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L'influence du rapport à la figure du père dans le processus de construction identitaire des personnages du film «The Royal Tenenbaums» de Wes Anderson

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Academic year: 2021

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L’influence du rapport à la figure du père dans le

processus de construction identitaire des personnages

du film The Royal Tenenbaums de Wes Anderson

Mémoire

Myriam Gosselin

Maîtrise en littérature, arts de la scène et de l’écran

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Myriam Gosselin, 2013

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Résumé

Ce mémoire a pour objectif de mettre en lumière la manière dont la figure du père influence la construction identitaire des personnages du film The Royal Tenenbaums (2001) du cinéaste Wes Anderson.

L‟analyse du film effectuée dans ce mémoire porte sur la relation qu‟entretiennent le père et les enfants Tenenbaum, de même que sur la figure paternelle ou sur l‟idée que les personnages se font du rôle du père. Le père réel et la figure du père idéal ont une fonction déterminante dans la constitution de leurs identités respectives. Par l‟articulation de certaines réflexions issues des théories psychanalytiques de C. G. Jung et de Jacques Lacan, ainsi que par l‟emprunt de quelques notions relatives à l‟identité narrative élaborées par le philosophe Paul Ricœur, cette étude a pour but de rendre compte de la manière dont s‟organise la perception de la paternité chez les personnages, ainsi que des effets que celle-ci induit.

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Table des matières

Résumé ... III Table des matières ... V Remerciements ... VII

Introduction ... 1

Chapitre 1. Éléments méthodologiques ... 3

1.1 Notions de psychanalyse selon C. G. Jung ... 4

1.2 Notions de psychanalyse selon Jacques Lacan ... 8

1.3 Notions de philosophie selon Paul Ricoeur... 13

1.4 Mise en relation des théories ... 18

Chapitre 2. Chas Tenenbaum ... 25

2.1 Caractéristiques du personnage ... 26

2.2 Relation avec la figure paternelle ... 29

2.2.1 Relation avec la figure paternelle : l’enfance ... 29

2.2.2 Relation avec la figure paternelle : l’âge adulte ... 32

2.3 Processus de construction identitaire ... 35

2.3.1 Processus de construction identitaire : la séparation ... 37

2.3.2 Processus de construction identitaire : l’accident ... 39

2.3.3 Processus de construction identitaire : la mutation finale ... 40

Chapitre 3. Margot Tenenbaum ... 47

3.1 Caractéristiques du personnage ... 48

3.2 Relation avec la figure paternelle ... 51

3.2.1 Relation avec la figure paternelle : l’enfance ... 51

3.2.2 Relation avec la figure paternelle : l’âge adulte ... 53

3.3 Processus de construction identitaire ... 56

Chapitre 4. Richie Tenenbaum ... 65

4.1 Caractéristiques du personnage ... 65

4.2 Relation avec la figure paternelle ... 68

4.2.1 Relation avec la figure paternelle : l’enfance ... 68

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VI

4.3 Processus de construction identitaire ... 73

4.3.1 Processus de construction identitaire : avant le suicide ... 73

4.3.2 Processus de construction identitaire : la trahison et le suicide ... 76

Chapitre 5. Royal Tenenbaum ... 83

5.1 Caractéristiques du personnage ... 83

5.1.1 Royal, éternel enfant ... 84

5.1.2 Des valeurs douteuses... 86

5.2 Relation avec la figure paternelle ... 88

5.2.1 Relation avec la figure paternelle : le père de Royal ... 88

5.2.2 Relation avec la figure paternelle : Royal et l’archétype ... 89

5.3 Processus de construction identitaire ... 91

5.3.1 Processus de construction identitaire : retour vers la famille ... 91

5.3.2 Processus de construction identitaire : rejet et trahison ... 94

Conclusion ... 101

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Remerciements

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Introduction

The Royal Tenenbaums, long-métrage réalisé en 2001, met en scène une famille

dysfonctionnelle composée de parents séparés et de trois enfants. Le père, homme amusant et hédoniste du nom de Royal Tenenbaum, a quitté la maison assez tôt, laissant à sa femme Etheline le soin d‟éduquer leurs deux fils, Chas et Richie, de même que leur fille adoptive, Margot. Assumant la signification de son prénom, Royal est un homme imposant qui vit au-dessus de ses moyens. À la suite de nombreux échecs, les enfants Tenenbaum ont une existence difficile. Ils deviennent de jeunes adultes troublés. Royal, ruiné, s‟emploie alors à reconquérir sa famille. Il le fait en mentant au sujet de son état de santé, annonçant sa mort prochaine.

L‟analyse du film effectuée dans ce mémoire porte sur la relation qu‟entretiennent le père et les enfants Tenenbaum, de même que sur la figure paternelle ou sur l‟idée que les personnages se font du rôle du père. Le père réel et la figure du père idéal ont une fonction déterminante dans la constitution de leur identité respective. Par l‟articulation de certaines réflexions issues des théories psychanalytiques de C. G. Jung et de Jacques Lacan, ainsi que par l‟emprunt de quelques notions relatives à l‟identité narrative élaborées par le philosophe Paul Ricœur, cette étude a pour but de rendre compte de la manière dont s‟organise la perception de la paternité chez les personnages, ainsi que des effets que celle-ci induit. La mise en rapport de ces différentes approches méthodologiques permettra d‟abord de réfléchir sur le rôle du père dans le psychisme, puis trouvera son accomplissement dans l‟examen des identités déployées par la trame narrative. Le choix du corpus vient de la récurrence du thème de la figure paternelle dans l‟œuvre du cinéaste Wes Anderson et de son caractère problématique. Bien qu‟elle emprunte, sous les traits de Royal, une apparence distrayante, l‟attitude de ce dernier envers ses enfants est douteuse. Découlent de cela des interactions conflictuelles entre les personnages et des difficultés à s‟épanouir. Finalement, cette démarche vise à déterminer en quoi le rapport à la figure paternelle est essentiel dans la construction et l‟achèvement de l‟identité des personnages.

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Les théoriciens de la psychanalyse ont étudié le rôle du père et ont considéré son importance dans le développement de l‟enfant. Pour sa part, Jung a plutôt examiné l‟archétype paternel, et Lacan, le concept plus large de l‟Autre. Ces notions, de même que celles de père réel, imaginaire et symbolique, également développées par Lacan, seront définies au premier chapitre. Comme la figure du père au cinéma n‟a, jusqu‟à présent, qu‟été effleurée, cette démarche paraît utile. De même, la théorie de l‟identité narrative de Paul Ricoeur, qu‟il a soumise à des considérations philosophiques, n‟a pas souvent été mise à profit au cinéma. Celle-ci renforce l‟analyse psychanalytique appliquée à la fiction.

Les rapports que les trois enfants entretiennent avec le père seront analysés dans chacun des chapitres qui s‟inscrivent dans le prolongement de l‟exposé de la méthodologie mobilisée dans le cadre de la présente recherche. Le cinquième et dernier chapitre est consacré au père, Royal. L‟objectif est bien de dégager de ce processus la nature de l‟influence qu‟exerce la figure paternelle sur l‟identité de chacun des personnages et, finalement, de parvenir à une conclusion globale qui permettra de saisir comment le récit fait évoluer leur identité.

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Chapitre 1. Éléments méthodologiques

Considérant la récurrence de la figure du père dans l‟ensemble de l‟œuvre filmique de Wes Anderson, et compte tenu du fait que la psychologie contradictoire et troublée de ses personnages constitue l‟essentiel de la trame narrative de sa filmographie, le sujet du présent processus de recherche s‟est imposé de lui-même. Afin de mettre en lumière le rapport de dépendance établi entre la construction identitaire des personnages et leur perception de la figure du père, il semble opportun de préciser ici que l‟identité constitue la source du déploiement narratif et fictionnel des personnages de ce récit. La quête que les personnages y mènent est susceptible de trouver des explications dans certaines réflexions psychanalytiques et philosophiques. Cette quête s‟apparente, en effet, au cheminement réel des individus en société. Bien que le film The Royal Tenenbaums est une fiction, celle-ci attribue à ses protagonistes des traits à caractère psychanalytique et philosophique. Finalement, on peut dire que le film met en scène une forme de société semblable à la nôtre. Dans un article paru dans la revue 24 images, Daniel Canty résume assez bien le canevas qui donne forme aux films du cinéaste, en affirmant que « [s]es films sont tissés en parts égales de réalité brute, d‟improbabilité assumée et de fiction vécue1. » Il ajoute que « [c]hez lui [Wes Anderson], la fantaisie […] conserve ses racines empiriques : dans la confrérie et la transfiguration ludique de l‟expérience américaine vécue2. » Il confirme ainsi les dires de Christian Jauberty qui, dans Premiere, rapporte les propos d‟une entrevue qu‟il a eue avec le cinéaste : « Les histoires écrites par Wes Anderson et Owen Wilson sont truffées de récits d‟événements qui, grands ou petits, sont survenus dans leurs vies3. » Bien que fantaisistes, les propositions cinématographiques de l‟auteur ne sont donc pas si étrangères à la réalité. Cela permettra de faire appel à une démarche d‟analyse à échelle humaine.

L‟appareil conceptuel mis à profit dans le cadre de ce processus d‟analyse s‟inspire de certaines des théories psychanalytiques proposées par C. G. Jung et Lacan, de même que de quelques notions qui ont trait à l‟identité narrative sur laquelle Paul Ricoeur a réfléchi. De cette façon, l‟analyse demeurera fidèle aux propositions faites par le récit qui met en scène des personnages psychologiquement complexes.

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1.1 Notions de psychanalyse selon C. G. Jung

Bien que Royal les ait maintes fois déçus avant de les abandonner définitivement, les personnages du film de Wes Anderson restent plus ou moins attachés à leur père. Ils éprouvent, semble-t-il, toujours le besoin de se rapprocher de lui et d‟obtenir son affection. Celle-ci paraît nécessaire à la construction adéquate de leur identité individuelle. De récentes recherches en psychologie traitant de la fonction du père auprès des enfants indiquent que

[l]es pères semblent jouer un rôle majeur dans l‟ouverture au monde reliée tout particulièrement à l‟autonomie et à la gestion de la prise de risques au cours de l‟exploration des environnements physique et social (qui permet de développer des habiletés physiques et sociales), à l‟affirmation de soi et à la gestion de la colère dans les rapports sociaux avec les pairs et à la réussite scolaire et professionnelle. […] [L]es pères semblent avoir une plus grande influence sur le processus de résolution de problèmes (incluant la résolution des conflits) et les problèmes de comportement extériorisés4.

La fonction maternelle n‟étant pas remise en question dans l‟ouvrage cité plus haut, l‟on conçoit que père et mère ont chacun un rôle spécifique à jouer pour favoriser le sain développement de leur enfant, dans tous les aspects de son individualité5. Le psychanalyste Carl Gustav Jung confirme l‟importance du couple parental dans la construction de l‟identité des enfants. Selon lui,

the father, [and] the mother as well, is such an important factor in the child‟s fate: not because they themselves have this or that human failing or merit, but because they happen to be Ŕ by accident, so to speak Ŕ the human beings who first impress on the childish mind those mysterious and mighty laws which govern not only families but entire nations, indeed the whole humanity6.

Jung entend définir par ces lois les forces de la nature humaine, substrat du fort enracinement de l‟inconscient collectif dans la personnalité de chacun.

Ma réflexion sur la construction de l‟identité individuelle s‟amorcera par l‟analyse de la place qu‟occupe la figure paternelle, ici associée à un archétype, dans l‟inconscient individuel et collectif. Mon argumentation sera élaborée à l‟aide de deux textes importants de C.G. Jung, soit Des archétypes de l’inconscient collectif 7 et The Significance of the

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Father in the Destiny of the Individual8 (troisième version). Ce dernier texte se retrouve

intégralement dans un recueil qui s‟intitule The Father: Contemporary Jungian

Perspectives9, paru en 1986 sous la direction d‟Andrew Samuels. L‟inconscient collectif

Une couche pour ainsi dire superficielle de l‟inconscient est sans aucun doute personnelle. Nous l‟appelons inconscient personnel. Mais celui-ci repose sur une autre couche plus profonde qui ne provient pas d‟expériences ou d‟acquisitions personnelles, mais qui est innée. Cette couche plus profonde est celle que l‟on désigne du nom d‟inconscient collectif. […] [C]et inconscient n‟est pas de nature individuelle mais universelle : par opposition à la psyché personnelle, il a des contenus et des modes de comportement qui sont Ŕ cum grano salis Ŕ les mêmes partout et chez tous les individus. En d‟autres termes, il est identique à lui-même dans tous les hommes et constitue ainsi un fondement psychique universel de nature suprapersonnelle présent en chacun10.

Dans Les racines de la conscience, Jung introduit ainsi la notion d‟inconscient collectif qui constitue le fondement de bon nombre de concepts que le psychanalyste nous a légués. Dans Freud and Psychoanalysis, l‟auteur précise en outre qu‟il existe une pré-condition humaine générale, une structure biologique conditionnant l‟instinct de chaque individu. Autrement dit, il s‟agirait d‟un héritage ancestral ou d‟une forme d‟hérédité psychique. Si, biologiquement, le cerveau constitue l‟élément-clé du corps humain, il ne saurait, en effet, être à l‟abri de la transmission héréditaire de contenus psychiques11.

Bien que chaque être poursuive son destin et rencontre des obstacles qui tendent à expliquer les causes individuelles qui peuvent entraîner le développement de complexes, ce bagage génétique, composé de contenus instinctifs, participe selon Jung à l‟action des déterminismes qui influencent la perception des événements de la vie d‟un individu. Cela entraîne le renforcement ou le refoulement de ces derniers. En réalité, le psychanalyste suppose que nous serions tous porteurs d‟une tendance inconsciente à reproduire ou à rechercher des attitudes et des situations qui auraient été vécues d‟innombrables fois par les générations antérieures12.

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Les névroses ou complexes qui se manifesteront à un moment ou à un autre de l‟existence d‟un individu se trouvent, en principe, encouragés par les contenus réprimés qui sont logés dans l‟inconscient et sont donc presque inaccessibles : « [those forces] offer the most obstinate resistance to reason and will, thus accounting for the conflicting nature of the complex13. » Cela explique la difficulté rencontrée et le temps investi lorsqu‟on tente de guérir une névrose.

L‟archétype du père

Bien que sommaire, cet éclaircissement qui a trait à la nature et aux implications de l‟inconscient collectif en appelle un autre qui concerne l‟archétype. Si les contenus de l‟inconscient personnel diffèrent d‟un individu à l‟autre, « les contenus de l‟inconscient collectif sont les "archétypes"14 », qui, de manière similaire, participent de la psyché de tous les hommes. Jung en veut pour preuve le fait que ces motifs se retrouvent déjà implantés, « spontanément et plus ou moins universellement15 », dans de multiples cultures antérieures ou contemporaines et qu‟ils s‟exposent sous divers modes d‟expression. Il en fait la déclinaison dans le premier chapitre de son ouvrage intitulé Les racines de la

conscience : études sur l’archétype16. Jung note que les archétypes ont fait partie de la culture des sociétés primitives, qu‟ils ont influencé la philosophie antique, que les religions en témoignent et qu‟ils se retrouvent également dans les mythes et les contes. Dans Le

vocabulaire de Carl Gustav Jung17, coordonné par Aimé Agnel, « Jung […] déduit que l‟être humain ne naît pas tabula rasa mais simplement inconscient. Il apporte en naissant des systèmes organisés spécifiquement humains et prêts à fonctionner qu‟il doit aux millions d‟années de l‟évolution humaine18. » Les archétypes fonctionnent ainsi « comme des matrices de la représentation19 » et constituent « les conditions nécessaires à la formation des représentations20 ». Bien que l‟ouvrage de Jung susmentionné s‟oriente plus spécifiquement vers l‟archétype maternel, il est tout de même possible de saisir l‟importance de la relation avec le père dans le processus d‟individuation à l‟aide de son texte intitulé The Significance of the Father in the Destiny of the Individual. Selon le psychanalyste, ce processus tient lieu de « nécessité [relativement à] l‟intégration de

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d‟une influence décisive quant au développement de futures névroses22. L‟emprise qui lui est conférée provient de sa figure archétypale, en vertu de laquelle l‟enfant se représente les caractéristiques que devrait s‟approprier le père et entretient des attentes à son endroit23. Dans The Royal Tenenbaums, les troubles psychologiques vécus par les protagonistes paraissent précisément issus du rapport entretenu avec la figure paternelle24. Le père, Royal, fait également face à des obstacles émotionnels en réalisant quel mauvais père et mari il fut. Les notions explorées par Jung devraient permettre de mettre à jour les raisons qui sont à l‟origine des impasses familiales que la famille Tenenbaum connaît. De plus, le concept d‟archétype sera fort utile dans l‟observation de l‟effondrement mental de Margot Tenenbaum qui n‟est pas la fille biologique de Royal et souffre de son manque d‟affection. L‟universalité issue du concept d‟inconscient développé par Jung viendra donc ici appuyer l‟analyse.

Face aux obstacles de la vie adulte, Jung estime que la personne névrosée aura tendance à revenir vers la relation, jamais réellement abandonnée, au père et à la mère25. Afin de guérir d‟une névrose induite par un rapport parental ou paternel déficient, il est nécessaire que l‟enfant surmonte les obstacles de son milieu familial. À défaut de quoi il risque de succomber au destin auquel son attitude névrotique, adoptée en fonction de celle des parents, le prédispose26. Le processus d‟individuation doit, en conséquence, forcément se faire, afin de parvenir à l‟intégration et à l‟élimination consciente des contenus refoulés. Le déroulement du récit du film soumis à l‟analyse dans ce mémoire porte spécifiquement sur l‟évolution de personnages qui, ayant vécu une enfance difficile, tentent de s‟adapter au monde adulte malgré leurs complexes.

Si la matrice archétypale permet à l‟enfant d‟élaborer une image paternelle idéale et d‟anticiper l‟influence et le pouvoir de ce dernier sur lui27, elle influence également la formation du caractère du père. En effet, cette structure psychique confère à l‟homme, par nature, les prédicats de sa fonction, qu‟il ajustera relativement à son cheminement personnel. L‟influence du père n‟est donc pas parfaitement volontaire, puisqu‟elle se forge à partir d‟un modèle ancestral et inconscient. La fascination qu‟il exerce sur l‟enfant en est le reflet, puisque « [t]he archetype acts as an amplifier, enhancing beyond measure the

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effects that proceed from the father, so far as these conform to the inherited pattern28. » L‟archétype agit donc à titre de « potentialisateur » dans le développement du caractère du père et dans la perception que l‟enfant en a.

L‟une des caractéristiques essentielles de l‟archétype tient à sa dualité; « it is capable of diametrically opposite effects and acts on consciousness29 ». Tout comme Dieu, qui constitue l‟exemple par excellence de l‟archétype du père, le père réel ou la figure du père dans l‟esprit de l‟enfant peut à la fois protéger et détruire. Jung ajoute à cela que plus un père succombe au pouvoir négatif de l‟archétype, plus il est susceptible de devenir esclave de son inconscient. Le maintien d‟une position d‟autorité absolue ou indiscutable risque de forcer le père à adopter un comportement psychotique que son enfant aura tendance à reproduire30.

1.2 Notions de psychanalyse selon Jacques Lacan

Bien que les avancées de Lacan dans le champ de la psychanalyse se soient inscrites dans la continuité de la pensée freudienne, je souhaite ici aborder ces concepts indépendamment de leur origine, ou en leur accordant leur potentiel analytique propre. Ainsi, je mettrai de côté non seulement le discours du père fondateur de la discipline, mais également la divergence d‟opinions qui a eu cours à propos des idéologies freudiennes et jungiennes. J‟intégrerai à ce processus de recherche différentes notions développées par Jung et quelques idées proposées par Lacan. Dans l‟ouvrage Freud and Psychoanalysis, qui guidera mon analyse, Jung accorde la même importance que Freud attribuait à l‟influence du père dans l‟évolution de l‟identité de l‟enfant31. Il semble approprié d‟avoir recours aux théories de C. G. Jung et de Lacan pour analyser la démarche de structuration, à partir du récit, de l‟identité de la famille Tenenbaum. La psychanalyse devrait pouvoir révéler les implications de la figure du père dans l‟esprit de l‟enfant, en tant qu‟Autre et comme principe universel.

Dans le second Séminaire de Lacan, Le moi dans la théorie de Freud et dans la

technique de la psychanalyse32, un chapitre entier est consacré à la notion principale qui m‟intéresse, soit à celle de l‟Autre, avec un grand « A ». On y explique que le besoin de

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l‟Autre est ancré dans un processus de reconnaissance de soi. Cette notion, expliquée plus loin, paraît essentielle à la compréhension des motivations du père à retourner auprès des siens dans le film. La quête de reconnaissance qu‟entretient ce dernier passe inévitablement par la satisfaction des attentes en lien avec l‟altérité familiale et par le retour à une meilleure image de lui-même.

S‟ajoutent à ces réflexions, qui seront développées plus loin, des propositions inspirées du discours lacanien qui porte sur les rapports symbolique, imaginaire ou réel au père. À l‟aide du Dictionnaire de la psychanalyse33 dirigé par Roland Chemama et du texte d‟une communication portant sur la triade imaginaire / réel / symbolique, prononcée par Lacan en 1953 et éditée dans l‟ouvrage intitulé Des Noms-du-Père34, les différents stades traversés par les protagonistes relativement à l‟image du père qu‟ils se construisent pourront faire l‟objet d‟un examen. Les théories du psychanalyste, qui ne constituent pas l‟élément capital du cheminement analytique entrepris ici, serviront d‟outils complémentaires dans l‟exercice de clarification de certains comportements des personnages.

L‟autre versus l‟Autre

Dans son second séminaire, Lacan nous instruit sur les principes du langage et de la communication humaine. Selon le psychanalyste, « il n‟est de vérité et de signification en dehors du champ de la parole et du langage35 ». Le discours inconscient s‟ordonnerait à partir d‟une chaîne symbolique d‟événements identificatoires. Puisque la parole fraie dans l‟inconscient, celui-ci intervient forcément dans les rapports que l‟individu entretient avec les autres. La parole formulée par le récepteur servirait, en principe, à satisfaire les attentes qu‟il s‟imagine être celles de l‟autre. Y répondant, l‟émetteur attend du récepteur son assentiment. Dans le jeu de l‟échange, émetteur et récepteur satisfont les attentes de l‟Autre, soit de l‟inconscient. C‟est ce que Lacan nomme la communication intersubjective. Les principes psychanalytiques qui seront appliqués dans l‟exploration de cette œuvre filmique s‟appuient sur une démarche inductive. Le film permet, en effet, de déduire des personnages qu‟ils satisfont une certaine universalité sur le plan archétypal. En

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psychanalyse, l‟étude de l‟inconscient, qui se veut un principe englobant, se fait surtout sous la loupe du symbolique. Ainsi, il s‟agira de saisir comment le « je » du personnage intervient dans le texte narratif et de mettre en lumière les signes grâce auxquels il est possible de reconnaître que l‟influence paternelle agit sur lui.

Selon Lacan, aucun être n‟est total. Comme il le déduit, « [s]i on était totaux, on serait chacun de son côté, total, on ne serait pas là, ensemble, à essayer de s‟organiser36 ». Le film The Royal Tenenbaums révèle précisément cette tentative des membres d‟un groupe à faire à la fois « commun » ensemble et « total » individuellement. S‟appliquant à résumer les propos du psychanalyste, qui m‟aideront à résoudre cette énigme de la complétude jamais atteinte de l‟individu, on est amené à présumer que l‟Autre constitue, dans l‟inconscient, un être total, une figure idéale de qui l‟on obtiendrait la satisfaction du désir. On peut également supposer que, de manière fictionnelle, la quête de chacun des personnages consiste en l‟atteinte d‟un certain équilibre psychique ou d‟un sentiment de complétude qui exige des efforts participant de l‟organisation familiale ou sociale.

Selon Lacan, la valeur du langage se mesure à l‟intersubjectivité du « nous » qu‟il permet37. La parole constituerait ainsi une recherche constante de médiation d‟un sujet à un autre. Du point de vue du psychanalyste, chaque fois qu‟une parole est proférée, l‟objectif de l‟individu est d‟atteindre la satisfaction de l‟Autre, soit, pour aller vite, de l‟inconscient. Espérant être reconnu par l‟Autre, force est, en effet, de satisfaire les attentes qu‟on lui attribue. La réponse à cet Autre constitue une impossibilité. « Si la référence à une instance Autre se fait dans la parole, l‟Autre, à la limite, se confond avec l‟ordre du langage38 ». Le sujet échoue généralement à rejoindre l‟Autre, « puisque nul signifiant ne suffit […] à le définir39 ». Il ne parvient finalement qu‟à atteindre l‟Autre spéculaire (a’), dans lequel il voit son semblable superposable, par réflexion, à son moi40. En conséquence, « le désir du sujet, c‟est le désir de l‟Autre41 », soit de l‟inconscient. Ce dernier « est ce discours de l‟Autre où le sujet reçoit, sous la forme inversée qui convient à la promesse, son propre message oublié42 ». De même, la forme inversée s‟explique par la relation imaginaire que l‟un a avec cet Autre qu‟il est lui-même et qu‟il projette sur l‟autre. Dans l‟Autre, dans l‟inconscient, se nouent la reconnaissance du désir, de même que le désir de

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reconnaissance43. Ces notions sont d‟une fertilité évidente par rapport à la relation qu‟entretiennent entre eux les personnages du film The Royal Tenenbaums. Les dialogues y témoignent d‟une intersubjectivité déficiente que le langage ne satisfait pas.

Le père réel, le père symbolique et le père imaginaire

Il importe de définir les fonctions qui incombent au père. L‟identification proposée par Lacan des trois déclinaisons relatives à ces fonctions sera utile en ce sens. Dans le

Dictionnaire de la psychanalyse, l‟on distingue une fois de plus la spécificité du rôle du

parent masculin par rapport à celui de la mère44. Faisant l‟objet pour l‟enfant d‟une identification primaire où il est, d‟emblée, considéré comme idéal, la présence du père constitue évidemment un élément crucial dans le développement conscient de l‟enfant. Bien qu‟elles ne constituent pas une approche absolue à mettre en pratique pour exercer efficacement le rôle de père, les trois fonctions de la paternité définies par Lacan permettent de mieux saisir son implication et ses conséquences.

Le père réel représente le père concret, celui de la réalité familiale, qui porte en lui ses particularités individuelles, a fait ses choix et a connu ses difficultés. La place qui lui est conférée dans la famille dépend de la société dans laquelle il évolue, de même que de son histoire singulière, qui comporte son lot d‟obstacles et de troubles psychiques. Les attentes face à ce premier élément de la triade sont grandes : il doit faire valoir la loi symbolique (comprenons-la comme fondée sur la prohibition de l‟inceste), de même que ménager « un accès tempéré à la jouissance sexuelle45 ». Établissons immédiatement ici l‟intérêt de cette théorie dans le processus de recherche en cours, puisque le rapport à l‟inceste est, dans le film, questionné par le lien intime qui se tisse entre le fils biologique et la fille adoptive de Royal Tenenbaum. Ce lien est à la base de leurs malaises respectifs. Un père devrait condamner cette relation. Royal, le père de ces deux personnages dans le film, agit inversement. Par son insistance à mentionner que Margot est sa fille adoptive et par le fait qu‟il soutienne explicitement son fils au moment où ce dernier lui annonce être amoureux de sa sœur, il encourage cette liaison incestueuse ou symboliquement

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incestueuse. Considérant qu‟aucun lien de sang n‟unit les deux protagonistes, mais qu‟ils sont frère et sœur dans les faits, l‟on conçoit, ici, le recours à la notion symbolique.

Selon Lacan, le père réel devrait adopter une attitude quelque peu idéale. Pour que sa figure corresponde aux lois sociales, il devrait bannir l‟inceste et encourager ses enfants à réaliser que ce qu‟ils font symboliquement est réel ou à réaliser le « recouvrement du symbolique et du réel46 ». La fonction symbolique de l‟autorité paternelle devrait être incarnée par l‟homme réel. Cependant, le père ne peut qu‟être discordant par rapport à sa fonction puisque, possédant lui-même ses impasses et ses inhibitions, il est pour ses enfants « un père carent, un père humilié47 ». Pour Lacan, cette carence constitue la source même de ce qu‟il appelle la grande névrose contemporaine. Le psychanalyste décrit ce trouble comme l‟incapacité pour l‟enfant à rencontrer dans le père un obstacle relativement consistant qui l‟aiderait à parvenir à la dialectique des sublimations48. À défaut, « l‟impuissance et l‟utopie enferment son ambition49 » et empêchent tout élan instinctif et créatif. Cette condition répressive est évoquée chez les enfants Tenenbaum, de qui le génie fut radicalement effacé à la suite des trahisons paternelles, comme nous le fait remarquer la narration d‟introduction du film.

Venons-en enfin à la seconde ainsi qu‟à la dernière partie de la triade du père. Le père symbolique, que l‟on pourra éventuellement rapprocher de l‟archétype jungien, se rapporte à la formulation de l‟interdit dans l‟inconscient de chacun. En effet, cette dernière notion se trouve, selon Lacan, fondée sur la culpabilité du fils après le meurtre symbolique du père. Il est effectué à partir d‟un pur signifiant issu d‟une conscience ancestrale du parricide et de la pulsion oedipienne de l‟enfance. Du fait de notre condition humaine et de nos origines, ce meurtre symbolique se jouerait de manière similaire en chacun. Le signifié se tisse, postérieurement, par les acquis et les apprentissages. Ceux-ci comprennent leur part d‟interdits et font loi. Par conséquent, il s‟agit pour le psychanalyste de dire qu‟à la base, la loi renvoie toujours au père symbolique, parce qu‟elle est proférée au Nom-du-Père50. En tant que signifiant instinctif commun à tous, ce dernier terme représente la parole, l‟autorité reconnue du père, qui conduit le sujet à l‟assomption valable de son désir selon l‟ordre des sexes51. Ainsi, c‟est sous l‟ordre paternel que se joue la construction de

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l‟identité sexuelle : le père réel, donc le géniteur, a pour responsabilité de provoquer la sublimation du désir. Il le fait en personnifiant le père symbolique qui représente la loi. De cette façon, le désir de l‟enfant peut se transposer de l‟objet qu‟est la mère (ou encore le phallus symbolique) vers un objet tout autre (intellectuel, créatif, etc.). C‟est ici que se fait sentir l‟importance du père imaginaire qui dépend de « l‟image paternelle née du discours de la mère, de l‟image qu‟il donne de lui et de la manière toute subjective dont cet ensemble d‟éléments est perçu52 ». Par la mère qui lui accordera (ou non) une valeur relative, par l‟actualisation qu‟il fera des traits que lui confère la mère et par l‟interprétation qu‟en fera l‟enfant, s‟opérera ou non, et encore tant bien que mal, l‟événement castrateur. Le rôle du père imaginaire est par conséquent de mettre fin à la relation fusionnelle entre la mère et l‟enfant. L‟intervention de cette troisième personne force l‟enfant à entrer dans le symbolique, soit à s‟identifier au père ou à la mère, selon qu‟il s‟agit d‟une petite fille ou d‟un petit garçon, afin de profiter des prérogatives que l‟un a sur l‟autre. Il devra emprunter des traits de sa mère ou de son père, être un peu l‟un et l‟autre, pour avoir accès à l‟autre et à son désir propre. L‟activité du père imaginaire trouve ses limites dans le cadre du symbolique, puisque c‟est par le symbolique que se poursuivra la dialectique des sublimations. L‟activité du père imaginaire peut faire obstacle au père symbolique lorsque la place donnée au père dans le discours de la mère n‟est pas adéquate; celle du père réel peut faire obstacle, quant à elle, lorsque celui-ci n‟adhère pas aux caractéristiques qu‟exige son rôle.

1.3 Notions de philosophie selon Paul Ricoeur

Maintenant qu‟est clarifiée la portion psychanalytique de ma démarche, il convient d‟éclairer certaines réflexions philosophiques utiles à l‟analyse du film, puisque celles-ci remettront à l‟avant-plan l‟aspect narratif de l‟objet d‟analyse qu‟il importe de ne pas négliger. La psychanalyse et la philosophie adoptant des modes de pensée différents, il peut paraître périlleux de les poser côte-à-côte. Si la psychanalyse emprunte une méthode clinique proche de l‟observation, la philosophie s‟appuie sur des déductions empiriques. C‟est précisément pour cette raison que leur agencement, dans l‟analyse de l‟identité des personnages, sera utile. Il s‟agit là d‟une discussion entourant des personnages issus d‟un

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univers fictionnel. Bien que ceux-ci ne puissent pas être associés à des études cliniques, le récit leur prête des traits psychologiques vraisemblables ou proches de la réalité. Ni le film de fiction The Royal Tenenbaums ni ses personnages ne peuvent être totalement déconnectés de la réalité. Les notions d‟identité élaborées par le philosophe Paul Ricœur viendront donc expliciter le rapport entre le déploiement et l‟accomplissement de l‟identité des personnages et l‟intrigue. S‟établit dans cette dialectique une relation paradoxale : la quête identitaire des protagonistes se trouve soumise aux événements du récit, alors que l‟identité, qui constitue un thème essentiel du film, est à l‟origine de son déploiement narratif.

Ainsi s‟explique la pertinence de faire appel aux idées avancées par Paul Ricœur, philosophe ayant introduit la notion d‟identité par l‟entremise de la narrativité du récit de fiction. Les concepts d‟identité personnelle et d‟identité narrative énoncés dans Soi-même

comme un autre53 élargissent certainement l‟étendue de la réflexion sur la construction de l‟identité. Dans les paragraphes suivants, je m‟appliquerai à définir ces idées particulières que sont l‟idem (ou la mêmeté), perceptible par le caractère, et l‟ipséité, compréhensible par le maintien de la parole donnée dans le temps.

Parce que Ricoeur ne prend pas en compte la figure du père, il importe d‟insister, à ce stade de mise en contexte méthodologique, sur la définition précise de ce qui sera entendu par l‟expression « figure paternelle ». Dans son essai de psychologie Grandeurs et

misères de la relation père-fils : Essai de psychologie archétypale de la rencontre du père et du fils54, Jean Monbourquette décrit les figures paternelles en empruntant le point de vue de Jung : « La psychologie analytique de Jung soutient qu‟elles [ces images] originent tant de l‟idée du père du milieu culturel ambiant et de la perception que l‟on se fait de son propre père que d‟une sorte de forme innée du père colportée dans l‟inconscient collectif55. » La figure qui m‟intéresse ici est le produit du récit, puisque c‟est ce dernier qui la met en action. Toutefois, c‟est dans l‟imaginaire de chacun qu‟elle en vient à se sédimenter pour être par la suite reconnue et interprétée par le spectateur. Reprenant les paroles de Jung, répétons que, dès sa naissance, l‟homme profite déjà de déterminismes inconscients issus d‟une longue lignée d‟ancêtres56. Finalement, lorsque la figure du père

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prend corps, elle le fait, d‟abord, en fonction de l‟héritage humain, correspondant aux situations humaines qui existent et se développent depuis le début de l‟humanité, puis elle se trouve actualisée en fonction d‟un contexte particulier.

L‟identité personnelle, idem et ipse

Chez Ricoeur, le concept d‟identité est notamment soumis à la notion de temporalité. Selon ce dernier, « l‟identité personnelle […] ne peut s‟articuler que dans la dimension temporelle de l‟existence humaine57 ». Il précise par ailleurs qu‟« en maints récits, c‟est à l‟échelle d‟une vie entière que le soi cherche son identité58 ». Ainsi, le dialogue entre l‟idem et l‟ipse dépend d‟une permanence dans le temps de l‟identité.

Mais débutons avec la description du concept de mêmeté. Celui-ci comprend deux caractéristiques : l‟une numérique, l‟autre qualitative. L‟identité numérique suppose que deux occurrences d‟une chose dans le temps forment en réalité une seule et même chose. « Identité, ici, signifie unicité […]; à cette première composante de la notion d‟identité correspond l‟opération d‟identification, entendue au sens de ré-identification du même, qui fait que connaître, c‟est reconnaître59. » Par exemple, un individu identifié par un nom précis est reconnu comme étant une même et unique personne lorsqu‟il est rencontré à deux journées d‟intervalle. La seconde caractéristique constituant le substrat identitaire de l‟idem est d‟ordre qualitatif : il s‟agit de la ressemblance extrême, à quoi « correspond l‟opération de substitution sans perte sémantique60 ». Si des changements physiques sont survenus sur un individu entre l‟enfance et l‟âge adulte, il est encore possible de l‟identifier par des caractéristiques de ressemblance qui existent à ces deux époques. Ces deux caractéristiques sont irréductibles l‟une à l‟autre, car c‟est précisément lorsque le temps est impliqué dans la suite des occurrences d‟une chose que sa ré-identification numérique ou qualitative a lieu. Le philosophe fait appel à une troisième caractéristique qui a trait à la continuité ininterrompue. « [D]ans le cas d‟une grande distance dans le temps, [il] suggère que l‟on fasse appel à un autre critère […], à savoir la continuité ininterrompue entre le premier et le dernier stade du développement de ce que nous tenons pour le même individu61 ». À la base de ces trois caractéristiques de l‟assemblage identitaire se pose un fondement essentiel qui

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en détermine la fonctionnalité : c‟est par le principe de permanence dans le temps que l‟on pourra assumer le caractère invariable d‟un individu, malgré les changements qui peuvent survenir à la périphérie du système combinatoire qui le constitue. Cela confirme la propriété relationnelle qu‟attribue Ricoeur à l‟identité : « Toute la problématique de l‟identité personnelle va tourner autour de cette quête d‟un invariant relationnel, lui donnant la signification forte de permanence dans le temps62. » Toujours selon le philosophe, « nous disposons en fait de deux modèles de permanence dans le temps […] : le caractère et la parole tenue63 ». Le caractère constitue l‟assise du concept de mêmeté, tandis que l‟idée de la parole tenue est, à titre d‟exemple64, associée à la notion d‟ipséité. Cette dernière réfère au « soi ». D‟elle découle l‟élaboration du principe de maintien de soi relativement, là aussi, à la quête de permanence dans le temps. Le philosophe précise qu‟il y a « le pôle du caractère, où idem et ipse tendent à coïncider et le pôle du maintien de soi, où l‟ipséité s‟affranchit de la mêmeté65 ».Les réflexions au sujet de l‟idem proposées par Ricœur seront d‟une aide précieuse au moment d‟analyser la persistance des attitudes néfastes du père à travers le déroulement du récit. Quant au second pôle identitaire, le maintien de soi de l‟ipséité, dont la promesse tenue est l‟exemple, il servira certainement à éclairer les fondements de la déconstruction identitaire des personnages, considérant que la parole donnée par l‟engagement paternel n‟a pas été, dans ce film, tenue. La présentation, sous forme schématique, des idées principales proposées par Ricoeur aide à mieux comprendre le dialogue établi par les personnages du film The Royal Tenenbaums entre les deux pôles de l‟identité. On comprend que « l‟histoire d‟une vie ne cesse d‟être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu‟un sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d‟histoires racontées66 ».

L‟identité narrative

Si le caractère peut se confondre avec le soi, parce que « mon caractère c‟est moi, moi-même, ipse67 », cet ipse doit plutôt être entendu comme un idem. On reconnaît

effectivement quelqu‟un à ses références, à ses appréciations et à ses estimations stabilisées qui assurent sa continuité ininterrompue malgré le changement. Puisque des transformations s‟opèrent tout de même en chaque individu, il faut considérer cette stabilité

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comme étant soumise à changement. Le caractère des personnages s‟érige en « quoi » du « qui », ce qui leur confère une histoire et une portée narrative. Les dispositions évaluatives des personnages étant soumises à une intrigue, elles évoluent tout au long du récit. Mais « l‟on ne peut penser jusqu‟au bout l‟idem de la personne sans l‟ipse, lors même que l‟un recouvre l‟autre68 ». L‟ipséité, quant à elle, se distingue de son support qu‟est la mêmeté, qui a trait au caractère du personnage. Le maintien de soi, en effet, « ne se laisse pas inscrire, comme le caractère, dans la dimension du quelque chose en général, mais uniquement dans celle du qui 69 ». La nécessité éthique qu‟a l‟individu de répondre, par la fidélité, à la confiance que l‟autre place en sa parole, l‟amène à accomplir des actes qui pourraient différer de l‟évolution de son caractère. L‟identité narrative témoigne, en principe, de ces traits constitutifs des personnages qui oscillent entre les deux limites de la permanence dans le temps que sont la persévération du caractère et le maintien de soi. L'identité narrative peut finalement s‟entreprendre comme un processus d'identification semblable à celui que nous connaissons dans la réalité. De fait, « l‟identité narrative, constitutive de l‟ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d‟une vie70 ».

En réalité, tout le raisonnement de Ricoeur se modélise sur la base de la notion de mise en intrigue, que l‟on peut interpréter comme un arrangement caractéristique des connexions entre les événements. Or, si l‟on peut affirmer qu‟en littérature (ou au cinéma), l‟intrigue détermine la mise en place des péripéties ou actions de l‟histoire, on peut également établir qu‟ « [e]st personnage celui qui fait l‟action dans le récit. La catégorie du personnage est donc elle aussi une catégorie narrative et son rôle dans le récit relève de la même intelligence narrative que l‟intrigue elle-même71. » L‟identité narrative ne correspond pas à autre chose qu‟à l‟identité du personnage. Cette dernière ne peut se concevoir comme

une identité stable et sans faille; de même qu‟il est possible de composer plusieurs intrigues au sujet des mêmes incidents […] de même il est toujours possible de tramer sur sa propre vie des intrigues différentes, voire opposées. […] En ce sens, l‟identité narrative ne cesse de se faire et de se défaire72.

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À la suite de ces déductions logiques, il est facile d‟entrevoir, dans les conclusions auxquelles parvient Ricoeur, les multiples pistes de réflexion qui guideront le travail d‟analyse dans lequel je m‟engage, notamment par rapport à la question de la construction identitaire. Et puisque, en effet, les êtres à la fois sociaux et fictifs de la famille Tenenbaum transigent tous leur identité sur la base de récits de vie falsifiés, troués, inventés ou dénaturés, le mouvement narratif du film les entraîne précisément à la refiguration possible de leur intrigue propre, à l‟éventualité d‟une étoffe individuelle établie sur l‟authenticité de sa trame.

1.4 Mise en relation des théories

Maintenant qu‟est faite la déclinaison de ces notions philosophiques et psychanalytiques, il est essentiel de bien faire la distinction entre le rapport hérédité / culture et le rapport apprentissage / culture. Socialement, la position et le rôle du père dépendent beaucoup des apprentissages culturels. La prétention de Lacan à l‟effet que la place du père et de la mère en relation avec l‟enfant ne sont pas équivalentes pourrait donner lieu à des modifications. En d‟autres lieux ou à d‟autres époques ou encore selon un mode de vie autre que le nord-américain, il pourrait en être autrement. En m‟appuyant sur la démonstration de Jung grâce à laquelle on comprend qu‟il existe, malgré les apprentissages, des concepts immuables ancrés dans la nature humaine qui conditionnent fondamentalement la culture, je pourrai mieux saisir le caractère des personnages.

Les concepts développés par les trois auteurs seront mis au service de l‟analyse de l‟identité narrative. Celle-ci se conçoit à partir de ce que le récit fait de son personnage et de ce qu'il lui fait faire. Par conséquent, l‟identité des personnages se construit à partir de leurs actions, qui peuvent être traitées, pour le bienfait de l‟analyse, comme des comportements « psychanalysables ». Parce que le cinéma constitue un langage en soi, le récit qu‟il raconte découle forcément de ce langage. Or, si l‟on peut considérer que le récit cinématographique mis de l‟avant ici vise la représentation de l‟évolution des identités qui le composent, nous pouvons affirmer que le langage joue un rôle crucial dans la transformation de celles-ci. La figure paternelle, telle qu‟elle est mise en place par la psychanalyse et telle qu‟elle est envisagée dans le cadre du récit d‟une vie, influence les

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mutations identitaires représentées à l‟écran. L‟identité est toujours narrative, mais elle est tout autant psychanalytique, selon qu‟elle se bâtit par rapport au langage et par rapport à la figure du père. Dans le film qui m‟intéresse, le motif principal du récit consiste précisément en la figure du père. Celle-ci sera étudiée selon les notions précédemment mentionnées, qui s'inspirent de la psychanalyse et de la philosophie. La première approche sert d'entrée en matière, tandis que la seconde constituera un enjeu de réflexion. À partir de ces deux approches et des observations issues de ce cas filmique précis, des propositions de sens seront établies. Elle seront, bien sûr, soumises à l‟image filmique.

Malgré leur assemblage en apparence contrasté, les approches susmentionnées s‟entrecroisent et se recoupent en divers endroits. Par exemple, la parole tenue fait écho à l‟archétype du père ou à sa figure idéale. Implicitement, devenir père implique de tenir promesse, de remplir le rôle de protecteur et d‟encadrer moralement l‟enfant. L‟obligation du père tient à des caractéristiques archétypales, héritées d‟une longue lignée d‟ancêtres. Il semble, nous dit le film, que lorsque cette tâche est négligée, le fardeau retombe sur les générations futures. Ce sont elles qui devront composer avec leurs démons inconscients, créés par le sentiment d‟abandon de la part de ce pilier de leur construction identitaire qu‟est le père. Ce processus est associé par C. G. Jung à l‟individuation, qui consiste, sommairement, en l‟intégration des contenus inconscients dans le conscient. Lacan, de son côté, s‟applique à définir en l‟Autre un concept semblable de complétude de l‟individu, et insiste sur les difficultés symboliques qui entourent la conception du moi. Cette quête se retrouve évidemment dans The Royal Tenenbaums. Les enfants y luttent contre les blessures morales de leur enfance qui ont été infligées par le père, alors que celui-ci est assailli par le remords ou pense qu‟une réconciliation est devenue nécessaire. Par ailleurs, si la figure du père prend un sens particulier dans le film, sa construction paraît assortie aux conclusions cliniques que posent ces deux mêmes psychanalystes; Lacan fait appel à la notion de père symbolique, tandis que Jung élabore toute une modélisation psychique autour du terme d‟archétype, que l‟on peut appliquer à la position paternelle. La compréhension du rôle et du pouvoir qu‟exerce la figure du père sur l‟individu s‟appuie, selon les deux psychanalystes, sur une structure plus ou moins universelle et idéalisée, dont la mauvaise intégration pourrait causer des dommages psychologiques sur chacun. Lacan

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propose l‟idée que « [l]a vérité a structure de fiction73 ». Il prétend par là qu‟elle s‟articule toujours en relation avec la place que le sujet se donne par rapport à l‟Autre, une place, donc, qui se structure dans l‟inconscient.

Pour bien mettre en place l‟adjonction des diverses approches théoriques évoquées, je terminerai en rappelant que Lacan et Ricoeur expriment une idée similaire au sujet de la problématique de la névrose individuelle, qui servira d‟appui fondamental à mon analyse. Il s‟agit de leurs propositions respectives par rapport à la promesse. Pour Ricoeur, c‟est dans l‟idéologie de la parole donnée que se joue le maintien de soi qui permet d‟atteindre une permanence temporelle de l‟identité. Lacan note, quant à lui, que la promesse reflète le discours de l‟Autre, dans lequel un sujet reçoit son propre message oublié qui témoigne d‟une impossible reconnaissance, dans la mesure où le discours est celui de l‟inconscient. On pourrait ajouter à cela que l‟archétype du père, selon Jung, se structure également autour de la notion de promesse, puisque les caractéristiques correspondant à ce terme comprennent aussi une notion de fidélité, sinon à quelqu‟un, à un rôle. Attendu que ce devoir n‟est pas, dans le film, totalement accompli, les marques de l‟absence du père sont perceptibles dans l‟évocation par le cinéaste de figures symboliques plutôt révélatrices, qui seront aussi relevées et interprétées par la convocation d‟une analyse formelle.

Parallèlement, l‟emploi caractéristique que le cinéaste fait du concept d‟ironie sera fréquemment mis en lumière, particulièrement en regard du personnage paternel, puisque cette notion renforce certaines propositions du récit. J‟entends par ironie le décalage volontairement instauré par le cinéaste Ŕ ou par l‟entremise des personnages Ŕ entre ce qui est défini de la réalité et la réalité elle-même. Toutefois, il est important de remarquer que le personnage de Royal porte en lui les marques de l‟ironie dite socratique, c‟est-à-dire qui consiste à « pos[er] des questions en feignant l‟ignorance […] pour conduire l‟interlocuteur à prendre conscience de sa propre ignorance74 ». Dans le cas de Royal, il s‟agit plutôt, cependant, d‟agir de la sorte pour faire valoir son innocence. Cette tactique trouve écho dans l‟utilisation de l‟appareil cinématographique du film, qui, par un procédé d‟illustration / démonstration, marque certains événements pour en faire des situations typiquement représentatives d‟une certaine régularité ou d‟un motif.

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Finalement, l‟agrégat méthodologique qui résulte de cet agencement conceptuel ne se présente certes pas comme parfaitement homogène, mais il constitue le nœud où certains des aspects théoriques déployés par la psychanalyse et la philosophie se rencontrent. Ces deux disciplines font, d‟une certaine façon, appel à la représentation de l‟imaginaire dont le film tient lieu. La trame narrative offre, par sa nature fictive, la possibilité de se pencher, de manière complémentaire, sur certaines images à portée symbolique qui amplifient les enchaînements relationnels discernables au sein de la famille représentée dans The Royal

Tenenbaums.

Ainsi, la psychologie complexe des personnages auxquels le réalisateur donne naissance dans son œuvre sera mise en lumière dans ce mémoire, sans que ne soit quittée des yeux la nature fictive du film et, par conséquent, l‟influence de certains éléments visuels qui révèlent l‟expressivité de l‟identité narrative. Le cinéma se présente donc comme un objet de choix dans le cadre cette étude, puisqu‟il est indissociable de la fiction envisagée par les psychanalystes dans la constitution de l‟individu et de l‟identité qui, selon Ricoeur, appelle le récit.

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NOTES

1

Daniel Canty, « La famille de Charlie Brown : Les bonheurs inventés de Wes Anderson », dans 24 images, no 122 (été 2005), p. 41.

2 Ibid, p. 40. 3

Christian Jauberty, « Le style Anderson », dans Premiere Paris, no 301 (mars 2002), p. 65.

4

Diane Dubeau, Annie Devault et Gilles Forget [dir.], La paternité au XXIe siècle, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009, p. 116.

5 Précisons dans le cas actuel que le rôle du père est entendu comme le même auprès des enfants

biologiques et de l’enfant adoptée, puisque le père entre d’abord génétiquement en fonction à la naissance de Chas, et que sa tâche de substitut pour sa fille devrait en principe suivre des fondements parentaux similaires.

6

C. G. Jung, « The Significance of the Father in the Destiny of the Individual », Freud and Psychoanalysis: The

Collected Works, vol. 4, New York, Pantheon Books Inc., 1961, p. 301.

7 Qui constitue le livre I de Les racines de la conscience. 8

Texte que l’on retrouve dans Freud and Psychoanalysis: The Collected Works.

9

Andrew Samuels [éd.], The Father: Contemporary Jungian Perspectives, New York, New York University Press, 1986.

10

C. G. Jung, Les racines de la conscience, Paris, Éditions Buchet / Chastel, 1971, pp. 13-14.

11

C. G. Jung, « The Significance of the Father in the Destiny of the Individual », op. cit., p. 302.

12 Idem. 13 Idem. 14

C. G. Jung, Les racines de la conscience, op. cit., p.14.

15 Aimé Agnel [dir.], Le vocabulaire de Carl Gustav Jung, Paris, Ellipses Édition Marketing S.A., 2005, p. 18. 16

Le texte qui nous intéressera particulièrement ici constitue le livre I de cet ouvrage et s’intitule Des

archétypes de l’inconscient collectif.

17

Aimé Agnel [dir.], op. cit.

18 Ibid, p. 17. 19

Ibid, p. 18.

20

Idem.

21 C. G. Jung, Les racines de la conscience, op. cit., p.58. 22

C. G. Jung, « The Significance of the Father in the Destiny of the Individual », op. cit., p.303.

23

Il est à noter que l’étude de C. G. Jung relatée dans ce texte visait à déterminer les variations des réactions des fils par rapport à leur père et des filles plutôt par rapport à leur mère. Cependant, les cas décrits à la suite de l’abrégé des résultats de cette analyse abordent la problématique de la relation entre la névrose et le rapport au père, et ce, par l’observation de patients tant masculins que féminins, démontrant que bien des caractéristiques de la figure paternelle qui influencent la construction ou la déconstruction de l’identité à l’âge adulte agissent de manière comparable ou équivalente sur la fille et sur le garçon (notamment le rapport à l’autorité, à la sexualité, à l’affection maternelle / paternelle…).

24

Cette figure paternelle, dans sa représentation spécifique au récit qui m’intéresse, sera plus profondément définie ultérieurement lors de l’analyse des personnages.

25

C. G. Jung, « The Significance of the Father in the Destiny of the Individual », op. cit., p. 303.

26 Ibid, pp. 305-306. 27 Ibid, p. 321. 28 Ibid, p. 323. 29 Ibid, p. 321. 30 Ibid, p. 316. 31 Ibid, p. 303. 32

Jacques Lacan, Le Séminaire livre II : Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la

psychanalyse, Paris, Éditions du Seuil, 1978.

33

(31)

34

Jacques Lacan, Des Noms-du-Père, Paris, Éditions du Seuil, 2005.

35

Ibid., p. 120.

36

Jacques Lacan, Le Séminaire livre II : Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la

psychanalyse, op. cit., p. 285.

37

Jacques Lacan, Écrits I, Paris, Éditions du Seuil, 1966, p. 297.

38

Roland Chemama [dir.], op. cit., p. 28.

39 Idem. 40

Jacques Lacan, Le Séminaire livre II : Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la

psychanalyse, op. cit., p. 284.

41 Roland Chemama [dir.], op. cit., p. 29. 42

Jacques Lacan, Écrits I, op. cit., p. 436.

43

Ibid, p. 522.

44 Roland Chemama [dir.], op. cit., p.199. 45

Ibid, p. 200.

46

Jacques Lacan, cité dans Roland Chemama, op. cit., p. 200.

47 Idem.

48 Cette dialectique est expliquée (dans Roland Chemama, op. cit., p. 270) comme le remplacement d’un but

/ objet sexuel initial (par exemple le désir de l’enfant mâle pour la mère) par un but / objet non-sexuel tout aussi intense (un désir créatif, social, intellectuel ou autre).

49

Jacques Lacan, cité dans Eliane Pamart-Ribereau, De l’autorité paternelle au discours du maître [en ligne]. http://www.champlacanienfrance.net/IMG/pdf/eribereau.pdf p. 4, [Page consultée le 10 novembre 2010].

50

Roland Chemama [dir.], op. cit., p. 200.

51 Ibid, p. 184 et p. 197. 52

Ibid, p. 117.

53

Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Éditions du Seuil, 1990.

54 Jean Monbourquette, « Grandeurs et misères de la relation père-fils », Un amour de père, Montréal, Les

éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1987.

55

Ibid, p. 149.

56 C. G. Jung, « The Significance of the Father in the Destiny of the Individual », op. cit., p. 315. 57

Paul Ricoeur, op. cit, p. 138.

58 Ibid, p. 139. 59 Ibid, p. 140. 60 Ibid, p. 141. 61 Idem. 62 Ibid, pp. 142-143. 63 Ibid, p. 143. 64

Puisqu’il ne s’agit pas là de l’unique représentation que Ricoeur en fait; il en est d’autres dont le versant est éthique.

65 Paul Ricoeur, op. cit., p. 143. 66

Paul Ricoeur, cité dans Isabelle Laplante et Nicolas De Beer, Pratiques narratives [en ligne]. http://www.pratiquesnarratives.com/-2l-IdentiteNarrative.html [Page consultée le 10 novembre 2010].

67 Paul Ricoeur, op. cit., p. 146. 68

Ibid, p. 147

69

Ibid, p. 148.

70 Paul Ricoeur, cité dans Isabelle Laplante et Nicolas De Beer, op. cit. 71

Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 170.

72

Paul Ricoeur, cité dans Isabelle Laplante et Nicolas De Beer, op. cit.

73 Jacques Lacan cité dans Marc Strauss, Scènes primitives [en ligne].

http://lacanian.memory.online.fr/MStrauss_scenes_primitives_1996.htm [Page consultée le 10 novembre 2010].

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Chapitre 2. Chas Tenenbaum

Le texte de Louis Guichard, publié dans la revue Télérama, résume bien la situation de la famille Tenenbaum. Il explique que dès le début du film,

une voix off raconte l‟enfance des trois rejetons Tenenbaum, tous précocement célèbres : Chas, l‟aîné, pour son sens des affaires, Margot, la cadette, pour ses dons littéraires et Richie, le benjamin, pour ses exploits en tennis. Vingt-deux ans plus tard, la mère […] a chassé depuis longtemps le père […], coureur de jupons et magouilleur, devenu clodo de luxe. Quant aux enfants […], patatras : trentenaires, mariés ou non, parents ou pas, ils ne partagent plus qu‟une dépression chronique et un même sentiment d‟échec1.

C‟est effectivement le cas de Chas, qui, en plus de subir les conséquences de l‟abandon paternel, a également dû faire face à la perte de sa femme, décédée accidentellement. À partir de ce moment, il fut donc contraint de subvenir seul aux besoins de ses deux enfants. Dans Studio Magazine, Michel Rebichon le décrit comme « un homme qui réfléchit trop, prend tout au premier degré et qui, surtout, a peur de tout2 ». Ce personnage concentre toutes ses énergies à la surprotection de ses enfants, qu‟il entraîne durement à survivre à la survenue d‟un incendie nocturne. C‟est d‟ailleurs au moyen d‟une séquence d‟exercice de feu qu‟est cinématographiquement introduite la vie adulte du personnage. Il s‟agit également là d‟un élément déclencheur du film, dans la mesure où sa peur du feu l‟incite à retourner à la maison familiale. Par la suite, Margot et Royal feront de même. Ainsi, dès les premières minutes du film, le spectateur peut déjà poser un certain diagnostic en ce qui a trait à l‟état mental de Chas, puisque la mise en scène élaborée par le cinéaste laisse voir quelques moments choisis de l‟enfance des Tenenbaum, de même que les comportements juvéniles et adultes du personnage.

À l‟aide d‟exemples tirés du film, je mettrai ici en évidence les caractéristiques dont le personnage de Chas est porteur. En m‟appuyant sur des concepts issus de la psychanalyse lacanienne et jungienne, j‟analyserai par la suite le rapport du protagoniste avec la figure paternelle. Je tenterai finalement de saisir et d‟expliciter le processus de construction identitaire du personnage à partir de l‟enfance et jusqu‟à l‟âge adulte, en faisant appel au concept d‟identité narrative suggéré par Ricoeur.

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2.1 Caractéristiques du personnage

Pendant le plan de situation établi par un mouvement panoramique vertical qui laisse voir l‟aîné à l‟étage du milieu, Chas Tenenbaum apparaît pour la première fois à l‟écran. Il se tient à la fenêtre de sa chambre dans la maison d‟Archer Avenue. La séquence suivante le place en position centrale, entouré de son frère et de sa sœur. Il est assis à l‟extrémité de la grande table de la luxueuse salle à manger familiale. À l‟autre extrémité, leur père leur fait face. Les vêtements d‟homme d‟affaires de Chas trahissent déjà son attitude confiante et le fait qu‟il est en pleine possession de ses moyens. Il sera en effet démontré quelques minutes plus tard que l‟enfant possède un réel don pour la finance et qu‟il est donc, à tous égards, en possession de ses « moyens ». C‟est la fascination de Wes Anderson pour les génies qui a fait de cet élément un point important de son œuvre. À ce sujet, Michel Rebichon cite le cinéaste : « "Étant fasciné par les génies, j‟ai eu l‟idée d‟une famille qui en comporterait trois en culotte courte et que la vie aurait malmenés"3. » Il ajoute à cela qu‟à la suite du processus de réflexion issu de cette prémisse « "a émergé la figure du père […], qui est devenu le pivot de l‟histoire et aussi le vrai déclencheur de ce drame familial à retardement"4 ». Le dialogue initial du film, qui a trait à la rupture des parents, illustre de manière éloquente la place prépondérante du père dans le récit. Cet événement provoquera, quelques années plus tard, la perte progressive et irrémédiable des dons exceptionnels des trois enfants. Pendant ce dialogue, Chas paraît sûr de lui, voire même un peu défiant par rapport à son père. Le fait que le cinéaste le place toujours en position centrale dans le cadrage renforce l‟impression qu‟il représente l‟autorité de la fratrie et suggère l‟idée du duel auquel il se livre avec son père. Son attitude corporelle en dévoile beaucoup sur son tempérament : dos droit, bras croisés, regard dur et fixé sur le patriarche sont des indices qui laissent entrevoir que la relation filiale périclite déjà. Cela semble entre autres causé par l‟affection de Chas pour sa mère, puisque les préoccupations de ce dernier concernant la séparation parentale sont dirigées vers elle. L‟unique question qu‟il adresse à son père est la suivante : « Do you still love mom? ». L‟aîné paraît vouloir insister sur l‟importance de rendre justice à sa mère. Pour ce faire, il tente de rapporter les paroles qu‟elle aurait prononcées au sujet de Royal, alors même que celui-ci s‟évertue à minimiser le fait que, plutôt que le manque d‟amour, c‟est son manque d‟honnêteté qui est

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