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Évaluation du développement du capital humain des travailleurs agricoles saisonniers mexicains séjournant au Québec

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Academic year: 2021

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Évaluation du développement du capital humain des

travailleurs agricoles saisonniers mexicains séjournant

au Québec

Mémoire

Abigaïl Guimont Fitz

Maîtrise en sciences géographiques

Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

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Résumé

Cette étude vise à vérifier l’existence de retombées positives sur le plan du capital humain, comme par exemple l’acquisition de connaissances ou l’entrepreneuriat, chez les travailleurs mexicains inscrits au Programme des travailleurs agricoles saisonniers dans la province de Québec. Pour ce faire, 30 entrevues semi-dirigées ont été menées auprès d’individus travaillant sur l’Île d’Orléans et dans les municipalités de Saint-Augustin-de-Desmaures, Saint Appolinaire et L’Assomption. Une catégorisation des expériences selon le degré de construction des capacités a été réalisée en considérant l’état d’origine, le nombre de séjours au Canada avec le PTAS, l’acquisition de connaissances et leur application, la possession de terre, la poursuite de projet et l’intérêt à demeurer dans le PTAS. Les catégories qui en ont résulté sont l’expérience de survie, l’expérience d’appoint, l’expérience entrepreneuriale souhaitée et l’expérience entrepreneuriale établie. Les enquêtes ont démontré qu’il y a des retombées positives chez plusieurs sujets grâce à ces migrations saisonnières.

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Abstract

This study aims to verify the existence of positive impacts in terms of human capital, such as the acquisition of knowledge and entrepreneurship, among Mexican workers enrolled in the Seasonal Agricultural Worker Program in the province of Quebec. To do this, 30 semi-structured interviews were conducted with individuals working on Île d'Orléans and in the municipalities of Saint -Augustin-de-Desmaures, Saint-Apollinaire and L’Assomption. A categorization of the experiences according to the degree of capacity building was carried out considering the state of origin, the number of trips to Canada with the SAWP, the acquisition of knowledge and its application, land ownership, the pursuit of projects and the interest to remain in the SAWP. Categories that have resulted are the survival experience, the supplementary experience, the wished entrepreneurial experience and the established entrepreneurial experience. Investigations have shown that there are benefits in several cases with these seasonal migrations.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xiii

Remerciements ... xv

1. Introduction ... 1

1.1. Problématique ... 2

1.2. Intérêt de la recherche et retombées possibles au plan scientifique ... 5

2. Cadre contextuel de la recherche ... 7

2.1. Revue de la littérature ... 7

2.1.1. L’étude des retombées des migrations ... 7

2.1.2. Le migrant et le capital humain ... 8

2.1.3. Le migrant et l’amélioration de la qualité de vie ... 9

2.1.4. Les retombées pour les femmes et la communauté ... 10

2.1.5. Les activités non productives et productives ... 11

2.1.6. La migration au Canada comparée à la migration aux États-Unis ... 13

2.1.7. Raisons de départ et choix entre le Canada et les États-Unis ... 14

2.3. Question de recherche ... 15 2.4. Hypothèse de recherche ... 15 2.5. Objectifs de recherche ... 15 2.6. Limites de l’étude ... 16 3. Cadre conceptuel ... 19 3.1. Concepts ... 19 3.1.1. Migrant ... 19 3.1.2. Flux migratoires ... 19 3.1.3 Capital ... 20 3.1.4. Capital humain ... 20

3.1.5. Amélioration de la qualité de vie ... 21

3.1.6. Nouvelle ruralité ... 22

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4. Méthodologie ... 25

4.1. Zone d’étude et période d’analyse ... 25

4.2. Sources de données ... 26

4.3. Méthode de traitement des données ... 29

4.4. Méthode d’analyse des données ... 29

4.5. Mode de représentation des données ... 31

5. Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers et les pays à l’étude ... 33

5.1. Historique du programme ... 33

5.2. Le contexte agricole et migratoire canadien ... 37

5.3. Le contexte agricole et migratoire mexicain ... 41

6. Description analytique des travailleurs agricoles mexicains venant au Québec 47 6.1. Profil socio-économique ... 49

6.1.1. État d’origine ... 49

6.1.2. État civil et famille ... 51

6.1.3. Expérience au sein du PTAS au Canada et au Québec ... 52

6.1.4. Propriété terrienne ... 54

6.1.5. Présence d’un esprit entrepreneurial ... 56

6.2. Thèmes abordés ... 57

6.2.1. Éléments jugés favorables par les travailleurs ... 57

6.2.2. Impacts des migrations dans la communauté d’origine ... 67

6.2.3. Le rôle des femmes dans la gestion des remesas ... 68

6.2.4. La poursuite de projets ... 69

7. Analyse des perceptions des gains en capital humain de la part des travailleurs et de l’expérience de travail comme migrant ... 81

7.1. Les catégories d’expériences selon le degré de construction des capacités ... 81

7.1.1. L’expérience de survie ... 82

7.1.2. L’expérience d’appoint ... 84

7.1.3. L’expérience entrepreneuriale souhaitée ... 85

7.1.4. L’expérience entrepreneuriale établie ... 88

7.2. Lectures alternatives à l’analyse des perceptions ... 91

7.2.1. L’incidence du contexte socio-économique sur les travailleurs ... 92

7.2.2. L’incidence du nombre de séjours effectués ... 94

8. Interprétation des retombées des migrations ... 97

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8.1.1. L’expérience de survie ... 98

8.1.2. L’expérience d’appoint ... 99

8.1.3. L’expérience entrepreneuriale souhaitée ... 100

8.1.4. L’expérience entrepreneuriale établie ... 101

8.2. Vulnérabilité et dépendance envers les migrations ... 102

8.3. Marge de manœuvre selon les ressources matérielles et l’environnement ... 105

8.4 Retour sur la nouvelle ruralité ... 107

9. Conclusion ... 109 10. Bibliographie ... 113 10.1. Monographies ... 113 10.2. Sources électroniques ... 116 10.3. Autres sources ... 118 11. Annexes ... 119

Annexe 1 : Carte des zones d'étude ... 119

Annexe 2 : Grille d’entrevue – Travailleurs saisonniers ... 120

Annexe 3 : Carte des climats du Mexique selon le classement de Köppen ... 121

Annexe 4 : Données recueillies auprès des travailleurs saisonniers mexicains (Extrait Profil socio-économique) ... 122

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Liste des tableaux

Tableau 1: Entrées totales des travailleurs étrangers selon le sous statut annuel

(Extrait) ... 35

Tableau 2: Nombre de postes de travailleurs étrangers temporaires visés par les avis relatifs au marché du travail émis dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, par emplacement de travail ... 40

Tableau 3: Répartition des neuf travailleurs selon le nombre d'enfants.. ... 52

Tableau 4: Répartition des neuf travailleurs vivant une expérience de survie.. ... 83

Tableau 5: Répartition des trois travailleurs vivant une expérience d’appoint. ... 84

Tableau 6: Répartition des neuf travailleurs vivant une expérience entrepreneuriale sans agriculture.. ... 86

Tableau 7: Répartition des quatre travailleurs vivant une expérience entrepreneuriale souhaitée avec agriculture.. ... 87

Tableau 8: Répartition des deux travailleurs vivant une expérience entrepreneuriale établie sans agriculture.. ... 88

Tableau 9: Répartition des trois travailleurs vivant une expérience entrepreneuriale établie avec agriculture.. ... 89

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Liste des figures

Figure 1: Valeurs et indicateurs. ... 24 Figure 2: Répartition des 30 travailleurs selon leur état d'origine.. ... 50 Figure 3: Carte géopolitique du Mexique.. ... 51 Figure 4: Répartition des 30 travailleurs selon le nombre de séjours au Canada.. 53 Figure 5: Répartition des 19 travailleurs selon le nombre de séjours au Québec et au Canada... 54 Figure 6: Répartition des 30 travailleurs selon la possession de terre.. ... 56 Figure 7: Répartition des 30 travailleurs selon la volonté d'entreprendre.. ... 57 Figure 8: Répartition des 30 travailleurs selon leur intérêt à demeurer dans le PTAS.. ... 79 Figure 9: Répartition des 30 travailleurs selon la possession de terre et le nombre de séjours... 95 Figure 10: Répartition des 30 travailleurs selon leur volonté d'entreprendre et leur nombre de séjours.. ... 96

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Remerciements

Je souhaite remercier avant tout ma directrice de recherche, Mme Nathalie Gravel, pour son appui inconditionnel tout au long de mes études même dans les moments de grands questionnements et pour m’avoir donné l’opportunité de découvrir sur le plan de la recherche ce merveilleux pays qu’est le Mexique. Mes sincères remerciements à mes évaluateurs, M. Matthew Hatvany et Mme Marie-Hélène Vandersmissen, pour leurs judicieux conseils à chacune de nos rencontres au cours des deux dernières années. Tous les trois sont professeurs au Département de géographie de l’Université Laval.

Ma plus profonde gratitude à mes amis Héctor José Martínez Arboleya et Pablo Muñoz Specht pour leur appui à toute épreuve sur le terrain et sur la route lors des entrevues. Vous m’avez permis de relever un énorme défi à la fois académique et personnel.

Une mention toute spéciale à mon amoureux, Florent Martin, pour son aide extraordinaire dans la présentation matérielle de ma recherche sans parler de l’appui moral, si précieux et apprécié dans les moments de stress.

Merci aux 30 travailleurs ainsi qu’aux producteurs agricoles qui ont pris le temps de m’écouter et qui ont gentiment accepté de participer à ce projet. Fue un honor para mí compartir sus historias y espero que un día puedan conocer el fruto de este trabajo.

Enfin, tout mon amour à ma famille: ma mère Rosa María Fitz Camacho, mon père Lionel Guimont et ma sœur Bérénice Guimont Fitz. Votre grande curiosité intellectuelle et votre façon de mettre du cœur à l’ouvrage dans vos projets m’a incitée à persévérer dans la poursuite de mes études et à aller toujours plus loin.

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1. Introduction

Depuis de nombreuses années, force est de constater que le Québec compte de plus en plus sur une main-d’œuvre étrangère pour assurer le bon fonctionnement de toute l’industrie agro-alimentaire. En se renseignant le moindrement, il est possible de se rendre compte que ce phénomène n’est pas exclusif au Québec, mais que toutes les provinces canadiennes possédant une forte industrie agricole, comme l’Ontario et la Colombie-Britannique, dépendent de ces travailleurs. Ce phénomène rappelle la situation vécue par les États-Unis, qui embauchent de leur côté des milliers de travailleurs saisonniers chaque année, dont une forte proportion de Mexicains. Afin d’effectuer un encadrement institutionnel pour faciliter la venue de ce flot de main-d’œuvre, le gouvernement canadien a mis sur pied en 1966 le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, communément nommé PTAS, qui s’avère être un partenariat entre le Canada, quelques pays du Commonwealth et le Mexique.

À première vue, ces migrations ne semblent pas avoir de grands impacts positifs, notamment en raison de l’image négative relayée par les médias au sujet du programme. Pourtant, la population canadienne tire profit de ces mouvements internationaux sans en avoir réellement conscience. Outre cette contradiction, il faut ajouter que les gains de capitaux chez les travailleurs agricoles saisonniers, éléments positifs pour ces derniers, ne sont pas étudiés.

La présente recherche propose donc de mettre en évidence les retombées positives de ces migrations temporaires pour ces personnes en matière de développement de capital humain, notamment en matière d’acquisition de connaissances et d’esprit entrepreneurial. Cette recherche portant sur l’étude des migrations internationales se rattache à la sous-discipline de la géographie humaine. Plus précisément, elle s’inscrit dans le domaine de la géographie rurale, de la géographie sociale et de l’étude des migrations puisqu’il sera, entre autres,

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des maisonnées de migrants et de la construction des capacités des migrants. Finalement, les retombées liées au capital humain des travailleurs agricoles saisonniers mexicains venant au Québec sont l’objet de cette recherche.

Le rapport de recherche est structuré en sept parties. Les quatre premières décrivent le cadre contextuel de la recherche, le cadre conceptuel, la méthodologie ainsi que le Programme des travailleurs agricoles saisonniers et les pays à l’étude. Enfin, suivent les trois autres, soit la description analytique des travailleurs agricoles mexicains venant au Québec, l’analyse des perceptions des gains en capital humain de la part des travailleurs et de l’expérience de travail comme migrant et enfin l’interprétation des retombées des migrations.

1.1. Problématique

Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) représente depuis 1966 une occasion d’emploi pour des milliers de travailleurs agricoles issus de milieux pauvres originaires du Mexique et de certains pays du Commonwealth. Au Canada, ce serait plus de 15 809 travailleurs mexicains qui seraient venus dans le cadre du PTAS en 2010 (Secretaría del Trabajo y Previsión Social, 2011). Des données un peu plus anciennes du site Web du Consulat mexicain de Montréal indiquent que le nombre de travailleurs mexicains est passé au Canada de 203 participants en 1974 à 15 000 en 2007, dont 3000 dans la province de Québec1.

Cette hausse est notable depuis plusieurs décennies dans l’ensemble du Canada, avec une prédominance en Ontario et en Colombie-Britannique, toutes origines des travailleurs confondues comme le rapporte Preibisch (2007). Pour ce qui est du Québec, Muñoz Carrillo (2011) indique dans son mémoire que cette province a accueilli 3035 travailleurs saisonniers mexicains pour l’année 2009. Pour beaucoup de ces travailleurs, il s’agit d’une opportunité pour amasser en quelques années les fonds suffisants pour améliorer leur condition de vie dans leur communauté d’origine.

1 Il s’agit des dernières statistiques accessibles sur les travailleurs mexicains inscrits au PTAS

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Pour les employeurs, il s’agit d’un lien avec un bassin d’employés compétents, fiables et moins chers que ne le seraient les travailleurs d’ici (Colby, 1997; Hennebry et Preibisch, 2010 ; Satzewich, 1991). En effet, Colby (1997), tout comme Basok (2002), approfondit ce dernier point et indique dans son rapport que plusieurs agriculteurs sont incapables de trouver des employés canadiens capables de supporter le rythme du travail agricole, même pour une courte période. De plus, certains d’entre eux auraient vécu des situations problématiques où les employés restaient suffisamment longtemps pour bénéficier de l’assurance-emploi puis quittaient avant la fin des semences ou des récoltes, laissant l’agriculteur avec des pertes financières. Bronsard (2007) ajoute que l’éloignement géographique est un point qui désavantage les agriculteurs par rapport à d’éventuels employeurs en ville. En effet, le bassin de travailleurs potentiels s’en trouve fortement réduit. De plus, plusieurs chercheurs d’emplois, notamment les jeunes, vont avoir tendance à préférer les emplois en ville, moins exigeants et plus payants. Hennebry et Preibisch (2010) mentionnent que non seulement le PTAS ne pose pas de limites ou de quotas en matière d’employés embauchés, mais qu’il fournit aussi un important support administratif aux agriculteurs et qu’il permet des conditions de travail adaptées aux besoins des agriculteurs, conditions impossibles à maintenir avec des employés canadiens.

Plusieurs chercheurs se sont penchés sur le phénomène de l’immigration saisonnière pour en déterminer les conditions et les impacts auprès des divers groupes d’acteurs. Colby (1997), qui opte pour une approche plus neutre, identifie certains problèmes rapportés par les travailleurs lors des entrevues au Mexique, soit la corruption, la lourdeur de la bureaucratie, l’abus de pouvoir, des entrevues biaisées, etc. Ces problèmes sont également identifiés par Hennebry et Preibisch (2010) et il semble que le Canada n’a malheureusement qu’une influence minimale sur cette situation délicate. Colby (1997) rapporte également d’autres irrégularités liées à des problèmes de santé non déclarés, des horaires très lourds, des congés dus et jamais donnés, des échanges d’employés entre agriculteurs alors que cela est interdit et des conditions de vie non conformes aux normes du travail du

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Plusieurs chercheurs comme Valarezo (2010) ou Hennebry (2009) prennent position et soulignent l’isolement et la vulnérabilité des travailleurs et certains comme Bronsard (2007) rapportent des accusations d’abus formulées par des organismes à l’égard d’un certain nombre d’employeurs. Il est notamment question du Centre d’appui et de certains médias alternatifs, qui accusent les employeurs d’exploitation financière, psychologique et physique. Une des principales critiques touche l’évaluation arbitraire des travailleurs faite par les employeurs, condition incontournable pour tout retour futur au Canada. En effet, une évaluation positive de la part de l’employeur est essentielle pour pouvoir postuler l’année suivante. Selon le rapport 2010-2011 réalisé par les syndicats des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce Canada (TUAC Canada) et leur branche l’Alliance des travailleurs agricoles (ATA) sur la situation des travailleurs saisonniers, les travailleurs ont tendance à ne pas rapporter de situations irrégulières ou de blessures, de peur d’avoir une mauvaise évaluation et de ne plus pouvoir revenir au Canada l’année suivante. Aussi, on souligne le caractère très arbitraire des évaluations de séjour, la notion d’un « bon travailleur » variant d’un employeur à l’autre, ce que Colby (1997) présente également dans son rapport. Hennebry et Preibisch (2010) mentionnent le très grand pouvoir qu’ont les agriculteurs sur leurs employés grâce au PTAS en matière de sélection et de conditions de travail et Basok (2002) abonde en ce sens en proposant le concept de main-d’œuvre captive (captive labour2 et du syndrome du migrant (migrant syndrome3).

Dans ce contexte, les conséquences positives pour les travailleurs sont le plus souvent sous-estimées. L’évidence des problèmes ci-haut mentionnés a malheureusement pour fâcheuse conséquence de minimiser, voire de réduire à un statut de valeurs négligeables, les impacts positifs des migrations. Il est pourtant reconnu qu’il existe de tels impacts pour les travailleurs saisonniers mexicains en matière de construction de capital humain et que ces derniers se traduisent de

2 Basok (2002 : 107-108, 127-128) définit captive labour comme la dépendance et la vulnérabilité

des travailleurs face à leur employeur se traduisant par le fait qu’ils sont prêts à accepter n’importe quelles conditions dans le but de garder leur emploi.

3 Basok (2002 : 130-131, 137-138) définit migrant syndrome comme le phénomène qui pousse les

migrants à travailler plus pour consommer davantage, qui les empêcherait d’investir dans les activités productives et qui aboutirait à une dépendance envers les migrations.

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nombreuses façons, comme en activités productives, la section 2.1.5. étant consacrée à ces dernières. Cette minimisation est peut-être due au fait que les effets ne sont mesurables qu’à long terme et dans la communauté d’origine ou encore en raison de leur caractère subtil, pour ne citer ici que le développement d’un esprit entrepreneurial ou le réseautage transnational. Une acquisition d’information sur le développement de capital humain auprès des groupes étudiés est donc nécessaire pour combler cette lacune du monde de la recherche, du moins au Québec, pour mieux informer la population et pour dresser un portrait plus détaillé des travailleurs agricoles mexicains. C’est ce que cette étude entend faire.

1.2. Intérêt de la recherche et retombées possibles au plan

scientifique

L’augmentation des flux migratoires, liée au besoin en main-d’œuvre de l’industrie agricole, se manifeste au Québec tel que vu précédemment par la venue d’un nombre toujours grandissant de travailleurs étrangers saisonniers, notamment d’origine mexicaine. La plupart du temps, le phénomène des travailleurs mexicains venant au Québec est présenté dans les médias et certains travaux de recherche comme suit : ce sont des travailleurs pauvres qui viennent accomplir une tâche ingrate pendant de longs mois et qui sont souvent victimes d’exploitation de la part de leurs employeurs. Il s’agit ici bien sûr d’une simplification. Ce discours à tendance pessimiste tend à provenir surtout des milieux syndicalistes, comme le syndicat des TUAC et de leur branche l’ATA, active au Québec dans les environs de la région montréalaise. Les membres de ces groupes œuvrent depuis des années auprès des travailleurs saisonniers vivant des situations difficiles liées à leur emploi. Par ailleurs, ils ont pour mission de défendre les droits de ces derniers. Cette position par rapport à la situation des travailleurs est donc conséquente à la relation d’aide entretenue avec ceux-ci et à leur vulnérabilité. Sans vouloir diminuer le travail réalisé par ces groupes ou les résultats des

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positifs des migrations saisonnières pour les travailleurs et leur entourage, effets qui sont plus subtils et difficiles à percevoir, comme illustré par Bronsard (2007). Aussi, les critiques formulées à l’encontre de certaines exploitations agricoles ont donné mauvaise réputation à l’ensemble des fermes québécoises embauchant des travailleurs étrangers. Certaines de ces critiques ont d’ailleurs été formulées par des individus ou groupes méconnaissant la réalité complexe du travail agricole. Conséquemment, les agriculteurs sont maintenant beaucoup moins enclins à participer à des études et vont même jusqu’à éviter tout contact avec les chercheurs, craignant pour leur réputation.

Grâce à l’enquête sur le terrain menée dans le cadre de ce mémoire, il est possible d’avoir accès à des informations de première main et inédites de la part des travailleurs mexicains, en plus de produire et de diffuser des connaissances nouvelles sur la question spécifique du capital humain sous forme d’acquisition de connaissances et d’esprit entrepreneurial et de son application en terre d’origine des migrants. Cette dernière peut être : les acquis du travailleur au plan individuel, le démarrage d’entreprises, la capacité à organiser des initiatives communautaires, l’appui aux initiatives de la conjointe, la gestion d’un budget ou toute autre activité productive. Plus encore, cette recherche permettra non seulement d’avoir un regard plus critique sur la condition des travailleurs mexicains et d’informer éventuellement la population, mais aussi pourra aider à recréer un pont entre les chercheurs et les exploitants agricoles.

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2. Cadre contextuel de la recherche

Afin de bien saisir certains aspects essentiels du développement de capital humain chez les travailleurs mexicain, il convient ici d’abord d’effectuer une revue de la littérature ciblée. Pour mieux cerner l’étude en tant que telle, la question, l’hypothèse et les objectifs de recherche suivent la présentation théorique. Le chapitre se concluera par la présentation des limites de l’étude.

2.1. Revue de la littérature

Dans le cadre de cette recherche, une revue de la littérature sélective a été réalisée afin de mieux cerner certains thèmes liés aux migrations canado-mexicaines. En effet, les migrations internationales sont un très vaste sujet et il aurait été possible d’aborder le présent objet de recherche sous plusieurs facettes, notamment historique, sociale ou économique, sans parler des différentes échelles spatio-temporelles. Pour les besoins du mémoire, sept points ont été retenus : l’étude des retombées des migrations, le migrant et le capital humain, le migrant et l’amélioration de la qualité de vie, les retombées pour les femmes et la communauté, les activités non productives et productives, la migration au Canada comparée à la migration aux États-Unis et enfin les raisons de départ et le choix entre le Canada et les États-Unis.

2.1.1. L’étude des retombées des migrations

Les réponses apportées par des recherches précédentes quant à la nature des retombées pour les travailleurs migrants agricoles mexicains au Canada sont le plus souvent mitigées, voire associées à des éléments négatifs bien que des retombées positives aient été observées.

Au sujet du PTAS, Bronsard (2007) conclut son travail en affirmant que le Programme s’avère être une expérience globalement positive pour une majorité de

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une façon stable, sûre et légale de subvenir aux besoins de la famille, contrairement à l’émigration, le plus souvent clandestine, aux États-Unis. Basok (2002) présente un discours ambigu car elle considère dans son ouvrage que ce phénomène migratoire consiste en un dernier recours pour chaque groupe d’acteurs, alors que dans un article plus récent elle en parle comme d’un modèle malgré ses défauts (Basok, 2007). De son côté, Colby (1997) y va de façon plus prudente en ne critiquant pas explicitement le programme et en suggérant que l’expérience des travailleurs au Canada varie selon la durée du séjour, l’emploi obtenu, les employeurs et la personnalité du travailleur. Dans une optique beaucoup plus sociale qu’économique, voire idéologique, Hennebry et Preibisch (2010) décrivent le programme comme un échec du point de vue des attentes en matière des droits des travailleurs : le PTAS ne considérerait pas le travailleur comme un migrant avec une famille et des réseaux sociaux et ne tiendrait pas compte de ses rêves, ses aspirations et ses responsabilités. Selon Preibisch (2007), les critères de sélection du programme, soit être un travailleur agricole sans terre ou un fermier pauvre, accentuerait la dépendance au programme, ce qui rejoint la pensée de Basok (2002).

Dans une vision radicalement différente, Massey et al. (2002) affirment que les migrations internationales basées sur le recrutement à l’étranger, quoique risquées en début de processus, permettraient à long terme à un pays en développement comme le Mexique de s’intégrer à l’économie mondiale. En effet, la création d’un capital social chez les migrants et le réseautage, combinés aux flux migratoires toujours plus importants, favorisent l’essor économique d’une région, voire du pays. Ces auteurs citent comme exemple l’évolution de nombreux pays européens au cours du XXe siècle. Cette approche théorique ne se centre pas sur l’individu

proprement dit mais sur le système global et ses interrelations, ce que pourraient critiquer les auteurs cités précédemment.

2.1.2. Le migrant et le capital humain

Dans son mémoire de maîtrise, Bronsard (2007) explore notamment les perceptions des travailleurs mexicains à l’égard du PTAS. Dans les études de cas

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présentées, il est question d’un travailleur qui affirme avoir appris à gérer un budget et à reproduire certaines techniques agricoles dans sa communauté grâce à son séjour au Canada. Il a d’ailleurs transmis son savoir à des agriculteurs de sa communauté, favorisant ainsi la production locale, ce que Roberge (2008) confirme également par ses exemples. Colby (1997) présente aussi des cas où des changements de techniques ou l’emploi de nouvelles semences ont permis d’améliorer la qualité de vie des familles, malgré le fait que les conditions agricoles au Mexique et les ressources financières dont disposent les migrants sont très différentes de ce que l’on peut retrouver au Canada. Bien que Preibisch ne parle pas explicitement de capital humain, elle critique l’appellation unskilled source of

labor pour les travailleurs inscrits au PTAS, qu’on pourrait traduire par «

main-d’œuvre non-qualifiée », cette expression faisant référence à l’absence d’études formelles. Elle estime qu’il y a transfert et acquisition de connaissances lors du séjour au Canada chez les travailleurs : « Foreign workers bring a range of skills to their workplaces and develop others through experience on Canadian farms » (Preibisch, 2007 : 439).

2.1.3. Le migrant et l’amélioration de la qualité de vie

Certains des travailleurs interviewés pour les études de cas de Bronsard indiquent clairement que bien qu’il s’agisse d’un grand sacrifice, la migration avec le PTAS est la meilleure stratégie pour que leurs familles maintiennent une bonne qualité de vie. En fait, dans les exemples fournis par Bronsard, les travailleurs migrants font référence à l’acquisition d’un pouvoir d’achat accru, chose jusqu’alors impossible. La notion de sacrifice tel que relevé par Bronsard, la possible amélioration de la qualité de vie à travers le transfert de connaissances et l’amélioration du statut à long terme avec la scolarisation des enfants est également présenté par Roberge (2008). Verduzco (2007) abonde en ce sens en ce qui concerne l’amélioration de la qualité de vie. Dans son rapport, il affirme que 90,2 pourcent des travailleurs mexicains interviewés affirmaient « vivre mieux » et que 50 pourcent disaient que le changement était très notable dans leur situation économique générale. Il faut

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les auteurs jusqu’à présent considèrent peu les rapports sociaux, notamment l’importance de la présence du père auprès des enfants. En effet, l’absence du père peut avoir des effets négatifs sur le développement des enfants, le noyau familial et peut encourager les divorces. Les analyses d’entrevues des auteurs laissent croire que les travailleurs aussi accordent une plus grande importance aux biens achetés pour la famille qu’à la présence physique du parent migrant. Finalement, Roberge (2008) ajoute que les travailleurs migrants renforcent la plupart du temps leur degré d’attachement à leur pays d’origine tout en développant un esprit critique face à celui-ci résultant de la comparaison entre le pays d’origine et le pays d’accueil. Dans cet esprit, ils sont plus touchés par la question du délaissement des traditions et des valeurs locales chez les jeunes générations.

2.1.4. Les retombées pour les femmes et la communauté

Roberge (2008) affirme que l’épouse demeurée dans la communauté obtient plus de pouvoir décisionnel en l’absence de son mari. Lorsque ce dernier est de retour dans la communauté, il doit s’adapter en prenant part par exemple aux tâches ménagères ou encore en laissant sa femme prendre certaines décisions. Colby (1997) présente des résultats semblables en matière de condition de la femme et de religion. Cependant, Vizcarra Bordi et Lutz (2010) indiquent que la charge de travail et les responsabilités chez les femmes augmentent beaucoup sans pour autant favoriser leur autonomie. En effet, ces auteurs rapportent qu’elles se trouvent très limitées au moment de demander de l’aide ou des fonds car elles ne sont pas les propriétaires des terres agricoles. De plus, certains maris arrivent à contrôler leurs femmes à distance avec des appels téléphoniques. De plus, la surcharge de travail chez les femmes entraîne des changements dans les habitudes alimentaires (achats de produits industrialisés, absence de produits frais, abandon progressif du maïs) qui ont des impacts négatifs sur la santé de toute la maisonnée. Finalement, il faut se rappeler que très peu de femmes migrent à l’étranger. La vaste majorité des femmes demeure dans la communauté pour garder les acquis de leur conjoint ou pour s’occuper de leur famille si elles

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sont célibataires. La différenciation des genres est très marquée dans la culture des migrations et elle est en soit un sujet d’étude. Mais pour les besoins de cette recherche, il ne sera question que des travailleurs migrants de sexe masculin. Au sujet des structures traditionnelles dans la communauté, Colby (1997) mentionne que ces dernières sont affectées notamment en matière du maintien du conseil villageois. Malgré tout, les travailleurs saisonniers mexicains, grâce à leur relative prospérité, sont plus en mesure de participer au développement de leur communauté. Cela se traduit par l’accomplissement de la corvée ou tequio, un travail communautaire collectif « obligatoire » selon Mize et Sword (2010), phénomène très présent dans les communautés autochtones de l’état mexicain de Oaxaca. L’importance des remesas (fonds transférés depuis l’étranger, voir section 3.1.7. «Remesa») pour les communautés, d’ailleurs souligné par Gravel et Patiño Hernández (2003), vient même dépasser depuis 1999 au niveau national celle des retombées économiques du tourisme.

2.1.5. Les activités non productives et productives

Bronsard (2007), Basok (2002, 2007), Colby (1997), Gravel (2006), Hennebry (2008), Massey et al. (2002), Roberge (2008) ainsi que Vizcarra Bordi et Lutz (2010) affirment tous que les travailleurs de retour dans leur pays ont tendance à utiliser leur salaire pour des activités non-productives, soit l’achat de biens de consommation en vue d’améliorer leurs conditions de vie, les dépenses de la vie quotidienne, l’alimentation, la modernisation de la maison familiale, le paiement d’une dette, l’éducation des enfants et les soins médicaux, ce qui s’avère être des exemples de retombées positives découlant des migrations, plus précisément d’amélioration de la qualité de vie. Basok (2002) critique cependant cette tendance dans les habitudes de consommation, qu’elle associe au syndrome du migrant. Roberge (2008), elle, insiste plutôt sur l’amélioration du statut social par l’achat de biens de consommation, ce qui apporterait une grande satisfaction aux travailleurs. Il faut faire preuve à nouveau de prudence ici avec cette notion d’amélioration : Gravel (2006) indique que les changements dans les habitudes de consommation

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familles dans l’endettement et dans un cercle vicieux de surconsommation « à l’américaine ». Au sujet de l’éducation, Roberge (2008) affirme qu’investir dans l’éducation des enfants permettrait à ces derniers de ne pas avoir à migrer et de se trouver plus tard des emplois moins contraignants.

En ce qui a trait aux investissements dans des activités productives, associées au développement de capital humain, Basok (2002) rapporte qu’un faible nombre de travailleurs a été en mesure de réaliser ce type de transactions, soit l’achat d’une terre, de bétail ou la création d’une petite entreprise, parce que les communautés offrent peu de possibilités de développement économique, qu’il existe des limites au démarrage d’entreprise, dont celles de la corruption et du favoritisme, sans compter le fait que l’achat d’une terre n’assure pas nécessairement une stabilité financière. Elle ajoute que les investissements pouvant être faits au Mexique ne rapportent pas autant qu’un séjour au Canada, ce qui obligerait les travailleurs mexicains à retourner continuellement au Canada, voyant là une dépendance à la migration saisonnière. Toujours selon cet auteur, la sélection pour le PTAS stipule que les travailleurs doivent venir de milieux très pauvres, offrant peu de possibilités économiques. Il s’agirait ici selon cette dernière ainsi que selon Hennebry et Preibisch (2010), d’une stratégie de la part des gouvernements pour s’assurer de garder les travailleurs dépendants envers le programme et qu’ils soient incapables de devenir propriétaires. Il est possible toutefois de répondre à cette dernière affirmation en argumentant que les autorités peuvent désirer que le programme profite à des populations ciblées qui en ont grandement besoin. Cela concerne les populations rurales les plus pauvres qui ont une certaine expérience dans le monde agricole. Il faut être prudent au moment de porter des jugements, car il faut tenir compte du fait qu’il s’agit d’un assemblage administratif complexe ayant des règles et des conditions et impliquant plusieurs organismes tant au Mexique et au Canada.

De son côté, Hennebry (2008) suggère que les frais élevés associés au transfert des remesas comme les coûts liés à l’envoi et au taux de change sont, à la longue, un frein majeur à l’investissement dans ce type d’activités car il s’agit de pertes

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régulières et inévitables. Il est intéressant de noter lorsqu’il fut question durant les entrevues des objectifs personnels et professionnels, les travailleurs mexicains n’ont pas fait référence à ces frais supplémentaires. Ceci porte à croire que que ces derniers n’affectent pas outre mesure leurs projets et qu’ils ne font pas tant usage de stratégies de contournement.

2.1.6. La migration au Canada comparée à la migration aux États-Unis

Il est possible ici de faire quelques parallèles avec les migrations aux États-Unis. À ce sujet, Basok (2002) affirme que les migrations vers le Canada permettent aux travailleurs d’envoyer de plus grosses sommes d’argent à leurs familles que s’ils étaient aux États-Unis4, le travail étant plus exigeant ici et les occasions de

dépenses et de distraction minimes. En effet, les travailleurs vivent tout au long de leur séjour en milieu rural et ont très peu de moyens pour aller en ville. Aussi, il est possible pour les travailleurs au Canada de garder contact et de veiller plus facilement sur leur famille, sachant qu’un séjour aux États-Unis, très souvent illégal, peut durer des années sans possibilité de retour. Colby (1997) ajoute que les travailleurs se sentent toutefois isolés culturellement au Canada en raison de la faible présence de communautés latinas en milieu rural et à la quasi-absence d’infrastructures favorisant leur socialisation en espagnol (églises, bars, concerts ou évènements culturels). L’Institut Nord-Sud (2006 : 14), identifie le phénomène en parlant d’une « barrière invisible » entre les populations ontariennes et les travailleurs mexicains. En effet, «Les séparations physiques dans les fermes, les longues journées de travail, les différences culturelles et les problèmes de langues exacerbent le sentiment d’exclusion sociale que ressentent les migrants.» Au Québec, les résultats présentés par Bélanger (2013) concernant les travailleurs de l’Île d’Orléans abondent en ce sens.

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2.1.7. Raisons de départ et choix entre le Canada et les États-Unis

Ong Hing (2010), comme tous les chercheurs qui se sont penchés sur le contexte mexicain pour identifier les causes de départ des migrants, a déterminé que la crise du maïs a eu des répercussions très graves sur l’économie du monde rural, en particulier pour les plus pauvres, les forçant à émigrer, et que les politiques gouvernementales actuelles, comme la participation dans l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) ne font qu’encourager les multinationales au détriment des petits agriculteurs. Tanguay (2007 : 3) présente de son côté les migrations comme une « stratégie de survie à la crise agricole » et construit sa thèse sur les possibilités de « développement économique et social dans les communautés rurales » du Chiapas grâce à l’argent de ces migrations. Kay (2004 : 241) parle quant à lui des migrations comme de « livelihood strategy to ensure the survival of their household through the remittances » ce qu’on pourrait traduire globalement par une stratégie de subsistance pour subvenir aux besoins de l’ensemble de la famille grâce aux envois de fonds cumulés suite à ces migrations. Colby (1997) s’est penchée sur ce qui distinguait les migrants choisissant le Canada de ceux préférant les États-Unis. Elle affirme que les travailleurs mexicains qui viennent au Canada ont tendance à être la majeure partie du temps des hommes qui ne songeraient pas à s’établir aux États-Unis et chercheraient plutôt à assurer la stabilité économique de leur famille dans la communauté, donc qui ont besoin d’un revenu « élevé » et garanti. À l’opposé, les travailleurs attirés par les États-Unis ont tendance, à être jeunes, célibataires ou encore dans une relation instable et sans grande attache à leur communauté d’origine. Les familles de travailleurs choisissant le Canada ont donc beaucoup moins de chances d’être abandonnées et de subir les conséquences dramatiques qui découlent de cette situation.

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2.3. Question de recherche

La question générale de recherche s’énonce comme suit : Existe-t-il des retombées positives résultant des migrations internationales saisonnières en termes de capital humain ou de construction de capacités chez les migrants ?

2.4. Hypothèse de recherche

Les travailleurs agricoles saisonniers mexicains développent un capital humain lors de leurs séjours au Québec dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, ce qui se traduit par des retombées positives et durables pour eux.

2.5. Objectifs de recherche

L’objectif principal de ce travail est de vérifier l’existence de retombées positives sur le plan du capital humain ou de construction de capacités pour un échantillon de travailleurs mexicains employés en milieu agricole au Québec. Les objectifs secondaires visent à:

- Définir la nature de ces acquis positifs chez les travailleurs ;

- Distinguer les acquis liés à l’amélioration de la qualité de vie de ceux liés au capital humain ;

- Déterminer comment les acquis sont mis à profit dans la communauté d’origine ;

- Identifier qui gère le revenu des migrations à l’intérieur des maisonnées de migrants et comment ;

- Identifier comment les migrations au Canada influencent le développement de capital humain par rapport aux migrations vers les États-Unis ;

- Évaluer si une possibilité de développement de projets à long terme prend forme dans les foyers sur la base de ces migrations ;

- Vérifier s’il y a développement d’un esprit entrepreneurial chez les migrants conséquemment aux séjours répétés au Québec;

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- Observer s’il y a création d’entreprises ou d’associations dans les communautés suite à l’acquisition de capital humain lors des migrations ; - Établir des catégories d’expériences liées aux migrations selon le degré de

construction des capacités des travailleurs saisonniers.

2.6. Limites de l’étude

Une limite majeure de la recherche qui a une grande incidence sur la constitution de l’échantillon des travailleurs migrants est la réticence des agriculteurs québécois à participer à la présente recherche. Il devient alors plus difficile d’entrer en contact avec les travailleurs car ces derniers craignent des représailles de la part de leur employeur. L’aide des informateurs-clés, qui sont personnes en contact direct avec le milieu, est alors cruciale pour sonder le terrain et planifier les entrevues. Les informations fournies par ces derniers a déterminé les lieux visités dans les zones d’étude. Il va sans dire que le budget alloué pour la réalisation de la recherche, notamment celui associé aux frais de transport, ainsi que le temps pour effectuer le travail de terrain ont aussi été des facteurs limitants.

Au sujet de l’approche choisie, on a indiqué au début de la revue de la littérature que certains thèmes seulement seront mis en évidence. En effet, bien qu’il soit question de l’histoire de deux pays et de migrations, il ne sera pas question ici des grands mouvements mondiaux de population ayant eu lieu au cours des derniers siècles ni du phénomène de la globalisation en tant que tel. Pour des raisons pratiques, le présent travail restreint l’aire géographique à l’Amérique du Nord et la période d’analyse à l’année 2012, soit l’année de la collecte de données. Bien sûr, quelques références aux périodes importantes dans l’histoire des pays participants permettront de situer le lecteur dans le temps et de faire des associations pour une meilleure compréhension.

Finalement, l’usage de certains concepts représente un autre défi. En effet, les auteurs ne font pas systématiquement la distinction entre les divers types de capitaux et ne proposent pas nécessairement une définition précise pour le capital humain. De plus, ce dernier concept est lui-même très vaste et subjectif ce qui

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explique l’attention particulière portée sur deux de ces formes : l’acquisition de connaissances et le développement d’un esprit entrepreneurial.

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3. Cadre conceptuel

Bien que de nombreux concepts soient employés tout au long de la présente recherche, certains ont une plus grande importance, ce pourquoi ils sont définis dans les paragraphes qui suivent. Il s’agit des concepts suivants : migrant, flux migratoires, capital, capital humain, amélioration de la qualité de vie, nouvelle ruralité et enfin remesa. Leur définition permettra une lecture plus claire de la problématique globale. De plus, des valeurs et des indicateurs ont été identifiés pour définir le cadre opératoire dans lequel s’inscrit cette recherche.

3.1. Concepts

3.1.1. Migrant

Ce projet de maîtrise s’articule autour de l’acteur principal des migrations de travail, le migrant, ainsi que sa famille. Le terme fait ici référence, selon Bronsard (2007 : 28), elle-même se basant sur Satzewich (1991), aux « individus qui, au moment de quitter leur pays, ont l’intention de ne s’installer que temporairement à l’étranger et qui retourneront vivre dans leur pays d’origine ». Simon (2008) résume tout simplement par « toute personne qui change de pays de résidence habituelle ». Un migrant saisonnier est un migrant qui se déplace à des moments précis de l’année.

3.1.2. Flux migratoires

Simon (2008) aborde également le concept des flux migratoires sans toutefois le définir explicitement. À partir de sa définition du migrant, il distingue le terme flux de stock et indique que le premier correspond aux « entrants ou sortants au cours d’une période » tandis que le deuxième est « inapproprié humainement parlant ». De plus, il différencie migration internationale de migration interne en spécifiant que la première est le «franchissement d’une frontière internationale, avec

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changement de résidence habituelle», contrairement à un mouvement effectué à l’intérieur du pays.

3.1.3 Capital

Le migrant saisonnier, d’un séjour à l’autre, acquiert une expérience qui lui est propre et qui lui servira plus tard. Bourdieu (1986), grand sociologue français, traite de la question dans un essai sur les types de capitaux. Il définit tout d’abord le capital comme un « accumulated labor […] which, when appropriated on a private, […] basis by agents or groups of agents, enables them to appropriate social energy in the form of reified or living labor ». Il présente ensuite quatre grands types de capitaux : le capital culturel et le capital économique, qu’il oppose dans son essai La Distinction. Critique sociale du jugement, le capital social et enfin le capital symbolique. Dans le cadre de ses recherches sur la ruralité paysanne d’Amérique latine, le géographe anglais Bebbington (1999) illustre le concept de façon très concrète et fait interagir entre eux cinq types de capitaux. Il identifie ces derniers comme les ressources nécessaires à l’individu pour développer des moyens d’existence basés sur des actifs qui eux peuvent être de nature culturelle, humaine, naturelle, produite ou sociale. Cette intération sous-entend aussi la notion de conversion de capitaux, l’un pouvant devenir l’autre. L’économiste américain Becker (2009) ne distingue pas le capital en sous-catégories comme les autres auteurs. Il suggère plutôt que le capital en général correspond à tout ce qui génère des revenus ou des outputs intéressants, qu’ils soient matériels ou non. 3.1.4. Capital humain

Essentiellement, une accumulation de savoir-faire se traduit par le développement d’un capital humain. Ce dernier est défini selon Bebbington (2004) comme un ensemble de qualités inhérentes au développement d’un individu (connaissance, santé, habiletés, gestion du temps). Bourdieu (1986) quant à lui ne le décrit pas explicitement. Il est toutefois possible de déduire à partir de son essai qu’il s’agirait d’un ensemble d’aptitudes tirées de l’expérience, elle-même issue de l’éducation, de la culture et de la société, au-delà du cadre strict de rentabilité économique.

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D’autres auteurs, comme Becker (2009), en font une définition succincte, soit les « savoirs, aptitudes, santé et valeurs indissociables d’un individu ». D’ailleurs ce dernier, en tant qu’économiste, considère que l’éducation et la formation professionnelle sont les principaux investissements dans le capital humain et seraient comparables aux investissements réalisés par une compagnie. Il est à noter que le développement du capital humain n’est pas clairement abordé par les auteurs travaillant sur la question des travailleurs migrants. Il est cependant perceptible dans les manifestations de développement à travers les activités productives et dans la poursuite de projet.

3.1.5. Amélioration de la qualité de vie

Les retombées positives et durables des migrations saisonnières sont souvent associées en recherche en sciences sociales avec le concept d’amélioration de la qualité de vie. Il s’agit d’un concept assez vaste, surtout associé à des questions économiques par les auteurs et par les migrants interviewés lors des diverses études. Roberge (2008 : 108), dans son étude sur les travailleurs migrants, indique notamment que l’amélioration de la qualité de vie des migrants « semble résider dans l'amélioration du statut social, le transfert des connaissances acquises au Canada et l'investissement dans l'éducation des enfants ». Plusieurs auteurs, dont Gravel (2006), associent l’augmentation du pouvoir d’achat – se traduisant par une plus grande acquisition de biens de consommation – avec l’amélioration de la qualité de vie. En effet, l’auteur suggère qu’une plus grande consommation n’entraîne pas forcément une amélioration de la qualité de vie. À l’inverse, Sen (2000) indique que la diminution du pouvoir d’achat peut mener à des situations précaires, notamment sur le plan alimentaire, qui peuvent à leur tour entraîner la marginalisation, ou selon les termes de l’auteur, l’exclusion sociale. L’amélioration de la qualité de vie est donc complémentaire au concept de capital humain et peut être associée plus souvent aux activités non productives.

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3.1.6. Nouvelle ruralité

Ces modifications du mode de vie en milieu rural peuvent être associées au concept de nouvelle ruralité. En Amérique latine, plusieurs auteurs l’emploient et cherchent à le définir sans toutefois y parvenir de façon claire. À cet effet, Arias (2005) évoque un changement économique associé aux dynamiques de diversification au sein des sociétés rurales et économies antérieurement tournées vers l’agriculture, phénomène non identifié par les chercheurs avant la fin des années 1990 qui considéraient le monde agricole jusqu’à alors comme homogène et soumis aux mêmes pressions depuis toujours. De son côté, Rubio (2001) parle plutôt d’un « déclin des revenus d’origine rurale, l’émergence de la pluriactivité comme mécanisme pour compenser la chute des revenus d’origine agricole et modifications […] de la configuration spatiale 5», survenu également selon elle

dans les dernières décennies du XXe siècle. Cependant, cet auteur critique ce concept. Rubio juge notamment que le concept sous-entend une approche avant tout spatiale, qu’il sous-estime les relations de production et qu’il abolit les dichotomies ville-campagne et industries-agriculture. Au Canada, des chercheurs se sont également penchés sur la présence d’une nouvelle ruralité au pays depuis la fin des années 1990. En tant que spécialiste de la question et responsable du New Rural Economy Project à l’Université Concordia, Reimer (2006) l’illustre dans un schéma comme une série de capitaux variés transitant par un processus bureaucratique et aboutissant au développement.

3.1.7. Remesa

Finalement, le concept de remesa, appliqué au contexte des travailleurs à l’étranger et selon le Centro de investigación y cooperación especializado en

remesas de emigrantes (Centre de recherche et de coopération spécialisé en remesas des émmigrants), se définit comme les envois de fonds réalisés par des

migrants saisonniers vers leurs familles. En anglais, on parle plutôt de remittances. Mize et Sword (2010 : 252) vont jusqu’à présenter dans leur ouvrage le concept de

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remittance economy, ou économie des envois de fonds, qu’ils définissent comme

suit : «The economic resources (money) sent by immigrant or migrant workers home to their families or communities of origin». Autrement dit, il s’agit des sommes d’argent que le travailleur saisonnier va soustraire de son salaire gagné et envoyer à sa communauté d’origine de façon plus au moins régulière afin de subvenir aux besoins des membres de sa famille, voire de sa communauté.

3.2. Variables et indicateurs

Une fois familiarisé avec l’aspect théorique, il convient d’identifier et de mettre en relation les variables de la problématique et leurs indicateurs correspondants. La figure 1 en fait d’ailleurs l’illustration schématique. Ici, les variables indépendantes que sont les contextes canadien et mexicain, ayant pour indicateurs le recrutement de la main-d’œuvre, la situation socio-économique et l’offre de travail, ont amené à la création du PTAS. Ce dernier représente, si le travailleur agricole le désire, une occasion de migrer. Les choix du migrant – migrer ou non, entreprendre ou non, la fréquence, l’origine ou encore la destination des migrations – définissent cette expérience de migration. En effet, on considère ici que l’existence du programme et l’expérience à l’étranger sont des variables intermédiaires car elles sont des conditions et impliquent des choix de la part de l’individu. Finalement, celles-ci peuvent conduire alors au développement du capital humain, variable dépendante ou résultat dans le cas présent, mesurable ici entre autres par les acquis et transferts de connaissances ainsi que par la poursuite de projets.

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Figure 1: Valeurs et indicateurs. Source: Données d’enquête (2012).

L’identification des variables dans un cadre opératoire est délicate puisque chaque chercheur a sa façon de catégoriser ce qui a ou non de l’importance. Dans le cas présent, les variables ont été définies selon la fréquence des thèmes ressortis lors des entrevues. En effet, pratiquement tous les travailleurs se sont présentés comme « pauvres », « sans ressources », « aux besoins criants », d’où la réflexion sur l’incidence du contexte socio-économique. L’identification du contexte canadien et mexicain comme variables indépendantes est quant à elle issue d’une réflexion sur les relations cause à effet des divers éléments sociaux et politiques sur la pratique de l’agriculture. Aussi, l’identification des variables intermédiaires « Existence du PTAS» et « Expérience des migrations » est la réponse à « Qu’est-ce qui aide ou nuit les/aux agriculteurs ? ». Dans Qu’est-cette optique, le développement du capital humain se fait au fur et à mesure que les expériences de voyage se succèdent ou, si l’on veut, selon la logique « plus les gens voyagent, plus ils accroissent leur expérience de vie et donc plus ils développent d’aptitudes », ce qui en fait la variable dépendante. Elle est l’aboutissement de tout ce qui a été mentionné précédemment. n di te u s i l es 1.Contexte socio-économique canadien 2.Contexte socio-économique mexicain

ndé end ntes nte médi i es Dé end ntes

1. Existence du PTAS 2.Expérience des migrations 1.Développement de capital humain i. Recrutement de la main d’œuvre ii. Pauvreté

iii. Nombre d’inscriptions au programme

i. Présence d’une volonté de migrer ii. Présence d’un esprit

entrepreneurial iii. Fréquence des

migrations iv. Provenance des

migrants v. Destination des

migrants

i. Acquisition de connaissances ii. Application des connaissances iii. Poursuite de projets

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4. Méthodologie

Pour atteindre les objectifs et vérifier l’hypothèse, il a été convenu que des entrevues auprès des acteurs des migrations seraient la meilleure façon de procéder, les histoires personnelles des migrants permettant de mettre en valeur toute la richesse de l’expérience et de bien saisir cette idée de capital humain sous les formes d’acquisition de connaissances et d’esprit entrepreneurial. Il s’agit d’une étude exploratoire car les domaines du capital humain et des retombées positives et durables sont moins étudiés et qu’il existe peu de données sur ces derniers. Par conséquent, les données recueillies pour cette étude seront avant tout de nature qualitative et collectées auprès d’un groupe restreint de participants.

4.1. Zone d’étude et période d’analyse

Plusieurs études sur les travailleurs mexicains sont réalisées en Ontario, province où converge la majorité de ces travailleurs saisonniers. Les communautés de travailleurs saisonniers ailleurs au Canada sont un peu moins documentées. Pour cette raison et pour des questions de logistique, la présente étude s’intéresse aux populations de travailleurs agricoles mexicains dans la province de Québec à l’emploi de juin à août 2012. Des limites associées au temps et au budget ont restreint l’étude à trois régions, soit le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) et les régions administratives de Chaudière-Appalaches et de Lanaudière. Les zones choisies dans la CMQ, particulièrement l’île d’Orléans, sont depuis longtemps des terrains de prédilection pour étudier la question des travailleurs mexicains dans la région, en raison de la forte concentration de ces derniers. Lanaudière a été choisie en fonction de références données par des informateurs-clés, autrement dit des contacts personnels, connaissant des agriculteurs qui y embauchent des travailleurs mexicains tandis que Chaudière-Appalaches a été choisie suite à des informations fournies par des entrepreneurs de la ville de Québec œuvrant dans le domaine.

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Dans la Communauté métropolitaine de Québec, la région d’étude visée est la MRC de l’île d’Orléans et les lieux fréquentés par les travailleurs en dehors du cadre de travail, soit les centres commerciaux de l’arrondissement Beauport de la ville de Québec. Les municipalités de l’île susceptibles de faire partie de l’échantillon sont Saint-Pierre-de-l’île-d’Orléans, Sainte-Pétronille et Saint-Laurent-de-l’île-d’Orléans. Il n’est toutefois pas possible de les identifier précisément car les travailleurs interviewés n’ont pas été questionnés sur la situation de leur lieu de travail. La ville de Saint-Augustin-de-Desmaures, dans la CMQ, figure également dans les lieux explorés. Finalement, l’Assomption est la zone d’étude choisie dans Lanaudière tandis que la municipalité de Saint-Apollinaire a été choisie dans Chaudière-Appalaches. La carte des zones d’études à l’annexe 1 illustre tous ces lieux. Ce choix est le résultat d’ajustements effectués pour coincider avec la disponibilité des travailleurs afin de participer aux entrevues. En effet, il s’est avéré impossible d’interviewer des travailleurs à certains endroits préalablement choisis, ce pourquoi d’autres sites du territoire d’étude ont été envisagés.

4.2. Sources de données

Les données primaires ont été recueillies auprès de travailleurs saisonniers mexicains. L’enquête de terrain a été réalisée auprès de 30 travailleurs migrants se trouvant sur l’ensemble du territoire d’étude ; Deslauriers (1991 : 84) suggérant pour ce genre d’étude des échantillons d’entre 30 et 50 individus. Ce nombre est classique en sciences sociales et une telle taille d’échantillon permet une mise en commun des informations plus simple tout en offrant une certaine diversité. De plus, les statistiques concernant le nombre de travailleurs mexicains par région administrative québécoise ne sont pas connues, les sources officielles (ex. : RHDCC) ne publient les statistiques que pour chaque province et ne distingue pas l’origine des travailleurs. Comme il s’agit d’une recherche exploratoire et qu’il s’est avéré difficile d’entrer en contact avec les travailleurs mexicains, aucun nombre fixe d’individus à interviewer n’a été déterminé pour chacune des régions. Les entrevues se sont faites selon les disponibilités des travailleurs. Tel qu’évoqué

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précédemment, des informateurs-clés ont permis de déterminer quelles entreprises sur ces sites accepteraient que leurs travailleurs participent à l’étude. Les entrevues ont été enregistrées en format audio seulement avec l'accord du sujet. Leur contenu a été par la suite transféré sur support informatique. Des notes manuscrites ont été rédigées lors des entrevues en complément dans un calepin. Les matériaux de la recherche, incluant les notes et les enregistrements, ont été conservés sur l’ordinateur de travail, sur une clé USB personnelle et dans le calepin. Ils seront détruits, avec l'accord de la directrice de recherche, deux ans après le dépôt du mémoire.

Les entrevues ont été conduites directement en espagnol sans interprète, avec l’autorisation du sujet, à l’aide d’un guide d’entrevue (annexe 2) composé de 10 thèmes ou questions exploratoires :

• Croyez-vous qu’il existe des éléments positifs (connaissances, techniques, façons de faire) dans l’expérience acquise des travailleurs agricoles saisonniers mexicains au Canada ?

• Comment décririez-vous l’expérience positive acquise (connaissances, techniques, façons de faire) par les travailleurs agricoles saisonniers mexicains au Canada ?

• Comment cette expérience est-elle appliquée dans la communauté d’origine ?

• Quels seraient les changements survenus dans la communauté suite au séjour au Québec ?

• Comment est géré le revenu obtenu grâce au Programme des Travailleurs Agricoles Saisonniers ?

• Qui a la responsabilité de la gestion du revenu ? • Qui détermine les besoins et leur ordre d’importance ?

• Quand, à quelle fréquence et de quelle façon s’effectuent les transferts d’argent vers les communautés d’origine ?

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• Pensez-vous que le P.T.A.S peut favoriser le développement durable dans les foyers des travailleurs saisonniers agricoles mexicains ?

• Croyez-vous que le travailleur a la volonté de créer, avec des membres de sa famille à l’étranger ou au pays, des entreprises dans leurs communautés d’origine ou ailleurs ?

Les questions formulées ont cherché à répondre directement aux objectifs tout en permettant une certaine flexibilité dans l’échange avec le travailleur. Certaines questions ont permis de faire des ouvertures dans la conversation ou de faire des liens avec d’autres thèmes à survoler. Ce type d’entrevue est libre et le fait de ne pas avoir eu recours à un intermédiaire a permis aux sujets de s’exprimer avec plus de spontanéité, tout en orientant la conversation vers les besoins de la recherche. Cette façon de faire a permis de comparer les réponses d’une entrevue à l’autre. Les questions ont été posées puis explorées pendant quelques minutes, pour une durée totale d’entrevue d’environ 10 minutes. L’entrevue a été réalisée seul à seul avec le participant et il n'y a eu qu'une entrevue avec chaque individu, en fonction de sa disponibilité. En effet, il n’y a pas eu besoin d’ajourner des entrevues. Ces échanges ont permis d’avoir accès à d’autres opinions et perceptions, de comparer les points de vue, d’enrichir les réponses et de partir en quête de signification de l’expérience vécue et des motivations de chacun.

La campagne de terrain a duré de juin à août 2012, période où les travailleurs sont actifs au Québec, et a nécessité en tout 15 sorties de terrain. Dans un premier temps, les agriculteurs donnés en référence par les informateurs-clés ont été contactés. Un protocole d'enquête leur a été fourni. Une rencontre a ensuite été prévue avec l'agriculteur pour déterminer quand et où il serait le plus convenable d'interviewer les travailleurs mexicains. Les sorties de terrain ont finalement été programmées en fonction des réponses des agriculteurs. Au total, 12 travailleurs migrants ont été approchés, selon les renseignements fournis par les employeurs contactés et ont été interviewés sans la présence de l’employeur. Comme il a été impossible de prévoir le nombre de réponses positives via les agriculteurs, l’autre partie des travailleurs a été abordée directement, sans passer par leur employeur,

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dans les lieux normalement fréquentés en dehors des périodes de travail. Ces travailleurs ont été tout d’abord informés de la nature de la recherche avant de donner leur accord. Dans un cas comme dans l’autre, ils ont été abordés dans un cadre informel, soit sur leurs lieux de repos, de dîner ou encore lors de leurs emplettes hebdomadaires et n’ont en aucun temps été dérangés en période de travail. De plus, l’approbation a été donnée par le Comité de l’éthique de la recherche de l’Université Laval pour assurer des pratiques conformes lors du travail sur le terrain. Toute personne interviewée a signé un formulaire de consentement, en a conservé une copie et a pu se retirer en tout temps du projet si elle le désirait.

4.3. Méthode de traitement des données

Suite à l’enregistrement de toutes les entrevues, un tri d’information a été effectué afin de définir des catégories de données significatives et de les classer selon un ordre de pertinence. Pour ce faire, les premières écoutes des enregistrements, faites sans chercher à interpréter les propos recueillis afin d’éviter toute idée préconçue, ont d’abord permis de bien saisir l’ensemble des messages véhiculés par les participants. Par la suite, elles ont été retranscrites partiellement en vue de l’analyse, en fonction des objectifs de recherche. Ensuite, le tri de l’information a été fait à l’aide d’une grille d’évaluation en fonction des thèmes majeurs ressortis au cours des entrevues, identifiés au fur et à mesure. Une fois les thèmes bien identifiés et catégorisés pour répondre aux objectifs, les écoutes subséquentes ont permis de déceler les passages intéressants, ce qui a permis de compléter la grille d’évaluation pour chacune des entrevues. Seules les entrevues présentant beaucoup d’éléments pertinents ont été présentées dans le rapport final sous forme de restitution de données d’entrevue complétée de verbatims, tirés directement des retranscriptions et traduits au français.

4.4. Méthode d’analyse des données

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migratoire et de la construction du capital humain au-delà de la simple analyse de la réponse du travailleur. En effet, il s’agit «d’analyser l’articulation d’un texte et du lieu social dans lequel il est produit» (Gravel, 2011 : 4). En recherchant des mots ou expressions clés, en comparant les réponses récurrentes ou encore en notant ce qui semble important aux yeux des participants, pour ne nommer ici que quelques façons de travailler, il a été possible de définir quelles sont les motivations, les opinions, les stratégies économiques de survie des migrants, les perceptions de ces derniers et comment se construisent les capacités. Une attention particulière a été portée aux aspects sociolinguistiques du discours des migrants, comme par exemple les expressions, le choix de certains mots, le langage gestuel pour déceler toute indication pertinente concernant la construction de capital humain qui serait autrement impossible à comprendre en se fiant exclusivement sur le contenu du discours. Par ailleurs, l’analyse de discours a permis de comparer les migrants entre eux afin de classer leurs expériences. Une analyse thématique a été réalisée dans un deuxième temps pour identifier, regrouper et ultérieurement analyser les thèmes importants aux yeux des migrants et répondre aux objectifs de la recherche. Ce type d’identification permet de relever les récurrences, ici les divers types de réponses fournies pour chacun des thèmes. L’analyse des entrevues se fait donc de façon systématique grâce à l’utilisation de la grille d’évaluation subdivisée en fonction des thèmes et sous-thèmes.

Le caractère exploratoire de la recherche, l’aspect très aléatoire des rencontres –

dû notamment à la réticence des agriculteurs et des travailleurs à vouloir participer dans la recherche –, en plus du nombre restreint de participants ont fait que l’interprétation des données s’est faite de façon globale et non par région d’étude. En effet, avec les aléas des contacts, certaines régions ont été surreprésentées par rapport à d’autres. Pour ces raisons, les données ont été agrégées et non ventilées par site d’étude.

Figure

Figure 1: Valeurs et indicateurs. Source: Données d’enquête (2012).
Tableau 1: Entrées totales des travailleurs étrangers selon le sous statut annuel (Extrait)
Tableau 2: Nombre de postes de travailleurs étrangers temporaires visés par les avis relatifs au  marché du travail émis dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, par
Figure 2: Répartition des 30 travailleurs selon leur état d'origine. Source: Données d’enquête (2012)
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