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kératokystiques odontogènes et du chérubinisme
Natacha Kadlub
To cite this version:
Natacha Kadlub. Tumeurs des maxillaires avec anomalies du développement : à partir des modèles de tumeurs kératokystiques odontogènes et du chérubinisme. Biologie cellulaire. Université Sorbonne Paris Cité, 2015. Français. �NNT : 2015USPCB080�. �tel-01409974�
Ecole doctorale Bio Sorbonne Paris Cité (BioSPC)
INSERM UMR_S 1138/Laboratoire Physiopathologie Orale MoléculaireTumeurs des maxillaires avec anomalies du
développement
A partir des modèles de Tumeurs Kératokystiques
Odontogènes et du Chérubinisme
Par Natacha KADLUB
Thèse de doctorat de Biologie Cellulaire et Moléculaire, Physiologie,
Physiopathologie
Dirigée par le Professeur Arnaud Picard
Présentée et soutenue publiquement le 25 Septembre 2015 Devant un jury composé de :
Docteur Claudine Blin, Directeur de Recherche, Rapporteur
Professeur Boris Laure, Professeur des Universités-Praticien Hospitalier, Rapporteur
Professeur Vianney Descroix, Professeur des Universités-Praticien Hospitalier, Examinateur Professeur Ariane Berdal, Professeur des Universités-Praticien Hospitalier, Examinateur Docteur Marcel Deckert, Directeur de Recherche, Examinateur
Afin de mieux comprendre les bases physiopathologiques des tumeurs osseuses des mâchoires, nous avons étudié deux modèles de tumeurs associées à des mutations génétiques connues : la tumeur kératokystique odontogène (TKO), liée à la mutation de PTCH1, et le chérubinisme, lié à la mutation de SH3BP2. Au regard des travaux d’oncogénétique, nous formulons l’hypothèse que le développement des tumeurs ostéolytiques bénignes des mâchoires de l’enfant et leur agressivité repose sur un mécanisme génétique.
Nous avons montré que la présence d’une mutation de PTCH1 (germinale avec syndrome de Gorlin) dans les TKO était un facteur de mauvais pronostic, stimulant un centre tumoral secondaire, responsable de lésions à distance, mais que cette agressivité pouvait aussi être liée à des mécanismes inflammatoires. Dans le chérubinisme, nous avons montré que la mutation était responsable du phénotype, mais que le type de mutation n’influençait pas le pronostic ni l’agressivité. L’agressivité tumorale est liée au phénotype des cellules géantes multinucléées (cellules myéloïdes à différenciation macrophagique ou ostéoclastique). Nous avons montré, que le modèle murin ne pouvait pas s’appliquer à la pathologie humaine, avec notamment un rôle très secondaire du TNF-‐α. Enfin nous avons démontré le rôle important de NFATc1 dans la physiopathologie du chérubinisme qui nous a permis de proposer, le tacrolimus, comme le premier agent thérapeutique efficace.
Nos résultats suggèrent que les mutations induisent la pathologie et que les changements du microenvironnement (liés à la flore buccale ou à l’éruption dentaire) entretiennent la pathologie.
Mots clés : Chérubinisme, Tumeur kératokystique odontogène, oncogénétique, microenvironnement, PTCH1, éruption dentaire, SH3BP2, tumeur maxillaire.
Abstract
To determine pathophysiological bases of jawbone tumors, we studied two genetic models of jawbone tumors: keratocystic odontogenic tumors (KOT) associated to PTCH1 mutation and cherubism associated to SH3BP2 mutation. From oncogenetic theory, we postulate that genetic background controls the development of benign children jawbone tumors.
From our work, we demonstrated that PTCH1 mutation (germline mutation in Gorlin syndrome) was an unfavorable prognosis factor for KOT, leading to distant and independent daughter tumors. Moreover, we showed, that chorionic inflammation was associated with a high recurrence rate. In cherubism, SH3BP2 mutation produced cherubism phenotype, but the type of mutation did not affect the aggressiveness of the disease. Cherubism aggressiveness was determined by the phenotype of giant multinucleated cells (whether osteoclasts or macrophages). Furthermore, we showed that murine model could not be transposed to human pathology; indeed it appeared that TNF-‐ α did not play a critical role in human cherubism. On the other side, we showed that NFATc1 played a crucial role in cherubism pathophysiology; this observation allowed us to propose, the tacrolimus, as an effective treatment for this disease. Our results suggest that genetic background induced tumor development, and that microenvironment changes (due to flora of the oral cavity and to teeth eruptions) are responsible to the maintenance and the progression of the disease.
Key Word: Cherubism, keratocystic odontogenic tumors, oncogenetic, microenvironment,
PTCH1, teeth eruption, SH3BP2, jawbone tumors.
Mes premiers remerciements s’adressent à mon directeur de thèse.
Arnaud Picard, Professeur à l’Université Paris Descartes, je te remercie d’avoir
accepté d’encadrer ma thèse de Science, et sache que c’est pour moi un honneur et un plaisir de continuer à travailler à tes cotés. En espérant savoir me montrer à la hauteur.
Je tiens à remercier Vianney Descroix, Professeur à l’Université Paris Diderot, d’avoir initié mes premiers pas dans le monde de la recherche, et d’avoir accepté d’encadrer mon travail de thèse. Je suis désolée qu’officiellement tu n’aies pas eu codiriger ma thèse.
Je tiens à remercier celle dont l’aide a été primordiale,
Amélie Coudert, Maitre de Conférence à l’Université Paris Diderot, qui a encadré
au quotidien ma thèse. Je te remercie pour ta rigueur scientifique et ton aide précieuse. Travailler avec toi a été un grand plaisir.
Je tiens à remercier mes rapporteurs pour le temps qu’ils ont accordé à la lecture de cette thèse et à l’élaboration de leur rapport.
Claudine Blin, Directeur de Recherche à l’Université de Nice, je vous remercie
d’avoir accepté d’être rapporteur de ma thèse. Votre présence est un honneur.
Boris Laure, Professeur à l’Université de Tours, je vous remercie d’avoir accepté
cette lourde tache. Votre présence est un honneur.
Je tiens à remercier mon Jury d’accepter de juger mon travail de Thèse.
Ariane Berdal, Professeur à l’Université Paris Diderot, je vous remercie tout
d’abord d’avoir accepté de m’accueillir dans votre laboratoire. Cet interlude scientifique a été une expérience très enrichissante, et je vous remercie de m’avoir ouvert les portes. J’espère sincèrement continuer à participer aux travaux scientifiques au sein de votre laboratoire.
Marcel Deckert, Directeur de Recherche à l’Université de Nice, je vous remercie
d’avoir accepté de juger mon travail. Votre connaissance et votre travail sur le chérubinisme ont permis d’ouvrir de nouvelles perspectives dans la physiopathologie du chérubinisme. Votre présence est un honneur.
Je tenais à remercier toutes les personnes qui m’ont accueillie dans leur laboratoire de recherche afin de réaliser dans les meilleures conditions mes expérimentations ; et toutes les personnes qui ont pris le temps de m’apprendre les bonnes procédures
Je remercie Cécile Badoual (Professeur à l’Université Paris Descartes), Aurore
Coulomb L’hermine (Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie) de m’avoir
accueillie dans leur laboratoire d’anatomopathologie, et de leur gentillesse
Je remercie Audrey Asselin de m’avoir initiée à la RT-‐qPCR, Marion
Mandavit de m’avoir accompagnée dans les techniques d’immunohistochimie, Christine Rouault de m’avoir appris les techniques d’ELISA.
Je tenais à remercier l’ensemble des membres du laboratoire, Physiopathologie orale moléculaire, avec une pensée toute particulière pour Emile et Shu.
Je tenais à remercier l’ensemble de l’Equipe médicale (Véronique, Eva, les CCA) du service de Chirurgie Maxillo-‐faciale et de Chirurgie Plastique, de m’avoir accordé le temps de cette thèse.
Je remercie l’ensemble des co-‐auteurs des articles publiés ou en cours
Enfin, je remercie Marie-‐Paule Vazquez, Professeur à l’Université Paris Descartes, de m’avoir accueillie dans votre service et de tout ce que vous avez fait pour moi. Vous êtes et resterez un modèle de médecin, de chirurgien, d’enseignant et de chef de service. Veuillez recevoir tout mon respect.
Je finirai par mes remerciements plus personnels.
Je remercie Jean d’endurer tout cela avec moi, et d’être là tout simplement. Je remercie ma maman, et ma famille, de continuer à me supporter dans mes projets professionnels. Je remercie mes amis pour leur réconfort.
Résumé-‐ Abstract 3
Remerciements 5
Tables des matières p.7
Tables des Illustrations 10
Abréviations 11 Introduction 13 1. L’os 13 1.1. Structure osseuse 13
1.1.1. La matrice extracellulaire 13
1.1.2. Les cellules 13
1.1.2.1. L’ostéoclaste 13
1.1.2.2. L’ostéoblaste 16
1.2. Le remodelage osseux 18
1.3. Triade RANKL-‐OPG RANK 19
1.3.1. Les acteurs 19
1.3.2. L’orchestration 20
1.3.3. Voie de signalisation de RANK 21
2. Spécificité des os maxillaires 25
2.1. Origine embryonnaire 25
2.2. Contrôle génétique du développement des mâchoires 25
2.3. Ossification 26
2.4. Protéines de l’email et os de mâchoires 26
2.5. Développement dentaire 26
2.6. Eruption dentaire 28
2.6.1. Mécanismes de l’éruption 28
2.6.1.1. Résorption osseuse : formation du chemin d’éruption 28
2.6.1.2. Le rôle du follicule dentaire 28
2.6.1.3. Remodelage et éruption dentaire 29
résorption osseuse au cours de l’éruption dentaire
2.7. Tumeurs spécifiques 31
3. Tumeurs Osseuses des maxillaires : Introduction et Remarques article I 33
3.1. Introduction 33
3.2. Remarques 41
4. Tumeurs kératokystiques odontogènes (TKO) 43
4.1. Généralités sur les TKO 43
4.1.1. Epidémiologie 43 4.1.2. Description clinique 43 4.1.3. Radiologie 44 4.1.4. Anatomopathologie 44 4.1.5. Traitement 45 4.1.5.1. Marsupialisation 45 4.1.5.2. Enucléation 45
4.1.5.3. Traitement non conservateur 46
4.1.6. Pronostic 46
4.1.7. Syndrome de Gorlin 47
4.1.7.1. Génétique 47
4.1.7.2. Spectre Clinique 47
4.1.7.3. Diagnostic 49
4.2. Voie Sonic HedgeHog 50
4.2.1. Protéine Sonic HedgeHog 51
4.2.2. Protéine PTCH1 52
4.2.3. Protéine Smoothened 53
4.2.4. Protéines Gli 54
4.3. Génétique des TKO 56
4.3.1. Mutation PTCH1 56
4.3.1.1. Perte de l’hétérozygotie 57
4.3.1.2. Haploinsuffisance 57
4.3.1.3. Modification épigénétique 57
4.3.2.1. PTCH2 58
4.3.2.2. SMO 58
4.3.2.3. SUFU 58
4.3.2.4. Autres altérations génétiques 59
5. Chérubinisme 61
5.1. Introduction à la publication II : Pour une meilleure
compréhension du chérubinisme : du point de vue du clinicien.
61 5.2. Introduction à la publication III : Pour une meilleure
compréhension du chérubinisme : aspects physiopathologiques.
89
Hypothèse de travail 115
Résultats 119
1. Introduction et remarques à la publication IV : Mutation de PTCH1 et agressivité locale : existe-‐t-‐il un lien ?
119 2. Introduction et remarques à la publication V : le phénotype
ostéoclastique du chérubinisme détermine l’agressivité de la maladie
129 3. Introduction et remarques de la publication VI : Le Chérubinisme est une
pathologie des cellules myéloïdes liée à des ostéoclastes hypersensibles et actifs : caractérisation cellulaire et moléculaire du chérubinisme en
pathologie humaine
159
4. Introduction et remarques de la publication VII: Evaluation Clinique et Biologique du tacrolimus dans le traitement médical d’un cas de chérubinisme sévère 197 Discussion 207 Conclusion 227 Références 229
hématopoïétiques
p. 14
Figure 2: Ostéoclastes. p.15
Figure 3: Différentiation des ostéoblastes à partir des cellules souches
mésenchymateuses, avec les marqueurs exprimés par les cellules
p.17
Figure 4: Remodelage osseux. p.19
Figure 5: Triade RANK-‐L/OPG/RANK. p.21
Figure 6: Voie de signalisation de RANK p.23
Figure 7: Les bourgeons faciaux et leur développement p.25
Figure 8: Morphogenèse dentaire p.27
Figure 9: Aspect histologique au stade de la cloche à 28 semaines. p.28
Figure 10: Phase pré-‐éruptive. p.30
Figure 11: Phase éruptive. p.31
Figure 12: Articulé dentaire d’une enfant de 7 ans présentant un TKO parasymphysaire
droit.
p.43
Figure 13: Image de cone-‐beam montrant une coupe coronale d’un patient présentant de
multiples TKO dans le cadre d’un syndrome de Gorlin
p.44
Figure 14: Aspect anatomopathologique des TKO p.45
Figure 15: Enucléation d’une TKO p.46
Figure 16: Spectre clinique du syndrome de Gorlin. p.49
Figure 17: La voie SHH et les pathologies humaines associées aux mutations des
différents acteurs de cette voie
p.51
Figure 18: Schéma représentant la protéine PTCH1 en position dans la membrane
cytoplasmique ainsi que les différentes mutations décrites de cette protéine.
p.52
Figure 19: Schéma représentant la voie SHH. p.53
Figure 20: Propositions d’interactions entre Ptch et Smo p.54
Figure 21: Mécanisme régulant l’activité de GLI p.55
Figure 22: Gènes cibles de Gli p.56
Figure 23: Course naturelle des récidives à partir du TKO. p.120
Figure 24: Arbre thérapeutique devant un diagnostic clinique et radiologique de
chérubinisme
p.130
Figure 25: Schéma représentant une proposition physiopathologique du chérubinisme
humain
p.161
Figure 26: Proposition de théorie sur l’histoire naturelle des progéniteurs myéloïdes
dans le chérubinisme humain.
p.221
Figure 27: Proposition d’un schéma commun au développement tumoral dans le TKO et
chérubinisme.
ADN: Acide Désoxyribonucléique AE1-‐AE3:Multicytokératine ALP: Phosphatase Alcaline
APC: Adenomatous Polyposis Coli AP-‐1: Activator Protein 1
ARN: Acide Ribonucléique BARX: BarH-‐like homeobox BCRA1: Breast Cancer gene 1 BMU: Basal Multicellular Unit BSP: Bone sialoprotéine
Cbl: Casitas B-‐lineage Lymphoma
CFU-‐GM: Colony Forming Unit-‐Granulocyte Macrophage CFU-‐M: Colony Forming Unit-‐Macrophage
CK1: Casein Kinase 1
CD: Cluster de Différenciation CGM: Cellule Géante Multinucléée Coll1: Collagène de type 1
Cos-‐2: Kinesine-‐related protein costal-‐2 CRP: C Reactive Protein
CSF-‐1: Colony Stimulating Factor 1 Cy : Cyclophyline
DAB: 3-‐3’ Diaminobenzidine
DAMPS: Damage-‐associated molecular pattern molecules ELISA: Enzyme Linked Immunosorbent Assay
EMAP-‐II: Endothelial Monocyte Activating Peptide ERBB3: Human epidermal growth factor receptor 3 ERK: Extracellular signal Regulated Kinase
FKBP: FK binding protein Fu: Fused
Gab: GRB2-‐Associated-‐Binding protein GCCG: Granulome Central à Cellules Géantes GRB2: Growth factor Receptor-‐Bound protein 2 GSK3: Glycogen Synthase Kinase 3
HES: Hematoxlin-‐ Eosin -‐ Safran HPF: High Power Field
Hox: Homeotic gene
HRP: Horseradish peroxidase IL: Interleukin
INF: Interferon LHX: LIM homeobox
LOXL: Lysyl Oxidase homolog 4 LT: Lymphocyte T
M-‐CSF: Macrophage Colony-‐Stimulating Factor MCP-‐1: Monocyte Chemotactic Protein 1 MEK: Mitogen-‐activated protein kinase
MITF: Microphthalmia-‐associated Transcription Factor MMP9: Matrix Metallopeptidase 9
MSX: Msh Homeobox NK: Natural Killer
NFAT: Nuclear Factor of Activated T-‐cells NFκB:nuclear factor-‐kappa B
OC: Ostéocalcine OP: Ostéopontine OPG: Osteoprotegerin
OSCAR: Osteoclast-‐associated immunoglobulin-‐like receptor PAMPS: Pathogen-‐Associated Molecular Patterns
PBMC: Peripheral Blood Mononuclear Cells PBS: Phosphate Buffered Saline
PFA: Paraformaldehyde PGE: Proatglandine
PI3-‐K: Phosphoinositide 3-‐Kinase PKA: Protein Kinase A
PLC: Phospholipase C POL1D: RNA polymerase 1D POLE: DNA Polymerase Epsilon PP : Pattern Recognition Receptors PTCH: Patched
PTH : Hormone Parathyroïde
PTHrp: Parathyroid Hormone related peptide
PTPN11: Tyrosine-‐protein phosphatase non-‐receptor type 11 RANK: Receptor Activator of Nuclear Factor Kappa-‐B
RANK-‐L: Receptor Activator of Nuclear Factor Kappa-‐B Ligand SHH: Sonic Hedgehog
SH3BP2 : SH3 domain Binding Protein 2
SMAD4: mother against decapentaplegic homolog 4 SMO : Smoothened
Sufu: Suppressor of Fused Syk: Spleen tyrosine kinase TGF: Tumor Growth Factor TGM3: Transglutaminase3
TKO: tumeur kératokystique odontogène TNF: Tumor Necrosis Factor
TNFRSF: Tumor Necrosis Factor Receptor Superfamily TRAP: Tartrate Resistant Acid Phosphatase
TRAF: TNF Receptor Associated Factors
1. L’os
1.1. Structure osseuse
L’os, ou tissu osseux, est un tissu conjonctif spécialisé. Son rôle est triple : métabolique, avec le maintien de l’équilibre phosphocalcique ; hématopoïétique, avec la moelle osseuse qui est contenue en son sein ; mécanique, par son rôle de protection des organes vitaux et de soutien de l’organisme. Son rôle de soutien est assuré par sa solidité et sa résistance aux contraintes grâce aux propriétés de sa matrice extracellulaire minéralisée.
Le tissu osseux se divise en os cortical (dont la fonction principale est mécanique), qui représente 85% du squelette et en os trabéculaire (os spongieux, dont la fonction principale est hématopoïétique)1.
Il existe plusieurs types d’ossification : l’ossification primaire (à partir d’un tissu mésenchymateux -‐ ossification membranaire ; à partir d’un tissu cartilagineux – ossification enchondrale) ; l’ossification secondaire (à partir d’un tissu osseux déjà formé), tertiaire (remodelage osseux)2.
L’os est constitué d’une matrice extracellulaire organique et minérale et de cellules.
1.1.1. La matrice extracellulaire
La matrice extracellulaire est composée d’une fraction minérale et d’une fraction organique.
La fraction organique (30%), est principalement composée de fibres de collagène de type I (90%), et d’autres protéines non collagèniques (telles que ostéocalcine, ostéonectine, sialoprotéines, protéoglycanes, protéines de l’email et autres protéines d’adhésion).
La fraction minérale (70%), est la réserve phosphocalcique de l’organisme. Le squelette renferme plus de 100 g de calcium. La phase minérale est essentiellement composée de cristaux d’hydroxyapatite de calcium3.
1.1.2. Les cellules
1.1.2.1. L’ostéoclaste
L'ostéoclaste est une cellule géante (10-‐100μm de diamètre), multinucléée (>3noyaux) capable de résorber de l'os.
L’ostéoclaste est une cellule hématopoïétique, dont les précurseurs proviennent des cellules myéloïdes4. D'autres cellules peuvent se différencier en ostéoclastes : les cellules
dendritiques5 et les cellules monocytaires circulantes6.
La différenciation des cellules souches hématopoïétiques en ostéoclastes passe par plusieurs étapes7: les cellules souches hématopoïétiques se différencient en CFU-‐GM
(Colony Forming Unit-‐Granulocyte Macrophage), qui donneront naissance aux macrophages, monocytes et ostéoclastes. Les CFU-‐GM se différencient en CFU-‐M (Colony Forming Unit-‐Macrophage), qui sous l'influence du M-‐CSF (Macrophage Colony Stimulating Factor) et de RANK-‐L (Receptor Activator of Nuclear Kappa-‐B Ligand) vont se différencier en pré-‐ostéoclastes. Ces pré-‐ostéoclastes vont alors migrer de la moelle osseuse vers la surface osseuse afin de résorber la matrice osseuse. Arrivées à la surface osseuse, sous la stimulation de RANK-‐L, les pré-‐ostéoclastes vont fusionner entre eux pour devenir multinucléés, puis se différencier et adhérer à l'os pour devenir des ostéoclastes actifs (figure 1).
Tout au long du processus complexe de différenciation interviennent de multiples signaux et facteurs de transcription, tels que le PU.1, MITF (Microphthalmia-‐associated transcription factor), AP-‐1 (activator protein 1), NFATc1 (Nuclear Factor of Activated T-‐ cells, cytoplasmic 1), qui sont activés via RANK et OSCAR (Osteoclast-‐associated immunoglobulin-‐like receptor) notamment (figure 1)4,7–9.
L’ostéoclaste est une cellule polarisée (avec des noyaux à distance de la surface osseuse) composée d'une zone d'attachement à l'os et d'une bordure en brosse4,7,10.
Figure 2: Ostéoclaste. L’ostéoclaste adhère à la matrice extracellulaire via la liaison intégrine-‐protéine matricielle, délimitant ainsi une zone étanche de resorption. Dans cette zone, les ostéoclastes vont excréter des ions H+ responsable d’une acidification rapide du milieu, et une déminéralisation, puis les protéases vont dégrader la matrice organique2.
L'ostéoclaste alterne des périodes de migration et des périodes de résorption. La constitution d’un anneau périphérique de scellage, permet de créer une zone étanche de resorption. L’attachement de l’ostéoclaste à la matrice osseuse, se fait grâce aux intégrines αvβ3 (vitronectin receptor), αvβ5 et α2β1 (récepteur du collagène de type I), qui ont pour ligand des protéines de la matrice extracellulaire (BSP, Ostéopontine, vitronectine…). Ces récepteurs transmembranaires (intégrines) vont se lier en intra-‐ cytoplasmique à des protéines associées à l’actine. Les intégrines vont permettre la formation d’un anneau d’actine, qui délimitera la zone claire, zone de résorption osseuse (figure 2).
L'ostéoclaste sécrète, dans cette zone claire, des ions H+ grâce à des pompes à protons
qui vont acidifier le milieu et dissoudre la partie minérale de l'os ; puis l'ostéoclaste va sécréter des enzymes protéolytiques, tels que la MMP9 (Matrix Metallopeptidase 9), les collagénases, la cathepsine K, qui vont digérer la trame organique du tissu osseux4,9–12
(figure 2).
1.1.2.2. L’ostéoblaste
Les ostéoblastes représentent entre 4 et 6% des cellules osseuses et sont responsables de la formation osseuse.
L’ostéoblaste provient de la différenciation des cellules souches mésenchymateuses présentes dans la moelle osseuse. Ces mêmes cellules souches sont capables de se différencier en myoblastes, adipocytes et chondroblastes (figure 3) 1,13.
La différenciation ostéoblastique est un processus hautement régulé, qui se fait en plusieurs étapes depuis la cellule progénitrice jusqu'à l’ostéoblaste mature. Le
progéniteur mésenchymateux doit d’abord se différencier en ostéoprogéniteur engagé, puis en pré-‐ostéoblaste puis en ostéoblaste jeune et enfin en ostéoblaste mature (figure 3). Plusieurs marqueurs sont exprimés de façon séquentielle à chaque étape, ainsi Runx2, PTH-‐R (récepteur de la PTH), ALP (phosphatase alcaline), COLL-‐1 (collagène de type 1), OP (ostéopontine) sont des marqueurs précoces alors que OC (ostéocalcine) ou BSP (bone sialoprotéine) sont des marqueurs tardifs2,13 (figure 3). Ces étapes de
différenciation, théoriquement réversibles sont associées à une diminution de la prolifération cellulaire13.
Figure 3 : Différentiation des ostéoblastes à partir des cellules souches mésenchymateuses, avec les marqueurs exprimés par les cellules 13
Le rôle de l’ostéoblaste mature va être de synthétiser et de minéraliser la matrice osseuse. L’ostéoblaste secrète d’abord la matrice organique, puis contrôle la minéralisation de celle-‐ci en régulant le dépôt des cristaux d’hydroxyapatite. Les ostéoblastes sécrètent aussi des cytokines (M-‐CSF, TNFα, IL-‐1, IL-‐6 et IL-‐11) et des molécules régulatrices (OPG, RANK-‐L), qui vont agir sur les ostéoclastes.
La différenciation ostéoblastique est régulée par de multiples facteurs : de transcription (Osterix, Runx2), hormonaux (glucocorticoïdes, hormone parathyroïde, œstrogènes), locaux (bone mophogenetic protein, Insuline-‐like growth factor)…13
Une fois le tissu osseux élaboré, l’ostéoblaste va s’emmurer et devenir ostéocyte, va s’aplatir et rester en latence (cellules bordantes) ou va subir l’apoptose13 (figure 3).
Les cellules bordantes sont des ostéoblastes quiescents, qui en réponse à des stimuli vont se redifférencier en ostéoblastes matures.
Les ostéocytes, qui sont les cellules les plus nombreuses du tissu osseux, sont des ostéoblastes matures, qui ont perdu leur capacité de division. Les ostéocytes ont une durée de vie de 10 ans et sont totalement entourés par la matrice osseuse. Ils sont caractérisés par un corps fusiforme avec des prolongements cytoplasmiques formant un véritable réseau cellulaire au sein de la matrice extracellulaire, ce qui permet d’être en communication constante avec les cellules de surface (ostéoclastes, cellules bordantes, ostéoblastes). Les ostéocytes sont les véritables garants de l’homéostasie osseuse ; sous
l’influence de certains stimuli (contrainte, micro-‐fracture…), ils vont activer l’ostéoclastogénèse ou la formation osseuse2,14.
1.2. Remodelage osseux (figure 4)
Le remodelage osseux, qui va permettre au squelette de s’adapter à la croissance, de conserver ses propriétés mécaniques et sa capacité d’adaptation aux contraintes, de réparer les fractures et de mettre à disposition le calcium qu’il stocke, va se dérouler dans une unité de lieu appelée le BMU (Basal Multicellular Unit). Le remodelage couple l’action des ostéoclastes et celle des ostéoblastes, selon un cycle établi, en quatre phases. Le remodelage commence par une phase de résorption marquée par la différenciation des ostéoclastes suivie par la résorption de la matrice osseuse. Les ostéoclastes vont ensuite se détacher et être remplacés par des macrophages (phase d’inversion). Les précurseurs des ostéoblastes vont se différencier en pré-‐ostéoblastes puis en ostéoblastes. Les ostéoblastes matures vont synthétiser une nouvelle matrice comblant la lacune de résorption (phase de formation). Une fois la matrice osseuse synthétisée et minéralisée, les ostéoblastes vont subir un phénomène d’apoptose, devenir des ostéocytes ou cellules bordantes (phase de quiescence)2.
Figure 4 : Remodelage osseux. Le remodelage osseux comprends 4 phases : résorption-‐inversion-‐formation-‐ quiescence. Ce mécanisme universel dans la réparation osseuse, fait intervenir successivement les
1.3. Triade RANK-‐L/OPG/RANK 1.3.1. Les acteurs 15,16
RANK appartient à la famille des récepteurs au TNF (Tumor Necrosis Factor). Il est aussi connu sous le nom de TNFRSF11A (Tumor Necrosis Factor Receptor Super Family 11A). Il est exprimé sous forme membranaire, par les ostéoclastes, les cellules dendritiques, les cellules épithéliales des glandes mammaires, les chondrocytes. Son expression est augmentée par IL-‐4 (Interleukine 4), TGFβ (Tumor Growth Factor β) et CD4017.
RANK-‐L appartient à la famille des TNF. Il est aussi connu sous le nom de TNFSF11 (Tumor Necrosis Factor Super Family 11A). Il peut être membranaire ou soluble. Il est exprimé par les ostéoblastes, les cellules stromales, les chondrocytes hypertrophiques, les cellules mésenchymateuses cartilagineuses. Il est régulé par de multiples facteurs : l’hormone parathyroïde (PTH), les interleukines 1 et 11 (IL-‐1, IL-‐11), par la prostaglandine 2 (PGE2), la vitamine D3, les glucocorticoides, les TGFβ (Tumor Growth Factor)17.
OPG (ostéoprotégérine), membre de la famille des récepteurs au TNF, aussi connu sous le nom de TNFRSF11B, est exprimée par les cellules stromales et les ostéoblastes. Il s’agit d’un récepteur leurre de RANK-‐L. En se fixant à RANK-‐L, il inhibe la différenciation des ostéoclastes.
1.3.2. L’orchestration 15,16
Les interactions entre RANK-‐L, molécule membranaire exprimée par les cellules stromales et les ostéoblastes, et son récepteur membranaire RANK exprimé par les ostéoclastes, ont un rôle fondamental dans la physiologie du tissu osseux. Les interactions RANK-‐L/RANK permettent, en présence de M-‐CSF, d'induire la différenciation ostéoclastique, et interviennent également dans l'activation de l'ostéoclaste mature. Ce système est complété par l'OPG, facteur inhibiteur de la résorption osseuse produit par les cellules stromales et les ostéoblastes. L'OPG est l'équivalent d'un récepteur soluble et agit comme un récepteur leurre qui lie RANK-‐L et empêche ainsi les interactions entre RANK-‐L et RANK et donc la différenciation et l'activation des ostéoclastes (figures 5)15.
Figure 5: Triade RANK-‐L/OPG/RANK. Les ostéoblastes secrètent RANK-‐L sous forme soluble ou expriment RANK-‐L sous forme membranaire. RANK-‐L va, en liant son récepteur (RANK), à la surface des précurseurs ostéoclastiques, activer leur différenciation et leur maturation. Les ostéoblastes, secrètent OPG, un récepteur leurre de RANK-‐L, afin de réguler l’ostéoclastogénèse. Le rapport RANK-‐L/OPG permet d’évaluer si l’ostéoclastogénèse est inhibée ou activée18.
1.3.3. Voie de signalisation de RANK
RANK va, via des voies de signalisation cytoplasmique, activer les effecteurs nucléaires qui vont induire l’ostéoclastogénèse. Il existe plusieurs voies de signalisation, les plus connues sont les voies : PI3-‐K(phosphoinositide 3-‐kinase), c-‐jun, p38, ERK (Extracellular signal Regulated Kinase) et Src. RANK va activer ces voies de signalisation, en se liant aux protéines adaptatrices TRAF2-‐3-‐5-‐6 (TNF Receptor Associated Factors), Gab (GRB2-‐ associated-‐binding protein) et Cbl (Casitas B-‐lineage lymphoma)7.
L’activation de p38, entraine la transcription de facteurs de régulation, qui vont contrôler l’expression des gènes codant pour des protéines essentielles à l’activité de résorption des ostéoclastes et de fait considérées comme des marqueurs de ces cellules : TRAP (Tartrate Resistant Acide Phosphatase), cathepsine K et MTIF4.
ERK-‐1 kinase, est régulée en amont par RANK et par MEK (Mitogen-‐activated protein kinase), et a un rôle dans l’inhibition de l’ostéoclastogénèse4.
Src active PI3K, qui joue un rôle dans la survie et la mobilité de l’ostéoclaste en agissant sur les réarrangements cytosquelettiques4.
L’activation de ces voies de signalisation entraine la translocation nucléaire et l’activation de facteurs de transcription, tels que NFATc1 (Nuclear Factor of Activated T-‐ cells), NFκB (Nuclear Factor-‐kappa B), AP-‐1, and MITF4. De plus, il existe une action
synergique passant par OSCAR et d’autres récepteurs membranaires, qui vont activer la voie Syk (Spleen tyrosine kinase) et PLC-‐γ (Phospholipase C)7.
Ces deux actions synergiques vont être responsables d’une augmentation du calcium intra-‐cytoplasmique, qui va entrainer une activation de la calmoduline, qui forme un complexe avec la calcineurine. Ce complexe déphosphoryle NFATc1, et expose la séquence de localisation nucléaire de NFATc1, ce qui induit sa translocation nucléaire. Dans le noyau, NFATc1 induit la transcription de nombreux gènes impliqués dans l’ostéoclastogénèse19(figure 6).
Figure 6: Voies de signalisation de RANK. RANK, via TRAF2-‐3-‐5-‐6, va activer les voies IKK, MEK (ou MAPK). RANK active Scr, entraine l’activation des PI3K. RANK active via les PLC l’augmentation du calcium intracellulaire. En synergie, les voies Syk et PLC sont activées via le récepteur OSCAR. L’activation de l’ensemble de ces voies de signalisation, va entrainer la translocation nucléaire des facteurs de transcription majeurs de l’ostéoclastogénèse16
2. Spécificité des os des maxillaires 2.1. Origine embryonnaire
Durant l’embryogenèse, le crane est formée du neurocrâne et du viscérocrâne (qui formera le squelette facial : maxillaire et mandibule). Le viscérocrâne est constitué à partir du mésoderme préchordal colonisé par les cellules des crêtes neurales. A partir de la 5ème semaine de gestation, les cellules des crêtes neurales migrent pour former les
bourgeons faciaux et les arcs branchiaux.
Les arcs branchiaux participent au développement du tiers inferieur de la face et de la région cervicale. Les arcs branchiaux sont de nature mésodermique. Dans chaque arc se différencie un squelette cartilagineux. Le viscérocrâne se forme à partir des deux premiers arcs branchiaux. Le premier arc, arc maxillo-‐mandibulaire, guide la formation du maxillaire et de la mandibule, par une ossification membraneuse du mésenchyme20.
A la fin de la 4ème semaine, cinq bourgeons faciaux apparaissent autour du stomodeum :
un bourgeon frontal, deux bourgeons maxillaires et deux bourgeons mandibulaires. De la fusion de ces bourgeons va résulter la formation de la face. Les bourgeons maxillaires et mandibulaires proviennent des deux premiers branchiaux et délimitent la partie latérale et inferieure du stomodeum 20 (figure 7).
Figure 7 : Les bourgeons faciaux et leur développement. La face se forme par la fusion du bourgeon frontal (bleu), des bourgeons maxillaires (rose) et mandibulaires (gris). De gauche à droite, le développement des bourgeons à 3, 7, 10 semaines de gestation, et à droite l’aspect de la face constituée21.
2.2. Contrôle génétique du développement des mâchoires.
L’identité de position des segments corporels, et leur orientation cranio-‐caudale, sont dues à l’expression de gènes à homéoboite. Parmi eux, les gènes Hox, qui participent à la spécification des arcs branchiaux. Au cours du développement embryonnaire, ces gènes
Hox, sont exprimés transitoirement dans les rhombomères du tube neural, et par les
cellules neurales ayant colonisées les arcs branchiaux. Chaque rhombomère et chaque arc possèdent une combinaison de gènes Hox, déterminant son code hox, qui correspond à une information positionnelle. Cependant, les gènes Hox, ne sont pas exprimés par les cellules de crêtes neurales du 1er arc branchial. D’autres gènes ont cependant été
identifiés dans le développement du 1er arc branchial. Parmi eux, le gène Otx2 joue un
rôle dans la définition de la polarité du 1er arc, Msx-‐1 et Barx-‐1 jouent un rôle dans le
positionnement dentaire. Ainsi, les mâchoires sont les seuls os dont la mise en place est indépendante des gènes Hox22.
2.3. Ossification
Il existe deux types d’ossification, l’ossification endochondrale qui permet notamment la mise en place du squelette appendiculaire et l’ossification membraneuse qui permet notamment la mise en place des os du crâne. L’ossification primaire de la mandibule et du maxillaire est de type membraneuse. Pendant, la période anténatale (8ème semaine de
gestation), au sein d’un tissu conjonctif, plusieurs cellules mésenchymateuses se condensent puis se différencient en ostéoblastes pour former un point d’ossification. Les ostéoblastes commencent à synthétiser de la matrice ostéoïde, puis les travées osseuses s’épaississent pour former de l’os compact23.
Au sein des os maxillaires va se développer des cryptes osseuses, qui seront le lit du développement dentaire.
2.4. Protéines de l’email et os des mâchoires
La composition de la matrice organique des os des mâchoires se distingue du reste du squelette, par sa composition en protéines non-‐collagèniques.
Les protéines de l’email, telles que l’amélogénine et l’améloblastine, initialement décrites dans l’email dentaire, sont secrétées par tous les ostéoblastes, mais 2000 fois plus exprimées dans les os des mâchoires24,25.
2.5. Développement dentaire
La présence des dents et le phénomène d’éruption font des mâchoires, un modèle osseux unique.
La morphogenèse dentaire se fait en 4 stades : stade de lame, de bourgeon, de cupule et de cloche (figure 7)23,26.
La lame dentaire apparaît à la 7ème semaine de vie embryonnaire, il s’agit d’un épaississement épithélial. A partir de la lame dentaire, des bourgeons vont s’individualiser à la 7ème semaine. Entre chaque bourgeon, la lame dentaire va involuer partiellement. Certains ilots vont persister pour former les dents définitives
ultérieurement. Le bourgeon dentaire se présente comme un amas cellulaire au sommet de la lame dentaire23,26.
Au stade de cupule, les cellules du bourgeon dentaire commencent à s’organiser. La partie épithéliale du bourgeon va se développer et s’évaser pour entourer la partie ectomésenchymateuse. Cette partie épithéliale va alors s’appeler organe de l’email et se diviser en deux parties : externe (épithélium dentaire externe) et interne (épithélium dentaire interne). La partie ectomésenchymateuse va s’organiser pour former le sac folliculaire23,26.
Figure 8 : Morphogenèse dentaire. La morphogenèse dentaire se fait selon 4 étapes : à 6 semaines : lame dentaire ; à 7 semaines : stade de bourgeon ; à 8 semaines : le stade de cupule puis à 10 semaines : stade de cloche (http://cvirtuel.cochin.univ-‐paris5.fr).
Le stade de cloche correspond réellement au stade de différenciation et de morphogenèse de la dent. A cette étape, le germe dentaire est composé de l’organe de l’email, de la papille dentaire primitive et du sac folliculaire. A ce stade, les cellules épithéliales vont se différencier pour donner l’épithélium adamantin externe, le réticulum étoilé et la strate intermédiaire (figure 8) 23,26.
Figure 9 : Aspect histologique au stade de cloche à 28 semaines. La partie épithéliale entoure la papille ectomésenchymateuse, le tout est contenu dans le sac folliculaire. La partie épithéliale est composée de l’épithélium adamantin externe et interne (EAE et EAI) et du réticulum étoilé (RE) (http://cvirtuel.cochin.univ-‐paris5.fr).
2.6. Eruption dentaire
L’éruption dentaire correspond à un ensemble de mécanismes biologiques permettant le passage de la dent de sa crypte osseuse à l’arcade dentaire.
2.6.1. Mécanismes de l’éruption
2.6.1.1. Résorption osseuse : formation du chemin d’éruption
Les travaux de Cahill ont permis de dissocier les mouvements dentaires, du chemin d’éruption27. Pour qu’il y ait éruption dentaire, il faut qu’il y ait résorption osseuse le
long du canal gubernaculaire (canal qui contient un cordon fibreux unissant le sac folliculaire au chorion gingival). Cette phase de résorption est indispensable ; les anomalies de la résorption osseuse, comme l’ostéoporose ou les traitements par biphosphonates, sont responsables de retard ou d’absence d’éruption dentaire28,29
2.6.1.2. Le rôle du follicule dentaire
Le sac folliculaire, originaire des crêtes neurales, est constitué d’un tissu conjonctif lâche, qui entoure l’organe de l’email. Il est destiné à devenir le ligament parodontal, le cément et l’os alvéolaire. Son rôle est primordial dans l’éruption dentaire, en effet son élimination expérimentale empêche l’éruption dentaire30 et son maintien avec
éliminations partielles du sac folliculaire ont permis de déterminer le rôle de celui-‐ci 30.
Son pôle coronal joue un rôle dans la résorption osseuse, alors que son pôle basal joue un rôle dans la formation des racines dentaires et du ligament parodontal 31.
D’un point de vue cellulaire, le follicule dentaire reçoit un afflux de monocytes, qui vont se différencier en ostéoclastes, notamment sous l’influence de signaux paracrines provenant du réticulum étoilé32.
2.6.1.3. Remodelage osseux et éruption dentaire
Le remodelage osseux comprend 4 phases : résorption-‐inversion-‐formation-‐quiescence (figure 4). Ce mécanisme est universel au remodelage osseux. Or au cours de l’éruption dentaire, ces phases ne sont plus couplées. En effet, la résorption a lieu au pôle coronaire de la crypte osseuse, en même temps que la formation osseuse a lieu à la base de la crypte osseuse 31.
2.6.2. Evènements cellulaires et moléculaires impliqués dans la résorption osseuse au cours de l’éruption dentaire
Avant l’arrivée des monocytes dans le follicule, il existe une sécrétion importante de TGFβ au sein du réticulum étoilé, qui va induire la sécrétion de l’IL-‐1, qui va conjointement avec l’EGF induire l’expression du récepteur R-‐IL1. En se fixant à son récepteur, l’IL-‐1 va induire l’expression de CSF-‐1, MCP-‐1, NFκB31. Dans un premier
temps, les monocytes sont attirés dans le follicule, par MCP-‐1 (Monocyte Chemotactic Protein 1), CSF-‐1 (Colony Stimulating Factor 1), EMAP-‐II (Endothelial Monocyte Activating Peptide) qui ont des propriétés chimiotactiques sur les cellules monocytaires31. CSF-‐1 et EGF vont induire l’expression de c-‐fos (figure 9)31.
Figure 10 : Phase pré-‐éruptive. Durant la phase pré-‐éruptive, le TGF-‐β est sécrété par le réticulum étoilé. TGF-‐ β va induire IL-‐1, et ces deux derniers conjointement avec EGF vont induire MCP-‐1. En parallèle, IL-‐1 et PTH-‐ rP vont induire CSF-‐1. MCP-‐1 et CSF-‐1 ont des propriétés chémo-‐attractives pour les cellules monocytaires (adaptée de 31).
CSF-‐1 est un inhibiteur de l’OPG et stimule l’expression de RANK. Parallèlement, les ostéoblastes présents dans l’os alvéolaire vont synthétiser RANK-‐L33. L’inhibition d’OPG
et la sécrétion de RANK-‐L sont responsables d’un ratio OPG/RANK-‐L en faveur de la différenciation et de la maturation de l’ostéoclaste, qui va pouvoir résorber l’os et créer ce « chemin de resorption »34.
Le PTHrP (Parathyroid Hormone related Peptide), qui est un effecteur du TGFβ, joue un rôle clé dans l’éruption dentaire, notamment dans la régulation spatio-‐temporelle de l’ostéoclastogénèse35.
L’ostéoclastogénèse va conjointement être activée par le TNF-‐α, l’IL1 et l’IL6 36 (figure
10).
Figure 11 : Phase éruptive. Durant la phase éruptive, IL1, PTHrP et EGF vont induire c-‐fos, un effecteur de l’ostéoclastogénèse. IL-‐1 va induire la voie NFκB, facteur de transcription des ostéoclastes qui induit l’expression de TNF-‐α et IL-‐6, inducteur de l’ostéoclastogénèse RANKL-‐dépendante. L’os alvéolaire exprime RANK-‐L. Toutes ces voies entrainent la différenciation et maturation des ostéoclastes afin de résorber l’os alvéolaire (adaptée de 31). .
2.7. Tumeurs spécifiques
Les os des mâchoires présentent des spécificités par rapport aux os appendiculaires. Tout d’abord leur origine neuro-‐ectodermique leur confère une plus grande tendance au développement de neurocristopathies tumorales (neurofibromatose, tumeur mélanotique neuro-‐ectodermique, Syndrome de Gorlin)37. Les os des mâchoires sont les
seuls os, non recouverts de peau, mais de muqueuse, ce qui les rend plus vulnérables aux agents infectieux.
Et enfin, les mâchoires sont le siège du développement dentaire, et donc soumis au développement de tumeurs et kystes d’origine dentaire, dites lésions odontogènes selon la classification de l’organisation mondiale de la santé (améloblastome, kyste dentigère, tumeur kératokystique odontogène)38.