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2.1 La matière et ses possibilités

2.1.6 Le corps chez Lepage

Lepage se sert du caractère fédérateur du théâtre. Lui et ses collaborateurs explorent et épuisent la scène, principalement à travers le corps, qui est le médiateur de différents échanges : entre le metteur en scène et l’acteur, entre l’acteur et l’objet, entre l’acteur et le public. Chez Lepage, le texte spectaculaire ne préexiste normalement pas à l’activité du corps : les stratégies dramaturgiques se construisent en même temps que les créateurs reconnaissent le rapport de leur corps au contexte. Ainsi, le jeu est le corps en action, une

311 Id.

312 Cette section aborde quelques sujets qui, selon Pavis, intéressent l’intermédialité théâtrale : les acteurs

pendant la représentation ; le corps en tant que problème philosophique (la corporéité) ; le style du jeu ; la gestualité et les manières de focaliser l’attention sur l’utilisation du corps ; la communication non verbale ; la coordination interactionnelle, la manière dont le geste se joint à la parole, sur la scène, du point de vue de l’acteur et du spectateur ; la chaîne posturo-mimo-gestuelle. L’analyse des spectacles (2e édition), Paris,

matière qui devient médiatrice d’une opération de génération et de transmission des sens. Néanmoins, bien que le corps soit fondamental dans la poïétique lepagienne, il faut distinguer l’approche du créateur québécois de celle des écoles théâtrales proprement corporelles ou gestuelles, comme celles héritières de Vsevolod Meyerhold ou Jerzy Grotowski. Chez Lepage, le corps est avant tout une sensorialité en rapport à un objet, tandis que ces autres créateurs concevaient le corps comme un matériau autoréférentiel qui est le support et le centre d’une activité de production signique : un « hiéroglyphe » pour Meyerhold, ou un « idéogramme » pour Grotowski313.

Durant sa période de travail avec Alain Knapp, Lepage a appris que l’acteur est un créateur, une conception qui s’oppose à celle de l’acteur comme simple interprète314. Au fur et à mesure que l’exploration avance, le corps se transforme, « se retrouve », soit par le truchement des objets ou des vêtements, soit par la seule activité gestuelle de l’acteur. Ces processus transformatifs demeurent jusque dans les mises en scène, de façon que les spectateurs assistent à toutes sortes de métamorphoses corporelles.

L’exploration de la sensorialité corporelle donne naissance à un récit, en plus de susciter chez le public un questionnement sur la perception et la corporalité. Lepage se sert de la coprésence des corps (ceux des acteurs et du public) dans le temps et l’espace : sur la scène,

[…] l’action et le corps de l’acteur se conçoivent comme l’amalgame d’un espace et d’une temporalité : le corps n’est pas seulement, dit Merleau-Ponty, dans l’espace, il est fait de cet espace – et, oserions-nous ajouter – fait de ce temps. Cet espace-temps est à la fois concret (espace théâtral et temps de la représentation) et abstrait (lieu fictionnel et temporalité imaginaire). L’action qui résulte de ce couple est tantôt physique, tantôt imaginaire. L’espace-temps-action est donc perçu hic et nunc comme un monde concret et sur « une autre scène » comme un monde possible imaginaire315.

Le spectateur, portant lui-même une corporalité, se projette dans la corporalité représentée dans les créations lepagiennes. Le corps et le jeu servent ainsi une quête − que nous

313 À cet égard, nous trouvons quelques éléments dans Patrice Pavis, « Corps », Dictionnaire du Théâtre, Paris,

Dunod, 1996, p. 70-73. Par ailleurs, pour une exposition plus complète du théâtre du corps : Béatrice Picon- Vallin, Meyerhold, Paris, CNRS, 2004, 429 p. et Josette Féral, Théorie et pratique du théâtre. Au-delà des

limites, Montpellier, L’Entretemps, 448 p.

314 James Bunzli, « The Geography of Creation: Décalage as Impulse, Process, and Outcome in the Theatre of

Robert Lepage », TDR, vol. 43, no 1 (printemps 1999), p. 86.

considérons intermédiale – de l’expression et de la perception qui se base sur la matérialité316. La recherche intermédiale s’intéresse aux modes de fabrication de présence ; la poïétique lepagienne explore précisément des manières de susciter la présence à travers la performativité du corps et des objets, vivants et en transformation sur la scène.

À propos de la coprésence des acteurs et du public, il faut reprendre la distinction énoncée par Philippe Marion à propos des médias homochrones et hétérochrones. Le théâtre est un média homochrone : le temps de son émission coïncide avec celui de sa consommation et « il incorpore le temps de la réception dans l’énonciation de ses messages317 ». Lepage a pratiqué d’autres formes médiatiques homochrones, telles que l’opéra ou le spectacle de cirque. En revanche, le cinéma, la bande dessinée et l’exposition de musée, qu’il a également pratiqués, constituent des médias hétérochrones, ceux dans lesquels le temps de réception n’est pas programmé par le média ni ne fait partie de la stratégie énonciative. Cela change le processus créatif parce que, nous l’avons noté, la représentation (et donc la réponse du public) constitue un facteur de l’évaluation des créations.

Les pièces de Lepage incluent des séquences dans lesquelles les personnages s’adressent au public : Les aiguilles et l’opium (Cocteau et sa Lettre aux Américains), La face cachée de la

lune (les souvenirs du LSD, le poème d’Émile Nelligan), 887 (le rappel de la crise

d’Octobre). Dans Vinci, Les aiguilles et l’opium et La face cachée de la lune, le personnage fait allusion au spectacle « de ce soir »318. Par cette opération, le public se rend compte de sa

condition spectatorielle ; il est invité à participer au processus de production imaginaire. Dans

316 Cette quête de la corporalité peut faire partie intégrante du récit : à la fin des Sept branches de la rivière Ota,

Hanako, une femme aveugle, décrit le jardin à Pierre comme il était avant la bombe d’Hiroshima : elle parle des fleurs et des couleurs, elle dépeint la rivière Ota, tout ce qu’elle a vu avant de perdre la vue. Tout en parlant, elle bouge en cadence. Ses gestes dégagent une spiritualité que Pierre, un jeune danseur québécois, s’efforce de saisir ; il répète les gestes et devient une sorte de miroir d’Hanako, en les apprenant et en les transformant en une danse.

317 Philippe Marion, « Narratologie médiatique et médiagénie », Recherches en communication, no 7 (1997),

p. 83.

318 Au début de Vinci, nous trouvons une fictionnalité qui se fait explicite devant les spectateurs. Dans la version

anglaise du spectacle, le personnage dit au public : « The show you are attending this evening is part of a very specific art form called: THEATRE. And the plot follows the creative evolution of a visual artist. In order to ensure a better understanding of the show, the artists responsible for the evening have invited me to hold forth on various aspects of the visual arts. I am not, however, a visual artist myself. Nor am I an eminent, highly qualified specialist from a prestigious academy well known for its innovative ideas on art and its many ramifications. In fact, I am a fictional character ».Dans James Bunzli, « The Geography of Creation: Décalage as Impulse, Process, and Outcome in the Theatre of Robert Lepage », art. cit., p. 79.

un esprit semblable, le début de la création scénique La face cachée de la lune présente l’acteur parlant au miroir, dos aux spectateurs, qui regardent et entendent sa réflexion ; son reflet apparaît dans le miroir, particulièrement le mouvement de sa main, qui fait voir, esquissant une lune et guidant le regard des spectateurs. Ce passage exemplifie la puissance évocatrice du geste chez Lepage : il construit des univers, en complicité avec le public.

Nous pouvons relier cette composante de la poïétique lepagienne, à savoir la conscience qu’a le spectateur de la performativité des acteurs et des médias, ainsi que son rôle de co-créateur du spectacle à travers l’activité imaginaire, avec l’accent sur l’attitude esthétique prônée par la recherche intermédiale. Lepage conçoit la théâtralité comme un acte de transformation devant le public ; d’après lui, lorsque les spectateurs arrivent au théâtre, ils cherchent, inconsciemment, à assister à une transfiguration qui se trouve, au premier niveau,

[…] dans le fait de voir un acteur jeune jouer un personnage vieux : transformation de la voix, usage de maquillage pour changer les traits, etc. Mais elle existe aussi d’une façon plus spirituelle quand l’acteur est habité par le personnage – ou le personnage par l’acteur, selon le point de vue qu’on a sur le jeu. Finalement, on la trouve dans le récit : au cours d’une pièce, les personnages sont soumis à des épreuves qui leur font subir une métamorphose319.

Lepage considère toutefois que ces changements d’état ou ces transformations ne sont pas exclusifs au théâtre. Au contraire, il les trouve aussi au cœur des rituels (qui rendent compte des transformations, comme le sang devenu du vin dans la messe catholique) et même au cinéma (l’évolution psychologique des personnages, ainsi que leurs actions, qui forment l’arc narratif).

À travers les corps des acteurs, Lepage représente le passage du temps sur la scène et à l’écran. Ses récits traversent des époques et les personnages vieillissent devant le public. Dans Les sept branches de la rivière Ota, une fille (Hanako dans la première boîte) devient une adulte (la troisième boîte, « Les mots »), puis une vieille femme (septième partie, « Tonnerre »). Dans Lipsynch, Jeremy grandit sur la scène : il est d’abord un bébé, puis un enfant de cinq et dix ans pendant une séquence amusante dans le train et finalement un adolescent à la fin du premier chapitre (« Ada ») ; il est déjà adulte dans les chapitres suivants, « Jeremy » et « Lupe ». Dans Le confessionnal, le récit fait des va-et-vient entre les

personnages du jeune prêtre de 1952 et du diplomate homosexuel de 1989, avant de dévoiler qu’il s’agit de la même personne (Massicotte).

Dans les solos, la combinaison de la voix et des gestes rend possible ce processus transformatif. Par exemple, dans la version théâtrale de La face cachée de la lune, le médecin, avant d’entamer un test médical, exprime à Philippe ses condoléances pour la mort de sa mère. Le spectateur doit imaginer les réponses de Philippe, sa surprise, car le médecin mentionne que la mort a été une décision difficile pour la mère, alors qu’il ne s’est jamais rendu compte qu’il s’agissait d’un suicide. Ensuite, le jeu change légèrement et fait se manifester deux personnages distincts : la voix est encore celle du médecin, mais les gestes sont ceux de Philippe, qui enlève le sarrau du docteur et prend ainsi le rôle du patient qui entre dans la machine pour se soumettre à un scan cérébral. Le corps constitue ainsi l’entre- deux des personnages, le médiateur dans un monologue qui doit faire entendre un dialogue.

Pendant le processus créatif, les acteurs épuisent la potentialité expressive de leur corps. Lepage parle d’ailleurs du « sport du théâtre » pour expliquer les exigences physiques de ses acteurs et de son propre jeu320. Les jongleries dans certains de ses spectacles (Les aiguilles et

l’opium, La face cachée de la lune), sa participation à la Ligue nationale d’improvisation

(pendant la première moitié de la décennie 1980), ainsi que ses spectacles pour la troupe du Cirque du Soleil (Kà, 2004 ; Totem, 2010), qui l’ont amené à intégrer les codes du cirque, distincts de ceux du théâtre321, illustrent cette approche du corps comme d’une matière souple et performative.

Féral souligne que dans le théâtre lepagien, l’intérêt du jeu ne se trouve pas dans la virtuosité de l’acteur, mais dans sa relation dialectique avec l’espace, les objets et les technologies. La présence du corps de l’acteur sur la scène n’a de sens que « dans la mesure où il dialogue avec les autres composantes de la scène, notamment avec le rythme de la chorégraphie,

320 Selon ce qu’affirme Piet Defraeye dans « The Staged Body in Lepage's Musical Productions », dans James

Donohue et Jane Koustas, Theater sans frontières: Essays on the Dramatic Universe of Robert Lepage, Michigan, Michigan State University, 2000, p. 82.

321 Nous trouvons une analyse de cette rencontre des codes théâtraux, reliés normalement à un récit (intrigue,

personnages), et de ceux du cirque, qui mettent l’accent sur la performativité, dans Karen Fricker, « Le goût du risque : KÀ de Robert Lepage et du Cirque du Soleil », L'Annuaire théâtral, no 45 (2009), p. 45-68.

devenant à son tour matériau, objet du regard, facteur du mouvement322 ». Cette conception du jeu favorise les déplacements spatiaux demandés par la diégèse, ainsi que la restructuration du récit pendant le work in progress. L’acteur fait ainsi « partie d’un ensemble plus vaste, d’une vision de la scène dont le jeu ne serait finalement qu’une composante, somme toute peut-être mineure s’il n’était pas aussi création à part entière323 ». Nous pouvons relier cette poïétique à la pratique intermédiale en tant que celle-ci envisage

[…] la mise en relation (inter-) de différentes médiations sur la scène théâtrale. Si le corps de l’acteur peut être envisagé comme un lieu de médiation entre un texte (s’il y en a un), un personnage et des spectateurs, l’intermédialité cherche plutôt à mettre l’accent sur les supports matériels qui font partie de la scène contemporaine. Ces supports transforment les modalités expressives et les structures symboliques propres aux processus de la théâtralité scénique324.

Une des composantes intermédiales qui se trouvent à la base des créations scéniques de Robert Lepage est une conception du jeu qui « combine des caractéristiques théâtrales et cinématographiques et qui fait qu’inconsciemment le spectateur est confronté à cette dualité325 ». La présence d’acteurs qui assument à l’écran les personnages qu’ils ont déjà joué sur scène paraît corroborer cette affirmation : Marie Brassard (Lucie) dans Le polygraphe, Anne-Marie Cadieux (Sophie), Marie Brassard (Hanako), Marie Gignac (Patricia) et Richard Fréchette (Walter) dans « Les mots » et Nô, Robert Lepage (Philippe et André) dans La face

cachée de la lune, Frédérike Bédard (Marie), Lise Castonguay (Michelle), Hans Piesbergen

(Thomas) et Rebecca Blankenship (Ada) dans Lipsynch et Triptyque. Pour les acteurs des « Mots » et de Nô, par exemple, le jeu demeure presque identique. Par contre, pour Triptyque, le dispositif cinématographique permet d’incorporer, à travers des gros plans et le « grain » de l’image numérique, de nouveaux détails qui caractérisent la psychologie des personnages –cela est particulièrement notable dans le cas de Michelle.

En outre, Féral note que le jeu qui découle de cette conception est « minimaliste, très peu centré sur l’émotion et sur les états d’âme, sans excès et sans intériorité manifeste, un jeu

322 Josette Féral, « Entre théâtre et cinéma : le jeu chez Robert Lepage », dans Marguerite Chabrol et Tiphaine

Karsenti [dir.], Théâtre et cinéma. Le croisement des imaginaires, Rennes, Presses universitaires de Rennes (coll. Le Spectaculaire), 2013, p. 57.

323 Ibid., p. 68.

324 Marie-Christine Lesage « Théâtre et intermédialité : des œuvres scéniques protéiformes », Communications,

83, 2008, p. 142.

quasi banal qui ancre nécessairement le personnage dans le quotidien326 ». En effet, les personnages s’expriment davantage à travers leur relation au contexte, comme c’est le cas lors de l’élévation de Philippe, pour fuir la pesanteur de la vie, à la fin de La face cachée de

la lune. Même à l’écran, Lepage s’intéresse souvent à des personnages peu expressifs en

raison, souvent, d’une sorte de traumatisme ou d’un secret : Pierre dans Le confessionnal, Christof dans Le polygraphe, George dans Mondes possibles, Michelle dans Lipsynch.

Chez Lepage, le corps en action déclenche l’évocation de mondes hors de l’espace scénique, en se constituant comme un intermédiaire de l’imagination et de la mémoire (celles de l’acteur pendant le processus créatif et du spectateur lors du spectacle). Sur scène, les personnages de Lepage recourent aux gestes, en particulier dans les solos (La face cachée de

la lune, Les aiguilles et l’opium, 887) ou dans les spectacles avec peu d’acteurs (Le polygraphe). Le geste constitue un point relationnel, il compose des situations limitrophes ;

le public aperçoit l’acteur et autre chose : par exemple, un homme sur la scène (Philippe) et une femme dans le souvenir de son fils (la mère), les deux en même temps et moyennant une seule corporalité dans La face cachée de la lune. Le passage « La chair », dans la version théâtrale du Polygraphe, exemplifie également cet emploi évocateur du geste : le corps, ici celui de François, construit la narration, celle d’une nuit de sexe. Le personnage marche, s’expose au public et aux amants virtuels ; il danse contre le mur, il frissonne et laisse entendre quelques gémissements. Le jeu évoque la rencontre sexuelle, et le geste, celui de jeter des fluides contre le mur, suggère la satisfaction.

Le jeu et l’objet se croisent au début des boîtes « 5. Le miroir » et « 6. L’interview » dans

Les sept branches de la rivière Ota. « Le miroir » commence avec la rencontre d’une femme,

Jana, et d’un outil, un katana ; la femme manipule le katana tout en parcourant l’espace scénique. Le personnage − et l’actrice derrière − se familiarise avec cet objet rempli d’histoire et qui appelle une rhétorique du geste, une cérémonie, une codification qui s’accorde au corps de cette femme occidentale, une juive tchèque. Le même objet réapparaît au début de la boîte suivante, mais d’une façon presque comique : deux escrimeurs, habillés en noir comme s’ils

326 Ibid., p. 67. Cet ancrage dans le quotidien fait que le processus créatif de Lepage se distingue de celui du

théâtre dit corporel ou gestuel, dans lequel la recherche de la puissance expressive du corps demande de s’écarter du quotidien.

étaient des ninjas, luttent avec des katanas. Tout à coup, un appel téléphonique, un événement issu d’un autre temps et d’un autre contexte, interrompt l’activité et rompt le sortilège. Les deux hommes sont Walter, maintenant ambassadeur canadien au Japon, et son assistant. L’objet employé presque mystiquement au chapitre cinq devient ainsi un simple amusement pour deux étrangers au chapitre six.

Nous nous attarderons maintenant sur un des traits parmi les plus fascinants de la théâtralité lepagienne – et qui suppose une pratique intermédiale − : la rencontre de la corporalité avec les objets particuliers que sont la caméra ou l’écran et qui l’inscrivent dans l’univers de la vidéoscène. Il s’agit d’un emploi des technologies de l’image qui poursuit l’exploration des médialités en accentuant la performativité de la mise en scène et en ouvrant des voies à l’imagination du public.

2.1.6.1 Le corps et les technologies visuelles

Chez Lepage, le jeu s’intègre à un dispositif scénique lui-même constitué de nombreux outils visuels ; c’est-à-dire, un dispositif qui est une vidéoscène. Là, la corporalité de l’acteur est une matière qui agit, qui voit et qui s’offre à la vision. Les spectacles analysés en témoignent : les personnages manipulent des caméras (Les aiguilles et l’opium, La face cachée de la lune,

887) ou des surfaces écraniques (la première boîte des Sept branches de la rivière Ota, Le projet Andersen), le corps devient lui-même une surface écranique (Le polygraphe, la

dernière partie de Lipsynch).

Ressource technologique en relation avec le corps de l’acteur, la vidéo se constitue ensuite en un dispositif de relation, et par conséquent, de médiation : elle relie les unités scéniques, et les rapports proposés peuvent s’avérer assez étonnants pour que les spectateurs en viennent à remettre en question leur perception. En outre, elle rend possibles la coexistence ou la succession de spatiotemporalités différentes. En plus d’être le support du personnage (de ses actions et de ses mots), la corporalité devient par la vidéo le support d’une deuxième médiation, parce qu’elle se constitue en surface sur laquelle se déploient les images qui peuplent le théâtre de l’image du créateur québécois.

À cet égard, il faut mentionner que pour Lepage, la rencontre de l’acteur et de l’image est à