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2.1 La matière et ses possibilités

2.1.2 L’objet, source créative

La poïétique lepagienne propose un rapport à l’objet qui fait écho à un élément clé de l’axe de pertinence intermédial : la conception selon laquelle tout médium opère simultanément comme un appareil de transmission et comme le prolongement d’un outillage mental. Fouquet explique que, à la manière d’un ready made, l’objet est utilisé dans sa matérialité : il est introduit sur la scène, où « il devient le prétexte et le support de toute une dérive poétique272 ». La puissance du théâtre lepagien s’appuie sur la possibilité d’évocation que le créateur (metteur en scène, acteur, ou même concepteur scénographique) trouve dans l’objet

269 Sans auteur, « "L’arte è un veicolo" : entretien avec Robert Lepage », art. cit., p. 122.

270 Quoique Lepage s’est éloigné légèrement de l’axiome incitant à n’employer que des ressources sensibles,

puisqu’il a considéré des thèmes ou des textes comme germes de départ, par exemple dans Les aiguilles et

l’opium, une pièce tenant son origine de la Lettre aux Américains de Jean Cocteau.

271 Chantal Hébert, « Le lieu de l’activité poïétique de l’auteur scénique. À propos du Projet Andersen de Robert

Lepage », Voix et Images, vol. 34, no 3 (102), 2009, p. 35.

et qui déclenche un processus d’interrogation du mode d’existence de celui-ci ; les autres formes de création de Lepage (opéra, cinéma, spectacles) conservent en partie ce rapport à l’objet. L’évocation suscitée peut amener l’acteur à animer l’objet à l’aide de ses mains ou de son corps : il devient alors manipulacteur, selon le néologisme d’Annie Gilles, employé par Patrice Freytag 273.

L’histoire peut émerger d’une chose simple et banale ; les objets « deviennent intéressants par leur mode inhabituel d’utilisation en fonction d’un réfèrent qui transforme leur portée sémantique274 ». À cet égard, le parcours dans la maison des versions scénique et filmique de

La face cachée de la lune exemplifie l’attitude de la poïétique lepagienne face aux objets de

la quotidienneté : Philippe prépare une vidéo pour le SETI (« Search for Extra-Terrestrial Intelligence »), une organisation qui l’enverra aux habitants d’autres galaxies ; la caméra à la main, il explique aux extraterrestres l’usage des objets ordinaires (un lit, un téléphone, une télévision, des souliers laissés par Maman). De ce regard renouvelé découle une réflexion sur la solitude (le lit simple, le téléphone pour demander de la nourriture) et la socialité médiatisée (les familles autour de la télévision), ainsi que sur les souvenirs de la mère (qui prennent forme ensuite devant le public). Chez Lepage, le jeu se sert de la portée métonymique et métaphorique de l’objet, qui se transforme sur scène : ainsi, dans La face

cachée de la lune à nouveau, une planche à repasser devient vélo stationnaire ; un thermos,

une boîte de croustilles, une bouteille de jus et une salière se métamorphosent en petite fusée, une opération mimétique qui est reprise dans la version filmique (avec l’ajout d’un bruit de décollage à la bande sonore).

Ce rapport à l’objet implique que l’artiste est toujours en alerte, à la recherche de sources. C’est la raison pour laquelle les spectacles de Lepage « sont devenus des collections d’images, de certaines impressions, d’images impressionnistes de certains voyages, mais d’autres fois, ils ont pour source des choses beaucoup plus fouillées275 ». Une telle logique

273 La thèse de Patrice Freytag à propos du théâtre de marionnettes permet d’approfondir le rapport entre le

corps de l’acteur, l’objet, et la poétique et la théâtralité qui découlent de leur rencontre. « Prolégomènes à une théorie générale du théâtre de marionnettes », thèse doctorale, Université Laval, 2004, 303 f. Ce sujet sera développé plus loin, dans une section sur les objets vivants.

274 Irène Roy, « Robert Lepage et l’esthétique en contrepoint », art. cit., p. 75.

275 Stéphan Bureau, Stéphan Bureau rencontre Robert Lepage, Québec, Amérik Média (coll. Contact), 2008,

renvoie évidemment à la première étape des cycles Repère, celle de la ressource, dans laquelle l’écart entre le sujet et l’objet, ainsi que les possibilités qui s’en dégagent, donnent naissance à la théâtralité. Nous pouvons envisager la mise en relation des ressources lors du processus créatif à travers la récurrence du motif « Beethoven » dans La face cachée de la

lune. Pendant le processus de recherche créative, le spectacle s’est intitulé « Moon project » ;

nous pouvons imaginer ce qui a suivi : le motif « lune » a mené à une ressource sensible, la sonate pour piano No 14 de Ludwig van Beethoven, « Au Clair de lune », qui a vraisemblablement accompagné les premières esquisses, et qui est donnée à entendre à la fin de la mise en scène théâtrale, pendant le vol de Philippe dans l’espace, ainsi que durant deux séquences du film (les souvenirs de la mère, qui joue la pièce au piano, et à la fin du film). Outre la lune, le hublot d’une laveuse (qui ressemblait à celui d’une capsule spatiale) a contribué à initier le processus. Ces ressources nourrissent la narration : le hublot est devenu un bocal, où nage Beethoven, le petit poisson rouge de Maman, récemment décédée. La transécriture de la fabula au médium cinématographique conserve le hublot et le bocal (et Beethoven à l’intérieur), quoiqu’elle les montre comme deux objets distincts.

Cette poïétique propose la rencontre de techné et épistémè ; les créateurs, metteur en scène et acteurs, « parlent non seulement avec les objets mais au moyen des objets et leurs choix reflètent au moins leur interrogation sinon le fonctionnement de leur pensée276 ». Leur exploration du rapport entre l’objet et le corps est conçue comme une source de connaissance, ce qui s’accorde aux enjeux de la pensée intermédiale et s’oppose à la litéracie de la modernité, attachée au logos. La rencontre de l’humain et de la technique ne va pas sans obstacle, parce que l’acteur doit se familiariser avec l’objet, une matérialité différente de la sienne (le corps). Les mises en scène rendent d’ailleurs compte de la difficulté à connaître de nouveaux objets : Pierre Maltais est incapable de maîtriser l’ensemble de portes et de tapis qui constituent la maison japonaise, dans la septième boîte des Sept branches de la rivière

Ota ; Pierre Lamontagne enseigne à son frère Marc l’utilisation de baguettes japonaises pour

scénique de La face cachée de la lune, pendant laquelle l’acteur se traîne sur la scène mais qu’il semble voler dans le miroir au mur. Cet effet, intégré à la perfection au récit parce qu’il suggère le rêve de légèreté de Philippe, a été découvert par accident. Le metteur en scène explique : « on travaille sur des choses qui sont riches, qui sont pleines et qui, un moment donné, vont nous parler. Il faut juste qu’on soit attentif. Le travail est fait d’une multitude de petits miracles comme ça qui arrivent par accident. Presque toujours, ce sont des accidents » (p. 93).

manger dans Le confessionnal ; Philippe (ou André, selon la version) s’acharne à dominer les machines à la salle de gym (représentées, de nouveau, par la planche à repasser) dans La

face cachée de la lune. Il s’agit probablement de séquences qui témoignent de la relation

différentielle du corps et de l’objet, perçue pendant les répétitions.

Comme Fouquet le fait ressortir, l’objet lepagien correspond à l’étymologie même du mot,

objectum, la chose placée devant, opposée mais en rapport au sujet277. L’objet (des souliers

dans La trilogie des dragons ou La face cachée de la lune, une plume dans Quills) est singulier, a été découvert, isolé et désigné par l’acteur, qui le transfigure par ses actions. Pendant ce processus, « l’objet n’a pas d’existence autonome, il n’existe qu’en relation, subordonné à une conscience qui le rencontre278 ». Fouquet appelle mimétisme ludique ce rapport du créateur à l’objet, parce qu’il permet à l’objet de devenir autre, de faire une mimésis visuelle, sonore, même idéologique, et de constituer une fabula, comme la machine à laver devenant capsule spatiale dans les versions scénique et filmique de La face cachée de

la lune. Ce rapport traverse la démarche créative et s’inscrit dans les récits, où le rôle

métonymique, symbolique et même syntaxique des objets s’est constitué comme une sorte de signature des spectacles et films de Robert Lepage, même lorsqu’aucun des deux, ni le créateur québécois ni l’objet, n’a été à l’origine de l’intrigue, comme c’est le cas de Mondes

possibles279.

L’inscription de la planche à repasser dans le texte scénique de La face cachée de la lune exemplifie de nouveau l’emploi des objets pour des opérations mimétiques et syntaxiques. Philippe enregistre sa vidéo pour les extraterrestres ; il dispose des cailloux sur la planche afin de montrer l’ordre des planètes autour du soleil (représenté par une orange). Ces objets ont une double présence sur la scène : sur la planche, devant Philippe, et projetés au mur à côté de lui, montrés d’en-haut, où il y a une caméra. La voix et les gestes de l’acteur relient ces deux présences. La scène devient ainsi un milieu ouvert aux dispositifs audiovisuels et

277 Ludovic Fouquet, Robert Lepage, l’horizon en images, op. cit., p. 27. 278 Id.

279 Le texte dramatique de Mighton ne contient pas d’annotations à propos d’objets ou de surfaces. Néanmoins,

la mise en scène de Lepage s’en sert. Des objets ou surfaces apparaissent souvent de la perspective du personnage, George, qui se trouve égaré parmi plusieurs mondes ; celui-ci manipule les objets, afin d’y trouver un sens, ce qui déclenche la transition vers un autre « monde ». Comme sur la scène, l’objet y est un élément charnière parmi les unités narratives.

au regard libre des spectateurs. Objets lepagiens, donc catalyseurs d’histoires, les cailloux rappellent à Philippe la tumeur dont il a souffert, enfant. L’opération transformative commence : tout en parlant, l’acteur jette la planche à repasser au sol et il s’habille en médecin ; une petite caméra se trouve à l’extrémité supérieure de la planche, et ce qu’elle capte est toujours projeté au mur. Le médecin s’assoit sur une chaise, derrière la planche, et il procède à l’examen de son patient avec une lampe de poche. La planche à repasser représente le corps de Philippe et la projection nous fait adopter son point de vue (le visage du docteur tel que vu par Philippe est montré au mur). Ensuite, le médecin installe la chemise sur la planche, pose une casquette sur le dessus et enfile ses bras dans les manches de la chemise : la planche à repasser devient ainsi une sorte de marionnette rendant présent l’enfant, un enfant sans visage, mais qui passe une main sur son crâne et remet ensuite sa casquette. Le jeu s’est ainsi servi des cailloux pour relier deux spatiotemporalités, et de la planche à repasser pour redoubler les personnages sur scène (le médecin et le jeune Philippe).

Le processus créatif − et les récits théâtraux et filmiques qui en émergent − se sert du potentiel évocateur et intertextuel de l’objet. Prenons pour exemple la tête de mort dans Le polygraphe, un objet que David manipule dans la version théâtrale, tel que le fait Christof (le personnage qui reprend l’histoire du David scénique) dans le film. Elle renvoie explicitement au monologue d’Hamlet, répété deux fois par Lucie (qui joue Hamlet) dans la version scénique et une fois dans la version cinématographique ; ce monologue, exprimant le doute existentiel du personnage shakespearien, joue en contrepoint par rapport aux circonstances que rencontrent François (sur scène) et Christof (à l’écran). En outre, à l’intérieur du maillage de motifs qu’intègre la version scénique, la tête de mort est liée au squelette, qui fonctionne comme une sorte de marionnette, dont la présence ouvre et ferme la mise en scène.

Ce rapport à l’objet suscite des récits où les objets sont porteurs de mémoire et de métaphores, par exemple l’étagère de La face cachée de la lune : alors qu’André attend de l’aide, coincé dans un ascenseur avec son étagère en tablettes métalliques, ce grand meuble, presque architectural (il servait de mur pour séparer les deux côtés de sa chambre), le ramène au passé, à la chambre partagée avec son frère. Ensuite, l’acteur mime la manipulation des disques et magazines du frère aîné qui sont dans l’étagère. Il s’agit d’une séquence

entièrement formée par la visualité, réelle et virtuelle : l’objet présent sur scène (l’étagère) évoque d’autres objets, rendus visibles par le jeu de l’acteur de théâtre.

En plus des objets en tant que germes pour la création, la poïétique lepagienne se sert d’autres éléments plus complexes qui possèdent des attributs techniques (les machines) ou anthropomorphes (les marionnettes), ou qui font partie d’une opération perceptive (les miroirs ou les cadres). Comme les objets quotidiens, ceux-ci coexistent avec les artistes dans le milieu créatif, où ils contribuent à l’élaboration des spectacles et films connus par le public.

2.1.2.1 La machine, objet et appareil

Le processus créatif que développent Lepage et ses collaborateurs se sert du rapport de l’acteur-créateur et des objets-appareils. Dans plusieurs créations, dont 887, l’acteur est placé dans un milieu, l’espace théâtral, où il coexiste avec de nombreux éléments techniques et technologiques (gadgets, caméras, plateformes et projecteurs), et devient lui-même une partie de la machinerie. En plus d’établir un rapport particulier avec les acteurs, les machines jouent un rôle dramatique : elles sont des germes créatifs ou constituent des personnages280. Leur utilisation est sans doute un des traits les plus fascinants des créations de Robert Lepage.

Le rôle de l’appareil à l’intérieur des récits (notamment les scéniques) et son rapport à la corporalité des acteurs, rappellent la logique de la sphère intermédiatique, dans laquelle la technique se trouve à la base des échanges humains. Tel que Lepage le conçoit, le rapport du créateur à l’objet technique s’apparente à la notion de « l’être appareillé », définie par Johanne Villeneuve, et reprise par Marion Froger : l’être appareillé « est l’"être agi par" qui saisit, sur le terrain artistique, autant d’occasions d’inscriptions de formes de sensibilité opérantes sur le devenir des sciences, des techniques et du politique281 ». L’on peut donc avancer que la recherche créative de Lepage et la recherche intermédiale ont un horizon commun.

Les machines (ou même l’idée d’une machine, comme la machine à laver dans La face cachée

de la lune) sont des ressources à l’origine du processus créatif, ou des manières de résoudre

280 Il en va de même dans les spectacles de Peter Gabriel, dont Secret World Tour.

281 Marion Froger, « Introduction. Appareil et intermédialité », dans Jean-Louis Déotte, Marion Froger et

un besoin narratif, tels que les sept panneaux coulissants dans Les sept branches de la rivière

Ota, ou les miroirs tournants dans Quills. Elles peuvent être simples, construites en bois, en

verre, en plastique ou en métal, ou constituer des outils technologiques hautement sophistiqués, comme la petite caméra employée dans 887. Des machines de toutes dimensions apparaissent sur scène : un rover lunaire, piloté par deux marionnettes, dans La

face cachée de la lune ; l’intérieur d’un avion, d’un train et d’un métro dans « Ada », la

première partie de Lipsynch ; des voitures de taille conventionnelle dans la septième partie de ce spectacle, « Jackson », ainsi que dans 887.

Dans Les sept branches de la rivière Ota et Lipsynch, le dispositif scénique prend les traits d’une grande machine constituée de portes, panneaux et plateformes qui coulissent. Ces dispositifs en constante transformation sont performatifs et ils constituent le milieu qui rend possibles les déplacements spatiaux et temporels des personnages. Par ailleurs, les appareils, ou plutôt leur représentation filmique, jouent un rôle central dans les films Le polygraphe (le titre fait déjà allusion à la technologie) et Triptyque (les ordinateurs pour l’édition sonore dans le segment « Marie »).

Derrière l’emploi de la machine se trouve une certaine conception de la création, comme l’évoque justement le nom du groupe dont Lepage fait partie depuis 1994, Ex Machina. Le mot « machina » renvoie au fondement mécanique de la poïétique lepagienne : la création exige la connaissance d’un dispositif, afin de s’en servir et de le transformer. Fouquet explique que le mot « machina » évoque chez Lepage

[…] le mélange de ruse et d’invention étymologiques, un accent porté à l’appareil aussi bien qu’à la mécanique de jeu, quelque chose de concret, matériel, qui prolonge le rapport à l’objet, tel que le développe Lepage : partir du concret avec sa sensibilité aussi bien que sa curiosité282.

Lepage a également expliqué le choix du nom « Ex Machina » pour sa troupe. Premièrement, affirme-t-il, parce que le mot « théâtre » n’y était pas : lui et les artistes qui l’accompagnaient n’ont pas voulu se rallier à une discipline spécifique. Deuxièmement, parce que le nom évoquait la machinerie, celle qui est derrière le harnais qui fait voler Cocteau (joué par Lepage ou par Marc Labrèche) dans Les aiguilles et l’opium, mais aussi « dans l’acteur, dans

sa façon de dire le texte, d’approcher le jeu : il y a une mécanique là-dedans aussi283 ». Ainsi, le nom de la troupe constitue en lui-même une invitation à réfléchir à la matérialité qui se trouve à la base des mises en scènes théâtrales ou filmiques et qui rend le spectateur conscient de l’artifice derrière toute représentation.

Cette approche s’applique aux récits qui intègrent en eux le dévoilement du dispositif en présentant les articulations techniques derrière la discursivité, normalement naturalisée. C’est le cas, par exemple, du spectacle de magie dont la machinerie rendant possible l’artifice est exposée dès le début, dans la cinquième boîte des Sept branches de la rivière Ota (« Le miroir »). Il s’y trouve une exploration de l’élément technique, de la part des acteurs, et un dévoilement de l’artifice, pour le spectateur. Nous identifions de semblables opérations de dévoilement lors du test du détecteur de mensonge, présenté en détail dans le film Le

polygraphe, dans la mise en scène théâtrale montrée de derrière le rideau dans Les sept branches de la rivière Ota et Nô, ou dans la présentation de l’intérieur du crâne, le cerveau

(une sorte de machine également, qui rend possible l’esprit), dans Mondes possibles et

Triptyque.

2.1.2.2 Les objets vivants

Les objets deviennent animés dans l’œuvre scénique de Robert Lepage : ils mobilisent des métaphores, représentent des personnages ou s’y substituent. Comme Freytag le remarque à propos du théâtre de marionnettes, sur scène « tout peut devenir marionnette, il suffit de le déclarer comme tel et de lui prêter une "âme" ou tout au moins l’illusion d’une pensée autonome284 ». Les objets de Lepage sont souvent des marionnettes (des objets à forme

humaine), mais pas seulement : dans La face cachée de la lune, une planche à repasser rend présents le cosmonaute Alexeï Leonov et le jeune Philippe. Nous trouvons dans ces objets vivants les quatre éléments qui définissent la marionnette théâtrale : la nature d’objet, la manipulation, l’anthropomorphisme et la fonction théâtrale285. L’emploi des marionnettes et

des objets anthropomorphisés intéresse l’intermédialité parce qu’il renvoie à la notion d’effet de présence : de la performativité de ces personnages émergent les effets qui « agissent sur

283 Rémy Charest, Robert Lepage. Quelques zones de liberté, op. cit., p. 33.

284 Patrice Freytag, « Prolégomènes à une théorie générale du théâtre de marionnettes », op. cit., f. 48. 285 Ibid., f. 47.

la perception de l’observateur ou modifient la corporéité du performeur en la médiatisant286 ». Autrement dit, ces objets vivants permettent à l’acteur de multiplier son corps et de transformer son apparence sur la scène, ce qui suscite une révision générale de la corporalité et du vivant.

Les marionnettes sont des objets dotés d’un statut particulier : agents et patients, objets et sujets, elles existent à partir de l’action de l’acteur, mais elles incarnent des personnages distincts de celui-ci, une matérialité investie d’esprit. Bourassa explique que les marionnettes sont des personnages virtuels, une catégorie qui désigne aussi l’automate ou la figure de