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Université de Poitiers Faculté de Médecine et Pharmacie

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Texte intégral

(1)

Université de Poitiers

Faculté de Médecine et Pharmacie

Année 2011 Thèse n°

THESE

POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE

(décret du 16 janvier 2004)

présentée et soutenue publiquement le 06 juillet 2011 à Poitiers par Monsieur Louis-Adrien DELARUE

Composition du Jury :

Président : Madame le Professeur Marie-Christine PERAULT-POCHAT

Membres : Madame le Professeur France ROBLOT Monsieur le Professeur Marc PACCALIN Monsieur le Professeur associé José GOMES

Directeur de thèse : Monsieur le Docteur Jean-Louis LEVESQUE

Les Recommandations pour la Pratique Clinique élaborées par les autorités sanitaires françaises sont-elles sous influence industrielle ?

A propos de trois classes thérapeutiques.

(2)
(3)
(4)

A mes Anges de la rue, Céleste et Colombe.

Que l’esprit critique et l’indignation soient avec vous.

(5)

REMERCIEMENTS

Merci à mes parents, Hélène et Stéphane, qui ont su éveiller en moi la flamme critique nécessaire à l’insoumission et à l’insurrection de ma conscience. Merci également d’avoir cru en mon destin de médecin généraliste… dès la première heure.

Merci à mes traducteurs anglophones : Vincent Terrisse, médecin généraliste et poète tourmenté, et Mathieu Gratereau, vadrouilleur polyglotte et beau-frère de surcroît.

Merci à Michaël Rousset Forest, ami et spécialiste en soutien et encouragements.

Merci ma Steph’ pour ton aide précieuse, ta patience et ton indéfectible amour.

Monsieur le Docteur Jean-Louis Levesque, merci pour tout. Merci de m’avoir permis de soutenir un tel sujet de thèse. C’est le plus beau cadeau de fin d’études que tu pouvais m’offrir. Je tiens également à te remercier pour le grand combat que tu mènes avec d’autres enseignants, celui de la défense d’une médecine générale de proximité, humaine et solidaire.

Je veux également exprimer ma gratitude à l’égard de deux médecins généralistes, pour leurs conseils avisés et leur aide éclairée. Merci donc au Docteur Philippe Foucras, fondateur et président du Formindep (collectif pour une formation et une information médicales indépendantes), et au Docteur Dominique Dupagne, administrateur du site internet Atoute.org (site spécialisé dans les forums médicaux et l’éthique médicale) et membre du Formindep.

Merci aux membres de la liste internet des lecteurs de la revue Prescrire (LecteurPrescrire@yahoogroupes.fr ) pour leurs avis passionnés ou passionnants.

Et puis merci aux lanceurs d’alerte. Le monde n’est pas une marchandise.

(6)

A Madame le Professeur Marie-Christine Perault-Pochat :

Vous me faites l’honneur de présider cette thèse, veuillez trouver ici l’expression de ma sincère reconnaissance.

A Madame le Professeur France Roblot :

Merci d’avoir eu la gentillesse d’accepter de juger ce travail sans me connaître et de m’accorder de votre temps.

A Monsieur le Professeur Marc Paccalin :

Merci d’avoir accepté de siéger à mon jury de thèse et de m’accorder de votre temps. Ancien interne de votre service, je vous remercie de l’écoute et de la disponibilité dont vous avez fait preuve à mon endroit et à celui des autres étudiants.

A Monsieur le Professeur associé José Gomes :

Merci de me faire l’honneur de juger cette thèse. Je vous remercie de représenter ici l’enseignement universitaire de la médecine générale.

(7)

AVANT-PROPOS

Mon travail de thèse clôture en 2011 neuf années d’études de médecine, dont huit passées à l’hôpital. Pendant ces longues années, je n’ai eu que peu l’occasion d’observer mes pairs émettre une réflexion critique à l’égard des industriels du médicament. En 2004, le scandale du Vioxx° n’a rien changé à cet état de fait.

En revanche, j’ai eu deux chances dans ma vie estudiantine. La première est d’avoir été en contact avec un beau-père, médecin généraliste, qui m’a éveillé aux nombreuses techniques manipulatoires de l’information scientifique, qui m’a appris le doute, la remise en cause, la capacité critique. La deuxième est d’avoir rencontré, en 2006, le Dr Jean-Louis Levesque qui était alors mon maitre de stage en médecine générale ambulatoire, et qui a su développer mes réflexions et renforcer l’idée que toute vérité est bonne à dire. Fin observateur, il m’a alors audacieusement proposé ce sujet de thèse. L’audace était réelle parce que le sujet était sensible. Il l’est toujours d’ailleurs. Les laboratoires pharmaceutiques n’apprécient guère que leur image soit écornée sur la place publique, et les médecins aiment peu qu’on suspecte certains d’entre eux d’être influençables ou influencés.

Ce travail de thèse, proposé en ce milieu d’année 2011, est le fruit de quatre années de lecture et de réflexion. Les dernières tempêtes médiatiques qui se sont abattues sur le paysage sanitaire français (Grippe A/H1N1 et Mediator°) montrent que le sujet auquel je me suis intéressé, relativement confidentiel il y a quelques années, est maintenant d’une actualité frappante. Les derniers mois ont d’ailleurs été prolixes en informations nouvelles, et les mois qui suivront devraient l’être tout autant.

Par ailleurs, je veux profiter de cet avant-propos pour dire avec force qu’aucun jugement de valeur ne sera porté sur les personnes nommées dans cette thèse, et qu’il n’est pas dans mon intention de fustiger personnellement qui que ce soit.

Répondre à la question posée dans cette thèse nécessite néanmoins de déterminer les rôles de chacune des personnes en charge d’émettre des Recommandations pour la Pratique Clinique.

(8)

« J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. »

« Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. »

Extraits du serment d’Hippocrate réactualisé.

Bulletin de l’Ordre des Médecins n°4, avril 1996.

(9)

SOMMAIRE

DECLARATION PUBLIQUE D’INTERETS... 12

INTRODUCTION... 14

PARTIE I : Quatre Recommandations pour la Pratique Clinique à l’épreuve des données de la science ... 17

I. Les Recommandations pour la Pratique Clinique... 19

1. Ses intentions et ses prérogatives... 19

2. Critères de fiabilité d’un guide de pratique clinique ... 21

3. Présentation des quatre guides de pratique clinique... 22

II. Médicaments anti-Alzheimer et guide « Maladie d’Alzheimer »... 24

1. Etat des lieux... 24

1.1. Epidémiologie et enjeux ... 24

1.2. Les traitements médicamenteux ... 25

2. Recommandations de la HAS ... 27

2.1. Dans la synthèse... 27

2.2. Dans la recommandation proprement dite ... 28

2.3. Et dans l’argumentaire…... 28

2.4. Au total, de nombreux écueils ... 35

3. Les données acquises de la science... 36

3.1. Préambule... 36

3.2. Echelles psychométriques dans les essais cliniques ... 37

3.3. Efficacité des anticholinestérasiques: données de la science... 41

3.4. Efficacité de la Mémantine: données de la science... 51

3.5. Les publications concernant la tolérance des anti-Alzheimer... 53

3.6. Anti-Alzheimer : une balance bénéfices-risques défavorable... 56

3.7. Le coût de ces traitements ... 56

4. Des recommandations litigieuses... 58

III. Glitazones et guide « Diabète de type 2 »... 60

1. Introduction ... 60

2. Recommandations de la HAS et de l’Afssaps ... 62

2.1. Les objectifs du traitement selon la HAS et l’Afssaps ... 63

2.2. Les traitements antidiabétiques... 64

2.3. Quid des glitazones (thiazolidinediones) ? ... 65

3. Les données acquises de la science... 73

3.1. Année 2002 : l’évaluation des bulletins indépendants ... 73

3.2. Année 2005 : l’étude PROactive ... 74

3.3. Avec le temps… ... 76

3.4. Le coût des glitazones pour l’Assurance Maladie ... 80

4. Des recommandations clémentes à l’égard des glitazones... 81

(10)

IV. Coxibs et guides « Polyarthrite rhumatoïde » et « Spondylarthrites »... 83

1. Contexte historique ... 83

2. Pharmacologie, commercialisation et indications ... 85

2.1. Pharmacologie ... 85

2.2. Commercialisation et indications des Coxibs en France ... 87

3. Recommandations de la HAS ... 87

3.1. Le guideline « Polyarthrite rhumatoïde »... 88

3.2. Le guideline « Spondylarthrites » ... 102

4. Place des coxibs dans l’arsenal thérapeutique ? ... 103

V. Quatre recommandations non conformes aux données de la science .. 104

PARTIE II : Les recommandations sanitaires publiques sont-elles sous dépendance industrielle ? ... 105

I. La stratégie globale d’influence de l’industrie pharmaceutique ... 106

1. Le lobby pharmaceutique ... 106

2. Leaders d’opinion, une des clés du lobbying pharmaceutique ... 112

2.1. Qu’est ce qu’un leader d’opinion ? ... 112

2.2. Les leaders d’opinion en France, l’exemple de l’AFEM... 115

3. Les recommandations peuvent-elles être épargnées ? ... 118

II. Les conflits d’intérêts... 120

1. Définitions ... 120

2. Conflit d'intérêts, prise illégale d’intérêts et corruption ... 122

2.1. Des conflits d’intérêts à la corruption ... 122

2.2. Le délit de corruption passive et de trafic d’influence ... 123

2.3. Le délit de prise illégale d’intérêts ... 124

2.4. La conception française des conflits d’intérêts ... 124

3. L’absence de prévention des conflits d’intérêts... 126

4. Stratégie de prévention des conflits d’intérêts en médecine ... 128

4.1. L’influence des liens avec les firmes est sous-estimée ... 128

4.2. Déclarations publiques d’intérêts : devoir de transparence... 129

4.3. Le devoir d’indépendance de la Haute Autorité de Santé ... 131

III. Les guides de pratique obéissent-ils aux obligations de la HAS ?... 133

1. Les groupes d’experts qui élaborent les guides de pratique clinique ... 133

1.1. Présentation liminaire... 133

1.2. Le comité d'organisation ... 134

1.3. Le groupe de travail ... 135

1.4. Le groupe de lecture ... 136

1.5. En résumé... 137

2. Méthodologie de l’enquête ... 138

3. Le guide « Maladie d’Alzheimer » de mars 2008... 140

3.1. Comité d’organisation : ... 140

3.2. Groupe de travail :... 140

4. Le guide « Diabète de type 2 » de novembre 2006... 142

5. Le guide « Polyarthrite rhumatoïde » de septembre 2007... 143

5.1. Comité d’organisation ... 143

5.2. Groupe de travail :... 144

(11)

6. Le guide « Spondylarthrites » de décembre 2008 ... 150

6.1. Comité d’organisation : ... 150

6.2. Groupe de travail sur la prise en charge thérapeutique ... 151

7. Elaboration des guides : transparence et indépendance en trompe-l’œil ?. 156 IV. Les recommandations sont-elles biaisées par influence industrielle ?.. 158

1. Ce que nous apprend la littérature internationale... 158

1.1. Les études financées par les firmes pharmaceutiques ... 158

1.2. Les revues médicales financées par l’industrie pharmaceutique... 161

1.3. Les prescripteurs qui entretiennent des liens avec l’industrie ... 165

1.4. Les guides de pratique clinique dans le monde ... 172

1.5. Les guides cliniques de la HAS, cibles des firmes ... 175

2. Quatre guides de la HAS à l’épreuve d’une thèse de médecine ... 176

2.1. Parallèles ... 176

2.2. Croisement des données ... 178

CONCLUSION ... 179

BIBLIOGRAPHIE ... 182

LISTE DES ABREVIATIONS ... 195

ANNEXES... 198

RESUME ... 211

SERMENT D’HIPPOCRATE ... 213

POSTFACE……….215

(12)

DECLARATION PUBLIQUE

D’INTERETS

(13)

DECLARATION PUBLIQUE D’INTERETS

Je soussigné, Louis-Adrien Delarue, doctorant en médecine générale et auteur de cette thèse, déclare n’avoir aucun lien d’intérêt de quelque nature que ce soit, direct ou indirect, à titre personnel ou via les membres de ma famille, avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé.1

1 L’article L 4113-13 du code de la santé publique fait obligation aux membres des professions médicales qui s’expriment sur les produits de santé de faire une déclaration de leurs liens avec les entreprises, établissements et organismes qui les produisent ou les exploitent ou les conseillent.

(14)

INTRODUCTION

(15)

INTRODUCTION

En France, les scandales médicamenteux se sont accumulés ces dernières années, entamant durement la crédibilité des agences sanitaires, soupçonnées de complaisance à l’égard de ce qu’on appelle le « Big Pharma », un des lobbies industriels les plus puissants du monde.

Malgré les alertes successives, le scandale Mediator° n’a éclaté qu’en fin d’année 2010. Les suspicions de collusions entretenues par le laboratoire Servier avec des personnalités politiques ou des experts médicaux travaillant pour des agences publiques, ont une nouvelle fois provoqué l’ébullition de la communauté scientifique, et ému patients, citoyens et corps politique français. Les premiers rapports officiels constatent alors la faillite de l’expertise en charge de l’évaluation, de la mise sur le marché et de la surveillance du médicament. Et l’influence industrielle a joué un rôle prépondérant dans cet échec (1, 2).

Le Président de la République française, Monsieur Nicolas Sarkozy, réclame alors « une démarche de refondation en profondeur de notre politique du médicament » et souhaite la « garantie absolue de l’indépendance, de la transparence et de l’impartialité dans les prises de décision » (3).

Mais si le circuit du médicament est gravement mis en cause, et avec lui le fonctionnement des agences sanitaires, les comités ou commissions d’experts mandatés par ces mêmes agences pour élaborer et diffuser des recommandations professionnelles, semblent épargnés par ces rapports.

Les recommandations à l’intention des professionnels de santé émises par les autorités sanitaires, plus particulièrement les Recommandations pour la Pratique Clinique (RPC), jouissent d’une aura de scientificité presque exemplaire au sein de la littérature médicale, en ce sens qu’elles se prévalent de la médecine basée sur les niveaux de preuve (4). Et, comme le rappelle le Formindep, collectif pour une formation médicale indépendante constitué en 2004, « ces recommandations, si elles n’ont certes pas force de loi, ont la prétention de dire la réalité scientifique médicale du moment aux autorités de santé, aux professionnels de santé, à la sécurité sociale, à la société dans son ensemble » (5).

(16)

Des voix discordantes comme le collectif Formindep ou la revue Prescrire, bien qu’encore très minoritaires dans le monde médical, condamnent fermement quelques-unes de ces recommandations, affirmant qu’elles ne sont pas conformes aux données de la science et ne respectent pas leur objectif d’indépendance à l’égard des industriels du médicament. A l’aune des scandales éclaboussant régulièrement les agences sanitaires, les questions concernant la licéité scientifique de ces recommandations et l’indépendance de l’expertise en charge de leur élaboration, méritent plus d’attention que celle qu’on leur prête actuellement dans la communauté médicale et politique.

La première partie de cette thèse sera consacrée à une analyse détaillée de quatre Recommandations pour la Pratique Clinique émises par la Haute Autorité de Santé (HAS), sous l’angle de trois classes thérapeutiques, pour déterminer si oui ou non, elles sont en conformité avec les connaissances de la science médicale :

1. Prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées (Mars 2008) et les anti-Alzheimer,

2. Traitement médicamenteux du diabète de type 2 (Novembre 2006) et les glitazones2,

3. Polyarthrite rhumatoïde : prise en charge en phase d’état (Septembre 2007) et les coxibs,

4. Diagnostic, prise en charge thérapeutique et suivi des spondylarthrites (Décembre 2008) et les coxibs.

La deuxième partie de ce travail questionnera l’indépendance de l’expertise en charge de produire ces recommandations, au sein des autorités sanitaires publiques.

Une fois ces données juxtaposées, la question reprise dans le titre de cette thèse sera abordée : les recommandations professionnelles peuvent-elles être, ou sont- elles déformées par des influences industrielles ? Autrement dit, des activités de lobbying pharmaceutique et des conflits d’intérêts pèsent-ils dans la balance lorsque des experts français émettent des recommandations pour la pratique clinique ?

La modeste contribution de ce travail de thèse s’ajoutera aux travaux internationaux existants, dans le but de répondre à ces interrogations.

2 Cette recommandation a été réalisée par la HAS conjointement à l’Agence Française de Sécurité des Produits de Santé (Afssaps).

(17)

PARTIE I

(18)

PARTIE I: QUATRE RECOMMANDATIONS POUR LA PRATIQUE CLINIQUE A L’EPREUVE DES

DONNEES DE LA SCIENCE

En France, il existe différents types de recommandations professionnelles émises par les autorités sanitaires, plus ou moins formalisés selon la méthodologie employée : Recommandations pour la Pratique Clinique, conférences de consensus, fiches de bon usage du médicament, guides des Affections de Longue Durée (alias guides ALD), guides d’évaluation, référentiels d’évaluation, documents d’information, fiches méthodologiques, etc.

Mais celles qui représentent le « gold standard », car internationalement reconnues pour leur méthodologie et leur qualité scientifique, sont les Recommandations pour la Pratique Clinique (RPC). L’élaboration des RPC françaises a été confiée par le législateur en 2004 à la Haute Autorité de Santé (HAS), organisme sanitaire dont les statuts juridiques instituent l’indépendance à l’égard de l’industrie pharmaceutique (6). L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (Afssaps) a fait le choix de produire également ce type de recommandations, mais ce n’est pas son ordre de mission première, expliquant probablement une méthodologie moins aboutie et des règles d’élaboration moins précises (7).

Par conséquent, ce sont donc principalement les Recommandations pour la Pratique Clinique, en provenance de la HAS, qui feront l’objet d’une étude approfondie dans ce travail de thèse.

(19)

I. L ES R ECOMMANDATIONS POUR LA P RATIQUE C LINIQUE

1. Ses intentions et ses prérogatives

Selon ses propres termes, la Haute Autorité de Santé a la mission d’émettre des « Recommandations de Bonnes Pratiques», par le truchement de deux méthodes bien distinctes : la méthode dite de « Recommandations pour la Pratique Clinique », la plus fréquemment employée, et la méthode dite de

« Recommandations par Consensus Formalisé » (8). Cependant, ces appellations sont spécifiques à la HAS.

Dans les pays anglo-saxons, on distingue deux procédures de recommandations médicales standardisées

• Les « Clinical practice guidelines » que l’on peut traduire littéralement par

« guides de pratique clinique ». En France, on traduit souvent par

« Recommandations pour la Pratique Clinique ». Ces guides sont élaborés à l’aide d’une méthodologie standardisée et d’une évaluation des niveaux de preuve pour aboutir à des recommandations (9). Sur le plan international, l’évaluation de la qualité des recommandations professionnelles repose sur un outil standardisé de plusieurs critères, appelé grille AGREE3 (10).

• les « Consensus conferences ». Les « conférences de consensus » sont des réunions de réflexion collective qui aident à éclairer les sujets controversés, lorsqu’il n’existe aucun travail scientifique indiscutable permettant de trancher une question polémique4 (11).

3 AGREE : Appraisal of Guidelines for Research and Evaluation.

4 Un plaidoyer intitulé « Rendez-nous nos conférences de consensus » du Dr Dominique Dupagne, médecin généraliste, est disponible sur le forum qu’il a créé : atoute.org. Il y explique avec clarté le principe des

(20)

Dans le cadre de cette thèse, afin de désigner les « Recommandations pour la Pratique Clinique (ou RPC) », nous emploierons également les termes « guides de pratique clinique » ou encore « guidelines ». Nous éviterons le terme de

« Recommandations de Bonnes Pratiques », propre à la HAS, pour éviter toute confusion sur la méthodologie employée (Recommandations pour la Pratique Clinique ou conférences de consensus ?)

Selon le livre de Trisha Greenhalgh « Savoir lire un article pour décider »5, véritable ouvrage pédagogique vulgarisant et détaillant le concept de médecine fondée sur les niveaux de preuve, les Recommandations pour la Pratique Clinique sont des affirmations développées de façon systématique pour aider les praticiens à choisir les soins appropriés dans des circonstances cliniques précises (12). Ce sont donc des synthèses méthodiques de connaissances médicales, dont les objectifs sont multiples :

• Rendre explicites et accessibles des références médicales fondées sur des niveaux de preuve.

• Informer les patients et les praticiens des meilleures pratiques actuelles.

• Rendre plus facile et plus objective la prise de décision au cabinet médical et au lit du malade.

• Fournir un référentiel pour évaluer la performance des praticiens.

• Préciser le partage des responsabilités (entre généralistes et spécialistes, entre médecins et autres personnels soignants, etc.)

• Améliorer le rapport coût/efficacité des services de santé.

En France :

• Elles servent de références pour l’enseignement des étudiants et la formation médicale continue.

• Elles sont utilisées par l’Assurance Maladie pour la gestion des relations avec les professionnels de santé (Contrats d’amélioration des pratiques individuelles, alias CAPI, Convention médicale, etc.)

5 Le titre original est “How to read a paper. The basics of evidence-based medicine”. L’édition française “Savoir lire un article médical pour décider : la médecine fondée sur les niveaux de preuve (evidence-based medicine) au quotidien“ n’est actuellement plus disponible. J’ai eu cependant l’opportunité de m’en procurer un exemplaire.

(21)

• Elles servent de base à l’Assurance Maladie pour déterminer les conditions de prise en charge et de remboursement des assurés sociaux souffrant de maladies chroniques (13).

• Elles sont susceptibles de constituer des références « médico-légales » opposables, comme le démontrent certaines décisions judiciaires (14).

Ces recommandations ont pour intérêt d’éviter au praticien de naviguer à vue parmi les centaines de milliers d’articles médicaux existants et de pertinence inégale.

Elles ont pour but final d’harmoniser les pratiques médicales en se fondant sur les meilleures données de la science du moment, et in fine, d’améliorer l’état de santé des patients.

Soulignons qu’une dérive possible est l’application de ces recommandations « les yeux fermés » ou de les rendre compulsivement « opposables ». Trisha Greenhalgh rapporte les propos du Professeur J. Grimley Evans qui s’intéressait à ces questions en 1995 : « on peut craindre qu’en l’absence de données clairement applicables à une situation clinique précise, des recommandations contraignent un praticien à se fonder sur des données de pertinence douteuse, éventuellement issues d’études réalisées sur d’autres types de patients, dans un autre pays, à une époque différente, et avec un traitement comparable mais non identique. Il s’agit alors de médecine flouée par les preuves […] » (12).

2. C ritères de fiabilité d’un guide de pratique clinique

L’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES) en 1999 (dont les missions ont été reprises par la HAS en 2004) nous rappelle que la force et la fiabilité des conclusions et des recommandations seront d'autant plus importantes qu'elles :

(22)

• seront fondées sur des informations valides et complètes (importance de la recherche et de l'analyse de la littérature) ;

• se référeront à un niveau de preuve défini et explicite ;

• distingueront preuve et présomption ;

• seront claires, précises, spécifiques et pratiques ;

• se seront vues appliquer une démarche déontologique irréprochable, présupposant une gestion rigoureuse des conflits d’intérêts (9).

3. Présentation des quatre guides de pratique clinique

Essayons à présent d’évaluer la validité et la crédibilité de quatre Recommandations pour la Pratique Clinique émises par la HAS (et l’Afssaps), sous le prisme de trois grandes classes de médicaments :

Guides de pratique clinique Médicaments

Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées (HAS, mars 2008) (15).

Anti-Alzheimer

Traitement médicamenteux du diabète de type 2 (HAS et Afssaps, novembre 2006) (16).

Glitazones

Polyarthrite rhumatoïde : prise en charge en phase d’état (HAS, septembre 2007) (17).

Coxibs

Diagnostic, prise en charge thérapeutique et suivi des spondylarthrites (HAS, décembre 2008) (18).

Coxibs

Dans un but didactique, et par commodité, nous nommerons chacun de ces guides de pratique clinique par le nom de la maladie principale dont ils traitent : par exemple, le guide de pratique « Prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées » sera surnommé le guide « Maladie d’Alzheimer. »

(23)

Le choix de ces recommandations a prévalu pour plusieurs raisons :

- Elles concernent des pathologies lourdes, chroniques, inscrites sur la liste des trente affections de longue durée (ALD 30) permettant une prise en charge à 100% par la Sécurité Sociale.

- Les recommandations choisies sont relativement récentes (5 ans maximum) et ont toutes été réalisées dans le contexte post-traumatique du retrait mondial du Vioxx° (rofécoxib) en 2004, désa stre sanitaire majeur avec des dizaines de milliers de décès imputables au médicament (19).

- Les médicaments s’inscrivant dans le champ de ces recommandations sont des thérapeutiques souvent récentes et chères, présentées par l’industrie pharmaceutique comme des « innovations ».

- Ces médicaments sont l’objet de polémiques passées et/ou présentes.

Chacun de ces guides de pratique clinique est composé de trois documents, tous mis en ligne sur le site internet de la HAS : la synthèse, la recommandation proprement dite, et l’argumentaire.

- La synthèse et la recommandation proprement dite sont destinées à être lues par le plus grand nombre de praticiens. La recommandation proprement dite doit développer la synthèse de manière concise et roborative, de telle sorte qu’elle puisse exposer des informations argumentées mais qui restent utilisables en pratique courante, afin d’orienter les thérapeutes dans leurs attitudes ou décisions, qu’elles soient préventives, diagnostiques ou thérapeutiques. Les extraits de la recommandation proprement dite sont souvent repris dans les journaux médicaux, par les associations de patients, ou par les sociétés scientifiques concernées.

- L’argumentaire, de lecture plus longue et plus ardue, est un texte détaillé, longuement argumenté et qui permet de s’y référer pour approfondir le sujet sur un point donné (lors d’un séminaire professionnel, d’une synthèse méthodique, etc.)

(24)

II. M EDICAMENTS A NTI -A LZHEIMER ET GUIDE « MALADIE D ALZHEIMER »

1. Etat des lieux

1.1. Epidémiologie et enjeux

En France, la maladie d’Alzheimer représente la démence la plus fréquente : elle toucherait 800 000 à 850 000 personnes, dont la moitié ne serait pas diagnostiquée ou déclarée. C’est une pathologie qui touche essentiellement les sujets âgés de plus de 60 ans. Entre 300 000 et 400 000 personnes de plus de 60 ans sont déclarées en Affection de Longue Durée (ALD) et/ou traitées. L’incidence de la maladie serait de 225 000 nouveaux cas par an. En 2050, entre 1.5 million et 2 millions de personnes seraient touchées. Ces estimations françaises montrent l’ampleur de cette pathologie dans le contexte du vieillissement de la population (20, 21).

La durée de survie moyenne est estimée entre cinq et huit ans à partir de l'établissement du diagnostic (22, 23).

Comme toute démence, elle entraîne perte d’autonomie et dépendance, avec pour conséquence obligatoire de mobiliser les proches (les aidants naturels), les compétences des professionnels de santé, les établissements d’hébergement, les structures de soins. Entre 60 et 80% des patients vivent à domicile, et 70% des conjoints passent plus de 6 heures par jour à prendre en charge le malade. L’impact sur les proches est d’ordre psychologique (troubles du sommeil, dépressions), physique (surmortalité chez les aidants) et financier (24).

En 2007, le Président de la République française, M. Nicolas Sarkozy, décrète pour ce problème de santé publique un nouveau « Plan Alzheimer » dans le but d’optimiser la recherche, améliorer le diagnostic, la qualité de la prise en charge des malades et l’aide aux proches (21). Ce plan est financé par l’Etat et l’Assurance Maladie, à hauteur de 1.6 milliard d’euros pour la période 2008-2012 (dont 1.2 milliard consacré au volet médico-social).

(25)

In fine, la maladie d’Alzheimer nécessite de déployer des moyens humains, matériels et donc financiers majeurs. Ces considérations, combinées à une médiatisation à grande échelle, expliquent probablement que cette maladie est au cœur des inquiétudes des patients ; en témoignent des plaintes de mémoire de plus en plus fréquentes (25). L’espoir de modifier l’évolution de la maladie par des médicaments est alors bien légitime.

En France, parmi les moyens médicaux mis en jeu, des traitements spécifiques de la maladie d’Alzheimer, alias médicaments anti-Alzheimer, ont été successivement commercialisés depuis 1995.

1.2. Les traitements médicamenteux

Ils sont actuellement représentés par quatre molécules, toutes remboursables par l’Assurance Maladie dans leurs indications respectives :

trois anticholinestérasiques :

o Donépézil (Aricept°, de la firme Eisaï)

o Galantamine (Reminyl°, de la firme Janssen-Cilag) o Rivastigmine (Exelon°, de la firme Novartis)

un inhibiteur de la neuraminidase :

o la Mémantine (Ebixa°, de la firme Lundbeck)

Voilà comment l’Office Parlementaire d’Evaluation des Politiques de Santé (OPEPS) présentait ces médicaments dans un rapport publié en 2005 : « Si la maladie d'Alzheimer demeure une maladie que l'on ne guérit pas, il est cependant possible de la soigner ou tout du moins de freiner son évolution. Contrairement au sentiment de fatalité qui prévaut souvent à l'annonce du diagnostic, surtout lorsque le sujet est âgé, il existe en effet des traitements médicamenteux, principalement les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase (IAC) et la mémantine, dont l'action sur les troubles cognitifs et l'évolution générale du patient a été démontrée » (24).

Selon le Dr Catherine Lassale, directrice des affaires scientifiques du Leem (Les Entreprises du Médicament) 6, dans une vidéo mise en ligne sur le site internet officiel du « Plan Alzheimer » 2008-2012, les traitements actuels sont des

6

(26)

médicaments symptomatiques qui ont « considérablement transformé la prise en charge de ces malades, parce que le fait de savoir qu’il y avait une possibilité thérapeutique a permis, vraiment, de les soigner beaucoup mieux » (26).

Etant donné qu’il n’existe pas de médicament permettant de guérir la maladie, ces traitements sont utilisés à visée « symptomatique » (27).

En l’absence de toute possibilité de guérison, l’objectif attendu d’un tel traitement est l’amélioration de la qualité de vie du patient et de son entourage (diminution de la dépendance, des troubles du comportement et des symptômes psychiatriques tels que la désorientation, l’agressivité, l’anxiété, les troubles psychotiques, etc.), et la possibilité de différer un placement en institution. L’amélioration des fonctions cognitives n’est pas un objectif en soi, sauf si elle permet l’amélioration des critères précédents.

Près de 70% des patients ont actuellement un traitement médicamenteux spécifique de la maladie d’Alzheimer, essentiellement dans le cadre d’une prise en charge à 100% pour ALD (20).

Le tiers de ces patients n’est donc pas sous traitement, comme semble le déplorer un rapport de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) (28).

Les comparaisons internationales montrent que les patients français sont plus souvent sous un traitement médicamenteux spécifique que leurs voisins européens (2 fois plus qu’en Allemagne, 3 fois plus qu’au Royaume-Uni, 7 fois plus qu’en Italie) (20).

En 2006, le National Institute for Clinical Excellence (NICE), agence sanitaire britannique, avait jugé que le rapport efficacité/coût de ces médicaments ne justifiait pas leur utilisation systématique et leur remboursement. Ces conclusions ont attiré les foudres d’associations de patients et des firmes Pfizer et Eisaï, qui ont déposé une plainte judiciaire auprès de la High Court (29, 30).

Ces traitements médicamenteux, au regard de la gravité de la maladie d’Alzheimer, de son coût pour la société et des débats suscités outre-manche, ont logiquement fait l’objet des attentions de la Haute Autorité de Santé, dans le cadre de Recommandations pour la Pratique Clinique. Décryptons-les et comparons-les à l’aune des connaissances scientifiques à la même période.

(27)

2. Recommandations de la HAS

Elles ont été élaborées suite à une demande de la Société Française de Neurologie. Sont concernés les patients suspects de maladie d’Alzheimer, ou ayant une maladie d’Alzheimer, ou une maladie apparentée, confirmée quel que soit son stade, en dehors de la période de fin de vie.

Le guide « maladie d’Alzheimer » est un travail méthodique, élaboré à partir de recherches effectuées de janvier 2000 à mars 2007. La synthèse, la recommandation proprement dite et l’argumentaire ont été mis en ligne sur le site de la HAS en mars 2008 (15).

Les travaux de la HAS seront abordés, ici, dans leurs chapitres concernant les médicaments anti-Alzheimer.

2.1. Dans la synthèse

Tableau extrait de la synthèse du guide

« Prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées »

Dans cette synthèse, la HAS incite explicitement le praticien à prescrire ces médicaments de façon systématique.

(28)

Les auteurs indiquent que ce traitement doit être administré en tenant compte du rapport bénéfices-risques pour chaque patient. Mais ni les bénéfices attendus des anti-Alzheimer, ni leurs risques d’effets indésirables n’apparaissent dans ce message.

Il est noté qu’un électrocardiogramme doit être réalisé, subodorant une toxicité cardiaque des anti-Alzheimer, mais sans plus de détails.

Sans précision des risques, et en indiquant que ces traitements doivent être envisagés systématiquement, tout porte à croire que la balance bénéfices-risques des anti-Alzheimer est en faveur des bénéfices.

2.2. Dans la recommandation proprement dite

Dans la recommandation proprement dite (40 pages) destinée à être lue par tous, aucun élément n’est ajouté aux propos de la synthèse concernant la balance bénéfices-risques.

Il nous faut donc maintenant consulter et analyser l’argumentaire de 93 pages.

2.3. Et dans l’argumentaire…

Voici un tableau résumant les indications officielles des quatre molécules anti- Alzheimer disponibles, dans le cadre de leur Autorisation de Mise sur le Marché (AMM).

Les stades indiqués correspondent aux stades de sévérité de la maladie, selon le MMSE (Mini Mental State Examination) : stade léger (21 à 26), modéré (16 à 20), modérément sévère (10 à 15), sévère (3 à 9).

Tableau extrait de l’argumentaire du guide « maladie d’Alzheimer » de la HAS

(29)

Dans cet argumentaire, il est précisé que la recherche bibliographique s’est limitée à une période allant de janvier 2000 à mars 2007, et que « l’ensemble du domaine [médicamenteux] est couvert par cinq méta-analyses Cochrane. » Ces méta-analyses ne sont ni datées, ni référencées.

En sus de ces cinq méta-analyses, « des données complémentaires ont été également prises en compte ». Mais la HAS ne nous précise pas ces données et aucun renvoi bibliographique n’est annoté à cette assertion.

2.3.1. Les anticholinestérasiques dans l’argumentaire

2.3.1.1. Quels bénéfices selon la HAS ?

L’argumentaire note que :

• D’une manière générale, une efficacité a été mise en évidence dans les domaines de la cognition et de l’impression clinique globale.

• La durée des études a été, le plus souvent, limitée à 6 mois.

• Les essais cliniques comportent des pourcentages importants de sorties d’étude, de l’ordre de 20 à 30%, qui réduisent la pertinence des résultats.

• Leur capacité à ralentir la progression de la maladie n’est pas prouvée.

• Il existe un effet possible mais mal établi sur les troubles du comportement.

• Leur capacité à réduire ou à limiter la prescription des psychotropes (notamment des neuroleptiques) n’est pas prouvée.

• La définition de la réponse thérapeutique n’est pas consensuelle.

• L’existence d’un éventuel effet à long terme n’a pas été établie, alors que ces médicaments sont a priori prescrits de manière prolongée, plusieurs mois à plusieurs années.

• Dans la majorité des études, l’évaluation de l’efficacité a porté sur des critères intermédiaires, représentés par l’évolution de scores sur différentes échelles.

La taille des effets observés est modeste.

• De plus, ces échelles posent des problèmes métrologiques, de mise en œuvre pratique et de pertinence clinique. Le grand nombre d’échelles utilisées rend difficile l’interprétation globale des résultats.

• En raison des limites de ces échelles et de la taille modeste des effets observés, le bénéfice clinique apporté aux patients par ces médicaments

(30)

• La seule étude ayant utilisé comme critère principal d’efficacité un critère clinique (étude AD 2000) ne permet pas de conclure.

• Aucune donnée clinique fiable ne permet de hiérarchiser les médicaments anticholinestérasiques entre eux.

2.3.1.2. Quels risques selon la HAS ?

Pour les experts de cette recommandation, le profil de tolérance des anticholinestérasiques est « en général bon et globalement similaire » et « les troubles digestifs constituent l’effet indésirable le plus fréquent de ces médicaments et peuvent entraîner un arrêt du traitement. »

Il n’y a pas d’autres détails concernant les effets indésirables.

2.3.1.3. Analysons l’argumentation de la HAS

Nous apprenons, grâce à l’argumentaire, que les bénéfices sont d’ordre symptomatique, mais non démontrés sur le plan clinique et dans la durée : utilisation de critères intermédiaires, manque de pertinence clinique des échelles utilisées, faibles effectifs, études faites sur de courtes périodes (6 mois en général) alors même que la maladie s’étale sur plusieurs années. Le niveau de preuve pour parler d’un « bénéfice », pour le patient ou son entourage, est donc très faible. Leur intérêt dans la maladie d’Alzheimer est donc bien limité contrairement à ce que pouvaient nous laisser croire la synthèse et la recommandation proprement dite.

A la lecture de l’argumentaire, le profil d’effets indésirables parait rassurant.

Mais il est étonnant qu’aucun évènement cardiaque ne soit mentionné, alors que la synthèse préconise clairement de réaliser un électrocardiogramme dans la surveillance de ces traitements.

(31)

2.3.2. La mémantine dans l’argumentaire

2.3.2.1. Quels bénéfices selon la HAS ?

Chez les patients ayant une forme modérément sévère (10 < MMSE < 15) à sévère (MMSE < 10) de la maladie d’Alzheimer :

Après six mois de traitement, des effets statistiquement significatifs en faveur de la mémantine ont été mis en évidence pour une posologie de 20 mg par jour, dans plusieurs domaines (cognition et retentissement sur les activités de la vie quotidienne notamment) en comparaison du placebo. De plus, la fréquence de survenue de nouveaux épisodes d’agitation a été plus faible chez les patients traités par mémantine que chez ceux sous placebo, mais aucune différence n’a été notée chez les patients déjà agités.

La quantité d’effets observés par rapport au placebo est apparue faible à modeste selon les méta-analyses.

En l’absence d’étude comparative, il n’est pas possible de situer l’apport de la mémantine par comparaison aux médicaments anticholinestérasiques au stade modérément sévère.

Selon la HAS, il est possible que, chez certains patients, l’association de la mémantine au donépézil entraîne un effet supérieur à celui du donépézil seul. La taille de l’effet supplémentaire serait faible. Cette option thérapeutique repose sur les résultats d’une seule étude clinique. Aucun bénéfice n’a été retiré par les patients inclus à un stade modérément sévère (MMSE entre 10 et 15) dans une autre étude comparative versus placebo (étude MD-12). En outre, il est rappelé que la mémantine est le seul médicament indiqué au stade sévère de la maladie.

La mémantine (Ebixa®) dans les formes modérées (extension d’indication) :

L’efficacité et la tolérance de la mémantine dans les formes modérées ont été évaluées dans trois études cliniques randomisées contre placebo, deux réalisées en monothérapie et une en association au donépézil. L’évaluation a porté sur une période de traitement ne dépassant pas 6 mois. La mémantine a été plus efficace

(32)

études. Dans la méta-analyse Cochrane citée par la HAS, cet effet est qualifié de

« marginal » sur l’évolution des troubles cognitifs et à l’évaluation globale. Aucun impact sur le comportement des patients et l’évaluation fonctionnelle de leurs activités dans la vie quotidienne n’a été observé. L’efficacité de la mémantine paraît du même ordre de grandeur que celle des médicaments anticholinestérasiques dans cette indication.

L’intérêt d’associer la mémantine à un inhibiteur de l’acétylcholinestérase n’a pas été établi à ce stade de sévérité de la maladie.

La HAS rappelle que la prescription de la mémantine chez les patients à ce stade de sévérité de la maladie n’est pas préconisée.

2.3.2.2. Quels risques selon la HAS ?

D’après la HAS, la « mémantine a été bien tolérée. » Nous n’avons aucune autre information à ce sujet.

2.3.2.3. Analysons l’argumentation de la HAS

Concernant les bénéfices :

La HAS énonce clairement que la mémantine ne doit pas être utilisée dans les stades modérés de la maladie, car elle n’a pas montré de bénéfice probant dans cette indication.

Par contre, la HAS relate des effets statistiquement significatifs de la mémantine pour les formes modérément sévères à sévères de maladie d’Alzheimer.

Rappelons que la significativité statistique n’a aucun intérêt pour le patient si elle n’est pas accompagnée d’effets cliniques probants (significativité clinique) (12).

Comme pour les anticholinestérasiques, ces effets n’ont pas été évalués au-delà de 6 mois.

Concernant la mémantine dans les formes modérément sévères à sévères de maladie d’Alzheimer, le niveau de preuve parait donc faible pour prédire un bénéfice pour le patient ou son entourage.

(33)

Concernant le profil de tolérance :

La partie consacrée à la description des effets indésirables de la mémantine tient en une seule ligne (la « mémantine a été bien tolérée »). Pourtant, le dictionnaire Vidal consacre deux colonnes et demie au sujet (du chapitre contre- indication au chapitre surdosage) (31).

Les risques étant éludés, le lecteur peut-il correctement apprécier la balance bénéfices-risques de la mémantine ? Nous y reviendrons plus en détail.

Voyons maintenant les conclusions de l’argumentaire de la HAS concernant l’ensemble des médicaments anti-Alzheimer.

2.3.3. Place de l’ensemble des médicaments anti-Alzheimer dans la stratégie thérapeutique

2.3.3.1. Conclusions de la HAS

« L’utilisation de ces médicaments est aujourd’hui largement empirique.

Peu d’études cliniques ont comparé différentes stratégies thérapeutiques. » Mais « la consultation de prescription des anti-Alzheimer doit être l’occasion privilégiée de coordonner les interventions de l’ensemble des acteurs médicaux, paramédicaux et sociaux pour une prise en charge globale du patient et le soutien de ses « aidants familiaux ». Ainsi peut s’exprimer, en plus de leur efficacité intrinsèque, le rôle structurant des médicaments anti-Alzheimer. »

« En dehors de la situation d’intolérance malgré des adaptations thérapeutiques, l’arrêt des traitements doit être envisagé au stade très sévère lorsque l’interaction avec le patient n’est plus évidente […]. Il n’est pas recommandé d’arrêter les traitements sur les seuls critères de score au MMSE, d’âge ou d’entrée en institution. »

Par ailleurs, l’argumentaire nous apprend que la Commission de la Transparence (appartenant à la HAS) a estimé en 2007, que malgré un rapport efficacité/effets indésirables considéré comme « modeste », le Service Médical

(34)

Rendu (SMR)7 des anti-Alzheimer reste important, compte tenu de leur « rôle structurant » et de la gravité de la maladie. En revanche, l’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) a été considérée comme mineure (ASMR IV)8.

En guise de conclusion, la HAS, pour appuyer ses recommandations, cite la conclusion de l’expertise collective de l’Inserm « maladie d’Alzheimer, enjeux scientifiques, médicaux et sociétaux », sur la prise en charge pharmacologique : leur

« efficacité est perceptible par les prescripteurs ayant l’habitude de suivre des patients déments, et souvent par les patients et leurs familles, à condition qu’ils n’attendent pas de guérison et soient prévenus que l’objectif est de stabiliser les troubles, si possible de les améliorer un peu, et surtout de différer la perte d’autonomie » (28).

2.3.3.2. Analysons ces conclusions

Dans son argumentaire, la HAS reconnait explicitement que l’utilisation de ces médicaments repose sur un faisceau d’arguments de très faibles niveaux de preuve (« utilisation empirique »), mais elle affirme dans un second temps que ces médicaments permettent de structurer la prise en charge du patient. En outre, aucun argument moral, éthique ou scientifique n’est présenté pour valider cette déclaration.

Plus déroutant encore, l’explication présentée par la HAS pour appuyer sa position, en reprenant à son compte celle émise par l’Inserm : « l’efficacité est perceptible par les prescripteurs ayant l’habitude de suivre des patients déments. » Il s’agit pourtant de l’argument de niveau de preuve scientifique le plus faible qui soit, puisque de l’ordre de l’opinion, du ressenti, et donc soumis à de multiples biais (ANNEXE 1).

Notons que l’information de la cotation de l’ASMR des anti-Alzheimer (ASMR mineure) apparait dans l’argumentaire (page 36), mais qu’elle n’est donnée ni dans la synthèse, ni dans la recommandation proprement dite.

7 Le SMR d’un médicament est mesuré en fonction de plusieurs critères : gravité de la maladie, efficacité, effets indésirables, intérêt en matière de santé publique. Le SMR détermine le taux de remboursement du médicament : 65% si le SMR est majeur (ou important), 35% s’il est modéré ou faible et non remboursé s’il est insuffisant.

8 L'ASMR correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament. Le niveau d'ASMR est coté de I, progrès thérapeutique majeur, à V. Une amélioration de niveau V (équivalent à "absence d'ASMR") signifie

"absence de progrès thérapeutique".

(35)

2.4. Au total, de nombreux écueils qui altèrent la pertinence scientifique de ces documents

Les affirmations des auteurs de ce guide de pratique clinique ne sont pas étayées par des références bibliographiques précises et colligées en fin de document.

Les niveaux de preuve des recommandations de la HAS ne sont pas explicitement précisés (grades A, B ou C), en contradiction avec ses propres règles de bonne conduite pour l’élaboration de tels documents (ANNEXE 1).

Les affirmations sont contradictoires entre ce qui apparait dans la synthèse, ce qui apparait dans la recommandation proprement dite et ce qui est précisé dans l’argumentation. Nous avons vu que la synthèse, la recommandation proprement dite et la conclusion de l’argumentaire, préconisent l’usage systématique du traitement, alors que le corps de texte de l’argumentaire note régulièrement que l’efficacité clinique de ces médicaments n’est pas prouvée sur des critères de hauts niveaux de preuve.

Le choix de présenter la conclusion de l’Inserm (opinion d’expert), comme preuve de la véracité des dires de la HAS, est surprenant.

Les contre-indications et/ou les effets indésirables du traitement médicamenteux ne sont que peu ou pas décrits.

Penchons-nous maintenant sur les données factuelles de la science, disponibles sur la même période d’étude choisie par la HAS.

(36)

3. Les données acquises de la science

Seules seront analysées, dans ce chapitre, les données concernant la période étudiée par la HAS : de janvier 2000 à mars 2007.

3.1. Préambule

Sur le site internet de la revue Prescrire , revue indépendante des laboratoires pharmaceutiques9, en tapant les mots clés « Alzheimer maladie » dans l’onglet

« recherche », et en limitant la recherche à la période précédent l’année 2008, il est frappant de lire les titres suivants, tant ils paraissent en décalage total avec les recommandations de la HAS (32) :

• Février 2003 : « Gare aux interactions avec les anticholinestérasiques. »

• Juillet-Août 2003 : « Les anticholinestérasiques dans la maladie d’Alzheimer : un effet modeste limité aux formes modérément sévères. »

• Juillet-Août 2003 : « Mémantine : une évaluation médiocre et un intérêt incertain dans la maladie d’Alzheimer. »

• Décembre 2003 : « Syncopes et inhibiteurs de la cholinestérase. »

• Décembre 2004 : « Donépezil au long cours : pas d’intérêt dans la maladie d’Alzheimer. »

• Mars 2005 : « Galantamine : mortalité accrue. »

• Octobre 2006 : « Anti-Alzheimer, des effets indésirables graves souvent mortels. »

• Avril 2007 : « Rivastigmine et rupture de l’œsophage : suite. »

• Septembre 2007 : « Mémantine : forme modérée de la maladie d’Alzheimer, pas d’intérêt clinique établi. »

• Novembre 2007 (à propos de données disponibles en 2006) : « Anti- Alzheimer, des effets indésirables graves souvent mortels : suite. »

• Novembre 2007 (à propos de données disponibles en 2006) : « Anticholines- térasiques : interactions nombreuses et graves. »

9 La revue Prescrire est financée intégralement par ses abonnements : elle est totalement indépendante des laboratoires pharmaceutiques depuis 1981 et des pouvoirs publics depuis 1993.

Elle est également membre de l’International Society of Drug Bulletins (ISDB), un réseau mondial de bulletins et de revues de thérapeutiques, financièrement et intellectuellement indépendants de l’industrie pharmaceutique.

L’ISDB rassemble une cinquantaine de membres dans 35 pays différents. Pour en savoir plus : http://66.71.191.169/isdbweb/pag/publications.php

(37)

Voici donc en 11 points, un aperçu des conclusions de la revue Prescrire.

Ces titres d’articles permettent au lecteur d’appréhender des conclusions en totale contradiction avec celles de la Haute Autorité de Santé. Rappelons ici que cette dernière commentait en quelques lignes le profil de tolérance de ces médicaments comme étant rassurant.

3.2. Echelles psychométriques dans les essais cliniques

Pour interpréter les essais cliniques concernant les médicaments anti- Alzheimer, il est primordial de décrire quelques une des échelles utilisées dans ces essais.

Il existe une grande diversité d’échelles, mais nous ne présenterons que celles les plus couramment employées dans les essais cliniques mentionnés dans cette thèse.

3.2.1. Méthodologie des essais cliniques dans les démences

La réalisation d’essais cliniques chez des patients atteints de démence pose divers problèmes méthodologiques (33, 34). Les critères de jugement sont souvent constitués par des échelles destinées à fournir une évaluation quantitative des fonctions cognitives, de l’amélioration clinique globale, du comportement des patients dans les activités de la vie quotidienne. La sensibilité du sujet dément aux conditions d’environnement et au soutien affectif peut faire varier les scores de ces tests d’un jour à l’autre, même s’ils sont effectués par le même examinateur. De plus, la concordance inter-examinateurs n’est pas toujours de mise.

(38)

3.2.2. Présentation des principales échelles utilisées (22, 34)

3.2.2.1. Echelles cognitives

MMSE (Mini Mental State Examination) : il s’agit d’une échelle évaluant diverses fonctions cognitives, sur un total de 30 points. Le MMSE est le test de dépistage du déficit cognitif le plus répandu. Il est utilisé pour la phase d’inclusion des études, afin d’apprécier la gravité de l’état démentiel. On considère qu’un score compris entre 10 et 26 signifie une démence légère à modérée. Un score inférieur à 10 classe la démence comme sévère.

Le test MMSE permet également de surveiller l’amélioration en cours de traitement, mais il n’a pas été conçu dans ce but.

ADAS-cog : Subdivision de l’ Alzheimer’s Disease Assessment Scale (ADAS) : L’ADAS-cognitive (alias ADAS-cog) évalue les fonctions cognitives tels la mémoire, différents aspects du langage, des praxies et de l’orientation. Le score varie entre 0 et 70, les scores les plus élevés correspondant aux altérations les plus profondes.

Les experts de l’American Academy of Neurology (AAN) mentionnent qu’il faut une diminution d’au moins 4 points au score de la sous-échelle ADAS-cog pour considérer que le traitement est efficace concernant l’amélioration cognitive. La valeur clinique de cette efficacité reste à déterminer.

L’échelle SIB (Severe Impairment Battery) évalue les fonctions cognitives du patient atteint d’une maladie d’Alzheimer modérément sévère à sévère. Le score varie de 0 à 100, et plus le score est élevé, meilleur est le fonctionnement cognitif.

3.2.2.2. Echelles d’impression clinique globale

CGIC (Clinical Global Impression of change) : échelle d’impression clinique globale remplie par le clinicien après entretien avec le patient et son entourage.

Cette échelle cote le changement du malade de 1 (très amélioré) à 7 (très aggravé).

Il faut considérer une amélioration d’un point pour conclure à une amélioration clinique significative selon cette échelle.

(39)

CIBIC-plus (Clinical Interview Based Impression of Change with caregiver input scale) : il s’agit également d’une appréciation globale du changement, fondée sur un entretien direct entre le clinicien et son patient, mais sans aucune information de son entourage. La cotation se fait de 1 (très amélioré) à 7 (très aggravé). Il faut considérer une amélioration d’un point pour conclure à une amélioration clinique significative selon cette échelle.

La pertinence clinique de ces échelles est mal connue : les médecins considèrent la psychopathologie clinique comme le fondement de la détermination de l’amélioration globale, alors que les infirmières sont d’avis que la quantité des soins requis par les malades constitue un critère important. De la même façon, selon certains auteurs, les cliniciens sont plutôt centrés sur les capacités cognitives, tandis que les dispensateurs de soins mettent l’accent sur le comportement et la capacité fonctionnelle. Dans l’ensemble, ces constatations laissent entrevoir que les scores de ces deux instruments ne reflètent pas le degré global d’amélioration de l’état de santé d’une personne, mais dénotent simplement l’amélioration dans les domaines jugés importants par les évaluateurs.

3.2.2.3. Echelles d’évaluation de la capacité fonctionnelle

L’IADL (Instrumental Activities of Daily Living) est une échelle d’activité de la vie quotidienne (préparation des repas, habillage, activités ménagères, etc.) Divers professionnels de la santé peuvent administrer l’échelle IADL, en interrogeant un ou plusieurs informateurs. On attribue un score de 1 ou 0 à chaque catégorie d’attitudes, pour obtenir un score global qui varie de 0 à 8 chez les femmes, et de 0 à 5 chez les hommes. Plus le score est élevé, plus la performance est bonne.

La PDS (Progressive Deterioration Scale) est un questionnaire que remplit le dispensateur de soins à l'aide d’une échelle analogique visuelle bipolaire. Les questions sont notées par la mesure de la distance le long de la ligne d’une échelle de 0 à 100. On obtient le score composite, dont le maximum est 100, en calculant la moyenne des scores des items. Plus le score est élevé, plus la qualité de vie est bonne.

(40)

L’ADCS-ADLsev (Alzheimer’s Disease Cooperative Study Activities of Daily Living Inventory modified for more severe dementia) est un questionnaire structuré qui évalue la capacité fonctionnelle du patient au stade de démence sévère ; le score de 54 points représente la performance optimal.

La Bristol Activities of Daily Living Scale (BADSL) est une autre échelle de mesure de l’activité quotidienne. Le score de 60 points représente la meilleure performance.

3.2.2.4. Echelle psycho-comportementale

La NPI (NeuroPsychiatric Inventory) est utilisée pour évaluer la fréquence et la sévérité des troubles du comportement. La NPI consiste en une entrevue dirigée avec un dispensateur de soins qui est en mesure de bien observer le comportement du malade. Plus le score est élevé, plus les problèmes sont nombreux. Le score total maximal (troubles du comportement aggravés) est de 120 lorsque dix domaines sont évalués et de 144 lorsque douze domaines sont évalués.

3.2.3. Significativité statistique n’est pas significativité clinique

En l’absence de toute possibilité de guérison, l’objectif attendu d’un traitement anti-Alzheimer est l’amélioration de la qualité de vie du patient et de son entourage et la possibilité de différer un placement en institution.

Selon l’OMS, la qualité de vie doit être définie comme une notion englobant le fonctionnement cognitif, les activités de la vie quotidienne, les interactions sociales et le bien-être psychologique (34). L’amélioration des fonctions cognitives n’est donc pas un objectif en soi, sauf si elle permet l’amélioration des critères précédents.

(41)

En cas de démence légère à modérément sévère, les experts de la Food and Drug Administration (FDA) et de l’Agence européenne du médicament (EMA) estiment qu’un patient est « cliniquement répondeur » s’il répond à un ensemble de trois critères réunis (35) :

1- Amélioration des fonctions cognitives (mesurée par une amélioration d’au moins 4 points à la sous-échelle ADAS-cognitive),

2- Amélioration ou stabilisation de l’état selon une échelle d’impression clinique globale (souvent échelle CGIC ou CIBIC avec amélioration du score d’au moins 1 point),

3- Amélioration ou stabilisation du comportement dans la vie quotidienne (mesurée par une échelle d’évaluation fonctionnelle et/ou une échelle psycho-comportementale).

En cas de démence sévère, les spécialistes de l’EMA estiment qu’il suffit que les deux derniers critères soient remplis, arguant qu’on ne peut pas attendre du traitement une amélioration des fonctions cognitives (35).

Mais il faut garder en mémoire que les échelles précédentes ne constituent que des critères intermédiaires (aussi appelés critères de substitution) et qu’ils ne peuvent être envisagés comme des critères cliniques de bon niveau de preuve.

3.3. Efficacité des anticholinestérasiques: données de la science

Seules les études évaluant les médicaments dans le cadre de leur AMM seront ici présentées (cf tableau page 37).

(42)

3.3.1. Résultats des essais cliniques ayant pour critères primaires des critères intermédiaires

3.3.1.1. Donépézil versus placebo :

Les essais cliniques ont fait la preuve que le donépézil, à des doses comprises entre 5 et 10 mg par jour, améliore faiblement les scores des tests cognitifs et d’impressions cliniques, sur 3 à 12 mois, en comparaison du placebo (36).

La différence moyenne est :

- pour le MMSE d’environ 1 point sur un score total de 30,

- de 2 à 3 points sur un total de 70 pour l’ADAS-cog, alors qu’il est attendu une différence de 4 points pour que l’amélioration soit considérée comme significative.

- de 0.5 sur un total de 7 points pour le CIBIC-plus alors qu’il est considéré qu’il faut 1 point pour que l’amélioration soit significative.

Ces études ne permettent donc pas de conclure à une amélioration cliniquement significative.

Par ailleurs, les effets indésirables cholinergiques étaient plus nombreux sous donépézil.

La méta-analyse Cochrane de 2006 sur le Donépézil, mentionnée par la HAS (37) :

Elle a inclu 24 études sur le donépézil (près de 6 000 patients) dont la plupart a été réalisée chez des patients atteints d’une forme légère à modérément sévère de la maladie d’Alzheimer (score MMS entre 10 et 26). Seulement 15 études ont finalement été exploitées. La durée du traitement était souvent de 6 mois ou moins.

Chez les patients utilisant le donépezil, le score ADAS-cog diminuait de 2.01 points par rapport au placebo avec une dose quotidienne de 5 mg et de 2.80 points avec une dose quotidienne de 10 mg.

L’appréciation globale du patient par le médecin traitant, à l’aide du CIBIC-plus montre un effet positif du donépézil statistiquement significatif, aux doses de 5 et 10 mg (variations entre 1 et 3 points sur une échelle de 7).

Aucun effet significatif sur la qualité de vie n’a été observé.

Les effets indésirables cholinergiques étaient plus nombreux sous donépézil.

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