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Étude des investissements directs étrangers sud-africains et chinois en Afrique : les préférences politiques et les implications idéologiques

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Academic year: 2021

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ETUDE DES INVESTISSEMENTS DIRECTS

ÉTRANGERS SUD-AFRICAINS ET CHINOIS EN

AFRIQUE

Les préférences politiques et les implications idéologiques

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en science politique

pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A)

DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2012

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REMERCIEMENTS

Je dédie ce mémoire aux femmes qui sont présentes dans ma vie :

Mon épouse Amandine Iraba, ma mère Diane Robitaille, ma belle-mère Agnès Samputu et toutes celles qui également ont su m'apporter générosité, amour et motivation tout au long

de cette période de ma vie.

L'entreprise de ce projet aurait été inenvisageable sans l'apport de Filip Novakovic, mon frère, mon ami et celui qui m'a éveillé à l'importance des connaissances et des études.

Je tiens à remercier vivement mon directeur de recherche, Dr. Érick Duchesne, qui m'a appris la rigueur intellectuelle et scientifique par ses critiques et nombreux conseils.

Enfin, Je remercie tous ceux qui, de loin ou de proche, m'ont permis de développer la curiosité intellectuelle, qualité nécessaire à mon épanouissement personnel et la réalisation

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Ill

RESUME

L'exemple de réussite économique des pays émergents fait de plus en plus d'envieux en Afrique. La croissance des investissements des pays émergents en Afrique est maintenant au centre de la politique économique internationale et deux pays sont grandement actifs en Afrique : l'Afrique du Sud et la Chine. L'objectif de ce mémoire est d'expliquer l'action politique et économique sud-africaine et chinoise en Afrique et d'identifier les déterminants politiques qui influencent les choix de destination de ces investissements. Les résultats révèlent que les investissements directs étrangers des corporations multinationales sud-africaines et chinoises en Afrique subsaharienne sont dirigés de préférence vers les pays ayant un régime politique autocratique en 2009 et 2010. Les résultats révèlent également que l'Afrique du Sud et la Chine ne prennent pas en considération lors de leurs investissements en Afrique subsaharienne le respect des droits humains. Finalement, nos résultats nous laissent croire que les deux pays émergents à l'étude, la Chine et l'Afrique du Sud, défient l'approche traditionnelle qui met habituellement de l'avant la bonne gouvernance démocratique et le respect des droits humains lors du choix des pays récipiendaires. L'action de ces deux pays émergents semble ainsi montrer un changement de paradigme à propos du développement économique.

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TABLE DES MATIERES

LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES p.v

INTRODUCTION p.l

CHAPITRE 1. Vers une transformation du paradigme de développement p.6

1.1 Le paradigme occidental et le paradigme émergent, au gré des investisseurs p.6

1.1.1 Le paradigme du développement p.6 7.7.2 Vers un nouveau paradigme du développement? p.8

1.1.3 Les IDE sortants sud-africains et chinois en Afrique p.16 1.2 Les différentes idéologies sur le développement, entre Nord et Sud p.24

7.2.7 Quelle direction politique pour l'Afrique du Sud? p.24 1.2.2 Les différents modèles de développement en Afrique p.29 7.2.5 Une nouvelle réalité pour le développement international p.33

CHAPITRE 2. Les différentes théories de l'IDE et la méthode de recherche p.35

2.1 Les concepts clés p.35 2.7.7 L'investissement direct étranger p.35

2.1.2 La démocratie p.36 2.1.3 L'autocratie p.37 2.2 Les théories de l'IDE et des régimes politiques p.38

2.3 Question de recherche p.45 2.4 L'hypothèse et les sous-hypothèses p.46

2.5 Les variables et les sources utilisés p.47 2.5.7 La variable dépendante p.47 2.5.2 Les variables indépendantes p.49

CHAPITRE 3. La sélection des pays récepteurs d'IDE et les sources p.52

3.1 La sélection de cas p.52 3.2 Les sources de données p.56

CHAPITRE 4. Les résultats de l'étude et l'analyse comparée p.58

4.1. Présentation des résultats p.58 4.2. Validation des hypothèses et discussions p.67

CONCLUSION p.72 BIBLIOGRAPHIE p.77

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LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES

TABLEAUX Tableau 1 p.12 Tableau 2 p. 13 Tableau 3 p. 14 Tableau 4 p.32 Tableau 5 p.33 Tableau 6 p.44 Tableau 7 p.48 Tableau 8 p.51 Tableau 9 p.54 Tableau 10 p.55 Tableau 11 p.69 FIGURES Figure 1 p.l 8 Figure 2 p. 19 Figure 3 p.21 Figure 4 p.22 Figure 5 p.59 Figure 6 p.60 Figure 7 p.62 Figure 8 p.64

(7)

Figure 9 p.65 Figure 10 p.66

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r

Etude des investissements directs étrangers sud-africains et

chinois en Afrique : les préférences politiques et les implications

idéologiques

Introduction

Depuis quelques années, de nouveaux joueurs se sont ajoutés au jeu économique mondial historiquement dominé par les Occidentaux. En effet, les pays émergents ont su prendre leur place sur l'échiquier mondial en profitant de certains avantages comparatifs et de l'ouverture au commerce mondial. Selon plusieurs observateurs, on assiste à un déplacement du centre de gravité de l'économie mondiale vers les puissances émergentes, ce changement a d'ailleurs été accéléré par la crise de 2007-2008 qui a marqué un tournant majeur. Alors que les pays développés ont basculé dans la crise, le développement des pays émergents s'est poursuivi : pour l'année 2008, le taux de croissance des États-Unis a été de 1,3%, de 1,5% pour la zone euro, et on note en moyenne dans les pays émergents1 un taux de croissance de 6 à 8% (OCDE, 2009).

Le terme « pays émergent » tient sont origine d'une expression utilisée dans les années 1970 par Antoine van Agtmael, un économiste de la Banque mondiale, pour décrire les États considérés comme étant en transition entre le statut de pays en développement et celui de pays développé (Mody, 2004 ; Wei Li, 2000). Selon le Emerging Economy Report de 2008 du Center for Knowledge Societies, les pays émergents ou les économies émergentes se caractérisent comme étant « regions of the world that are experiencing rapid informationalization under conditions of limited or partial industrialization ». Bien qu'il semble être très difficile de décrire les caractéristiques d'un pays émergent, le S&P Emerging Market Indices classe un pays dans la catégorie de pays émergent (emerging economy) s'il rejoint au moins un des deux critères suivants : It is a low -or

middle-1 Les pays généralement classés comme cc émergents » sont les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique

du Sud). Cependant, plusieurs autres États peuvent s'insérer parmi ce groupe de pays émergents, c'est le cas entre autres de Singapour, la Thaïlande, l'Indonésie, le Mexique, la Turquie, et l'Argentine.

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slow relative to its most recent GDP figures. Parmi les pays émergents, les plus reconnus sont les BRICS, soit le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud2, qui, tous, respectent les critères énumérés ci-haut.

La question des facteurs expliquant le développement exceptionnel des pays émergents a intéressé de nombreux chercheurs depuis quelques années. L'un des facteurs faisant aujourd'hui presque consensus pour expliquer ce phénomène réside dans la réception massive par ces pays d''investissements directs étrangers (IDE) (CNUCED, 2005). En effet, depuis 2004, la Chine, un des exemples les plus impressionnant, est la première destination de l'IDE en réalisant un record de 60,6 milliards de dollars US (CNUCED 2005 ; OCDE 2005).

La relation entre les IDE, le développement économique, le bien-être, et le renouvellement industriel dans les pays en développement a été l'objet d'un traitement étendu dans la littérature depuis plus de vingt ans (Lecraw, 1977 ; Lall, 1983 ; Wells, 1983; Agarwal, 1985 ; Gammeltoft, 2008). L'expérience séduisante de certains nouveaux pays industriels du Sud qui enregistrent une croissance rapide depuis plusieurs années a largement contribué à l'idée de voir dans l'IDE une solution aux problèmes de financement du développement dans les pays du Sud. Même si l'impact des IDE dans certains pays en développement reste différemment apprécié, il reste que la formulation de politiques pour attirer l'IDE est devenue une préoccupation quotidienne de plusieurs gouvernements et chercheurs. Or, il apparaît clairement que certains pays ont plus de succès que d'autres à attirer l'IDE, ce qui a motivé plusieurs auteurs à tenter d'expliquer ces variations.

2 L'acronyme BRIC a été utilisé pour la première fois par Jim O'Neill, économiste (chairman of Asset

Management) à Goldman Sachs, pour souligner le rôle des économies en développement dans la finance globale. Le S a en suite été ajouté par un consensus officieux de plusieurs économistes et récemment accepté par le groupe des États faisant partis du BRIC et formant une sorte d'organisation des pays émergents.

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En effet, plusieurs études ont été faites sur les préférences des pays du Nord lorsqu'il est question d'investir dans les pays en développement (PED). Selon certains observateurs, les facteurs recherchés par les pays du Nord seraient différents de certains pays émergents ou en développement tels la Russie ou la Chine, ou plus généralement de ce que certains appellent le Sud global (Global South). Il y a d'ailleurs depuis quelques années une forte tendance à la moralisation des relations internationales, et les Occidentaux, dans leur grande majorité, doivent prendre en compte leurs opinions nationales de plus en plus mobilisées, comme on l'a vu au Canada avec le tollé qui a accompagné l'annonce de la construction d'une prison par le groupe SNC-Lavalin en Libye.

Cette différence idéologique, si elle s'avère réelle, marquerait une fracture dans la façon de faire des investissements dans le monde. C'est notamment pour répondre aux questions à propos de ce nouveau phénomène que nous nous intéressons aux préférences politiques liées à l'investissement de deux pays émergents, la Chine et l'Afrique du Sud, pour ainsi répondre à la question : existe-t-il un modèle chinois ou un modèle des pays émergents concernant les IDE. De cette façon, nous vérifierons où se positionnent réellement ces deux pays sur la question et si un changement de l'ordre mondiale sur cette question pourrait prendre place dans les années à venir. Il est intéressant de remarquer que ces deux pays émergents membres des BRICS sont à l'avant-garde pour les IDE sortants et partagent plusieurs caractéristiques, tout comme ils sont à l'opposé pour un aspect fondamental : le système politique. Nous étudions dans ce mémoire l'évolution et la tendance actuelle des préférences politiques de ces deux pays émergents qui sont de plus en plus actifs dans l'univers des transferts de capitaux mondial.

Notre mémoire présente une étude de cas sur les IDE chinois et sud-africains en Afrique subsaharienne. Notre étude porte précisément sur les stocks d'IDE de ces deux pays pour les années 2009 et 2010 dans dix pays d'Afrique subsaharienne. Ces pays sont :

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Soudan, la Zambie, le Kenya, la Namibie, le Botswana et le Sierra-Leone.

Dans notre premier chapitre, nous traitons tout d'abord du paradigme du développement et des nouvelles réflexions sur ce thème qui tentent de contredire la pensée populaire. Ensuite nous faisons une analyse globale du rôle de l'Afrique du Sud et de la Chine sur le plan des IDE en Afrique subsaharienne. Nous portons par la suite notre regard sur la politique extérieure de l'Afrique du Sud ; ainsi que sur le changement de réalité des dernières années en ce qui concerne le développement international et la globalisation. Ce chapitre permet de mieux comprendre l'intérêt de notre étude et de notre question de recherche.

Au deuxième chapitre, nous présentons les différentes théories de l'IDE et des régimes politiques ainsi que la méthode de recherche. Nous définissons les trois concepts centraux de notre recherche, en l'occurrence, l'investissement direct étranger, la démocratie, et l'autocratie. Ensuite, après avoir fait une revue de la littérature nous posons notre hypothèse de recherche et décrivons nos sources.

Le troisième chapitre présente la sélection des pays récepteurs des IDE pour valider ou infirmer notre hypothèse de recherche. Ce chapitre offre une analyse empirique des motivations politiques des IDE chinois et sud-africains. Nous testons alors à l'aide de tableaux croisés dynamiques l'influence des facteurs politiques sur la localisation des IDE chinois et sud-africains dans les pays à l'étude.

Enfin, le quatrième chapitre présente les résultats statistiques et la discussion sur ces résultats avec l'aide d'une analyse comparée.

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Notre mémoire traite de l'économie politique de l'Afrique du Sud et de la Chine. Notre analyse empirique des IDE chinois et sud-africains en Afrique subsaharienne pour les années 2009-2010 a la particularité d'analyser deux pays émergents du BRICS ayant comme différence marquante leur régime politique ; et d'étudier des données très récentes permettant de voir la tendance actuelle de ces pays émergents. Il analyse et tente d'expliquer le modèle suivi par l'Afrique du Sud en le comparant à la Chine lors de son action économique et politique dans dix pays d'Afrique subsaharienne. À l'aide de l'analyse de données statistiques, nous avons testé une hypothèse et trois sous-hypothèses de recherche. L'hypothèse principale étant que la présence d'un système de gouvernement autocratique a une influence positive sur la localisation des IDE chinois et sud-africain en Afrique et les trois sous-hypothèses prévoient un lien positif ou nul entre IDE émergents (Chine et Afrique du Sud) et les trois variables suivantes : corruption, instabilité politique, et non-respect des droits humains. Ainsi nos résultats suggèrent qu'un régime politique autocratique n'a pas d'influence négative sur les investissements directs étrangers de la Chine et de l'Afrique du Sud. Ensuite, nos résultats montrent que la Chine est indifférente à la corruption, au respect des droits humains et au risque politique ; l'Afrique du Sud quant à elle montre une très légère préférence pour les régimes transparents, et avec une bonne stabilité politique mais reste indifférente au respect des droits humains. Les données analysées nous permettent de répondre à notre question sur l'existence d'un modèle émergent en montrant qu'il existe un modèle commun entre la Chine et l'Afrique du Sud. Cela est possible que les résultats nous permettent de distinguer un comportement semblable entre la Chine et l'Afrique du Sud à propos des investissements et par le fait même le développement international. Ainsi, ce comportement similaire montre une nouvelle tendance et peut-être un nouveau modèle « émergent » qui va à F encontre du modèle prôné par les institutions internationales et les pays occidentaux.

Notre mémoire sera en mesure de répondre aux nombreux questionnements de chercheurs en économie politique internationale ainsi qu'en développement international, à savoir, quel modèle de développement et quel modèle idéologique suivent les pays émergents dans leurs interactions internationales.

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DÉVELOPPEMENT

1.1 Le paradigme occidental et le paradigme émergent, au gré des investisseurs

Notre mémoire présente une analyse scientifique des investissements directs étrangers (IDE) chinois et sud-africains en Afrique. La première partie présente le paradigme « occidental » de développement économique et d'attraction des IDE. La deuxième partie présente la prétendue alternative à ce paradigme. Pour montrer l'intérêt de notre problématique, nous montrerons l'évolution des IDE chinois et sud-africain en Afrique ainsi qu'une analyse de la politique étrangère de l'Afrique du Sud depuis la libération en 1994.

7.7.7 Le paradigme du développement

Dans le but d'expliquer la répartition inégale des IDE dans le monde, plusieurs ouvrages ont été écrits sur les déterminants de la localisation des IDE. C'est entre autres le cas de l'oeuvre de Dunning qui, dès 1978, identifie trois types de facteurs explicatifs. Le premier étant l'importance des facteurs de marché tels que la taille et la croissance mesurée par le PNB du pays récepteur (marchés d'exportation); le deuxième, les facteurs de production; et le troisième, les facteurs de coûts tels que l'abondance de la main d'œuvre, la

faiblesse des coûts de production, soit en bref la recherche d'une localité possédant des avantages comparatifs. Aussi, comme l'affirme Wells (1998), la localisation des investissements peut être examinée à travers une autre variable qui influence le choix de cette localisation : c'est le cas des conditions des droits humains et de la stabilité politique. En outre, la Banque mondiale (BM) (2004) a élaboré plusieurs autres théories affirmant qu'un bon climat d'investissement est nécessaire pour attirer les IDE (Kaufmann, 2002). Par exemple, la BM a investi beaucoup de ressources dans son Doing Business Report pour encourager les pays en développement à adopter un climat d'investissement favorable aux industries. Pour améliorer ce dit climat d'investissement, certaines institutions financières internationales, telles la BM et le Fonds monétaire international (FMI), ont notamment

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formulé une recommandation qui s'inscrit aussi à l'intérieur des conditionnantes exigées par celles-ci lors de prêts, soit la question de la bonne gouvernance démocratique (Iconzi, Belem et Gendron, 2005; Kaufmann, 2002). Ces demandes s'ajoutent ainsi, de façon officieuse, au modèle occidental de développement économique du consensus de Washington ainsi que des valeurs dites américaines —à savoir, que l'économie libérale exige la politique libérale et le rôle minime de l'État (Williamson, 1993).

Le terme « consensus de Washington » a été utilisé pour la première fois par John Williamson en 1989, il décrivait à ce moment un concept présent depuis la fin des années 1970. Les décideurs politiques ont présumé dès 1980 que l'approche du bâton et de la carotte dans l'aide financière pouvait être utilisée pour attirer les pays en développement dans la direction des normes et modèles prônés par les institutions occidentales. Les pays récepteurs faisant ainsi des réformes politiques et économiques en retour de l'engagement économique. Selon cette vision, le développement économique allait s'accentuer seulement si les marchés étaient capables d'opérer librement et efficacement, ce qui se résume en une dérégulation, une libéralisation et une privatisation d'une grande partie de l'économie (Halper, 2010). En bref, les gouvernements du Sud devaient arrêter de stimuler l'économie par des dépenses publiques. Cette idée d'une société de marché n'est pas seulement une théorie économique, mais jette les bases d'une économie politique globale. Le pouvoir du marché repose sur la liberté économique, mais cette liberté économique ne peut exister qu'en contexte de liberté politique, selon le FMI et la Banque mondiale. Par conséquent, liberté économique et politique sont deux parties d'un même ensemble. Cette théorie, développée par Milton Friedman, est donc devenue une « étiquette » occidentale défendue par les free-market democracies telles que les États-Unis et la Grande Bretagne, basée sur le double postulat de libre marché et du pluralisme démocratique comme façons optimales d'organiser la société (Halper, 2010). Ces idées se sont ensuite intégrées à l'agenda de deux institutions hautement influentes, le FMI et la Banque Mondiale, venant en aide aux pays en développement en besoin d'aide financière. Pour recevoir cette aide financière, les gouvernements devaient mettre en place certaines réformes spécifiques désignées à encourager le développement économique : ce sont les programmes d'ajustements

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structurels (Fergusson, 2008). Ces programmes étaient destinés à faire suivre les règles de la philosophie de Friedman et des États occidentaux en général.

C'est donc ce paradigme occidental qui a formé la pensée de nombreux chercheurs et décideurs politiques en ce qui concerne les facteurs favorisant les investissements directs étrangers et, par le fait même, le développement économique. Ce paradigme sur l'importance du type de gouvernement qui s'était entre autres plus ou moins absorbé en Afrique, avec pression de l'Occident, semble rencontrer de nouveaux concurrents si l'on en croit les localisations d'IDE de certains pays émergents3.

Face au développement exponentiel de la Chine et de nombreux pays asiatiques autocratiques, la question des avantages liés à l'instauration d'une démocratie pour assurer un développement économique semble poser des problèmes. C'est entre autres cette nouvelle idée qui a poussée des auteurs à utiliser le terme consensus de Beijing (Cooper 2004) ou modèle chinois pour décrire ce changement de modèle dans plusieurs pays du Sud, qui préfèrent l'autocratie à la démocratie tout en gardant une économie capitaliste.

7.7.2 Vers un nouveau paradigme du développement ?

En effet, contrairement aux prédictions de plusieurs chercheurs, la nouvelle ère de convergence globale autour du modèle occidental ou du consensus de Washington ne s'est pas matérialisée et est considérée comme un échec4 (Halper, 2010 ; Zakaria, 2008). Le

3

En effet, la croissance économique soutenue des pays émergents a permis notamment à leurs sociétés d'états et leurs sociétés privées de devenir des investisseurs étrangers potentiels de premier ordre dans le monde (de Larosière, 2007).

4 Entre 1980 et 1995, dans plusieurs pays, les « ajustements économiques » ont vu de violentes protestations,

parfois meurtrières contre certaines conséquences des changements structurels, en l'occurrence : l'augmentation du prix du pétrole, la dévaluation de la monnaie, la hausse des prix des denrées alimentaires et des transports. Quelques uns des exemples les plus notables de pays ayant vu ces transformations ainsi que les crises en découlant sont le Mexique, l'Argentine, la Bolivie, le Pérou, l'Equateur, le Venezuela, la Jamaïque, le Soudan, l'ancien Zaïre, le Nigeria, la Zambie, l'Ouganda, le Bénin, le Niger, l'Algérie, la Jordanie, la Russie et l'Indonésie (Caffentzis et Federici, 2001). Notons que certains auteurs, tel Zakaria (2008), ont tout de même remarqué quelques rares cas de réussites en Turquie, en Indonésie, et au Brésil.

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monde est plutôt entré dans un ordre politique plus diversifié que ce que certains, tel Francis Fukuyama, avaient prévu. Cette convergence globale autour de V « ordre libéral occidental » s'est donc érodée et a amené deux nouveaux développements en relations internationales : de nouvelles sources de richesses au-delà de l'Occident et de nouvelles idées sur un capitalisme sans démocratie. Un grand nombre d'États du Sud ont gagné en richesses en ignorant le modèle de développement occidental (consensus de Washington) basé sur la démocratie de libre-marché et les thèses qui sous-tendent « l'étiquette » américaine. Les États autocratiques capitalistes aujourd'hui exemplifié par la Chine et la Russie, semblent au contraire représenter une voie alternative viable vers la modernité, suggérant qu'il n'y a rien d'inévitable à propos de la victoire inévitable des démocraties libérales comme meilleur modèle (Gat, 2007). D'ailleurs la crise financière de 2008 a montré à quel point les mécanismes de marché promus par le consensus de Washington ont conduit à une quasi-faillite de l'ensemble du système économique mondial. Plusieurs pays en développement sont en accord avec l'ancien président du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva qui disait : « this is a crisis caused by people, white with blue eyes ». Si la crise financière mondiale pouvait placer un modèle de développement en procès, ce serait le modèle néolibéral (consensus de Washington), qui met l'accent sur un petit État, la dérégulation, la propriété privée et de faibles taxes (Birdsall et Fukuyama, 2011). Plusieurs pays en développement choisissent maintenant d'imiter cette nouvelle forme de capitalisme à la chinoise qui se caractérise par deux composantes : en premier lieu une politique économique libérale qui est ouverte aux investissements et qui permet le développement du secteur privé, quoique contrôlée par l'État ; et en deuxième lieu la persistance d'un régime autoritaire, qui permet à un parti de garder une forte poigne sur le gouvernement, les tribunaux, l'armée, et la circulation de l'information (Callick, 2007). Ce modèle chinois se réfère alors surtout à l'idée de libéraliser l'économie sans libéraliser la politique : une sorte de capitalisme autocratique .

5 Bien sûr, il est important de comprendre que le modèle chinois ne consiste pas en la reproduction naïve de la

série de réforme qui a mené au développement de la Chine ces trente dernières années, cette entreprise serait vouée à l'échec en raison des particularités de cet État. La plupart des États en développement n'ont pas la profondeur et la tradition bureaucratique chinoise, ni l'agilité à mobiliser les ressources et contrôler le personnel de la façon dont la structure du Parti chinois le permet (McGregor, 2011). Il est plutôt question de reproduire quelques particularités et surtout le capitalisme autocratique.

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Beijing et les pays émergents sont devenus assez riches pour fournir de nouvelles sources d'aides financières et d'investissements aux petits pays normalement dépendant de l'aide occidentale. Ceux-ci offrent une voie alternative pour le développement économique, avec une toute autre approche.

Dans le cas de l'Afrique en général, malgré une instabilité sociopolitique et économique, certains pays du continent ont reçu d'importants investissements ces dernières années. Les dynamiques récentes de l'économie globalisée et les nouveaux scénarios des relations internationales, en plus de l'augmentation du commerce, des investissements et des engagements diplomatiques des pays émergents en Afrique, ont grandement contribué aux changements dans les relations avec les autres pays.

En effet, avec la libéralisation grandissante des politiques sur l'investissement dans plusieurs pays africains, les nouveaux arrivés font face à beaucoup moins de barrières aux IDE qu'il y a quelques années (Yin et Choi, 2005 ; Mathews, 2006). Les CMN du Nord — la plupart du temps les anciennes puissances coloniales— ont longuement été favorisées par les politiques des pays africains pour éliminer la compétitivité venant d'ailleurs. Les investissements provenant de pays émergents étaient largement incapables d'atteindre ces pays et marchés (Kuliir et al, 2008). L'environnement d'affaire mondial a alors radicalement changé depuis les années 1970. Le coût du contrôle de gestion pour les opérations internationales a diminué dramatiquement avec le développement des technologies de télécommunications améliorant le flux d'information et réduisant la distance psychique, avec la chute des coûts du transport et l'augmentation radicale de l'expertise managériale dans les pays émergents (Autio, 2005). Cette nouvelle situation permet ainsi aux investisseurs avec moins de ressources de s'installer dans un pays étranger à moindre coût.

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En fait, la récente réalité des flux d'investissements entre certains pays émergents et les pays d'Afrique est surprenante. Certains, tels Thompson (2005) et Cooper (2004), se questionnent sur l'établissement éventuel d'un nouveau paradigme qui semble prendre forme dans le monde en développement. L'idée très populaire dans les pays du Nord affirmant que la démocratie est fondamentale pour attirer les IDE et assurer le développement économique se trouve confrontée à de nouveaux modèles de réussite qui tendent à confirmer l'effet contraire. En effet, il est possible de voir un déclin de la popularité dans les idées américaines. Vers la fin de l'administration Bush, le Pew Research Center a mené une enquête approfondie de l'opinion mondiale à travers quarante-sept pays avec des résultats surprenants. Dans presque tous les pays à l'étude les populations interrogées, les gens affirmaient qu'ils appréciaient moins les idées américaines à propos de la démocratie en 2007 qu'en 2002. Pour plusieurs pays occidentaux, construire une démocratie et les valeurs centrales d'un État démocratique —une forte société civile, l'état de loi, le respect des droits humains, etc. — est nécessaire, mais pour plusieurs États africains ce qui est prioritaire est le développement économique, vu comme la solution au sous-développement, à la pauvreté, la maladie, et aux problèmes socio-économiques (Schoeman, 2011).

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Tableau 1 Le déclin de l'influence des idées américaines sur la démocratie

Where American Ideas about

Democracy Have i Lost Favor

Greatest

2002

2007 Chance

declines:

% %

Venezuela

67

40 -27

Turkey

33

8 -25

Indonesia

51

28 -23

France

42

23 -19

Czech Rep.

64

46 -18

Slovakia

54

36 -18

SOURCE : Pew Research Center, Juin 2007, « Global Unease with Major World Powers », 47-Nation Pew Global Attitudes Survey, Pew Global Attitudes Project, Washington, DC, 25, http://pewglobal.org/files/pdf/256.pdf.

Le tableau 1 montre bien l'importance de cette nouvelle compétition dans le monde en développement en présentant le déclin de l'influence des idées américaines à propos de la démocratie dans certains pays historiquement plutôt favorable. Trois pays du Sud, le Venezuela, la Turquie et l'Indonésie ont vu un déclin de plus de 20 pourcent en défaveur des idées américaines sur la démocratie. Dans un même ordre d'idée, le tableau 2 expose clairement la croissance de la perception de l'influence chinoise dans les pays du Sud et particulièrement en Afrique, région qui semble embrasser la présence de ce nouveau joueur à l'intérieur de leurs frontières.

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13 Tableau 2 La croissance de l'influence chinoise en Afrique

G r o w i n g C h i n e s e I n f l u e n c e Influence is growing* China US Gap A f r i c a % % E t h i o p i a 8 5 7 3 + 72 Mali 81 5 8 +23 Senegal 7 9 51 +28 T a n z a n i a 7 7 6 9 +8 Kenya 7 4 6 6 +8 Ivory Coast 7 2 4 8 +24 Nigeria 6 3 6 4 -1 South A f r i c a 6 1 51 + 10 Ghana 5 9 6 4 -5 Uganda 4 7 5 9 -12 L a t i n A m e r i c a V e n e z u e l a 5 6 2 8 +28 Chile 5 3 4 2 + 11 M e x i c o 5 0 5 3 -3 Brazil 4 8 5 9 -11 Peru 3 8 5 7 -19 A r g e n t i n a 3 4 3 6 -2 Bolivia 3 2 2 7 +5

* Do you think influenc e in

our country is growing decreasing. or staying about the same?

Question asked only in

Sub-Saharan Africa and Latin America.

SOURCE : Pew Research Center, Juin 2007, « Global Unease with Major World Powers », 47-Nation Pew Global Attitudes Survey, Pew Global Attitudes Project, Washington, DC, 25, http://pewglobal.org/files/pdf/256.pdf.

Le tableau 3 montre la perception de plusieurs pays quant aux avantages de l'influence chinoise en comparaison à l'influence américaine. Ce dernier tableau laisse voir un sérieux mécontentement envers l'influence américaine qui dure depuis longtemps, et ce particulièrement en Afrique subsaharienne. D'ailleurs, en janvier 2009, alors que Washington et Londres tentaient désespérément de trouver un moyen pour financer les très coûteux plans de relance économique, le gouvernement chinois lançait un ambitieux projet

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de 6.8 milliards de dollars US appelé waixuan gongzuo, littéralement traduit par « agenda de propagande outre-mer »6. Selon le South China Morning, cette « entreprise médiatique globale » vise à ouvrir des bureaux à l'étranger qui présenteraient la face moderne de la Chine à tous les pays du monde. En d'autres mots, il est question de montrer au monde la supériorité de la façon de faire chinoise en matière de développement sous le président Hu Jintao, comme l'explique un article du journal gouvernemental Xinhua7.

Tableau 3 La perception de l'influence chinoise et américaine

China 's Influence More Positive than America's

China's America's influence influence

Good Bad Good Bad "Good"

thing thing thing thing diff.

Africa % % % % Kenya 91 6 74 16 + 17 Ivory Coast 90 6 80 12 + 10 Ghana 90 5 79 13 + 11 Senegal 86 6 56 23 +30 Mali 84 7 63 25 +21 Nigeria 79 12 58 27 +21 Tanzania 78 13 36 52 +42 Uganda 75 13 65 24 + 10 Ethiopia 61 33 34 54 +27 South Africa 49 32 55 24 -6 Latin America Venezuela 58 28 36 47 +22 Chile 55 20 28 46 +27 Bolivia 42 34 14 64 +28 Peru 36 29 22 46 + 1A Brazil 26 54 20 60 +6 Argentina 21 51 5 80 + 16 Mexico 20 63 22 60 ■2

Based on respondents who say China/U.S. has at least a fair amount of influence on the \ /ay things are going in their countries Question asked only in Sub-Saharan Africa and Latin America.

SOURCE : Pew Research Center, Juin 2007, « Global Unease with Major World Powers », 47-Nation Pew Global Attitudes Survey, Pew Global Attitudes Project, Washington, DC, 25, http://pewglobal.org/files/pdf/256.pdf.

6 « Beijing in 45B Yuan Global Media Drive », South China Morning Post, 12 janvier, 2009. 7 Selon Halper (2010) : Xinhua, 8 septembre, 2008.

(22)

15

Pour Stephan Halper (2010), l'action chinoise en Angola, au Cambodge, au Soudan et ailleurs a plusieurs effets directs car elle a permet aux gouvernements respectifs d'éviter de devoir se plier aux réformes exigées par les bailleurs de fonds occidentaux qui viseraient à améliorer la gouvernance, la transparence, le respect des droits humains et le développement économique. Le philosophe français Jean-Baptiste Vilmer ajoute sur l'effet de la coopération économique avec les dictatures que cela peut « renforcer la dictature -c'est d'ailleurs ce qui se passe dans la plupart des cas— et dans le cas où cela peut soulager la population à court terme, il peut avoir l'effet pervers de renforcer l'oppression à long

Q

terme ». S'il est possible pour un gouvernement autocratique de recevoir une grande quantité d'investissements étrangers, il est certain que les développements qui en découle peuvent être utilisé comme capital politique ou simplement pour améliorer les outils de répression et par le fait même éliminer l'opposition.

Si les effets de l'action chinoise s'avèrent réelle, il serait intéressant de se questionner sur l'action des autres pays émergents dans les pays autocratiques. C'est pour cette raison que l'étude de l'action économique sud-africaine en Afrique subsaharienne nous semble fortement pertinente et utile d'autant plus que la République sud-africaine se fait de plus en plus présente sur la scène internationale. De plus, la littérature est presque muette sur l'Afrique du Sud à propos de cet objet d'étude contrairement à la Chine et la Russie. Les résultats du Pew Research Center dans les trois premiers tableaux peuvent s'expliquer par le fait qu'en Afrique et ailleurs dans le monde certaines initiatives occidentales qui tentent de lier assistance économique, meilleures gouvernance et résolution de conflits, ont vu leur influence diminuer au profit de la Chine qui n'impose pas de conditions reliée aux affaires intérieures des États. Il reste à vérifier où se positionne l'Afrique du Sud : du côté du modèle occidental ou d'un nouveau modèle propre aux BRICS ou aux pays émergents.

8 Dans Leopold Nséké, 2012, « Investir dans les dictatures, le dilemme moral », Afrique Expansion, n° 37,

(23)

1.1.3 Les IDE sortants sud-africains et chinois en Afrique

Pendant les deux dernières décennies, les investissements directs en général ont vu une croissance autant en valeur absolue qu'en termes de pourcentage du PIB. Les IDE globaux sont passés de 59 milliards de dollars américains en 1982, à 1400 milliards en 2000 pour légèrement diminuer par la suite suivant les ralentissements économiques de la décennie 2000 (UNCTAD, 2006). L'importance d'étudier les investissements directs étrangers est depuis quelques années incontestables. Presque aucun pays au monde n'est aujourd'hui opposé à accueillir des investissements étrangers à l'intérieur de ses frontières. Les corporations multinationales qui investissent à l'étranger sont à bien des égards les principaux agents de la globalisation. Elles produisent et distribuent des biens et services à travers les frontières nationales et propages des idées, des goûts et des technologies à travers le monde. L'investissement direct étranger est l'élément moteur de la multinationalisation des entreprises et par le fait même centrale dans la compréhension du système économique mondial et de l'économie politique internationale.

Historiquement, la plupart des flux d'IDE étaient dirigés vers les nations développées, mais depuis les années 1970, de plus en plus de corporations investissent dans les pays en développement où la main d'œuvre est moins coûteuse que dans leur pays d'origine (Hill, 2002). En fait, les IDE en direction des pays en développement sont passés de 27 milliards US en 1990 à plus de 334 milliards en 2005 (UNCTAD, 2006). Cette situation caractérisée par la domination totale des relations de coopération et de commerce entre le Nord et le Sud, soit les pays occidentaux et les pays sous-développés d'Afrique et d'Asie, est désormais transformée. En effet, bien que l'essentiel de l'IDE mondial soit toujours réalisé par les corporations multinationales (CMN) occidentales9, les CMN des pays en développement et des pays en transition sont de plus en plus présentes et comptent de plus en plus dans la course économique internationale (Berthaud, 2007). En 2005, les

Une entreprise nationale devient transnationale ou multinationale quand elle possède des actifs spécifiques (tels que des techniques de production supérieures, un produit de conception différente ou des compétences en matière de gestion de commercialisation) qui lui permettent de réaliser des investissements rentables à l'étranger malgré les risques plus élevés et les coûts supplémentaires découlant de la coordination d'activités de production géographiquement plus éloignées les unes des autres et traversant les frontières politiques (UNCTAD, 2003).

(24)

17

flux d'IDE en provenance des pays en développement et des pays émergents ont atteint 133 milliards de dollars US, soit 17% environ des flux mondiaux, le montant le plus élevé jamais enregistré (UNCTAD, 2006).

Selon Antoine van Agtmael, les vingt-cinq compagnies qui sont les plus susceptibles d'être les prochaines grandes compagnies multinationales incluent quatre sociétés respectivement du Brésil, du Mexique, de la Corée du Sud, et de Taiwan ; trois de l'Inde ; deux de la Chine ; et une chacune de l'Argentine, du Chili, de la Malaisie, et de l'Afrique du Sud (Zakaria, 2008). C'est cette situation qui pousse plusieurs à dire que l'époque de la géopolitique laisse de plus en plus sa place à ce que l'on peu appeler l'âge de la géo-économie (Walker, 1996). Évidemment, la compétition entre les nations semble continuer mais se transformer en une compétition plus pacifique, une compétition commerciale. Robert Kagan (2008) ajoute d'ailleurs qu'une résurgence de compétition pour l'influence dans plusieurs régions se développe entre certains pays émergents, l'Union européenne et les États-Unis. Aussi, est-il nécessaire d'ajouter l'importance, en relation internationale, du soft power ou de la puissance par cooptation qui se définit par la capacité d'un acteur politique tel un État, une firme multinationale, une ONG, ou une institution internationale, à influencer directement ou indirectement le comportement d'un autre acteur ou la définition par cet autre acteur de ses propres intérêts à travers des moyens non-coercitifs. Selon Joseph Nye (1990), le soft power repose sur des ressources intangibles telles que : l'image ou la réputation positive d'un acteur, son prestige, l'exemplarité de son comportement, l'attractivité de sa culture, de ses idées politiques ou économiques, de son rayonnement scientifique ou technologique, mais aussi de sa place au sein des institutions internationales. En bref, le soft power prévoit un pouvoir de cooptation, soit la capacité de changer ce qu'un autre acteur veut par la séduction ou par la possibilité de définir la hiérarchie des problèmes politiques du moment, par exemple. Les corporations multinationales émergentes, qui s'enrichissent grâce à leur investissements étrangers peuvent facilement être considérées comme des acteurs utilisant le soft power. Par exemple, faut-il prendre en considération la possibilité que les IDE des nouveaux acteurs en Afrique forcent les autres investisseurs sur le continent à s'ajuster à la compétition, cet ajustement

(25)

pourrait se matérialiser par une diminution des critères politiques. Si on observe la progression fulgurante des IDE sortants des pays émergents dans les pays du Sud (investissement Sud-Sud) démontré en figure 1, il ne fait aucun doute qu'une certaine compétition économique et idéologique à venir est inévitable.

Figure 1. IDE sortants des pays émergents et en développement 2004-2010

Figure: OFDI flows from developing countries recovered in 2010

F DI outflows from developing countries, by d eso nation

5 billion 350 300 2SO 200 -5 0 100 ;:• :< ) South-North I S o u t h - S o u t h ■ N e t F D I o u t f l o w s

2O0* IO05 2006 20O7 2008 200? 2O10

Source: World Bank. Global Development Horizons 2011, forthcoming.

Depuis quelques années, l'Afrique s'ouvre au commerce international à un niveau sans précédent. Bien que l'Afrique soit toujours en périphérie du marché mondial, elle courtise activement les compagnies étrangères pour ainsi suivre le modèle de la majorité des pays émergents. Il est bien connu que le retour des investissements en Afrique est aujourd'hui substantiellement plus élevé que partout ailleurs (J. Luiz, 2006 ; Gilroy, Gries et Naudé, 2005). La part africaine des IDE entrants mondiaux a d'ailleurs augmenté de 27 pourcent en 2011, l'Afrique accueil maintenant presque le quart des IDE mondiaux10. Dans le cas de la Chine, la croissance des investissements directs sortants en général est plutôt

10 BBC news, « Africa's share of foreign direct investment largest ever », [en ligne], 3 mai 2012,

http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-179403057utm source=dlvr.it&utm _medium=twitter , (consulté le 3 mai 2012).

(26)

19

récente. Alors que les IDE chinois en Afrique étaient insignifiants au début des années 1990, ils ont atteint un total de sept milliards de dollars en 2006 (Foster et al. 2007) et un total de dix milliards en 2010 en plus d'échanges commerciaux allant jusqu'à quatre-vingt-dix milliards de dollars américains (Fingar, 2011), ce qui fait de la Chine un partenaire économiques central en Afrique, comme la figure 2 en témoigne.

Figure 2: Les relations économiques entre la Chine et l'Afrique

I

China in Africa

China's trade with Africa, Sbn

I Imports

I Exports

1995 2000 05

Sources: National statistics; Heritage Found

Source : The Economist (2011).

China's outward investment', 2005-10,%

70 Americas 19.5 60 United State, 40 8.9 30 20 10 to Australia 10.8 Europe 13.4 Other As'a 17.1

m fc ■

^ ^ $316bn M

W

S Middle East & North Africa 16.5 Sub-Saharan Africa 13.8

"Non-bond transactions over $100m

Quant à l'Afrique du Sud, la plus grande économie sur le continent, elle a vu, suite à la fin de l'apartheid, une augmentation fulgurante de ses investissements (figure 4) et exportations vers les autres pays africains (figure 3). Peu avait prédit la rapidité avec laquelle les corporations sud-africaines se sont intégrées aux nouveaux marchés africains. Selon un récent rapport de Liquid Africa, l'Afrique du Sud est devenue, durant la décennie suivant sa démocratisation, le plus grand investisseur direct étranger en Afrique (Luiz et Charalamous, 2009 ; Daniel et al., 2004 ; UNCTAD, 2003a ;). En fait, depuis l'année 2000

(27)

l'Afrique du Sud est considérée comme l'un des premiers investisseurs sur le continent et on note une augmentation de 300 pourcent des échanges commerciaux depuis 1994 (Alden et Soko, 2005). D'ailleurs, entre 2004 et 2007 les firmes de l'Afrique du Sud ont dominé tous les autres pays investisseurs avec un investissement massif de 35 milliards de dollars américain (ONUDI, 2007). Même en excluant l'investissement de MTN Nigeria de 1,6 milliard de dollars (le plus grand investissement d'une firme sud-africaine en Afrique), les firmes sud-africaines dominent la moyenne des nouveaux investissements par firme en Afrique subsaharienne à 8,5 millions. Les deux pays qui suivent l'Afrique du Sud par moyenne d'investissement durant ces trois années sont la Suisse à 6,2 millions par firme et la France à 4,2 millions. La firme moyenne en provenance du Nord a fait 3,1 millions de nouveaux investissements pour la même période. En contraste, les firmes chinoises ont investi en moyenne 1,24 millions et celles indiennes 780 000 dollars US (ONUDI, 2007). Alors que la présence des corporations sud-africaines en Afrique il y a 15 ans se résumait qu'aux États de la South African Customs Union (SACU) et du Zimbabwe, elles opèrent maintenant les chemins de fer au Cameroun ; dirigent les centrales nucléaires au Mali et en Zambie ; contrôlent banques et supermarchés en Tanzanie, au Mozambique et au Kenya; dominent l'énorme marché des télécommunications au Nigeria et Ouganda, pour ne citer que quelques exemples (Daniel et al., 2004). Comme la figure 3 le démontre, les relations économiques entre l'Afrique du Sud et l'Afrique sont en constante croissance.

(28)

21

Figure 3 Échanges commerciaux Afrique du Sud-Afrique en rand 1999-2010

100 000 000

90 000

80 000

000-70 000 000

60 000 000

50 000 000-f

40 000 000

30 000 000

20 000 000

10 000 000

0

D Exportation AS

vers Afrique

Importation

Afrique vers AS

D Balance

commerciale

1999 2002 2009

(29)

Figure 4 Les investisseurs émergents en Afrique entre 2006-2008

Figure 11.1. Major d e v e l o p i n g e c o n o m y

i n v e s t o r s in Africa, 2006-2008

(Millions of dollars)

South Africa China Malaysia India Taiwan Province of China Korea, Republic of Chile Source: Note Turkey § Brazil 114 250 500 750

UNCTAD, FDI/TNC database

Data refer to the outward flows of the developing e c o n o m i e s listed above to Africa as a region in 2006—2008 or the latest three-year period available. Data for India and Taiwan Province of China are on an approval basis. Data for Malaysia refer to equity only. As data on outflows to Africa are not available, data for South Africa are derived as differences between two-year stocks.

(30)

23

Cette montée des investissements chinois et sud-africain en Afrique s'inscrit dans un mouvement africain qui tend à voir l'aide internationale d'un œil critique et à voir les IDE comme un moyen de choix pour développer leurs pays, à l'instar de l'exemple des tigres asiatiques. À ce propos plusieurs décideurs politiques et hommes d'affaires attestent de cette réalité. En prenant l'exemple des tigres asiatiques, le professeur d'économie Tan Kim note : « Growing up in, in Asia, [I saw] the Asian tiger economies—that thirty, forty years ago had a lower GDP than Uganda or Kenya—tranform themselves through

enterprise, not through aid, not through philanthropy11 ».

Dans un même ordre d'idée, le président rwandais Paul Kagame affirmait que : « Aid leads to more aid and more aid and more aid and less independence of the people that are receiving aid l2>r, et Andreas Widmer, fondateur de l'ONG Seven Fund et consultant en stratégie d'affaire internationale et en développement économique, disait à ce sujet : « Consider this : Africa is 12% of the world's population, yet it receives 29% of all aid in the world, yet only 1.4 percent of foreign direct investment. Africa doesn't need more aid. Africa needs more investment13 ».

La Chine et l'Afrique du Sud demeurent les deux meilleures cibles pour notre étude en raison de leurs forte présence en Afrique, mais aussi car ils sont considérés comme des pays émergents et des économies avancés rencontrant des standards semblables. Leurs traits communs sont tout aussi intéressants à analyser que leur dissemblance principale, le système politique (la Chine étant autocratique et l'Afrique du Sud étant démocratique). La comparaison entre les deux États nous permet de mieux comprendre la présence d'influence ou non du système politique intérieur de ces pays lors du choix d'un pays récepteur de leurs investissements. L'économie étant intimement liée à la politique, l'analyse de l'une mène indéniablement à l'autre. Nous pouvons ainsi vérifier si un pays émergent démocratique peut suivre le modèle d'un pays autocratique, la Chine, et du même coût la même idéologie en la matière. Notre étude permet de confirmer ou d'infirmer l'existence d'une tendance

" Selon POVERTYCURE, 2012, Foreign aid, http://www.povertvcure.org/issues/foreign-aid. (consulté le 1er juin 2012).

12 Idem.

(31)

propre aux pays émergents du BRICS. Il sera alors possible de répondre à une question d'importance en relation internationale et en économie politique internationale : la Chine est l'Afrique du Sud sont-il concurrent ou partenaire en Afrique ? Dans le cas où les deux États partageraient une même idéologie lors de leurs investissements il serait alors non pas question d'un modèle chinois mais plutôt d'un modèle des pays émergents du BRICS.

1.2 Les différentes idéologies sur le développement, entre Nord et Sud

Afin d'apporter une contribution à la connaissance scientifique sur notre objet d'étude, nous expliquons d'abord les complexités de la politique étrangère sud-africaine et son évolution depuis 1994 à nos jours. Nous montrons ensuite les différents modèles de développement entre les pays émergents et les pays du Nord, pour évoquer la nouvelle réalité du développement international. Finalement, nous posons notre question de recherche spécifique.

1.2.1Quelle direction politique pour l'Afrique du Sud ?

Depuis la fin de l'Apartheid et la prise du pouvoir par Y African National Congress (ANC) et Nelson Mandela, l'Afrique du Sud a intégré à l'agenda de sa politique étrangère l'importance de promouvoir la démocratie pour augmenter la stabilité politique des pays africains « frères » (Alden, Soko, 2005). C'est particulièrement cette position sur la démocratie et surtout la démocratie en Afrique qui diffère du discours chinois. Cependant, la réalité entre le discours et l'action est bien différente. Bien que cette rhétorique de Pretoria continue toujours à être éloquente et constamment pro-démocratique, les efforts sud-africains pour la promotion de la démocratie ont rencontré ces dernières années de nombreuses embûches, dilemmes et contradictions. Dès ses débuts, l'ANC a été incapable de se distancier des régimes anti-démocratiques de Kadhafi (Libye) et de Castro (Cuba), par exemple, qui ont pris position en leur faveur durant leurs jours de libération.

(32)

25

Suite à la libération de l'Afrique du Sud, en 1994, plusieurs États africains qui avaient supporté l'ANC se sont vus donnés des discours de bonne conduite démocratique par l'Afrique du Sud. Cette attitude agressive des débuts de l'ANC au pouvoir a déçu plusieurs chefs d'États qui ont accusé Pretoria de poursuivre un projet « occidental » en Afrique. Cette tendance fortement teintée des principes libéraux à l'occidental, a donc été rapidement critiquée par plusieurs pays d'Afrique subsaharienne qui voient une sorte de néocolonialisme dans cette prise de positions et accuse l'Afrique du Sud de n'être qu'un laquais de l'Occident au Sud de l'Afrique (Cornu, 2007 ; Landsberg, 2000). L'Afrique du Sud a aussi eu à faire face à ses engagements envers la démocratie et les droits humains dans sa poursuite d'intérêt économique dans ses investissements directs, échangeant avec tous les États (démocratiques ou non), et vendant même des armes à des États engagés dans des conflits. Le gouvernement de l'ANC a donc dû réaliser que son projet de politique de démocratisation en Afrique rédigé par Nelson Mandela (Mandela, 1993) faisait face à une crise de confiance et de crédibilité (Landsberg, 2000). La doctrine moralisante de politique extérieure sud-africaine étant en crise, le gouvernement a dû reconsidérer sa stratégie.

Le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni, ne se cache pas d'un certain parti prix quant il compare le modèle traditionnel du modèle émergent. Il affirmait en 2006 :

The Western ruling groups are conceited, full of themselves, ignorant of our conditions, and they make other people's business their business, while the Chinese just deal with you as one who represents your country, and for them they represent their own interests and you just do business.15

Le président actuel de la République du Ghana, John Atta Mills, prend d'ailleurs position en faveur de la nouvelle façon de faire qui semble bien propre aux pays émergents : « China is bringing investment, expertise and knowledge for the benefits of the African people in a bid to help the continent to regain its rightful place, to achieve rapid progress ».

14 Voir le document officiel de 1994 : Foreign Policy Perspectives in a Democratic South Africa.

15 Yoweri Kaguta Museveni, cité dans Halper (2008).

16 John Atta Mills, cité dans le China Daily, [en ligne]

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Face à ces nombreuses critiques et le rejet de plusieurs États africains à se faire dicter une façon de faire à l'intérieur de leurs territoires, il semble que l'Afrique du Sud de Jacob Zuma modifie son discours en politique internationale en même temps que les relations commerciales entre la Chine et l'Afrique du Sud augmentent exponentiellement depuis 2003. Les liens entre Beijing et Pretoria semblent d'ailleurs centraux dans la stratégie internationale des deux États. Est-il intéressant d'ailleurs de se question sur la nature des relations sino-sud-africaines, s'ils sont des rivaux, des amis ou des concurrents. Cette identité qui semble de plus en plus se connecter entre l'Afrique du Sud et la Chine peut-elle avoir une importance dans la constitution de leurs intérêts et de leurs actions comme sans doute l'affirmerait Alexander Wendt (1992)? Il reste tout de même difficile d'ignorer l'importance dans la formation des intérêts et des actions des États le rôle des idées, croyances, valeurs et normes. Le partage entre l'Afrique du Sud et la Chine d'un passé commun d'ancienne colonie et de peuple humilié par la communauté internationale peut certainement jouer un rôle important dans les actions et intérêts des deux États. L'Afrique du Sud donne d'ailleurs l'impression d'être toujours à la recherche de son identité si l'on en croit à ses actions qui suivent des chemins parfois opposés.

L'Afrique du Sud a causé l'émoi dans la presse internationale en 2007 lorsqu'elle a étonnamment joint la Chine sur un vote à l'Organisation des Nation unis (ONU) visant à bloquer une résolution contre le régime autoritaire du Myanmar pour le « non-respect des droits humains fondamentaux ». Cette décision a été grandement critiquée par la presse internationale accusant l'Afrique du Sud « d'avoir oublié le rôle de l'ONU dans l'abolition de l'apartheid »17. L'Afrique du Sud a également pris trois autres décisions controversées contre le lobby international des droits humains, celle-ci a travaillé avec la Chine et la Russie parmi d'autres pour empêcher une résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU condamnant le régime de Robert Mugabe au Zimbabwe ; la condamnation des États utilisant le viol comme arme politique et militaire ; et l'imposition de sanctions contre l'Iran pour violation du Traité de Non-prolifération nucléaire (Habib, 2011). Ensuite, se conformant à cette nouvelle direction, le gouvernement sud-africain a refusé un visa au

(34)

27

Dalaï Lama en 2009 pour assister à une conférence sur la paix donnée par des lauréats Nobel en Afrique du Sud coïncident avec la Coupe du Monde de Football en 2010. Les organisateurs du prix Nobel ont suspendu l'événement et changer de destination en moyen de protestation. En mars 2011, Zuma garde la même rhétorique confuse, par exemple, lorsqu'il supporte la résolution de l'ONU supportant les rebelles libyens combattant le Colonel Kadhafi avec un « no fly zone » pour ensuite critiquer ouvertement cette opération. Le président sud-africain s'est ensuite rendu lui-même à Tripoli pour rencontrer Kadhafi et lui exprimer ses sympathies lorsque les bombardements ont emporté des membres de sa famille.

Ces prises de positions en faveur des intérêts chinois et peut-être sud-africains semblent annoncer un réel changement de voie du pays arc-en-ciel. Cette attitude n'est pas unique dans le monde, elle relate un nouveau mouvement international dominé par un certains nombre de pays émergents qui ne répondent plus aux « intérêts » ou valeurs occidentales tel que cela a été vu ces dernières décennies. L'Afrique du Sud, se voyant comme le futur représentant des pays africains dans les institutions internationales et sur la scène internationale en générale, ne semble plus se donner le rôle de moralisateur en Afrique comme ce fut le cas lors des années Mandela-Mbeki. Face à la nouvelle économie politique internationale, Pretoria ne semble plus vouloir payer le prix de cette morale occidentale sur les droits humains et la gouvernance politique. Tel que mentionné plus tôt, cette moralité, embrassée par les démocraties libérales, ne fait pas l'unanimité dans les pays du Sud qui ont toujours en mémoire l'expérience douloureuse du colonialisme ou néocolonialisme qui a agit complètement à l'opposé de cette fameuse moralité libérale, dans l'intérêt du Nord. Ces pays regardent souvent cette nouvelle moralité comme un nouveau moyen ingénieux de contrôler les États qui viennent à l'encontre de leurs intérêts, une sorte de moralité sélective, à double standard.

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Cependant, la position face à la promotion de la démocratie par le régime de Zuma ne semble pas suivre une direction unilatérale face à la question de la démocratie. Le 30 janvier 2011, à l'importante rencontre d'ouverture du Sommet de l'Union africaine (UA) à Addis Abeba, le Président Jacob Zuma a affirmé vouloir mettre l'accent sur l'engagement de son pays pour la démocratie et la bonne gouvernance en Afrique18. Cette attitude schizophrénique laisse plusieurs observateurs perplexes quant aux réelles intentions de l'AS.

Il serait intéressant de voir si le regroupement de pays faisant partie de l'organisation IBSA (Inde, Brésil, Afrique du Sud), tous faisant partie de « l'aile » démocratique des BRICS, pourrait se détacher de l'idéologie chinoise et russe sur la question de la démocratie. Cependant, les récentes positions de 1TBSA sont toute autant inconstantes que les positions de l'AS. L'Inde semble rester un défenseur zélé du principe de souveraineté de l'État19 en s'opposant à une toute intrusion dans les affaires intérieures des États, comme il est question dans le cas de la Syrie en 2012. Cette attitude ne cesse de rappeler les vieux réflexes gardés du « Mouvement des Non-alignés » d'ailleurs toujours actif20. Si les pays démocratiques à l'occidentale se doivent de répondre à l'opinion publique lors de l'établissement de leurs politiques, 1TBSA en serait-elle exempt, à l'instar de la Chine et de la Russie ? Ne faut-il pas oublier que l'anticolonialisme est le « mythe fondateur » de l'Afrique du Sud et que la perspective historique est très importance pour

18 BUANEWS, « SA to promote democracy at AU Summit », [en ligne],

http://www.buanews.gov.za/news/ll/11013013151001. (consulté le 3 mai 2012).

19 Le principe de souveraineté de l'État trouve sont origine dans le traité de Westphalia en 1648. Suite à la fin

de la Deuxième Guerre mondiale, avec la création de l'ONU, la norme de la souveraineté des États a reçu un nouvel allié institutionnel pour détruire les Empires et enrayé la légitimité de la colonisation. Cependant, depuis quelques décennies, une nouvelle norme internationale protégeant les droits humains et individuels a gagné en importance, et du coup la norme sacro-sainte de souveraineté d'État s'est vue érodée comme norme internationale. Le principe de souveraineté d'État s'est alors scindé avec la responsabilité de protéger les droits fondamentaux. Et lorsqu'un dirigeant omet de respecter cette obligation, des acteurs extérieurs peuvent se donner le droit, et même la responsabilité, d'agir pour faire respecter cette nouvelle norme du système internationale actuel (McFaul, 2005). La légitimité et l'action d'acteurs extérieurs pour promouvoir la démocratie par les État, les ONG ou les institutions internationales, ont ces dernières années grandement gagné en popularité. L'idée que les peuples ont droit à la démocratie a gagné plusieurs supporteurs... et adversaires.

20 Au sommet du Mouvement des Non-alignés de Durban en 1998, le gouvernement de Mbeki proposait de

créer un groupe de pays puissants du Sud comme la Chine, le Brésil, l'Egypte, la Malaisie, et bien sûr l'Afrique du Sud pour servir de contrepoids au tout-puissant groupe des G-7 (Landsberg, 2000).

(36)

29

comprendre les comportements. À ce propos, Thabo Mbeki a souvent expliqué l'importance pour l'AS de garder en tête les trois plus grands phénomène historique aillant influencé l'Afrique : l'esclavage, le colonialisme et l'impérialisme (Bond, 2004). Mbeki qualifie l'impérialisme actuel dans les relations internationales de global apartheid et ne cesse de demander des relations internationales différentes. C'est donc ce que Rosa Luxemburg (1968) a nommé brillement «l'accumulation de dépossessions » qui est au centre de la réflexion des pays émergents. C'est certainement dans cette optique que les pays émergents sont tous vigilant lorsque le principe de « responsabilité des États de protéger » contre les atrocités de masses est invoqué (Traub, 2012).

Pour plusieurs, la récente empreinte sud-africaine sur le monde montre la nouvelle tendance apportant au développement de l'économie la primauté sur les idéaux ou la morale. L'Afrique du Sud semble déterminée à se donner une nouvelle identité de superpuissance régionale plus musclée, et peut-être plus proche de celle de la Chine.

Face à la nouvelle compétition économique internationale, l'Afrique du Sud, tout comme beaucoup de pays au monde, semble s'adapter pour ne pas se voire mise de côté au profit des autres pays moins regardant sur les politiques intérieures des États autocratiques prêts à s'ouvrir à l'économie mondiale. Comment se positionnent réellement les pays émergents, et plus spécifiquement, où se place l'Afrique du Sud sur ce nouvel échiquier mondial? La question fondamentale à propos des pays émergents et pays en développement est de savoir s'ils se déplacent, ces dernières années, vers une « socialisation » aux normes occidentales ou si les choses vont prendre une autre direction. Est-il également pertinent de vérifier si nous pouvons faire une distinction entre discours et action en analysant les données empiriques sur les investissements directs étrangers de l'Afrique du Sud.

1.2.2 Les différents modèles de développement en Afrique

L'émergence de nouveaux acteurs en Afrique et leurs gains de terrains politiques et économiques soulèvent plusieurs questions sur le continent à propos de la relation avec les partenaires occidentaux. Ces nouvelles dynamiques de la mondialisation et des relations

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internationales avec une croissance de l'engagement des pays émergents en Afrique contribuent à des changements significatifs dans la relation entre les pays africains et leurs partenaires traditionnels.

Selon Francesco Rampa et Sanoussi Bilal, il serait possible de voir un modèle de développement commun prôné par la Chine, l'Inde et le Brésil. Notamment, ceux-ci se voient comme des pairs lors de leurs relations avec leurs partenaires, déclarant vouloir des relations mutuellement bénéfiques, sans condition liée à des obligations d'appliquer des politiques de développement quelconque (Rampa et Bilal, 2011). De telles conditions, en conséquence porteraient atteinte aux principes du « respect mutuel de la souveraineté nationale », de la « non-interférence dans les affaires intérieures des autres États » et de « solidarité », selon la Chine, l'Inde et le Brésil.

Ces principes étaient à la base du Mouvement des non-alignés et de la lutte pour l'indépendance face au colonialisme caractérisant le passé commun de plusieurs pays asiatiques, africains, et latino américains. Selon l'étude de Rampa et Bilal (2011), il existe un modèle général de développement derrière l'intervention des pays émergents en Afrique qui serait largement basé sur les politiques et les choix à travers lesquels ces acteurs ont développé leur propre économie : soit avec une forte composante d'investissements directs étrangers, débutant avec des investissements substantiels dans l'industrie d'extraction et l'amélioration de l'infrastructure pour ensuite progresser vers des industries avancés technologiquement. Ce serait alors une partie de ce que nous appelons le modèle des pays émergents stipulant notamment le développement d'abord, la démocratie ensuite.

L'approche traditionnelle des « donneurs » occidentaux, incluent les banques multilatérales de développement, ont surtout eu comme approche d'interaction avec les pays en développement une relation donateur-récipiendaire, largement basée sur l'altruisme et des conditions politiques attachées. Le modèle de développement général lié à ces conditionnantes suivait habituellement l'approche occidentale pour le développement

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économique, avec des politiques soulignées par des principes clés de « bonne gouvernance » et les cadre d'institutionnalisation et de régulation favorisant la croissance des marchés (market-led growth). Cette libéralisation du commerce dominé par le secteur privé implique que la voie de l'industrialisation d'un pays devrait être laissée aux forces du marché et à la compétition internationale (tableau 4) (UNCTAD, 2010). Faut-il ajouter aussi l'importance pour les donneurs occidentaux de l'agenda Paris/Accra qui vise une programmation plus efficace de l'aide au développement avec des obligations imposés aux pays en développement à mettre en pratique les principes d'efficacité de l'aide. Le discours des Occidentaux lors de ses relations avec l'Afrique garde comme principe clé la gouvernance et la transparence, qui sont généralement des conditions pour traiter avec les donneurs ou investisseurs dit traditionnels (tableau 4). Ces aspects sont à la base du consensus de Washington tel qu'il est entendu aujourd'hui.

En termes de modalité spécifique de coopération, la coopération Sud-Sud est centrée sur l'échange de compétences techniques et technologiques au lieu d'une provision unilatérale d'assistance financière tels qu'utilisé par les donneurs traditionnels (UNCTAD, 2010). En effet, quand il est question de coopération financière Sud-Sud, l'« altruisme » n'est pas au centre de l'engagement puisque les interventions des pays émergents sont basées sur des intérêts nationaux clés. La coopération Sud-Sud n'est donc pas faite par charité mais pour créer des liens économiques et commerciaux. Cette différence d'approche des pays émergents a comme principe clés le respect mutuel et le respect de la souveraineté et de la non-interférence (tableau 4).

Figure

Tableau 1 Le déclin de l'influence des idées américaines sur la démocratie
Tableau 2 La croissance de l'influence chinoise en Afrique  G r o w i n g  C h i n e s e I n f l u e n c e  Influence is  growing*  China  US  Gap  A f r i c a  %  %  E t h i o p i a  8 5  7 3  + 72  Mali  81  5 8  +23  Senegal  7 9  51  +28  T a n z a n i
Tableau 3 La perception de l'influence chinoise et américaine  China  's Influence More Positive
Figure 1. IDE sortants des pays émergents et en développement 2004-2010
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