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ARTICLE DE LA REVUE JURIDIQUE THÉMIS

On peut se procurer ce numéro de la Revue juridique Thémis à l’adresse suivante : Les Éditions Thémis

Faculté de droit, Université de Montréal C.P. 6128, Succ. Centre-Ville

Montréal, Québec H3C 3J7

Téléphone : (514)343-6627 Télécopieur : (514)343-6779

Courriel : themis@droit.umontreal.ca

© Éditions Thémis inc.

Toute reproduction ou distribution interdite disponible à : www.themis.umontreal.ca

(2)

La Revue juridique Thémis / volume 29 - numéro 1

Questions sur l'influence du droit français sur le droit de la responsabilité médicale

Gérard MéMETEAU[1]

!41 I.!LES MANIFESTATIONS D'INDÉPENDANCE

!42 A.!Les éloignements substantiels 1.!La licéité des interventions!42 a)!L'expression du consentement!43 b)!L'autodétermination du sujet!52 2.!Les divergences doctrinales!70

!84 B.!Les éloignements formels 1.!La question des références!85 a)!Les auteurs cités!86

b)!La jurisprudence citée!94 2.!La question rédactionnelle!105

!110 II.!LES PILIERS D'UNE COLLABORATION

!111 A.!Quelques principes communs 1.!Le contrat médical!113

a)!L'apparition du contrat médical!113 b)!Une responsabilité contractuelle?!121 2.!L'assentiment éclairé à l'acte médical!126

(3)

a)!Exigence de droit civil126 b)!Implications!128

!131 B.!Les références communes

1.!La querelle des emprunts juridiques à la common law!131 a)!La res ipsa loquitur!132

b)!L'assentiment éclairé à l'acte!136 2.!Le cercle de famille!144

a)!Références et droit substantiel!144 b)!Point de départ?!145

149

-- LA MESURE DE L'INFLUENCE DU DROIT CIVIL FRANÇAIS

ANNEXE SUR

LE DROIT QUÉBÉCOIS DE LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE France, mère des Arts, des Armes et des Lois

J. du Bellay

La servitude de puiser de l'eau à la fontaine d'autrui...

, art. 696; , art. 552.

Code civil français Code civil du Bas Canada

À quoi bon s'interroger? Il est acquis, n'est-ce-pas, que le droit québécois a suivi le modèle civiliste français, et que le Code de 1866 a copié le dans la forme -- c'était ordonné -- et dans les principes, sinon par adoption d'articles tout entiers! C'est la gloire du droit civil français! Ce sont les exportations du Code, d'autorité -- car, disait Talleyrand, l'Empereur ne badine pas -- dans les fourgons de la grande Armée (cela donna Zachariae, et Zachariae provoqua Aubry et Rau, restituant à César ce qu'il avait prêté), ou de raison, même <<dans des pays socialement très différents>> . Ce n'est pas rien que de lire que le Japon va commémorer le passage de Boissonnade, les convenances taisant que <<sa femme a passé trois mois au Japon, elle a pleuré trois mois puis elle est repartie ... sa femme que Maman a vue à Paris nous avait donné pour lui un paquet de remèdes pour l'asthme et une bouteille de vinaigre à l'estragon qui...>> ; que de constater les emprunts et acculturations du modèle civil français, modèle tellement universel, dit-on, que Laurent, belge, professeur à Gand, n'en discute pas les mérites: <

<Notre Code civil porte le titre de Code Napoléon; la postérité reconnaissante lui a conservé ce titre...>>. Au XIX siècle en tout cas, tant que les Codes allemand et suisse n'ouvriront pas la concurrence, le Code français exercera une influence que M. le Doyen Cornu qualifie de <<

prépondérante>> . Mais, révérence consentie au Gallicanisme, célébrations lyriques passées, il est séant d'admettre qu'il y eut des replis, d'autres choix, des mélanges de genre dont la

Louisiane n'est qu'un exemple, bien que son Code civil reproduisît des passages entiers du .

Code civil français

[2]

[3]

e

[4]

Code civil français[5]

Si nous parlons de droit médical, plus étroitement que de droit civil, observons-nous ces flux et reflux? La consultation des oeuvres belges, suisses, nous renvoie à nos propres sources, et, surtout au droit belge, nous le rendons bien. Anrys, Dierkens, Dijon, Hennau-Hublet,

Ryckmans, sont de la maison; nous sommes de la leur. La doctrine espagnole ne dédaigne pas la référence aux auteurs français, pour autant que nous en ayions connaissance[6]... En revanche,

(4)

lorsque l'on quitte le continent, l'utilité de la consultation de notre droit n'est plus aussi évidente:

en Grande-Bretagne, Speller n'y porte, sauf omission, aucune attention , pas davantage que, aux États-Unis, P.C. Weiler dans son récent ouvrage sur la responsabilité médicale . Il n'y a là que des exemples pris au hasard de ces facilités de documentation dont nous mesurerons l'impact très concret chez les juristes du Québec, et dont nous sommes nous-mêmes, et sans doute plus encore, tributaires. Peut-être nous opposerait-on d'autres travaux, mais au moins devinons-nous que la réflexion sur le droit médical français n'est pas nécessairement un réflexe du spécialiste étranger. Peut-être au moins le droit médical européen qui se crée, et qui sans être français n'est pas étranger, reçoit-il plus profondément nos modèles ?. Rien n'est moins assuré.

Il semble, sous réserve de plus savantes interprétations, que la jurisprudence de la Cour

européenne des droits de l'Homme (Strasbourg) consente, en tant qu'intéressant les droits sur le corps humain, une écoute (trop) attentive au et au concept d'autodétermination du sujet, qui n'entrent pas dans les cadres du droit civil. Ceci se comprend par une composition internationale de la Cour, avec des sensibilités dominantes étrangères au système de pensée civiliste, mais oblige la jurisprudence française à corriger le laxisme des arrêts strasbourgeois lorsque leur lecture de la Convention du 4 novembre 1950 devient menaçante pour la dignité et l'intégrité de l'être humain (nous proposerions à cet égard l'exemple du transsexualisme). Ce n'est pas le moindre des paradoxes, que de voir un document international destiné à garantir les Droits de l'Homme les menacer par une exaltation de la liberté individuelle entrant dans une logique d'autodestruction. Il faudra bientôt s'interroger sur le projet de Convention de bioéthique du Conseil de l'Europe présenté courant juillet 1994... Nous retrouverons ce principe de

décision, le droit supérieur qu'est le droit à l'autodétermination, qui oblige à respecter, entre autres, les refus de soins, jusqu'à la curiosité de la condamnation du praticien qui aurait sauvé le sujet contre le gré de celui-ci ... Même à l'intérieur de nos frontières, il n'est point facile d'empêcher le droit civil d'être <<submergé par la pression de la common law>> !

[7] [8]

stricto sensu [9]

right of privacy

[10]

[11]

Quant aux normes de Bruxelles et de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) (à Luxembourg), elles feraient courir à l'acte médical un risque de dénaturation, pour le

disqualifier en prestation de service relevant en réalité du droit des affaires. L'aventure de l'avortement est exemplaire, toute considération éthique et <<jusmédicaliste>> échappant à l'arrêt de la C.J.C.E. du 29 octobre 1992, tant il est vrai, écrit un de ses commentateurs que <<le traité CÉE a pour objectif d'instituer un marché commun, non une morale commune. L'I.V.G.

[interruption volontaire de grossesse] lui demeure étrangère en tant que solution d'un problème éthique; elle le concerne en tant qu'activité économique>> . La CÉE ne sort-elle pas ici de sa compétence? Des données contestables de notre droit national frayaient la voie vers cette

appréhension économique de l'acte médical ... En un mot, et au seul vu de ces perspectives encore étroites, la Gloire du droit français est parfois contrainte d'incliner ses Aigles, lorsque même nous invitons notre Comité national d'éthique à répandre ses avis sur <<la société tout entière>>, ou lançons le modèle d'une éthique <<à la française>>! Mais enfin, ce n'est que de son rayonnement au Québec qu'il nous est demandé de parler.

[12]

[13]

Les auteurs étudient la stratification du droit québécois. Après une période d'application des coutumes importées dans les bagages des premiers colons, la Coutume de Paris devient le droit civil local en 1664, outre les Ordonnances royales (demeurant pendante la question de leur enregistrement). Après une période transitoire marquée par la conquête militaire en 1760, et la proclamation de 1763 renvoyant autant que possible aux règles du droit anglais, l'

de 1774 restitue autorité aux règles, usages et coutumes en vigueur avant la conquête, donc à l'ancien droit français. Mais, ce dernier peut être modifié par l'adaptation de règles britanniques, et ce sont, par exemple, les principes de la procédure civile qui vont alors, et déjà, selon le mot de M. Morin, être <<chambardés>> ... Bien que les normes civiles françaises reprennent leur place, on écrit aussi que ce introduit un autre type de droit

applicable, la common law . La codification manifestera-t-elle une reconquête du droit français?

Acte de Québec

[14]

Québec Act [15]

Les codificateurs doivent s'inspirer du , seul chef-d'oeuvre civil du temps (le Code civil allemand (B.G.B.) attendra 1900) ; le droit privé québécois s'aligne sur la pensée Code civil Français

(5)

juridique civiliste plutôt que sur la technique du <<Judge made law>>, et, écrit P. Deslauriers:

malgré un environnement propice à la common law à l'échelle du continent, le choix s'est arrêté au Québec, de façon délibérée, sur le maintien du modèle français comme source majeure, favorisant ainsi la survie de la culture juridique française au Québec, la survie d'une parenté intellectuelle de manière à engendrer une commune discipline de pensée.[16]

Les temps sont proches où une véritable mystique du Code se développera, dans un esprit différent de celui de notre Exégèse, parce que la codification est la marque du fait canadien français sur le continent nord-américain . L'on entendra: <<Nos Codes montèrent la garde et nous protégèrent de l'invasion>> . La codification à l'image de celles impériales sera

interprétée comme un fait de civilisation, dépassant la technique juridique de mise en forme des lois: le meilleur moyen de protéger la civilisation d'un peuple consiste à affiner la pureté de son système juridique . En un mot, en 1866, <<décréter l'uniformité dans nos lois, c'était affermir et consolider notre unité nationale>> . Et l'on admire la translation, du

vers le , de formules entières; l'on est satisfait de constater la réaction de la Cour suprême elle-même, sous l'influence de Mignault, contre une certaine tendance <<à puiser aux sources de la common law pour la résolution de litiges de droit civil>> ; l'on accepte comme allant de soi de lire que <<le droit français et les juristes français font partie de la communauté juridique du Québec qui n'est pas délimitée par des frontières et des loyautés étatiques>> .

[17]

[18]

[19] [20] Code civil français

Code civil du Bas Canada

[21]

[22]

Seulement, la forme a trop facilement emporté le fond; la naturelle sympathie de l'interprète français pour le fait et le droit québecois l'a vite induit en l'erreur de croire que ce droit n'était que français, non par notre droit de conquête, mais par fraternité historique: la lutte pour le droit compense le désastre des plaines d' Abraham! Le modèle de 1804 n'a été imposé aux codificateurs québécois qu'en sa forme ; il n'y a pas eu d'emprunt obligatoire au système

français . De Lorimier et Vilbon, en leur temps, le soulignaient: <<Quand nombre d'articles du ont été amendés et mis en harmonie avec les besoins et usages de nos populations>> . Du reste, quelle était la tâche? Le Code ne devait incorporer que les propres lois du Québec , énoncer des règles spécifiquement locales à côté de celles issues du droit français (non seulement de 1804, d'ailleurs car, s'il est vrai que l'évidence doit être parfois dite, le Code Napoléon ne fut pas promulgué au Québec!!!) ou anglais . <<Valoriser les origines françaises des québécois >> écrit S. Normand, certes, mais sans subir ce que J.L. Baudouin devait plus tard appeler <<l'hypnotisme de la source étrangère>> . Ainsi ne sera-t-on pas surpris, d'une part de voir les expressions doctrinales du droit français suivre des chemins variés, d'autre part de constater des rejets nets de nos solutions, après analyse de la doctrine et de la jurisprudence , le droit local s'estimant à juste titre suffisamment mature et autonome . Un exemple en est fourni, en matière de perte de chance, par l'arrêt c. du 21 mars 1991 écartant en connaissance de cause les principes reçus en jurisprudence française.

[23]

Code civil Français [24][25]

[27] [26]

[28]

[29] [30]

Lawson Laferrière [31]

Voici, en droit médical, un jugement révélateur de la prudence devant nos certitudes, du recul face à nos principes civils (et, en l'espèce, administratifs). Il en est d'autres, qui appartiendraient à l'épistémologie. La vision globale du droit médical au Québec est-elle la même qu'en France?

Sur nos rives de l'Atlantique, cette discipline est largement entendue: droit de l'acte médical, droit de l'environnement de l'acte médical, de la responsabilité professionnelle, des contrats médicaux, bioéthique dès qu'elle suppose l'intervention du médecin , etc. [ , les tables des matières des traités de droit médical (non de médecine légale -- ,

-- qui est hors sujet)]... L'observateur pressé s'égare certainement en pensant qu'en droit québécois, le droit médical subit une approche restrictive, n'est regardé qu'à travers le prisme de la responsabilité civile. Sans doute aucun, les institutions médicales et médicosociales profitent d'études autonomes et approfondies échappant à cette déformation, et de

nombreuses études doctrinales examinent des phénomènes de santé sans les réduire à l'analyse de la responsabilité professionnelle, mais on ressent la vague impression de cette approche dominante de nombreux phénomènes. Ce n'est qu'incidemment que, de la responsabilité déclarée ou, du moins, invoquée, l'on remonte au débat sur la licéité de la chirurgie cosmétique, de la

[32] cf.

forensic medicine medical jurisprudence

[33]

(6)

stérilisation, sur la relation contractuelle ou légale de l'hôpital avec le patient , l'on devine des aspects du droit des comités d'éthique, les limites du consentement et de l'information. Si cette observation contient une part de vérité -- ce qu'il appartiendra au commentateur local de mieux juger -- cela est sans doute imputable à une excessive judiciarisation du rapport médical. Mais, hormis de rares exceptions , on découvre mal l'importance de débats juridiques autonomes, par exemple, en droit des contrats entre médecins, ou avec les cliniques. Or, il s'agit en droit français d'un ensemble doctrinal et jurisprudentiel considérable, révélateur de contentieux et de difficultés parfois très techniques (<<cession>> du contrat d'exercice en clinique privée, groupes de contrats, etc.) ainsi que d'un esprit affairiste infiniment plus inquiétant pour l'équilibre de la profession médicale qu'une responsabilité civile somme toute -- quantitativement -- dérisoire . Qui plus est, en droit québécois, cette responsabilité médicale n'est-elle pas appelée à se

renfermer dans la casuistique des manquements au devoir d'information? Nous traçons quelques traits épais, trop peu nuancés vraisemblablement... C'est aussi la responsabilité médicale qui est l'occasion de la revendication d'autonomie du droit québécois de la part du juge Monet,

l'occasion pour la pratique de prendre ses références encore en common law britannique et américaine. Et cependant, quelle serait la mesure statistique des données de responsabilité médicale au Québec? Une équipe animée par MM. Crépeau, Jutras et Deschamps (Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec de l'Université Mc Gill) en fait l'analyse. De distingués magistrats chiffrent à sept ou huit dossiers annuels ceux qui en Cour d'appel du Québec, portent sur ces questions, et ajoutent que <<la Cour suprême du Canada, depuis dix ans, n'a rendu que deux ou trois arrêts en droit médical québécois et guère plus en common law sur les mêmes problèmes>>. On plaiderait environ (nous a révélé un magistrat) 60 dossiers de responsabilité médicale par an en première instance; ces chiffres relativement -- et heureusement -- peu élevés s'expliqueraient par le pourcentage élevé des règlements amiables (deux-tiers des affaires?), et par le coût particulier de la procédure (somme moyenne de 50 000$ CAN)...

[34]

[35]

[36]

En retour, que de jugements emplis de références à nos arrêts et à nos auteurs, et, en même temps, statuant en faveur de solutions assises en droit français! L'arrêt , de 1985, abonde en références françaises, et conclut que <<la théorie du risque n'est pas davantage acceptée en droit québécois>> et qu'une obligation indépendante de toute faute n'est pas prévue par le droit , ce qui est vraiment décisif dans cette imposante dissertation. Le contrat médical est affirmé dès 1934 et 1936, avec citations de solutions continentales (l'arrêt de la Cour de cassation a été rendu entre les deux jugements canadiens) . Nous nous

interrogerons plus loin sur la pertinence de ces citations et références. En l'état, demandons-nous si l'invocation de la s'imposait à toute force, mais, à côté de cette minime interrogation, voyons bien que cet arrêt de principe, et d'autres, est, par la solution retenue très proche du discours sur la responsabilité que tiendrait le juriste français traditionnel .

Lapierre [38] [37]

Mercier [39]

Lex Rhodia de jactu

[40]

Ces mouvements contradictoires du droit québécois, en droit médical, prennent évidemment place dans les réflexions d'ensemble sur la place du droit français en 1994 en dehors de

l'Hexagone. À l'heure où le Québec se soumet à son nouveau Code civil -- dont d'importantes dispositions intéressent la personne, son traitement médical -- se pose la question de cette

influence . Certains laissent à nos auteurs une part d'autorité, pour éviter un <<repli sur soi>>

dangereux ou pallier la prétendue insuffisance de la doctrine locale ... Ce pourrait être plus à la méthode d'interprétation qu'à l'inspiration substantielle que le civiliste québécois emprunterait:

un nouveau Code suscite une Exégèse, surtout lorsque les auteurs ont des soucis doctrinaux que n'avaient pas leurs ancêtres de 1866, davantage liés aux contingences. Nous ne pouvions entrer dans ce débat général mais quelques lectures du droit québécois des responsabilités médicales nous avaient suggéré, depuis quelques années déjà, la possibilité de prendre la mesure des influences réciproques de nos deux systèmes juridiques. Des manifestations d'indépendance; des traces de collaboration: le droit médical est-il exemplaire à ces égards? Fait-il exception dans l'ensemble de ces relations juridiques franco-québécoises? Nous orienterons nos recherches dans ces deux directions, mais il nous est agréable de satisfaire auparavant au plus aimable des

devoirs, celui de l'expression de la gratitude.

[41] [42]

La générosité de l'Ambassade du Canada à Paris et du ministère canadien des Affaires

(7)

Étrangères, et l'indulgence des savants collègues ayant consenti à répondre de nous, nous ont permis de bénéficier d'une bourse de recherche en études canadiennes grâce à laquelle nous avons pu séjourner à Montréal, hébergé par la Faculté de droit de l'Université de Montréal, reçu par le Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec de l'Université McGill -- avec une gracieuse invitation de la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke pour dire quelques mots -- et rencontrer magistrats, avocats et universitaires qui ont bien voulu nous dire leur sentiment sur le thème de notre réflexion. C'est qu'en effet une simple étude documentaire, que nous aurions pu conduire dans le silence de notre cabinet, nous paraissait insuffisante. Il fallait essayer de comprendre les choix des références, des raisonnements aux contours plus proches de la common law mais non dénués d'attaches avec le droit civil, de deviner des états d'esprit, de voir des méthodes de travail, tout ce qui explique des jugements sans y être inscrit.

En un premier temps, nous avons adressé un questionnaire qui a reçu quelques réponses argumentées et approfondies. En un second temps, les rencontres dont nous parlions ci-avant, ont complété utilement celles-ci, avec quelques confidences. Nous avons promis à nos

interlocuteurs le respect de l'anonymat de leurs réponses. Ceci ne nous dispense en rien d'écrire combien nous avons été sensible à la courtoisie toujours infinie et patiente de toutes les

éminentes personnalités qui nous ont écrit ou nous ont reçu. Qu'elles en soient remerciées. Que le soient aussi, pour avoir soutenu notre projet, l'honorable juge J.L. Baudouin, MM. les Doyens, Vice-Doyens et professeurs Molinari, Knoppers, Crépeau, Breillat, Debouy et, pour nous avoir livré généreusement la jurisprudence qu'il nous fallait posséder, maître Pierre Deschamps (au prix de son repos, il nous l'écrivit!) et Maître Pierre Lesage. Et que, bien entendu, les autorités canadiennes qui ont accepté la prise en charge de notre déplacement reçoivent nos

remerciements.

a priori

[43]

I. LES MANIFESTATIONS D'INDÉPENDANCE

La lecture des décisions québécoises en responsabilité médicale montre des éloignements par rapport aux solutions du droit français. Le lecteur pourrait s'en étonner, s'il croyait encore en un droit civil unitaire, compact, et en une déférente soumission du droit québécois au droit paternel.

Et celle-ci est rompue depuis les origines. Le passage de la souveraineté française à la

souveraineté britannique, même accompagnée de la conservation du droit <<local>>, portait en elle le principe de ces éloignements: le droit français perdait toute force . Le droit québécois forgeait des traditions originales, dont le civiliste français n'a pas plus à s'étonner que de celles, sur lesquelles il ne s'interroge pas, du droit belge par exemple. <<[L]'attitude à adopter n'est certes pas de recenser des trahisons ou des déviations; c'est bien plutôt d'essayer de comprendre "une mentalité originale", un style propre, une culture façonnée à la fois par ses origines et par son histoire particulière>> . Les juristes canadiens nous mettent en garde:

ratione auctoritatis

[44]

[S]i la tradition juridique française a fortement influencé son cousin d'outre-mer, il n'en demeure pas moins que le droit civil québécois s'est épanoui dans la société nord-américaine dont la culture tant sociale que juridique allait orienter les solutions et créer un droit original. Il ne faut pas voir cette situation avec amertume ou nostalgie mais comme le phénomène vivant qu'est le droit: l'organisation de la norme sociale.

Nous sommes, disent les juges, nord-américains, et vivons dans une société n'évoluant pas parallèlement à la société française. Les forces créatices du droit, pour ces autres raisons, ne peuvent être identiques. En droit médical, l'indépendance du droit québécois est acquise sur deux terrains: d'abord, celui du droit substantiel dans lequel sont écrites des solutions

consciemment ou non opposées à celles du droit civil français; ensuite, celui de la présentation (formelle) des décisions, parfois déroutante et révélatrice de méthodes de recherche et de réflexions.

A. Les éloignements substantiels

La lecture de la jurisprudence, et des tentatives d'interprétation, fait deviner à peu près que le droit québécois de la responsabilité médicale a pris du champ par rapport au droit français dans

(8)

deux directions, pouvant être celle de la licéité de certaines interventions et celle de la réflexion doctrinale que nous oserons qualifier de consciente, réalisée en pleine connaissance de cause.

1. La licéité des interventions

Peut-être est-ce ici que le droit québécois profite des influences -- ou les subit -- de la pensée nord-américaine de l'autodétermination du sujet exaltant le <<droit supérieur qu'est le droit à l'autodétermination>> jusqu'à accepter qu'il devienne la principale valeur de l'action sur la personne et absorbe en lui tout l'ordre public? C'est, nous expliquait un de nos distingués interlocuteurs, l'effet au Québec de cette <<révolution tranquille>> qui a voulu renverser ses idoles et ses valeurs, refuser de se laisser dicter ses conduites. On fait état d'un <<contexte sociologique nord-américain où le développement des droits individuels a atteint des proportions franchement étonnantes voire déroutantes...>> Cette << -génération>> n'objective plus ses comportements et la logique en serait le refus de tout droit. Mais, paradoxalement, ce droit est sommé d'avaliser l'action individuellement satisfaisante dans le cadre d'un recours croissant au juge: que l'on induise une licéité des jugements de responsabilité, ou que l'on interroge le

tribunal pour être autorisé à accomplir une intervention mutilante ou suppressive de la personne, l'idée est peut-être commune: la personne se réduit à sa volonté dont le corps n'est qu'un objet.

Ces dichotomies de la personne -- volonté et du corps -- appropriation ont trouvé ici les plus brillants interprètes, même animés (autre paradoxe) du souci ardent de protéger l'individu . L'on pousse plus outre que la proposition classique du droit subjectif objet de volonté pour aller jusqu'à la personne réduite à la volonté. C'est oublier qu'en droit civil, la condition d'Homme libre se profile derrière l'indisponibilité du corps humain, du sujet dans son corps , et qu'il n'y a plus d'Homme libre quand il n'y a plus d'homme. Ces expressions de la liberté individuelle se rencontrent dans l'élargissement des techniques d'expression du consentement ainsi que dans celui de l'éventail des actes devenus réguliers, révélatrices d'un principe général

d'autodétermination.

[45]

me

[46]

[47]

a) L'expression du consentement

, et puisqu'aussi bien nous entreprenons de réfléchir d'abord à partir de la jurisprudence, nous constatons une judiciarisation de l'assentiment à l'acte médical. En droit médical français, ce phénomène est pratiquement inconnu, sauf quelques exceptions.

En premier lieu

Lorsque la santé d'un enfant incapable est en jeu et que ses représentants refusent de consentir au traitement salvateur, que l'intéressé n'a pas un discernement suffisant pour donner son accord à l'acte médical <<conservatoire>>, le juge des enfants, statuant en matière d'assistance

éducative, donne à l'équipe soignante l'autorisation d'agir. Son intervention ne se conçoit que si l'obstination des représentants met en péril la santé de l'enfant mais non lorsque ne se pose que la question de choix thérapeutiques non aberrants, le juge français s'interdisant, comme son

collègue québécois, par une jurisprudence constante depuis 1862, de se prononcer sur les

querelles purement scientifiques, de départager Hippocrate et Galien, selon le mot de Dupin . Également voit-on parfois intervenir ce même magistrat lorsque lui est demandée une

autorisation d'avortement par une mineure se heurtant au refus des titulaires de l'autorité

parentale. Il est advenu que, se prononçant à l'encontre des textes les plus clairs (article L. 162.7 du (C.S.P.)), des juges ont donné leur consentement, absolument illégal . Il est encore advenu que l'on sollicitât en justice une autorisation de soin au profit d'un enfant , contre la volonté maternelle , le juge n'accordant que des mesures de sauvegarde dont les effets seront <<reportés au moment de la naissance>>, afin de respecter les droits de la femme sur son propre corps mais non motif pris de ce que, comme en common law, le père n'aurait aucun pouvoir protecteur de l'enfant conçu, au contraire. Enfin, il y eut à choisir entre deux possibles protecteurs naturels d'un malade s'opposant sur une décision d'arrêts de traitements <<extraordinaires>> , mais l'on croit savoir que la procédure avait été suggérée par les médecins inquiets d'être <<couverts>> par une décision de justice! Ces <<protecteurs naturels>> figurent en fin d'article 15 du nouveau (C.c.Q.) sous une désignation rappelant clairement l'arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 1955 ... Cela

[48]

Code de la Santé Publique [49]

in utero [50]

[51]

Code civil du Québec

[52]

(9)

dit, en règle générale, le patient ne sent pas plus que le médecin l'utilité de solliciter du juge un consentement donné dans l'exécution du contrat médical ou de la relation singulière établie à l'hôpital public, et dont la recherche puis le respect vont de soi. Il ne serait certainement pas opportun de multiplier les procédures radicalisant -- sinon créant artificiellement -- les conflits et dont seule l'inexécution de ses obligations (contractuelles en droit civil) par une partie justifie l'ouverture: pas d'intérêt, pas d'action, et le juge n'est pas sur le banc pour donner des leçons de droit -- ce qui a été jugé au Canada -- ni rendre des jugements (déclaratoires)

anticipant lesvéritablescontentieux.

De prime abord, le juge québécois est saisi lui aussi dans un contexte conflictuel, comme son homologue américain peut l'être lorsque le refus médical s'oppose au souhait personnel (par exemple, l'affaire , de valeur historique exemplaire, pour cela et pour la création des comités d'éthique <<cliniques>>). Nous ne parlerons pas, en

l'état, des arrêts c. , c. , ni , qui ne sont pas

montés du Québec à la Cour suprême, même si l'influence des deux premiers y est descendue et si tous les trois présentent une importance sur laquelle nous reviendrons ci-après. En revanche nous nous intéresserons à des décisions plus <<locales>>, du moins pour l'instant.

Quinlan[53]

Reibl Hughes[54] Hopp Lepp[55] Rodriguez[56]

Dans l'affaire c. , dans

laquelle le tribunal après avoir rendu sa décision d'autorisation de soins le 22 décembre 1982, rédigea ultérieurement ses motifs <<à la demande des parents>>, ces derniers avaient refusé une autorisation nécessaire à une intervention chirurgicale sur leur enfant, et requête fut présentée pour vaincre ce refus. On lira ceci:

Maude Goyette Centre de services sociaux du Montréal Métropolitain[57]

[I]l y a lieu de poser le principe que à défaut d'autorisation parentale ou sur refus d'icelle, la décision doit être une décision judiciaire. Le médecin se mettra ainsi à l'abri de toute plainte ou poursuite de nature tant civile que pénale.[58]

Le jugement américain exprimait ce motif rassurant pour le médecin, que l'on relira dans un jugement du 22 janvier 1992 (Cour supérieure),Quinlan c. :

Manoir de la Pointe bleue Corbeil Toutefois, il reste que la fixation de la frontière des droits et obligations en matière de soins soulève parfois des dilemmes qui, par souci de prudence, forcent les justiciables à un recours à l'arbitrage judiciaire afin d'être soustraits à toute responsabilité criminelle ou civile.[59]

Dans ce dossier, le centre d'accueil demandait <<au Tribunal de déclarer [qu'il] est tenu [--] de respecter les volontés de l'intimé et doit s'abstenir de lui administrer les soins de santé auxquels il ne consent pas>> et que l'on doit <<respecter la volonté de l'intimé de ne pas le transférer dans une autre institution du réseau sans son consentement>> [ ]. Quant à l'affaire

jugée en Cour supérieure le 6 janvier 1992, son objet était contenu dans la requête de la malade sollicitant injonction contre le personnel médical de cesser de lui administrer des soins dont elle ne voulait plus. Alors que le juge devait, dans la logique de cette demande aux

médecins de persévérer (tout débat au fond réservé), le dispositif de sa décision au médecin codéfendeur de cesser le traitement de soutien respiratoire au moment voulu par la demanderesse, après avoir relevé, à côté du droit du patient de ne pas consentir aux traitements, le fait justificatif de ce refus au regard des crimes d'homicide des articles 222 à 241 du

et d'aide au suicide (article 241), profitant au médecin: <<la personne qui aura à faire cesser le traitement de soutien respiratoire à Nancy B. pour permettre à la nature de suivre son cours, ne commettra en aucune façon les crimes etc.>>

sic Nancy B.[60]

interdire permet

criminel Code

Enfin, dans l'affaire c. , le centre demandait au Tribunal

<<de lui dire si [il] a le droit de forcer quelqu'un qui est détenu à son établissement, de se soumettre à des traitements psychiatriques et si, ce faisant, [il] risque d'encourir quelque responsabilité>> . Le dispositif du jugement déclare que le centre,

Institut Philippe Pinel de Montréal Dion

[61]

(10)

[--]

en imposant de tels traitement et thérapie avec la permission du tribunal et en les exécutant suivant les règles de l'art n'est pas susceptible d'être responsable pour les séquelles négatives que tels traitement et thérapie pourraient causer, [car, est-il écrit en motif avant dernier:] en obtenant ainsi une autorisation judiciaire, Pinel sera protégé contre les reproches qu'on pourrait lui faire d'avoir agi sans droit.[62]

Il ne serait pas impossible de rapprocher ces décisions d'un arrêt de la Cour de cassation de 1973 déclarant irrecevable le pourvoi du veuf d'une malade, partie civile dans une information pour homicide involontaire et non-assistance à personne en péril. La chambre d'accusation avait constaté que la thérapeutique adéquate n'avait pas été appliquée <<en raison du refus obstiné et même agressif de "la patiente" >>. Ce refus est assimilé, écrit M. le Doyen Véron, à un cas de force majeure . Un arrêt constate donc qu'en présence d'un tel refus, le médecin peut se retirer: il ne commet pas de faute pénale, et le lien intellectuel entre cette décision et celles qui précèdent est évident. Seulement, l'opposition entre les raisonnements est flagrante. Le médecin français était déjà poursuivi devant le juge pénal et présentait ses moyens de défense. Or, dans les instances québécoises rapportées, la situation procédurale est entièrement différente: une partie prévient le différend (officiel, car on devine qu'il est latent) en sollicitant du juge une décision qui <<ouvrira le parapluie>>, et, si l'on veut bien tolérer la répétition de l'image triviale, le tribunal ouvre cet instrument évitant les retombées de la pluie: il n'y aura pas de responsabilité, si... Ce n'est que dans le dossier que la patiente présente la requête, et, malgré cette initiative procédurale, c'est le médecin qui bénéficie d'une autorisation! Voici des choses qui eussent dû être réglées simplement, sans procès, dans la connaissance présumée des principes du droit médical (assentiment, actes proportionnés et actes non-proportionnés, distinction entre soins palliatifs et prétendu acharnement thérapeutique...), mais l'on ressent l'impression, non pas certes de l'ignorance par les intéressés de ces règles élémentaires, mais d'une panique devant l'ombre de l'éventualité du doute, du soupçon d'un procès dont l'hypothèse égale l'incertitude phantasmatique! Aux yeux du juriste continental, ne devinant l'équivalent de ces procédures préventives que dans l'affaire précitée de mai 1987 (arrêts de traitements extraordinaires) -- et encore par suite de divers recoupements -- il faut que l'impression produite par les jurisprudences médicales des États-Unis soient bien fortes, que toutes les virtualités de l'arrêt soient bien méconnues, pour que de tels procès soient ouverts! Que les principes substantiels (droit au refus éclairé de soins) soient identiques à ceux du droit français est à débattre peut-être, à des nuances près, mais là n'est pas la question, pour l'heure.

[63]

[64]

Nancy B.

Lapierre

Ce qui importe est que l'on ait cru devoir saisir le juge afin de et dire le droit par anticipation, fût-ce (affaire ) pour préciser que, dans tel cas, il n'y aurait pas de responsabilité. En droit français, dans ce dossier, le refus des traitements excessifs aurait été constaté et l'on n'aurait pas passé outre. Il paraît grave de voir le juge dicter le comportement médical en partie, sinon principalement, pour éviter d'ultérieures contestations non encore nées, et l'on redoute de deviner, en arrière-plan, une trop prudente formation des professionnels de santé à leur droit et à leur déontologie , ce qui les porte parfois à se réfugier derrière l'autorité plus ou moins illusoire de comités d'éthique de type <<clinique>>, dans la situation particulière des cessations de traitement. Là, en effet, l'on prétend diluer les responsabilités, et s'achèvent ces jurisprudences! Le prévoit l'intervention judiciaire en cas de refus <<

injustifié>> du représentant de l'incapable ou du majeur <<inapte à consentir>>, sauf urgence (cette urgence visée par notre jurisprudence du Conseil d'État et de la Cour de cassation et l'article 16-3 du Code civil), ou de soins non nécessaires sur un incapable de droit ou de fait, s'ils sont risqués et non <<requis par son état de santé>> (articles 16 à 18 C.c.Q.). Si les soins ne sont pas médicalement nécessaires et s'ils sont risqués, nul n'y peut consentir, et sur ce point le droit québécois s'éloigne du droit médical français limitant le consentement substitué au domaine de l'intervention ayant une cause thérapeutique. Quant au refus du majeur mentalement inapte, il est vrai que la décision judiciaire présente une véritable nécessité, sauf placement sous un régime de tutelle. Il y a tout de même dans certaines dispositions un encouragement au procès (article 16, alinéa 2 C.c.Q., suite conséquente du déclin de l'autorité parentale: le mineur y gagne la chance de plaider contre ses parents). Ce texte est nouveau et, expliquent les

, <<opère une certaine conciliation entre les droits reconnus au mineur et consulter

Nancy B.

[65]

Code civil du Québec

Commentaires du ministre de la Justice

(11)

les droits et devoirs des titulaires de l'autorité parentale>>[66].

Si nous quittons cette jurisprudence pour jeter un regard sur d'autres procédures,

nous voyons l'affaire c. , jugée par la Cour

suprême le 30 septembre 1993, venant de Colombie-Britannique mais intéressant la fédération tout entière car interprétant un article du (article 241(b)) interdisant l'aide au suicide. Sollicitant une déclaration d'inconstitutionnalité de cette disposition,

québécoise

Sue Rodriguez Procureur général du Canada Code criminel

[dont l'expectative de survie se situe entre 2 et 14 mois]

l'appelante ne souhaite pas mourir tant

qu'elle peut encore jouir de la vie mais demande qu'un médecin qualifié soit autorisé à mettre en place des moyens technologiques qu'elle pourrait utiliser, quand elle perdra la capacité de jouir de la vie, pour se donner elle-même la mort au moment qu'elle choisirait.[67]

Sans juger encore les surprenants moyens soutenant cette pitoyable réclamation, constatons le caractère préventif, ou préparatoire, de celle-ci. Le contentieux n'est pas encore -- en apparence - - né entre la patiente et un médecin s'opposant à sa demande d'aide au suicide, mais tout se passe comme si cette malade voulait déjà garantir au médecin une absence de responsabilité pénale le jour venu. Dans son opinion dissidente, M. le juge en chef Lamer suggérait d'accorder, par voie de requête à une Cour supérieure, une exemption constitutionnelle. Le geste causant la mort devrait être celui du requérant <<et non celui d'autrui>>, mais un médecin devrait être présent <

<auprès de la requérante, au moment où elle se donne la mort avec l'aide requise>>, ce qui nécessairement exonère cet assistant de toute responsabilité. Ici encore, pas d'intérêt déjà né, donc pas d'action, répondrait un juge français. Mais la vérité est que, même s'il avait à statuer sur le différend né et actuel opposant la patiente et le médecin sommé de contribuer au processus mortel, ledit juge rejetterait la requête, n'ayant pas le pouvoir d'autoriser la commission d'un acte sanctionné par la loi pénale. Ces affaires se règlent -- lorsqu'il y a intervention puis poursuite -- par le verdict de condamnation ou d'acquittement de la Cour d'assises ou bien le jugement du Tribunal correctionnel si les faits ont été disqualifiés. Il n'est point envisageable d'ouvrir des procédures aux fins d'aménagement de situations à venir, qui pourraient être conflictuelles.

L'action <<déclaratoire>> n'est qu'exceptionnelle, à la supposer pure de tout intérêt né et actuel.

L'article L. 151.1 du ne permet de solliciter l'avis de la Cour de cassation que lorsque le juge est déjà saisi, ce qui requiert la constatation du pré-requis de l'intérêt pour agir, donc de la recevabilité de la demande. Il est vrai qu'en pratique, on peut imaginer des schémas procéduraux de saisine de la Cour de cassation avant le jugement d'irrecevabilité, même s'il est écrit: <<il est sursis à toute décision sur le fond de l'affaire>>, ce qui est clair. Que ne peuvent cependant réaliser les habiletés tactiques conjuguées d'un ou trois juges et de deux avocats? Ne sont-elles pas contraires à la règle traditionnelle faisant du juge canadien l'arbitre des questions concrètes posées entre deux plaideurs et non un professeur de droit ? Or, sous couvert de faire prononcer ces constats d'inconstitutionnalité ou ces autorisations de cessations futures de soins extraordinaires, on attend du magistrat une chronique sur une question controversée, qui aurait pu en effet être (nous tenons à

souligner) posée un peu plus tard. Dans l'arrêt c. ,

du 9 mars 1989, la Cour suprême avait, dans un pertinent souci d'économie judiciaire, constaté le caractère théorique du pourvoi puisqu'il n'y avait plus de différend juridique concret, l'arrêt

de 1988 étant intervenu entre le recours et l'audience. Il ne semble pas que cette décision ait été visée par les honorables juges dans cette affaire de 1993 (l'arrêt est utilisé, comme l'arrêt et le jugement ). Bien sûr, la règle permettant de ne pas juger un dossier ne soulevant qu'une question hypothétique ou abstraite n'est pas absolue;

bien sûr aussi, la situation discutée était-elle susceptible de se représenter (de plus en plus?) et enfin la demanderesse pouvait-elle attendre de l'arrêt des effets pratiques ( les motifs de l'arrêt ), mais les deux arrêts de la Cour suprême contiennent un semblant de contradiction entre eux. Il faut pourtant comprendre les choses autrement.

Code de l'organisation judiciaire

ex cathedra[68]

vraiment

Borowski Procureur général du Canada[69]

Morgentaler[70]

Morgentaler

Daigle[71] Nancy B.

Borowski cf.,

D'une part, le corps médical local s'inquiète de sa responsabilité civile, et, nous le constatons à travers ces jugements, pénale (pour homicide volontaire). Peut-être est-ce à tort, l'arrêt

de 1985 ayant dû le rassurer. La menace est-elle si pesante et quelles sont les mesures respectivesLapierre

(12)

de la crise et du réformisme ? À tort ou à raison, il peut lui sembler prudent de se réfugier derrière une autorisation ou une injonction judiciaire, ou bien, ce qui constitue une autre méthode pour aboutir prétendument au même résultat pratique, derrière une décision de comité dit d'éthique.

[72]

D'autre part, le système judiciaire canadien, même au Québec, province de droit civil, fait du juge l'organe du droit, avec un pouvoir d'examen de la constitutionnalité des textes que ne

possède pas toujours son homologue français. La tradition est de s'en remettre à lui pratiquement pour gérer les difficultés de la vie de la société. On se situe en limite du gouvernement de la vie privée par le juge. En soi, ce n'est point un mal: le juge est intellectuellement mieux armé que le législateur, il dispose d'un recul, bénéficie d'une capacité de réflexion sereine n'appartenant pas toujours aux parlements. Le Doyen Carbonnier nous a enseigné les splendeurs de

l'article 4 du ( , article 11), l'urgence de <<

persuader le législateur qu'il n'est pas moins législateur quand il repousse la tentation de légiférer>>, et ce droit médical qui est sous diagnostic a été édifié, au Québec et en France, principalement par les juges; et le droit au respect de la vie privée aussi! Alors, il est bon que s'affirme la force créatrice de la jurisprudence. Vos juges sont-ils vos juristes?

Code civil français Code civil du Bas Canada

En même temps, la promulgation des Chartes invitait à une inflation du recours aux juridictions.

La proclamation de larges principes à la formulation généreuse ne pouvait qu'exciter à plaider pour couvrir de multiples comportements de leur manteau. Le phénomène s'observe en France

depuis la ratification de la : l'affiliation à un

Ordre des médecins, la publicité des audiences disciplinaires médicales, l'obligation de payer une cotisation ordinale, la légalisation de l'avortement, les refus de mutation d'état civil suite à des interventions transsexuelles (comparer avec l'article 71 C.c.Q.), sont-ils ou non conformes aux stipulations de la Convention? Un réflexe quasi pavlovien risque de se développer à cet égard chez les honorables membres du Barreau, que d'invoquer à tout bout de champ la Convention (avec la recherche de sa suprématie sur la loi interne, article 55 Constitution du 4 octobre 1958), ce qui, en retour, obligera, et oblige déjà nos juridictions suprêmes à adopter une attitude ferme de rappel de notre ordre public (par exemple en matière de transsexualisme). Au Québec, écrit M. Hébert, un des effets non écrits des Chartes risque d'être la judiciarisation de certaines interventions médicales: en définissant les valeurs à la base de la société, les tribunaux possèdent une très large discrétion <<qui tient davantage du politique que du judiciaire [...] Entre l'autorité des médecins dans le passé et le pouvoir actuel des juges, il faut encore faire preuve d'imagination pour donner au patient la place équitable qui lui revient>> . Ces données inclinent les juges à hésiter entre deux tâches, que distinguait Marcadé en 1847 dans son

exégèse de l'article 137 du :

Convention européenne des droits de l'Homme[73]

[74]

Code civil français

É ce

que la loi est

ce que la loi devrait être

tudier la loi pour découvrir son véritable sens, rechercher avec soin ce qu'elle a voulu dire, pour préciser ce qu'elle ordonne, ce qu'elle défend ou ce qu'elle permet, en un mot, constater

, c'est faire du droit. Telle est la mission du jurisconsulte. Se livrer à des

considérations plus ou moins puissantes sur les effets, bons ou mauvais, d'une loi, rechercher si elle est, ou non, en harmonie avec les principes de l'équité, avec les moeurs et les besoins de ceux pour qui elle est faite, en un mot, constater , s'est s'occuper de législation...[75]

Il n'y a plus rien de curieux à se demander si la <<sécurité>> de la personne couvre ou ne couvre pas son droit de se détruire parce que cette <<sécurité>> comprend, ou comprendrait, <<

le droit de faire des choix concernant sa propre personne>>, même s'il faut surmonter quelques obstacles intellectuels et logiques avant de comprendre que la question ait même pu être posée!

Il allait de soi que les juges dussent être saisis de telles difficultés, au soutien, le cas échéant de ce qui peut paraître constituer de graves paradoxes. Au demeurant, tel est le sort de toute disposition proclamatoire, dont l'imprécision à la fois sert toutes les causes et impose au juge l'interprétation.

Ceci supposé, sous réserve de répliques de meilleurs analystes, il est peut-être une explication

(13)

complémentaire du phénomène, vers laquelle la nature de ces contentieux sur l'achèvement de la vie nous oriente, sans exclure les précédentes. Ne serait-ce pas, d'aventure, par un oubli de certains principes classiques de décision que l'on aurait ouvert ces instances? Car enfin, le droit médical a toujours reçu -- et l'affaire elle-même en a porté trace -- la théorie de l'acte à double effet, la distinction entre les soins extraordinaires (ou disproportionnés) et les soins ordinaires (ou: proportionnés, ou, plus actuellement: palliatifs), l'opposition entre l'euthanasie directe et l'euthanasie indirecte , puisés dans la théologie morale et << >> si l'on peut ainsi écrire, en règles juridiques, comme l'a été, par une aventure singulière, la Déclaration d'Helsinki/Tokyo! Ces théories, et celle du droit au refus de l'acte médical , pouvaient suffire à régler les problèmes évoqués, si elles avaient été maîtrisées par les partenaires. Implicitement, et sans plus précisément les nommer, il y est fait allusion dans les motifs de M. le juge Sopinka (arrêt )... Mais le vrai problème est que la logique de ces éléments d'analyse a été, et risque d'être encore, perturbée par une véritable explosion du concept d'autodétermination.

Là, le droit médical québécois plante le pavillon de son autonomie.

Quinlan

[76] novés

[77]

Sue Rodriguez

b) L'autodétermination du sujet

, donc, l'on voit dans la jurisprudence des expressions hardies de l'

. C'est tout le problème de la bioéthique, que de croire poser en première ligne cette indépendance de la volonté individuelle.

En second lieu autonomie de

l'individu

Autodétermination dans le choix du dessin du corps, de l' si le pléonasme nous est toléré: c'est la question de la chirurgie esthétique. En droit français, celle-ci n'est licite que si sa cause est thérapeutique, au sens large de l'expression, conformément au droit commun de l'acte médical , s'agirait-il de traiter par le remodelage du corps, et dans le respect de la règle de la raison proportionnée bien entendu, un déséquilibre psychique grave échappant à toute thérapeutique plus bénigne, et le chirurgien a le devoir de se récuser si l'opération demandée n'entre pas dans ce cadre d'ordre public, quels que soient les consentements et sollicitations éclairés du client . Si le consentement du sujet est en règle générale

indispensable à l'intervention, en revanche il ne la justifie pas lorsque, par son objet ou par sa cause, elle est contraire à l'ordre public. Ainsi en est-il jugé depuis 1937 (

); est contraire à l'ordre public, sauf exception prévue par la loi, l'acte médical inutile, consenti par complaisance pour le caprice du sujet, ce dernier ne possédant sur son corps aucun droit équivalent à celui de propriété. Les nouveaux articles 16-1 et 16-3 du Code civil, contenant des principes déclarés fondamentaux par le Conseil constitutionnel, le confirment.

L'adoption de principes plus laxistes conduirait à permettre à l'individu de céder à titre gratuit ou onéreux -- peu importe -- tout ou partie de son corps, ce qui est illicite en soi. Y sont intéressés à la fois la protection de la personne en son intégrité et sa dignité, et l'ordre public, la paix de l'État imposant que chacun des citoyens profite d'une aussi forte garantie. Un arrêt récent résume ces principes, en chirurgie esthétique:

image de la personne

[78]

[79]

affaire des stérilisés de Bordeaux[80]

En matière de chirurgie esthétique, l'atteinte à l'intégrité physique du patient ne peut se justifier que si elle respecte l'existence d'un certain équilibre entre le mal causé par l'intervention et le profit espéré, de sorte que le médecin ne doit pas mettre en oeuvre une thérapeutique dont les inconvénients risqueraient de surpasser la disgrâce qu'il prétend traiter ou dont la gravité serait hors de proportion avec l'embellissement espéré.[81]

Certes, l'illicéité de l'intervention est rarement, sinon jamais, plaidée (comme celle de la stérilisation non thérapeutique...) devant le juge civil, mais pour un motif empirique: la faute volontaire n'étant pas assurable, une déclaration judiciaire de nullité du contrat médical pour contrariété à l'ordre public permettrait à l'assureur du professionnel de refuser sa garantie. Il n'est donc de l'intérêt ni du demandeur ni du médecin de soulever la difficulté et, en pratique,

l'assureur néglige de le faire, du moins jusqu'à présent, la situation étant susceptible d'évoluer à ce sujet. Mais ceci n'enlève rien au jugement de principe de ces actes médicaux. En droit québécois, M. Kouri considère la situation en termes différents: il est inutile de demander la nullité du contrat, car la remise en état est impossible (l' auteur raisonne, il est vrai sur la nullité

(14)

pour vice du consentement) . Cela est pertinent en fait. On ajouterait que le passage entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle -- du moins jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau Code civil -- enlève aussi à la demande en nullité son intérêt pratique car, de toutes façons, les règles de la responsabilité aquilienne sont (ou étaient) applicables. Une sanction indirecte et efficace consiste en l'alourdissement de l'obligation d'information, allant jusqu'aux risques bénins, même exceptionnels, ce qui excède les charges pesant en droit commun sur le praticien. Citons, à titre d'exemple, un arrêt de la Cour d'appel:

[82]

En matière de chirurgie esthétique, l'obligation de moyens pesant sur le praticien doit être appréciée beaucoup plus strictement que dans le cadre de la chirurgie classique, dès lors que la chirurgie esthétique vise non à rétablir la santé, mais à apporter une amélioration et un

réconfort esthétique à une situation jugée insupportable par le patient; de ce fait [nous

soulignons] l'obligation d'information du chirurgien dans le cas de la chirurgie esthétique doit être plus rigoureuse et plus étendue, compte tenu des risques particuliers que représente toute intervention en ce domaine. Il apparaît, en l'espèce, que le patient, acceptant l'opération en connaissance de cause, a pu voir son état nettement amélioré, et n'a pu démontrer que le chirurgien avait manqué à son obligation de moyens.[83]

La jurisprudence québécoise paraît partir de principes

opposés. Dans l'affaire c. , une femme demande, en 1977, une intervention destinée à éliminer une cicatrice sur l'abdomen, pour en laisser une autre moins visible. On croit deviner que la cicatrice de remplacement serait <<dissimulée par le port d'un bikini>>, ce qui fait partie des charmes de l'existence en effet et l'on eût aimé que la publication du jugement eût été accompagnée de sympathiques photographies! La Cour supérieure constate que l'opération est pratiquée <<dans un but simplement esthétique. S'il existait un élément thérapeutique dans l'intervention, le Tribunal doit constater que la demanderesse ne s'en préoccupait pas>>.

Appliquant la règle dite du <<cumul>> des responsabilités contractuelle et délictuelle, la Cour ne se pose pas la question de la licéité de l'intervention (<<de nature purement élective. Tout repose sur le choix du patient>>) et est consciente de l'enthousiasme, sous le coup de l'émotion (<<Elle était au septième ciel [ ], car la nouvelle cicatrice horizontale serait etc.>>), ce qui est important dans l'analyse des assentiments irrationnels mais considérés comme suffisants, et se contente de poser en règle que l'on exige d'un <<chirurgien plastique un degré supplémentaire de divulgation, lequel doit exister malgré l'absence de questions précises de la part du patient>> .

Johnson Harris[84]

sic

[85]

Le jugement c. se prononce sur une intervention purement esthétique. La Cour supérieure confirme qu'en ce cas, le devoir du chirurgien est de révéler toutes les

complications possibles, <<éventuellement possiblement ou probablement graves>>; le médecin y a manqué, bien que n'ayant pas commis de faute technique, et a ainsi induit sa patiente en un sentiment de fausse sécurité. Là non plus, le débat n'est pas engagé sur le terrain de la

conformité de l'intervention <<élective>> à l'ordre public . Drolet Parenteau[86]

[87]

Enfin, parmi les décisions récentes, relevons le jugement de la

Cour supérieure dans l'affaire c. . Une ballerine professionnelle demande une correction de sa poitrine sans motif thérapeutique, et il est fait grief au chirurgien de ne pas lui avoir révélé tous les effets secondaires possibles de l'acte, ni de la nécessité d'interventions ultérieures, mais il n'est point fait état d'une éventuelle illicéité de ces actes chirurgicaux. On peut remonter à une jurisprudence plus ancienne, de 1974, imposant déjà au médecin de révéler tous les aléas <<pour permettre à son patient de prendre la décision que lui dicte son désir, pour ne pas dire son caprice [nous soulignons], dont il est le seul à pouvoir apprécier l'importance>>, là où aucun avantage thérapeutique n'est espéré , alors que, en cas de traitement thérapeutique, on ne peut reprocher au médecin de ne pas avoir attiré l'attention de son patient sur des risques négligeables à l'occasion d'une pratique courante . Dans ce seul domaine de l'acte curatif joue ce que Mme Somerville appelle le <<privilège thérapeutique>>, connu du droit français

également . En doctrine, l'accent est mis sur l'alourdissement de l'obligation de

renseignement, avec référence aux solutions françaises , et l'on s'interroge, avant de conclure à la rigueur du devoir de prudence du chirurgien esthéticien: <<L'embellissement est-il un

Merle-Rubin Cohen[88]

[89]

[90]

[91]

[92]

(15)

bienfait assez important pour justifier une atteinte à la personne?>> . Est-il fréquent de poser la question? La chirurgie plastique non thérapeutique est implicitement licite au Québec, non seulement parce que les juges ne disent pas le contraire -- ce qui, comme en droit français, n'est peut-être pas décisif, bien que la dynamique du langage judiciaire canadien les conduirait à faire au moins comprendre leurs réserves ou leur réprobation -- mais encore parce que sa

libéralisation prend place dans un mouvement d'ensemble de consécration de la liberté de décision de l'individu. Il est vrai que, dès 1934, dans un jugement par ailleurs historique parce que consacrant la notion de contrat médical, la Cour supérieure n'allait pas jusqu'à rejeter la chirurgie <<cosmétique>>, non thérapeutique, mais imposait au médecin de s'assurer de ce qu'elle améliorerait les imperfections existantes, sans les aggraver !

[93]

[94]

L'article 71 du accorde un effet civil aux <<traitements médicaux et [aux]

interventions chirurgicales impliquant une modification structurale des organes sexuels et destinés à changer [les] caractères sexuels apparents>>. Les

expliquent, sous ce texte, que <<cet article reprend essentiellement le droit antérieur>>. À notre infinie confusion, nous n'avons pu découvrir de jurisprudence locale sur le

transsexualisme, mais avons lu sous la plume de M. le juge Mayrand que, Code civil du Québec

Commentaires du ministre de la Justice

[...]

vu les risques qu'elle comporte et la gravité des problèmes qu'elle suscite, l'opération ne peut être justifiée qu'exceptionnellement pour fin thérapeutique. Elle est licite, si elle est le seul moyen de mettre fin à des troubles psychiques sérieux et de sortir le malade de son état obsessionnel en vue d'en tirer un avantage proportionné à l'atteinte subie.[95]

Si, depuis 1975, année de publication du livre de M. Mayrand, les principes substantiels n'ont pas évolué, l'intervention répond à des conditions de licéité identiques à celles du droit français, tels que dégagés par la jurisprudence récente (bien qu'en réalité, depuis décembre 1975, la Cour de cassation n'ait pas modifié sa doctrine, mais ait, peu à peu, affiné ses expressions ).

L'intervention n'est licite, en France, que s'il s'agit d'un traitement subi dans un but thérapeutique pour traiter le syndrome du transsexualisme, et, à cet égard, la Cour de cassation a refusé de se laisser entraîner par des interprétations trop dangereuses de la

. Elle ajoute d'ailleurs -- ce que M. Mayrand écrivait déjà -- que le sujet ne prend qu'une apparence le rapprochant de l'autre sexe. L'article 71 du se borne aussi à faire état d'une <<modification structurale>>, des <<caractères sexuels apparents>>... En l'absence de la cause thérapeutique, les actes sont pénalement punissables, dans le cadre des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne humaine. L'arrêt du 30 mai 1991 ne souffre pas l'interprétation. Le <<principe thérapeutique>>, <<norme éthique objective>> , est la

. En outre, le droit français, tirant les leçons de cette seule obtention d'une apparence (imparfaite en l'état des données de la chirurgie), ne permet que de refléter sur les actes de l'état civil la nouvelle image sociale que s'est donnée le sujet, avec mention du sexe désormais apparent, réserve prise préalablement de la vérification de la licéité de l'opération, avec, en cas d'intérêt légitime, un changement de prénom. L'article 71 C.c.Q. semble ne pas aller plus loin: la mention du sexe figurant sur l'acte de naissance sera modifiée, ce qui ne signifie pas que l'on consentira au sujet une appartenance complète au sexe recherché. L'article 365 C.c.Q. précise -- et ceci intéresse le débat -- que le mariage est contracté entre un homme et une femme, et non des individus dont l'un a l'apparence d'un homme ou d'une femme... Si notre lecture du droit

québécois n'est pas trop inexacte, nos deux droits demeurent proches l'un de l'autre en ce domaine gravissime de la chirurgie plastique, mais l'on peut s'interroger sur la dynamique que développera la thèse de l'autonomie du sujet, dont le récent arrêt du 30 septembre 1993 prouve qu'elle recèle des forces surprenantes. S'il fallait estimer que cette doctrine permet l'autodestruction du sujet, avec un jeu de compensation en cas d'impossibilité pratique d'y procéder ( , les respectables opinions dissidentes), rien ne s'opposerait en logique à la simple (si l'on peut ainsi écrire) demande de destruction médicale, dite <<modification structurale>> par euphémisme, de l'apparence corporelle. Ces interventions, parfois suivies de suicides par

désespoir, se situent à mi-chemin entre les réfections modérées de cette apparence jugées

licites et l'aide médicale à la suppression de la personne. Si l'on déclare régulières celles- là, si l'on pense que le , en réprimant l'assistance au suicide prive le sujet <<de son

[96]

Convention européenne des droits de l'Homme

Code civil du Québec

[97] ratio decidendi

Sue Rodriguez

cf.

a priori

Code criminel

(16)

autonomie personnelle et lui cause des douleurs physiques et une tension psychologique telles [qu'il] porte atteinte à la sécurité de sa personne>> , quitte à comprendre ensuite que cette prohibition n'est pas contraire au principe de proportionnalité , nulle barrière juridique ne semble s'opposer à une déclaration de légalité de l'intervention transsexuelle dépourvue de cause thérapeutique, quelle que soit la pertinence des arguments contraires, à notre avis prudents et justifiés, développés naguère par M. le juge Mayrand: il est des logiques invincibles!

[98] [99]

Autodétermination dans la maîtrise de la procréation

Des jugements rendus sur les responsabilités de chirurgiens auteurs de stérilisations laissent le lecteur sur la même impression que ceux intervenus en chirurgie esthétique: la stérilisation non curative est licite. Tel est le cas de la vasectomie pratiquée sur 24 agents de police (pourquoi donc cette demande d'ensemble?) , ou sur un père de famille surpris par une grossesse ultérieure de sa femme: [100]

le demandeur n'a pas choisi la vasectomie comme moyen de contraception seulement sur ce qu'il a tenu du défendeur, mais aussi de son médecin de famille qui lui a présenté cette méthode comme une des sûres qui apportent solution au problème de planification.[101]

La stérilisation contraceptive est admise en droit québécois <<si elle est pratiquée sur un adulte qui y a donné un consentement éclairé>> , bien que <<certaines ambiguïtés et incertitudes peuvent encore naître à propos de la nature même du consentement éclairé et des représentations et garanties faites aux patients par les médecins avant d'effectuer ces interventions>>. Dans la décision c. , la Cour concluait que la stérilisation volontaire n'était plus contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs; les <<objections de principe à l'égard de ce genre d'intervention>> étaient écartées, le médecin étant, en contrepartie (et comme en matière de chirurgie cosmétique) chargé d'un devoir alourdi d'information . La stérilisation

eugénique, en revanche, est plus discutée, comme violant le droit du sujet à la procréation et, ce qui complique la situation, ouvrant en cas d'insuccès la voie vers l'action de . Vue sous l'angle du droit criminel, elle ne serait acceptée qu'entreprise pour le bien de l'intéressé, ce qui est encore objet de discussions. Mais, dans l'affaire , l'intervention était- elle contraceptive, ou déjà eugénique? À titre indicatif, l'Alberta entre 1928 et 1971, et la Colombie-Britannique entre 1942 et 1973, ont fait l'expérience de législations de stérilisation eugénique. De telles lois, écrit la Commission de réforme du droit du Canada, ont <<acquis en pratique une potentialité de discrimination>>.

[102]

Cataford Moreau[103]

[104]

wrongful life[105]

Engström[106]

En droit français, en dépit d'une interprétation totalement erronée d'un arrêt de la Cour de cassation, de 1983, seule la stérilisation thérapeutique est licite, la jurisprudence n'étant jamais revenue sur les principes posés en 1937 . Les débats de janvier 1994 devant le Sénat ont confirmé cette solution. La position est identique à celle tenue en chirurgie purement esthétique, et pour les mêmes motifs d'ordre public, quels que soient les consentements émis par les

intéressés. Le droit français adopte ce que M. Mantovani appelait une <<position garantiste>>

interdisant de prendre en considération des demandes libres et éclairées, dont l'objet est une atteinte à l'intégrité du corps humain et dont la cause n'est pas curative. La protection du sujet prime l'assentiment à l'acte, et le contrat de stérilisation eugénique ou contraceptive serait aussi nul que celui de chirurgie plastique, avec la même réserve d'hésitation à faire déclarer

judiciairement cette nullité, motif pris du refus d'intervention éventuel de l'assureur. Cette crainte de la pratique est d'autant plus fondée que la plus importante compagnie d'assurance médicale vient de décider de ne plus prendre en charge les complications de cette intervention, en raison de son illicéité .

[107]

[108]

Dans ce domaine de la procréation, il serait délicat de rapporter l'avortement au droit québécois, dans la mesure où il relève du droit criminel, donc fédéral. Cependant, ce droit s'applique au Québec comme dans les autres provinces, ce qui justifie un temps d'arrêt. Si la pratique de l'avortement a depuis longtemps suscité des procédures pour

manquement aux règles de l'art[109], risquant de se développer vers

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