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Le 3 mars 1980, les psychorééducateurs accèdent au statut hospitalier grâce au décret n° 80-253.

3. La construction de l'identité professionnelle de psychomotricien

3.1. Les problèmes en psychomotricité

Comme tous les étudiants, les futurs psychomotriciens doivent construire leur identité professionnelle. Cependant, ils rencontrent des situations qui peuvent rendre cette tâche plus compliquée.

3.1.1. Des notions difficilement saisissables

Bien souvent, les étudiants en psychomotricité sont de jeunes adultes qui n'ont pas

achevé leur construction identitaire en raison de leur âge. Élaborer une pratique professionnelle qui tire sa spécificité en partie de l'implication personnelle du praticien n'est pas chose facile quand celui-ci n'est pas assuré de son identité. De plus, il n'est pas enseigné ce qu'est « un bon psychomotricien », ce qui pourrait servir d'identité visée. Est-ce la même chose qu'être une bonne personne mais avec des savoirs techniques ? Si oui, qu'est-ce qu'une bonne

personne ? L'intérêt de la philosophie en psychomotricité peut encore se voir ici.

L'implication personnelle du psychomotricien lors des séances se trouve à la fois sur les plans tonico-émotionnel, physique et psychique. Cela nécessite aussi une prise de conscience de la part du praticien de ses propres états physiques, psychiques, toniques et émotionnels pour éviter les phénomènes de contagion d'état. Il doit être présent à lui-même, et ce, aussi lorsqu'il

est en relation et attentif à l'autre.

Ce travail d'attention à soi-même mais aussi celui d'adaptation à l'autre ne se font pas du jour au lendemain, il sont les fruits d'années de formation (cf. 3.2), et entraînent comme un phénomène de « déformation professionnelle ». Les efforts d'introspection et d'appropriation de son propre corps que doit fournir un étudiant en psychomotricité influent sur sa conscience et sa représentation de lui-même. Au delà de l'effet sur la formation de la posture professionnelle, cela touche à la sphère personnelle, et de ce fait, l'identité personnelle car elle se nourrit des expériences. Il y a quelque chose de la posture de psychomotricien qui perdure en dehors des cours, des stages, des séances de psychomotricité.

L'apport des cours théoriques, pratiques, des stages, mais aussi les questionnements personnels amènent les étudiants en psychomotricité à articuler des données issues de différents domaines pour pouvoir s'adapter : la connaissance des pathologies, des effets des

traitements, l'influence du contexte et des personnes impliquées... C'est ce qui permet d'aller rejoindre l'autre là où il est, comme il est, au moment de l'échange, mais c'est aussi ce qui peut perdre les étudiants au milieu de disciplines et prises en charges très variées.

Durant l'été 2017, j'ai travaillé comme employée de restauration dans un foyer d'hébergement pour personnes porteuses de handicaps moteurs. J'étais en relation avec les résidents principalement lors du

service à table, et du débarrassage, mais parfois aussi pendant mes pauses ; et je me sentais comme pendant les stages de psychomotricité. J'étais présente à moi-même, mais aussi attentive à l'état et la

Il n'existe pas, en psychomotricité, de « protocole » permettant de mener à bien une séance ou gérer des situations de crise. Peut-être parce que chaque personne est singulière, que ce soit les professionnels comme les patients, et donc qu'imaginer une marche à suivre qui fonctionnerait systématiquement n'est pas réaliste. Cependant, cela peut participer au sentiment de confusion que peuvent connaître les étudiants.

De plus, des professeurs, psychomotriciens expérimentés, tentent de donner des définitions claires et objectives de la psychomotricité. Toujours est-il que chacun donne une définition différente, et cela peut être dû au fait que « chaque psychomotricien développe une

partie du champ de la psychomotricité mais ne peut à lui seul en recouvrir l'ensemble » (GIRARDIER, N., 2016). L'étudiant peut alors avoir le sentiment d'être livré à lui-même dans son cheminement vers l'appropriation de sa pratique professionnelle.

Il peut être tentant de se raccrocher aux bilans psychomoteurs, seuls réels protocoles en psychomotricité, pour commencer à pratiquer et prendre confiance en soi, petit à petit. Mais lors des bilans, un psychomotricien est amené à évaluer des choses comme les qualités relationnelles du patient, son tonus, qui sont des notions plus ou moins subjectives et qui varient en fonction du contexte.

Tous les étudiants ne sortent pas de formation avec une grande aisance dans l'observation ou une posture professionnelle assurée. Certaines acquisitions ne peuvent se faire

qu'avec l'expérience ; il semble qu'il faille se faire à cette idée pour pouvoir s'autoriser à expérimenter et continuer à apprendre.

3.1.2. La confrontation à la diversité

D'après le décret de compétences, le psychomotricien a différentes missions et peut travailler auprès de différents types de patients. Il est utopiste d'imaginer qu'il serait un jour possible de maîtriser toutes les situations que les psychomotriciens peuvent rencontrer, ne serait-ce qu'à cause des écarts d'âges et de la diversité des troubles ou pathologies des patients.

En plus de la diversité au niveau du public rencontré, le psychomotricien est confronté à une grande diversité de lieux d’exercice selon lesquels un même trouble ne sera pas traité de la même manière. Tout peut dépendre, entre autres, des missions, des financements et des orientations de l’établissement mais aussi de l’âge des usagers et des préférences du psychomotricien.

A ce sujet, P.A. RAOULT écrit en 2001 que « L'éparpillement des références théoriques et l'éclatement des pratiques conduisent à des profils professionnels singulièrement divers. […] A cet écart de la référence théorique s'adjoint la diversité des lieux institutionnels d'exercice et des populations concernées. La clinique quotidienne imposée par les contraintes de la professionnalisation et de la dépendance statutaire, accentue cet écart et les contradictions

inhérentes ».

Il est vrai que la diversité peut être une richesse, à condition qu'elle ne provoque pas trop de confusion ou de dispersion. Il faut donc pouvoir se construire une identité professionnelle pour avoir des repères et construire sa propre pratique. C'est-à-dire qu'il faut s'individuer et devenir autonome professionnellement afin d'adopter une pratique personnelle et cohérente. La richesse se trouve aussi dans la large palette de pratiques en fonction des singularités de chaque psychomotricien ; singularité qui s'explique notamment par la diversité des vécus lors de la formation. Cette richesse ne doit pas pour autant être un obstacle à l'effort d'unification interne vu précédemment et sans lequel, la reconnaissance de la profession est mise à mal.

J. LE CAMUS estime que « même si la durée de la préparation était portée à 4 ou 5 ans, les futurs praticiens n'auraient pas le temps de s'initier à toutes les pratiques déjà sérieusement éprouvées. Du reste, l'essentiel n'est pas d'avoir multiplié les expériences de formation mais d'avoir su tirer les bénéfices de l'apport scientifique, technique et émotionnel de quelques-unes ». Pourtant, il pourrait être intéressant de créer des formations facultatives mais reconnues permettant aux étudiants en psychomotricité de se spécialiser dans un domaine particulier selon leurs aspirations. Cela pourrait également faciliter la reconnaissance des psychomotriciens à la fois parce qu'ils seraient plus au clair avec les bases communes, leur rôle et leurs moyens, et donc pourraient présenter plus aisément leur spécificité, mais aussi parce que leur formation serait valorisée.

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