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CHEMINEMENT DES ÉLÈVES DE MATERNELLE DANS LEUR REPRÉSENTATION DU SYSTÈME ALPHABÉTIQUE À PARTIR DE L'ÉCRITURE PROVISOIRE

Relation entre l'écriture et la lecture alphabétique

Chapitre 4 : Discussion des résultats

4.1 CHEMINEMENT DES ÉLÈVES DE MATERNELLE DANS LEUR REPRÉSENTATION DU SYSTÈME ALPHABÉTIQUE À PARTIR DE L'ÉCRITURE PROVISOIRE

Les résultats des analyses présentées au précédent chapitre démontrent que les élèves progressent bel et bien à travers différents niveaux lorsqu'ils découvrent le fonctionnement de notre système alphabétique par l'intermédiaire des activités d'écriture. On observe que les enfants de classe maternelle cheminent à travers les quatre principaux niveaux élaborés par Ferreiro (1990, 2000), passant, en moyenne, du début du niveau syllabique en début d'année scolaire (temps 1) au début du niveau syllabico-alphabétique en fin d'année (temps 2).

Les niveaux les plus avancés atteints à chaque temps en écriture sont également intéressants. En temps 1, le niveau le plus élevé atteint en écriture est le niveau 4A qui correspond au niveau syllabico-alphabétique du système d'écriture avec une représentation alphabétique pour un moins un mot. Les élèves à ce niveau sont très près d'une compréhension complète du fonctionnement du système alphabétique. En temps 2, les élèves ont atteint le niveau le plus élevé de représentation, soit le niveau 4B. Les productions des élèves de ce niveau présentent des enfants qui écrivent tous les mots de manière alphabétique, sans omettre de sons.

À travers ce cheminement, on remarque qu'il y a toujours une progression dans le développement de la représentation du système alphabétique en écriture. Une fois qu'un niveau est atteint, l'élève ne retourne pas à un niveau de représentation antérieur. De plus,

les différentes acquisitions (connaissances, découvertes) faites à chaque niveau sont nécessaires à la construction du niveau suivant. Cette valeur développementale de la progression de la représentation du système alphabétique rejoint les travaux de Ferreiro, mais s'opposent aux travaux d'autres auteurs qui se sont penchés sur le sujet (Besse, 1999; Fayol et Jaffré, 1999; Montésinos-Gelet et Morin, 2001; Morin, 2004), la principale différence observée chez ces différents auteurs étant la façon de voir le développement de l'enfant à travers le temps. Comme il a été mentionné, Ferreiro soutient que la représentation du système d'écriture par l'enfant se fait de manière évolutive et qu'il passe par différents stades, ces derniers étant définis par des conceptualisations particulières (Sirois, 2004). Besse (1999) s'inscrit dans la même lignée en déclarant que l'enfant « reconstruit progressivement, en une lente psychogenèse, des conceptualisations sur l'organisation du plurisystème graphique ». Jaffré, Montésinos-Gelet et Morin soutiennent, quant à eux, que ces modèles sont trop rigides (Fayol et Jaffré, 1999; Montésinos-Gelet et Morin, 2001) et présentent plutôt des modèles où les différentes préoccupations (comparables aux niveaux chez Ferreiro) pour écrire ne sont pas successives mais cooccurrentes (Morin, 2004). Selon eux, l'enfant peut aller et venir à travers les différentes préoccupations ou présenter plusieurs d'entre elles dans une même production.

Ainsi, les résultats issus de ce mémoire semblent confirmer l'hypothèse de stades développementaux comme soutenue par la vision de Ferreiro et de Besse pour deux principales raisons intrinsèquement liées l'une à l'autre. Tout d'abord, on observe que, dans son appropriation de l'écrit, l'enfant fait trois « découvertes » majeures qui sont présentes chez tous les auteurs : la distinction entre le dessin et l'écriture, la découverte que l'écrit est porteur de sens et la phonétisation de l'écrit. Il est indéniable que ces découvertes se font de manière chronologique et successive chez tous les enfants et qu'elles sont préalables l'une à l'autre. Par exemple, ces derniers ne peuvent segmenter les mots en phonèmes avant d'avoir découvert que l'écrit et le dessin sont distincts. Il y a donc une progression claire dans la représentation du système alphabétique par l'enfant.

Il est important d'apporter ici une nuance. Il est vrai que les enfants peuvent présenter des comportements se rapportant à divers niveaux dans une même production. Ferreiro (2000)

le souligne d'ailleurs dans ses travaux. Or, ces comportements sont habituellement issus de niveaux voisins et ce phénomène s'observe souvent au moment où l'enfant bascule d'un niveau à un autre ou lorsqu'il rencontre un conflit cognitif si complexe qu'il ne peut le résoudre et qu'il n'a d'autres choix que de se rabattre sur un niveau précédent pour régler son problème. Toutefois, un enfant capable de segmenter un mot en phonèmes ne se remettra jamais à utiliser le dessin ou à croire que des écritures n'ont aucune signification, par exemple.

Pourtant les modèles de Jaffré et de Montésinos-Gelet et Morin semblent dire que cela est possible. Montésinos-Gelet et Morin (2006) stipulent, par exemple, qu'un enfant ayant des préoccupations orthographiques continue d'avoir des préoccupations visuographiques tout au long de sa scolarité. Elles illustrent cette idée avec l'exemple d'un enfant qui découvre qu'une réplique écrite en lettres majuscules dans un dialogue évoque que le personnage s'exprime en criant ou avec une forte voix. Il est vrai que cet exemple réfère aux caractéristiques visuelles de l'écrit telles que les définissent Montésinos-Gelet et Morin. C'est d'ailleurs là que se trouve un second argument en faveur de la vision de Ferreiro et de Besse. À l'instar de ces deux auteurs, les résultats de ce mémoire, au dessein longitudinal, ne permettent de relever aucun cas d'enfant qui aurait atteint un niveau supérieur au temps 1 et un niveau inférieur au temps 2. Tous les enfants ont atteint un niveau supérieur lors du temps 2, ce qui amène la mise en relief de l'hypothèse de structuration progressive et integrative en stades développementaux plutôt que celle de diverses préoccupations concomitantes.

En effet, il est possible de constater, par l'exemple de la réplique de dialogue écrite en lettres majuscules, que le modèle de Montésinos-Gelet et Morin s'intéresse à la représentation du système alphabétique de l'enfant, mais également à sa découverte du fonctionnement de l'orthographe et des différentes conventions qui régissent notre langue. Besse et Jaffré en font autant dans leur modèle. Ferreiro, quant à elle, ne présente dans son modèle que le développement de l'enfant par rapport à la représentation du système alphabétique (en mentionnant toutefois qu'une fois le niveau alphabétique atteint, l'enfant est prêt à apprendre les régularités orthographiques de sa langue (Ferreiro, 2000)). Il est

vrai que les enfants sont confrontés aux spécificités de l'orthographe tout au long de leur développement face à l'écrit et qu'ils peuvent en retenir certaines. Mais les travaux de Ferreiro, ainsi que les résultats de la présente recherche, démontrent qu'un enfant ne peut s'y intéresser complètement sans avoir atteint le niveau alphabétique de représentation du système d'écriture, ces connaissances se situant beaucoup trop loin de sa zone de proche développement (Ferreiro, 2000), surtout s'il se situe à un niveau de représentation inférieur au syllabico-alphabétique.

Le présent projet de recherche permet donc de soutenir les travaux de Ferreiro réalisés dans plusieurs langues latines et dans divers pays en apportant des données de langue française chez des enfants québécois de niveau maternelle. On observe ainsi que ces élèves connaissent le même cheminement dans leur représentation du système alphabétique que les enfants étudiés par Ferreiro.

4.2 CHEMINEMENT DES ÉLÈVES DE MATERNELLE DANS LEUR REPRÉSENTATION DU