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De l'intermédialité à l'oeuvre lepagienne, et de l'oeuvre lepagienne à l'intermédial : un parcours à double sens à propos du théâtre et du cinéma de Robert Lepage

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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De l’intermédialité à l’œuvre lepagienne,

et de l’œuvre lepagienne à l’intermédial

Un parcours à double sens à propos du théâtre et du cinéma

de Robert Lepage

Thèse

Bértold Salas-Murillo

Doctorat en Littérature et arts de la scène et de l’écran

Philosophiæ Doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

(2)

De l’intermédialité à l’œuvre lepagienne,

et de l’œuvre lepagienne à l’intermédial.

Un parcours à double sens à propos du théâtre et du cinéma

de Robert Lepage

Thèse

Bértold Salas-Murillo

Sous la direction de :

Luis Thenon, directeur de recherche

Julie Beaulieu, codirectrice de recherche

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Résumé

Notre recherche aborde deux sujets fortement reliés : l’intermédial et l’œuvre de l’artiste Robert Lepage (Québec, 1957). La démarche prend en compte la double nature de la notion d’« intermédialité » : une approche (la perspective intermédiale) et un objet (le phénomène intermédial). Parmi nos propositions se trouvent des outils pour mieux comprendre l’intermédial, aussi bien en tant qu’objet qu’en tant qu’approche, de sorte que, de la même façon que l’intermédialité permet d’analyser les créations lepagiennes, celles-ci font la lumière sur l’intermédial.

Nous introduisons les éléments de la théorie intermédiale dans le chapitre 1, puis nous développons une analyse de l’œuvre de Lepage au cours des chapitres 2, 3 et 4. Cet examen est principalement consacré à quatre de ses mises en scène théâtrales : Le polygraphe (1987),

Les sept branches de la rivière Ota (1994-1997), La face cachée de la lune (2000) et Lipsynch

(2007) ; ainsi qu’à ses six films : Le confessionnal (1995), Le polygraphe (1996), Nô (1998),

Possible Worlds (2000), La face cachée de la lune (2003) et Triptyque (2013).

Le démarche s’articule selon cinq principes constituant un modèle qui pourrait fournir des priorités pour les recherches dites intermédiales : le rôle de la matérialité pendant le processus de signification ; le rôle productif de la différence ; le caractère processuel de la médiation ; le caractère transformatif du processus ; et le rapport bidirectionnel entre la théorie et la pratique. Ces principes ont été conçus au fur et à mesure que l’axe de pertinence intermédial a été mis en contact avec les créations lepagiennes. Ils sont énoncés à la fin du chapitre 2.

Dans ce deuxième chapitre (« La poïétique lepagienne »), nous démontrons que Lepage crée intermédialement : sans reconnaître de frontières disciplinaires, il explore la matérialité et les médias, l’identité et la différence. Cette observation confirme la vocation dialogique de la création lepagienne, entamée lorsque l’artiste a intégré le Théâtre Repère, et affirmée encore pendant plus de trois décennies lors desquelles le créateur québécois a fait du théâtre, du cirque et des spectacles de musique, des films et des expositions. Nous y trouvons une exploration de la médiation : la vue, la sensation, l’objet nourri de signification, la présence (et sa fabrication), la transmission et la perception sont des piliers de son processus créatif. En plus, Lepage fait appel aux caméras et écrans, mettant en œuvre la logique du cinéma et

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du numérique, se servant de l’hypermédialité de la scène et de l’écran et invitant le public à participer au processus créatif. À travers cette exploration, Lepage contribue à l’enrichissement de la vidéoscène contemporaine.

Le chapitre 3 (« La transécriture lepagienne ») montre que Lepage recrée intermédialement : la transécriture des pièces d’autres auteurs et de ses propres créations est un des procédés intermédiaux les plus pratiqués par l’artiste québécois. L’analyse de ce processus (du théâtre au cinéma, selon le corpus analysé) nous montre également les limites imposées par les spécificités médiatiques, autant matérielles qu’institutionnelles : même si Lepage profite des affinités entre les médias et de leurs matériaux communs, la transécriture exige des réfractions de la fabula et une nouvelle mise en forme pendant leur passage de la scène à l’écran. Nous menons ainsi une discussion autour du rapport entre la scène et l’écran, des médialités impliquées, en particulier la théâtralité et la cinématographicité.

Finalement, Lepage pense l’intermédialité ou les sujets qui lui sont proches (chapitre 4 : « Les entre-deux lepagiens »). Les histoires qu’il met en forme sont consacrées à des sujets tels que la matière et le sensible, l’appareil et le médium, les frontières et les croisements, l’intermédialisation des pratiques de signification et de communication, l’identité et la différence.

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Abstract

Our research deals with two strongly-connected topics: The intermedial, and the work of artist Robert Lepage (Quebec, 1957). The approach takes into account the double-nature of the notion of “intermediality”, as an approach (the intermediality), and an object of study (the intermedial phenomenon). Amongst our discoveries, we find tools to better understand the intermedial, both as an approach and as an object. Just in the same way that intermediality allows for the analysis of the Lepagean creations, these creations shed a light on the intermedial.

We present the elements of intermedial theory in chapter 1, and we carry out an analysis of Lepage’s work in chapters 2, 3, and 4. This examination deals mainly with four of his stage plays: Le polygraphe (1987), Les sept branches de la rivière Ota (1994-1997), La face cachée

de la lune (2000) and Lipsynch (2007), as well as his six films: Le confessionnal (1995), Le polygraphe (1996), Nô (1998), Possible Worlds (2000), La face cachée de la lune (2003) and Triptyque (2013).

The examination is carried out through five principles that constitute a model that can guide the so-called intermedial research: The role of materiality in the process of signification; the productive role of difference; the understanding of mediation as a process; the transformative character of the process; and the bi-directional rapport between theory and practice. These principles were conceived gradually as the intermedia research axis encounters the creations of Lepage, and are formulated at the end of chapter 2.

In this second chapter, we demonstrate that Lepage creates in an intermedial manner: Without recognising disciplinary frontiers, he explores the materiality and the medium; the identity and the difference. It is a characteristic that confirms the dialogic vocation of the Lepagean creation, which started when the artist integrated the Repère Theatre, and which was reaffirmed during the following three decades in which the Quebecer creator has done theatre, circus, music spectacles, films and expositions. In this work, we find an exploration of mediation: the sight, the sensation, the object as a source of meaning, the presence (and its fabrication), the transmission, and the perception are the pillars of the creative process.

(6)

Lepage also resorts to cameras and screens, applies the logic of cinema and the digital, availing himself of the hipermediality of the scene and the screen, and inviting the public to participate in the creative process. Through this exploration, Lepage contributes to the enrichment of the contemporary vidéoscène.

Chapter 3 demonstrates that Lepage recreates in an intermedial manner: The transécriture of the works by other authors and of his own creations is one of the most-practised intermedial procedures by the Quebec artist. The analysis of this process that moves from theatre to cinema shows the limits imposed by mediatic specificities, both the material and institutional ones: Even if Lepage takes advantage of the mediums' affinities and common materials, the transécriture demands refractions of the fabula and adjusts during the passage from scene to screen. We develop, hence, a discussion about the relation between scene and screen, of the implied medialities, of theatricality and cinematographicality.

Finally, Lepage thinks the intermediality, as well as the subjects that are near him (chapter 4: “The Lepagean In-Between”). The stories that he develops are dedicated to topics such as the materiality and the sensorial, the dispositif (or device) and the medium, the frontiers and the cross-overs, the intermedialisation of the signification and communication practices, as well as the identity and the difference.

(7)

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

Objet d’étude ... 1

L’environnement intermédial... 1

Une œuvre intermédiale ... 6

L’intermédialité, à travers Lepage ... 8

État de la question ... 9

Méthodologie ... 15

Les conditions d’une recherche intermédiale ... 18

La démarche ... 20

Appareillage théorique ... 23

1.1 Introduction à la notion d’« intermédialité » ... 23

1.2 Approches d’une définition... 25

1.2.1 Les modèles de Schröter ... 25

1.2.2 Une approche étymologique... 27

1.2.3 Une définition non définitive ... 30

1.2.4 Les notions proches ... 32

1.3 Le médium ... 38

1.4 Les sujets intermédiaux ... 45

1.4.1 Le théâtre, sujet de l’intermédialité ... 49

1.4.2 Le cinéma, sujet de l’intermédialité ... 61

1.4.3 La transécriture cinématographique ... 67

La poïétique lepagienne ... 72

2.1 La matière et ses possibilités ... 73

2.1.1 Théâtre Repère ... 76

2.1.2 L’objet, source créative ... 79

2.1.3 L’objet qui fait voir ... 88

2.1.4 La lumière et la couleur ... 95

2.1.5 La matière sonore ... 98

(8)

2.2 Le questionnement des frontières ... 113

2.2.1 La création chez Lepage ... 116

2.2.2 Le dispositif scénique ... 125

2.2.3 L’espace lepagien ... 133

2.3 La différence génératrice ... 138

La transécriture lepagienne ... 145

3.1 Le théâtre cinématographique… Un cinéma théâtral ?... 149

3.2 Les transformations lepagiennes ... 153

3.2.1 Le polygraphe ... 156

3.2.2 « Les mots » et Nô... 166

3.2.3 La face cachée de la lune... 171

3.2.4 « Thomas », « Marie », « Michelle » et Triptyque... 179

3.3 Les contenus dynamiques ... 184

3.3.1 Le polygraphe ... 184

3.3.2 « Les mots » et Nô... 190

3.3.3 La face cachée de la lune... 194

3.3.4 « Thomas », « Marie », « Michelle » et Triptyque... 196

3.4 Évaluation des processus ... 199

Les entre-deux lepagiens ... 204

4.1 La production de sens ... 207

4.1.1 Des références et des citations ... 213

4.1.2 La mise en abyme ... 219

4.2 Au milieu du temps et de l’espace ... 223

4.3 Au milieu des identités et des différences ... 226

4.3.1 L’identité personnelle ... 228

4.3.2 L’identité nationale ... 235

4.4 Au milieu des sens ... 237

4.4.1 Au milieu des langues ... 241

4.4.2 Au milieu des discours ... 243

4.5 Le numérique ... 248

Conclusion ... 254

5.1 L’intermédialité lepagienne ... 256

6. Références ... 261

(9)

6.1.1 Corpus d’étude ... 261

6.1.2 Autres œuvres ... 261

6.3 Études ... 262

6.3.1 Interviews avec Robert Lepage ... 276

(10)

À ceux que j’aime, qui m’ont attendu pendant presque quatre ans,

ma fille, Lucía,

mes parents, Dinorah et Rolando,

mon frère, Rolando,

(11)

Remerciements

J’aimerais remercier d’abord les deux professeurs qui, plus que de me diriger, m’ont accompagné lors du processus de découverte et de création qu’implique toute recherche doctorale : M. Luis Thenon et Mme Julie Beaulieu. En plus, d’autres professeurs du département de littérature, théâtre et cinéma de l’Université Laval, qui m’ont offert de nombreux outils et inspiré des idées lors de leurs séminaires : Lucie Roy, Sabrina Vervacke, Milad Doueihi, Robert Faguy et Jean-Pierre Sirois-Trahan.

Étant donné que le français n’est pas ma langue maternelle, plusieurs personnes m’ont aidé à rendre mes textes « lisibles » pour les francophones : Marius Beaumier, Véronik Desrochers, Simon Habel et Sarah Bernier. Sans leur aide, je n’aurais pu mener à terme ce processus. J’aimerais remercier également mon ami Daniel Josephy, une sorte de guide dans mon aventure canadienne et le responsable du résumé en anglais.

Finalement, j’aimerais remercier l’Université du Costa Rica, l’institution qui m’a à la fois nourri de connaissance et offert du travail, et qui m’a témoigné sa confiance en finançant ce doctorat.

(12)

Introduction

Objet d’étude

Notre recherche touche deux sujets imbriqués : l’intermédial et l’œuvre de l’artiste Robert Lepage (Québec, 1957). L’intermédial est un des traits les plus marquants du monde contemporain : à la fois un ensemble de phénomènes issus du croisement de pratiques médiatiques ainsi qu’un environnement où les êtres humains se rencontrent et font leurs échanges. Ces phénomènes et rencontres suscitent une approche particulière dans les sciences humaines, celle de l’intermédialité. Quant à l’œuvre lepagienne, il s’agit d’une création vaste et polymorphe qui, s’exprimant surtout sur scène et à l’écran, combine des espèces, des discours et des médias, exploite la technologie, tire profit de l’hybride et du « bâtard », met en évidence des frontières et des médiations.

Nous pensons que l’axe de pertinence intermédial est une perspective appropriée, même nécessaire, pour approcher l’œuvre de Robert Lepage, théâtrale ou cinématographique. D’autre part, nous sommes convaincu que celle-ci nous inspirera plusieurs manières d’aborder l’intermédial, dans sa double nature d’ensemble de phénomènes et de perspective théorique. Autrement dit, de la même façon que l’intermédialité permet de mieux comprendre les créations lepagiennes, celles-ci font la lumière sur l’intermédial, les éléments constituants du phénomène et les traits de la recherche dite intermédiale. De l’intermédialité à l’œuvre lepagienne, et de l’œuvre lepagienne à l’intermédial : voici le chemin à double sens que nous fera parcourir notre enquête.

L’environnement intermédial

Les nouveaux médias ont joué un rôle central dans les bouleversements des dernières décennies. Depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, la photographie et la technologie graphique, ensuite le cinéma, la radiodiffusion, les diverses formes du téléphone, la télévision et l’Internet, ont joué un rôle déterminant dans les processus sociaux et politiques, les échanges culturels et économiques, même dans la constitution des connaissances et des sensibilités. Ce dernier aspect confirme que tout médium opère simultanément comme un appareil de transmission et comme le prolongement d’un outillage mental : tel est le paradoxe

(13)

mis en évidence par McLuhan dans sa célèbre phrase : « the medium is the message1 ». Les médias, par leur constante évolution et leurs fréquents échanges de procédés et de matériaux les uns avec les autres, déterminent les rapports temporels et spatiaux, la perception du corps, les formes de présentation et de représentation, les stratégies dramaturgiques, les principes de structuration et de mise en place de mots, images et sons, enfin, les façons de percevoir et de générer des sens culturels, sociaux et psychologiques. Cette dynamique donne lieu à la « sphère » intermédiatique ou intermédiale, « l'espace à la fois réel et symbolique constitué par les médias et leur rapport avec les communautés2 ».

Le social et le symbolique se configurent dans la sphère intermédiale. Souvent, les pratiques artistiques, conçues pour la rencontre des subjectivités mais attachées au tangible, rendent compte de ce phénomène. Des artistes ont d’ailleurs incorporé la notion d’intermédialité dans les débats contemporains. Par exemple, le réseau international d’artistes Fluxus, dont l’artiste et théoricien britannique Dick Higgins faisait partie, l’a introduite pendant les années 1960, en reprenant un terme déjà utilisé au début du XIXe siècle par le britannique Samuel Coleridge3. D’après Higgins, il ne s’agit pas d’une prescription : l’intermédialité est une possibilité pour les artistes d’exprimer leur créativité4. Néanmoins, le terme

« intermédialité » a aussi été introduit en guise d’outil théorique et méthodologique au sein des études médiatiques allemandes (les Medienwissenschaften, auxquelles contribue Jürgen Müller), dans lesquelles est advenu un déplacement de l’intérêt des chercheurs des médias vers les relations entre les médias5.

1 Marshall McLuhan, Understanding Media. The Extensions of Man. Critical Edition edited by W. Terrence

Gordon, Berkeley, Gingko Press, 2011. « The medium is the message » est aussi le titre du premier chapitre de

cette œuvre charnière de la recherche médiatique.

2 Germain Lacasse, « Intermédialité, deixis et politique », Cinémas, vol. 10, nos 2-3 (2000), p. 86. L’information

des sources en ligne (comme celle-ci), telle que l’URL et la date de consultation, apparaît dans la bibliographie.

3 Samuel Taylor Coleridge (1772-1834) : poète, critique littéraire et historien britannique. Il fait partie des

fondateurs du mouvement romantique en Grande-Bretagne.

4 L’intermédial « ne fait pas son propre éloge ni ne présente un modèle pour faire de nouvelles ou grandes

œuvres. Il dit seulement que les œuvres intermédiales existent. » (« […] [I]t does not praise itself or present a model for doing either new or great works. It says only that intermedial works exist. ») Dick Higgins, « Intermedia », Leonardo, vol. 34, no 1 (2001), p. 52. À travers ce document, nous présentons le texte original

des passages traduits lorsque nous considérons que, par sa longueur ou sa complexité, il pourrait intéresser le lecteur. Par contre, nous ne le transcrivons pas s’il est bref (par exemple, une phrase de trois ou quatre mots).

5 Jean-Marc Larrue, « Du média à la médiation : les trente ans de la pensée intermédiale et la résistance

théâtrale », dans Jean Marc Larrue [dir.], Théâtre et intermédialité, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2015, p. 31.

(14)

Depuis les années 1980, les études interartistiques (Werner Wolf, Claus Clüver, Walter Moser), intéressées par les échanges entre la littérature, l’image et la musique, sont fréquemment nommées intermédiales. Ces études examinent les processus de métamorphose dans l’œuvre (l’adaptation, l’hybridation, la transformation, le recyclage), lesquels ouvrent un espace de dialogue, potentiellement conflictuel. Selon Walter Moser, l’esthétique revient à son origine, comme discipline, l’« aïesthésis », et entreprend l’analyse de la perception et de la sensorialité, telle que l’avait conçue Alexander Baumgarten (1714-1762)6.

Par ailleurs, des auteurs tels que Bolter et Grusin7 ou Marion et Gaudreault8 ont examiné les

opérations de transformation, mixage et recyclage à l’intérieur des pratiques médiatiques, lesquelles sont encore plus complexes depuis l’essor de la technologie numérique et d’Internet. La reconnaissance de cette sorte d’opérations a suscité la révision de l’histoire des techniques et des médias. Même si les études intermédiales suivent la trace de la « révolution numérique », elles actualisent la compréhension de phénomènes aussi anciens que l’alphabet ou les pratiques artistiques de l’Antiquité, où apparaissent des traits de la dynamique intermédiale. Les études intermédiales suggèrent moins des nouveaux problèmes que des nouvelles manières de penser ceux-ci ; l’intermédial n’est donc pas à comprendre seulement comme une nouvelle propriété relative à un objet, mais comme un changement de perspective de la part de celui qui observe le monde. Elle participe notamment à l’interrogation d’un ensemble d’objets et d’institutions reliées à la pratique et à la recherche esthétiques propres à la modernité : la perspective à point de fuite unique, la camera obscura, le musée, la psychanalyse, la photographie, le cinéma et la vidéo9.

L’intermédial et l’intermédialité sont ainsi des termes généraux pour les phénomènes qui arrivent entre les médias, dans leurs zones limitrophes et relationnelles. Rajewsky explique

6 Walter Moser, « "Puissance baroque" dans les nouveaux médias. À propos de Prospero’s Books de Peter

Greenaway », Cinémas, vol. 10, nos 2-3 (2000), p. 41.

7 Jay Day Boulter et Richard Grusin, Remediation. Understanding New Media, Massachusetts, MIT Press,

1999.

8Entre autres : « Un média naît toujours deux fois… », Sociétés et représentations, no 2, 2000, p. 21-36 ;

« Cinéma et généalogie des médias », Médiamorphoses, no 16 (2006), p. 24-30 ; « Le cinéma est encore mort!

Un média et ses crises identitaires… », dans Thierry Lancien [dir.], MEI (Médiation et Information). Écrans &

Médias, no 34 (2011), p. 27-41 ; La fin du cinéma ? Un média en crise à l’ère du numérique, Paris, Armand

Colin, 2013.

(15)

que la notion d’intermédialité s’est établie, dès le début, comme un termine-ombrello, dans le sens proposé par Umberto Eco : « un "terme parapluie", utilisé toujours différemment, justifié par des approches théoriques diverses et sous lequel on range une multitude d’objets, de problématiques et d’objectifs de recherche (Erkenntnisinteressen) hétérogènes10 ». Considérées aussi largement, les études intermédiales « enrichissent la connaissance de la matérialité et de la médialité des pratiques artistiques, ainsi que des pratiques culturelles en général11 », avance Irina Rajewsky.

La notion d’intermédialité est « le résultat d’interactions avec des ensembles théoriques et avec des pratiques critiques qui, à des titres divers, mettent de l’avant les relations plus que les substances12 », précise Éric Méchoulan. L’intermédialité est ainsi

[…] à la fois un objet, une dynamique et une approche. Comme objet, elle concerne les relations complexes, foisonnantes, polymorphes, multidirectionnelles entre les médias. Comme dynamique, l’intermédialité est ce qui permet l’évolution et la création de médias, elle est aussi ce qui produit des résidus médiatiques. Il découle de cela la nécessité d’une approche originale susceptible de mieux comprendre cet objet et cette dynamique13.

L’avènement des études intermédiales est lié à une condition contemporaine : l’intermédialisation des pratiques de signification et de communication. Gaudreault tente de formuler une définition « minimaliste » qui met l’accent sur les aspects transférentiels de l’intermédialité :

[…] dans une acception minimaliste, ce concept [...] permet de désigner le procès de

transfèrement et de migration, entre les médias, des formes et des contenus, un procès qui est à l’œuvre de façon subreptice depuis déjà quelque temps mais qui, à la suite de la prolifération relativement récente des médias, est devenu aujourd’hui une norme à laquelle toute proposition médiatisée est susceptible de devoir une partie de sa configuration14.

10 Irina Rajewsky, « Le terme d’intermédialité en ébullition : 25 ans de débat », dans Caroline Fischer et Anne

Debrosse, Intermédialités, Nîmes, Société française de littérature générale et comparée / Lucie éditions (coll. Poétiques comparatistes), 2015, p. 28.

11 « […] [I]n particular, they point to a heightened awareness of the materiality and mediality of artistic practices

and of cultural practices in general. » Irina O. Rajewsky, « Intermediality, Intertextuality, and Remediation: A Literary Perspective on Intermediality », Intermédialités, no 6 (printemps 2006), p. 44.

12 Éric Méchoulan, « Intermédialité : ressemblances de famille », Intermédialités, no 16 (2010), p. 233.

13 Jean-Marc Larrue, « Du média à la médiation : les trente ans de la pensée intermédiale et la résistance

théâtrale », art. cit., p. 28.

14 Les italiques proviennent du texte original. André Gaudreault, Du littéraire au filmique, Paris/Québec,

(16)

Voici l’environnement dans lequel s’inscrit notre recherche : premièrement, nous envisageons l’intermédialité comme un ensemble de phénomènes à l’intérieur duquel ont lieu des pratiques artistiques elles-mêmes intermédiales, comme celle de Robert Lepage ; deuxièmement, nous l’envisageons en tant que perspective théorique ou, du moins, axe de pertinence, qui fait partie d’« un nouveau paradigme en sciences humaines […], allant de la textualité à la matérialité15 ». L’intermédialité trouve ainsi ses bases au cœur de la thèse de

Marshall McLuhan, selon laquelle le « sensible » (signifiants, médias, formes) détermine l’« intelligible » (signifiés, messages, fond).

D’autre part, nous identifions dans l’œuvre lepagienne un faisceau d’enjeux et d’accomplissements appelant une réflexion sur des sujets tels que la matière et le sensible, l’appareil et le médium, les frontières et les croisements, l’intermédialisation des pratiques de signification et de communication, l’identité et la différence. Comme Chantal Hébert le signale, l’activité poïétique de Lepage relève le défi de la complexité, un trait du monde contemporain, mariant « liberté, hasard, intuition, transformation, désordre, organisation, désorganisation, interaction, interdépendance […]16 ». Notre recherche s’appuie sur l’idée qu’il est possible de mieux comprendre l’intermédial grâce aux créations de Lepage, et, qu’en retour, la perspective intermédiale enrichira l’analyse de son œuvre.

Le titre de notre recherche inclut une nuance qui rend compte de la nature plurielle du concept : « de l’intermédialité à l’œuvre lepagienne, et de l’œuvre lepagienne à l’intermédial ». Étant donné que le terme « intermédialité » est polysémique et peut faire référence à un phénomène (une dynamique, une série de configurations, une pratique) autant qu’à un ensemble théorique, le titre fait la distinction entre l’un et l’autre. Il indique que cette approche, l’intermédialité, est un outil pour analyser l’œuvre de Lepage. Néanmoins, lorsque nous proposons la voie inverse, celle qui part de l’œuvre lepagienne, le point d’arrivée n’est pas seulement la théorie mais le phénomène, la sphère intermédiale, dont l’œuvre lepagienne fait partie17.

15 Jürgen E. Müller, « Vers l’intermédialité », Médiamorphoses, no 16 (2006), p. 101.

16 Chantal Hébert, « Le lieu de l’activité poïétique de l’auteur scénique. À propos du Projet Andersen de Robert

Lepage », Voix et Images, vol. 34, no 3 (102), 2009, p. 35.

17 Le titre fait la nuance entre l’intermédialité et l’intermédial afin d’introduire la distinction entre le phénomène

(17)

Une œuvre intermédiale

Lepage est mondialement reconnu pour son travail de metteur en scène, dramaturge, comédien et concepteur de formes de création inédites. Innovateur, il s’est distingué en rompant les codes du langage scénique conventionnel au moyen du travail interdisciplinaire, de la remise en question et de la transformation des dispositifs scéniques, ainsi qu’en utilisant de nouvelles technologies pour le développement d’une écriture scénique originale. Son œuvre est sans aucun doute un exemple de création intermédiale, dans laquelle sont ébranlées, voire effacées, les frontières entre les disciplines artistiques et entre les médias. Il ne s’agit donc pas de demander si telle ou telle œuvre est intermédiale, mais d’examiner sa façon de l’être, ainsi que les enseignements qui s’en dégagent pour les recherches futures.

La filmographie de Lepage est moins connue que ses créations scéniques, mais elle fait partie de la même recherche créatrice et représente aussi un échantillon d’intermédialité. Elle est composée des films Le confessionnal (1995), Le polygraphe (1996), Nô (1998), Possible

Worlds (Mondes possibles, 2000), La face cachée de la lune (2003) et Triptyque (coréalisé

avec Pedro Pires, 2013). À l’exception du Confessionnal, qui repose sur un scénario original pour le grand écran, et de Mondes possibles, créé d’après la pièce théâtrale de John Mighton18,

les quatre autres films sont des adaptations de textes et de montages réalisés par Lepage : Le

polygraphe (coauteur, 1987, origine du film du même titre), Les sept branches de la rivière Ota (coauteur, 1994, le film Nô), La face cachée de la lune (2000, le film du même titre) et Lipsynch (2007, le film Triptyque).

Comme ses créations scéniques, les films de Lepage sont truffés d’exemples de processus de médiation. Ainsi, le tournage à Québec du film I Confess (La loi du silence, 1953) d’Alfred Hitchcock, devient la toile de fond du Confessionnal. Hitchcock en est lui-même l’un des personnages. Un chauffeur de taxi lui raconte l’histoire d’un triangle amoureux à l’intérieur d’un foyer québécois. Ce triangle détermine, 37 ans plus tard, la vie des cousins Pierre, qui vient d’arriver de Chine où il a appris la calligraphie, et Marc, qui part au Japon pour mourir.

« intermédialité » désigne, selon le contexte d’énonciation, autant la sphère intermédiale que la perspective d’analyse. Ceci conserve la double nature du terme, ainsi que le rapport entre la réalité empirique et la théorie.

18 Pièce publiée en 1988 et présentée pour la première fois en 1990 à Toronto. Une version révisée est mise en

scène en 1997 par le Possible Worlds Company, Platform 9 et le Théâtre Passe Muraille, aussi à Toronto. John Mighton, Possible Worlds, Toronto, Playwrights Canada Press, 1997, p. 8.

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Lepage a aussi déployé dans son premier long-métrage une série de renvois à l’ensemble de son œuvre précédente (en particulier La trilogie des dragons, 1985), presque exclusivement scénique, et qui vont subsister dans les travaux suivants, scéniques ou cinématographiques : le regard sur le langage et la mémoire, le questionnement des processus de production et de transmission de sens et l’accent sur les phénomènes frontaliers.

Dans les versions scénique et filmique du Polygraphe, la vérité et la mémoire sont remises en question par l’usage d’un polygraphe et le voyage transatlantique d’une matriochka (une poupée russe) : une machine et un objet auxquels les protagonistes sont émotionnellement attachés. Une représentation théâtrale est centrale dans Nô, dont le titre évoque la tradition théâtrale japonaise. Le discours audiovisuel est mis en évidence à la fois dans l’œuvre scénique et le film intitulés La face cachée de la lune, où sont montrées des images documentaires sur l’exploration lunaire. Un concert de jazz, un tableau vivant et une scène de neurochirurgie apparaissent entre les moments dramatiques de Triptyque. Différents types et couches de réalité, de représentation et de matière se croisent et se confondent dans l’œuvre de Lepage, même dans la fable neurophilosophique qu’est Mondes possibles. Ces références ne sont pas simplement marginales chez Lepage ; elles font partie intégrante d’un ensemble créatif et conceptuel dont les lignes narratives se mélangent, et dans lequel une histoire en nourrit une autre, un discours (journalistique, médical, scientifique) en accompagne et transforme un autre, un médium en contient un autre, la matière ressort et respire, les opérations d’établissement (vérité, réalité) et d’échange (communication, traduction) de sens s’entremêlent, floues et mouvantes.

Nous citons principalement des exemples de processus intermédiaux tirés de la cinématographie de Lepage parce qu’elle a été moins étudiée que ses mises en scène théâtrales, dans lesquelles nous trouvons aussi de fréquents rappels des autres médias et supports, ainsi que du phénomène de médiation : l’art pictural dans Vinci (1986) ; la poésie et le jazz, ainsi que l’apparition du créateur interdisciplinaire Jean Cocteau, dans Les aiguilles

et l’opium (1991) ; un photomaton, une caméra photographique et une danse japonaise dans Les sept branches de la rivière Ota (1994) ; et les outils mnémotechniques dans 887 (2015),

pour ne citer que quelques mises en scène. L’œuvre lepagienne est un modèle d’hétérogénéité, de convergence et de conjonction de plusieurs systèmes, comme il s’en fait

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peu. « L’arte è un veicolo », résumait le personnage du présentateur italien dans Vinci : au moyen de l’art, Lepage scrute la matière et les processus de médiation, d’échange et de déplacement.

Comme metteur en scène, Lepage a dirigé 80 spectacles de théâtre, d’opéra, de musique et de multimédia, créés de 1984 à aujourd’hui (première moitié de 2017). Notre recherche se concentre plus particulièrement sur les films lepagiens et sur les créations scéniques qui sont à leur origine. Nous tenons à préciser que Lepage sera abordé ici en tant que metteur en scène théâtral et cinématographique et non pas en tant que dramaturge ou acteur, ni directeur artistique de spectacles comme ceux créés pour le chanteur Peter Gabriel (Secret World Tour, 1993-1994), la troupe du Cirque du Soleil (KA, 2005), des institutions publiques comme la Ville de Québec (Le moulin à images, 2008-2013) ou Bibliothèque et archives nationales du Québec (exposition La bibliothèque, la nuit, 2015-2016), ou encore pour l’opéra (Der Ring

der Nibelungen, 2010).

L’intermédialité, à travers Lepage

Notre recherche vise une meilleure compréhension du contexte contemporain, dont l’œuvre lepagienne manifeste l’un des traits les plus marquants : l’intermédialisation des pratiques de signification et de communication. Si l’art fait appel, d’après Deleuze et Guattari, à ce qui « ne peut pas être précisé autrement que comme sensation19 », et si l’axe de pertinence

intermédial vise le sensible en tant qu’il rend possible l’intelligible, nous trouvons dans l’œuvre lepagienne, de nature artistique, un point de départ pour un dialogue entre la théorie et la pratique.

Dans une opération circulaire, l’analyse de l’œuvre de Lepage à partir d’une perspective intermédiale nous fournit des outils, avec lesquels nous pouvons élaborer une méthodologie cohérente par rapport aux enjeux de la recherche intermédiale. Notre recherche est ainsi orientée de la pratique (celle de Lepage) à la théorie (l’axe de pertinence intermédial) pour donner lieu à une forme de modèle qui permette de réviser la théorie précédente. En reliant la théorie au phénomène, l’opération adopte la même circularité que celle à partir de laquelle

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sont nées la notion d’« intermédialité » et la recherche intermédiale. Celles-ci tirent en effet leur origine de la pratique artistique (celle du groupe Fluxus, par exemple) et de la phénoménalité sociale (le rôle des médias dans les bouleversements sociaux).

L’ensemble de l’œuvre lepagienne parcourt les frontières génériques et médiatiques (théâtre, opéra, spectacle, cirque, cinéma, livres), en les franchissant fréquemment, ce qui montre à quel point elles sont poreuses. L’axe de pertinence intermédial permet une approche complexe et interdisciplinaire d’un ensemble créatif qui est, lui-même, complexe et interdisciplinaire. Également, outre son mixage médiatique, la poïétique lepagienne place le support et la technique au centre des processus créatif et narratif. Les créations à analyser, scéniques ou filmiques, témoignent de recherches et de pratiques – une manière de produire : une poïétique – qui se nourrissent aussi d’une conception intermédiale de la création artistique, telle que Higgins l’a proposée. D’après Hébert, l’enjeu premier de la création lepagienne est une écriture scénique en transformation continuelle où la mise en relation des éléments et matériaux disparates (objets, sons, éclairages, acteurs, personnages, contenu, jeu) « relève d’un travail intuitif et associatif qu’on peut qualifier de véritable bricolage20 ». D’ailleurs, le corpus permet d’interroger le rapport entre l’écriture du théâtre et du cinéma : cinq films sur six sont des « transécritures » de pièces théâtrales, ce qui permet de mettre au jour et de questionner les spécificités de chacun des médias (la « cinématographicité » du théâtre, la « théâtralité » du cinéma). Il s’agit donc d’une opération à double sens : notre recherche vise à examiner l’œuvre lepagienne depuis une perspective intermédiale, et par cet examen, nous croyons pouvoir appréhender plus généralement l’environnement intermédial.

État de la question

La cinématographie de Robert Lepage a été très peu étudiée et jamais selon une perspective intermédiale. Quant à l’ensemble de l’œuvre lepagienne, l’approche intermédiale n’est pas explicite dans les propos des chercheurs qui s’y intéressent, bien que certains articles abordent des questions et des catégories voisines.

Le travail de Lepage comme dramaturge et metteur en scène théâtral a inspiré de nombreux

20 Chantal Hébert, « Robert Lepage et l’art de la transformation », dans Jacques Plante [dir.], Architectures du

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livres et articles sur les enjeux thématiques et formels qui l’animent. Il est pertinent de s’attarder aux travaux de Chantal Hébert et Irène Perelli-Contos, dans lesquels l’œuvre de Robert Lepage est étudiée principalement selon la perspective du théâtre de l’image et la théorie de la complexité21. En outre, les études d’Irène Roy nous intéressent pour leur analyse

des créations de Lepage en tant qu’échantillons de la méthodologie des cycles Repère22. Nous

nous penchons également sur les recherches, qui ont commencé à être publiées dès la fin des années 1980, sur les enjeux thématiques de Lepage (comme l’autobiographie, l’identité et la création artistique), notamment celles de Bovet, Laliberté, Hunt, Bunzli, Huffman et Dixon23,

et sur son processus de création (le travail collectif, le corps de l’acteur, l’emploi de nouvelles technologies), dont Lévesque, Pavlovic, Lafon, Dvorak et Picon-Vallin24. À ce sujet, il faut

mentionner spécialement les études de Ludovic Fouquet à propos de l’utilisation de la

21 Irène Perelli-Contos, « Le discours de l’orange », L'Annuaire théâtral, nos 5-6 (1988-1989), p. 319-326. « Le

Théâtre Repère et la référence à l’Orient », L'Annuaire théâtral, no 8 (1990), p. 121-130. Chantal Hébert, « "En

attendant" : rencontre du théâtre de recherche et du théâtre "bas" », L'Annuaire théâtral, no 8 (1990), p.

109-120 ; « L’écriture scénique actuelle : l’exemple de "Vinci" », Nuit blanche, no 55 (1994), p. 54-58 ; « La face

cachée de la lune ou la face cachée du sujet », L'Annuaire théâtral, no 41 (2007), p. 161-173 ; « Le lieu de

l’activité poïétique de l’auteur scénique. À propos du Projet Andersen de Robert Lepage », art. cit., p. 21-40 ; Chantal Hébert, « Robert Lepage et l’art de la transformation », art. cit., p. 18-21 Chantal Hébert et Irène Perelli-Contos, « L’écran de la pensée ou les écrans dans le théâtre de Robert Lepage », dans Béatrice Picon-Vallin,

Les écrans sur la scène. Tentations et résistances de la scène face aux images, L’Âge d’homme (coll. th XX),

Lausanne, 1998, p. 171-204 ; « D’un art du mouvement à un art en mouvement : du cinéma au théâtre de l’image », Protée, vol. 28, no 3 (2000), p. 65-74.

22« Robert Lepage et l’esthétique en contrepoint », L'Annuaire théâtral, no 8 (1990), p. 73-80. Le Théâtre

Repère. Du ludique au poétique dans le théâtre de recherche, Québec, Nuit Blanche Éditeur, 1993.

23Jeanne Bovet, « Le symbolisme de la parole dans "Vinci" », L'Annuaire théâtral, no 8 (1990), p. 95-102.

Marie Laliberté, « "Vinci" et "le Bord extrême" : à propos de la mort de l’art », L'Annuaire théâtral, no 8 (1990),

p. 103-108. Nigel Hunt, « The Global Voyage of Robert Lepage », TDR, vol. 33, no 2 (1989), p. 104-118. James

R. Bunzli, « Looking into the Mirror: Décalage and Identity in the Solo Performances of Robert Lepage », thèse de doctorat en philosophie, Ohio, Bowling Green State University, 1995 ; « Décalage et autoportrait dans les spectacles solos de Robert Lepage », L’Annuaire théâtral, no 18 (1995), p. 233-250 ; « The Geography of

Creation: Décalage as Impulse, Process, and Outcome in the Theatre of Robert Lepage », TDR, vol. 43, no 1

(printemps 1999), p. 79-103 ; « Autobiography in the House of Mirrors: The Paradox of Identity Reflected in the Solo Shows of Robert Lepage », dans Joseph Donohoe et Jane Koustas, Theater sans frontières: Essays on

the Dramatic Universe of Robert Lepage, Michigan, Michigan State University Press, 2000, p. 21-41. Shawn

Huffman, « Adrift: Affective Dislocation in Robert Lepage’s Tectonic Plates », dans Donohoe et Koustas, op.

cit., p. 155-169. Steve Dixon, « Metamorphosis and Extratemporality in the Theatre of Robert Lepage », Contemporary Theatre Review, vol. 17, no 4 (2007), p. 499-515.

24 Solange Lévesque, « Harmonie et contrepoint », Jeu, no 42 (1987), p. 100-108. Diane Pavlovic, « Du

décollage à l’envol : "vinci" », Jeu, no 42 (1987), p. 85-99. Dominique Lafon, « "Les Aiguilles et l’Opium" »,

Jeu, n° 62 (1992), p. 85-90 ; « De la référence au reflet : la semiosis du vraisemblable dans le théâtre de

recherche », Tangence, no 46 (1994), p. 20-28. Marta Dvorak, « Représentations récentes des Sept branches de

la rivière Ota et d’Elseneur de Robert Lepage », Dalhousie French Studies, vol. 41 (1997), p. 139-150. Béatrice

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technologie de l’image chez Lepage25. Ces analyses portant sur les pièces scéniques peuvent

révéler des traits qui contrastent avec ceux des œuvres filmiques.

À partir de l’an 2000, des études comme celles de Defraeye, Hood, Simon, Ouelette, Levin, Innes, Dundjerovič, Fricker, Duguay et Lessard ont poursuivi l’examen des caractéristiques de la mise en scène lepagienne26. Josette Féral a analysé différents éléments de la théâtralité

lepagienne, comme le traitement de l’identité ou des pièces de Shakespeare, ainsi que les traits cinématographiques de ses mises en scène27.

Parmi les monographies consacrées à l’ensemble de l’œuvre lepagienne, il existe des livres d’entrevues et de vulgarisation, comme ceux de Charest et de Bureau28, et des études plus

spécialisées, comme celles de Hébert et Perelli-Contos, Fouquet, Dundjerovič et Gilbert29. Il

existe également des études sur des sujets spécifiques : des articles sur la réception de l’œuvre

25 « L’ombre et la technologie », ETC, no 40 (1997-1998), p. 23-28 ; « Clins d’œil cinématographiques dans le

théâtre de Robert Lepage », Jeu, no 88 (3, 1998), p. 131-139 ; « Entre brume et technologie : Festival

d’Automne à Paris 1999 », Jeu, no 94 (1, 2000), p. 174-179 ; « L’écart et la surface, prémices d’une poétique

du corps écranique », Jeu, no 108 (3, 2003), p. 114-120 ; « L’expérience théâtrale ou l’exploration du rituel »,

ETC, no 79 (2007), p. 16-21 ; « Géographie et appartenance : quelques incursions scéniques », ETC, no 85

(2009), p. 24-29.

26 Piet Defraeye, « The Staged Body in Lepage’s Musical productions », dans Donohoe et Koustas, op. cit.,

p. 79-93. Michael Hood, « The Geometry of Miracles: Witnessing Chaos », dans Donohoe et Koustas, op. cit., p. 127-153. Sherry Simon, « Robert Lepage and the Languages of Spectacle », dans Donohoe et Koustas,

op. cit., p. 215-230. André Ouellette, « La figure du créateur dans le théâtre de Robert Lepage. Pour une

communication participative entre la scène et la salle », maîtrise ès arts, Québec, Université Laval, 2001. Laura Levin, « Performing world », thèse de doctorat en performance studies, California, University of California, 2005. Christopher Innes, « Puppets and Machines of the Mind: Robert Lepage and the Modernist Heritage »,

Theatre Research International, vol. 30, no 2 (2005), p. 124-138. Aleksandar Dundjerovič, « Juliette at Zulu

Time: Robert Lepage and the aesthetic of "techno-en-scène" », International Journal of Performance Art and

Digital Media, vol. 2, no 1 (2006), p. 69-85. Karen Fricker, « Le goût du risque : KÀ de Robert Lepage et du

Cirque du Soleil », L'Annuaire théâtral, no 45 (2009), p. 45-68. Sylvain Duguay, « Le cinéma et les défis de la

représentation : à propos de Robert Lepage, 4D Art et Alice Ronfard », Jeu, no 134 (1), 2010, p. 84-92. Bruno

Lessard, « Site-Specific Screening and the Projection of Archives: Robert Lepage’s Le Moulin à images »,

Public: Art/Culture/Ideas, no 40 (2010), p. 70-82.

27 « The Dramatic Art of Robert Lepage: Fragments of Identity », Contemporary Theatre Review, vol. 19, no 2

(2009), p. 143-154 ; Théorie et pratique du théâtre. Au-delà des limites, Montpellier, L’Entretemps, 2011, 448 p. ; « Entre théâtre et cinéma : le jeu chez Robert Lepage », dans Marguerite Chabrol et Tiphaine Karsenti [dir.],

Théâtre et cinéma. Le croisement des imaginaires, Rennes, Presses universitaires de Rennes (coll. Le

Spectaculaire), 2013, p. 55-69.

28 Rémy Charest, Robert Lepage. Quelques zones de liberté, Québec, L’instant même, 1995. Stéphan Bureau,

Stéphan Bureau rencontre Robert Lepage, Montréal, Amérik Média (Coll. Contact).

29 Chantal Hébert et Irène Perelli-Contos, La face cachée du théâtre de l’image, Québec, L’Harmattan / Presses

de l’Université Laval, 2001. Ludovic Fouquet, Robert Lepage, l’horizon en images, Québec, L’Instant même, 2005. The Visual Laboratory of Robert Lepage, Vancouver, Talonbooks, 2014. Aleksandar Dundjerovič, The

Theatricality of Robert Lepage, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2007. Bernard Gilbert, Le Ring de Robert Lepage, Québec, L’Instant même, 2013.

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de Robert Lepage, comme ceux de Sauter, Teissier, Fricker, Dundjerovič et Navarro Bateman30 ; des textes sur l’interrogation des identités à l’intérieur des spectacles, comme

ceux de Harvie, Bovet, Carson, Koustas, Goldberg, Hudson et Varney et Batson31, de même

que sur les rapports de la société québécoise avec le monde qui sont manifestés dans l’œuvre de Lepage, tels que ceux de Poirier, Harvie et Hurley, Fricker, Duguay, Hudson et Varney, Batson et Cummins32 ; enfin, sur le travail d’adaptation et de mise en scène à partir d’œuvres

de dramaturges (notamment de Shakespeare), comme ceux de Hodgdon, Knowles, Salter, Paul, Gavel Adams et Bissonnette33. Parmi les études de l’œuvre de Robert Lepage qui font

30 Wilmar Sauter, « Beyond the Director’s Images: Views and Reviews of Robert Lepage’s Production of A

Dream Play at the Royal Dramatic Theatre », dans Donohoe et Koustas, op. cit., p. 205-214. Guy Teissier,

« French Critical Response to the New Theater of Robert Lepage », dans Donohoe et Koustas, op. cit., p. 231-254. « "De la dithyrambe pure à la critique acide." La France accueille Robert Lepage… », L'Annuaire théâtral, no 27 (2000), p. 160-177. Karen Fricker, « Tourism, the Festival Marketplace and Robert Lepage’s The Seven

Streams of River Ota », Contemporary Theatre Review, vol. 13, no 4 (2003), p. 79-93. Aleksandar Dundjerovič

et Ilva Navarro Bateman, « Robert Lepage Inc. Theatre for Festival Audiences », Contemporary Theatre

Review, vol. 19, no 4 (2009), p. 413-427.

31 Jennifer Harvie, « Transnationalism, Orientalism, and Cultural Tourism: La Trilogie des dragons and The

Seven Streams of the River Ota », dans Donohoe et Koustas, op. cit., p. 109-125. Jeanne Bovet, « Identity and

Universality: Multilingualism in Robert Lepage’s Theather », dans Donohoe et Koustas, op. cit., p. 3-19. Christie Carson, « From Dragon’s Trilogy to The Seven Streams of the River Ota: the Intercultural Experiments of Robert Lepage », dans Donohoe et Koustas, op. cit., p. 23-77. Jane Koustas, « Robert Lepage Interfaces with the World - On the Toronto State », dans Donohoe et Koustas, op. cit., p. 171-189 ; « Zulu Time : le paratexte paradoxal », L'Annuaire théâtral, no 34 (2003), p. 81-95 ; « Staging the/an Other: The Dragon’s Trilogy Take

2 », International Journal of Francophone Studies, vol. 9, no 3 (2006), p. 395-414 ; « Robert Lepage in Toronto:

Staging the Other », Contemporary Theatre Review, vol. 19, no 2 (2009), p. 155-163. Daniel Goldberg, « Lost

in translation: New media, performance & identity in Quebec », mémoire de maîtrise en communication et culture, Toronto, Ryerson University and York University, 2003. Chris Hudson et Denise Varney, « Transience and Connection in Robert Lepage’s The Blue Dragon: China in the Space of Flows », Theatre Research

International, vol. 37, no 2 (juillet 2012), p. 134-147. Charles R. Batson, « Bêtes de Scène: Robert Lepage’s

Totem, Circus, and the Freakish Human Animal », Contemporary French and Francophone Studies, vol. 16, no 5 (décembre 2012), p. 615-623.

32 Sonia Poirier, « Nationalism and beyond: Re-envisioning Quebec », mémoire de maîtrise ès arts, University

of Toronto, 1996. Jennifer Harvie et Erin Hurley, « States of Play: Locating Québec in the Performances of Robert Lepage, Ex Machina and the Cirque du Soleil », Theatre Journal, vol. 51, no 3 (octobre 1999), p.

299-315. Karen Fricker, « Le Québec, "société d’Amérique" selon Robert Lepage », Jeu, no 114 (1, 2005), p.

127-133. « Cultural Relativism and Grounded Politics in Robert Lepage’s The Project Andersen », Contemporary

Theatre Review, vol. 17, n° 2 (2007), p. 119-141. Karen Fricker et Rémy Charest, « À l’heure zéro de la culture

(dés)unie. Problèmes de représentation dans Zulu Time de Robert Lepage et Ex Machina », Globe, vol. 11, no

2 (2008), p. 81-116. Isabelle Cummins, « Le moulin à images de Robert Lepage et Ex Machina. Le traitement des images au service de l’histoire », mémoire de maîtrise en Littérature et arts de la scène et de l’écran, Québec, Université Laval, 2013.

33 Barbara Hodgdon, « Looking for Mr. Shakespeare after the ‘Revolution’ », dans James C. Bulman [éd.],

Shakespeare, Theory and Performance, Londres et New York, Routledge, 1996, p. 71-94. Richard P. Knowles,

« From Dream to Machine: Peter Brook, Robert Lepage, and the Contemporary Shakespearean Director as (Post) Modernist », Theatre Journal, vol. 50, no 2 (mai 1998), p. 189-206. Denis Salter, « Between Wor(l)ds:

Lepage’s Shakespeare Cycle », dans Donohoe et Koustas, op. cit., p. 191-204. J. Gavin Paul, « Border Wars: Shakespeare, Robert Lepage, and the Production of National Sentiment », The Upstart Crow, vol. 26 (2006-2007), p. 45-60. Ann-Charlotte Gavel Adams, « From Dream Play to Doomsday: Enter Lepage, Wilson, Ek.

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appel à la notion d’intermédialité, nous trouvons la recherche de Nogueira Diniz sur The

Busker’s Opera (2002)34. Ces textes explorent autant les thèmes des spectacles de Lepage que leur hybridité artistique ou médiatique, leurs caractéristiques formelles (mode de travail scénique) et technologiques, voire leurs implications économiques et culturelles.

La recherche bibliographique a révélé que le travail de cinéaste de Robert Lepage a reçu moins d’attention que son travail de metteur en scène. Néanmoins, il existe quelques études qui abordent tantôt l’un de ses films, tantôt l’ensemble de sa production cinématographique. Elles se concentrent notamment sur le contenu des œuvres. Les premières publications sur le cinéma lepagien sont « Robert Lepage’s Cinema of Time and Space », de Henry Garrity35 et

« The Haunted Home: Colour Spectrums in Robert Lepage’s Le Confessionnal » d’Erin Manning36. Quelques recherches comparent certains des films de Lepage à ceux réalisés par

d’autres cinéastes : par exemple, celle de Hallquist aborde l’intertextualité en tant que processus d’adaptation à l’intérieur d’un récit, dans Le confessionnal et deux autres films canadiens37. D’autre part, Dugas analyse « l’esthétique de l’espace » dans le cinéma d’auteur

dans le contexte de la mondialisation (dont Possible Worlds et La face cachée de la lune de Lepage)38. Le cinéma de Lepage a fait l’objet d’analyses portant sur l’identité et l’histoire

québécoises, par Couture, Clandfield, Cornellier, Campbell et Bissonnette39, et sur les

Exit Strindberg. Stagings of A Dream Play 1994-2007 », Northwest Passage, vol. 6 (2009), p. 39-53. Sylvie Bissonnette, « Historical Interculturalism in Robert Lepage's Elsinore », Contemporary Theatre Review, vol. 20, no 1 (2010), p. 40-55.

34 Thaïs Flores Nogueira Diniz, « Intermediality in the Theatre of Robert Lepage », dans Media inter Media.

Essays in Honor of Claus Clüver, Amsterdam, RODOPI, 2010, p. 231-244.

35 « Robert Lepage’s Cinema of Time and Space », dans Donohoe et Koustas, op. cit., p. 95-107.

36 « The Haunted Home: Colour Spectrums in Robert Lepage’s Le Confessionnal », Canadian Journal of Film

Studies, vol. 7, no 2 (automne 1998), p. 49-65.

37 « Intertextuality as internal adaptation in Ann-Marie MacDonald’s Good Night Desdemona (Good Morning

Juliet), Robert Lepage’s Le Confessionnal and Atom Egoyam’s The Sweet Hereafter », mémoire de maîtrise en

littérature canadienne, Université de Sherbooke, 1999.

38 « L’esthétique de l’espace dans le cinéma d’auteur à l’époque de la mondialisation », thèse de doctorat en

littérature, Montréal, Université de Montréal, 2006.

39 Claude Couture, « La censure, Le Confessionnal ou le stéréotype d’une société traditionnelle "unique" »,

Francophonies d’Amérique, no 8 (1998), p. 153-160. Peter Clandfield, « Bridgespotting: Lepage, Hitchcock,

and Landmarks in Canadian Film », Canadian Journal of Film Studies, vol. 12, no 1 (2003), p. 2-15. Bruno

Cornellier, « Absence et présence de l’Indien : Identité, nationalité et indianité dans Le confessionnal (1995) de Robert Lepage », maîtrise en études cinématographiques, Université Concordia, 2006. Michel-M. Campbell, « L’imaginaire public comme lieu théologique : pour une théorie du discours des deux fils », Théologiques, vol. 14, nos 1-2 (2006), p. 191-202. Sylvie Bissonnette, « Cinema and the two cultures: Robert Lepage’s La face

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représentations du corps, par Gibson et Dickson40. Les études de Massicote montrent les

rapports entre la mémoire et la représentation architectonique dans Le confessionnal41. Pour

sa part, Babana-Hampton relie le film La face cachée de la lune et l’esprit postmoderne42. Certaines études ont utilisé l’œuvre lepagienne pour réfléchir sur les rapports entre le théâtre et le cinéma, comme celles de Lucie Roy, qui porte sur Les plaques tectoniques et son adaptation télévisuelle, de Duguay et de Bissonnette43. Finalement, The Cinema of Robert

Lepage. The Poetics of Memory, d’Aleksandar Dundjerovič, se présente comme la première

étude critique de la cinématographie de Lepage44. Cet essai examine entre autres la

méthodologie créative qui a donné naissance à ses films. Dundjerovič a analysé ceux réalisés avant 2002 : Le confessionnal, Le polygraphe, Nô et Possible Worlds. Il est aussi l’auteur d’autres études sur le cinéma de Robert Lepage45. Ses essais seront un point de repère

essentiel pour notre étude.

Notre recherche aborde un sujet peu exploré : l’intermédialité dans l’œuvre de Robert Lepage, spécialement dans son cinéma. Nous nous servons d’une approche qui, bien qu’elle semble s’imposer par sa pertinence, est peu utilisée pour étudier Lepage : l’intermédialité. L’état de la question a montré que le travail de Lepage en tant que créateur théâtral a fait l’objet de plusieurs études par des universitaires d’Amérique du Nord et d’Europe. Par contre, il est aussi apparu que son œuvre cinématographique ne suscite pas autant d’intérêt que son travail théâtral. Cette lacune pourrait s’expliquer par le nombre réduit de films réalisés par

40 Margaret Gibson, « The Truth Machine: Polygraphs, Popular Culture and the Confessing Body », Social

Semiotics, vol. 11, no 1, 2001, p. 61-73. Peter Dickinson, « Space, time, auteur-ity and the queer male body: the

film adaptations of Robert Lepage », Screen, vol. 46, no 2 (2005), p. 133-153.

41 « Architectures de la mémoire : Peter Eisenman, Robert Lepage et W.G. Sebald », mémoire de maîtrise,

Université de Montréal, 2009 ; « Hantise et architecture cryptique : transmission du passé dans Le confessionnal de Robert Lepage », Revue canadienne d’études cinématographiques, vol. 21, no 2 (automne 2012), p. 93-114.

42 « Robert Lepage en cinéaste de la technologie et de la vie postmoderne. La face cachée de la lune », Nouvelles

Études Francophones, vol. 30, no 2 (automne, 2015), p. 129-145.

43 Lucie Roy, « La transécriture », dans Petite phénoménologie de l’écriture filmique, Québec, Nota Bene (coll.

Du cinéma), 1999, p. 49-61. Sylvain Duguay, « Self Adaptation: Queer Theatricality in Brad Fraser’s Leaving

Metropolis and Robert Lepage’s La face cachée de la lune », dans André Loiselle et Jeremy Maron [éd.], Stages of Reality. Theatricality in Cinema, Toronto, University of Toronto Press, 2012, p. 13-29. Sylvie Bissonnette,

« La théâtralité cinématographique engagée », Nouvelles « vues » sur le cinéma québécois, no 8 (hiver 2008) ;

« Comitted Theatricality », dans André Loiselle et Jeremy Maron [éd.], op. cit., p. 135-159.

44 The cinema of Robert Lepage. The Poetics of Memory, London, Wallflower Press (coll. Director’s Cuts),

2003.

45 « The Multiple Crossings to The Far Side of the Moon: Transformative mise-en-scène », Contemporary

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Lepage, mais aussi par le fait qu’ils ne sont pas considérés aussi novateurs que ses mises en scène. Alors que ses propositions scéniques se distinguent par leur complexité visuelle et par l’utilisation de la technologie pour rompre avec les conventions du spectacle et du spectateur, ses films se caractérisent par une densité des arguments et des dialogues dans une proposition formelle relativement conventionnelle ou, à tout le moins, moins surprenante. Pourtant, selon nous, l’ensemble cinématographique permet d’examiner tout autant, mais autrement, la médiation et les frontières du récit, de la représentation et du support.

Méthodologie

Nous estimons que les mises en scène théâtrales et filmiques de Robert Lepage réfléchissent l’intermédial de plusieurs manières, notamment par les arts et les médias utilisés ou évoqués, la méthode créative employée, les enjeux liés aux personnages, les histoires racontées. D’ailleurs, ces œuvres sont intermédiales à plusieurs niveaux : elles tirent leur origine d’un processus basé sur l’exploration de la matière et du médium, au cours duquel les arts et les régimes discursifs sont assemblés sur la scène ou à l’écran, et les histoires et motifs, déplacés d’un média à l’autre. La présente section décrit les chapitres de notre recherche et les enjeux méthodologiques à travers lesquels nous scrutons ces niveaux, ces manières créer et de penser intermédialement dans l’œuvre de Robert Lepage, ainsi que les modèles créatif et méthodologique qui s’en dégagent. Il faut préciser que les principes méthodologiques mis en évidence à partir de l’analyse des créations lepagiennes serviront éventuellement à mener des recherches théoriques et analytiques, et non pas des processus de création artistique, bien qu’ils ressortent de l’étude approfondie d’une pratique artistique. Nous n’en tirons pas non plus de règles pour développer une œuvre intermédiale, mais plutôt des éléments qui nous permettront de mieux comprendre une telle œuvre.

Les créations lepagiennes permettent d’esquisser une série de principes pour la recherche, qui remettent en question − comme la pratique et la théorie intermédiales l’ont déjà fait – l’accent sur le logos présent dans une partie importante de la recherche en sciences humaines. La recherche scientifique compte parmi ses outils le modèle, lequel représente un objet (pouvant être un phénomène, comme l’intermédial ou la pratique lepagienne, ou un enjeu méthodologique, comme l’axe de pertinence intermédial) de manière simplifiée, par un

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ensemble de concepts, et vise à sa compréhension Tout modèle exige la compréhension du passage du concret à l’abstrait et vice versa : il fonctionne comme un intermédiaire épistémologique et cognitif entre la recherche (ou le sujet) et la réalité (ou l’objet).

Alain Badiou note que les modèles scientifiques basculent souvent soit vers l’empirisme (l’élément tenu pour dominant est la présence effective de l’objet) soit vers le formalisme (la dominance revient à l’antériorité des dispositifs formels)46. Cette distinction entre la forme théorique (une instance productive) et la réalité empirique (où le modèle est révisé) est importante pour les études dites intermédiales parce que, comme nous l’avons souligné, la notion d’« intermédialité » a été définie à la fois comme un phénomène (une réalité empirique) et comme une perspective théorique (une construction théorique).

Nous considérons qu’une recherche intermédiale doit être développée dans l’intimité de la réalité empirique, c’est-à-dire au plus près du phénomène comme de la pratique intermédiale. Nous suivons ainsi le propos de Gérard Sensevy et Jérôme Santini, pour qui le modèle doit réhabiliter l’expérience dans son rapport à la conceptualisation : la « perception n’est plus conçue comme une interface entre le concept et la réalité […], mais comme indissolublement liée au concept47 ».

Pour atteindre notre objectif, nous posons une question double. En voici la première partie : que permet de découvrir l’intermédialité dans les œuvres scéniques et cinématographiques de Robert Lepage ? Cette formule a l’avantage d’exprimer l’objet à analyser (le théâtre et le cinéma de Robert Lepage) et les premières orientations du corpus théorique et méthodologique, l’axe de pertinence intermédial. Néanmoins, nous l’avons déjà noté, l’œuvre de Lepage est aussi une production qui permet de réfléchir sur l’intermédialité ; elle nous invite, par exemple, à questionner les relations entre le cinéma et le théâtre. Par conséquent, une deuxième question s’impose, formulée à l’inverse de la première : que permet d’apprendre l’œuvre de Robert Lepage sur le phénomène et la perspective intermédiale ? Ici, ce qui était l’objet dans la première question (l’œuvre de Lepage) devient

46 Alain Badiou, Le concept de modèle, Paris, Fayard, 2007, p. 43. Dans la préface écrite en 2007 pour cette

œuvre parue en 1968, l’auteur explique que celle-ci a été écrite en opposition à l’idéalisme (ou au formalisme excessif) qui dominait une partie de l’épistémologie et de la recherche scientifique (p. 25).

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l’axe guidant l’analyse et, dans un même mouvement, ce qui constituait la perspective d’analyse (l’intermédialité), est devenu l’objet à scruter. À travers ces deux questions, nous souhaitons appréhender au mieux la nature complexe des objets et phénomènes intermédiaux.

La réponse à ces deux questions sera développée en quatre chapitres : le premier est consacré au corpus théorique qui sous-tend l’analyse de l’œuvre lepagienne ; le deuxième propose une approche de la poïétique de Lepage, c’est-à-dire de sa façon de créer, que nous pouvons relier aux enjeux de la pratique intermédiale et de la recherche d’après l’axe de pertinence intermédial ; le troisième porte sur le processus de transécriture implicite dans la plupart de ses films, lequel constitue un échantillon des transferts qui façonnent la sphère intermédiatique ; finalement, le quatrième montre les manières dont l’œuvre lepagienne invite à réfléchir sur l’intermédial. Évidemment, chaque chapitre comporte des particularités pour ce qui concerne le corpus et la méthodologie. Par exemple, étant donné que la recherche n’implique pas d’observation directe, le deuxième chapitre repose sur des travaux de chercheurs qui ont assisté aux séances du processus créatif de Robert Lepage, dont Irène Roy, Chantal Hébert et Irène Perelli-Contos et Ludovic Fouquet. En outre, ce deuxième chapitre, sur la poïétique, esquisse un modèle pour la recherche intermédiale, qui se nourrit des créations lepagiennes et qui sert à réviser l’ensemble de la théorie précédente.

Le corpus à analyser est composé des six films tournés par Robert Lepage, plus précisément

Le confessionnal (1995), Le polygraphe (1996), Nô (1998), Possible Worlds (Mondes possibles, 2000), La face cachée de la lune (2003) et Triptyque (coréalisé avec Pedro Pires,

2013). Nous nous référons également aux quatre pièces de théâtre à l’origine des films : Le

polygraphe (coauteur, 1987), Les sept branches de la rivière Ota (coauteur, 1994), La face cachée de la lune (2000) et Lipsynch (2007). Nous utilisons des copies des films (VHS et

DVD) et des enregistrements des mises en scène fournis par la compagnie de production de Lepage, Ex Machina48. De plus, nous employons les textes publiés des pièces de théâtre Le

polygraphe, Les sept branches de la rivière Ota et La face cachée de la lune, de Robert

48 Les enregistrements des mises en scène suivantes : Le Polygraphe, à Bruxelles en 1992 ; Les sept branches

de la rivière Ota, à Montréal en 1997 ; La face cachée de la lune, à Annecy en 2001 et à Québec en 2011 ; Lipsynch, à Québec en 2011.

Références

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