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Vivre avec un parent atteint d'un trouble de santé mentale majeur : effets, enjeux et perspectives

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Vivre avec un parent atteint d’un trouble de santé

mentale majeur :

effets, enjeux et perspectives

Mémoire

Daphné Lussier

Maîtrise en service social

Maître en service social (M. Serv. soc.)

Québec, Canada

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Vivre avec un parent atteint d’un trouble de santé

mentale majeur :

effets, enjeux et perspectives

Mémoire

Daphné Lussier

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Au Canada, il est estimé que 14 à 26 % des enfants de la population générale ont un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur, ce qui représente environ 12 000 enfants dans la région de Québec. Malgré les nombreuses recherches dans le domaine, les effets de vivre avec un parent atteint d’un tel trouble demeurent encore méconnus. En ce sens, la présente recherche a pour but d’explorer le vécu d’adultes ayant grandi avec un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur. Plus spécifiquement, les questions de recherche sont les suivantes : 1) Quels événements et points tournants ont influencé le parcours de vie de ces adultes? 2) Comment les relations familiales et sociales évoluent-elles pour eux? 3) Quelles distinctions dans leur vécu permettent de comprendre le fonctionnement global « allant bien » par rapport à celui « allant moins bien »? Pour ce faire, des entrevues semi-structurées auprès de douze participants, dont une moitié a été jugée comme « allant moins bien » et l’autre moitié comme « allant bien » par des informateurs clés, ont été réalisées. Par l’intermédiaire de la théorie du parcours de vie, une analyse par thématique a été effectuée. Cette dernière fait ressortir la prise de conscience du trouble mental du parent comme point tournant dans le parcours de vie des participants ainsi que les effets positifs et négatifs de leurs différentes relations familiales et sociales. Finalement, peu d’éléments différencient le groupe jugé comme « allant bien » de celui « allant moins bien ».

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iv

Abstract

In Canada, it is estimated that 14 to 26 % of children within the general population have a parent with a mental illness, which represents approximately 12 000 children in Quebec region. Despite numerous studies on this subject, the effects of living with a parent with mental illness are not well known. The aim of this research is to explore the experience of adults who grew up with one mentally ill parent. More specifically, the research questions are: 1) What are the events and turning points that have influenced the life course of those adults? 2) How do the familial and social relationships evolved? 3) What are the distinctions between the group considered as “well-being” and the other considered as “not so well”? To do so, semi-structured interviews have been conducted among twelve participants, half of which being considered as “well-being” and the other half as “not so well”. According to the life course theory, thematic analysis was applied. This helped identifying the awareness of the parent’s illness as a turning point in the life course of the participants and the positive and negative effects of relationships with family members and other social relationships. Finally, results show that the elements studied do not differentiate the group considered “going well” from the one “not so well” in a life course perspective.

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v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... viii

Liste des annexes ... ix

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 2

1.1. Objet d’étude et pertinence sociale, scientifique et disciplinaire ... 2

1.2. Recension des écrits ... 4

1.2.1 Démarche documentaire réalisée. ... 5

1.2.2. Problèmes et conséquences associés au fait de vivre avec un parent atteint... 5

1.2.3. Facteurs de risque et de protection. ... 9

1.2.4. Limites méthodologiques des études actuelles... 10

1.3. Proposition de recherche ... 11

Chapitre 2 : Cadre d'analyse ... 12

2.1. Théorie du parcours de vie ... 12

2.2. Définition des concepts ... 14

Chapitre 3 : Méthodologie ... 16 3.1. Paradigme épistémologique ... 16 3.2. Approche privilégiée ... 16 3.3. Type de recherche ... 17 3.4. Population à l’étude ... 17 3.5. Échantillonnage ... 18

3.6. Tableau d’opérationnalisation et guide d’entrevue ... 19

3.7. Considérations éthiques ... 19

3.8. Collecte de données ... 20

3.9. Instruments de mesure et grille d’entrevue ... 20

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vi

3.11. Limites ... 22

Chapitre 4 : Résulats ... 24

4.1. Description de l’échantillon ... 24

4.2. Résumé des parcours de vie ... 25

4.3. Trajectoire familiale jusqu’à l’âge adulte ... 31

4.3.1. Coupure dans l’ambiance familiale lors du passage à l’adolescence ... 31

4.3.2. L’avènement de la séparation des parents ... 32

4.3.3. Point tournant dans la trajectoire familiale ... 32

4.4. Évolution des relations familiales ... 37

4.4.1. Évolution de la relation avec le parent ayant un trouble mental ... 37

4.4.2. Évolution de la relation avec l’autre parent ... 39

4.4.3. Évolution de la relation avec le beau-parent ... 40

4.4.4. Évolution de la relation avec la fratrie ... 41

4.4.5. Évolution de la relation avec les grands-parents ... 42

4.5. Les conséquences sur la trajectoire familiale... 44

4.5.1 Transition précoce vers l’âge adulte ... 44

4.5.2. Instabilité émotionnelle ... 47

4.5.3. Expression d’une certaine froideur sur le plan relationnel ... 48

s4.5.4. Instabilité et précarité financière ... 48

4.5.5. Les stratégies d’adaptation ... 50

4.6. La trajectoire sociale et le processus d’autotigmatisation... 53

4.6.1. Impact relationnel : les amis ... 53

4.7. Trajectoire professionnelle... 59

4.8. L’enfant devenu adulte ... 59

4.8.1. Impact relationnel : conjugal ... 60

4.8.2. Déterminer des points positifs dans l’adversité... 61

4.8.3. Compréhension à l’égard du trouble de santé mentale ... 61

4.8.4. Ouverture d’esprit à l’égard de la santé mentale ... 62

4.8.5. L’inquiétude de développer le trouble de santé mentale de son parent ... 62

4.8.6. Bien-être subjectif ... 63

Chapitre 5 : Discussion ... 65

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vii

5.1.1. Séparation des parents ... 65

5.1.2. Point tournant : l’hospitalisation du parent ... 66

5.1.3. Transition précoce vers l’âge adulte et inversion du rôle parental ... 67

5.1.4. Processus d’autostigmatisation et retrait social. ... 68

5.2. Question 2. L’évolution des relations familiales et sociales ... 70

5.2.1. Relations familiales ... 70

5.2.2. Relations amicales ... 72

5.2.3. Relations conjugales ... 72

5.3. Question 3. Distinctions dans le vécu qui expliquent partiellement la différence entre le groupe « allant bien » et celui « allant moins bien »... 73

5.3.1. Capacité à développer son aptitude de résilience ... 73

5.3.2. Recours à des stratégies d’adaptation ... 74

5.3.3. Bien-être subjectif ... 75

Conclusion ... 77

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viii

Liste des tableaux

Tableau

1 Données sociodémographiques ... 24

2 Sommaire des caractéristiques des participants de l’échantillon... 30

3 Sommaire des événements de la trajectoire familiale ... 36

4 Sommaire de l’évolution des relations familiales... 43

5 Sommaire des conséquences en lien avec le trouble mentale du parent ... 50

6 Sommaire des stratégies utilisées selon le grouspe d’appartenance ... 51

7 Sommaire des éléments contribuant aux particularités associées à la trajectoire sociale ... 58

(9)

ix

Liste des annexes

Annexe

1 Exemple d’un calendrier de vie tiré du livre de Gherghel et St-Jacques (2013) ... 93

2 Tableau d’opérationnalisation des concepts ... 94

3 Canevas contact téléphonique ... 95

4 Formulaire d’information et de consentement ... 96

5 Guide d’entrevue ... 102

6 Questionnaire sociodémographique ... 105

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x

Remerciements

Je souhaite d’abord et avant tout remercier les douze participants à ma recherche sans qui cette réalisation aurait été impossible. Je les remercie du temps accordé et de la confiance dont ils m’ont fait part lorsqu’ils m’ont partagé leur parcours de vie riche en émotions. Il s’agit pour moi d’un privilège et j’espère pouvoir honorer leurs propos.

Ensuite, je souhaite remercier le Dr Michel Maziade, psychiatre et chercheur au Centre de recherche CERVO, ainsi que mes collègues de travail qui ont servi d’informateurs clés pour le recrutement des participants. Tous ont su me transmettre de précieux conseils et m’ont partagé leur expertise tout au long du processus de réalisation de mon mémoire.

Je souhaite également remercier ma famille qui a su m’épauler tout au long de mon parcours scolaire. Elle a été une source inépuisable de soutien et d’encouragements. Je remercie également mon conjoint, Sylvain, qui m’a appuyée et soutenue dans cette aventure que représente la rédaction d’un mémoire. Une aventure qui a été remplie d’émotions fortes tant positives que négatives et qui, par moment, me semblait irréalisable. Merci d’avoir cru en mes capacités.

Finalement, un énorme merci à ma directrice, Claudine Parent, qui a su me conseiller avec finesse durant tout le processus. Son expertise m’a permis d’apprivoiser la recherche qualitative, méthode qui m’était jusqu’à présent méconnue. Chaque rencontre a été d’une grande stimulation et a favorisé ma réflexion.

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Introduction

Le thème général du mémoire est celui des trajectoires de vie des enfants de parents atteints d’un trouble de santé mentale majeur, c’est-à-dire de schizophrénie, de trouble bipolaire ou de dépression majeure récurrente. Le but poursuivi par cette recherche est de mieux comprendre les événements et les points tournants qui influencent les différentes trajectoires de vie de ces enfants maintenant devenus adultes. Cette meilleure connaissance est rendue accessible grâce à la participation d’adultes ayant un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur qui se sont exprimés sur leur vécu. Ces personnes sont considérées comme des acteurs sociaux compétents en mesure de déterminer les événements clés menant à la singularité de leur parcours de vie. Les questions de recherche sont donc les suivantes :

1. Quels événements et points tournants ont influencé le parcours de vie de ces adultes ayant grandi auprès d’un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur?

2. Comment les relations familiales et sociales évoluent-elles pour eux?

3. Quelles distinctions dans leur vécu permettent de comprendre le fonctionnement global « allant bien » par rapport au fonctionnement « allant moins bien »?

Ce document a pour objectif de présenter l’ensemble de la démarche qui a permis la rédaction du présent mémoire. D’abord, la problématique précisant l’objet d’étude et sa pertinence sur les plans scientifique, social et disciplinaire est présentée. Cette section inclut également une recension des écrits et une présentation des limites méthodologiques des études actuelles. La proposition de recherche et les questions à la source de ce projet de mémoire complètent ce chapitre. Puis, le cadre théorique et les concepts pertinents à l’étude sont détaillés. Par la suite, la méthodologie pour la réalisation de la recherche est précisée. Dans ce chapitre, il sera question de l’approche utilisée, du type de recherche, de la population à l’étude et de l’échantillonnage, du tableau d’opérationnalisation et du guide d’entrevue, de la collecte de données et des instruments de mesure, du type d’analyse et des considérations éthiques. Finalement, la présentation des résultats sera suivie d’une discussion et de la conclusion.

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2

Chapitre 1 : Problématique

Le premier chapitre de ce mémoire aborde l’ampleur de la problématique dont il est question. Notamment, les statistiques en lien avec l’objet d’étude ainsi que la pertinence sociale, scientifique et disciplinaire y sont présentées. À la suite d’une recension de la littérature, les différentes conséquences de vivre avec un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur sur les plans individuel, familial et social sont présentées. Pour terminer, il est question des différents facteurs de risque et de protection qui influencent le vécu de ces enfants.

1.1. Objet d’étude et pertinence sociale, scientifique et disciplinaire

Au Canada, Smetanin et al. (2011) ont estimé que les problèmes de santé mentale coûtent de manière directe et indirecte environ 51 milliards de dollars par année. Les mêmes auteurs exposent qu’il y a 6,7 millions de Canadiens qui sont touchés d’un trouble de santé mentale, soit un Canadien sur 5. En comparaison, il y a 1,4 million de personnes souffrant d’une maladie cardiaque (Smetanin et al., 2011). Il est aussi estimé que 14 à 26 % des enfants de la population générale ont un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur, ce qui représente environ 12 000 enfants dans la région de Québec (Maziade, 2016; Reupert, Maybery, & Kowalenko, 2013). Pour veiller à leur bon développement, les besoins particuliers de ces jeunes qualifiés « à risque » amènent la nécessité d’agir en prévention, ce qui est d’ailleurs promu par le Plan d’action en santé mentale 2015-2020 du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) du Québec. En effet, les enfants issus de ces familles sont 15 à 20 fois plus à risque de développer eux aussi un trouble de santé mentale majeur, comparativement à ceux qui ne vivent pas cette situation familiale (Paccalet et al., 2016). De plus, il est estimé que 60 % des demandes effectuées dans les guichets d’accès aux services de santé mentale jeunesse proviennent de jeunes dont la famille est touchée d’un trouble de santé mentale majeur soit au 1er ou au 2e degré1 (Maziade, 2016). De plus, les écrits scientifiques rapportent des prévalences élevées par rapport au vécu d’abus, de négligence et de facteurs de stress, prévalence allant de 46 à 88 % selon les auteurs. Cette prévalence est nettement supérieure à celle observée dans la population générale (30 %). L’ensemble de ces

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statistiques justifie en soi la pertinence sociale de s’intéresser à ces jeunes et à leur vécu (Afifi et al., 2011; Berthelot et al., 2015; Cullen, Fisher, Roberts, Pariante, & Laurens, 2014).

Par ailleurs, il est important de considérer l’ensemble des variables propre à ce contexte environnemental afin de bien interpréter ces statistiques. Or, bien que de nombreuses recherches se fassent dans le domaine de la santé mentale, les effets de vivre avec un parent atteint d’un trouble de santé mentale demeurent encore méconnus. À la lumière des recherches effectuées, il apparaît que peu d’études se penchent sur le vécu de ces enfants en les sollicitant directement par l’entremise d’une méthodologie de recherche de type qualitatif. Or, certains chercheurs proposent d’impliquer davantage l’enfant dans le processus de recherche, car celui-ci est vu comme un acteur compétent avec ses propres perceptions et constructions, ce qui permettrait d’avoir une vision plus holistique et développementale de la situation (Prout, 2002; Reupert & Maybery, 2007). Il est possible de constater que, malgré les statistiques alarmantes, les lignes de pratique en clinique sont encore peu claires et que peu d’avancement se fait à ce sujet. La complexité de ces contextes familiaux rend difficile l’intervention auprès de ces familles et encore plus difficile la prévention auprès de ces jeunes à risque. De surcroît, la majorité des études dans le domaine s’inscrivent généralement dans le champ de la psychiatrie ou de la psychologie. En effet, peu d’études proviennent du travail social (Boily, St-Onge & Toutant, 2006; Côté, 2004; Mowbray, Bybee, Oyserman, MacFarlane & Bowersox, 2006; Trondsen, 2012), discipline pour laquelle l’environnement est une pierre angulaire dans la compréhension globale des individus et des familles. Il apparaît donc pertinent d’améliorer les connaissances scientifiques sur ce sujet sous l’angle du travail social.

Enfin, il est estimé qu’environ 50 à 90 % des travailleurs sociaux œuvrant auprès d’une clientèle jeunesse ont à travailler avec un parent qui a un trouble de santé mentale et/ou un trouble d’abus de substance (SCIE, 2009). Ainsi, le travail social est une discipline qui agit en premier plan en matière d’intervention auprès de cette clientèle cible. Comme souligné dans le rapport de la Société d’excellence en soins sociaux de la Grande-Bretagne intitulé « Think parent, think children, think family » (2009), les travailleurs sociaux doivent faire preuve de leadership dans ce domaine et favoriser le développement de compétences

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professionnelles en matière d’intervention auprès des enfants ayant un parent atteint d’un trouble de santé mentale. Le développement d’interventions et de programmes spécifiques à cette population est une tâche plutôt ardue étant donné la complexité de ces situations familiales. Effectivement, comme les effets et les besoins documentés ne sont pas exhaustifs, il devient difficile de développer une intervention adaptée et centrée sur les besoins des enfants et de leur famille. Ainsi, les interventions actuellement offertes dans le domaine s’adressent souvent à un seul individu, fréquemment le parent atteint qui est considéré comme le nœud du dysfonctionnement familial. Or, il est impératif d’avoir une pratique plus holistique qui considèrent l’unité familiale comme la cible de l’intervention et non seulement le parent atteint, ce qui correspond grandement au mode de pratique préconisé en travail social (James et al., 2007; Reupert & Maybery, 2007). Des interventions de cette nature ont d’ailleurs été évaluées dans des écrits scientifiques; elles seraient efficaces pour rehausser le bien-être du parent et celui de l’enfant (Beardslee, Gladstone, Wright, & Cooper, 2003; Power et al., 2015; Siegenthaler, Munder, & Egger, 2012). Selon Powers et ses collaborateurs (2015), la psychoéducation, souvent présente dans ce type de pratique, permet aux enfants de mieux s’expliquer les comportements de leur parent et de diminuer le sentiment de culpabilité des parents. Drost et ses collaborateurs (2016) encouragent l’intégration des enfants aux interventions du parent plutôt que la création de services spécialisés à l’enfant, car le premier type d’intervention favoriserait leurs capacités d’adaptation. D’ailleurs, bien qu’il existe certains programmes à l’échelle internationale pour ces jeunes, Maybery, Goodyear, O'Hanlon, Cuff, & Reupert (2014) dénoncent une inadéquation entre les attentes qu’ont les enfants par rapport à ceux-ci et les services qui leur sont réellement offerts. Sur le plan disciplinaire, il est donc important de poursuivre le développement de stratégies d’intervention plus cohérentes et adaptées à leurs réels besoins, et ce, tout au long de leur trajectoire de vie (Mordoch & Hall, 2002; Trondsen, 2012).

1.2. Recension des écrits

La présente recension des écrits a pour objectif de faire ressortir les facteurs de risque et de protection qui sont les plus importants dans le parcours de vie d’enfants vivant avec un parent qui présente un trouble de santé mentale majeur. Deux grandes sections sont abordées :

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les problèmes et conséquences sur le plan individuel, familial et social ainsi que les facteurs de risque et de protection chez les jeunes vivant cette situation familiale.

1.2.1 Démarche documentaire réalisée.

Une recherche documentaire sur les bases de données Social Work Abstract, PsychInfo, Google Scholar et PubMed a permis de faire l’état des connaissances actuelles. De plus, lorsque certains articles étaient jugés plus pertinents, leur liste de références était consultée et une recherche PubMed sur les auteurs citant l’article en question était effectuée. Les mots clés ont été utilisés en français et en anglais dans les moteurs de recherche susmentionnés. Ainsi, les mots utilisés étaient les suivants : [parent ET enfant] [trouble de santé mentale OU maladie mentale] [effet OU impact OU conséquence] [trajectoire de vie OU parcours de vie] [parent* AND child*] [mental illness OR mental disorders] [effect OR impact] [life trajectory OR life course].

1.2.2. Problèmes et conséquences associés au fait de vivre avec un parent atteint. Depuis la dernière décennie, il y a un intérêt grandissant en recherche pour une meilleure compréhension et une meilleure évaluation de la trajectoire de risque qui mène à un trouble de santé mentale majeur, particulièrement chez les enfants qui vivent avec un parent atteint d’un trouble de santé mentale. Les recherches sur le sujet ciblent actuellement la détection précoce de ces troubles puisqu'une intervention rapide peut améliorer le pronostic de la personne atteinte. Or, dans un premier temps, il est nécessaire de comprendre les problèmes et conséquences engendrés par cette situation familiale particulière tant sur le plan individuel, familial que social.

1.2.2.1. Problèmes et conséquences individuels.

Sur le plan individuel, le fait de naître dans une famille où un parent est atteint d’un trouble de santé mentale augmente le risque de développer des problèmes d’ordre développemental (Mordoch & Hall, 2002; Mowbray et al., 2006). Entre autres, les jeunes provenant de ces familles ont souvent les mêmes déficits cognitifs que leur parent atteint, suggérant que certains déficits cognitifs peuvent être précurseurs de troubles de santé mentale (Cannon et al., 2002; Cellard et al., 2015; Niendam et al., 2003). De plus, certains auteurs

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rapportent que ces jeunes sont plus sujets que ceux de la population générale à avoir des symptômes nécessitant une investigation clinique (p. ex. : trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité-TDA/H) (Axelson et al., 2015; Hans, Auerbach, Styr, & Marcus, 2004; Paccalet et al., 2016). Notamment, une prévalence plus élevée du trouble de conduite est observée chez ces jeunes (James, Fraser, & Talbot, 2007). De manière générale, il s’agit d’enfants qui ont plus de détresse cliniquement significative par rapport aux enfants de la population générale selon une adaptation de l’échelle du fonctionnement global de l’axe V du DSM-IV-TR™2 (Paccalet et al., 2016). Il semble que ces jeunes sont également portés à avoir une plus grande consommation de substances allant de l’abus à la dépendance les rendant indéniablement plus à risque de développer, une fois adultes, un trouble de santé mentale (Paccalet et al., 2016). Par exemple, le risque de déclencher un épisode psychotique peut aller jusqu’à 40 % pour la consommation de cannabis, drogue principalement consommée (Gage, Hickman, & Zammit, 2016) par les jeunes. Les taux rapportés dans les écrits scientifiques sur le sujet vont de 33 à 45 % chez ces jeunes (Carney et al., 2016; Paccalet et al., 2016).

Grâce à deux recherches qualitatives menées auprès d’adolescents vivant ce contexte familial, il est possible de faire ressortir le sentiment de peur, de solitude et d’imprévisibilité environnementale dont souffrent ces jeunes (Trondsen, 2012; Gullbra, Smith-Sivertsen, H. Graungaard, Rortveit, & Hafting, 2016). D’ailleurs, Walsh et ses collaborateurs (2009) ont relevé que le degré le plus élevé d’insécurité et d’anxiété présent chez ces jeunes survient lors de l’hospitalisation de leur parent. L’âge développemental de l’enfant et la durée de l’hospitalisation ou de l’épisode du trouble mental3 semblent aussi influencer l’état psychologique de ce dernier (Peisah, Brodaty, Luscombe, & Anstey, 2005; Reupert et al.,

2 Dans sa quatrième version, le DSM-IV-TR™, utilisait une évaluation dite multiaxiale, c’est-à-dire que

l’individu était évalué selon cinq axes. L’axe I se compose de l’ensemble des troubles mentaux (mental disorders). L’axe II considère les troubles de la personnalité et le retard mental (mental retardation). L’axe

III comporte les problèmes d’ordre physique qui sont potentiellement reliés à la compréhension du trouble

mental. L’axe IV constitue l’ensemble des problèmes psychosociaux et environnementaux. L’axe V concerne le fonctionnement global de la personne selon une échelle allant de 0 à 100, 100 représentant un fonctionnement supérieur. À titre d’exemple, une cote entre 11 et 20 est attribuée à un individu qui vient de faire une tentative de suicide, mais sans réelle intention de mourir.

3 En psychiatrie, le terme « épisode » est utilisé lorsque la personne a une exacerbation des symptômes associée

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2013). En effet, selon une étude de cohorte4, plus l’enfant est jeune lors de l’épisode du trouble mental de son parent et plus cet épisode perdure dans le temps, plus grandes sont les probabilités de développer un problème de santé mentale au cours de sa vie (Peisah et al., 2005). Les auteurs soulèvent la possibilité que la chronicité du trouble de santé mentale serait plus néfaste pour le bien-être des enfants que la gravité ou la récurrence de celui-ci.

1.2.2.2. Problèmes et conséquences familiaux

Sur le plan familial, plusieurs auteurs remarquent que le lien d’attachement de ces enfants est souvent de type insécure ou ambivalent (Atkinson et al., 2000; Farinelli & Guerrero, 2011; Walsh et al., 2009), ce qui génère des difficultés sur le plan de l’ouverture émotionnelle et de l’adaptation (Walsh et al., 2009). Ces enfants et adolescents sont aussi plus à risque de vivre des situations de crise, par exemple lorsqu’il y a hospitalisation du parent (Reupert & Maybery, 2007). Le contexte parfois instable dans lequel vivent ces enfants augmente également la propension à être en contact avec les services de protection de la jeunesse comme le rapportent James et ses collaborateurs (2007). D’ailleurs, dans les études rétrospectives réalisées auprès de personnes atteintes d’un trouble de santé mentale majeur, il est troublant de constater qu’une prévalence élevée d’un vécu d’abus et de négligence, soit d’environ 25 à 40 %, est aussi rapportée par ces participants (Alameda et al., 2015; de Codt, Monhonval, Bongaerts, Belkacemi, & Tecco, 2016; Ucok & Bikmaz, 2007). Il est ainsi possible de croire que ces jeunes exposés aux abus et à la négligence sont à leur tour plus à risque de présenter un trouble de santé mentale majeur une fois devenus adultes. Toutefois, des recherches sont encore nécessaires afin de bien comprendre les effets complexes et les interactions entre les troubles de santé mentale ainsi que l’abus et la négligence vécus durant l’enfance et l’adolescence.

Un autre aspect particulier des jeunes qui vivent cette situation familiale est leur tendance à prendre soin de leur parent atteint, ce qui peut engendrer une forme de parentification (Boily et al., 2006; Stallard, Norman, Huline-Dickens, Salter, & Cribb, 2004; Trondsen, 2012). Stallard et ses collaborateurs (2004) ont interrogé les parents au sujet de

4 Cohorte portant sur les enfants ayant un parent atteint d’une dépression majeure et qui ont été suivis pendant

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leur relation avec leurs enfants. Les parents de l’étude rapportent que leurs enfants ont tendance à prendre soin d’eux lorsqu’ils sont en épisode de crise. Toutefois, les auteurs ne se prononcent pas sur le sens positif ou négatif associé à cette prise en charge par l’enfant. Or, Trondsen (2012) démontre qu’il s’agit plutôt d’un rôle exigeant pour l’enfant, lequel peut vivre de l’incohérence lorsque le parent réintègre, après un épisode du trouble mental, son rôle parental (caregiver). À ce sujet, Boily et al. (2006) soulèvent que ces enfants, une fois adulte, peuvent avoir davantage de difficultés à recourir à de l’aide. Or, ces auteurs soulignent également que cette situation familiale peut agir positivement sur le développement des capacités de résilience des enfants qui la vive.

1.2.2.3. Problèmes et conséquences sociales.

Sur le plan social, la désinstitutionnalisation vécue au Québec à partir de 1962 à 1986 a amené les familles à devoir faire face à une nouvelle réalité : 53 % des patients du Centre hospitalier Robert-Giffard, aujourd’hui dénommé l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) sont sortis de l’IUSMQ (Doré, 1987). Malgré certains avantages, cette nouvelle pratique en santé mentale expose davantage les personnes souffrant de trouble de santé mentale et leurs proches à être stigmatisés (Lefley, 1989). Dans une perspective plus développementale, une analyse qualitative menée auprès d’adultes ayant vécu avec un parent atteint d’un trouble de santé mentale a permis de faire ressortir deux aspects importants qui s’articulent autour de l’expérience de stigmatisation (Murphy, Peters, Wilkes, & Jackson, 2015). D’abord, l’idée de vivre dans une famille « différente » est un élément qui ressort lors de l’analyse des discours et cette prise de conscience émerge souvent dès les études primaires. Cette différence s’exprime notamment par le regard qu’a l’environnement vis-à-vis des comportements atypiques du parent. Le deuxième aspect est l’idée de devoir garder secrète l’existence du trouble du parent afin d’éviter d’être ridiculisé en public ou d’être embarrassé (Murphy et al, 2015). De manière intéressante, les participants interrogés dans cette étude utilisaient eux-mêmes le vocabulaire péjoratif (p. ex.: strange, nutcase) utilisé par la communauté démontrant l’intégration du stigmate. De plus, les participants ont mentionné que le manque d’information accessible au sujet des troubles de santé mentale a eu pour effet de renforcer le poids du stigmate. La stigmatisation occasionne un degré de détresse plus élevé dans la famille qui la vit et une tendance à moins recourir à de l’aide professionnelle,

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ce qui intensifie le sentiment d’impuissance vécu tant chez le jeune qu’au sein de sa famille (Corrigan, Druss, & Perlick, 2014; Larson & Corrigan, 2008; Mordoch & Hall, 2002). Chez le jeune, le stigmate peut influencer les relations qu’il entretient avec ses pairs. Sur ce plan, les parents se disent bouleversés de constater que leurs enfants sont plus réticents à amener des amis à la maison en raison de l’embarras qu'ils vivent à l’égard de leur parent (Stallard et al., 2004). Par ailleurs, les auteurs s’entendent aussi pour dire qu’il s’agit de familles plus vulnérables, car elles sont plus souvent confrontées à différents problèmes tels que l’isolement et l’exclusion sociale, la violence familiale et conjugale et les difficultés financières (James et al., 2007; Reupert & Maybery, 2007).

1.2.3. Facteurs de risque et de protection.

Parmi les facteurs de risque, le plus connu est le risque familial associé au fait d’avoir un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur (Paccalet et al., 2016). Deux études de cohorte ont également proposé des facteurs de risque qui concordent entre elles. En effet, une baisse du fonctionnement global individuel, le fait d’avoir vécu de l’abus ou de la négligence et certains déficits cognitifs sont des exemples d'autres facteurs de risque qui ont ressorti de ces deux études (Carrion, et al., 2016; Paccalet et al., 2016). Un autre facteur de risque serait la consommation de substances psychoactives par les jeunes (Carney et al., 2016; Gage et al., 2016).

Or, bien que les éléments susmentionnés soient réputés pour influencer le devenir de ces jeunes, il est important de considérer les aspects qui agissent comme facteurs de protection. En effet, plusieurs auteurs ont reconnu des forces familiales et individuelles qui les amènent à surmonter leurs difficultés. D’abord, la résilience, qui est un processus adaptatif positif, caractérise le parcours de plusieurs jeunes ce qui les aide à s’adapter plus facilement à leur situation (Mordoch & Hall, 2002; Pölkki, Ervast, & Huupponen, 2005). D’ailleurs, Pölkki et ses collaborateurs (2005), inspirés par d’autres travaux, dégagent six grandes caractéristiques d’une adaptation positive des enfants ayant un parent avec un trouble de santé mentale. Les enfants qui s’adaptent le mieux sont: (1) conscients du problème de leur parent; (2) capables d’exprimer leurs pensées et de partager leur vécu; (3) doués d’un bon jugement à l’égard des émotions de leur parent sans ressentir de culpabilité à l’égard de

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la situation; (4) entourés d’un autre parent ou un adulte significatif qui est compétent; (5) engagés dans des activités à l’extérieur de la maison qui rehaussent leur estime de soi ; (6) en mesure de bien comprendre le trouble de leur parent (Pölkki et al., 2005; Walsh, 2009). Il est aussi rapporté que les caractéristiques personnelles de l’enfant peuvent influencer sa compréhension à l’égard des troubles de santé mentale telles que son genre et son âge (Fox, Buchanan-Barrow, & Barrette, 2007). En effet, les auteurs rapportent que les filles auraient tendance à faire davantage preuve d’empathie et les enfants plus vieux auraient tendance à avoir une compréhension plus précise ou exacte du trouble. Toutefois, bien que la compréhension puisse varier en fonction des particularités de l’enfant, des influences externes provenant des médias, de leurs pairs ou encore du parent atteint peuvent subsister et continuer d’influencer leur propre perception du trouble (p. ex. : un manque d’ouverture) (Stallard et al., 2004; Walsh, 2009).

1.2.4. Limites méthodologiques des études actuelles

Parmi les limites identifiées, le peu d’études s’intéressant au devenir des enfants de parents atteints devenus adultes est frappant; limite aussi observée par Mowbray et ses collaborateurs (2006). De plus, la perspective des jeunes a rarement été considérée ou fait l’objet de recherche. En effet, rares sont les études qui ont sollicité directement ces personnes afin de connaître ce qui a influencé leur parcours de vie problématique ou leur capacité de résilience une fois avoir atteint l’âge adulte. Sinon, une des limites apportées à l’ensemble des recherches est la difficulté à mesurer de manière fiable certains construits qui varient selon le cadre conceptuel choisi par les auteurs. En ce sens, il devient parfois complexe de comparer les résultats. De plus, dans la plupart des cas, on retrouve aussi une faible taille d’échantillon ce qui limite quelque peu la possibilité de généralisation. Sur ce plan, il y a également le fait que la majorité des études se déroulent soit en Australie ou dans les pays scandinaves ce qui amène certaines limites dans l’application des connaissances à la population québécoise. De plus, les recherches à ce sujet proviennent davantage des domaines de la psychiatrie ou de la psychologie, mais moins souvent de celui du travail social. Étant donné l’importance accordée à l’individu et à son contexte, ainsi qu’à la prévalence de ces situations en intervention, cette discipline aurait avantage à s’intéresser à ce sujet. Finalement, les études se penchent souvent sur un seul trouble et plus

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particulièrement la dépression majeure ou la schizophrénie. Selon Mowbray et al. (2006), peu d’études montrent les effets d’avoir un parent atteint d’un trouble bipolaire, malgré le fait qu’il soit l’un des troubles les plus dommageables dans la trajectoire développementale de l’enfant selon certaines études (Mowbray et al., 2006).

1.3. Proposition de recherche

Le présent projet a pour objectif de mieux comprendre le parcours de vie des jeunes ayant un parent aux prises avec un trouble de santé mentale majeur. Pour ce faire, différentes trajectoires ont été examinées. Les trois questions de recherche sont les suivantes :

1. Quels événements et points tournants ont influencé le parcours de vie de ces adultes ayant grandi auprès d’un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur ? 2. Comment les relations familiales et sociales évoluent-elles pour eux?

3. Quelles distinctions dans leur vécu permettent de comprendre le fonctionnement global des jeunes « allant bien » par rapport au fonctionnement global des jeunes « allant moins bien »?

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Chapitre 2 : Cadre d'analyse

Le prochain chapitre détaille la théorie qui guide, entre autres, la méthodologie et l’analyse du présent mémoire. Ensuite, les concepts clés sont décrits dans l’optique de préciser l’objet d’étude.

2.1. Théorie du parcours de vie

La théorie du parcours vie est un cadre conceptuel inspiré de plusieurs disciplines telles que la sociologie, la criminologie, la psychologie et le travail social (Gherghel & Saint-Jacques, 2013). Dans ce cadre, la vie de la personne est contextualisée en fonction du temps ce qui permet une compréhension écologique et holistique des individus unissant les trajectoires développementales en lien avec les changements sociaux. La théorie du parcours de vie permet donc de comprendre la situation de vie de la personne en fonction de son contexte, et ce, tout au long de sa vie (Daaleman & Elder, 2007).

La théorie est divisée selon cinq grands principes (Elder et al., 2003). Le premier est l’idée que le développement est présent tout au long de la vie de l’individu. En effet, selon cette théorie, l’évolution de toute personne se poursuit au-delà de l’atteinte de la majorité. Ainsi, plusieurs changements majeurs peuvent avoir lieu la vie durant tels qu’un nouveau travail ou encore l’acquisition d’un nouveau rôle comme celui de parent. Les recherches actuelles portant sur les enfants de parents atteints d’un trouble de santé mentale considèrent peu l’évolution que peuvent avoir ces jeunes par rapport à leur situation familiale. Le

deuxième principe est que les personnes, avec leurs choix et actions, construisent

elles-mêmes leur vie selon les possibilités et les contraintes sociohistoriques qui se posent à eux (Elder et al., 2003). En ce sens, l’individu est vu non pas comme étant passif, mais bien actif dans ses propres trajectoires de vie, car il est responsable de donner une signification aux contraintes structurelles qui peuvent influencer son parcours, et que, malgré les « normalités » habituellement associées au statut développemental (p. ex. le mariage), il a la possibilité de faire des choix (Gherghel & Saint-Jacques, 2013). Évidemment, ses choix auront un impact plus tard sur sa trajectoire de vie. Or, cet aspect de choix est plutôt délaissé dans les recherches sur le sujet. Bien entendu, pour le cas des enfants la situation est davantage subie, car ils sont dépendants, sur différents plans, de leurs parents. Ainsi, il serait

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intéressant d’aborder les choix que font ces enfants une fois devenus adultes et qui influencent leur trajectoire de vie. Le troisième principe est l’idée que le parcours de vie de l’individu est influencé par le temps et l’endroit dans lequel il évolue (Elder et al., 2003). Ainsi, on considère que le lien entre les changements sociaux et le vécu de la personne influence le développement de celle-ci. Les différents environnements dans lesquels se retrouvent la personne tels que l’école, le travail et le domicile familial sont aussi des contextes dont la portée doit être considérée afin de comprendre un parcours de vie. Par exemple, le fait que l’école ne se montre pas ouverte ou compréhensive par rapport à la situation familiale particulière du jeune peut avoir un effet de lourdeur sur celui-ci (Trondsen, 2012). Le quatrième principe concerne l’aspect de temporalité des évènements qui aurait également une incidence sur le cheminement de l’individu dont il est question (Elder et al., 2003; Gherghel & Saint-Jacques, 2013). En effet, la personne peut percevoir un même évènement de manières différentes selon son stade développemental. Par exemple, il a été démontré que l’âge de l’enfant lors de l’hospitalisation en psychiatrie du parent a une influence sur son bien-être psychologique futur (Peisah et al., 2005). Finalement, le

cinquième principe de la théorie est que la vie des membres de la famille sont toutes reliées

entre elles (Elder et al., 2003). Il s’agit probablement du principe qui s’inscrit le mieux au sein du présent mémoire et il peut être compris selon deux volets. D’abord, tel que le décrivent Gherghel et Saint-Jacques (2013), il « témoigne de la médiation des changements sociaux sur le parcours individuel par le biais de leurs effets sur les contextes de vie communs dans des cadres microsociaux » (p.46). Ensuite, l’autre volet met en lumière l’interdépendance des parcours de vie des individus provenant d’un même système, par exemple, la famille. En ce sens, les actions d’une personne (p. ex. : le parent atteint) auront forcément des impacts dans la vie des membres du même système (p. ex. : les enfants). L’ensemble de ces volets entraîne l’expression de la régulation sociale, la structuration des liens et le soutien dont une personne dispose (Gherghel & Saint-Jacques, 2013). À ce sujet, Daaleman et ses collaborateurs (2007) rapportent qu’un parent atteint peut être amené à ne pas répondre à ses rôles habituels tels que celui de parent. Ainsi, l’enfant peut, dans cette situation, avoir à adapter son rôle d’enfant à celui de parent (p. ex. : parentification) afin de répondre aux exigences particulières de cette relation.

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La théorie du parcours de vie semble particulièrement appropriée pour comprendre le vécu des jeunes vivant avec un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur. En effet, tel que mentionné précédemment, peu d’études se sont intéressées à l’expérience de ces jeunes. L’adoption de ce cadre théorique dans le présent projet permet d’identifier les éléments les plus influents de leurs différentes trajectoires de vie (familiale, scolaire, professionnelle). Des outils fréquemment utilisés, tels que les calendriers de vie, permettent de mettre en lumière les fonctionnements individuel et familial, les points tournants et les évènements importants inscrits dans les différentes trajectoires étudiées en fonction de l’âge de la personne. Par exemple, un évènement non normatif inscrit au calendrier de la trajectoire familiale du jeune pourrait être l’hospitalisation de son parent en psychiatrie. Cet évènement pourrait l’amener à vivre un changement de rôle susceptible de le faire diverger de la trajectoire habituelle des jeunes de son âge. Selon Gherghel et Saint-Jacques (2013), les trajectoires de vie sont composées de séquences, de rôles et d’expériences délimitées par des transitions distinctives. Ainsi, le fait de considérer les différentes trajectoires de vie devrait permettre de mieux connaitre les éléments clés qui agissent comme facteurs de protection chez ces jeunes. Finalement, comme énoncé par le deuxième principe de la théorie, l’individu est considéré comme actif dans son développement. Dans cette optique, il est intéressant de prendre le temps d’écouter ces jeunes afin de comprendre ce qui les a amenés à prendre un chemin de vie plutôt qu’un autre et le sens qu’ils donnent à leur expérience (Trondsen, 2012). Ces informations devraient permettre d’améliorer les connaissances actuelles dans le domaine de la santé mentale et de l’intervention en travail social.

2.2. Définition des concepts

Le terme trouble mental est un premier concept important à définir. Dans le cadre de ce mémoire, ce terme fait référence à la schizophrénie, le trouble bipolaire et la dépression majeure récurrente tels qu’ils sont définis par le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM)5 (American Psychiatric Association, 2013). Les bases génétiques

5 Le DSM est un guide pour les diagnostics des troubles mentaux et il est principalement utilisé par les

psychiatres en Amérique du Nord. Il s’agit d’un manuel qui permet d’avoir un langage commun chez les professionnels de différentes disciplines. Les critères diagnostiques sont utilisés comme critères d’inclusion dans le cadre du présent projet pour ces raisons. De plus, comme les participants proviennent d’une banque de données de participants déjà existante du Dr Michel Maziade, l’utilisation de termes diagnostiques est

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communes et le degré d’altération du fonctionnement similaire expliquent la raison pour laquelle ces troubles sont souvent approfondis ensemble (Maziade, Gilbert, Berthelot, & Paccalet, 2014). Ensuite, le terme parcours de vie se définit comme étant une séquence d’évènements qu’une personne normalement vit en fonction de son âge et qui est souvent socialement déterminée et selon un temps et un contexte historique donné (Gherghel & Saint-Jacques, 2013). Autrement dit, cette notion fait référence à l’ensemble des trajectoires qu’un individu peut avoir au point de vue familial, éducationnel, professionnel et résidentiel. La théorie du parcours de vie englobe également les points tournants qui se définissent comme « des évènements, des transitions ou des contextes qui déclenchent un changement considéré comme substantiel dans le cheminement individuel » (Gherghel & Saint-Jacques, 2013, p.20). La nature de ces points tournants peut être subjective (p.ex. réalisation de soi) ou objective (p.ex. : remariage). La théorie se compose aussi d’évènements qui se définissent comme un fait ponctuel défini dans le temps et qui touche l’individu dans un moment et un espace donné (Gherghel & Saint-Jacques, 2013). La signification des évènements est amenée à changer selon le moment durant lequel ils surviennent dans la trajectoire développementale de l’individu. Finalement, un autre concept dont il sera question est celui du bien-être

subjectif qui se décompose selon deux aspects soit affectifs et cognitifs (Pavot & Diener,

2013). Le volet affectif inclut les sentiments vécus par la personne selon lesquels elle évalue la balance relative entre les sentiments positifs et négatifs. Le volet cognitif concerne la satisfaction quant à l’évaluation de l’écart entre les aspirations et les réalisations. Ce dernier volet est le construit qui est le plus souvent mesuré par les questionnaires évaluant le bien-être subjectif, par exemple le Life Satisfaction Scale (Kobau, Sniezek, M.Zack, Lucas, & Burns, 2010).

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Chapitre 3 : Méthodologie

Le prochain chapitre décrit la méthodologie utilisée pour la réalisation de cette étude. D’abord, le paradigme épistémologique dans lequel s’inscrit l’étude est détaillé. Ensuite, l’approche privilégiée et le type de recherche sont décrits. La population à l’étude et la méthode d’échantillonnage sont ensuite présentées. Par la suite, le tableau d’opérationnalisation des concepts, la grille d’entrevue, les considérations éthiques, la description de l’échantillon, la collecte de données, les instruments de mesure et le type d’analyse sont précisés. Finalement, il est question des limites de la présente étude.

3.1. Paradigme épistémologique

Le paradigme dans lequel s’inscrit le présent mémoire est, selon la typologie de Green (1994) dans sa version adaptée par Alain et Dessureault (2009), un paradigme interprétatif puisque l’expérience des personnes est au cœur de la recherche. En effet, l’objectif général du mémoire est de mieux comprendre les différents parcours de vie des enfants de parents atteints d’un trouble de santé mentale majeur, ce qui correspond bien à ce cadre paradigmatique. Toutefois, certains auteurs considèrent que la théorie du parcours de vie constitue à elle seule un paradigme étant donné le changement qu’elle amorce dans la recherche en sciences sociales (Daaleman & Elder, 2007; Elder, Johnson & Crosnoe, 2003; Mortimer & Shanahan, 2003). De fait, certains auteurs argumentent que l’approche préconisée par la théorie du parcours de vie ne fait pas que s’ajouter aux différentes théories existantes, mais plutôt annonce un changement dans la façon de faire et donc, un changement de paradigme (Kok, 2007). Or, de manière plus large, le présent mémoire s’inscrit également dans un paradigme constructiviste, puisque la réalité est propre à chacun et que celle-ci est construite, notamment, dans les expériences vécues tout au long du parcours de vie (Guba et Lincoln, 1994).

3.2. Approche privilégiée

Puisque cette étude vise l’exploration du parcours de vie chez les jeunes adultes qui ont vécu avec un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur, la méthodologie de recherche qualitative est toute désignée. En effet, les entrevues semi-dirigées mises de l’avant par cette méthode permettent d’aller chercher des subtilités et une compréhension ne pouvant

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être obtenue avec un devis quantitatif; méthode pourtant adoptée le plus souvent en recherche dans le domaine (Axelson et al., 2015; Berthelot et al., 2015; Paccalet et al., 2016). De plus, les outils utilisés dans la théorie du parcours de vie, tels que le calendrier de vie (voir Annexe 1), nécessitent une méthodologie qualitative tant dans l’administration de l’outil que dans l’analyse des contenus qui seront obtenus (Gherghel & Saint-Jacques, 2013). Par ailleurs, un sous-objectif de la recherche est aussi de mieux comprendre pourquoi certains individus, dans un contexte familial similaire, se portent bien alors que d’autres éprouvent un sentiment de mal-être. Ainsi, afin d’estimer le degré de bien-être des participants, une échelle quantitative de la satisfaction de vie subjective est aussi administrée. Cette échelle permet d’appuyer l’analyse qualitative afin de comparer les différentes trajectoires de vie entre les participants « allant bien » de ceux « allant moins bien ». Malgré cette échelle, la méthode utilisée demeure qualitative puisque les objectifs de l’étude se situent dans l’analyse et la compréhension des trajectoires de vie de ces jeunes (Creswell, 2014).

3.3. Type de recherche

La présente recherche est de nature exploratoire, car ultimement le but escompté est de mieux comprendre les expériences de vie des jeunes et non de trouver un lien de cause à effet entre les variables d’intérêt (Yegidis & Weinberg, 2006). Il s’agit également d’un devis de recherche transversal, car une seule entrevue est effectuée. En effet, celle-ci est faite à un moment donné (« snapshot in time ») chez un individu donné afin d’obtenir les données nécessaires pour permettre l’élaboration de certaines hypothèses (Yegidis & Weinberg, 2006).

3.4. Population à l’étude

La population à l’étude est composée de jeunes adultes âgés de 18 à 30 ans qui ont vécu auprès d’un parent atteint d’un trouble de santé mentale majeur (schizophrénie, trouble bipolaire ou dépression majeure récurrente). Ce groupe d’âge a été plus particulièrement visé dans l’optique d’obtenir un contexte sociohistorique similaire intergroupe (services, vision de la santé mentale, etc.) et d’avoir des participants majeurs qui ont le recul nécessaire et une certaine introspection par rapport à leur situation familiale. De plus, le critère d’inclusion d’atteinte de la majorité permet également de s’assurer, pour ce qui est de l’échelle de

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être subjectif, que les participants ont un vécu suffisamment important pour être en mesure de se positionner sur cette échelle. Un critère d’exclusion est la présence d’un trouble de santé mentale majeur chez le jeune adulte lui-même, car cette condition peut le rendre plus fragile sur le plan affectif.

3.5. Échantillonnage

L’échantillon a été réalisé à partir d’une banque de données de participants déjà constituée dans l’étude de cohorte de familles multigénérationnelles de l’Est du Québec, dirigée par Dr Michel Maziade, du Centre de recherche CERVO (anciennement le Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec). Cette banque se compose de familles provenant de l’Est-du-Québec qui sont, pour la plupart d’entre elles, suivies depuis plus de 25 ans par le Dr Maziade et son équipe de recherche. Ainsi, à l’aide d’informateurs clés, c’est-à-dire deux professionnelles de recherche non impliquées dans le présent mémoire et qui connaissent bien les participants, l’échantillonnage est effectué par quotas, car deux groupes ont été composés (celui « allant bien » et celui « allant moins bien ») (Mayer et al., 2000). Un premier groupe a été jugé par les informateurs clés se portant mieux par rapport au deuxième groupe. Afin d’uniformiser leurs critères, les deux professionnelles en sont venues à opérationnaliser une définition qui détermine, selon leur expertise, les personnes jugées comme se portant moins bien. Ainsi, une personne est jugée comme « allant moins bien » si, au cours de sa vie, elle a eu un ou plusieurs diagnostics de troubles mentaux non-psychotiques et non-affectifs tels que définis par le DSM-IV-TR™ (p. ex. : trouble du déficit de l’attention, trouble d’anxiété généralisé). De plus, ce groupe de participants devait avoir eu une période durant laquelle le score de l’évaluation globale du fonctionnement était inférieur à 606 selon l’échelle du fonctionnement global (Global Assessment of Functioning, GAF) de l’axe V du DSM-IV-TR™. Finalement, comme les participants sont issus d’une étude longitudinale, les professionnelles de recherche ont également évalué leur évolution dans le temps et, en fonction de la dernière prise de mesure, elles ont pu estimer si le participant se portait bien ou non. Pour l’ensemble des jeunes adultes sélectionnés, ceux-ci

6 La cote de 60 représente des « symptômes d'intensité moyenne (p. ex. : émoussement affectif, prolixité

circonlocutoire, attaques de panique épisodiques) ou difficultés d'intensité moyenne dans le fonctionnement social, professionnel ou scolaire (p. ex. : peu d'amis, conflits avec les camarades de classe ou les collègues de travail) (p.34).

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devaient avoir vécu avec leur parent atteint sans toutefois qu’il y ait un critère de temps défini, car celui-ci aurait été établi de manière totalement arbitraire. De plus, le jeune adulte ne devait pas souffrir d’un trouble de santé mentale majeur et devait avoir fait mention d’un désir de participer à nouveau à un projet de recherche, exigence requise par les comités d’éthique de la recherche.

3.6. Tableau d’opérationnalisation et guide d’entrevue

Afin d’avoir une compréhension holistique de la problématique, un tableau d’opérationnalisation des différents concepts présentés dans le cadre théorique du parcours de vie et dans les écrits a été utilisé afin de créer la grille d’entrevue. Le tableau est présenté à l’Annexe 2. Ainsi, bien que l’ensemble du tableau permette de situer le relevé des écrits scientifiques, seulement quelques éléments qui répondent plus spécifiquement à l’objet d’étude ont été retenus dans la conceptualisation de la grille d’entrevue.

3.7. Considérations éthiques

Tel que mentionné précédemment, étant donné la nature sensible du sujet de la présente recherche, des précautions ont été prises pour s’assurer que les participants potentiels qui ont été approchés ne soient pas eux-mêmes atteints par un trouble de santé mentale majeur (schizophrénie, trouble bipolaire, dépression majeure récurrente) afin de protéger l'intégrité des personnes ayant possiblement une plus grande sensibilité sur le plan affectif. De plus, chaque participant a été informé des objectifs de l’étude et a pu prendre le temps de réfléchir avant de consentir à participer. Le canevas téléphonique du premier contact avec le participant approuvé par le comité d’éthique est présenté à l’Annexe 3. Avant chaque entrevue, le participant a signé le formulaire d’information et de consentement (voir l’Annexe 4) du projet préalablement approuvé par le Comité d’éthique de la recherche sectorielle en neurosciences et santé mentale du Centre intégré université de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale. Les participants ont eu l’occasion de poser leurs questions à l’étudiante-chercheure et ont été avisés de la possibilité de se retirer en tout temps de l’étude. Advenant qu’un participant ressente un certain inconfort à l’égard des souvenirs évoqués, l’étudiante-chercheure pouvait l’orienter vers l’accueil psychosocial du centre local de services communautaires (CLSC) de son territoire.

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En ce qui a trait aux données, elles se retrouvaient dans des fichiers protégés d’un mot de passe qui était connu uniquement de l’étudiante-chercheure et de sa directrice de recherche. Une fois que l’analyse de données a été complétée, le verbatim des entrevues était imprimé et placé dans un classeur sous clé d’un local de recherche du Dr Michel Maziade au Centre de recherche CERVO où ces documents seront préservés cinq ans après que le projet soit terminé. Les données permettant de reconnaître les participants (p. ex. :, les noms de ville) contenus dans le verbatim ont été retirées.

3.8. Collecte de données

Comme il a été mentionné précédemment, la collecte de données s’est faite à partir d’entrevues semi-structurées. Les entrevues se sont déroulées à l’aveugle, c’est-à-dire que le groupe (« allant bien » ou « allant moins bien ») auquel le participant appartenait était inconnu du participant ainsi que de l’interviewer, c’est-à-dire de l’étudiante-chercheure. Afin de s’assurer que tous les aspects à explorer dans le présent mémoire soient abordés avec chacun des participants, la grille d’entrevue a été élaborée (voir l’Annexe 5) pour couvrir les différentes trajectoires de vie (familiale, scolaire et professionnelle). Ensuite, le calendrier de vie, tel qu’il est présenté à l’Annexe 1, a été complété avec chaque personne pour mettre en lumière les éléments qu’elle considérait comme les plus importants. Pour conclure l’entrevue, un court questionnaire sur les données sociodémographiques (voir l’Annexe 6) et l’échelle de satisfaction de vie étaient remplis par les participants (voir l’Annexe 7). Une fois l’entrevue terminée, l’étudiante-chercheure plaçait l’information collectée sur une ligne du temps afin de faciliter l’analyse des parcours de vie des participants.

3.9. Instruments de mesure et grille d’entrevue

En ce qui a trait à l’échelle de satisfaction de vie (Blais, Vallerand, Pelletier & Brière, 1989), elle a été choisie puisqu’une version française validée est disponible et qu’il s’agit d’un outil facilement accessible et interprétable. De plus, dans sa version anglaise, l’échelle a démontré une bonne validité de construit (α = 0,88). Il apparaît aussi que la satisfaction évaluée est fortement corrélée avec le degré de satisfaction globale de la vie d’un individu (r = 0.75) et le degré global de bonheur de ce même individu (r = 0.62) (Kobau et al., 2010).

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Ensuite, en ce qui concerne le calendrier de vie, il s’agit d’une méthode souvent utilisée dans l’examen des parcours de vie des individus. En effet, elle permet d’obtenir de manière structurée les évènements et les points tournants dans la vie de la personne afin de pouvoir poser un regard holistique sur sa vie. La grille d’entrevue permet d’approfondir, dans la perspective de la théorie du parcours de vie, les événements importants dans la vie de la personne en explorant le sens que cette personne donne aux événements, à leurs enchaînements et aux processus qui les sous-tendent. Elle est divisée en deux grands sous thèmes soit celui de l’enfance/adolescence et celui de l’âge adulte. Un prétest a été effectué auprès d’une jeune adulte ayant un parent atteint d’un trouble mental afin de valider la fluidité et la pertinence de cette grille. À la suite de ce prétest, quelques modifications ont été apportées à la grille d’entrevue et un amendement du protocole auprès du comité éthique a été réalisé. Finalement, le court questionnaire sociodémographique a permis d’obtenir des informations générales sur les participants telles que leur revenu, la composition de leur famille et leurs habitudes de consommation d’alcool et de drogue. Ces questions ont permis de préciser certaines réflexions lors de l’analyse.

3.10. Type d’analyse

Le type d’analyse utilisé est l’analyse de contenu thématique. Cette technique, souvent utilisée en travail social, permet de mieux comprendre un phénomène, car elle permet de déterminer des thèmes et des catégories susceptibles de donner un sens aux discours analysés (Mayer & Deslauriers, 2000). Afin de procéder à cette analyse, le verbatim de chaque entrevue a été transcrit ce qui correspond à l’étape de préparation du matériel. Ensuite, l’étape de la préanalyse, qui correspond à une lecture flottante, a été réalisée. Lors de cette lecture, certains éléments retenant l’attention de la chercheure ont été mis en couleur et des commentaires spontanés ont été ajoutés en marge. La troisième étape de l’analyse de contenu a permis de coder le matériel, d’abord à l’aide d’un code de couleur et, ensuite, avec des catégories plus englobantes. Le sens de ces catégories a ensuite été traité de manière à en faire une analyse approfondie. Les étapes de l’analyse de contenu respectent celles énoncées par Mayer et Deslauriers (2000). De plus, les douze calendriers de vie ont été transcrits dans un même document afin de faire ressortir les similitudes et les distinctions dans les parcours de vie des participants. Finalement, les scores de bien-être subjectif ont été compilés et un

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test t de Student à échantillons indépendants a été fait à l’aide du logiciel SPSS® version 25 afin de voir s’il y avait une différence statistiquement significative entre les deux groupes. Cette analyse quantitative a été utilisée afin de guider la réflexion entamée à travers le processus d’analyse de contenu.

3.11. Limites

Une des premières limites de l’étude est sa taille d’échantillon qui nous permet difficilement d’obtenir une saturation des données. En effet, bien qu’il n’y ait pas encore de consensus clairement établi sur la taille d’échantillon nécessaire afin d’obtenir la saturation des données, il est possible de croire que douze participants ne permettent pas de l’atteindre (Fusch & Ness, 2015). Ainsi, même si les dernières entrevues ont fait ressortir peu de nouveaux thèmes, il est impossible d’affirmer qu’il y a saturation des données. Cette limite s’applique également pour le test t effectué pour les scores obtenus à l’échelle de bien-être subjectif. Par contre, comme cette mesure quantitative est utilisée seulement dans l’optique d’orienter les réflexions découlant de l’analyse de contenu, il ne s’agit pas d’une limite significative. Ceci dit, malgré la limite de généralisation possible, certaines tendances ont pu être mises en lumière. Aussi, il est important de considérer la représentation non équitable des trois diagnostics dont il est question dans le présent mémoire (schizophrénie, trouble bipolaire et dépression majeure récurrente). En effet, le trouble bipolaire est le plus représenté avec 75 % de l’échantillon. Dans la cohorte de familles multigénérationnelles de l’Est du Québec du Dr Maziade, les enfants de parents ayant un diagnostic de schizophrénie sont moins nombreux. L’hypothèse serait que l’individu diagnostiqué avec la schizophrénie a tendance à avoir moins d’enfants. En ce qui concerne les parents atteints de dépression majeure récurrente, leur faible représentativité peut être en lien avec un biais dans l’échantillon : les enfants de parents dépressifs sont plus jeunes dans la cohorte du Dr Maziade, car ils ont été intégrés plus tardivement dans le protocole de recherche et, par conséquent, ne correspondent pas au critère d’inclusion d’âge. Pour l’ensemble des participants, il est possible que certains propos recueillis n’aient pas été tout à fait juste par le souci qu’un participant aurait pu avoir de bien paraître, phénomène appelé désirabilité sociale. Finalement, comme il s’agit d’un devis de recherche rétrospectif, il se peut que les participants aient oublié certains éléments de leur passé ou encore que l’intensité

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émotionnelle vécue au moment de leur enfance et adolescence se soit estompée. Cependant, les éléments les plus marquants sont probablement encore accessibles par les souvenirs de la personne.

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Chapitre 4 : Résulats

La prochaine section a pour but de présenter les résultats obtenus à partir des données recueillies auprès des douze participants du présent projet. Afin de répondre aux questions de recherche, les différents éléments considérés comme influants dans le devenir des participants, ressortis lors de l’analyse thématique, sont présentés en fonction des prémisses de base de la théorie du parcours de vie.

4.1. Description de l’échantillon

L’échantillon de la présente étude se compose de douze participants dont six appartenant au groupe jugé comme « allant bien » et six autres appartenant au groupe jugé comme « allant moins bien » tel que défini par les informateurs clés (voir section 3.5). Les participants sont âgés de 18 à 29 ans avec un âge moyen de 22,8 ans. La majorité des participants a un parent ayant un trouble bipolaire (75 %) et est de sexe féminin (58,3 %). De plus, la grande majorité a vécu dans une famille séparée (75 %).

Tableau 1

Données sociodémographiques

Variables descriptives % (n)

Sexe (féminin) 58,3 (7) Parent atteint de schizophrénie 16,7 (2) Parent atteint d’un trouble bipolaire 75 (9) Parent atteint de dépression majeure récurente 8,3 (1)

Famille dont les parents vivent ensemble 16,7 (2) Famille dont les parents sont séparés 83,3 (10)

Au point de vue du statut socioéconomique, la grande majorité des participants ont actuellement un revenu annuel inférieur à 30 000$. Il faut toutefois considérer que la moitié d’entre eux sont encore aux études.

(35)

25

4.2. Résumé des parcours de vie

Afin de contextualiser l’analyse du vécu des participants, un résumé de chaque parcours de vie est présenté. Les faits les plus marquants sont indiqués en fonction des calendriers de vie remplis par le participant lors de l’entrevue. Ainsi, seuls les événements considérés par le participant comme ayant un effet sur son parcours de vie sont rapportés.

Participante 1

Il s’agit d’une femme de 29 ans née d’un père atteint de schizophrénie. Elle a une sœur aînée et un frère cadet. Dès l’âge de 3 ans, les parents se séparent. À l’âge de 8 ans, la participante est placée en famille d’accueil jusqu’à sa majorité. Cependant, la participante maintient, jusqu’à ce jour, des contacts avec ses deux parents. Elle dit avoir trouvé difficile le manque de stabilité associé aux nombreuses familles d’accueil dans lesquelles elle a dû habiter. Lorsqu’elle a 10 ans, son père met le feu à la maison unifamiliale alors qu’il est en psychose. À la suite de cet événement, il est hospitalisé. La participante rapporte être bouleversée par la manière dont la famille d’accueil rapporte l’événement et le fait qu’il ne reste plus de souvenirs de son enfance, incluant les photos. À l’aube de ses dix-huit ans, elle part en appartement pour étudier en ville.

Participante 2

Il s’agit d’une femme de 26 ans née d’une mère atteinte de schizophrénie. Elle ne connaît pas beaucoup son père, car à deux reprises sa tentative de prendre contact avec lui échoue. Elle a un frère de 15 ans. La participante rapporte qu’à la suite de la deuxième grossesse de sa mère, celle-ci a une exacerbation de ses symptômes ce qui amène la participante à devoir prendre soin rapidement de son petit frère. Tout au long de sa vie, la participante mentionne avoir été proche de ses grands-parents maternels à qui elle rend souvent visite encore à ce jour. Aujourd’hui, ils agissent encore comme confidents à ses côtés. Vers seulement 14 ans, elle commence à parler à ses amis du trouble de santé mentale de sa mère. Ensuite, à 18 ans, elle part vivre en appartement pour ses études.

Références

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