique. »

Découlent de ce décret les missions de dépistage de troubles psychomoteurs, grâce à l'utilisation de bilans psychomoteurs, mais aussi d'éducation psychomotrice, de rééducation et de soin. Il n'est donc pas question d'effectuer une rééducation propre aux kinésithérapeutes ou autres professionnels de la rééducation, ni une psychothérapie, mais de rééduquer des syndromes dits psychomoteurs, ou de participer au traitements de troubles touchant des fonctions psychomotrices et pouvant être d'origine psychique.

La confusion peut se faire sur l'éducation et la stimulation psychomotrice, et le travail des éducateurs de jeunes enfants auprès des tout petits. L'éducateur de jeunes enfants veille à ce que l'environnement soit sécurisant et stimulant pour les enfants, et peut repérer des difficultés avant de passer le relais à un professionnel spécialisé. Le psychomotricien, de par son statut de thérapeute rééducateur, est aussi qualifié pour soutenir le développement psychomoteur d'enfants porteurs de handicap et il a un regard plus aiguisé en ce qui concerne l'apparition de troubles psychomoteurs. Il propose également des activités favorisant l'éveil

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2. L'identité, sa pluralité, sa construction et son évolution

2.1. L'identité et les formes identitaires

2.1.1. L'identité

L'identité se construit par l'interaction entre trois dimensions :

Moi, qui représente l'identité pour soi, l'image que l'on se construit de soi ;

Autrui, qui représente l'identité pour autrui, l'image que l'on souhaite renvoyer aux

autres ;

Nous, car l'identité se construit à travers l'image que les autres nous renvoient.

C'est ce que C. DUBAR (2001) résume dans le schéma suivant :

Selon S. LIPIANSKY, l'identité a une part objective, celle qui regroupe les éléments pertinents grâce auxquels la société (autrui) peut identifier un individu, comme par exemple son état civil, mais aussi une part subjective (concept de soi) qui représente ce qui identifie un individu selon lui. L'identité est aussi plurielle et se décline en formes identitaires.

Moi

Autrui

Nous

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2.1.2. Les formes identitaires

2.1.2.1. Les identités individuelles

Les identités individuelles concernent l'individu en tant qu'être singulier dans chacun de ses rôles sociaux. On distingue l'identité personnelle et l'identité sociale.

L'identité personnelle est « subjective, elle englobe des notions comme la conscience de soi et la représentation de soi », c'est une « appréhension cognitive de soi » (CODOL, J-P., 1997). Elle relie constance, unité et reconnaissance du même. Il s'agit ici d'une « constance dialectique »

(MALEWSKA-PEYRE, H., 2001) ; elle représente le changement dans la continuité. Autrement dit,

l'identité personnelle est un « système de représentations et de sentiments à partir desquels le sujet peut en effet se percevoir le même (idem) dans le temps, se vivre dans une continuité existentielle et aspirer à une certaine cohérence » (TAP, P.).

L'identité sociale est « la partie du concept de soi d'un individu qui résulte de la conscience qu'a cet individu d'appartenir à un groupe social ainsi que la valeur et la signification émotionnelle qu'il attache à cette appartenance » (AUTIN, F.)

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2.1.2.2. Les identités collectives

Les identités collectives concernent l'individu en tant que membre d'un groupe. « Elles trouvent leur origine dans les formes identitaires communautaires où les sentiments d’appartenance sont particulièrement forts (culture, nation, ethnies…) et les formes identitaires sociétaires qui renvoient à des collectifs plus éphémères, à des liens sociaux provisoires (famille, groupe de pairs, travail, religion…) » (CASTRA, M., 2012).

L'identité professionnelle est donc une identité collective sociétaire qui renvoie à l'idée de corporation. « [Elle] est ce qui définit une personne, ou un groupe de personnes, sur le plan professionnel. Elle renvoie à son métier principal et à ensemble des éléments stables et permanents traversant les différentes fonctions remplies par cette personne ou ce groupe » (LECLERCQ, E., & POTOCKI MALICET, D., 2006).

2.2. Éléments de la constructions identitaire

2.2.1. L'appartenance à un groupe

« Les identités individuelles naissent des interactions sociales plus qu’elles ne les précèdent » (CASTRA, M.). La socialisation est le processus qui permet la constitution du « Soi », et de l’identité personnelle.

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qu'un individu ou un groupe se perçoivent comme une entité spécifique et qu'ils sont perçus comme telle par les autres » (CASTRA, M., 2010). Comme le pensait ARISTOTE, « l'Homme est un animal social », il a besoin d'appartenir à une organisation sociale pour se construire de manière (idéalement) harmonieuse. D'autres auteurs cités plus haut l'ont également montré.

Le groupe dans lequel une personne évolue lui permet de se définir partiellement grâce à ce qu'il en a observé et compris. Elle s'identifie comme membre de ce groupe et aux autres membres de ce groupe. Au fil du temps, l'individu est confronté à d'autres groupes auxquels il pourra s'identifier ou non en fonction de ce qu'il a pu construire de son identité personnelle. Le travail de construction identitaire se poursuit durant toute la vie d'un individu en fonction

du contexte, des expériences, de ses ressources, de ce qui le définit selon lui et ce de qu'il aimerait devenir (identité visée).

2.2.2. La reconnaissance

L'identité dépendant aussi de la dimension du « Autrui » et du « Nous », la construction identitaire dépend donc également de la reconnaissance. L'appartenance à un groupe étant importante, l'individu cherche à se faire accepter et reconnaître comme membre d'un groupe.

En ce qui concerne l'identité professionnelle, « c'est ce qui permet aux membres d'une même profession de se reconnaître eux-mêmes comme tels et de faire reconnaître leur spécificité à l'extérieur. Elle suppose donc un double travail, d'unification interne d'une part, de

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reconnaissance externe d'autre part » (ION, J., 1996). C'est-à-dire qu'il faut des pratiques communes (unification interne) qui permettent à tous et chacun de se reconnaître

(identification commune) dans l'exercice de leur profession, et ainsi, faire reconnaître leur travail par l'extérieur (légitimité collective). Cette reconnaissance sociale est importante « car le

travail permet à l'individu de s'intégrer socialement, et lui procure une certaine dignité sociale » (FRAY, A.M., & PICOULEAU, S., 2010).

Il existe un lien entre les identités individuelle et professionnelle « car le travail permet la réalisation de soi, et de son propre accomplissement. » (ibid.). De plus, « la reconnaissance au travail est un élément essentiel pour préserver et construire l'identité des individus, donner un sens à leur travail, favoriser leur développement et contribuer à leur santé et à leur bien-être » (BRUN, J.-P., 2013).

2.2.3. L'identification et la différenciation

« Si nous avons besoin de nous sentir reconnu parce que nous sommes semblables à d'autres membres de nos groupes d'appartenances (conformité), nous avons également besoin de nous sentir unique (différenciation). […] Cela a lieu quand notre identité se sent menacée, lorsque certaines de nos propres images sont interrogées […]. Cependant, le besoin d'autonomisation, d'affirmation, voire d'originalité, semble être particulièrement prégnant chez une majorité de personnes » (JOULAIN, M., in PERSONNE, M., 2011).

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Il n'existe « pas d'identité sans autrui puisque le sentiment de la présence même d'autrui construit la différenciation entre soi et l'autre, entre soi et son image, entre soi et le monde. Il instaure la limite entre soi et autrui » (GIROMINI, F., in LESAGE, B., 2012). Il est donc nécessaire pour un individu d'être en relation avec autrui pour pouvoir s'en différencier. C'est ce qui permet de se dissocier d'autrui et d'un groupe, et de s'identifier à eux ou à soi-même. L'identification à l'autre et au groupe rend possible la construction de l'identité par l'incorporation de caractéristiques des objets d'identification.

2.2.4. L'individuation

L'individuation est un processus par lequel l'individu passe pour exister en tant qu'individu singulier dans un groupe donné. C'est la dernière étape du processus de construction identitaire qui amène l'individu à apprendre à se définir en fonction de ses expériences, de ses appartenances à des groupes et d'autrui.

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3. La construction de l'identité professionnelle de psychomotricien

3.1. Les problèmes en psychomotricité

Comme tous les étudiants, les futurs psychomotriciens doivent construire leur identité professionnelle. Cependant, ils rencontrent des situations qui peuvent rendre cette tâche plus compliquée.

3.1.1. Des notions difficilement saisissables

Bien souvent, les étudiants en psychomotricité sont de jeunes adultes qui n'ont pas

achevé leur construction identitaire en raison de leur âge. Élaborer une pratique professionnelle qui tire sa spécificité en partie de l'implication personnelle du praticien n'est pas chose facile quand celui-ci n'est pas assuré de son identité. De plus, il n'est pas enseigné ce qu'est « un bon psychomotricien », ce qui pourrait servir d'identité visée. Est-ce la même chose qu'être une bonne personne mais avec des savoirs techniques ? Si oui, qu'est-ce qu'une bonne

personne ? L'intérêt de la philosophie en psychomotricité peut encore se voir ici.

L'implication personnelle du psychomotricien lors des séances se trouve à la fois sur les plans tonico-émotionnel, physique et psychique. Cela nécessite aussi une prise de conscience de la part du praticien de ses propres états physiques, psychiques, toniques et émotionnels pour éviter les phénomènes de contagion d'état. Il doit être présent à lui-même, et ce, aussi lorsqu'il

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est en relation et attentif à l'autre.

Ce travail d'attention à soi-même mais aussi celui d'adaptation à l'autre ne se font pas du jour au lendemain, il sont les fruits d'années de formation (cf. 3.2), et entraînent comme un phénomène de « déformation professionnelle ». Les efforts d'introspection et d'appropriation de son propre corps que doit fournir un étudiant en psychomotricité influent sur sa conscience et sa représentation de lui-même. Au delà de l'effet sur la formation de la posture professionnelle, cela touche à la sphère personnelle, et de ce fait, l'identité personnelle car elle se nourrit des expériences. Il y a quelque chose de la posture de psychomotricien qui perdure en dehors des cours, des stages, des séances de psychomotricité.

L'apport des cours théoriques, pratiques, des stages, mais aussi les questionnements personnels amènent les étudiants en psychomotricité à articuler des données issues de différents domaines pour pouvoir s'adapter : la connaissance des pathologies, des effets des

traitements, l'influence du contexte et des personnes impliquées... C'est ce qui permet d'aller rejoindre l'autre là où il est, comme il est, au moment de l'échange, mais c'est aussi ce qui peut perdre les étudiants au milieu de disciplines et prises en charges très variées.

Durant l'été 2017, j'ai travaillé comme employée de restauration dans un foyer d'hébergement pour personnes porteuses de handicaps moteurs. J'étais en relation avec les résidents principalement lors du

service à table, et du débarrassage, mais parfois aussi pendant mes pauses ; et je me sentais comme pendant les stages de psychomotricité. J'étais présente à moi-même, mais aussi attentive à l'état et la

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