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Nancy et Châtillon-sur-Seine, deux étapes peu connues dans le parcours professionnel et universitaire du professeur Charles Ernest Schmitt (Strasbourg, 1841 -Lille, 1905) avant son arrivée à l'Université catholique de Lille

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Nancy et Châtillon-sur-Seine, deux étapes peu connues

dans le parcours professionnel et universitaire du

professeur Charles Ernest Schmitt (Strasbourg, 1841

-Lille, 1905) avant son arrivée à l’Université catholique

de Lille

Pierre Labrude

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Pierre Labrude. Nancy et Châtillon-sur-Seine, deux étapes peu connues dans le parcours professionnel et universitaire du professeur Charles Ernest Schmitt (Strasbourg, 1841 -Lille, 1905) avant son arrivée à l’Université catholique de Lille. 2021. �hal-03206222�

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Nancy et Châtillon-sur-Seine, deux étapes peu connues

dans le parcours professionnel et universitaire du professeur Charles

Ernest Schmitt (Strasbourg, 1841 - Lille, 1905) avant son arrivée

à l’Université catholique de Lille

Pierre Labrude

professeur honoraire de l’université de Lorraine,

membre associé du centre régional universitaire lorrain d’histoire EA 3945, membre de l’académie internationale d’histoire de la pharmacie.

La commémoration du cent-cinquantenaire de la guerre de 1870 et de ses conséquences (entre autres l’annexion d’une partie du territoire par l’Empire allemand, l’option pour la France et la migration de populations vers la France « de l’intérieur » et le déplacement d’institutions) est l’occasion de se pencher sur certaines personnalités et sur certaines carrières qui ont été plus ou moins profondément modifiées par la malheureuse conclusion du conflit. Ainsi en est-il pour les membres du personnel de l’Université de Strasbourg, principalement ceux de la Faculté de médecine et de l’Ecole supérieure de pharmacie qui, à ce moment, n’ont l’une et l’autre que deux équivalents dans notre pays. Le personnel de l’Ecole est peu important numériquement ; le conflit et les départs pendant cette période l’ont encore affaibli. Aussi la reprise des enseignements à Nancy va-t-elle s’avérer très délicate. Charles Ernest Schmitt va y contribuer dans des conditions qui n’étaient manifestement pas prévues.

A l’automne 1872, l’ouverture des enseignements de l’Ecole supérieure de pharmacie transférée à Nancy, s’effectue dans des conditions difficiles. Constituée à partir de l’Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie qui disparaît, et de l’Ecole supérieure de Strasbourg qui est transférée, le nouvel établissement d’enseignement supérieur souffre de l’insuffisance de préparation qui lui a été accordée depuis la décision de transfèrement, et de l’intransigeance des ministres de la Guerre qui ne veulent plus accepter ce qui avait cours à Strasbourg, c’est-à-dire la présence d’agrégés militaires dans le corps enseignant. L’insuffisance du nombre des professeurs et des agrégés conduit au recrutement de chargés de cours, mais aussi à un renouvellement important de ceux-ci, d’autant que le ministre de l’Instruction publique cherche à faire des économies. La situation vécue pendant les dix premières années de l’Ecole a fait l’objet d’une publication à partir d’une thèse1, et la question des agrégés militaires a été étudiée très récemment2.

Parmi ces chargés de cours qui ne restent que peu de temps à Nancy, figure Charles Ernest Schmitt qui, recruté à Strasbourg où il a déjà occupé une telle fonction, ne séjourne en Lorraine que pendant un peu plus d’une année, et demande un congé pour préparer et soutenir sa thèse. Il devient ensuite professeur à Lille. La brièveté de son séjour nancéien fait que, si ce dernier n’est pas oublié par les biographes, il fait l’objet d’erreurs et d’approximations. Par ailleurs, l’activité de C.E. Schmitt pendant les deux années qui s’écoulent entre son départ de Nancy en 1874 et son arrivée à Lille en fin d’année 1876, peut-être au début de 1877, est complètement

1 Strohl S.-A. et Labrude P., « Le transfèrement depuis Strasbourg, et les dix premières années de l’Ecole

supérieure de pharmacie de Nancy (1872-1882). Un exemple de la difficulté à créer un établissement d’enseignement supérieur presque ex nihilo et dans l’urgence… », Revue d’histoire de la pharmacie, 2007, n°353, p. 25-40.

2 Labrude P., « L’échec de l’intégration des « anciens agrégés militaires » strasbourgeois à l’Ecole supérieure de

pharmacie de Nancy à l’issue du transfèrement de 1872 », HAL, hal.archives-ouvertes.fr/hal-02611062, 18 mai 2020.

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passée sous silence alors que ce bref épisode est intéressant. Schmitt est en effet devenu officinal à Châtillon-sur-Seine et il s’y occupe aussi de « produits chimiques et pharmaceutiques ». Le bref séjour nancéien de Schmitt n’a pas été oublié de l’école de pharmacie lorraine, et il a été honoré d’un portrait au début du XXe siècle. Or ce portrait n’est pas une photographie comme le sont ses nombreux homologues, mais la reproduction d’un tableau sans doute lillois. Il est le seul à se trouver dans cette situation. L’ambition de cette note est donc de dresser une biographie aussi juste que possible des années qui ont précédé l’arrivée de Charles Ernest Schmitt à Lille, et de présenter son activité en Bourgogne et l’origine de son portrait qui, jusqu’à présent, n’ont pas été étudiés. Certaines questions restent aujourd’hui sans réponse mais je les poserai afin qu’il soit possible d’y réfléchir et peut-être d’y répondre plus tard.

J’envisagerai successivement les années d’études et l’activité professionnelle de Charles Ernest Schmitt à Strasbourg, puis les brefs séjours qu’il fait, avec sa famille, à Nancy puis à Châtillon-sur-Seine. J’expliquerai à cette occasion la situation universitaire qui existe à Strasbourg lorsqu’il devient agrégé provisoire, puis celle de Nancy au moment du transfèrement de 1872 et lorsqu’il y arrive. Le séjour de Charles Ernest en Lorraine ayant été étudié, il sera temps de se consacrer à son passage en Bourgogne. C’est pendant cette période qu’il soutient sa thèse à propos de laquelle je consacrerai un paragraphe. Charles Ernest est alors recruté par les Lillois et j’exposerai ce que nous en savons. J’ai placé en annexe de cette étude la description de l’histoire du portrait que possédait la Faculté de pharmacie de Nancy avant qu’il n’entre dans les collections du musée de la santé en Lorraine, et, après elle, un bref exposé des échanges de personnes que la création de l’Université catholique de Lille a entraînés à Nancy et à Montpellier.

Les années d’études à Strasbourg

Charles Ernest Schmitt est né à Strasbourg le 2 mars 1841. Il est le fils aîné de Joseph Antoine Schmitt (1795-1848) et de Françoise Lambla (1816-1899). Une sœur et un frère compléteront la fratrie3. Ses études secondaires sont conclues, comme cela se pratique à l’époque pour ceux qui ont la chance de fréquenter les écoles, par l’obtention du grade de bachelier ès lettres en 1858, et, l’année suivante, de celui de bachelier ès sciences. Il entre alors à l’Ecole supérieure de pharmacie et à la Faculté des sciences. Il effectue son stage à la pharmacie Oberlin4 qui porte l’enseigne « A la Licorne », un nom d’animal mythique, qui est souvent porté par les pharmacies. A l’Ecole de pharmacie, il est lauréat du concours de l’Ecole pratique5 avec, en 1863, la médaille d’argent, et, en 1864, la médaille d’or. Cette médaille a un diamètre de 45 millimètres et une masse de 50,28 grammes. Celle du second prix porte sur sa tranche les mots : « Strasbourg 1863 Ecole Pratique 2e prix, Charles Ernest Schmitt de Strasbourg »6.

3 Sauvageon M.D., Geneanet, consulté le 7 novembre 2011.

4 Weitz R., Les grands pharmaciens du 19e siècle, Paris, Paul Dupont, 1931, deux parties, 28 et 15 p., ici p. 27. 5 Initialement, l’enseignement dispensé par les écoles de pharmacie est purement théorique, celui de la pratique

étant dévolu aux longs stages officinaux qui sont obligatoires. Cette situation n’étant pas satisfaisante, les écoles créent une école pratique. Mais celle-ci ne peut pas accueillir tous les élèves. Il existe donc une sélection. Comme nous l’avons vu ci-dessus, cette école organise des concours et distribue des prix. Les lauréats sont donc les meilleurs élèves, et ceci à un double titre : la sélection et le résultat du concours. Les travaux pratiques ne sont rendus obligatoires, donc destinés à tous les élèves, qu’à partir des textes réglementaires de 1875 et 1878.

6 Bonté F., « La médaille en argent de Deuxième Prix de l’Ecole Pratique de Strasbourg », Revue d’histoire de la

pharmacie, 1990, n°287, p. 412 ; du même auteur, « Numismatique pharmaceutique : la médaille de premier prix

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Le registre des délibérations de l’Ecole de pharmacie de Strasbourg décrit en détail les concours pour les prix7. Pour le concours de 1863, trois candidats sont en lice. Il faudrait transcrire l’intégralité du rapport pour que le lecteur puisse juger à la fois des capacités analytiques des candidats et de ce qu’exprime le jury sur celles-ci. Au moment de l’épreuve du 31 juillet 1863, les trois candidats sont « rangés sur la même ligne ». En vue de l’épreuve de ce jour, le jury choisit une solution incolore contenant du nitrate de plomb, de baryum et de potassium, et un mélange de fécule et de charbon contenant de l’oxalate de cuivre. Neuf heures sont accordées aux deux analyses. Le jury indique : « les concurrents sont entièrement familiarisés avec les analyses minérales ». A l’issue, il écrit : « En examinant l’ensemble des épreuves du concours, le jury conserve le premier rang à Mr Gault et place en seconde ligne Mr Schmitt et en 3e Mr Barée (?) ». Il poursuit : « Le jury regrette de ne pas pouvoir accorder aux deux autres concurrents la même distinction et propose à l’Ecole de donner à Mr Schmitt la médaille d’argent ». L’année suivante, le jury conclut le concours le 4 août et estime que les trois concurrents méritent une distinction, la médaille d’or revenant à Mr Schmitt. Le vainqueur de 1863 est donc Henri Achille Jacques Théodore Gault. Il faudrait pouvoir développer sa biographie8.

Charles Ernest est reçu pharmacien de 1e classe le 22 juillet 1865 et licencié ès sciences physiques le 20 novembre 1866. Toutefois, il y a déjà plusieurs années qu’il a entamé une carrière universitaire. En effet, il est préparateur adjoint à l’Ecole supérieure de pharmacie le 1er novembre 1862, et préparateur de chimie à la Faculté des sciences le 15 novembre 18659.

Ce sont des fonctions temporaires, donc souvent de courte durée, pour lesquelles le diplôme de bachelier est suffisant, et qui correspondent aux fonctions d’assistant d’autrefois et à celles d’assistant temporaire (Ater) actuellement. Je ne peux pas préciser quelle est la date de cessation de ces activités. Charles Ernest est légitimement fier de ces titres et distinctions. Les deux médailles sont présentées sur l’en-tête du papier à lettres qu’il utilise à Châtillon-sur-Seine lorsqu’il y est « pharmacien chimiste », cet en-tête mentionnant en outre qu’il a été préparateur et professeur aux écoles de pharmacie de Strasbourg et de Nancy. Le mot professeur est toutefois abusif.

C.E. Schmitt s’est marié le 1er juin 1869, à Ribeauvillé, dans le Haut-Rhin, avec Marie-Louise

Amélie Hommel, né en 1844 dans cette bourgade, et qui survivra longtemps à son époux puisqu’elle ne mourra qu’en 1933. Cette union a été très féconde puisqu’elle a conduit à la naissance de dix enfants. Les trois premiers voient le jour à Strasbourg : Pierre en 1870, Marthe en 1871 et Léon Charles en 1872.

Charles Ernest « agrégé provisoire » puis chargé du cours à l’Ecole de pharmacie

7 Registre des délibérations de l’Ecole de pharmacie, du 31 mars 1855 au 20 octobre 1865, rapports du 3 août

1863 et du 4 août 1864. Ce registre anciennement conservé à la Faculté de pharmacie de Nancy, a été rendu à la Faculté de pharmacie de Strasbourg.

8 Je me limiterai à indiquer que le conflit de 1870 l’a conduit à Nancy où il a acquis une pharmacie près de

l’université. Il est donc vraisemblable que Schmitt l’y a retrouvé lorsqu’il a enseigné à l’Ecole. Chimiste brillant, Gault a travaillé avec les chimistes de l’université. Son fils Henry a eu pour parrain Albin Haller, le fondateur de l’Ecole de chimie de Nancy et il est lui-même devenu chimiste et professeur. Nommé à Strasbourg en 1919, Henry Gault est le fondateur de l’Institut du pétrole et d’un important laboratoire du CNRS (C. Viel, « Les Gault, une famille de pharmaciens alsaciens », Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace, 1998-1, n°121, p. 10-17).

9 Leclair E., « Charles-Ernest Schmitt, professeur à la Faculté libre de médecine et de pharmacie de Lille », Bulletin

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En 1868, il exerce à la pharmacie « de la Fleur », où il a succédé à Woehrlin10. Est-il encore

préparateur lorsqu’il est chargé des fonctions d’agrégé à l’Ecole supérieure de pharmacie ? Là encore, je ne peux pas le préciser. Toujours est-il que, pendant les vacances d’été de 1868 (exactement le 10 août), l’agrégé d’histoire naturelle Philippe Cauvet, qui est aussi pharmacien militaire et qui est affecté à l’Ecole impériale du Service de santé militaire, se trouve muté11. Ce départ entraîne pour l’Ecole la vacance de l’emploi d’agrégé. Or il n’est pas facile de trouver plus ou moins inopinément quelqu’un qui est susceptible de se présenter au concours (il faut être docteur ès sciences depuis le statut du 20 décembre 185512), et qui est capable d’enseigner… Les établissements universitaires ont alors recours à un « faisant fonction d’agrégé », encore dit « agrégé provisoire » C’est ainsi que C.E. Schmitt est nommé agrégé provisoire d’histoire naturelle à l’Ecole supérieure de pharmacie le 6 novembre 1868 (décembre selon le Bulletin des sciences pharmacologiques). La situation se complique l’année suivante, aucun concours d’agrégation n’ayant eu lieu entre-temps, par le décès du professeur Frédéric Kirshleger, titulaire de la chaire. L’Ecole se trouve donc confrontée à la vacance de deux emplois dans la même discipline, ou presque… La nomination d’un nouveau titulaire étant toujours longue, l’absence d’enseignement risque de se prolonger. L’Ecole demande alors à Schmitt d’assurer l’intérim et il est donc nommé chargé de cours, situation la plus élevée qui peut lui être donnée. De ce fait, il est à la fois agrégé provisoire et chargé du cours d’histoire naturelle médicale le 9 décembre 1969. La mention fréquemment rencontrée (agrégé), comme dans Lambert des Cilleuls13, est abusive. La guerre survient l’année suivante ; son existence et la tournure qu’elle prend bouleversent toutes les prévisions, et elles empêchent bien sûr la mise en place des recrutements. Les enseignements se terminent le 31 août 1870.

Pendant ces années, en plus de son enseignement et de son activité officinale, Charles Ernest Schmitt mène des recherches scientifiques. Celles-ci ont lieu soit dans la pharmacie où il exerce, soit à l’Ecole de pharmacie. Je ne sais cependant pas si des locaux ont été mis à sa disposition lorsqu’il a été nommé. Les références en sont peu précises, comme c’est toujours le cas à ce moment : absence de mention du numéro, du volume, des pages, variation du titre, etc. La liste la plus satisfaisante et la plus complète à mon avis est celle que publie le Bulletin des sciences

pharmacologiques en 1905 :

« L’acide perchlorique dans l’eau chlorée », communication à la Société des sciences naturelles de Strasbourg, avril 1865. Ce travail n’est pas publié, la société ne disposant pas en propre d’une revue à ce moment.

« Note sur la préparation des capsules d’huile phosphorée », L’Union pharmaceutique, 1868, p. 323-324. Devient « Huile phosphorée », France médicale, 1869, p. 394-395, puis « Sur la préparation des capsules d’huile phosphorée », L’Union pharmaceutique, 1869, p. 35-36, et

Journal de pharmacie et de chimie, 1869, p. 357. Ce travail figure au Formulaire de Bouchardat

en 1875.

« L’écorce de Laefat et l’écorce de Coudaine », Mémoires de la Société de médecine de

Strasbourg, 1871, p. 30-31. Ce travail est réalisé en collaboration avec Louis Engel, agrégé de

10 Humbert G., Contribution à l’histoire de la pharmacie strasbourgeoise, thèse de doctorat d’université en

pharmacie, Strasbourg, 1938, n°178, Mulhouse, Imprimerie Brinkmann, 1938, 424 p., ici p. 256. Le successeur de Schmitt lorsqu’il quitte Strasbourg en 1873 pour venir à Nancy est Robert Luger (ici, p. 276).

11 Sur Cauvet, sur son départ de Strasbourg et sur ses difficultés à réintégrer l’université après 1872, on trouvera

les éléments utiles dans la référence 2.

12 Dillemann G., « Professeurs et agrégés de l’Ecole supérieure de pharmacie de Paris », Revue d’histoire de la

pharmacie, 1987, n°274, ici p. 206-207, le statut de l’agrégation du 20 décembre 1855.

13 Lambert des Cilleuls F., L’Ecole supérieure de pharmacie de Strasbourg, Nancy, Sidot, 1903, 174 p., ici p. 120

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la Faculté, qui a un fils dont il sera question plus loin à propos des mouvements de professeurs que la création de l’Université catholique de Lille suscite.

« Eude sur le Sarracenia purpurea », Gazette médicale de Strasbourg, 1871, n°7. Devenu « La Sarracénie pourprée, esquisse botanique, chimique et pharmaceutique », Journal de pharmacie

et de chimie, 1875, p. 219-222.

« Le Codex français et la pharmacie germanique », communication à la Société de médecine de Strasbourg, 1871. Devient « Rapport sur le Manuel comparatif des substances et préparations pharmaceutiques de la pharmacopée germanique, du Codex français, du Formulaire des Hospices civils de Strasbourg à l’usage des médecins et pharmaciens de l’Alsace-Lorraine »,

Gazette médicale de Strasbourg, 1873, p. 120-122 ; et Mémoire de la Société de médecine de Strasbourg, 1874, p. 118-123.

Ces deux derniers titres sont indiqués dans les comptes rendus d’activité de la nouvelle université de Nancy, à la suite du transfèrement des établissements de Strasbourg et de certains de leurs personnels. Schmitt, qui n’est pas un cadre permanent de l’université de Strasbourg, n’est donc pas susceptible, initialement, de venir à Nancy dans le cadre de ce mouvement administratif. Mais les Nancéiens vont avoir besoin de lui, et il viendra à Nancy au cours de l’année 1873. La mention de ses travaux est donc naturelle dans le bilan d’activité nancéien.

La situation strasbourgeoise avant le transfèrement

Pour pouvoir exposer correctement la situation nancéienne et celle de Charles Ernest Schmitt quand il arrive en Lorraine, il faut connaître sa situation personnelle et celle de l’école de pharmacie strasbourgeoise au moment où la Faculté de médecine et l’Ecole supérieure de pharmacie partent pour Nancy, le 1er octobre 1872 officiellement. Schmitt exerce en officine à Strasbourg et n’a pas participé aux enseignements de l’Ecole libre de pharmacie14. Ceci signifie qu’il est moins sur le devant de la scène universitaire que quand il était encore récemment agrégé provisoire et chargé de cours à l’Ecole de pharmacie. De son côté, la situation de l’Ecole de pharmacie est très défavorable compte tenu de sa petite « taille » et du faible nombre de ses enseignants par rapport à ceux de la Faculté de médecine. Elle est aggravée par plusieurs évènements extérieurs dont elle n’est pas responsable : la mort de Kirschleger qui n’a pas été remplacé par suite du conflit, le départ en retraite du professeur Oppermann qui est aussi le directeur, la mutation des trois agrégés qui sont tous les trois militaires. Si Cauvet a été remplacé par Schmitt, celui-ci n’est pas agrégé en exercice. Selon la loi de 1803, l’Ecole suit la Faculté de médecine sans en constituer une annexe. Or on sait depuis la loi du 21 mars 1872 qu’il y aura transfèrement à Nancy de la Faculté de médecine et de l’Ecole supérieure de pharmacie. Il conviendrait donc que le doyen et le directeur discutent, avec le directeur nancéien de l’école qui va disparaître, des modalités de cette opération. L’absence du directeur de l’Ecole de pharmacie fait que le doyen de Médecine traite seul avec le recteur et avec ses collègues de Nancy. J’ignore malheureusement à quelle date le professeur Stoltz a su que l’Ecole serait temporairement rattachée à la Faculté, ce qui signifie qu’il doit aussi se préoccuper d’elle, surtout en l’absence de l’ancien directeur. Aussi importe-t-il de savoir qu’il est très hostile à ce rattachement, même temporaire. C’est peut-être pour cette raison qu’il ne s’intéresse que très médiocrement à ce qui se passe en Pharmacie. C’est ainsi qu’en juillet 1872, au cours des réunions d’organisation du transfèrement qui ont lieu à Nancy pendant plusieurs jours (du 3 au 5), il n’est aucunement question de la Pharmacie15. On peut penser qu’à ce moment Stoltz sait

14 Labrude P., « Il y a cent cinquante ans : l’Ecole libre (ou autonome) de pharmacie de Strasbourg (1871-1872) »,

HAL, hal.archives-ouvertes.fr/hal-02865888, 12 juin 2020.

15 Ces feuillets sont inclus dans le Registre des procès verbaux des séances de la Faculté de médecine de Nancy

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qu’il aura la charge de l’Ecole pendant plusieurs années. A l’opposé, les Nancéiens se sont préoccupés de l’avenir de l’enseignement pharmaceutique16. Malheureusement pour eux, la réalité est qu’on ne s’occupe pas d’eux ! Dans sa thèse sur le transfèrement17, P. Polès évoque les réunions de juillet 1872. Il précise qu’aucun Nancéien n’y est présent. Ont-ils refusé de siéger ou n’ont-ils pas été invités ? Il est peu probable qu’ils aient refusé de participer à des décisions qui, bien qu’elles conduisent à la disparition de l’Ecole à laquelle ils appartiennent, ne débouchent pas sur la suppression de leur emploi. Celui-ci prend l’intitulé « professeur adjoint » ou « suppléant ». Quelles que soient les motivations qui conduisent à l’absence des Nancéiens, celle-ci n’apparaît pas comme pouvant favoriser les opérations du transfèrement. Quels que soient ses mérites, le doyen Stoltz est donc en partie responsable des difficultés d’enseignement que rencontre l’Ecole jusqu’en 1876. A cela s’ajoutent l’intervention constante dans les affaires nancéiennes et le désir d’économies du ministre de l’Instruction publique et donc l’absence de nomination aux deux chaires qui sont vacantes, pharmacie et histoire naturelle. La Faculté et l’Ecole supérieure s’installent dans la Palais académique de la place de Grève (figure 1) où siégeaient les facultés et l’Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie, et dans les bâtiments qui lui sont contigus.

Figure 1 : le Palais académique de Nancy. Carte postale ancienne (plus tardive que 1872 puisque le nom de la place a changé), collection P. Labrude.

Dans quelle situation se trouvent ceux qui arrivent à Nancy, Schmitt en particulier ?

Qui sont donc ceux qui s’installent à Nancy avec leur famille et dans le Palais académique pour leur exercice professionnel ? Il est possible de les classer en plusieurs catégories. Il y a ceux qui ont suivi l’Ecole dans le cadre du décret de transfèrement, comme Jacquemin et Schlagdenhauffen. Leur cadre de vie change, mais ils conservent leur emploi et l’activité d’enseignement qu’ils pratiquaient à Strasbourg. En recherche, ils vont sans doute devoir au moins partiellement procéder à des changements de thèmes. Il y a aussi ceux qui étaient à la fois universitaires et militaires, comme Cauvet et Strohl, que leur affectation militaire a entraînés loin de Strasbourg et de Nancy, qui aimeraient bien y venir et qui ne le pourront pas ! Il y a également ceux qui n’ont pas suivi l’université à Nancy, parce qu’ils ne lui appartenaient pas statutairement, peut-être parce que rien ne leur a été proposé, peut-être aussi parce qu’ils ne voulaient pas suivre l’université en France. Ils ont donc perdu la nationalité française et sont

Faculté de médecine de Strasbourg à Nancy en 1872, Nancy, 1997, 183 p.), P. Polès n’évoque pas les questions

particulières relatives à la pharmacie.

16 Grilliat J.-P., « La candidature et l’accueil de Nancy », Histoire des sciences médicales, 2000, n°2, p. 147-155. 17 Polès P., Le transfèrement de la Faculté de médecine de Strasbourg à Nancy en 1872, thèse de doctorat en

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devenus citoyens allemands. Pour Charles Ernest Schmitt, on peut récuser l’idée du refus cependant qu’on peut poser l’hypothèse que n’ayant été « que » « faisant fonction d’agrégé » et chargé de cours magistral, il ne fait pas partie des personnes à qui il est demandé si elles partent ou si elles restent.

Il est donc dans sa pharmacie en ville. Je ne sais pas si c’est lui qui propose à l’Ecole de venir à Nancy pour participer à l’enseignement ou si, au contraire, c’est l’Ecole qui le sollicite. Il faut prendre en compte qu’il a enseigné la matière médicale et qu’il va être chargé de la pharmacie ! Ses titres le lui permettent. A-t-il commencé à travailler en vue d’une thèse ? C’est une autre question importante. Celle qu’il soutiendra à Nancy portera sur la chimie végétale ; et ce ne sera pas un travail sur la pharmacie, au sens de préparation des médicaments. Voilà un important changement d’orientation. Etait-t-il désiré ? A-t-il été subi ? Quelle était l’orientation qu’avant 1870 Schmitt voulait donner à sa carrière à Strasbourg ? Qu’aurait-il fait s’il était resté à Nancy après sa thèse ? Il y a là plusieurs questions qui ne recevront sans doute jamais de réponse. Toujours est-il qu’il devient finalement professeur de pharmacie et de chimie minérale à Lille. C’est tout cela que je vais tenter d’exposer et d’expliquer.

Le transfèrement et le bref séjour nancéien de Charles Schmitt

Charles Ernest Schmitt ne reste que peu de temps à Nancy, et, tant sa date d’arrivée en Lorraine et à l’Ecole supérieure de pharmacie que celle de son départ sont assez délicates à préciser sans des recherches assez approfondies. Commençons par la date de son arrivée. Avant d’explorer les archives, regardons ce qui est écrit sur l’en-tête des « Produits chimiques et pharmaceutiques Docteur Schmitt » à Châtillon-sur-Seine18. Ces lignes sont incontestables puisqu’elles sont manifestement de la main même de Charles Ernest lorsqu’il est professeur à Lille et qu’il utilise ce papier à titre privé. Il est indiqué : « Chargé du cours de pharmacie à l’Ecole supérieure de pharmacie de Nancy, 26 mars 1873 »19. Il apparaît toutefois que les dates sont variables selon les sources. Dans les comptes rendus de la séance solennelle de rentrée de l’université nancéienne pour l’année 1873-187420, séance qui a lieu le 19 novembre 1873, il est seulement indiqué page 4 que C.E. Schmitt est « agrégé provisoire chargé du cours de pharmacie ». Plus loin, dans son rapport sur l’activité de l’année écoulée (1872-1873), le doyen Stoltz précise qu’il est arrivé (« rendu » est-il écrit) le 24 juin. Mais une troisième date se trouve dans d’autres textes. En effet, dans la plaquette éditée en 1972 à l’occasion de son centenaire et qui reprend ce qui est inscrit dans un registre de l’Ecole de pharmacie de Nancy que j’ai consulté dans le passé et que je n’ai pas retrouvé, la Faculté de pharmacie indique : « la pharmacie, dans son ensemble, y fut professée à partir du 31 janvier 1873, jusqu’au 1er novembre 1874 par Schmitt, délégué dans les fonctions d’agrégé »21. Pourtant, ce qui est sûr, c’est que C.E. Schmitt n’est pas arrivé à Nancy pour la rentrée de novembre 1872 et qu’il n’est pas encore présent au mois de mars 1873. Après réflexion, je pense que la date du 31 janvier a sans doute une autre signification, et que ce peut être celle où il est sollicité. Il est en effet vraisemblable qu’il a été

18 Keller V. et Leroy J., Le transfèrement de l’Ecole supérieure de pharmacie en 1872. Biographie de deux érudits

de passage à Nancy : Charles Ernest Schmitt et Jules Chautard, thèse de diplôme d’Etat de docteur en pharmacie

(sous la direction de P. Labrude), Nancy, 2012, 163 p., ici p. 118-129. La thèse est entièrement disponible sur internet.

19 Balland A., Les pharmaciens militaires français, Paris, Librairie militaire Fournier, 1913, 420 p., ici p. 212. La

notice comporte des erreurs de dates.

20 Rentrée solennelle des Facultés de Droit, Médecine, Sciences et Lettres de Nancy 19 novembre 1873, Nancy,

Berger-Levrault, 1874, p. 4 (liste du personnel enseignant) et p. 49 (date de l’arrivée de Schmitt à Nancy). Stoltz se trompe certainement en indiquant qu’il n’est arrivé que le 24 juin, « vers la fin de l’été » (sic).

21 Meunier A., « Département de pharmacie galénique » dans 1872-1972 Faculté de pharmacie de Nancy, plaquette

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approché assez tardivement, pour les raisons qui sont indiquées ci-dessus. Ce n’est en effet que face à l’impossibilité d’assurer les enseignements que le ministre ou le recteur se résout à accepter de nouveaux enseignants parce qu’il va lui falloir les rémunérer ! Cette question revient à plusieurs reprises dans les courriers. L’absence de Schmitt au mois de mars est confirmée dans la première thèse soutenue à Nancy. Présentée par Duprey, elle a lieu le 31 mars 1873 et, dans la traditionnelle liste du personnel de l’Ecole, en face du nom des chaires de pharmacie et d’histoire naturelle pharmaceutique, il est inscrit « N. ». Or la thèse est prête depuis plusieurs semaines, voire plus, pour tenir compte du délai nécessaire à son impression puis à son examen par les membres du jury. Ceci signifie qu’au moment de son dépôt, Schmitt n’était pas à Nancy.

Heureusement, des documents présents aux Archives départementales22 à Nancy dans deux dossiers d’origine rectorale et dans un livret de l’université23 permettent de reconstituer tant bien que mal ce qui s’est produit, sans pour autant tout préciser. Il ne semble pas qu’il ait été d’emblée prévu de faire appel à Schmitt. Le 26 octobre 1872, alors que la rentrée n’a pas encore eu lieu, le ministre de l’Instruction publique écrit au recteur pour lui demander « s’il y a lieu de pourvoir aux vacances de chaires » (pharmacie d’une part, et histoire naturelle pharmaceutique d’autre part), et il lui demande de voir comment les professeurs des facultés de médecine et de sciences pourraient contribuer à l’enseignement. Il est question de la situation de Strohl et de Schmitt, qui exerçaient tous les deux des fonctions d’agrégé à Strasbourg. Strohl, agrégé en exercice pour la chimie et la toxicologie, a en effet déposé une réclamation le 10 pour demander son intégration à Nancy puisque ses années d’agrégation ne sont pas terminées. Le 13 décembre, le ministre écrit au recteur qu’il n’a pas d’argent et donc que la chaire d’Oppermann (pharmacie) ne sera pas pourvue. Le 21 ou le 24 de ce mois (c’est mal lisible), un nouveau courrier demande des explications au recteur : pourquoi y a-t-il huit enseignants en pharmacie alors que le décret du 1er octobre n’en nomme que trois ! C’est en raison de l’absence des titulaires et des agrégés ! En réalité, ils ne sont que sept car personne n’est encore nommé en pharmacie, trois professeurs étant extérieurs à l’Ecole et n’y étant donc que chargés de cours. Le ministre ne revient sur la situation de Schmitt que le 30 mai à propos de son traitement. C’est donc qu’il est là ou qu’il va arriver et qu’il va falloir le rémunérer. Ce dossier montre qu’il est souvent question de sa situation mais il ne précise pas quand Schmitt a été « recruté » ni quand il est arrivé. Une réponse se trouve dans le livret de l’université qui nous indique qu’il a été nommé chargé de cours le 31 janvier 1873 – c’est la date retenue par l’Ecole de pharmacie - et qu’il prend ses fonctions le 6 juin24. Il est donc normal de se préoccuper de son traitement à la fin du mois de mai. La date indiquée par la Faculté de pharmacie est donc exacte mais elle ne correspond pas à la situation : ce n’est pas une date de début d’enseignement mais sans doute de nomination.

Ayant donc sans doute été sollicité assez tardivement, quand il est apparu que la situation devenait impossible à assumer à Nancy sans le recrutement d’une personne destinée à occuper la chaire de pharmacie, Schmitt a dû alors se préoccuper de ce qu’allait devenir la pharmacie « de la Fleur » où il exerce à Strasbourg, et trouver un successeur. Celui-ci est seulement signalé en 1873 par Humbert, ce qui corrobore les autres dates proposées25. A l’occasion des séances

suivantes de rentrée universitaire, le 17 novembre 1874 et le 16 novembre 1875, figure la même

22 Arch. dép. Meurthe-et-Moselle, dossiers T 2131 et T 2133, consultés le 3 septembre 1992. 23 Livret de l’université de Nancy, Nancy, Crépin-Leblond, 1900, 128 p., ici p. 115.

24 Le Bulletin des sciences pharmacologiques, déjà cité, indique qu’il est nommé le 26 mars 1873 et installé le 6

juin.

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mention « agrégé provisoire chargé du cours … ». Mais, page 52 du compte rendu de cette année 1875, le doyen Stoltz indique que Delcominète est chargé du cours « à la place de Schmitt qui a obtenu un congé d’un an ». Cette durée d’une année n’est pas celle qui figure sur l’en-tête du papier à lettre de Châtillon… A la séance du 16 novembre 1876, l’Ecole ayant entre-temps recouvré son autonomie, Schmitt ne figure plus sur la liste de son personnel enseignant. Toutefois, dans son rapport d’activité, le professeur Jacquemin, directeur, ne dit rien de son départ et donc du changement de nom. Tout ceci est bien discret ! La seconde thèse nancéienne, soutenue le 4 avril 1876 par Moricet, indique que la pharmacie est enseignée par « M. Schmitt suppléé par M. Delcominète ».

Charles Ernest Schmitt étant resté à Strasbourg dans sa pharmacie, acquiert automatiquement la nationalité allemande au moment de la signature du traité de Francfort, le 10 mai 1871. Arrivé à Nancy bien après cette date, il est maintenant un étranger en France et, s’il veut y faire carrière, il lui est nécessaire de demander sa réintégration dans la nationalité française. C’est ce qu’il fait, et cette réintégration lui est accordée par le décret n° 5286 du président de la République, qui paraît au Bulletin des lois n°717. Ce décret de réintégration, « par application de l’article 18 du Code civil », en date du 5 mars 1874, concerne sept personnes qui se trouvent toutes en France. Schmitt, sixième de la liste, est indiqué en qualité de « chargé de cours à l’école de pharmacie » et comme « demeurant à Nancy »26.

Le livret mentionné plus haut précise aussi que Schmitt cesse ses fonctions à l’Ecole le 1er

novembre 1874. Ceci est confirmé par d’autres sources. L’en-tête du papier à lettre de Châtillon-sur-Seine indique qu’il est « En congé sans traitement, depuis novembre 1874 jusqu’au 1er janvier 1877 ». De son côté, la plaquette du centenaire de la faculté donne la même date en indiquant comme nous l’avons vu que « (…) la pharmacie dans son ensemble y fut professée (…) ». Ceci signifie qu’il était non seulement chargé de la pharmacie galénique mais aussi de la pharmacie chimique, ce qui est normal à ce moment, la chaire correspondant aux deux disciplines.

Il est cependant étonnant que C.E. Schmitt soit chargé du cours de pharmacie qui, jusque-là, n’est pas sa spécialité. A Strasbourg, comme nous l’avons vu, il a été chargé des enseignements que faisait l’agrégé Cauvet puis de ceux qui étaient dispensés par le professeur Kirschleger, c’est-à-dire la botanique et l’histoire naturelle, dite « médicale » ou « pharmaceutique » selon les textes. Comme je l’ai étudié et indiqué dans un travail sur les difficultés qui ont empêché les anciens agrégés militaires de Strasbourg de venir occuper des emplois à Nancy27, même quand ils y avaient été nommés, il n’était pas obligatoire de faire faire les enseignements de pharmacie à Schmitt. En effet, si la chaire de pharmacie est vacante, celle d’histoire naturelle l’est également. Or, si on peut estimer qu’il est prêt à refaire des cours qu’il a déjà dispensés quelques années auparavant, on peut aussi estimer qu’il ne l’est pas dans le domaine de la pharmacie qui n’est pas le sien jusque-là. Quand on connaît les difficultés que l’Ecole a eues avec l’enseignement d’histoire naturelle jusqu’en 1876 et la nomination du professeur Bleicher, on se dit que la nomination de Schmitt les aurait évitées… Evidemment et a contrario, Schmitt a commencé à enseigner la pharmacie à Nancy, ce qui lui a bien servi un peu plus tard, quand il est arrivé à Lille.

Comme déjà indiqué, deux publications de C.E. Schmitt figurent dans ces comptes rendus : « La Sarracénie pourprée. Esquisse botanique, chimique et pharmacologique », une étude que

26 Je remercie très vivement Madame Jacqueline Euriat qui a répondu à mes questionnements sur ce sujet et a

trouvé ce décret.

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les comptes rendus de l’université indiquent comme étant parue chez Berger-Levrault à Nancy, et « Rapport comparé des substances et préparations pharmaceutiques de la Pharmacopée germanique, du Codex français, du Formulaire des Hôpitaux civils de Strasbourg », qui est mentionné comme publié chez le même éditeur.

Pendant ce bref séjour de C.E. Schmitt en Lorraine, les professeurs et agrégés qu’il côtoie sont peu nombreux. Plusieurs (Oberlin, Jacquemin) étaient à Strasbourg en même temps que lui. Il connaît aussi ceux qui n’ont pu rejoindre la Lorraine par suite d’obstructions administratives, comme Cauvet ou Strohl28. Il fait la connaissance du professeur Jules Chautard, qui vient à l’Ecole depuis la Faculté des sciences, c’est-à-dire le bâtiment voisin, pour enseigner la physique aux élèves pharmaciens. Bien que physicien, c’est aussi un chimiste et c’est presqu’un pharmacien. Fils d’un pharmacien de Vendôme, il a été élève de l’Ecole de pharmacie de Paris et interne en pharmacie des Hôpitaux de Paris. La leçon d’ouverture de son cours aux élèves en pharmacie, le 26 novembre 1872, porte un titre intéressant : « Des rapports de la physique avec les autres sciences, et en particulier les sciences médicales et pharmaceutiques »29. Chautard fait partie en 1875 du jury de la thèse de Schmitt. Ils se retrouveront à Lille puisque tous les deux deviendront professeurs à l’Université catholique qui va se créer. Je me demandais, compte tenu d’une lettre de Chautard à Schmitt qui figure dans la thèse précitée de mes étudiantes et qui date de septembre 1876, quelques jours après la démission de Chautard de Nancy, si ce n’est pas lui qui a suggéré le recrutement de C.E. Schmitt à Lille. Ceci est confirmé par l’ouvrage que Lesne a fait paraître en 192730. Aucun enfant de Charles Ernest et de Marie

Louise ne voit le jour à Nancy pendant ce court séjour.

La thèse de doctorat ès sciences soutenue à Nancy

Charles Ernest soutient sa thèse de doctorat ès sciences physiques à la Faculté des sciences de Nancy le 25 janvier 1875, à 14 h 30. La thèse principale porte sur le bois de gaïac, et a pour titre « Recherches chimiques sur le bois de gaïac »31. La thèse annexe ou secondaire, alors obligatoire, c’est-à-dire les « questions posées par la faculté », s’intitule « Propositions de physique données par la Faculté ». Celles-ci, en nombre variable, portent sur des questions pédagogiques et/ou scientifiques. Il y en a trois ici, dont le développement peut être long : « densité des gaz et des vapeurs, pouvoir rotatoire des solides et des liquides, analyse spectrale ». Comme nous pouvons le constater, cette thèse intervient au début de la période où Schmitt n’est plus à l’Ecole de pharmacie et où il est installé en Bourgogne. J’envisagerai cette période un peu plus loin.

Au moment de la soutenance, la Faculté ne comporte que quatre professeurs susceptibles de constituer un jury, qui est traditionnellement de trois membres à cette époque : les professeurs Forhomme, titulaire de la chaire de chimie ; Grandeau, titulaire de la chaire de chimie et de physiologie appliquée à l’agriculture, et accessoirement pharmacien ; Chautard, titulaire de la chaire de physique, et, comme nous l’avons vu, lié de plusieurs manières avec la pharmacie ; et enfin, Godron, médecin, titulaire de la chaire d’histoire naturelle. Le jury est effectivement constitué de Forthomme, qui le préside, et de Grandeau et Chautard. Ce dernier n’est

28 Labrude P., HAL-Archives ouvertes, référence 2.

29 28 pages in-octavo, le document se trouve à la bibliothèque publique de Nancy.

30 Lesne E., Histoire de la fondation de l’Université catholique de Lille (1874-1877), Lille, SAIEN, 1927, chap.

VII, p. 59-69, plus particulièrement p. 66-67.

31 Nancy, Berger-Levrault, 1875, in-4°, 65 p. La thèse est citée par Maire A., Catalogue des thèses de sciences

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certainement pas pour rien dans le choix des questions de physique qui constituent la seconde thèse.

La couverture de la thèse porte, comme cela est traditionnel à ce moment, les principaux titres du candidat. En plus de ceux que nous connaissons déjà, figure la mention de son appartenance à la Société chimique de Paris. Schmitt exprime sa reconnaissance au professeur Forthomme, à la Faculté des sciences, puis à ses maîtres et collègues de l’Ecole de pharmacie : les professeurs Oberlin, Jacquemin et Schlagdenhauffen qui enseignent respectivement la matière médicale, la chimie et la physique associée à la toxicologie. Il commence la rédaction de la partie bibliographique en citant son illustre compatriote Charles Gerhardt, le chimiste d’origine strasbourgeoise, décédé en 1856, qui a découvert l’acide acétylsalicylique (aspirine) et a laissé un nom dans les théories de la chimie. Il expose ensuite qu’il devait initialement comparer la résine de gaïac naturelle et la résine artificielle, et effectuer un travail de contrôle et de critique des recherches passées. Il a travaillé sur les produits de pyrogénation, sur les colorations, à propos desquelles il a avancé des explications et proposé des relations avec les tannins, sur la gaïacine (aujourd’hui disparue de la nomenclature), et sur la composition élémentaire du bois. Au terme de son travail, après la mise au point bibliographique, il décrit des composés nouveaux présents dans le bois, il a effectué l’analyse élémentaire de celui-ci ; il présente ses idées personnelles et donne un aperçu sur divers produits. Il a aussi étudié les propriétés générales des tannins.

Le compte rendu d’activité de la Faculté des sciences pour l’année 1874-1875, présenté par son doyen à l’occasion de la séance solennelle de rentrée de l’université de Nancy, qui a lieu le 16 novembre 1875, évoque la soutenance de cette thèse. Le doyen, le professeur Chautard, indique que le travail a été effectué au laboratoire de chimie de la faculté, et qu’il a duré une année32. Son responsable est alors le professeur Camille Forthomme.

Il me semble intéressant de fournir ici quelques informations sur le bois de gaïac et sur ses différents emplois. Ce bois a en effet de nombreux usages, et il a été extrêmement célèbre en médecine et en pharmacie jusqu’au XIXe siècle. Originaire de l’île d’Hispaniola, appelé jasmin d’Afrique ou jasmin d’Amérique, le gaïac, ou gayac, a été inscrit sous de nombreuses formes galéniques ou pharmaceutiques dans plusieurs éditions de la pharmacopée française. Il l’était dans celle de 1866 quand Schmitt s’y est intéressé en 1874-1875. Le gaïac est connu depuis le début du XVIe siècle (ca 1504-1508), quand les Espagnols l’ont apporté d’Amérique et lui ont donné le nom de « bois saint », « saint bois » ou « bois de vie ». Nous verrons plus loin pourquoi. L’espèce la plus connue vient d’Amérique centrale et des Antilles. L’arbre est grand et beau et toujours vert, et son bois est très lourd et très dur, ce qui a permis de nombreux emplois industriels. Il s’en écoule naturellement une résine qui peut être obtenue en plus grande quantité en pratiquant un trou dans les bûches sur toute leur longueur, et en chauffant l’une des extrémités, la résine s’écoulant par l’autre. En pharmacie, on l’extrait aussi par l’alcool à partir du bois râpé. Cette résine est dure et cassante, brun verdâtre, d’odeur benzoïque (aromatique) et de saveur âpre. Elle contient différents acides ainsi qu’une matière colorante. Par distillation sèche, elle fournit le gaïacol et le gaïacène. En solution dans l’alcool, cette résine, appelée « teinture de gaïac », est un réactif des peroxydases : elle permet la mise en évidence d’une telle activité et donc des produits qui la possèdent. C’est le cas de l’hémoglobine du sang qui peut ainsi être mise en évidence là où elle ne devrait pas être, en particulier dans les selles. C’est ainsi qu’est recherchée la présence de sang dans les selles. Par ailleurs, du papier imbibé de ce

32 Rentrée solennelle des Facultés de Droit, Médecine, Sciences et Lettres de Nancy 16 novembre 1875, rapport

du doyen de la Faculté des sciences, Nancy, Berger-Levrault, 1875, p. 35-61, ici p. 69. Chautard dit que Schmitt est professeur adjoint, ce qui est faux. Il n’y en a jamais eu à l’Ecole.

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réactif et de sulfate de cuivre révèle la présence d’acide cyanhydrique, très toxique, à une faible concentration. Différents agents chimiques conduisent avec la résine à l’apparition d’une coloration.

La grande notoriété médicale du gaïac provient des propriétés qui lui ont été attribuées pendant longtemps, et en particulier d’être un antisyphilitique, ce qu’il n’est pas si ce n’est indirectement. Il passe en effet pour être antigoutteux, antirhumatismal, antiscrofuleux33 et antisyphilitique. En réalité, il est essentiellement diurétique et diaphorétique (qui fait transpirer), comme la salsepareille à laquelle son nom a souvent été associé. Les salsepareilles sont diurétiques, diaphorétiques et dépuratives. Introduites en Europe vers 1536, elles sont employées comme le gaïac et dans des conditions similaires pour éliminer « le virus » et favoriser l’absorption du mercure34. Ces deux propriétés ont valu au gaïac d’être souvent et pendant longtemps associé au traitement de la syphilis, maladie difficilement curable comme on le sait à une époque où les antibiotiques n’existent pas, et où on utilise le mercure, qui n’est pas dénué de toxicité et qui possède des inconvénients au niveau salivaire et dentaire. La guérison a été souvent attribuée au gaïac alors qu’il n’en était pas le responsable, au plus l’adjuvant, et ceci lui a valu une importante notoriété et les noms cités précédemment. Ses propriétés intrinsèques ont pu servir à l’élimination du « virus syphilitique » qui pouvait passer dans l’urine et dans la sueur. C’est pourquoi les malades sont installés sur un siège placé à l’intérieur d’une sorte de tonneau dont seuls la tête et le cou dépassent, et sous lequel on allume un feu alimenté par du bois de gaïac. La transpiration nécessaire au traitement est donc liée à la chaleur et au traitement consécutif à la prise médicamenteuse et peut-être aux vapeurs dues à la combustion. Le bois étant très dur, la forme pharmaceutique utilisée est souvent la décoction, qui est adaptée à cette situation et qui permet une prise orale du médicament. Si bien sûr ce moyen avait été abandonné quand Schmitt a consacré sa thèse à ce sujet, ce n’est qu’à la fin du siècle que le gaïac a définitivement perdu sa place au profit de l’iodure de potassium associé au mercure. On connaît, au XIXe siècle, des sirops de salsepareille à l’iodure de potassium qui sont employés comme antisyphilitiques35.

La résine de gaïac a été inscrite à la pharmacopée française en 1937. Sa teinture, c’est-à-dire sa solution dans l’alcool éthylique, a eu des emplois médicinaux. Elle était utilisée comme stimulant et comme sudorifique. Mais c’est un irritant à forte dose et elle provoque des maux de tête36. De nos jours, le nom du bois de gaïac ne se rencontre plus que dans la dénomination « gaïacol », un composé qui est utilisé dans le traitement des pathologies pulmonaires.

L’officine et l’activité de Charles Ernest à Châtillon-sur-Seine.

Charles Ernest Schmitt semble avoir quitté l’Ecole de pharmacie afin d’être libre pour se consacrer à la préparation de sa thèse de doctorat ès sciences. Comme nous apprenons par le compte rendu de l’université qu’elle a duré une année et s’est faite à la Faculté des sciences, il aurait été intéressant de savoir à quel moment il avait quitté Nancy avec sa famille pour se rendre à Châtillon-sur-Seine. Aux Archives municipales de Nancy, et en dépit de l’aide que m’a apporté leur personnel, il ne m’a pas été possible de savoir quand C.E. Schmitt était arrivé

33 Scrofule ou écrouelle est le nom donné à l’adénite cervicale tuberculeuse chronique. Pour sa part, l’adénite est

l’inflammation des ganglions lymphatiques.

34 Bzoura E., « Salsepareille », dans Dictionnaire d’histoire de la pharmacie, Paris, Pharmathèmes, 2e édition,

2007, p. 419-420.

35 Bzoura E., « Gaïac », dans Dictionnaire d’histoire de la pharmacie, op. cit., p. 210 ; Dorvault F., L’Officine,

Paris, Vigot, 16e édition, 1923, p. 790-791 pour le gaïac, et p. 1295 pour le sirop de salsepareille. 36 Dorvault F., L’Officine, Paris, Vigot, 21e édition, sous la direction de J. Leclerc, p. 685-686.

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à Nancy avec sa famille, ni quand il en avait déménagé pour la Bourgogne. Ceci est sans doute lié au fait qu’il y est resté trop peu de temps pour y être recensé. Il aurait été intéressant aussi de savoir pourquoi il choisit de s’installer temporairement à Châtillon-sur-Seine. Des membres de sa famille sont-ils venus vivre dans la région après avoir opté pour la France ?

A Châtillon, les recensements de 1874 et de 1876 indiquent sa présence au numéro 41 de la rue des Ponts et précisent qu’il est « Alsacien ayant adopté la nationalité française »37. Il n’existe malheureusement pas de photographie ni de carte postale connues de la pharmacie, cependant que le quartier a été détruit au cours des combats de juin 1940. L’en-tête du papier utilisé par Schmitt pour les documents issus de l’officine, les courriers et les factures, a été trouvé au cours des recherches effectuées en vue de la thèse de diplôme d’Etat de docteur en pharmacie qui est présentée plus haut dans ce mémoire38 ! Compte tenu de la qualité médiocre de ce document et du fait que la thèse est présente en ligne, je ne le reproduis pas ici.

Comme on le voit, ce document comporte des mentions et présente deux médailles. Celles-ci sont la reproduction des médailles d’argent et d’or que C.E. Schmitt a méritées à Strasbourg en 1863 et 1864. Les inscriptions indiquent successivement et en caractères typographiques variables : « Produits Chimiques & Pharmaceutiques/ Docteur Schmitt/ Pharmacien-Chimiste ». Viennent alors les indications sur ses activités passées : Ancien Préparateur de Chimie à la Faculté des Sciences/ Ex Professeur de Pharmacie aux Ecoles de Strasbourg et de Nancy/ Lauréat de l’Académie 1863 1864 », enfin « Châtillon S/Seine (Côte d’Or) le…18… ». L’analyse de ces quelques lignes révèle l’absence de plusieurs mentions et une exagération. Schmitt ne précise pas en effet qu’il a aussi été préparateur à l’Ecole de pharmacie ; peut-être désire-t-il insister sur sa compétence en chimie, qui est réelle, en raison de son activité commerciale de produits chimiques, qui est certainement mentionnée sur la vitrine de son officine. Il exagère quand il écrit qu’il est « ancien professeur ». Nous savons qu’il a occupé des fonctions magistrales, agrégé provisoire et chargé du cours, mais qu’il n’était pas professeur, même si ce n’était pas très différent. Il ne précise pas ce qu’étaient les disciplines qu’il a enseignées, le mot « pharmacie » étant ici un terme générique correspondant au métier préparé par ces deux écoles. Pour leur part, les précisions « Produits chimiques et pharmaceutiques » et « pharmacien-chimiste » sont très classiques. Les pharmaciens vendent en effet des produits chimiques, de droguerie, destinés à la photographie ; ils pratiquent diverses analyses dont celle de l’eau des puits et celle du raisin afin de déterminer la date du ban des vendanges, etc. Toutefois Schmitt ne mentionne pas sa capacité ou sa volonté de réaliser des analyses. La présence du tiret est classique aussi, il signifie « et ». Cependant, en toute rigueur, celui-ci tend à indiquer que son titulaire ne fait que de la pharmacie chimique, ce qui n’est pas le cas. La présence du terme « docteur » est assez rare car elle conduit à une ambiguïté que les médecins n’aiment pas beaucoup ! Elle n’est pas vraiment en usage dans notre profession qui, il faut le dire, ne dispose pas d’un vrai doctorat à ce moment mais seulement du curieux diplôme de « pharmacien supérieur de 1e classe » qui n’attire pas énormément. La présence de la mention

doctorale montre que l’en-tête est postérieure au mois de février 1875.

L’usage de ce papier officiel est bref, puisqu’en juillet 1876, Schmitt est sollicité par les Lillois qui lui demandent de devenir professeur à l’Université catholique, ce qu’il finit par accepter

37 Communication de Monsieur Diey, secrétaire de l’Association des amis du Châtillonnais, le 14 novembre 2020.

Je le remercie vivement de son accueil, ainsi que de la précision et de la rapidité de ses réponses.

38 Je pense qu’il s’agit d’un document issu des archives de l’Université catholique de Lille. En effet, dans leurs

remerciements, Juliette et Virginie évoquent Madame Cécile Caron, « archiviste à Lille, et les documents concernant Charles Ernest Schmitt ». Ce document se trouve page 156 de la thèse, qui est disponible en ligne.

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comme nous avons pu le constater39. Son refus initial est dû au fait qu’il avait prévu, à ma

connaissance, de devenir professeur de pharmacie à Nancy en fin d’année 1876. Cet en-tête n’a donc une utilité professionnelle que pendant un temps très court puisque son propriétaire quitte la Côte-d’Or pour devenir professeur à Lille, ce qu’il demeure jusqu’au terme de sa carrière. Il servira à d’autres usages, et le document reproduit dans la thèse porte le curriculum vitae de C.E. Schmitt, ce qui est très utile et confirme que cet en-tête est à lui. Le papier servait donc aux courriers officiels de la pharmacie Schmitt. Il est conforme aux inscriptions et aux usages du temps, qui n’ont plus cours aujourd’hui. Je regrette de ne pouvoir confronter ces titres à ceux qui étaient certainement inscrits sur la façade et/ou sur la vitrine de la pharmacie.

J’avais pensé initialement que l’activité de Charles Ernest Schmitt n’était pas officinale, ou pas seulement, mais industrielle, et qu’il existait à Châtillon une entreprise de préparation ou de conditionnement de produits chimiques. Cette hypothèse n’est pas confirmée par mon interlocuteur local. Afin de connaître un peu mieux les usages du temps en la matière, je me suis tourné vers des publications consacrées à des pharmacies du XIXe siècle dans lesquelles le pharmacien se livrait au commerce des produits chimiques et éventuellement en même temps à la confection de médicaments préparés à l’avance, nos actuelles spécialités. Le travail présenté dans la Revue d’histoire de la pharmacie sur le « Sirop des Vosges Cazé »40 comporte une photographie de l’en-tête des factures de la pharmacie Cazé de Saint-Quentin où il est écrit « Produits chimiques et pharmaceutiques », mais avec la mention « Pharmacie ». Ceci signifie certainement qu’à Châtillon, il en est de même chez Schmitt, et que cette mention n’est donc pas la marque de la présence d’une industrie ou d’un commerce particulier de droguerie. Dans le cas qui nous occupe, il n’y a cependant pas le mot pharmacie parce que Schmitt ne doit pas fabriquer de médicament de son invention. Je n’ai d’ailleurs rien trouvé à son nom sur le site internet de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Ainsi apparaît-il que C.E. Schmitt se livre comme nombre de ses confrères à cette activité « annexe » de l’officine qui rend certainement bien service à la population de Châtillon. Après avoir été « pharmacien-chimiste » pendant cinq années à Strasbourg, il l’est encore pendant deux années à Châtillon-sur-Seine avant de rejoindre à nouveau l’université où il va exercer pour la troisième fois.

Plusieurs publications paraissent pendant la période où Schmitt est en Bourgogne. Il est difficile de savoir aujourd’hui si ces travaux ont été effectués à Nancy pendant la courte période où il est à l’Ecole supérieure de pharmacie, ou s’ils l’ont été à la pharmacie. Une telle éventualité ne peut pas être rejetée, car les pharmaciens officinaux ont réalisé et publié un très grand nombre de résultats qui étaient issus de leurs laboratoires personnels. Il est possible aussi bien sûr que les deux situations aient existé, sachant qu’il faut également tenir compte du délai de publication. Là encore les titres varient.

« Examen des résidus de la fabrication du prussiate jaune provenant de l’établissement de Bouxwiller », L’Union pharmaceutique, 1874, p. 10-13. Ici, en raison de l’origine du produit chimique, un début de travail à Strasbourg avant le conflit et la défaite est possible.

« Procédé de dosage comparatif des substances tannantes », Journal de pharmacie d’Alsace et

de Lorraine, 1874, p. 52-54 (cette revue en français ne commence à paraître qu’après

l’Annexion) ; Bulletin de la Société chimique de Paris, 1874, p. 256-261 ; et L’Union

39 Lesne E., Histoire de la fondation de l’Université catholique de Lille (1874-1877), op. cit., p. 66-67. C’est

Chautard qui est à l’origine de la venue de Schmitt à Lille.

40 Cazé P., « Histoire d’une marque : le Sirop des Vosges Cazé », Revue d’histoire de la pharmacie, 1992, n°293,

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pharmaceutique, 1874, p. 68-74. Il est possible de poser ici la même question : ce travail est-il

d’origine strasbourgeoise ou existait-il à Châtillon des tanneries qui auraient pu le susciter ? « Nouvel appareil à extraction par déplacement continu », L’Union pharmaceutique, 1875, p. 1-2. Ce travail est à nouveau publié plus tard : Journal de pharmacie et de chimie, 1877, p. 57-58, et encore ultérieurement.

Il est important de préciser qu’à l’époque, les publications sont très fréquemment publiées à plusieurs reprises sous des titres légèrement différents afin d’assurer une diffusion suffisante de l’information scientifique. Ceci complique beaucoup la réalisation des listes dans les biographies.

Le dernier travail de la période est la thèse de doctorat ès sciences physiques qui a été mentionnée plus haut.

Le court séjour de la famille Schmitt à Châtillon est marqué par un évènement pénible : le décès du fils aîné du couple, Pierre, à l’âge de cinq ans. Deux naissances tempèrent ce drame : la venue d’Anna Antoinette en 1874, et celle de Paul en 1876. Celui-ci, ancien élève de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et de l’Ecole de guerre, capitaine breveté, meurt en septembre 1914, pendant les premiers combats de la Première Guerre mondiale41. Les naissances ultérieures, au nombre de cinq, trois filles et deux garçons, auront lieu pendant le long séjour de la famille à Lille, entre 1878 et 1889.

Le recrutement par l’Université catholique de Lille

Nous savons par l’histoire de la fondation de l’Université, rédigée par Lesne42 en 1927 comme déjà indiqué, comment se sont effectués les recrutements. Le chapitre sept de son ouvrage, qui traite de la Faculté des sciences, décrit ce qui s’est passé pour Chautard et pour Schmitt. Comme je le pensais, c’est Chautard qui attire l’attention sur lui. Il faut indiquer d’abord que des rapports venus de Nancy, où Jules Chautard est professeur de physique et doyen de la Faculté des sciences, et de Paris, indiquaient l’intérêt majeur de la venue de celui-ci à Lille. Ayant reçu une première visite à Nancy le 22 juin, Chautard avait opposé un refus. A l’issue d’autres sollicitations, il avait finalement accepté de faire partie des cadres de la nouvelle université et il avait démissionné de ses fonctions de professeur à Nancy le 4 septembre. Il était alors parti dans sa propriété de Croissanville, dans la Manche, et c’est de là qu’il a écrit à Schmitt le 17. Compte tenu de l’écriture et de la petitesse du document, je ne parviens malheureusement pas à lire ce courrier qui figure dans la thèse précitée43.

Lesne écrit que c’est en juillet que Chautard conseille de recruter C.E. Schmitt en qualité de professeur de chimie pour la Faculté des sciences. Il est « très bon chimiste, possède la pratique des laboratoires allemands et parle la langue allemande ». Si le premier point est vrai, les suivants ne le sont peut-être pas. Schmitt n’a pas, me semble-t-il, été étudier ni préparer sa thèse en Allemagne. Quant à la pratique de l’allemand, n’est-elle pas seulement une pratique du dialecte ? Dans un premier temps, il est tout aussi opposé à partir pour Lille que Chautard. Puis la résistance de celui-ci diminuant, la sienne fait de même. Ceci est au moins en partie lié au fait que le futur doyen de la Faculté de médecine et de pharmacie, le professeur Antoine Béchamp, doyen de la Faculté de Montpellier, a décidé de faire de lui son professeur de pharmacie, et aussi de chimie minérale. Schmitt va donc cumuler deux emplois. Le 1er octobre,

41 Sauvageon M.D., Geneanet, consulté le 7 novembre 2011 ; Base Leonore, dossier de nomination de François

Paul Schmitt dans l’Ordre de la Légion d’honneur (LH/2482/42), consulté le 13 février 2021.

42 Lesne E., Histoire de la fondation de l’Université catholique de Lille (1874-1877), op. cit.

43 En raison de la pandémie virale, le service des archives de l’Université catholique n’a pu me fournir aucun des

(17)

il autorise le professeur Chautard à traiter en son nom. Il signe son contrat avec la Société civile de l’Université catholique le 18 novembre 1876. Le Bulletin des sciences pharmacologiques précise qu’il est nommé professeur le 1er novembre. L’inauguration de l’Université a lieu le 18 janvier 1877.

Ses réticences initiales sont dues au fait qu’il ambitionnait de devenir professeur de pharmacie à Nancy, où, comme on le sait, la chaire est vacante. Cet emploi, il l’a occupé en qualité d’agrégé provisoire, et il doit être question d’y nommer un professeur, maintenant que quelques années ont passé et que l’Ecole a retrouvé son indépendance par le décret du 11 janvier 1876. Lesne écrit qu’il a fait acte de candidature. En effet, un professeur de pharmacie est nommé le 1er décembre44 en la personne d’Armand Etienne Descamps, venant de l’Ecole de médecine et

de pharmacie d’Alger, et l’intitulé de la chaire devient « Pharmacie chimique » le 1er janvier 1877. C’est à cette date que se terminait le congé de C.E. Schmitt. Il fallait qu’il ait un emploi à ce moment, à moins de choisir de demeurer pharmacien d’officine. Tout dépend aussi de ce qu’était sa situation à la pharmacie à Châtillon : était-il propriétaire ou seulement gérant, et pour une durée déterminée ? Descamps est originaire de Valenciennes, il est un petit peu plus âgé que Schmitt puisque né en 1839, et il enseignait auparavant l’histoire naturelle et la matière médicale, comme Schmitt l’avait en partie fait à Strasbourg. Sa carrière nancéienne est brève puisqu’il meurt le 13 février 188245

Les débuts de l’Université catholique

Charles Ernest Schmitt est professeur de chimie à la Faculté libre des sciences, et professeur de pharmacie à la Faculté libre de médecine et de pharmacie de l’Université catholique de Lille, à partir du 1er novembre 187646. A la rentrée de 1877, quinze chaires sont pourvues dont trois de chimie, qui sont attribuées à Béchamp père et fils et à Schmitt. La sienne a pour intitulé « chimie minérale et pharmacie ». Dix années plus tard, avec le départ de la famille Béchamp, il ne reste plus que deux chaires, et l’intitulé de celle de Schmitt varie légèrement en raison des changements intervenus dans l’attribution des enseignements : elle est devenue « chimie et pharmacie »47. Ses travaux scientifiques et professionnels portent sur la pharmacie et la pharmacologie, la chimie et l’hygiène. Leur liste figure dans le Bulletin des sciences

pharmacologiques avec sa notice nécrologique48.

La première « équipe pharmaceutique » de la nouvelle université comporte trois pharmaciens : Antoine Béchamp, qui est le doyen de la Faculté mixte, mais qui ici est « d’abord » médecin compte tenu de sa nomination et de la fonction décanale qui lui est attribuée, Julien Jeannel, ancien pharmacien militaire de haut rang, célèbre pour sa participation à l’histoire de la poste aérienne à Metz pendant le siège de 1870, et Schmitt. Joseph Marie Béchamp est quelquefois

44 Bulletin administratif de l’Instruction publique, 1876, n°396, p. 830 ; Recueil des lois et actes de l’Instruction

publique, 1876, n°34, p. 609.

45 Strohl S.-A., Les dix premières années de l’Ecole supérieure de pharmacie de Nancy (1872-1882), thèse de

diplôme d’Etat de docteur en pharmacie, Nancy, 2001, 140 p., ici p. 89. La thèse est entièrement disponible sur internet.

46 Discours du professeur Carrez, Paris, L’Union pharmaceutique, 1905, 46e année (juin), p. 287-288, avec, comme

fréquemment, des erreurs sur les périodes strasbourgeoise et nancéienne.

47 Liefooghe J. et Ducoulombier H., Histoire de la Faculté libre de médecine et de pharmacie de Lille de 1876 à

2003, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2010, 552 p., ici p. 138, note 42, p. 414, 423 et

456.

Figure

Figure 1 : le Palais académique de Nancy. Carte postale ancienne (plus tardive que 1872  puisque le nom de la place a changé), collection P
Figure 2 : reproduction du portrait de C.E. Schmitt que possédait la Faculté de pharmacie de  Nancy, et qui est aujourd’hui déposé au musée de la santé

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