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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Pile à combustion électrochimique : pourquoi ces mots pour désigner cette chose ?

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Academic year: 2021

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PILE A COMBUSTION ÉLECTROCHIMIQUE :

Pourquoi ces mots pour désigner cette chose ?

Ivan GILLET Université de Liège

MOTS-CLÉS : ÉNERGIE CHIMIQUE – ÉNERGIE ÉLECTRIQUE

RÉSUMÉ : Le mot pile vient de son inventeur Volta qui, en 1800, obtint pour la première fois une source de courant électrique en empilant des paires de rondelles de deux métaux différents et en intercalant, entre chaque paire une rondelle de feutre imbibée d'eau acidulée. Le mot combustion indique l'analogie avec la combustion thermique. Mais le mot Électrochimique différencie nettement ces deux modes de combustion : l'une donnant de la chaleur à température élevée, l'autre du courant électrique à température ambiante ou modérée et par un mécanisme tout différent.

ABSTRACT : This paper concerns a type of electricity generator invented by Grove in England in 1839. He named it “Fuel Cell”. In these words “Cell” means “Electrochemical cell” ; and “fuel” indicates the ingredients of a combustion. Thus, “fuel cell” means : electrochemical combustion

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1. VOLTA ET LA PILE

Le mot « pile » vient d'une controverse entre deux Italiens : le biologiste Galvani et le physicien Volta à la fin du 18e siècle. Galvani faisait des expériences sur les grenouilles. Après en avoir tué et disséqué une, il avait suspendu une des pattes de celle-ci à son balcon par un crochet métallique. Lors d'un coup de vent, la patte avait heurté le balcon et s'était contractée. Pour expliquer le phénomène, Galvani avait élaboré une théorie où il était question de ce qu'il appelait électricité animale. Volta pensait aussi à un processus électrique, mais pour lui, la source de courant venait du contact entre deux métaux différents : le balcon en fer et le crochet en cuivre. Pour démontrer sa théorie, il a construit une « pile » de paires de rondelles de deux métaux différents (argent et zinc) en intercalant entre chaque paire de rondelles métalliques une rondelle de feutre imbibée d'eau acidulée ou salée. Cette pile, présentée en mars 1800, donnait une petite décharge électrique à celui qui en touchait en même temps les deux extrémités. La démonstration expérimentale était convaincante, mais l'explication de Volta n'était pas correcte : ce sont des chimistes qui ont montré peu après que la source de courant électrique se trouvait, non pas au contact sec des deux métaux (zinc et argent), mais aux contacts humides entre chacun de ces métaux et l'eau acidulée. Le mot pile vient donc de cet « empilement » et a été conservé, même si les piles électriques actuelles ne sont plus de tels empilements. La pile de Volta a été la source de toute la science et la technique électrochimique, de toute la science et la technique du courant électrique, et d'une grande partie de la science et de la technique chimique.

2. GROVE ET LA COMBUSTION ÉLECTROCHIMIQUE

L'expression « combustion électrochimique » trouve son origine dans une expérience de l'anglais GROVE en 1839 mais remontons d'abord à 1800: Dès que la pile de Volta fut connue (20 mars 1800), des chimistes l'ont utilisée comme source de courant électrique continu pour faire l'électrolyse de l'eau, où celle-ci est décomposée en gaz hydrogène, à l'une des électrodes, et gaz oxygène à l'autre électrode. D'autres chimistes s'en sont ensuite servis pour obtenir différents métaux par électrolyse. En 1839, après avoir fait l'électrolyse de l'eau, comme d'autres auparavant, et avoir déconnecté les bornes de l'électrolyseur, Grove a constaté qu'il subsistait une différence de potentiel entre ces bornes en circuit ouvert. Il a alors conclu que son électrolyseur, récepteur de courant, était devenu une source, donc une pile. Par ailleurs, le « chalumeau oxhydrique » avait été inventé quelques années auparavant. Dans celui-ci, la « combustion thermique » du gaz hydrogène

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avec le gaz oxygène donne de la vapeur d'eau et une flamme très chaude, donc de l'énergie thermique. Par analogie, « la pile de Grove » effectue une combustion électrochimique » de l'hydrogène avec l'oxygène donnant de l'eau et de l'énergie électrique.

3. OUBLIS ET RENAISSANCES

Cette « pile à combustion » a eu un sort assez curieux : découverte, ou inventée, en 1839, elle semble avoir été oubliée pendant environ 120 ans. À la fin des années 1950, les Américains préparaient des vols spatiaux en vue d'aller sur la Lune. Pour alimenter les instruments de bord des capsules spatiales, il fallait une source d'énergie électrique fiable et la plus légère possible. Après examen de toutes les possibilités, ils ont choisi la pile à combustion hydrogène/oxygène. À la suite de ce choix, et pendant une bonne dizaine d'années, les médias et un certain nombre de chercheurs ont porté leur attention sur la pile à combustion. Le débarquement sur la Lune a eu lieu en 1969 Après cela, et à quelques exceptions près, la pile à combustion est retombée dans l'oubli jusqu'aux environs de l'année 2000.

4. FORMES D'ÉNERGIE ET MÉCANISMES

L'expression « combustion électrochimique » est employée par analogie avec la « combustion thermique ». Dans les deux cas, le combustible (ici, l'hydrogène) réagit avec le comburant (l'oxygène) pour donner un ou des produits de réaction (ici, l'eau) plus de l'énergie. La différence entre les deux modes de combustion est double, d'une part, dans la forme d'énergie obtenue : chaleur dans la combustion thermique, courant électrique dans la combustion électrochimique, d'autre part, dans le mécanisme réactionnel : désordonné dans la combustion thermique et ordonné par le dispositif expérimental de la pile dans la combustion électrochimique. Cette différence de mécanisme permet à la combustion électrochimique, d'une part de produire de l'électricité au lieu de chaleur, d'autre part de se passer aussi bien à température ambiante qu'à température plus élevée.

5. DÉNOMINATION

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employée est « pile à combustible ». Mais cette expression est incomplète. En effet, le mot anglais « fuel » signifie, à la fois, combustible et comburant, c'est-à-dire les ingrédients de la combustion. Et comme « cell » signifie ici « cellule électrochimique », donc dans ce cas-ci une pile, comme l'a montré l'expérience de Grove, une traduction correcte et complète de « fuel cell » est « pile à combustion électrochimique », ou, en abrégé, « pile à combustion ».

6. GÉNÉRATEURS

Dans l'expression « pile à combustion électrochimique », le mot « pile » indique qu'il s'agit d'un « générateur » électrochimique d'énergie électrique, comme la « pile classique » ou « l'accumulateur ». Par comparaison avec les deux autres types de générateurs, comment se distingue « la pile à combustion » ? Dans les trois cas, ce que les chimistes appellent une réaction d'oxydoréduction entre des « réactifs » donne des « produits de réaction » et du courant électrique. Dans la pile classique, il s'agit d'une « boîte fermée » qui contient les « réactifs », introduits en usine lors de la fabrication, et les « produits de réaction » après fonctionnement. Lorsque les « réactifs » sont entièrement consommés, la pile ne donne plus de courant électrique et est remplacée. L'accumulateur est également une « boîte fermée » contenant les « réactifs » et les produits de réaction. Mais ici les réactions électrochimiques produisant le courant électrique sont réversibles et peuvent donc fonctionner en sens inverse pour donner les réactifs par passage d'un courant électrique lors de la « recharge » de l'accumulateur. Contrairement aux deux autres types de générateurs, la « pile à combustion » ne contient pas les réactifs. Ceux-ci sont introduits au fur et à mesure du fonctionnement. Cette pile peut donc fonctionner, sans remplacement ni interruption pour recharge, aussi longtemps qu'on l'alimente en réactifs. En résumé, la pile classique et l'accumulateur sont deux systèmes chimiquement fermés, remplissant en même temps deux fonctions dont le rapport est fixe : réservoir d'énergie, de capacité limitée (en W.h) et

-convertisseur d'énergie (chimique –› électrique) de puissance également bornée. Ces deux fonctions

sont limitées, entre autres, par la surface des électrodes.

La « pile à combustion » au contraire, est un système chimiquement ouvert où les deux fonctions (réservoir et convertisseur) sont indépendantes l'une de l'autre. De cette façon, la capacité du réservoir peut être aussi grande que l'on veut, indépendamment de la puissance du convertisseur.

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7. DU PRÉSENT À L'AVENIR

Après le second oubli, au moins apparent, d'une trentaine d'années environ, on reparle à présent de pile à combustion à propos de projets et d'essais de voitures électriques alimentées par de telles piles. Dans tous les cas, il s'agit de pile hydrogène/oxygène. Mais le principe de cette pile peut très bien s'appliquer à d'autres combustibles que l'hydrogène : la pile à « méthanol/air » fonctionne très bien. Elle présente l'avantage d'un combustible liquide, plus facile à stocker que le gaz hydrogène. En fait, la pile à combustion électrochimique peut devenir, et c'est souhaitable, le centre d'une toute nouvelle technologie énergétique, propre et à haut rendement, remplaçant la technologie actuelle, polluante et gaspilleuse d'énergie. En effet, dans la technologie actuelle, la production d'énergie électrique se fait dans les centrales électriques par une filière assez longue : énergie chimique d'un combustible –› combustion thermique –› chaleur –› « conversion de Carnot » –› énergie mécanique de mouvement –› énergie électrique (figure : flèches 2.a –› 2.b –› 2.c).

Dans cette longue filière énergétique, la combustion thermique (2.a) est intrinsèquement polluante et la « conversion de Carnot » est essentiellement et gravement gaspilleuse d'énergie. De cette façon, l'énergie électrique obtenue ne représente, selon les cas, qu'entre 33 % et moins de 20 % de l'énergie chimique consommée au départ ! Or, la pile à combustion effectue la conversion d'énergie chimique en énergie électrique en une seule étape (La) et avec un rendement à peu près le double de celui de la filière classique dont il vient d'être question. De plus, ce bon rendement est le même quelle que soit la taille de l'installation. D'autre part, le transport d'énergie électrique coûte très cher et se fait avec perte ; tandis que le transport de combustible, c'est-à-dire d'énergie chimique, coûte moins cher et peut se faire pratiquement sans perte ; Dans ces conditions, on a intérêt à distribuer l'énergie sous forme chimique (combustible) jusqu'aux différents lieux d'utilisation, et à produire

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l'énergie électrique sur place. L'intérêt de produire l'énergie électrique à l'endroit où on l'utilise provient du fait suivant : dans toute conversion d'énergie d'une forme dans une autre, il y a toujours un certain pourcentage de perte qui se retrouve sous forme de chaleur de dégradation. C'est le cas de la pile à combustion transformant directement de l'énergie chimique en énergie électrique. Lorsqu'elle fonctionne au lieu final d'utilisation, la chaleur de dégradation peut être récupérée et utilisée sur place, ce qui augmente le rendement global du processus. On parle alors de « cogénération » d'électricité et de chaleur. Lorsque, au contraire, la pile à combustion fonctionne loin du lieu d'utilisation finale de l'énergie électrique, la chaleur de dégradation est généralement perdue, car elle se transporte difficilement à grande distance, sinon avec des pertes prohibitives.

8. CONCLUSION

Dans notre système énergétique mondial, l'énergie chimique des combustibles est essentielle comme « vecteur » d'énergie stockable et transportable. L'énergie électrique est tout aussi essentielle parce qu'elle peut produire, facilement et avec de bons rendements, toutes les autres formes d'énergie utile. Pour passer de l'énergie chimique à l'énergie électrique, il n'y a que deux filières techniques (figures) ; la « filière thermodynamique » (flèches 2.a, 2.b, 2.c) longue, polluante et gaspilleuse d'énergie, et la « filière électrochimique » de la pile à combustion (flèche La), courte, propre et de rendement énergétique beaucoup meilleur. Ce meilleur rendement permettra de gagner du temps jusqu'à l'inéluctable changement de sources d'énergie. Il faut donc développer techniquement la pile à combustion par de la recherche, l'enseigner abondamment et la mettre en œuvre le plus largement possible.

BIBLIOGRAPHIE

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