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La gestion de dilemmes norme/usage sur le plan lexical par des professionnels pratiquant la révision unilingue française au Québec

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La gestion de dilemmes norme/usage sur le plan lexical

par des professionnels pratiquant la révision unilingue

française au Québec

Mémoire

France Brûlé

Maîtrise en linguistique

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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La gestion de dilemmes norme/usage sur le plan lexical

par des professionnels pratiquant la révision unilingue

française au Québec

Mémoire

France Brûlé

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Les réviseurs professionnels utilisent une pluralité d’ouvrages de référence, dans lesquels on observe une absence de consensus sur certains emplois ou une différence entre ce qui est prescrit (« norme ») et ce qui est réellement utilisé par les locuteurs (« usage »). Ces situations de dilemme norme/usage obligent le réviseur à prendre position, non seulement parce qu’il est l’une des dernières personnes à évaluer la qualité d’un texte avant sa publication, mais aussi parce qu’il est un professionnel de la langue qui jouit d’une autorité en la matière auprès des personnes qui le mandatent.

Dans ce mémoire, nous avons cherché à mieux comprendre ce qui amène des réviseurs professionnels à maintenir ou à remplacer dans un texte des emplois qui peuvent les placer en situation de dilemme norme/usage. Pour y parvenir, nous avons fait réviser un texte qui comporte de tels emplois à vingt réviseurs professionnels pratiquant la révision unilingue française au Québec. Puis, au moyen d’un questionnaire électronique, nous avons recueilli les justifications des réviseurs sur ces emplois en vue de les analyser à partir du modèle de l’Imaginaire linguistique d’Houdebine, qui permet de mettre en lumière les divers arguments que les réviseurs peuvent avancer lorsqu’ils doivent prendre des décisions sur le plan normatif.

Il ressort de notre analyse que les réviseurs font davantage confiance aux indications normatives des ouvrages de référence qu’à leur propre jugement professionnel pour décider de remplacer ou non dans un texte un emploi caractérisé par un dilemme norme/usage. Ils ne prennent pas toujours en considération d’autres facteurs dans l’évaluation de l’emploi, comme la situation de communication ou la fréquence d’usage, se conformant la plupart du temps à l’indication normative d’un ouvrage de référence, et plus particulièrement à celle du

Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française.

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iv

Abstract

Copy editors consult a wide range of reference material, in which there is a lack of consensus on certain forms or a difference between what is prescribed (norm) and what is actually used by native speakers (common language). A copy editor is often forced to take a stand on these norm/common language dilemmas, not only because he is one of the last people to assess the quality of a text before its publication, but also because he, as a language professional, carries the weight of authority granted to him by his knowledge of the subject over that of his clients. In this thesis, we have tried to get a better understanding of the reasons why copy editors choose to keep or change forms in a text that pose a norm/common language dilemma. To do so, twenty copy editors offering unilingual revision services in Quebec were asked to edit a text which contained problematic forms. Then, using an electronic survey, copy editors had to justify why one form was used over the other, these data were collected in order to be analyzed using the “linguistic imaginary” model of Houdebine (Imaginaire linguistique). This method was used to bring to light the various arguments that copy editors can advance when they have to reach a decision on a normative level.

The results of the analysis showed that copy editors are more likely to make a decision based on the normative guidelines contained in reference material than thrust in their own professional judgment in deciding whether or not to change a form in a text that poses a norm/common language dilemma. When evaluating which form to use, they rarely take into consideration other factors like the communication situation or frequency of use, and adhere most of the time to the normative guidelines of a reference material, and more specifically the Grand dictionnaire terminologique of the Office québécois de la langue française. Key words: editing – lexical norm – reference sources

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Table des matières

Résumé ... iii Abstract ... iv Table des matières ... v Liste des tableaux et des figures ... vii Liste des abréviations et des sigles ... ix Remerciements ... x Introduction ... 1 Chapitre 1 – La révision professionnelle unilingue française ... 3 A. La révision de textes ... 3 1. Le concept de révision de textes ... 3 2. Les multiples facettes de la révision de textes ... 5 3. La révision de textes dans le milieu professionnel ... 8 B. La pratique de la révision professionnelle unilingue française au Québec ... 17 1. Les principales tâches confiées au réviseur professionnel ... 17 2. Les principales attentes du mandant ... 19 3. Le bagage du réviseur professionnel ... 23 4. La démarche de révision ... 27 5. Les écarts liés au vocabulaire ... 29 Chapitre 2 – Les principaux outils des réviseurs : les ouvrages de référence ... 31 A. Les cinq ouvrages de référence les plus utilisés par les réviseurs ... 31 1. La présentation des ouvrages et leur approche ... 33 2. Les diverses indications utilisées dans les ouvrages de référence ... 46 B. Les dilemmes norme/usage ... 49 Chapitre 3 – La stratégie de recherche ... 52 A. Les objectifs ... 52 B. Le cadre théorique ... 53 1. Le concept de « norme linguistique » ... 53 2. Une norme de référence au Québec ... 55 3. Un modèle pour l’analyse des justifications des réviseurs ... 57 C. Les outils de collecte de données ... 64 1. Le texte à réviser ... 64 2. Le questionnaire ... 69 3. Le prétest ... 72 D. La sélection et le recrutement des réviseurs ... 73 1. La méthode d’échantillonnage ... 73 2. Le recrutement ... 74 E. La collecte de données ... 75 1. Le déroulement détaillé ... 76 2. Quelques considérations éthiques ... 78 F. La méthode d’analyse ... 78 1. La démarche détaillée ... 80 2. Les principes d’édition ... 83

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vi Chapitre 4 – La gestion des dilemmes norme/usage ... 84 A. Un portrait général des réviseurs participants ... 84 B. La présentation des emplois caractérisés par un dilemme norme/usage ... 86 1. Vue d’ensemble des interventions des réviseurs dans le texte ... 86 2. Types d’arguments invoqués par les réviseurs par emploi ... 88 3. Raisons reliées à la pratique de la profession ... 126 4. Commentaires laissés dans le texte ... 130 5. Bilan ... 134 C. Observations sur la gestion des dilemmes norme/usage par les réviseurs ... 136 1. L’indication normative d’une autorité linguistique sur un emploi ... 136 2. La fréquence d’usage (statistique) ... 151 3. Le système de la langue (systémique) ... 153 4. La situation de communication (communicationnel) ... 155 5. L’observation des usages (constatif) ... 157 6. Les jugements de valeur (émotionnel) ... 159 7. Bilan ... 163 Conclusion ... 165 Bibliographie ... 174 Annexe I – Texte à réviser ... 186 Annexe II – Première partie du questionnaire ... 188 Annexe III – Annonce de recrutement ... 191

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vii

Liste des tableaux et des figures

Tableaux Tableau 1 – Les quatre tâches inhérentes au travail d’un réviseur profesionnel selon Réviseurs Canada --- 18 Tableau 2 – Modèle de l’IL adapté aux fins de notre étude --- 61 Tableau 3 – Exemples de justifications fournies par les réviseurs participants selon le type d’argument --- 62 Tableau 4 – Résultats du dépouillement du Multidictionnaire --- 67 Tableau 5 – Champ lexical de l’habitation --- 68 Tableau 6 – Liste des codes utilisés pour l’analyse des interventions des réviseurs dans le texte --- 80 Tableau 7 – Description des codes utilisés pour l’analyse des commentaires des réviseurs dans le texte --- 81 Tableau 8 – Description des trois positions des réviseurs par rapport aux indications normatives d’autorités linguistiques --- 82 Tableau 9 – Liste des codes utilisés pour la classification des justifications liées à la pratique de la profession --- 82 Tableau 10 – Répartition des interventions des réviseurs selon le type de dilemme --- 88 Tableau 11 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de condominium dans le texte --- 91 Tableau 12 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de condominium dans le texte --- 92 Tableau 13 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de prioriser dans le texte --- 94 Tableau 14 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de prioriser dans le texte --- 95 Tableau 15 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de salle à dîner dans le texte --- 97 Tableau 16 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de salle à dîner dans le texte --- 97 Tableau 17 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de tourbe dans le texte --- 100 Tableau 18 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de tourbe dans le texte --- 100 Tableau 19 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de gazebo dans le texte --- 103 Tableau 20 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de gazebo dans le texte --- 104 Tableau 21 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien d’intercom dans le texte --- 106 Tableau 22 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement d’intercom dans le texte --- 106 Tableau 23 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien d’invasion de domicile dans le texte --- 109 Tableau 24 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement d’invasion de domicile dans le texte --- 109 Tableau 25 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de finaliser dans le texte --- 112 Tableau 26 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de finaliser dans le texte --- 112 Tableau 27 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de cocooning dans le texte --- 115 Tableau 28 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de cocooning dans le texte --- 116 Tableau 29 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de développement résidentiel dans le texte --- 118 Tableau 30 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de développement résidentiel dans le texte 119 Tableau 31 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de représentant des ventes dans le texte --- 121 Tableau 32 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de représentant des ventes dans le texte --- 122 Tableau 33 – Types d’arguments invoqués pour justifier le maintien de compte de taxes dans le texte --- 124 Tableau 34 – Types d’arguments invoqués pour justifier le remplacement de compte de taxes dans le texte --- 125 Tableau 35 – Nombre de raisons reliées à la pratique de la profession avancées par les réviseurs participants --- 126 Tableau 36 – Raisons reliées à la pratique de la profession --- 127 Tableau 37 – Types de commentaire laissés par les réviseurs dans le texte --- 131 Tableau 38 – Types d’arguments avancés par les réviseurs pour justifier leurs interventions dans le texte quant aux 12 emplois à l’étude --- 135 Tableau 39 – Ouvrages de référence consultés par les réviseurs au cours de la révision du texte pour les 12 emplois à l’étude --- 139 Tableau 40 – Nombre d’ouvrages de référence consultés par les participants --- 139

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viii Tableau 41 – Position des réviseurs par rapport aux indications des ouvrages de référence consultés --- 142 Tableau 42 – Autorités sur lesquelles s’appuient les réviseurs qui se sont conformés à l’indication d’une seule autorité --- 143 Figures Figure 1 – Représentation schématique de la révision de textes en contexte professionnel --- 11 Figure 2 – Démarches de rédaction, d’édition et de production d’un texte destiné à la publication (tiré de Clerc, 2000 : 9) --- 12 Figure 3 – Modèle de la révision proposée par Bisaillon (2007c : 320) --- 28 Figure 4 – Fiche collimage tirée du GDT --- 40 Figure 5 – Article académique tiré de la BDL --- 42 Figure 6 – Article académique dans Antidote --- 44 Figure 7 – Article émoticon dans Antidote --- 45 Figure 8 – Modèle de l’Imaginaire linguistique --- 58 Figure 9 – Première question du questionnaire --- 70 Figure 10 – Mise en contexte et première question de la partie « Choix que vous opérez en tant que réviseur professionnel » --- 71 Figure 11 – Courriel pour l’envoi du texte à réviser --- 76 Figure 12 – Courriel contenant l’hyperlien du questionnaire --- 77 Figure 13 – Courriel pour le feuillet d’information de consentement post-facto --- 77 Figure 14 – Interventions des réviseurs dans le texte par rapport aux 12 emplois à l’étude --- 87

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Liste des abréviations et des sigles

ACR/EAC Association canadienne des réviseurs/Editors’ Association of Canada

ATAMESL Association des travailleurs autonomes et micro-entreprises en services linguistiques

BDL Banque de dépannage linguistique CEN Comité européen de normalisation

CLEF Carrefour des langagiers entrepreneurs/Language Entrepreneurs Forum GDT Grand dictionnaire terminologique

ISO Organisation internationale de normalisation Multi Multidictionnaire de la langue française OQLF Office québécois de la langue française PR Le Petit Robert

RPU révision professionnelle unilingue

RPUF révision professionnelle unilingue française SQRP Société québécoise de la rédaction professionnelle

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Remerciements

Il y a une dizaine d’années, alors que je songeais à la possibilité d’entreprendre une maîtrise en linguistique, une amie, collègue et candidate à la maîtrise m’a conseillé de choisir soigneusement mon sujet, car c’est ce qui m’assurerait de garder le cap malgré toutes les embûches. Un sujet intéressant, certes, mais surtout un sujet qui me captive et qui me captivera encore au fil du temps. Aujourd’hui, alors que la grande aventure se termine, je réalise à quel point le conseil qu’elle m’a donné était plus qu’avisé. Sans ce sujet passionnant sur lequel j’ai réfléchi ces cinq dernières années, je n’aurais pas persévéré et je n’aurais pas eu la force de continuer. Car des embûches, il y en a eu plus que je ne l’avais imaginé au départ. Pour moi, le véritable défi aura été de concilier mes études avec le travail et la famille, de me donner les moyens de pouvoir m’asseoir devant l’écran suffisamment longtemps pour rédiger. Et sans le soutien de mes proches et de ceux qui ont toujours cru en moi, je ne serais pas en train de rédiger ces remerciements.

Je tiens d’abord à remercier ma directrice de maîtrise, Isabelle Paré, pour sa grande disponibilité et sa flexibilité ainsi que pour son incroyable optimisme. Elle a toujours su me donner le coup de pouce dont j’avais besoin.

Je tiens aussi à remercier mes mentors, Jocelyne Bisaillon et Claude Verreault, les tout premiers à avoir cru en moi, alors que je n’étais qu’une jeune étudiante. La première a éveillé en moi la passion pour la révision, et le second, celle pour l’usage du français au Québec. Je dois un gros merci à Julie Bérubé, à Anne Fonteneau, à Ariane Fortin et à Mélanie St-Pierre, qui ont toujours été là pour moi, pour alimenter ma réflexion et m’encourager. Je remercie tout particulièrement Julie Bérubé pour les nombreuses observations et suggestions qu’elle m’a faites à diverses étapes. Ses remarques m’ont amenée à nuancer et à bonifier plusieurs aspects de ce mémoire.

J’adresse finalement un immense merci à mon conjoint Gabriel pour son appui indéfectible et sa confiance en moi inébranlable, de même qu’à toutes les personnes qui ont, de près ou de loin, facilité cette aventure.

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Introduction

Comme le souligne Sandra Gravel, la présidente du Comité d’agrément en révision linguistique à Réviseurs Canada, « [l]a relecture attentive d’un texte fait dorénavant partie intégrante du processus de publication de textes, qu’il s’agisse d’ouvrages scientifiques, de manuscrits, de rapports, de sites Internet, de prospectus, etc. Plusieurs l’auront compris, des écrits clairs et sans faute ajoutent à la crédibilité de toute organisation » (Gravel, 2012 : [s. p.]). C’est donc dire que dans le processus de publication de textes, la révision est devenue une étape effectuée de façon systématique.

Lentement mais sûrement, la profession de réviseur a donc acquis ses lettres de noblesse au Canada. Depuis dix ans, Réviseurs Canada – l’association canadienne des réviseurs professionnels –, offre l’agrément à ses membres anglophones et, depuis 2015, à ses membres francophones. Au Québec, quelques chercheurs se sont intéressés à cette activité professionnelle en étudiant son processus (voir Bisaillon, 2007a, 2007b, 2007c et 2008) et quelques-unes de ses particularités (voir notamment Laflamme, 2007 et 2009).

Dans la présente étude, nous nous intéressons à la pratique de la révision professionnelle unilingue française au Québec à travers la gestion des dilemmes norme/usage sur le plan lexical. Plus particulièrement, nous cherchons à mieux comprendre ce qui amène des réviseurs professionnels à maintenir ou à remplacer dans un texte des emplois pour lesquels le traitement diffère dans les principaux ouvrages de référence qu’ils utilisent ou des emplois d’usage courant mais accompagnés d’une indication normative dans ces ouvrages. Nous avons choisi d’explorer cette facette méconnue du travail des réviseurs afin de jeter un nouvel éclairage sur cette profession langagière.

Dans le premier chapitre, nous situons d’abord la révision professionnelle unilingue française parmi les autres activités de révision de textes en contexte professionnel. Puis, nous dressons un portrait général de la pratique de cette profession au Québec en présentant les principales études dont elle a fait l’objet depuis quelques années.

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Dans le deuxième chapitre, nous présentons les principaux ouvrages de référence des réviseurs et leur approche normative, ainsi que les diverses indications que les réviseurs peuvent y trouver relativement à l’usage. Par la suite, nous montrons à quel point l’interprétation de ces indications est parfois difficile pour eux.

Dans le troisième chapitre, nous détaillons notre stratégie de recherche, en précisant notamment nos objectifs, le cadre théorique retenu, les critères de sélection des participants, les outils de collecte de données (le texte à réviser et le questionnaire électronique) et la méthode d’analyse choisie.

Dans le quatrième et dernier chapitre, nous présentons les résultats de notre étude et les constats qui en résultent. Après avoir dressé un portrait général des participants, nous présentons leur travail dans le texte et les arguments qu’ils ont invoqués pour justifier leurs choix par rapport à des emplois qui peuvent les placer en situation de dilemme norme/usage. Puis, nous portons une attention particulière aux ouvrages de référence sur lesquels les réviseurs s’appuient abondamment pour prendre leurs décisions, que ce soit pour maintenir ou pour remplacer un emploi dans le texte.

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Chapitre 1 – La révision professionnelle unilingue

française

Ce premier chapitre a pour but de présenter la révision professionnelle unilingue française (RPUF) d’un point de vue tant théorique que pratique. En effet, la première partie propose de situer cette activité parmi diverses activités de révision en présentant les plus récents travaux sur le sujet. La seconde partie s’intéresse à la pratique de la RPUF au Québec.

A. La révision de textes

La révision de textes est une activité qui consiste principalement à relire un texte et à y apporter des modifications en vue de l’améliorer. Au sens retenu ici, le texte est « un objet de communication écrit par quelqu’un pour quelqu’un, sur un sujet déterminé par le mandat de départ, dans une visée donnée et selon les conventions d’un genre particulier » (Clamageran et autres, 2015 : 312).

1. Le concept de révision de textes

Depuis plusieurs années déjà, la révision de textes fait l’objet de nombreuses recherches dans diverses disciplines : psychologie cognitive, sciences du langage, didactique, littérature et linguistique. Il ressort de notre lecture des plus récents travaux de recherche réalisés sur le sujet que le concept de « révision de textes » est ambigu. Dans chaque discipline, les chercheurs définissent ou tentent de définir ce qu’ils entendent par « révision », sans nécessairement parvenir à un consensus, à une définition commune, comme le font remarquer Heurley (2006) en psychologie cognitive et Lee (2006) en traduction. Dans les milieux scientifique et professionnel, le mot révision est un terme générique utilisé pour désigner toutes sortes d’activités consistant à relire un texte en vue de l’améliorer, ce qui n’est pas sans créer une certaine confusion.

Globalement, les recherches montrent que la fonction de la révision n’est généralement pas la même selon qu’elle est pratiquée en milieu scolaire et universitaire ou en milieu professionnel. Nous partageons la vision de Horguelin et Brunette (1998), de Brunette

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(2000), de Morin-Hernãndez (2009) et de Scarpa (2010), qui distinguent la révision dite « pédagogique ou didactique » de la révision dite « pragmatique ».

En révision pédagogique ou didactique, l’objectif principal du réviseur est d’améliorer les compétences rédactionnelles et linguistiques de la personne qui a écrit le texte. S’il s’agit d’un professionnel dans un domaine donné, on parlera de révision didactique mais, s’il s’agit d’un élève, on parlera plutôt de révision pédagogique. Par sa nature, cette forme de révision est surtout utilisée en milieu scolaire et universitaire pour aider les élèves et les étudiants à développer leurs compétences en écriture. Les interventions du réviseur dans le texte sont essentiellement des propositions d’améliorations.

En révision pragmatique, l’objectif principal du réviseur est de « revoir un texte avant sa diffusion pour s’assurer de sa conformité à certains critères » (Horguelin et Brunette, 1998 : 4). Ces critères sont déterminés préalablement par un mandant1, c’est-à-dire la

personne qui mandate un professionnel pour la révision d’un texte. Cette fonction est très fréquente dans le milieu de l’édition. Les interventions du réviseur dans le texte sont essentiellement des modifications.

En révision didactique, le réviseur « must explain all changes [he] makes and prove

that [his]amendments are superior » (Brunette, 2000 : 171). Il doit donc être en contact

direct avec la personne qui a écrit le texte. C’est tout le contraire en révision pragmatique, où le réviseur « [is] not required to justify the changes [he] makes to a

text by citing authoritative sources and providing irrefutable examples » (Brunette,

2000 : 170). Il n’est pas nécessaire pour le réviseur de communiquer directement avec l’auteur du texte. S’il n’est pas tenu de justifier chacune de ses interventions dans le texte, le réviseur doit cependant être capable de le faire. Cela dit, la frontière entre révision didactique et révision pragmatique n’est pas hermétique. Par exemple, en contexte professionnel, la révision peut avoir « une certaine dimension didactique » (Morin-Hernãndez, 2009 : 61-63) : il arrive que le réviseur veuille amener l’auteur à

1. Chez les réviseurs pigistes, on parle souvent du client, du donneur d’ouvrage ou de l’auteur alors que, chez les réviseurs salariés, on parle plutôt de supérieurs ou de collègues. Nous retenons le terme mandant pour parler de la personne qui mandate un professionnel pour la révision d’un texte, car ce terme englobe toutes ces réalités.

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peaufiner son style en accompagnant certaines modifications de propositions d’améliorations.

2. Les multiples facettes de la révision de textes

Dans la littérature, la révision est généralement considérée soit comme un « objet d’étude et d’enseignement (milieu théorique et didactique) », soit comme une « activité sociale de service (milieu professionnel) » (Scarpa, 2010 : xii).

L’intérêt des chercheurs pour la révision pratiquée en milieu scolaire et universitaire, qui peut prendre deux formes – l’autorévision et la révision par les pairs –, remonte à la fin des années 1970. Ils sont nombreux à s’être penchés sur l’étape de l’autorévision dans le processus d’écriture, c’est-à-dire la révision de son propre texte, et à avoir démontré qu’elle est importante, puisqu’elle permet d’améliorer la qualité des productions écrites des élèves (notamment Hayes et Flower, 1980; Fitzgerald, 1987; et plus récemment Hayes, 2004; Allal, Chanquoy et Margy, 2004; Pétillon et Ganier, 2006). Avec ces études ont été publiés des modèles de l’étape de la révision dans le processus d’écriture, dont l’un des plus marquants est celui de Hayes et ses collaborateurs (1987). Comme le souligne Van Horne, « [r]esearchers have not only

conducted experimental studies to better understand how and why students revise, but also have examined how students revise in responding to comments from their instructors or peers » (Van Horne, 2001 : 6). Quant à la révision par les pairs, Cho et

MacArthur (2010) ont observé que les étudiants révisent plus efficacement leur texte après avoir reçu les commentaires de plusieurs autres étudiants qu’après avoir reçu ceux d’un seul expert.

Par ailleurs, des chercheurs au Royaume-Uni (Harwood, Austin et Macaulay, 2009) se sont penchés sur le phénomène du « proofreading » dans les universités, un service de révision de textes parfois gratuit, parfois payant, selon la personne qui offre le service, auquel font appel des étudiants qui ont des difficultés en écriture, qu’ils soient de langue maternelle anglaise ou non. Selon Harwood, Austin et Macaulay, l’appellation ne reflète pas l’essence de cette activité révisionnelle :

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Proofreading in the traditional sense of the word (“a final runthrough” before submission, “changing a misspelling here or putting in a punctuation mark there”) is not a true representation of the type of interventions being made. [...] [It] sends the wrong message to writers, giving them the impression that surface level problems (grammar, syntax) are where their problems lie, when in fact they may also have problems with their subject knowledge, their organization and their argumentation (Harwood, Austin et Macaulay, 2009 : 168).

C’est que, en milieu professionnel, le proofreading (appelé communément correction

d’épreuves en français) est une étape qui est effectuée après les autres formes de

révision (validation de contenu, révision de la forme, etc.) et qui vise essentiellement à corriger les erreurs d’orthographe, de frappe et de mise en pages (notamment Scarpa, 2010; Réviseurs Canada, 2014). Or, selon ces chercheurs, les textes des étudiants nécessitent souvent beaucoup plus qu’une correction d’épreuves.

L’intérêt des chercheurs pour la révision pratiquée en milieu professionnel, lui, est assez récent. En traduction, comme le souligne Lee (2006), ce n’est que depuis la publication de la classification de Munday, en 2001, que la révision est clairement considérée comme une sous-discipline de la critique de la traduction (translation

criticism), l’un des trois domaines de la traductologie appliquée. Cette sous-discipline

n’échappe pas à la difficulté de définir la notion de révision, comme l’explique Robert : On constate que le terme « révision » s’applique aussi bien à la révision d’une traduction par le traducteur qu’à la révision d’une traduction par le réviseur. Et ce n’est sans doute pas un hasard : les auteurs qui utilisent le terme de « révision » pour désigner ce que nous appellerons désormais « autorévision » s’intéressent bien souvent au processus de traduction et en particulier à la relecture qui intervient durant la phase de production du texte cible, par exemple Breedveld et van den Bergh (2002), ou juste à la fin de cette phase, par exemple Shih (2006). Or, ces auteurs font souvent référence à des travaux issus d’une discipline voisine, les writing studies ou études des processus de rédaction, qui utilisent généralement le terme de « révision » pour désigner une étape du processus de rédaction qui consiste à modifier son propre texte (Robert, 2012 : 11).

En 2006, le Comité européen de normalisation (CEN) a publié une norme sur les services de traduction2 (EN 15038; Standard for Translation Service Providers), qui

2. La norme du CEN se veut une amélioration d’autres normes de qualité pouvant s’appliquer à la réalité professionnelle de la traduction, dont celles de l’Organisation internationale de normalisation (ISO). Parmi celles-ci, il y a ISO 9000:2005, Systèmes de

management de la qualité – Principes essentiels et vocabulaire (https://www.iso.org/obp/ui/fr/#iso:std:42180:fr), et ISO 12616, Terminologie axée sur la traduction (https://www.iso.org/obp/ui/fr/#iso:std:iso:12616:ed-1:v1:fr).

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exige de faire appel à un tiers pour la révision d’une traduction. Depuis, de plus en plus de recherches portent sur la révision d’un texte traduit par une autre personne que le traducteur en contexte professionnel (notamment Brunette, Gagnon et Hine, 2005; Künzli, 2007; Morin-Hernãndez, 2009; Robert, 2012).

Comme le souligne Robert (2012 : 86), « [a]lors que la révision de la traduction connaît un succès grandissant en traductologie, il semble que ce ne soit pas encore le cas de ce qu’on appelle la “révision professionnelle” (editing en anglais), cette opération qui consiste à examiner et corriger [...] un texte original (donc non traduit) écrit par autrui ». À ce jour, un petit nombre de chercheurs du Québec se sont intéressés à la révision française d’un texte original3 en contexte professionnel (Tremblay, 1994; Cloutier,

1999, 2005 et 2007; Leclerc, 2006 et 2007; Bisaillon, 2007a, 2007b, 2007c, 2007d et 2008; Laflamme, 2007 et 2009). Quoique peu nombreuses, leurs recherches ont permis de démontrer que cette activité de révision va bien au-delà de « l’application mécanique de règles, de normes » (Tremblay, 1994 : 24) ou « des considérations linguistiques généralement reconnues » (Bisaillon, 2007d : 16). Elles ont aussi permis de préciser le contexte de travail du réviseur professionnel (Laflamme, 2007), de démontrer la complexité de sa démarche de travail (Bisaillon, 2007c) et la diversité des problèmes qu’il peut détecter dans un texte sur le plan lexical (Laflamme, 2009).

À ces publications scientifiques s’ajoutent deux ouvrages didactiques publiés en français au Québec : Pratique de la révision (Horguelin et Pharand, 2009 [1re éd. : Horguelin et Brunette, 1998]) et La révision linguistique en français. Le métier d’une

passion, la passion d’un métier (Lachance, 2006). Tous deux fournissent des

explications et des conseils pratiques sur la profession, mais seul le second est consacré exclusivement à la révision de textes originaux. À l’échelle nationale, quelques auteurs anglophones se sont aussi intéressés à la révision de textes originaux, dont Mossop (2014) et Kruger (2008).

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Enfin, il convient de mentionner les publications de Réviseurs Canada/Editors Canada4, anciennement l’Association canadienne des réviseurs/Editors’ Association of Canada (ACR/EAC5), notamment les Principes directeurs en révision professionnelle, dont la version française a été mise à jour en juin 2014. Ces principes « ont pour objet de distinguer les principaux champs de compétences de la révision professionnelle et de préciser les connaissances de base qui y sont liées » (Réviseurs Canada, 2014 : 1). Sur le site Web de l’association, on peut lire que « [c]ette édition 2014 des Principes sert aussi de base au processus d’agrément en français ». Réviseurs Canada trace les contours de la profession et, par la délivrance d’un agrément, contribue à faire de la révision un service professionnel exigeant des compétences particulières.

3. La révision de textes dans le milieu professionnel

Parmi les études portant sur la révision de textes en contexte professionnel, quelques chercheurs en traduction ont proposé une classification pour distinguer des types de révision (Brunette, 2000; Mossop, 2007; Robert, 2008). La typologie de Brunette, par exemple, distingue « five types of assessment procedures used in evaluating the

translation of general texts : pragmatic revision, translation quality assessment, quality control, didactic revision, and fresh look » (Brunette, 2000 : 170). Ciblant des

pratiques évaluatives en traduction, elle reflète seulement une partie de la réalité professionnelle. Plus récente, la typologie de Robert compte aussi cinq catégories, qui sont présentées comme suit :

the text is a translation, the reviser is the translator; the text is a translation, the reviser is not the translator; the text is a translation, the reviser is not the translator : further classification; the text is not a translation, the reviser is the author of the text; the text is not a translation, the reviser is not the author of the text (Robert, 2008 : 5-8).

4. Créée en 1979, Réviseurs Canada compte actuellement 1500 membres à travers le Canada. Comme le soulignait déjà Cloutier en 1994, cette association semble plus active du côté anglophone. Toutefois, les membres francophones de la section Québec-Atlantique ont de plus en plus accès à des services comparables à ceux offerts dans les sections anglophones, dont des séminaires, des événements de réseautage, un bulletin (La Perluète) et un examen d’agrément en français (http://www.reviseurs.ca). 5. Depuis le printemps 2015, bien que le nom légal de l’Association ne change pas, l’acronyme ACR a été remplacé par Réviseurs Canada « pour favoriser une meilleure notoriété et pour mettre en valeur [son] étendue nationale » (Ou, 2015). Par souci d’économie d’espace, nous utiliserons seulement l’appellation française de l’association, soit Réviseurs Canada, dans le présent mémoire.

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À la différence de Brunette, Robert va au-delà d’une seule discipline, son objectif étant de distinguer la révision de traductions d’autres formes de révision qui font l’objet de recherches dans d’autres disciplines. Pour ce faire, elle fait appel à la méthode des 5 W (en anglais : who, what, when, where, why), répondant aux questions qui?, quoi? et quand? (Gergely, 2008 : 14).

Dans la typologie de Robert, la première catégorie s’applique à la révision de sa propre traduction, et la deuxième, à la révision de la traduction de quelqu’un d’autre. La troisième catégorie ressemble à une catégorie fourre-tout, englobant des formes de révision utilisées en traduction, mais qui n’entrent pas dans les deux premières catégories. La révision entre pairs et les fonctions de la révision présentées précédemment (révision pragmatique et révision didactique) en sont des exemples. Les deux dernières catégories concernent des textes originaux : l’une s’applique à la révision de son propre texte, et l’autre à celle du texte de quelqu’un d’autre. Toutefois, dans le cas de textes originaux, la typologie de Robert ne comporte pas de catégorie fourre-tout pour montrer qu’il existe d’autres formes de révision, notamment la révision par les pairs.

Par ailleurs, Robert mentionne les diverses appellations utilisées dans le milieu de la recherche pour désigner l’activité de révision à laquelle renvoie chacune des catégories, sans toutefois en choisir une. En d’autres mots, elle n’adopte pas de terminologie à proprement parler pour désigner les cinq catégories de sa typologie, utilisant plutôt des périphrases. Cet aspect mérite donc d’être éclairé.

3.1. Une représentation schématique

Dans la présente section, nous proposons une représentation schématique de la révision de textes en contexte professionnel (voir la figure 1). L’objectif ici est de fournir une vue d’ensemble des principaux types de révision qui ont fait l’objet de recherches scientifiques jusqu’à maintenant.

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Nous nous sommes inspirée de la méthode utilisée par Robert (2008), en répondant aussi aux questions quoi?, quand? et qui? :

– Qu’est-ce qui est révisé : un texte original ou un texte traduit? – Quand la révision est-elle effectuée : au cours ou à la toute fin de la rédaction ou de la traduction du texte?

– Qui effectue la révision : le rédacteur ou le traducteur du texte, un pair ou un autre professionnel que le rédacteur ou le traducteur du texte?

Toutefois, nous avons adopté une approche axée davantage sur la révision que la traduction et avons désigné les types de révision par des appellations existantes dans la littérature qui permettent de les distinguer les unes des autres. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que cette représentation n’est pas exhaustive : en approfondissant l’exploration, on peut certainement trouver d’autres cas de figure. De plus, les catégories ne sont pas mutuellement exclusives : toutes les formes de révision ont pour objectif principal d’améliorer le texte, mais elles ont chacune des particularités. Ainsi, dans la représentation, les catégories s’affinent au fur et à mesure qu’on se déplace vers la droite.

Comme le montre la figure 1, il y a trois grandes formes de révision, chacune se subdivisant en deux, selon que le texte est original ou traduit :

– l’autorévision unilingue ou bilingue; – l’interrévision unilingue ou bilingue; – la révision unilingue ou bilingue.

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Figure 1 – Représentation schématique de la révision de textes en contexte professionnel

Uniquement après la rédaction du texte Processus de révision unilingue Réviseur qui révise le texte d’un autre professionnel Révision unilingue Au cours ou à la suite de la rédaction du texte Étape du processus de rédaction Professionnel qui révise le texte qu’il a lui-même rédigé Autorévision unilingue Professionnel qui révise le texte d’un pair Interrévision unilingue Texte original Uniquement après la traduction du texte Processus de révision bilingue Traducteur ou réviseur connaissant la langue de départ qui révise le texte d’un autre traducteur Révision bilingue Au cours ou à la toute fin de la traduction du texte Étape du processus de traduction Traducteur qui révise le texte qu’il a lui-même traduit Autorévision bilingue Traducteur qui révise le texte d’un pair Interrévision bilingue Texte traduit Révision en contexte professionnel

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Dans le contexte de ce mémoire, nous nous intéressons à la révision professionnelle unilingue (voir l’encadré hachuré dans la figure 1). La révision professionnelle unilingue, telle que nous l’entendons ici, renvoie à une des étapes de la grande chaîne d’édition et de production d’un texte destiné à la publication. Isabelle Clerc a schématisé cette chaîne dans La démarche de

rédaction (voir la figure 2). Comme on peut le voir dans la figure 2, la révision

professionnelle se situe après la démarche de rédaction, faisant partie de la démarche d’édition à proprement parler. Cela dit, le réviseur professionnel peut aussi être appelé à effectuer d’autres tâches de cette grande chaîne, comme la réécriture et la correction d’épreuves. Il en sera question un peu plus loin (voir la partie B).

Figure 2 – Démarches de rédaction, d’édition et de production d’un texte destiné à la publication (tiré de Clerc, 2000 : 9)

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L’autorévision et l’interrévision, qu’elles soient effectuées dans un texte original ou dans un texte traduit, font partie du processus de rédaction (Flower et Hayes, 1981; Hayes et coll., 1987; Fitzgerald, 1987; Hayes, 2004; Heurley, 2006) ou de traduction du texte (Breedveld, 2002 et Shih, 2006), c’est-à-dire qu’elles ont lieu au cours ou à la fin de ce processus. En révision unilingue ou bilingue, la personne chargée d’effectuer la révision n’est pas impliquée dans la rédaction (Laflamme, 2007) ni dans la traduction du texte (Robert, 2008); donc, le réviseur est une autre personne que le rédacteur ou le traducteur. De plus, « le réviseur entreprend le processus de révision seulement lorsque l’auteur a complété le processus de rédaction » (Laflamme, 2007 : 28) ou lorsque le traducteur a terminé la traduction du texte (CEN, 2006).

Dans le cas de la révision d’un texte traduit, certains chercheurs font une distinction quant à la portion du texte à réviser. Selon Robert, « il ne peut être question de révision que s’il y a examen du texte intégral. Dans le cas contraire, il s’agit d’une autre forme d’évaluation » (Robert, 2012 : 16), par exemple l’évaluation de la qualité ou le contrôle de la qualité, qui peuvent avoir lieu avant ou après la livraison du texte final au mandant (Mossop, 2014). En ce qui a trait à la révision d’un texte original, on ne semble pas faire cette distinction, que ce soit dans le milieu scientifique ou professionnel, la révision unilingue pouvant s’effectuer dans une partie ou la totalité du texte.

Comme il en a été question précédemment, la révision d’un texte original ou traduit est effectuée par un professionnel extérieur. En principe, il s’agit d’un langagier, c’est-à-dire d’une « [p]ersonne qui exerce une profession [...] [en] rédaction, [en] révision ou [en] traduction de textes et qui peut assurer la qualité linguistique, terminologique, stylistique et typographique des productions écrites ou orales qu’on lui soumet » (OQLF, 2011 : [s. p.]).

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Par ailleurs, il faut savoir que tous les réviseurs professionnels n’effectuent pas les deux types de révision, c’est-à-dire la révision unilingue et la révision bilingue. Portant sur un texte traduit, cette dernière comporte généralement une lecture comparative entre le texte source et le texte cible6. Donc, en principe, la révision bilingue est effectuée par un traducteur ou un réviseur connaissant la langue de départ7.

À l’instar de Graham (1989) et de Lee (2006), il convient de ne pas confondre la correction et la révision. Si les tâches de l’une et l’autre se ressemblent, elles demeurent différentes, la première étant incluse dans la seconde. En effet, la correction vise essentiellement à appliquer le code linguistique en corrigeant les erreurs d’orthographe, de grammaire et de syntaxe, alors que la révision déborde du cadre linguistique. En théorie, la correction comme la révision devraient être assurées par un langagier mais, dans les faits, la correction est souvent effectuée par un non-langagier.

La RPU peut englober la correction de coquilles, la vérification du vocabulaire, l’amélioration de la clarté, la réécriture du texte, etc. Elle varie « d’un document à l’autre et d’un projet à l’autre en fonction, par exemple, de la qualité du texte initial, de la qualité finale souhaitée, des pratiques établies au sein de l’entreprise ou de l’organisme, des méthodes et des outils de production, du média choisi et, bien sûr, des budgets alloués » (Réviseurs Canada, 2014 : 2). Les recherches montrent que la RPU englobe les aspects linguistique, informationnel, organisationnel et scriptovisuel du texte (Bisaillon, 2007b; Leclerc, 2007; Cloutier, 2007 et 1999; Hastie, 2007).

6. Dans le monde professionnel de la traduction, la révision bilingue peut prendre différentes formes. Selon Robert, les quatre procédures de révision les plus fréquentes sont la « relecture unilingue unique », la « relecture bilingue unique », la « relecture bilingue suivie d’une relecture unilingue » et la « relecture unilingue suivie d’une relecture bilingue » (2008 : 50). Il arrive qu’on exige seulement une relecture unilingue d’un texte traduit dans le but de réduire les coûts de production du document. Dans ce cas, le réviseur n’a pas accès au texte original pour réviser le texte traduit.

7. Dans le milieu professionnel, les avis sont partagés sur la question. Certains considèrent que seuls les traducteurs sont outillés pour réviser un texte traduit, alors que d’autres considèrent que les réviseurs sont en mesure de le faire, puisqu’il s’agit non pas de vérifier si le texte a été bien traduit, mais s’il est bien écrit. Ainsi, les réviseurs ne consulteraient le texte original que lorsque c’est nécessaire, par exemple lorsque la formulation d’une phrase n’est pas idiomatique.

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3.2. La révision professionnelle unilingue : définitions

Dans les publications des praticiens de la révision (Lachance, 2006; Horguelin et Pharand, 2009; Réviseurs Canada, 2014), la RPU est unanimement considérée comme une activité complexe qui vise à améliorer deux grandes dimensions du texte : la qualité de la langue et l’efficacité de la communication. Selon Horguelin et Pharand, l’une n’est pas plus importante que l’autre : « on ne peut […] se contenter de vérifier la qualité linguistique des textes. Il faut aller plus loin et, pratiquant l’empathie (aptitude à se mettre à la place du destinataire), s’assurer que le texte révisé a atteint la cible, c’est-à-dire qu’il sera lu et qu’il provoquera la réaction attendue » (Horguelin et Pharand, 2009 : 10). Dans son guide, Lachance expose de façon plus détaillée ces deux dimensions, ajoutant que le niveau d’intervention du réviseur peut aller jusqu’à la réécriture de phrases :

Il faut [...] vérifier, en plus de la grammaire, de l’orthographe et de la syntaxe, tous les autres aspects de la langue – ambiguïtés, anglicismes, tournures animistes, archaïsmes, barbarismes, contresens, cooccurrences, faux amis, impropriétés, conformité du texte avec le niveau de langue recherché, pléonasmes, ponctuation, redondances et répétitions, régionalismes, solécismes, style, typographie et uniformité à divers égards. [...] Et l’on ajoute à cet ensemble une dimension qui [...] peut sembler subjective, soit l’amélioration d’un texte, pouvant aller d’une simple substitution de termes – plus justes ou plus clairs – à la réécriture de phrases, de façon qu’il soit cohérent, intelligible pour le public pour lequel il est destiné et qu’il atteigne son objectif [...] (Lachance, 2006 : 26).

Dans le milieu scientifique, Bisaillon est la seule jusqu’à aujourd’hui à avoir formulé une définition de la révision professionnelle unilingue, basée sur les résultats de ses recherches. Elle se lit comme suit :

activité qui consiste à comprendre et à évaluer le texte d’un auteur et à y apporter des modifications touchant les aspects informationnel, organisationnel ou formel afin d’en améliorer la qualité et l’efficacité communicationnelle. Ces modifications se font au moyen d’ajouts, de suppressions, de remplacements et de déplacements, et elles peuvent toucher les diverses unités du discours, du simple caractère typographique au texte complet. Elles peuvent donc être mineures – et concerner un détail – ou majeures – et porter sur le contenu et l’organisation du texte. L’activité de révision peut aussi comprendre la réécriture d’une partie d’une phrase ou de longues sections du texte (Bisaillon, 2008 : 189).

Cette définition présente l’avantage d’englober celles des praticiens, d’une part, et d’être plus riche, d’autre part. Bisaillon décrit avec justesse la façon dont le réviseur intervient dans le texte – c’est-à-dire en effectuant des ajouts, des suppressions, des remplacements et des

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déplacements – et la diversité des unités du texte auxquels il peut toucher. À cet égard, elle va plus un peu plus loin que Lachance, puisqu’elle considère que la réécriture ne se limite pas à la phrase, pouvant toucher le paragraphe, voire le texte en entier.

3.3. Quelques considérations terminologiques

Dans le milieu scientifique, les chercheurs qui ont étudié la révision unilingue française effectuée par un professionnel au Québec ont employé l’appellation révision professionnelle (notamment Cloutier, 1999 et 2005; Leclerc, 2006; Bisaillon, 2007a, 2007b, 2007c, 2007d et 2008; Laflamme, 2007 et 2009) sans préciser qu’il s’agissait de révision unilingue. Cette précision n’était pas nécessaire, puisque leurs recherches ne s’effectuaient pas dans un contexte de traduction et qu’il n’y avait aucun risque d’ambiguïté. Cependant, nous croyons qu’une précision s’impose lorsqu’il y a risque de confusion, par exemple dans un appel d’offres ou une annonce de recrutement. Cette situation s’est présentée au cours de notre collecte de données. Il en sera question au chapitre 3.

Le terme révision professionnelle demeure sur ce point ambigu, car il ne permet pas de savoir s’il est question de révision unilingue ou de révision bilingue. S’il est vrai que, dans certains contextes, on puisse parler de révision au sens large du terme, c’est-à-dire que l’activité peut concerner des textes originaux ou traduits, dans d’autres, que ce soit dans la pratique ou sur le plan théorique, il est important que le terme révision « rest[e] suffisamment univoque pour que nous puissions être sûrs de parler de la même chose » (Lee, 2006 : 414). Le recours aux appellations révision unilingue ou révision professionnelle unilingue, dans ce cas, peut s’avérer utile.

Dans le présent mémoire, le terme révision professionnelle unilingue (RPU) sera utilisé pour faire référence à l’activité de révision d’un texte original effectuée par un professionnel; nous utiliserons plus particulièrement révision professionnelle unilingue française (RPUF), puisque la présente étude porte sur la révision de textes originaux en français pratiquée par des professionnels au Québec. Ce choix terminologique permet de parler le même langage que les professionnels et d’être plus précis.

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B. La pratique de la révision professionnelle unilingue française

au Québec

Tout comme un mandat de rédaction « suppose un mandant (le client), un mandataire (le rédacteur) et un destinataire (la personne à qui s’adresse le document) » (Clerc, 2000 : 16), un mandat de révision suppose un mandant, un réviseur et un destinataire. En tant que premier lecteur et premier destinataire du texte (Brunette, 2007), mais aussi en tant qu’expert mandaté pour une tâche particulière, le réviseur doit jongler avec les attentes et les conceptions de chacun, y compris les siennes. Avant de montrer toute la complexité de la pratique de la RPUF au Québec, il importe de présenter les principales tâches associées à cette activité dans le milieu professionnel.

1. Les principales tâches confiées au réviseur professionnel

Le mandat de révision est « une sorte de contrat qui comporte l’information utile au réviseur pour définir son travail » (Laflamme, 2007 : 29). Il peut comprendre de nombreux paramètres : la tâche8 de révision, la ou les sous-tâches de la révision, les caractéristiques du

texte (le sujet, le but, le destinataire, le genre, le média et la longueur), l’échéance, la rémunération et le support de révision (Laflamme, 2007 et 2009; Bisaillon, 2008). Parmi tous les éléments d’information que le réviseur s’attend à recevoir du mandant, la tâche de révision constitue l’un des plus importants, sinon le plus important, car il lui permet « de connaître, d’une part, les aspects du texte sur lesquels il devra porter son attention, et d’autre part, le ou les sous-buts de la révision (rendre [le texte] plus clair, améliorer le style, corriger les fautes) […], puisque le but ultime de la révision en situation professionnelle […] est d’améliorer la qualité et l’efficacité de la communication écrite » (Laflamme, 2007 : 30). Réviseurs Canada (2014) distingue quatre tâches : la révision de fond (aussi appelée révision structurale), la révision de forme (aussi appelée révision stylistique ou révision linguistique), la préparation de copie et la correction d’épreuves (voir le tableau 1).

8. Nous retenons le terme tâche pour parler du travail que le réviseur effectue dans le texte, réservant le terme type aux trois grandes catégories de la typologie de la révision de textes en contexte professionnel (voir la section A.3.1).

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Tableau 1 – Les quatre tâches inhérentes au travail d’un réviseur professionnel selon Réviseurs Canada

Définition

Révision de fond La révision de fond suppose une lecture attentive et méthodique d’un texte en vue de l’adapter aux destinataires, d’en clarifier le contenu et d’en réorganiser la structure.

Révision de forme La révision de forme vise l’amélioration du style du texte dans son ensemble grâce à des corrections de syntaxe, de vocabulaire, d’orthographe ou de ponctuation.

Préparation de copie

La préparation de copie consiste à mettre au point un texte en vue de sa mise en pages après qu’il a été révisé. Il s’agit notamment d’appliquer de façon uniforme dans tout le document les règles et les conventions en usage, et d’informer le ou la graphiste de toute exigence particulière touchant la production.

Correction d’épreuves

La correction d’épreuves comprend toute vérification qui suit l’étape de mise en pages ou d’intégration Web. Qu’il s’agisse de la première épreuve ou d’épreuves subséquentes, il faut examiner notamment la typographie, l’orthographe, la mise en forme du texte et tous les aspects de la présentation visuelle.

Dans cet ordre, ces tâches sont reliées aux étapes du déroulement idéal et logique de la production d’un texte destiné à la publication. La révision de fond, la révision de forme et la préparation de copie précèdent l’étape de la mise en pages du texte, alors que la correction d’épreuves suit cette étape. Toutefois, dans la pratique, les chevauchements sont courants. Les données sur les tâches confiées au réviseur professionnel sont encore très parcellaires. Comme le signalait déjà Cloutier à la fin des années 1990, « pour bien comprendre la fonction de chaque [tâche], il est nécessaire d’identifier les dimensions du texte touchées par les modifications propres à chacun[e] des [tâches] » (Cloutier, 1999 : 157). Encore aujourd’hui, les frontières entre ces quatre tâches ne sont pas nettes. Cet aspect de la profession mériterait donc d’être étudié plus en profondeur.

S’il est vrai que les réviseurs professionnels font la distinction entre les quatre tâches présentées précédemment, ce n’est pas toujours le cas des personnes qui font appel à leurs services. « Les mandats9 que les réviseurs reçoivent ne sont pas toujours clairs. S’ils sont

habitués à travailler avec le même client, ils savent ce que ce dernier attend d’eux. Toutefois, s’ils ne connaissent pas le client, ils doivent poser des questions pour savoir à quel[le] [tâche] il s’attend » (Bisaillon, 2007b : 51). Comme le fait remarquer Lachance (2006), les mandants

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connaissent peu ou pas les limites du travail et ils souhaitent tout simplement que les documents soumis à une révision atteignent la plus grande qualité possible. La question ne se pose pas alors de savoir s’il convient de faire une révision structurale ou linguistique [de fond ou de forme] : les deux se fondent habituellement en une seule révision, que l’on nomme, dans le milieu du travail, à tort ou à raison, révision

linguistique10 » (Lachance, 2006 : 28).

Mais qu’est-ce qu’une révision de qualité? La réponse à cette question n’est pas évidente, car la pratique de la révision ne consiste pas à suivre une liste de vérifications préétablies et standardisées qui, une fois effectuées, garantissent la qualité du travail et la satisfaction du mandant. En fait, la tâche du réviseur est principalement tributaire de la conception que le mandant se fait d’une bonne révision, qui peut être très variable, et du temps qui est accordé au réviseur pour la réalisation de son travail.

2. Les principales attentes du mandant

Les directives du mandant sont au cœur du mandat de révision. Il ne faut pas oublier que le réviseur professionnel est avant tout un prestataire de service. Il se doit donc de suivre les directives de la personne qui le mandate. Or, comme nous le verrons dans les lignes qui suivent, ces directives manquent souvent de clarté et de précision, ce qui n’empêche pas le mandant d’avoir une idée du résultat final attendu. C’est pourquoi il nous semble plus juste de parler d’« attentes » dans le contexte.

2.1. Le code linguistique

Une révision de qualité passe nécessairement par le respect du code linguistique, y compris la conformité à la norme linguistique11. Le code linguistique correspond au « système des signes et des règles permettant la production et la réception des énoncés » (TLFi, 2016, [s.p.]). Il englobe entre autres l’orthographe, la ponctuation, la typographie, la syntaxe et le vocabulaire.

Le respect du code linguistique fait toujours partie du mandat, que ce soit mentionné ou non. En effet, les mandants s’attendent toujours à ce que le réviseur relève toutes les erreurs dans

10. Très répandue dans le monde professionnel, l’appellation révision linguistique semble en effet plus utilisée pour désigner la RPUF en tant que telle (soit le type de révision) que pour désigner une tâche particulière associée à la RPUF.

11. En effet, la conformité à la norme linguistique, et plus particulièrement à la norme lexicale, est un aspect très important du code linguistique. Il en sera question au chapitre suivant de même qu’au chapitre 4.

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le texte, c’est-à-dire tout manquement aux règles. En général, ce qui relève d’une erreur constitue en quelque sorte la base objective de la révision : le réviseur peut fournir une preuve à l’appui, une règle tirée d’un dictionnaire, d’une grammaire, etc., que le mandant peut difficilement contester.

Il arrive que les attentes du mandant s’arrêtent là. Comme le signale Cloutier, « la plupart des gens […] ont une conception limitée de la révision de textes professionnelle. Plusieurs s’imaginent en effet qu’elle ne consiste qu’à corriger des fautes d’orthographe lexicale ou grammaticale » ou qu’elle « ne touche que les aspects linguistique ou orthographique du texte » (Cloutier, 1999 : 140-141). C’est donc dire que ce ne sont pas tous les mandants qui savent que la révision touche à d’autres aspects du texte. À ce propos, selon notre expérience, les attentes des mandants qui ont l’habitude de travailler avec un réviseur professionnel dépassent généralement la vérification du code linguistique, car ils ont vu ce que peut faire le réviseur, alors que ce n’est pas toujours le cas des nouveaux mandants.

2.2. La situation de communication

Même s’ils ne le mentionnent pas toujours de façon explicite, les mandants sont de plus en plus nombreux à vouloir un texte bien adapté à la situation de communication, un texte efficace sur le plan communicationnel12. Ces attentes concordent avec les définitions de la révision professionnelle unilingue présentées plus tôt. Pour certains mandants, cet aspect est fondamental, au même titre que l’aspect linguistique alors que, pour d’autres, il revêt une importance relative. Il arrive aussi que ce soit le réviseur qui s’aperçoit que le texte a des lacunes sur le plan communicationnel et qu’il en avertit le mandant, qui peut alors accepter ou non que cet aspect soit amélioré. Les réviseurs professionnels ne jouissent donc pas de la même latitude quant à cet aspect d’un mandat à l’autre.

Selon Bisaillon, l’efficacité communicationnelle, « c’est la caractéristique que possède un texte qui non seulement est exempt d’erreurs, mais qui se lit bien et est compréhensible pour le destinataire. Le texte est efficace sur le plan de la communication s’il produit l’effet recherché (informer, provoquer, éveiller, amuser, etc.) sur le destinataire » (Bisaillon, 2008 :

12. Il convient de préciser que le réviseur ne se substitue pas au rédacteur sur ce plan. Son rôle est d’améliorer le texte et non d’en réécrire un autre, sauf dans des situations exceptionnelles. À ce sujet, voir notamment l’article de Hastie (2007).

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190). Ainsi, les destinataires occupent une place importante dans les objectifs de communication. Sans nécessairement analyser les caractéristiques13 et l’environnement cognitif14 des destinataires du texte, comme le fait généralement le rédacteur, le réviseur doit toujours garder les destinataires en tête lorsqu’il révise, tenter de se les représenter à partir des informations dont il dispose. Si les destinataires sont des francophones du Québec, par exemple, il en tiendra compte dans l’évaluation des emplois lexicaux en veillant à ce que ceux-ci soient adaptés à la variété de français du Québec, qui diffère de celle de France, de Belgique, etc. Si les destinataires du texte sont des pompiers spécialisés dans les interventions en présence de matières dangereuses, un domaine dans lequel la terminologie anglaise prédomine, le réviseur devra parfois laisser dans le texte des termes anglais par souci de compréhension.

Dans une recherche sur la prise en compte du destinataire par deux réviseurs professionnels, Leclerc (2006) a ciblé trois procédés par lesquels le réviseur peut faciliter la compréhension du texte pour le destinataire, soit « en s’assurant que la langue est adaptée au destinataire, que la présentation visuelle est adéquate (éléments liés à la lisibilité), que l’information est appropriée et qu’elle est bien organisée (lié à l’intelligibilité) » (Leclerc, 2006 : 81). Toutefois, Leclerc n’a pas pu vérifier si les versions révisées par les deux réviseurs étaient effectivement plus faciles à comprendre que les versions originales. Pour mesurer l’efficacité communicationnelle d’un texte, il faut tenir compte « de l’adéquation entre la visée du document et son atteinte chez le lecteur » (Clerc et Beaudet, 2002 : [s. p.]). Pour connaître les meilleurs moyens d’améliorer l’efficacité communicationnelle d’un texte en révision, des recherches devront être conduites. De telles recherches pourraient contribuer à former des réviseurs professionnels mieux outillés pour remplir leurs mandants. Malgré le manque de connaissances sur cet aspect de la RPUF, on ne peut nier l’importance de la prise en compte du destinataire par le réviseur.

13. Les caractéristiques des destinataires à prendre en compte dans la rédaction d’un texte sont : « les informations dont ils disposent sur le sujet traité dans le texte, [...] leur âge, leur niveau scolaire, leur milieu social, culturel, leurs capacités cognitives et linguistiques, leur intérêt [...] et leur attitude envers la lecture en général et envers la lecture d’un texte particulier » (Cloutier, 2001 : 2).

14. « L’environnement cognitif global d’un être humain comprend sa représentation du monde ainsi que l’ensemble des faits et des hypothèses qui lui sont manifestes » (Cloutier, 2001 : 3).

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2.3. Un délai plus ou moins court

Le temps accordé par un mandant pour effectuer la révision d’un texte est très variable. Étant donné que la révision est la dernière étape avant la production du texte (voir la figure 2 présentée dans la partie A), il n’est pas rare que le mandant demande le texte révisé dans le plus bref délai possible. Ainsi, le réviseur n’a pas toujours le temps de réaliser chacune des étapes de la démarche de révision (voir la section 4), y compris la relecture du texte après la révision pour en assurer la qualité. Le plus souvent, il doit travailler dans l’urgence, obligé dans certains cas à limiter ses interventions dans le texte ou à demander au mandant d’effectuer lui-même certaines vérifications (Laflamme, 2007).

2.4. Un produit fini

La RPUF étant foncièrement pragmatique, le mandant s’attend à recevoir un texte révisé qui ne contient aucune justification, ni référence ou commentaire personnel. Normalement, le mandant fait appel à un réviseur pour un produit fini : ce qu’il veut, c’est le résultat de la révision sans les arguments qui sous-tendent les modifications apportées au texte par le réviseur.

Selon Horguelin et Pharand, le réviseur ne devrait pas proposer de choix de solutions à un problème détecté dans le texte, car « [c]’est au réviseur de décider » (Horguelin et Pharand, 2009 : 40). En théorie, il est vrai que le réviseur, à moins de vouloir faire ses preuves, devrait s’en tenir à l’indication de ses modifications; en pratique, toutefois, ce n’est pas toujours aussi systématique. D’après notre expérience de réviseure, deux principaux cas de figure peuvent se présenter et nécessiter de s’adresser au mandant dans un commentaire :

1. lorsque la raison pour laquelle le réviseur a apporté une modification dans le texte peut être incomprise ou remise en question (ex. : l’emploi de l’indicatif après la locution après que, même si c’est le subjonctif qui vient plus naturellement);

2. lorsqu’il y a ambiguïté dans le texte (ex. : une phrase qui manque de clarté).

Dans le premier cas, le réviseur peut justifier sa modification pour éviter que le mandant la refuse et que l’erreur soit laissée dans le texte. Dans le second cas, le réviseur peut demander au mandant de reformuler la phrase ou lui offrir un choix de reformulations, car il y a ambiguïté. Par exemple, au risque de changer le sens voulu en corrigeant directement dans

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le texte, le réviseur signale l’ambiguïté et propose des solutions possibles en fonction du contexte de communication. Que ce soit pour l’une ou l’autre des deux raisons, le réviseur doit faire appel à son jugement professionnel en n’attirant l’attention du mandant que lorsque c’est nécessaire, car il ne doit pas oublier de limiter le plus possible la prise de décisions de la part du mandant après sa révision pour faciliter le travail de validation.

2.5. Bilan

Pour réviser un document qui correspond aux attentes du mandant – et donc pour effectuer une révision de qualité –, le réviseur doit inévitablement concilier les attentes du mandant, mais aussi celles du destinataire du texte. Par ses connaissances et son expérience, le réviseur est la personne la mieux placée pour évaluer le travail à faire dans le texte. C’est donc lui qui cible les besoins des destinataires et qui apporte les modifications nécessaires dans le texte pour combler ces besoins, et ce, tout en tenant compte des directives du mandant. Par conséquent, il arrive que le réviseur dépasse le mandat qui lui a été confié. D’ailleurs, comme le souligne Laflamme, « deux réviseurs ayant exactement le même mandat […] ne soumettront pas un produit final identique » (Laflamme, 2007 : 39). C’est que les réviseurs n’ont pas tous le même bagage professionnel et personnel.

3. Le bagage du réviseur professionnel

Au cours d’une étude de cas réalisée auprès de six réviseurs professionnels, Laflamme (2009) a dégagé différentes caractéristiques du réviseur qui sont susceptibles de l’influencer dans son travail. Les connaissances, la formation, l’expérience et la conception de la révision se rapportent à sa profession; la motivation, le sentiment de la langue, les préférences personnelles et l’ouverture d’esprit se rapportent à sa personnalité. Nous les présentons brièvement ici.

3.1. Les connaissances

Qui dit langagier, dit connaissances linguistiques. Il est évident que le réviseur doit maîtriser la langue française jusque dans ses moindres détails. Il doit aussi posséder des connaissances « qui se rapportent à [...] l’organisation et [à] l’exécution du travail, [au] contenu d’une publication », ainsi qu’à « la mise en pages et [à] la typographie » (Réviseurs Canada, 2015 : 9). Enfin, il doit avoir une excellente culture générale, car les textes qu’il est appelé à réviser

Figure

Figure 1 – Représentation schématique de la révision de textes en contexte professionnel
Figure 2 – Démarches de rédaction, d’édition et de production d’un texte destiné à la  publication (tiré de Clerc, 2000 : 9)
Tableau 1 – Les quatre tâches inhérentes au travail d’un réviseur professionnel selon  Réviseurs Canada
Figure 4 – Fiche collimage tirée du GDT
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