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Étude de la progression de la représentation du système alphabétique chez des élèves de maternelle à travers la relation liant l'acte de lire et l'acte d'écrire

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ETUDE DE LA PROGRESSION DE LA

REPRÉSENTATION DU SYSTÈME

ALPHABÉTIQUE CHEZ DES ÉLÈVES DE

MATERNELLE À TRAVERS LA RELATION LIANT

L'ACTE DE LIRE ET L'ACTE D'ÉCRIRE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en psychopédagogie

pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT D'ETUDES SUR L'ENSEIGNEMENT ET L'APPRENTISSAGE FACULTÉ DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2012

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L'émergence de la littératie, période s'échelonnant de la naissance à l'entrée formelle dans le monde scolaire, est un moment crucial pour la construction des attitudes, des connaissances et des habiletés liées au monde de l'écrit. Dans une perspective socioconstructiviste, où l'on considère que l'enfant joue un rôle actif dans le processus d'apprentissage, cette construction est le résultat d'une constante interrelation entre l'apprenant et son action sur et dans l'environnement écrit fonctionnel. Afin de pouvoir maîtriser l'univers de l'écrit, l'enfant doit cependant être en mesure d'identifier les mots écrits. Pour ce faire, il doit comprendre le fonctionnement de notre système d'écriture. En manipulant l'écrit, l'enfant chemine à travers différents niveaux de représentation qui l'amènent à comprendre la nature alphabétique de notre système d'écriture. Tout semble indiquer que cette progression est de nature développementale et qu'elle est possible grâce à F interrelation entre la lecture et l'écriture.

Le présent projet de recherche présente la progression de la représentation du système alphabétique de 35 élèves de classe maternelle ayant participé à des activités régulières d'écriture provisoire et de lecture interactive tout au long de l'année. Une collecte de données a été réalisée en début et en fin d'année scolaire afin d'évaluer les habiletés de lecture et d'écriture des élèves eu égard au caractère alphabétique du système français d'écriture. Les résultats indiquent que, grâce aux activités d'écriture et de lecture, les élèves cheminent dans leur représentation du système alphabétique et que la compréhension de ce système, si elle présente une avancée dans ses débuts en lecture, est rapidement complexifiée par les activités d'écriture en classe maternelle.

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Avant-Propos

Je tiens d'abord à remercier mes directrices de mémoire, mesdames Hélène Makdissi et Pauline Sirois, qui m'ont guidée à travers ce long périple. Merci à madame Makdissi pour sa présence, son écoute, ses conseils judicieux et sa façon de constamment valoriser notre travail. Je sortais toujours de nos rencontres pleine d'une énergie nouvelle. Merci à madame Sirois pour m'avoir guidée dans mes premiers balbutiements aux cycles supérieurs et pour m'avoir fait découvrir une toute autre conception de l'enseignement. Merci à madame Andrée Boisclair pour la correction de ce mémoire.

Je tiens également à remercier Sylvie Rocque, Jacques Langevin et Mimi pour m'avoir fait découvrir le merveilleux monde de la recherche universitaire. Vous m'avez fait confiance et m'avez offert de belles opportunités. Je pense souvent à vous.

Un merci bien spécial à mes collègues de bureau, mes déesses : Amélie, Alice, Marie-Hélène, Claudia, Emilie et David, avec qui j'ai partagé idées, embûches, désarroi et d'innombrables fous rires. Je vous dois mes midis les plus animés. Sans oublier Marie-Pierre; tu es incontestablement « secorôw ».

Je tiens également à remercier mes amies, Anne-Marie et Mariève, pour votre amitié indéfectible, vos encouragements constants et nos longues conversations. Je sais que je peux toujours compter sur vous.

Je remercie également mon père pour son amour et son appui tout au long de cette aventure. Merci mon papounet d'amour.

Finalement, je remercie mon conjoint, Camille, mon amoureux de toujours. Sans ton aide dans la dernière année, je n'y serais jamais arrivée. Que ferais-je, mon Bibi, sans ton humour et notre belle complicité?

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Table des matières

Résumé i Avant-Propos ii Table des matières iii Liste des tableaux v Liste des figures vi

Introduction 1 Chapitre 1 : Cadre théorique 4

1.1 La littératie et son émergence 4 1.2 Les principaux modèles d'apprentissage 5

1.2.1 Le modèle de la transmission des connaissances 5

1.2.2 Le modèle socioconstructiviste 6

1.3 L'acte de lire 7 1.3.1 Le modèle interactif de compréhension en lecture 7

1.3.1.1 Le texte 7 1.3.1.2 Le contexte 8 1.3.1.3 Le lecteur 9 1.3.1.4 Le contexte social 11

1.3.2 La construction de sens lors de la lecture 12

1.3.2.1 La macrostructure du texte 13 1.3.2.2. La microstructure du texte 13

1.4 L'identification des mots 14 1.4.1 La lecture : le modèle à double voie 14

1.4.2 L'écriture : la construction de la représentation du système alphabétique 17

1.4.2.1 Le niveau présyllabique 18 1.4.2.2 Le niveau syllabique 19 1.4.2.3 Le niveau syllabico-alphabétique 21 1.4.2.4 Le niveau alphabétique 22 1.4.3 L'interaction lecture/écriture 22 1.5 Question de recherche 23 Chapitre 2 : Méthodologie 24 2.1 Le contexte de recherche 24 2.1.1 Formation des enseignantes 24

2.1.2 Les activités d'écriture provisoire 25

2.1.3 Les activités de lecture 26

2.2 But et objectifs 26 2.3 Les sujets 27 2.4 La collecte de données 27

2.4.1 Le déroulement des rencontres 28 2.4.2 Épreuve d'écriture provisoire 28

2.4.2.1 Mise en situation de l'épreuve d'écriture 28

2.4.2.2 Choix des items d'écriture 29 2.4.2.3 Déroulement de l'épreuve d'écriture 31

2.4.3 Épreuve de lecture émergente 33 2.4.3.1 Mise en situation de l'épreuve de lecture 33

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2.4.3.2 Choix des items et déroulement de l'épreuve de lecture 33

2.5 Le plan d'analyse 45 2.5.1 Cotation des écritures provisoires 45

2.5.2 Cotation de la lecture émergente 47

2.5.3 Les variables à l'étude 48 2.5.4 Les analyses quantitatives 49

2.5.5 Les hypothèses 49 Chapitre 3 : Analyse des résultats 51

3.1 Progression des élèves dans leur représentation du système alphabétique

en écriture 51 3.1.1 Analyse de l'épreuve d'écriture en temps 1 51

3.1.2 Analyse de l'épreuve d'écriture en temps 2 55 3.2 Progression des élèves dans leur représentation du système alphabétique en lecture 60

3.2.1 Analyse de l'épreuve de lecture en temps 1 60 3.2.2 Analyse de l'épreuve de lecture en temps 2 66 3.3 Description de la relation entre la lecture et l'écriture lors de la construction de la

représentation du système alphabétique 69 3.3.1 Liens entre les résultats en écriture et en lecture 69

3.3.2 Avancées de l'écriture sur la lecture et de la lecture sur l'écriture aux différents

niveaux de représentation du système alphabétique 70

Chapitre 4 : Discussion des résultats 83 4.1 Cheminement des élèves de maternelle dans leur représentation du système

alphabétique à partir de l'écriture provisoire 83 4.2 Cheminement des élèves de maternelle dans leur représentation du système

alphabétique à partir de la lecture émergente 86 4.3 Relation entre la lecture et l'écriture 87

4.4. Implications pédagogiques 91 4.5 Limites de l'étude 93 Conclusion 95 Bibliographie 96 Annexe 1 100 Annexe 2 102

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Tableau 3.1 Comparaison de la relation entre l'écriture et la lecture et de la relation

entre la lecture et l'écriture 89 Tableau 3.2 Progression de la représentation du système alphabétique 91

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Liste des figures

Figure 1.1 Modèle de la transmission des connaissances (adapté de Giasson, 1990) 6

Figure 1.2 Modèle interactif de lecture selon Giasson (2011) 8 Figure 1.3 Modèle interactif étendu de compréhension en lecture (Snow, 2002) 11

Figure 2.1 Échelle de cotation des écritures provisoires 46 Figure 2.2 Échelle de cotation de la lecture émergente 47 Figure 3.1 Progression de la représentation du système alphabétique en écriture 59

Figure 3.2 Progression de la représentation du système alphabétique en lecture 68

Figure 3.3 Relation entre l'écriture et la lecture en temps 1 (niveaux) 71 Figure 3.4 Relation entre l'écriture et la lecture en temps 2 (niveaux) 72 Figure 3.5 Relation entre la lecture et l'écriture en temps 1 (niveaux) 73 Figure 3.6 Relation entre la lecture et l'écriture en temps 2 (niveaux) 75 Figure 3.7 Relation entre l'écriture et la lecture en temps 1 (pourcentages) 76 Figure 3.8 Relation entre l'écriture et la lecture en temps 2 (pourcentages) 77 Figure 3.9 Relation entre la lecture et l'écriture en temps 1 (pourcentages) 78 Figure 3.10 Relation entre la lecture et l'écriture en temps 2 (pourcentages) 79 Figure 3.11 Effets de l'écriture sur la lecture en temps 1 et en temps 2 80 Figure 3.12 Effets de la lecture sur récriture en temps 1 et en temps 2 81

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L'acquisition du langage écrit est un apprentissage central dans la vie d'un individu, particulièrement dans une société industrialisée telle que la nôtre. Non seulement est-il quasi essentiel d'être alphabétisé pour « survivre » dans un milieu où la performance et la réussite sont des valeurs très présentes, mais l'écrit connaît présentement, en particulier grâce à l'informatique, sa plus grande expansion depuis son invention (Jaffré, 2004). Alors que le simple recours à la communication orale permettait auparavant d'être fonctionnel en société, le nombre toujours croissant d'informations disponibles par écrit rend maintenant indispensable une maîtrise élevée du savoir lire et écrire.

Au-delà de la fonction utilitaire, il ne faut pas négliger le rôle que tient l'écrit dans l'épanouissement personnel de chacun. Que ce soit pour se distraire, s'amuser, communiquer avec les autres ou enrichir sa culture (Thériault, 2000), l'écrit ouvre les portes d'un monde aux possibilités infinies.

Cette nécessité d'apprendre à lire et à écrire se fait sentir dès l'entrée à l'école. En effet, l'écrit est utilisé dans toutes les matières scolaires afin de transmettre de l'information que ce soit lors de la rédaction de textes en français, de la résolution de problèmes écrits en mathématiques ou par l'intermédiaire des livres de sciences ou de géographie, par exemple (Goupil, 1997). La lecture se trouvant à être la clé pour acquérir de nombreuses connaissances, des difficultés d'apprentissage sérieuses dans ce domaine risquent d'entraîner de graves conséquences pour l'ensemble de la scolarité d'un élève (MELS, 2005, 2008; Morin, M.-F., Montésinos-Gelet, L, Parent, J., Prévost, N., Charron, A., Ling, G. et Valiquette, V., 2006).

Il ne faut donc pas s'étonner de l'importante place accordée à l'apprentissage ainsi qu'à l'enseignement de la lecture et de l'écriture autant dans les programmes ministériels que dans le domaine de la recherche en éducation. Beaucoup d'efforts ont d'ailleurs été

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écrire en début de scolarité.

Les nombreux auteurs (Ehri, 1997; Ferreiro, 2000; Frith, 1985; Giguère, Giasson et Simard, 2002; Sirois, 2004; Sirois et Boisclair, 2007) qui ont écrit sur le sujet suggèrent, entre autres, que plus les enfants seraient éveillés tôt, non seulement à la lecture mais également à l'écriture, plus leurs apprentissages seraient facilités.

Or, les traditions de notre système scolaire incitent peu les enseignants à travailler l'écrit à la fois sous l'angle de la lecture et sous celui de l'écriture au tout début de la scolarisation, soit en maternelle. Un grand nombre d'enseignants de ce niveau hésitent en effet à présenter des interventions structurées en lien avec la lecture et l'écriture aux élèves. Bien qu'ils soient conscients de l'importance d'initier tôt l'enfant au monde de l'écrit, ils considèrent que cela doit se faire, à ce niveau scolaire, de manière naturelle, sans intervention spécifique de leur part (Moreau et Landry, 2000; Pierre, 2003).

L'année en maternelle s'avère pourtant un moment propice pour soutenir les enfants dans leur découverte de l'écrit, ce qui leur permettra d'aborder plus facilement l'enseignement formel de la lecture et de l'écriture lors de leur entrée en première année. En sachant comment progressent les élèves dans leur représentation du système alphabétique lors de cette période de leur scolarité, ce que tente de déterminer ce présent projet de recherche, les enseignants de maternelle pourraient créer un environnement structuré et fonctionnel où des activités quotidiennes de lecture et d'écriture seraient présentées aux élèves en respectant leur rythme d'apprentissage et leur développement global.

Dans le cadre de cette recherche, 35 élèves de maternelle ont été rencontrés afin de déterminer leur niveau de représentation du système alphabétique en début et en fin d'année scolaire. Le mémoire présente, au premier chapitre, le cadre théorique inhérent à la présente démarche de recherche. Ce chapitre aborde l'émergence de la littératie, les principaux modèles d'apprentissage, une définition de l'acte de lire et l'identification des

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deuxième chapitre traite de la méthodologie utilisée dans le cadre de la recherche. Au troisième chapitre, l'analyse des résultats est présentée suivie, au quatrième chapitre, d'une discussion portant sur ces résultats.

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1.1 L A LITTÉRATIE ET SON ÉMERGENCE

La lecture et l'écriture s'inscrivent dans un contexte plus large que l'on nomme littératie, terme dont l'histoire est loin d'être simple. Bien que largement utilisé dans la littérature scientifique, il n'y a pas encore de consensus quant à sa définition ni même quant à son orthographe1, bien que plusieurs auteurs se soient penchés sur la question.

À la suite de l'étude de l'origine du mot literacy et de son utilisation dans diverses langues et dans différents domaines, Jaffré (2004) définit la littératie comme l'ensemble des activités humaines impliquant l'utilisation de l'écriture, en réception et en production. La littératie comporte des compétences de base, linguistiques et graphiques, qui sont mises au service de différentes pratiques (techniques, cognitives, culturelles ou sociales). Son contexte peut varier selon chaque pays, chaque culture et chaque époque. Dans le Dictionnaire actuel de l'éducation (Legendre, 2005), la littératie est, entre autres, définie comme une « notion plus large que l'alphabétisation [...] qui concerne tout ce qui a rapport au domaine de l'écrit ». Makdissi et Boisclair (2010), quant à elles, offrent une définition plus circonscrite de ce qu'est la littératie en la définissant comme l'art d'interpréter un discours textuel qui permet une construction de sens grâce à un dialogue entre le scripteur et le lecteur, alors que l'un des deux est absent au moment où l'autre manipule ce discours textuel (le scripteur n'est pas en présence du lecteur lorsqu'il couche son texte sur papier et le lecteur n'est pas en présence du scripteur lorsqu'il aborde ce même texte).

Pour réussir la construction de sens mentionnée dans cette dernière définition, le lecteur doit utiliser les connaissances qu'il a acquises au sujet de l'écrit au fil du temps. Il est

1 D'abord apparu en anglais à la fin du XIXe siècle, le terme literacy sera traduit en premier lieu par litéracie

dans la langue française puis par littéracie. L'utilisation du « tt » est justifiée par la relation dérivationnelle d'avec les termes littérature, littéraire, etc. (Jaffré, 2004). L'utilisation de littéracie étant jugée un calque de l'anglais par l'Office de la langue française, la graphie littératie fît son apparition (Pierre, 2003). C'est celle qui est privilégiée dans le présent ouvrage.

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commencent à construire ces connaissances bien avant leur entrée formelle à l'école, soit dès leur naissance. C'est ce qu'on appelle communément l'émergence de la littératie, la conscience de l'écrit ou l'éveil à l'écrit. Les différentes définitions s'accordent toutes pour souligner que l'enfant développe un ensemble de connaissances et d'habiletés liées à l'écrit en interagissant quotidiennement et de façon informelle avec son environnement (Giasson, 2011; Moreau et Landry, 2000; Pierre, 2003; Sénéchal, 2003), par exemple lorsqu'il est en contact avec des livres, avec l'écrit dans son environnement ou avec les comportements de lecteur et de scripteur de son entourage.

1.2 LES PRINCIPAUX MODÈLES D'APPRENTISSAGE

Comme l'émergence de la littératie, tout apprentissage se fait en relation avec l'environnement de la personne apprenante et chaque personne est l'acteur principal de ses apprentissages. Piaget (1968) l'a maintes fois démontré dans ses travaux et cette vision, bien qu'elle soit maintenant solidement admise dans les milieux de l'éducation et de la psychologie, présente toujours un défi de taille dans ses applications pédagogiques au quotidien. Différents modèles d'apprentissage se côtoient d'ailleurs dans le domaine de l'éducation. En voici un bref aperçu.

1.2.1 Le modèle de la transmission des connaissances

On a longtemps considéré que l'enfant n'était pas responsable de ses apprentissages, qu'il était en quelque sorte un réservoir dans lequel l'enseignant se devait de verser des savoirs figés en partageant avec lui ses connaissances. Cette façon de penser a donné naissance au modèle de la transmission des connaissances (voir figure 1.1). Selon Giasson (2003), la connaissance est considérée, dans ce modèle, « comme une entité statique » située à l'extérieur de l'élève et que l'on doit faire entrer dans sa tête. Appliqué à l'enseignement de la lecture, ce modèle suggère que le sens recherché lors de la lecture se situe entièrement dans le texte et qu'il est indépendant du lecteur et du contexte de lecture

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apprentissages, ne favorise pas le réinvestissement de ces derniers dans l'activité cognitive générale des élèves. Bien que d'autres modèles d'apprentissage, plus efficients, aient fait leur apparition au cours des dernières décennies, de nombreux enseignants continuent d'appliquer plus ou moins consciemment cette approche dans leur enseignement (Giasson, 2003).

LECTEUR

Figure 1.1 Modèle de la transmission des connaissances (adapté de Giasson, 1990)

1.2.2 Le modèle socioconstructiviste

Le modèle socioconstructiviste fait partie des modèles d'apprentissage cognitifs qui ont émergé au cours du siècle dernier. Ce modèle suggère que l'apprentissage est un processus dynamique et que l'enfant y joue un rôle actif (Giasson, 2003; Ruddell et Unrau, 2004). En effet, on considère que la connaissance se construit à travers l'interaction de l'enfant avec son environnement, et plus particulièrement avec les membres plus connaissants de sa communauté (Giasson, 2003). Les concepts de zone de proche développement et d'étayage sont très importants dans le modèle socioconstructiviste. La zone de proche développement correspond, telle que la définit Vygotski (1997/1934), à la zone entre ce que l'enfant peut réaliser seul et ce qu'il peut accomplir avec l'aide d'un adulte ou d'un pair plus avancé. L'étayage, quant à lui, est l'aide apportée par l'adulte ou le pair plus avancé pour propulser l'enfant vers le niveau supérieur de connaissance qu'il est en mesure d'atteindre (un apprentissage qui exigerait la contribution d'un niveau de raisonnement trop éloigné de

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dernier et ne pourrait être construit solidement, et ce, même avec l'aide d'une personne plus compétente). Ce soutien apporté par la personne aidante sera de moins en moins présent à mesure que l'enfant progressera dans son apprentissage allant jusqu'à disparaître complètement. Il est donc du ressort de la personne aidante de juger à quels niveaux de développement actuel et prochain se situe l'enfant et d'ajuster ses interventions aux besoins d'apprentissage de ce dernier.

1.3 L'ACTE DE LIRE

1.3.1 Le modèle interactif de compréhension en lecture

Le présent projet de recherche s'inscrit précisément dans une vision socioconstructiviste de l'apprentissage. La lecture y est considérée comme un processus interactif au cœur duquel le lecteur joue un rôle central. Selon plusieurs auteurs (Giasson, 2011, 1990; Legendre, 2005; Makdissi, Schmidt et Loiselle, 2009; Ruddell et Unrau, 2004), la compréhension en lecture résulte d'une interaction entre trois composantes : le lecteur, le texte et le contexte. Ainsi, la compréhension du lecteur diffère selon son développement personnel, le type de texte qu'il lit et l'environnement physique dans lequel il se trouve (voir figure 1.2).

1.3.1.1 Le texte

Les textes lus par les élèves comportent chacun des caractéristiques propres qui peuvent être classées en trois catégories. Premièrement, l'intention de l'auteur détermine le genre du texte lu (récit, texte argumentatif, etc.). De cette intention découle, entre autres catégories, les deux suivantes : la structure du texte, soit l'organisation des idées dans ce dernier, et le contenu du texte qui réfère aux concepts, aux connaissances et au vocabulaire transmis par l'auteur à travers son œuvre (Giasson, 2011). Le genre et le contenu d'un texte influencent

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la compréhension du lecteur. Par exemple, un enfant qui lit le récit Le prince d'Egypte pour se divertir ne mobilisera pas les mêmes connaissances et ne lira pas le texte de la même manière que s'il lit un texte informatif sur le printemps égyptien. Même si une part du contenu est semblable dans les deux textes, la lecture comme la compréhension construite seront différentes.

Figure 1.2 Modèle interactif de lecture selon Giasson (2011) 1.3.1.2 Le contexte

La difficulté relative d'un texte peut être modulée par le contexte. Ce dernier comprend toutes les conditions présentes lors de la lecture d'un texte. Certaines de ces conditions sont fixées par le lecteur alors que d'autres lui sont imposées par le milieu dans lequel il se trouve lors de l'activité de lecture (Giasson, 2011). Il existe trois catégories de contexte : le contexte psychologique, qui se distingue principalement par l'intention de lecture et qui influe beaucoup sur la compréhension puisque l'information retenue diffère selon l'intention réelle du lecteur (on ne lit pas un roman de la même manière si on le fait par pur plaisir à la suite de la suggestion d'un ami que si on doit en faire un résumé à nos pairs ou que si on doit répondre à des questions d'examen portant sur ce livre), le contexte social, qui comprend l'effet qu'ont les interactions de l'entourage sur la lecture (la compréhension d'un texte ne sera pas la même lors d'une lecture à voix haute pour autrui que lors d'une lecture personnelle), et le contexte physique qui inclut les bruits ambiants, les diverses

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lit), etc.

1.3.1.3 Le lecteur

Il convient, afin de bien comprendre ce qu'est l'acte de lire, de se pencher sur les structures et les processus utilisés par le lecteur.

a) Les structures

Bien que le texte et le contexte influencent l'acte de lire tel que mentionné précédemment, le lecteur demeure l'élément central du processus de compréhension en lecture. Lorsqu'il aborde un texte, il le fait avec ses caractéristiques propres, c'est-à-dire ses intérêts et les connaissances qu'il a acquises au fil du temps. Ces caractéristiques peuvent être classifiées selon deux types de structures qui fonctionnent de manière simultanée et integrative: les structures affective et cognitive (Giasson, 2011, 1990; Ruddell et Unrau, 2004). La structure affective est constituée des attitudes et de la motivation du lecteur face à la lecture et au contenu du texte lu, de ses intentions de lecture ainsi que de ses valeurs et de ses croyances socioculturelles. La structure cognitive correspond aux connaissances et aux savoir-faire acquis par le lecteur, depuis sa naissance, dans tous les domaines imaginables. Lors de la lecture d'un texte, plusieurs de ces connaissances et de ces savoir-faire sont sollicités.

Certains d'entre eux sont nécessaires à l'acquisition de la lecture et de l'écriture, c'est-à-dire qu'ils doivent avoir été construits par l'enfant préalablement, durant la petite enfance, afin qu'il puisse facilement appréhender le fonctionnement de notre système alphabétique et être en mesure de construire du sens lors de la lecture d'un texte. Sirois et Boisclair (2007) ont répertorié ces fondements essentiels à l'apprentissage de la langue écrite, qui sont d'ailleurs en lien étroit avec les processus impliqués en lecture tels

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que rendus par Giasson (1990), Irwin (1986/2007) de même que Ruddell et Unrau (2004), et qui sont présentés dans la prochaine section.

b) Les processus2

Outre ses structures cognitive et affective, l'enfant utilise, lors de la lecture, diverses habiletés que l'on nomme processus. Selon Irwin (2007/1986), les processus impliqués en lecture se divisent en cinq catégories, comprenant chacune des composantes particulières. La première catégorie, les microprocessus, comporte le travail fait au plan de la phrase. Cette catégorie de processus repose principalement sur les fondements suivants, qui sont reconnus spécifiques à l'écrit (Casalis, 1995; Ecalle et Magnan, 2002) et qui interviennent tous au niveau du code: la reconnaissance des mots écrits, la lecture par groupes de mots et la microsélection, soit l'identification de l'information pertinente de chaque phrase. Au début de l'apprentissage de la lecture, les microprocessus requièrent énormément d'énergie cognitive de la part du jeune lecteur. Les enseignements en lecture faits en première année du primaire sont d'ailleurs très centrés sur les fondements qui les soutiennent même si, paradoxalement, ce sont ceux qui s'acquièrent le plus rapidement. Il s'agit de la conscience phono logique, voire phonémique, de la représentation du système d'écriture et des connaissances des conventions de l'écrit (Sirois et Boisclair, 2007). Le reste des fondements soutient les quatre autres catégories de processus, soit les processus d'intégration, qui sont impliqués dans la cohésion locale du texte (compréhension des liens entre les phrases), les macroprocessus, qui sont en lien avec la compréhension globale du texte, les processus d'élaboration, qui permettent au lecteur de faire des inferences au-delà de ce que l'auteur avait prévu et, finalement, les processus métacognitifs, qui sont en lien avec la gestion de la compréhension du texte. Au contraire des fondements liés aux microprocessus, ceux qui soutiennent les processus d'intégration, les macroprocessus, les processus d'élaboration et les processus métacognitifs sont des fondements non spécifiques à l'écrit (Casalis, 1995; Ecalle et Magnan, 2002). Ils se construisent chez l'enfant avant

Cette représentation des processus est partagée par plusieurs auteurs, notamment Kintsch (2004), mais une position plus nuancée sera présentée plus loin dans cette section. C'est cette dernière qui est adoptée dans ce mémoire.

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son entrée à l'école mais continuent de se développer longtemps après le début de sa scolarité. Ils comportent la capacité à prendre des risques aux plans sémantique et linguistique, la capacité à raconter, à expliquer et à inférer, les connaissances sur le monde, la compréhension du récit, l'attitude de recherche de l'enfant ainsi que la compréhension et l'élaboration des structures morphosyntaxiques à l'oral.

1.3.1.4 Le contexte socioculturel

Snow (2002) ajoute à ce modèle un contexte socioculturel élargi dans lequel s'insèrent les trois composantes du modèle précédent3 créant ainsi un modèle interactif étendu de

compréhension en lecture (figure 1.3).

Figure 1.3 Modèle interactif étendu de compréhension en lecture (Snow, 2002)

3 Snow remplace la composante contexte par ce qu'elle appelle activity. Elle y inclut l'intention de lecture et

les « conséquences » résultant de la lecture, qu'elle regroupe en trois catégories : les connaissances, les savoir-faire et l'engagement envers la lecture (ne pas pouvoir décrocher d'un roman, par exemple), ce qui s'apparente au contexte psychologique du modèle de Giasson. Les contextes social et physique sont inclus dans le contexte socioculturel de Snow. Ce dernier présente également d'autres contextes qui sont présentés dans cette section.

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Le contexte socioculturel inclut divers contextes qui correspondent aux environnements dans lesquels l'enfant évolue. Outre le contexte de la classe, Snow souligne l'importance des contextes familial, scolaire et social. L'importance du contexte familial n'est plus à prouver (Aikens et Barbarin, 2008 dans Giasson, 2011; van Kleeck, 2010). C'est principalement dans son environnement familial que l'enfant développe, avant son entrée à l'école, ses habiletés et ses connaissances liées au monde de l'écrit. Le soutien apporté par ce milieu et l'importance accordée par la famille à l'école influeront également tout au long de son cheminement scolaire (van Kleeck, 2010). Le contexte scolaire comporte, entres autres, les différentes politiques appliquées dans l'école, les services offerts aux élèves et les orientations empruntées par le personnel enseignant quant aux apprentissages. Finalement, le contexte social réfère à la communauté dans laquelle vit l'enfant, notamment aux valeurs qui y sont véhiculées et à son contexte socioéconomique, fortement lié à la réussite en lecture (Giasson, 2011).

1.3.2 La construction de sens lors de la lecture

La compréhension en lecture est donc la construction du sens d'un texte faite par le lecteur dans un contexte donné. Il convient maintenant de se pencher sur la définition de cette construction de sens.

Pour construire du sens, le lecteur doit relier entre elles toutes les parties d'un texte afin de s'en faire une représentation globale. Ces liens entre chaque partie du texte sont parfois explicitement nommés, mais ils sont très souvent implicites. Il revient alors au lecteur de les débusquer et de les comprendre. Pour ce faire, le lecteur doit élaborer des inferences, en reliant deux ou plusieurs parties du texte entre elles ou en liant une partie du texte à ses connaissances sur le monde, par exemple. La difficulté à élaborer des inferences a d'ailleurs été ciblée comme une cause importante d'échec en lecture, bien plus que le manque de fluidité ou les difficultés de repérage d'informations explicites (Yuill et Oakhill, 1991 dans Makdissi, Schmidt et Loiselle, 2009). Ainsi, un élève qui décode aisément les mots mais qui n'est pas capable d'inférer adéquatement n'arrivera pas

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à bien comprendre le texte puisque ce sont les inferences construites qui permettent au lecteur d'accéder à la représentation globale qu'il se fait de la macrostructure du texte.

1.3.2.1 La macrostructure du texte

Un texte se divise en effet en deux parties, la macrostructure et la microstructure. La macrostructure correspond à l'organisation textuelle globale des différentes composantes d'un texte (Makidissi, Boisclair, Blais-Bergeron, Sanchez et Darveau, 2010). Prenons, pour illustrer ce propos, le type de textes le plus couramment lu avec les enfants d'âge préscolaire : le récit.

Un récit est constitué d'une suite d'événements présentés de façon linéaire à l'écrit, mais liés hiérarchiquement entre eux par des relations causales. La majorité des récits lus par les enfants présente la structure canonique suivante : la situation initiale, l'événement perturbateur (ou le problème), le but, les péripéties (ou la structure épisodique), la solution et l'émotion, qui est implicitement ou explicitement liée aux diverses composantes du récit. Ce sont toutes ces composantes et les relations qui les organisent qui en font un tout cohérent au niveau sémantique (Legendre, 2005).

1.3.2.2 La microstructure du texte

La microstructure, quant à elle, réfère aux mots et aux phrases qui constituent un texte. Ainsi, le lecteur accède à la microstructure du texte par l'identification des mots et des phrases, le tout soutenu par sa recherche de sens, sa capacité à inférer et son élaboration constante de la macrostructure du texte.

Bien que, à elle seule, la maîtrise des habiletés microstructurales ne soit pas suffisante pour comprendre un texte, elle est nécessaire afin de permettre au lecteur d'accéder de manière autonome (sans l'aide d'autrui pour lui faire la lecture) à la macrostructure du texte. Ces

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habiletés microstructurales qui incluent l'identification des mots, habileté spécifique à l'écrit, prendront une importance capitale lors de l'entrée dans l'apprentissage formel de la lecture.

1.4 L'IDENTIFICATION DES MOTS

L'identification des mots comporte, selon Irwin (2007/1986), l'utilisation d'indices phonétiques, syntaxiques et de sens. Elle est liée à la compréhension en lecture puisqu'elle permet au lecteur d'accéder à ce qui est écrit. Cette capacité à identifier les mots se construit à partir de diverses expériences de lecture et d'écriture. Bien que ces expériences se fassent de manière simultanée, il convient ici de présenter de manière distincte les constructions faites dans la voie de la lecture, puis celles faites dans la voie de l'écriture, tout en considérant l'interaction qui les relie.

1.4.1 La lecture : le modèle à double voie

Plusieurs recherches ont été menées afin de comprendre comment l'enfant procède pour identifier les mots écrits de manière autonome. Il appert que deux procédures sont utilisées pour traiter les mots écrits (Casalis, 1995; Sprenger-Charolles et Casalis, 1996). La première procédure, l'assemblage, consiste en une analyse phonémique du mot. Le lecteur arrive à se représenter le mot écrit en associant chacun des graphèmes qui le constituent aux phonèmes qui leur correspondent à l'oral , donc en décodant. On dit alors qu'il accède de manière indirecte à la représentation du mot. La seconde procédure, l'adressage, permet d'associer le mot à une représentation visuelle ou orthographique que le lecteur a déjà construite en mémoire. Il associe ainsi directement le mot identifié à l'écrit à son répertoire lexical. Afin qu'un mot soit lu par adressage, il doit être stocké dans la mémoire du lecteur,

4 Selon le Dictionnaire actuel de l'éducation (Legendre, 2005), le phonème est «l'unité minimale de

référence [...] du langage parlé ». La langue française comporte 36 phonèmes (16 voyelles, 17 consonnes et 3 semi-consonnes). Le graphème, quant à lui, est le « signe graphique transcrivant un phonème et permettant d'établir une concordance parfaite entre l'un et l'autre ». À titre d'illustration, le phonème [o] peut être exprimé à l'écrit par les graphèmes simples ou complexes o, au, eau, ault, etc.

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dans ce qu'on appelle le lexique interne (Casalis, 1995). On a d'abord cru que, pour constituer son lexique interne, le lecteur débutant mémorisait principalement la silhouette ou la forme des mots sur la base de quelques indices graphiques globaux. Des études (Ehri 1999/1995; Frith, 1985) ont par la suite démontré que le lecteur fait une analyse alphabétique et phonémique du mot et qu'à force de le lire et de l'analyser ainsi, il finit par le mémoriser. Une fois le mot emmagasiné dans le lexique interne, un regard rapide sur sa forme écrite lors de la lecture permet au lecteur d'aller chercher dans sa mémoire des informations sur l'épellation de ce mot, mais également sur sa prononciation et sur sa signification5, le tout en moins d'une seconde (Ehri, 1999/1995).

Sirois (2004, 2007, 2009) s'est penchée notamment sur les débuts de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Elle élabore un cadre d'analyse intéressant concernant l'identification des mots écrits par le jeune lecteur qui sera ici exposé. Selon elle, en début de scolarisation, l'enfant a un lexique écrit interne encore relativement peu développé. Il sait reconnaître quelques mots, tels son prénom, papa, maman, mais aussi des noms de magasins ou des logos (le fameux M des restaurants McDonald, par exemple). L'enfant accède à ce lexique par voie d'adressage, c'est-à-dire par voie directe. Il a appris à reconnaître visuellement ces mots par leur silhouette, comme s'il les avait photographiés dans sa mémoire, sur la stricte base de quelques indices graphiques. On peut alors dire qu'il en fait une lecture logographique. Plus l'enfant avance dans sa représentation du système alphabétique, plus il est en mesure de décoder des mots. Il accède alors à leur représentation par voie indirecte, en associant graphèmes et phonèmes. On observe parfois que certains enfants, qui mémorisent beaucoup la forme des mots en début d'apprentissage de lecture, semblent soudainement « régresser » dans leur lecture, lisant les mots plus lentement, de façon hachurée. Il s'agit en fait d'un avancement dans leur apprentissage. Ils utilisaient auparavant la voie d'adressage pour faire une lecture logographique des mots et

5 Cette conception de l'accès direct à la signification du mot mérite d'être nuancée, surtout si l'on s'intéresse

aux capacités émergentes du jeune enfant. Prenons par exemple la phrase « J'ai eu une piqûre. » L'identification directe du mot piqûre peut correspondre à différentes significations : celle du moustique, celle de l'infirmière, voire un engouement pour quelque chose. À notre avis, le contexte demeure essentiel pour construire le sens : « J'ai eu une piqûre pour le reggae en écoutant Bob Marley. » Dans cette phrase, l'accès au sens n'est pas direct, le lecteur doit choisir de donner au mot piqûre un sens plutôt qu'un autre, et ce, bien qu'il soit en mesure d'accéder assez rapidement à une, voire même à des significations usuelles du mot, comme le souligne Ehri.

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ils sollicitent maintenant la voie d'assemblage, plus complexe mais plus à même de servir les visées d'autonomie en lecture. En effet, bien que reconnaître la silhouette des mots puisse sembler être une façon efficace d'apprendre à lire en début de scolarité, elle n'est pas rentable puisqu'il faut mémoriser la forme de tous les mots et que le lecteur se retrouve facilement démuni lorsqu'il rencontre un mot inconnu et que personne n'est présent pour l'aider à le lire. Utiliser la voie d'assemblage rend le lecteur autonome et lui permet de lire toutes les combinaisons de lettres imaginables, lui donnant ainsi accès à tout le vocabulaire écrit existant. Le décodage demande toutefois une grande énergie cognitive au lecteur débutant qui l'utilise. Heureusement, bien que le décodage devienne de plus en plus efficace avec le temps, le lecteur, à la suite de plusieurs analyses orthographiques d'un mot, le mémorise et l'emmagasine dans son lexique interne. Il suffit alors d'un simple regard pour accéder, par voie d'adressage, à la représentation et à la signification de ce mot. À la différence de ses premières lectures par voie d'adressage, le lecteur ne reconnaît plus le mot par sa silhouette, de manière logographique, mais bien grâce à l'analyse orthographique et phonétique qu'il en a maintes fois faite. Il lit donc le mot de manière « orthographique ».

Une bonne façon d'aider l'enfant à développer une lecture orthographique est de faire avec lui des activités d'écriture provisoire. Si la lecture est nécessaire dans l'apprentissage de l'identification des mots écrits, l'écriture l'est davantage à l'orée de la scolarisation formelle puisque cette dernière permet de développer progressivement l'outil le plus puissant menant à une lecture par adressage, puis orthographique : la correspondance terme à terme entre graphèmes et phonèmes (Ferreiro, 2000). Autrement dit, l'enfant, en conceptualisant le système d'écriture alphabétique par l'intermédiaire de ses multiples tentatives d'écriture, construit les outils nécessaires pour aborder l'identification des mots écrits dans ses tentatives ultérieures de lecture. Du coup, ces dernières lui permettront de développer davantage ses représentations orthographiques.

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1.4.2 L'écriture : la construction de la représentation du système alphabétique

L'écriture provisoire est une activité où l'on demande à l'enfant d'écrire à sa manière des mots, des phrases, une histoire de son cru, etc. Placer ainsi l'enfant dans une situation où il est amené à utiliser la langue écrite même s'il ne la maîtrise pas encore l'incite à s'interroger sur cette dernière et à émettre diverses hypothèses afin de comprendre son fonctionnement, comme lors de l'apprentissage de la langue maternelle. L'adulte, sachant que l'enfant travaille sur un objet qu'il découvre, est attentif aux représentations de ce dernier par rapport à la langue écrite. Il est important, par exemple, de ne pas considérer les productions de l'enfant comme des erreurs lorsqu'elles s'éloignent de la norme orthographique, mais bien de les utiliser comme des outils pour comprendre son raisonnement, ce qui permet de mieux le guider dans son cheminement en adaptant les interventions à son niveau de compréhension du système alphabétique. En discutant avec l'enfant de ses productions, l'adulte s'assure de bien comprendre ce qu'il a créé et l'amène à développer sa réflexion sur la langue écrite (Montésinos-Gelet et Morin, 2006).

Ainsi, si la lecture permet à l'enfant de construire et d'enrichir son lexique écrit interne en faisant d'abord une analyse graphique des mots, le fait d'être parallèlement actif dans la manipulation des unités de la langue en écriture l'aide à développer plus rapidement sa représentation du système alphabétique. L'écriture permettra progressivement à l'enfant de se construire un premier lexique écrit intériorisé assurant une voie d'adressage pour traiter de manière orthographique les mots qu'il rencontre en lecture.

Selon Ferreiro (2000), l'enfant passe par une série d'étapes successives et intégratives avant de comprendre le fonctionnement du système alphabétique . Ces étapes, visibles dans les

6 Plusieurs auteurs (Besse, 1999; Fayol et Jaffré, 1999; Montésinos-Gelet et Morin, 2006) ont également

décrit la représentation du système alphabétique. Le modèle présenté par Ferreiro (2000) est privilégié dans ce mémoire, entre autres parce qu'elle y présente le développement de l'enfant par rapport à la représentation du système alphabétique. Ces autres auteurs insèrent dans leur modèle la découverte du fonctionnement de l'orthographe et des différentes conventions qui régissent notre langue par l'intermédiaire de diverses préoccupations de l'enfant, sans toutefois en tracer une progression développementale. À titre d'exemple, les préoccupations « phonogrammiques » des premiers auteurs se précisent en trois étapes de développement distinctes dans le modèle de Ferreiro. Ainsi, pour Ferreiro, contrairement à ces auteurs, toute préoccupation

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productions écrites de l'enfant, sont caractérisées par la complexification d'une structuration conceptuelle particulière, qui se développe au fil des expériences vécues par ce dernier. Les conceptions de l'enfant sur l'écrit évoluent à travers quatre niveaux distinctifs de représentation : le présyllabique, le syllabique, le syllabico-alphabétique et l'alphabétique (Ferreiro, 2000).

1.4.2.1 Le niveau présyllabique

La représentation du système alphabétique débute lorsque l'enfant distingue l'iconique (les dessins) du non iconique (les lettres, les chiffres, les mots, etc.). Il réalise alors que certaines marques graphiques ne sont pas du dessin et qu'elles sont porteuses de sens.

Au niveau présyllabique, les constructions graphiques de l'enfant, bien qu'elles soient dénuées de correspondance entre les graphies et les sons, reposent sur des critères qu'il a lui-même établis. Il peut, par exemple, décider que le mot lion requiert plus de graphies que coccinelle parce qu'il se fie à l'apparence physique de l'animal. Peu à peu, il instaure des « conditions formelles de « lisibilité » d'un texte » (Ferreiro, 1990, 2000). Ces conditions, au nombre de deux, portent sur les graphèmes non iconiques (il peut s'agir de lettres, de chiffres, de presque-lettres ou de pseudo-lettres) utilisés par l'enfant lors de la production d'écrits. La première condition est la présence obligatoire d'une quantité minimale de graphèmes (parfois deux, souvent trois) et d'une quantité maximale (autour de 5 ou 6) pour qu'une « production » soit considérée par l'enfant comme lisible ou interprétable. La deuxième condition est qu'il y ait une variété interne (ou intrafigurale) dans une production, c'est-à-dire que le même graphème ne peut être répété à la suite (« tiir », par exemple) ou, pour certains enfants, ne peut être répété du tout (non ou bébé ne seraient alors pas acceptés comme quelque chose de lisible). L'enfant utilise ces axes quantitatif

phonogrammique ne relève pas d'un même niveau de conceptualisation du système alphabétique mais se complexifie qualitativement en trois étapes de développement. En ce sens, le modèle de Ferreiro apparaît, dans le contexte de ce mémoire, plus pertinent pour effectuer une analyse pointue des conceptions de l'enfant et du travail de construction et d'appropriation réalisé par ce dernier.

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(quantité minimale de graphèmes) et qualitatif (variété interne) pour construire des « modes de différenciation entre les enchaînements de lettres » (Ferreiro, 2000).

L' « interprétabilité » d'un mot sera d'abord définie par la présence ou l'absence d'un objet auquel il peut être associé. L'écriture sert alors à nommer cet objet. Une écriture indépendante d'une image ou d'un objet ne veut rien dire. Ce ne sont « que des lettres » (Ferreiro, 2000). Les signes graphiques sont compris comme des symboles et non comme des mots ou des signes. À cet effet, Oison (1998) souligne que si l'on présente à un enfant qui est à ce niveau de représentation l'énoncé trois petits cochons et qu'on lui lit ce qui est écrit, il y a de fortes chances qu'il croit que chaque mot est un symbole signifiant cochon. Ainsi, si on cache un mot et qu'on lui demande ce qui est écrit, il répondra « deux petits cochons ». En suivant cette logique, un même mot associé à deux images différentes aura deux dénominations différentes. Peu à peu, l'enfant jugera interprétables des mots non associés à des objets à condition qu'ils respectent les critères de lisibilité. Il comprendra alors que deux séries graphiques différentes ne peuvent avoir la même signification.

Un parallèle intéressant peut être fait avec l'histoire de l'écrit. Il y a 3200 ans avant J.-C, les Sumériens utilisaient des symboles, et non des mots, pour représenter des objets. Par exemple, pour représenter l'idée « trois moutons », ils utilisaient trois fois le symbole signifiant mouton (mouton + mouton + mouton). Il n'y avait pas de syntaxe écrite comme il y en a une à l'oral. Quelques centaines d'années plus tard, est apparu un système qui utilisait deux symboles pour représenter cette même idée : un symbole pour exprimer mouton et un autre pour exprimer le nombre de moutons (Oison, 1998), ce qui marqua le passage de la syntaxe orale à l'écrit.

1.4.2.2 Le niveau syllabique

Au niveau syllabique, comme le précise Ferreiro (2000), l'enfant comprend qu'il y a un lien entre les sons de la chaîne orale et les marques écrites. Il y a donc une phonétisation de récriture. Comme l'enfant n'est pas encore conscient des phonèmes, mais qu'il est sensible

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aux syllabes, particulièrement au premier et au dernier son des mots comme le soulignent Goswami et Bryant (1990, dans Oison, 1998), il fait l'hypothèse qu'à une syllabe correspond une marque écrite. Cette dernière peut être utilisée avec ou sans valeur sonore conventionnelle (le son [m] peut être représenté par la lettre m (avec valeur conventionnelle) ou r (sans valeur conventionnelle), par exemple). Cette hypothèse est très importante dans l'évolution des représentations de l'enfant puisqu'elle lui permet pour la première fois de contrôler ce qu'il écrit en l'ajustant à l'oralité. Non seulement peut-il ajuster sa production en cours d'écriture, il peut même prévoir le nombre de lettres nécessaires pour produire un mot.

Historiquement, ce phénomène a été observé chez les Akkadiens lorsqu'ils ont utilisé les logographes sumériens pour représenter leur langue, qui était assez différente de celle des Sumériens. Au lieu d'utiliser un logographe pour représenter un mot, ils s'en servaient pour représenter une syllabe. Ainsi, le mot a-wi-lu-um (homme) était représenté à l'aide du logographe sumérien qui pouvait être lu a en ignorant le fait que ce graphe signifiait « eau » en sumérien, puis le logographe wi, etc. Lire l'akkadien équivalait donc à prononcer la série de graphes écrits (Oison, 1998).

L'hypothèse syllabique crée également chez l'enfant un grand nombre de conflits cognitifs internes, ce qui l'amène à se questionner sur la langue écrite et à progresser dans l'acquisition de cette dernière. Par exemple, écrire un mot unisyllabique comme chat ne respecte pas le critère de quantité minimale construit au niveau précédent, mais intégré à ce niveau. Il est donc courant, au niveau syllabique, de voir des enfants faire une analyse syllabique d'un mot uni ou bisyllabique, hésiter, puis ajouter des lettres afin de remplir le critère de quantité minimale de graphies. Une autre source de conflit, mais externe cette fois, apparaît lorsque l'enfant met en parallèle ses écrits et ceux des adultes qui l'entourent. Il comprend très bien sa façon d'écrire mais dès qu'il la compare à celle des « grandes personnes », il s'aperçoit que leurs mots comportent toujours un surplus de lettres. Il tente alors de faire une analyse plus pointue des composantes du mot. Cette nouvelle manière

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d'analyser, jumelée à son ancienne façon de faire encore très présente, conduit progressivement l'enfant à l'hypothèse syllabico-alphabétique.

1.4.2.3 Le niveau syllabico-alphabétique

À ce niveau, il y a coexistence de l'hypothèse syllabique et de l'hypothèse alphabétique. L'enfant utilise parfois une graphie pour représenter une syllabe et parfois pour représenter un phonème. L'on croit souvent à tort, lorsque l'enfant se situe à ce niveau, qu'il omet des lettres. Il s'agit en fait d'une avancée dans la compréhension du système alphabétique par l'enfant. Il a dépassé le niveau syllabique sans avoir encore complètement atteint ce que Ferreiro appelle la systématicité alphabétique. Il est à noter que les graphies peuvent encore être utilisées avec ou sans valeur sonore conventionnelle.

Historiquement, cette transition dans l'écrit a eu lieu lorsque l'écriture sémitique a été adaptée à la langue grecque, non sémitique (Oison, 1998). En fait, dans les langues sémitiques, les mots sont principalement composés de ce que nous appelons des consonnes, les voyelles n'étant pas représentées à l'écrit puisqu'elles n'apportent qu'une information grammaticale. Par exemple, /k/, Ixl, Ibi sont les composantes de base signifiant écrire. À l'oral, les voyelles marquent le sujet grammatical et le temps : katab signifiait « il écrivit » et katabi, «j'écrivis » mais les deux s'écrivaient ktb. De nombreuses marques graphiques de l'alphabet sémitique ont par la suite été utilisées pour représenter le grec et sont devenues les consonnes. Il fallait par contre trouver une façon d'exprimer les voyelles qui sont très importantes en grec puisqu'elles apportent une nuance lexicale (comme en français où le mot sac a un sens totalement différent du mot sec). Les Grecs ont donc utilisé six marques graphiques sémitiques qui leur étaient inconnues et leur ont donné une nouvelle utilité : celle de représenter les voyelles, marquant dès lors un système entièrement alphabétique d'écriture. Cette transition historique semble toujours à reconstruire par les enfants si l'on se fie au modèle développemental de Ferreiro.

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1.4.2.4 Le niveau alphabétique

Au dernier niveau, l'enfant décortique les mots dans leurs plus petites unités, c'est-à-dire les phonèmes, et fait correspondre un phonème à une graphie. Une fois de plus, la graphie peut être utilisée avec ou sans valeur sonore conventionnelle quoique la plupart des enfants vivant dans des milieux alphabétisés utilisent la valeur conventionnelle. À ce stade, l'enfant est prêt à apprendre les régularités orthographiques de sa langue.

1.4.3 L'interaction lecture/écriture

Plusieurs auteurs (Ehri, 1997; Ferreiro, 2000; Frith, 1985; Giguère, Giasson et Simard, 2002; Sirois, 2004; Sirois et Boisclair, 2007) ont démontré que l'apprentissage de la lecture et de l'écriture sont complémentaires et simultanés. Non seulement les actes de lire et d'écrire font-ils appel à des connaissances et à des processus similaires, mais l'un soutient l'autre à certains moments du développement et vice versa. La plupart des auteurs cités s'accordent pour dire que l'apprentissage formel de la lecture n'est possible que lorsque l'enfant arrive à conceptualiser le système alphabétique et à comprendre certaines conventions de notre système d'écriture (écrire de droite à gauche, par exemple).

Frith (1985) souligne que la compréhension du système alphabétique est d'abord atteinte en écriture, ce qui permet ensuite à l'enfant de transférer cette compréhension en lecture et de décoder des mots. En sachant cela, il devient évident qu'il peut être superflu7 de demander

à l'enfant de lire s'il n'a pas compris le fonctionnement du système alphabétique. L'utilisation, par exemple, de mots-étiquettes en maternelle ou en début de première année peut s'avérer inutile puisque l'enfant ne fait que « photographier » les mots, sans les analyser. Il se peut même que l'utilisation de cette technique nuise aux enfants qui ont, par exemple, atteint le stade syllabique en renforçant une reconnaissance logographique et en freinant l'émergence de l'analyse phonétique amorcée au stade syllabique. Il faut donc être 7 L'enfant doit être incité à lire des textes afin de lui permettre d'analyser les mots et de comprendre le

fonctionnement de la langue écrite, mais on ne doit pas s'attendre à ce qu'il puisse lire de manière autonome tant qu'il n'a pas atteint une représentation alphabétique du système d'écriture.

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très prudent lors de la sélection d'activités réalisées avec les élèves. On peut également déduire des propos de Frith que plus les enfants seraient éveillés tôt, non seulement à la lecture mais également à l'écriture, plus leurs apprentissages seraient facilités.

1.5 QUESTION DE RECHERCHE

Au terme de ce cadre théorique, il est possible de retenir que la compréhension en lecture résulte de l'interaction entre trois composantes - le lecteur, le texte et le contexte, comportant chacune des caractéristiques propres - et qu'elle se définit par la construction du sens d'un texte faite par le lecteur dans un contexte donné. Il importe également de se rappeler que les enfants construisent dès la naissance les connaissances nécessaires à la construction de sens en interagissant quotidiennement et de manière informelle avec leur environnement. Il a été démontré que cette construction de sens résulte des liens que le lecteur fait entre les parties d'un texte, c'est-à-dire en inférant, pour se faire une représentation globale de la macrostructure de ce texte. Il a également été étayé que l'identification des mots est nécessaire pour accéder de manière autonome à la macrostructure d'un texte et qu'il est possible de développer cette habileté à partir d'expériences simultanées en lecture (par l'intermédiaire du développement des voies d'adressage et d'assemblage) et en écriture (par la représentation du système alphabétique). Il a été mentionné qu'il y a une interaction importante entre la lecture et l'écriture lors de la construction de la représentation du système alphabétique puisqu'elles utilisent des connaissances et des processus similaires et qu'elles se soutiennent l'une et l'autre lors de cette construction. Il faut finalement retenir que l'apprentissage formel de la lecture semble être soutenu lorsque l'enfant a atteint une représentation alphabétique du système d'écriture et qu'il comprend son fonctionnement.

Dans cette optique, le présent projet de recherche vise à répondre à la question suivante : Comment décrire la progression de la représentation du système alphabétique d'élèves de maternelle à travers la relation liant l'acte de lire et l'acte d'écrire?

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Chapitre 2 : Méthodologie

Ce chapitre présente le contexte élargi dans lequel ce projet a été réalisé, le but et les objectifs de la recherche ainsi que les sujets qui y ont participé. S'ensuit la description de la collecte de données ainsi que le raisonnement derrière le choix des épreuves réalisées en écriture (objectif 1) et en lecture (objectif 2) avec les enfants. Finalement, les analyses prévues sont présentées.

2.1 L E CONTEXTE DE RECHERCHE

Ce mémoire de maîtrise s'inscrit dans le cadre d'une recherche plus vaste intitulée La relation entre la narration orale et la compréhension de la lecture chez les enfants de 5 à 8 ans : études d'intervention développementales et interculturelles et réalisée par l'équipe

Q

franco-québécoise dirigée par Makdissi et Veneziano . Cette recherche a pour objectifs de décrire les relations entre les compétences narratives à l'oral et celles nécessaires à l'apprentissage de la langue écrite et d'améliorer les compétences narratives orales chez les enfants, dès le préscolaire, pour préparer et améliorer les compétences de la langue écrite. Dans ce contexte, des enseignantes et leurs élèves ont été suivis pendant un an et différentes données ont été colligées auprès d'eux.

2.1.1 Formation des enseignantes

Les deux enseignantes des classes maternelles sélectionnées pour ce projet étaient, lors de l'année de la réalisation de la collecte de données, étudiantes au microprogramme de deuxième cycle en intervention pédagogique/difficulté langagière de l'Université Laval. Ce programme conçu pour le personnel enseignant et les intervenants éducatifs qui travaillent en milieu scolaire vise, entre autres compétences, celle de l'intervention et de l'acquisition 8 II convient ainsi de remercier le Fonds de recherche du Québec-Nature et technologies (FQRNT) qui a rendu

ce mémoire possible dans le cadre de cette recherche par le Programme de partenariats stratégiques en matière d'enseignement et de recherche du Conseil franco-québécois de coopération universitaire (CFQCU).

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de connaissances relatives au soutien pédagogique à offrir aux enfants pour propulser le développement de la langue tant à l'oral qu'à l'écrit.

Dans le cadre de ce programme, les enseignantes ont suivi trois cours axés sur l'émergence de la littératie et l'apprentissage de la lecture/écriture. Lors du premier cours, qui s'est déroulé de manière concomitante à la cueillette de données impliquée dans ce mémoire, les enseignantes ont été sensibilisées et formées au développement de l'écrit chez le jeune enfant et à l'importance de pratiquer quotidiennement des activités visant à soutenir ce développement telles que la lecture interactive et la dictée à l'adulte.

Les élèves de ces deux classes ont donc évolué tout au long de l'année dans un environnement propice et ouvert aux découvertes liées au monde de l'écrit dans le cadre d'activités fonctionnelles où les enseignantes cherchaient à soutenir et à provoquer les conceptions des enfants au regard de la langue écrite. Ainsi, aucun enseignement explicite concernant les lettres ou la correspondance graphème-phonème n'a été fait hors contexte du lire-écrire ou a priori de l'action de l'enfant.

2.1.2 Les activités d'écriture provisoire

L'utilisation des écritures provisoires comme activité d'intervention présente plusieurs avantages. Elle permet de placer l'enfant en situation réelle d'écriture dès son entrée dans l'écrit, même s'il ne sait pas encore « écrire », et stimule ainsi sa découverte de la structure du système alphabétique. L'enfant est ensuite amené à confronter ses hypothèses à celles de ses pairs et à l'écriture normée de son environnement. C'est ainsi que, progressivement, l'enfant évolue vers une compréhension alphabétique issue de l'opération de correspondance terme à terme entre graphèmes et phonèmes, puis vers des hypothèses orthographiques. Les enfants évalués ont écrit quotidiennement au cours de leur année maternelle et ont reçu le soutien de l'adulte à même ces activités fonctionnelles d'écriture. C'est dans ce contexte pédagogique que la progression des enfants a été mesurée et analysée.

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Dans un contexte d'évaluation, comme dans le cas présent, les écritures provisoires permettent d'avoir un aperçu des représentations de l'enfant (grâce à sa production, à ses commentaires en cours de production et au questionnement de l'adulte, s'il y a lieu), d'établir à quel niveau se situent ses représentations et d'ainsi ajuster les interventions à la zone de proche développement de l'enfant.

2.1.3 Les activités de lecture

Les activités de lecture consistent principalement en des activités quotidiennes de lecture interactive. La lecture interactive est un moment privilégié de discussion entre l'adulte et les enfants lors de la lecture d'une histoire. L'adulte utilise les questionnements des enfants pour susciter des réflexions autour des éléments du récit. Cette interaction contribue au plaisir du livre, au développement de processus de lecture de haut niveau (inferences) et à la construction d'une représentation de la lecture comme d'une interaction entre le livre et la personne qui lit (Makdissi er Boisclair, 2005).

Évidemment, d'autres activités portant sur l'écrit ont été réalisées tout au long de l'année scolaire. Ces activités sont l'apanage de toutes les classes de maternelle au Québec. Toutefois, les deux activités ciblées dans le cadre de cette formation ont été travaillées de manière intensive et encadrée dans les classes où la collecte de données a été réalisée.

2.2 BUT ET OBJECTIFS

Inscrit dans la perspective du projet de recherche élargi et dans le contexte pédagogique fonctionnel décrits précédemment, le présent mémoire se centre tout particulièrement sur les productions d'enfants de classes maternelles. Le but du mémoire est de décrire la progression de la représentation du système alphabétique d'élèves de maternelle à partir de l'analyse d'écritures provisoires et d'activités de lecture émergente réalisées en début et en fin d'année scolaire.

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Afin d'y parvenir, trois objectifs spécifiques sont circonscrits :

1. décrire le cheminement d'élèves de maternelle dans leur représentation du système alphabétique à partir d'activités d'écriture provisoire;

2. décrire le cheminement d'élèves de maternelle dans leur représentation du système alphabétique à partir d'activités de lecture émergente;

3. décrire la relation entre l'écriture et la lecture lors du développement des représentations du système alphabétique.

2.3 LES SUJETS

Au total, 35 élèves ont été rencontrés dans le cadre de cette recherche. Les élèves provenaient de deux classes de maternelle (respectivement 17 et 18 élèves) situées dans une école de la région de Québec de milieu socio-économique relativement favorisé. Au début de l'année, les élèves étaient âgés entre 5; 0 et 6; 4 ans9 (M= 5; 6 ans ; ET= 0; 4) et à la fin

de l'année, entre 5; 7 et 6; 11 ans (M= 6; 1 ans ; ET= 0; 4).

2.4 L A COLLECTE DE DONNÉES

La collecte de données a eu lieu en deux temps, soit en début et en fin d'année scolaire. Les données initiales (temps 1) ont été recueillies entre le 28 septembre et le 7 octobre 2010 et les données finales (temps 2) entre le 4 et le 13 mai 2011. Il est à noter que les évaluations en lecture et en écriture ont eu lieu lors de journées différentes mais dans la même semaine. Entre ces deux temps de mesure, il y a donc eu 6 mois et 2 semaines d'interventions pédagogiques quotidiennes.

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2.4.1 Le déroulement des rencontres

Les deux prises de données (temps 1 et temps 2) se sont déroulées de la même manière. L'adulte expérimentateur rencontrait individuellement les enfants dans un local mis à sa disposition dans l'école. Il est à noter que les rencontres ont été filmées afin de permettre une meilleure analyse des données. Durant la réalisation de la tâche, l'enfant livre, en effet, plusieurs indices sur la manière dont il s'y prend pour lire et écrire. Visionner la réalisation de la tâche permet aussi de voir si l'enfant a écrit un mot rapidement, si certains sons lui ont posé problème, s'il a écrit une première version du mot pour ensuite y revenir et ajouter des graphies, etc. Ces nombreuses et précieuses informations ne peuvent être compilées simplement en regardant la production écrite de l'enfant.

Le visionnement des rencontres permet également de voir si les interventions de l'adulte sont allées trop loin (mauvais questionnement, induction de réponses, etc.) et d'ajuster l'analyse à ces impondérables.

2.4.2 Épreuve d'écriture provisoire

La première activité réalisée avec l'élève en est une d'écriture provisoire d'une durée approximative de 10 minutes. Elle a pour but de cibler le niveau de représentation du système alphabétique de l'enfant en contexte d'écriture.

2.4.2.1 Mise en situation de l'épreuve d'écriture

L'adulte expérimentateur explique d'abord à l'élève qu'il s'intéresse à la manière dont les enfants écrivent avant de commencer à apprendre à lire et à écrire à l'école en lui présentant la consigne suivante : « J'aimerais bien que tu me montres comment les enfants de 5 ans (ou 6 ans selon le cas) font pour écrire. Je sais que c 'est difficile parce que tu n 'as pas encore appris à écrire. Mais je sais aussi que les enfants de 5 (ou 6) ans savent plein de

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choses. Alors, je veux que tu me montres comment tu fais pour écrire. » L'expérimentateur s'assure que l'enfant est à l'aise avec la tâche et qu'il comprend qu'il n'a pas besoin d'écrire comme les adultes, mais bien à sa manière à lui.

2.4.2.2 Choix des items d'écriture

L'expérimentateur présente ensuite à l'élève un abécédaire incluant les lettres majuscules et minuscules de notre alphabet (voir annexe 1) ainsi que deux feuilles sur lesquelles on peut voir plusieurs cases de forme rectangulaire. La première case est réservée à l'écriture du prénom de l'enfant. Les cases suivantes contiennent à l'extrémité gauche des images d'animaux (en ordre : girafe, coq, éléphant, hippopotame, coccinelle). Ces animaux ont été sélectionnés en fonction de leurs caractéristiques physiques et des particularités inhérentes à leurs graphies (voir annexe 2) .

Girafe

Girafe est un mot bi ou trisyllabique selon la prononciation ([3i-Raf] ou [3i-Ra-f a]). Il peut poser problème aux enfants qui ont comme critère la quantité minimale de graphies. Comme une girafe est un grand animal au grand cou, certains enfants peuvent être portés à utiliser beaucoup de graphies pour écrire le mot. De plus, la première syllabe du mot correspond au nom d'une lettre existante, ley qui se prononce [3 i]. Les enfants en deçà du niveau alphabétique pourraient utiliser cette lettre pour représenter la première syllabe.

10 L'épreuve est presque entièrement tirée de Giasson (2003). Seules les illustrations ont été modifiées pour

tenter une mise à l'échelle de la grandeur et de la grosseur des animaux, sachant que cet aspect figuratif peut influencer les jeunes scripteurs du niveau présyllabique. De plus, l'illustration d'une coccinelle a été ajoutée.

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Coq

Coq est un mot unisyllabique, ce qui posera un problème aux enfants ayant une représentation syllabique et pour qui la quantité minimale de graphies reste un critère important. Le fait que le son [k] soit répété deux fois complexifie également le traitement de ce mot pour certains enfants. Finalement, le son [D], que l'on nomme « o ouvert », est difficile à associer à la dénomination d'une des voyelles de l'abécédaire pour beaucoup d'enfants n'ayant pas atteint le niveau alphabétique de représentation du système alphabétique.

Éléphant

Éléphant est un mot trisyllabique. Les caractéristiques physiques de l'objet correspondent à la quantité de graphies du mot (l'éléphant est un grand animal et l'écriture du mot requiert un grand nombre de lettres). À l'instar de girafe, il commence par une syllabe dont le son correspond à la dénomination d'une lettre existante, le / qui se prononce [El], Finalement, sa graphie permet de voir si les enfants connaissent certaines régularités orthographiques du français (ph pour le son [f ], le son [â] qui peut s'écrire an ou en, par exemple).

Hippopotame

m

Hippopotame comporte 4 ou 5 syllabes selon la prononciation ( [ i - p 3 - p o - t a m ] ou [i-pD-pD-ta-mo]). C'est un mot composé de syllabes faciles à isoler et à identifier.

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Toutefois, comme pour éléphant, la taille de l'animal représenté peut amener l'enfant à accroître la quantité de graphies ou à agrandir la taille des lettres produites.

Coccinelle

Coccinelle est un mot de 3 ou 4 syllabes selon la prononciation ( [ k D k s i n _ l ] o u [ k D k -si- ne- lo]). Certains enfants peuvent se fier à l'aspect physique de l'objet et utiliser un nombre limité de graphies pour écrire le mot coccinelle puisque l'insecte est petit ou écrire de minuscules lettres, sans considérer l'aspect sonore du mot pour déterminer la quantité de lettres à écrire.

Finalement, la dernière case sert à écrire une phrase que l'adulte dicte à l'enfant, soit « La girafe joue avec l'éléphant. » L'écriture de cette phrase permet d'observer plusieurs comportements de l'enfant par rapport à la langue écrite. Par exemple, s'il démontre une conscience de la permanence de l'écrit (un même mot s'écrit toujours de la même manière) ou la façon dont il segmente ses phrases (Sépare-t-il les mots? Écrit-il les articles? etc.)

2.4.2.3 Déroulement de l'épreuve d'écriture

L'expérimentateur demande d'abord à l'enfant d'écrire son prénom. Puis il lui demande de nommer chacun des animaux illustrés sur les feuilles. Cette question a pour but d'éviter toute confusion sur les noms des animaux, un enfant pouvant croire qu'il faut écrire poule plutôt que coq, par exemple. Si l'enfant ne nomme pas le bon animal, l'adulte intervient en nommant l'animal tout en s'assurant de ne pas insister sur aucun phonème ni sur aucune syllabe.

L'adulte demande ensuite à l'enfant d'écrire le nom des animaux à côté de chaque dessin. Il lui rappelle d'écrire le mot comme il croit qu'il s'écrit. Pendant que l'enfant émet ses

Figure

Figure 1.1 Modèle de la transmission des connaissances (adapté de Giasson, 1990)
Figure 1.2 Modèle interactif de lecture selon Giasson (2011)
Figure 1.3 Modèle interactif étendu de compréhension en lecture (Snow, 2002)
Figure 2.1 Echelle de cotation des écritures provisoires r r
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