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Analyse du changement de coordination verticale de 2009 dans le secteur porcin québécois

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Academic year: 2021

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Analyse du changement de coordination verticale

de 2009 dans le secteur porcin québécois

Mémoire

Stevens Azima

Maitrise en agroéconomie

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

© Stevens Azima, 2017

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Analyse du changement de coordination verticale

en 2009 dans le secteur porcin québécois

Mémoire

Stevens Azima

Sous la direction de :

Annie Royer, directrice de recherche

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iii

Résumé

La commercialisation du porc d’abattage au Québec se fait dans le cadre d’une mise en marché collective. En 2009, l’encan électronique, un canal de vente virtuel géré par un office de producteurs porcins, a été aboli. Pour la première fois dans l’histoire de la mise en marché collective dans le porc, on a introduit la possibilité de relations directes entre acheteurs et producteurs. La littérature du supply chain management et la théorie des coûts de transaction suggèrent que de telles relations impliquent une coordination verticale plus étroite et plus performante. L’importance de prendre en compte l’encadrement institutionnel qu’offre la mise en marché collective est également démontrée. La nature de ces changements a été analysée afin de caractériser cette nouvelle façon de coordonner les transactions de mise en marché. Les impacts de ce changement de coordination verticale sur la performance ont été repérés en mobilisant une grille d’analyse multicritère. L’analyse a ainsi révélé une coordination plus étroite modifiant le mode d’adaptation aux imprévus, les règles du jeu et leurs sources, le contrôle et les incitations des parties impliquées dans les transactions. La qualité des produits, la flexibilité de la relation entre producteur et acheteur, l’équilibre des chaînes dans le secteur ainsi que la nature et le niveau des coûts de transaction sont les principaux impacts identifiés en matière de performance de la coordination verticale. Un rôle changeant mais encore appréciable de l’office de producteurs dans l’encadrement de ces transactions a été également rapporté par les participants rencontrés.

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iv

Abstract

The marketing of the pork to be slaughtered in Quebec is done within the framework of a collective marketing. In 2009, the electronic auction, a virtual channel of sale managed by an office of pork producers, was abolished. For the first time in the history of the collective marketing in this industry, one introduced the possibility of direct relationships between purchasers and producers. The literature of the supply chain management and the transaction costs economics suggest such relations imply a closer and more competitive vertical coordination. Importance to take into account the institutional framing which offers the collective marketing is also shown. The nature of these changes was analyzed in order to characterize this new way of coordinating the transactions. The impacts of this change in vertical coordination on the performance were located by mobilizing a multicriterion grid of analysis. The analysis thus revealed a closer coordination, modifying the mode of adaptation to the unforeseen, the rules of the game and their sources, the control and the incentives of actors implied in the transactions. Product quality, the flexibility of the relation between producer and purchaser, the balance of the chains in the sector as well as the nature and the level of transaction costs are the main impacts identified as regards performance of vertical coordination. A still appreciable but changing role of marketing board in the framing of these transactions was also reported by the participants met.

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v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... x

Dédicaces ... xi

Remerciements ... xii

Introduction ... 1

1. La coordination verticale : conceptualisation ... 9

1.1. La performance inter-entreprise dans les chaînes agroalimentaires : l’approche du supply chain management ... 11

1.1.1. Le courant du supply chain management et la prise en compte de la performance inter-entreprises dans les chaînes ... 11

1.1.2. Critères et indicateurs de performance inter-entreprises dans les chaînes agroalimentaires ... 13

1.1.3. Études empiriques en supply chain management sur la performance interentreprises dans les chaînes d’approvisionnement : quelques résultats ... 16

1.1.4. Conclusion ... 18

1.2. Économie des organisations et coordination verticale ... 19

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vi

1.2.2. Théorie des coûts de transaction : l’importance de minimiser les coûts

de transaction ... 21

1.2.3. Conclusion ... 29

1.3. Institution et encadrement des transactions ... 30

1.3.1. La mise en marché collective vue par l’économie néo-institutionnelle 30 1.3.2. Conclusion ... 32

1.4. Changement de convention de 2009 dans le secteur porcin : une première grille d’analyse des impacts sur la coordination verticale ... 33

1.4.1. Un retour sur les acquis conceptuels ... 33

1.4.2. Proposition d’un cadre conceptuel entre management et économie des organisations ... 34

2. La mise en marché collective ... 37

2.1. La mise en marché collective dans le secteur porcin québécois ... 37

2.1.1. Acteurs et institutions ... 37

2.1.2. Mise en marché collective et coordination verticale du porc d’abattage au Québec : perspectives historiques ... 38

2.1.3. Indicateurs pertinents de la performance production-abattage des porcs au Québec depuis 2009 ... 43

3. Méthodologie ... 49

3.1. Collecter les données ... 49

3.1.1. Les données ... 49

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vii

3.1.3. Mobiliser les outils ... 50

3.2. L’analyse ... 53

3.2.1. Analyse des données ... 53

3.2.2. Interprétation des résultats ... 53

4. La coordination entre producteurs et abatteurs de porc avec la convention de 2009 ... 55

4.1. Caractériser la coordination verticale ... 55

4.1.1. Adaptation ... 55

4.1.2. Droit du contrat ... 57

4.1.3. Incitations et contrôle ... 60

4.1.4. Continuum de coordination verticale ... 64

4.2. Comprendre l’impact de la coordination verticale ... 65

4.2.1. Efficacité ... 65 4.2.2. Flexibilité et réactivité ... 67 4.2.3. Équilibre de la chaîne ... 68 4.2.4. Qualité du produit ... 70 4.2.5. Qualité du processus ... 73 4.2.6. Coûts de transaction ... 74

4.3. Approcher le rôle de la mise en marché collective ... 77

4.3.1. Coûts de transaction indirects ... 78

(10)

viii

5. Retour sur les acquis et conclusion ... 82

5.1. Apport théorique de la recherche ... 83

5.2. Implications théoriques et pratiques ... 86

5.3. Limites de la recherche ... 89

Annexe. Guides d’entretien ... 90

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ix

Liste des tableaux

Tableau 1. Quelques changements relatifs à la coordination verticale apportés par la convention de mise en marché de 2009. ... 42 Tableau 2. Convention de 2009 du secteur porcin québécois et critères de performance interfirme. ... 46 Tableau 3. Performance de la coordination verticale production-abattage dans le secteur porcin québécois: une grille d'analyse. ... 47 .Tableau 4. Résumé de la méthode de collecte de données. ... 52 Tableau 5. Nature du changement de coordination verticale de 2009. ... 64 Tableau 6. Impacts du changement de coordination verticale de 2009 sur la performance ... 77

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x

Liste des figures

Figure 1. Un système multicritère de mesure de la performance interfirme dans les

chaînes agroalimentaires inspiré du supply chain management. ... 15

Figure 2. Différentes approches théoriques de la coordination verticale... 20

Figure 3. Exemples de coûts de transaction (ex ante, ex post). ... 22

Figure 4. Attributs des structures de gouvernance. ... 26

Figure 5. Synthèse du cadre conceptuel d’analyse de la coordination verticale avec prise en compte de l’environnement institutionnel. ... 35

Figure 6. Modèle d'analyse de la performance de la coordination verticale. ... 36

Figure 7. Organisation de la mise en marché collective au Québec. ... 38

Figure 8. Consensus sur des critères et des indicateurs interfirme dans le réseau coopératif du secteur porcin québécois. ... 44

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xi

Dédicaces

Je dédie ce mémoire à ma mère, Marilaine Azima, et à mon fils Clarvens Azima et à la mémoire du regretté Jean Eddy Pascal.

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xii

Remerciements

La réalisation de ce mémoire n’aurait pas été possible sans l’aide, le support et la contribution d’un certain nombre de personnes et d’institutions. Je remercie particulièrement

- Ma directrice de recherche Annie Royer pour m’avoir guidé tout au long de ce parcours. Sa patience, sa disponibilité, la rigueur et la pertinence de ses corrections ont été précieuses pour moi.

- Mon codirecteur de recherche, Daniel-Mercier Gouin, pour ses corrections, sa disponibilité, son accompagnement et sa bonne humeur.

- Les Éleveurs de porcs du Québec pour avoir accepté de prendre part à cette recherche et de la faciliter.

- Les représentants des entreprises d’abattage pour leur temps et leurs réponses.

- Le Fonds de recherche du Québec - Société et Culture pour son financement, sans lequel ce mémoire aurait été impossible.

- Mon père, Lionel Fleuristin, pour son soutien indéfectible. - Ma mère, Marilaine Azima, pour tout.

- Ma sœur Lovely Joseph - Ma conjointe, Sinflore Chiron

- La famille Pascal, principalement Fabiola, Edouard et Edwing Pascal. - Clarens Charles

- Mon camarade Jude Dimanche.

- Mes amiEs Christina Honorat, Renel Lhérisson, Saonha Lyrvole Jean Baptiste, Ketsia Clergé, Angela Maria Triviño, Roudy Jean, Piterson Floradin, Micheline Jean Michel, Emmanuela François, Samuel Edouard Duclosel, Frantzo Germain

(15)

1

Introduction

En 2009, la filière porcine québécoise a connu un changement important dans la mise en marché du porc destiné à l’abattage. De fait, la coordination verticale qui se faisait par l'intermédiaire d'une enchère électronique centralisée a été remplacée par des relations directes entre producteurs et abattoirs. La coordination verticale renvoie aux différentes façons dont les transactions peuvent être organisées entre des segments d’une filière. On distingue donc plusieurs modes de coordination verticale tels que le marché au comptant, les contrats et la coordination à l’intérieur même de la firme (Peterson et al., 2001).

Au Québec, la coordination de la vente du porc d’abattage a ceci de particulier : elle se fait par une mise en marché collective. Il s’agit d’une institution permettant aux producteurs de négocier collectivement les conditions de vente de leurs produits par l’entremise d’un office de producteurs disposant de prérogatives légales1. L’office de

producteurs2, les Éleveurs de porcs du Québec, a négocié au fil des années différentes conventions de mise en marché définissant la relation qui lie les producteurs aux abattoirs. La première convention de mise en marché, adoptée en 1989, a institué pour la première fois une agence de vente, gérée par l’office, qui assurait de façon exclusive la commercialisation des porcs destinés à l’abattage suivant divers mécanismes marchands (notamment un encan électronique3). Cette agence centralisait donc l’offre de porcs en un seul canal de commercialisation contrôlé par l’office, assurant ainsi un meilleur équilibre entre les producteurs et les abattoirs dans la définition des termes de l’échange et stimulant la concurrence entre les abattoirs pour l’obtention des porcs. Outre le caractère centralisé et marchand de cette forme de coordination verticale, un autre aspect est l’anonymat des vendeurs et des acheteurs qui caractérisait les échanges, par l'intermédiaire de l’agence de vente, entre les producteurs et les abattoirs. La convention de 2009 a mis fin à ce

1

Pour une présentation détaillée de la mise en marché collective dans le secteur porcin québécois, se référer au chapitre 2 du présent document.

2

Anciennement, la Fédération des producteurs de porcs du Québec (FPPQ) et, depuis septembre 2013, les Éleveurs de porc du Québec (EPQ).

3

Pour une présentation détaillée des mécanismes de vente utilisés avant 2009, se référer à l’étude de Le Page-Gouin (2014).

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2

système de vente centralisé. Elle a réduit considérablement les pouvoirs de l’agence de vente, a finalement mis un terme aux mécanismes marchands et rétabli le lien direct qui existait avant 1989 entre producteurs et abattoirs.

Ainsi, la convention de mise en marché de 2009 marquerait un tournant dans l’histoire de la mise en marché collective du porc au Québec. Elle semble avoir changé la coordination verticale du porc d’abattage au Québec, la rendant plus étroite. Des acteurs de la filière ainsi que des observateurs parlent d’ailleurs, à propos de cette nouvelle convention, de changements « en profondeur », de « virage majeur », pour ne citer que ces qualificatifs (Codina, 2009). Aussi, Le Page-Gouin, dans son mémoire sur les institutions et les acteurs de l’industrie porcine québécoise, voit la convention de 2009 comme un « point de rupture » qui « change radicalement la manière de faire la commercialisation des porcs » au Québec (Le Page-Gouin, 2014, p. 146).

La recherche d’une relation plus étroite entre abattoirs et producteurs se comprend mieux quand on considère les limites de la coordination verticale qui prévalait avant 2009. L’anonymat limitait alors considérablement les possibilités de rétroaction entre abattoirs et producteurs. Des producteurs qui étaient propriétaires d’abattoirs ne pouvaient garantir que leurs porcs soient acheminés directement à leurs abattoirs. Les mauvaises pratiques pouvaient difficilement être pénalisées ou corrigées au niveau des producteurs, qui ne livraient pas toujours aux mêmes acheteurs. Par exemple, la mise à jeun des porcs destinés à l’abattage est un critère de qualité exigé par les acheteurs. En effet, si elle n’est pas pratiquée et si les estomacs des porcs sont pleins à l’abattage, cela augmente les risques de contamination accidentelle de la carcasse lors de l’éviscération (voire la contamination de toute la chaîne d’abattage) et les risques d’obtenir une viande de mauvaise qualité (EPQ, 2009). Or plusieurs abattoirs se plaignaient de retrouver des cas de porcs avec

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3

estomacs pleins livrés aux abattoirs. De même, les cas de tatouages illisibles étaient déplorés4, mais les possibilités de rétroaction étaient limitées (EPQ, 2014).

De plus, il apparaît que le système de vente centralisé qui existait avant 2009 ne permettait pas vraiment le développement de porcs différenciés à valeur ajoutée. De fait, l’agence de vente coupait le lien entre producteur et abattoir. Or, comme le soulignait Coulombe (2008) dans son rapport sur l’industrie porcine québécoise, la recherche de marchés à valeur ajoutée reste un grand enjeu pour cette industrie. L’industrie porcine québécoise, dont 70 % du volume de production est exporté et qui demeure un des leaders sur le marché mondial du porc (MAPAQ, 2011), fait face à une concurrence internationale féroce et croissante de sorte que le développement de produits différenciés (exemple du porc Nagano) est devenu une voie pour se démarquer de la concurrence et pénétrer des marchés exigeants. La production de produits de plus en plus différenciés suppose cependant, en théorie, une coordination verticale plus étroite entre vendeurs et acheteurs (Hobbs et Young, 2001).

De façon plus générale, des acteurs de la filière porcine québécoise ainsi que certains auteurs reconnaissent que la recherche d’une meilleure coordination verticale des échanges était une des principales motivations de la convention de mise en marché de 2009 (Fontaine, 2010; Le Page-Gouin, 2014; Royer et Gouin, 2015). Ainsi, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ), le régulateur et tribunal administratif encadrant la mise en marché collective, dans sa décision entérinant la convention de 2009, décrivait au paragraphe 78 du texte des « liens d’affaires (…) resserrés » avec la nouvelle convention, ce qui, selon elle, « ne peut qu’être bénéfique à l’ensemble de la filière » (RMAAQ, 2009).

Des analyses réalisées par les Éleveurs de porcs du Québec semblent suggérer que la nouvelle convention a amené dans les mois suivants son entrée en vigueur une baisse considérable et soutenue du pourcentage de porcs livrés avec estomac plein

4

Des tatouages lisibles sont essentiels pour la traçabilité des porcs reçus à l’abattoir. Un tatouage illisible peut poser problème tant à l’abattoir qu’au producteur, celui-ci courant le risque, avant 2009, que l’abattoir lui paie le prix d’un porc autre que le sien (EPQ, 2014).

(18)

4

ou avec des tatouages illisibles (FPPQ, 2010). L’office soutient aussi l’idée que la nouvelle forme de coordination verticale serait plus performante en soulignant par exemple la vitesse à laquelle la filière s’est adaptée lorsqu’en 2013 la Russie a décidé d’interdire l’importation de viande de porcs traités à la ractopamine, un médicament dont l’utilisation est approuvée au Canada (EPQ, 2016). Ces analyses, qui tendent à suggérer une amélioration de la coordination verticale depuis 2009, ne permettent cependant pas de porter des conclusions. En effet, l'analyse de la coordination verticale requiert une approche holistique et la définition de critères adaptés.

L’analyse du changement apporté en 2009 au niveau de la coordination verticale requiert non seulement de caractériser ce changement mais également de mobiliser des outils pour en analyser la performance. Celle-ci peut être vue comme le niveau d’atteinte de certains objectifs stratégiques ou le niveau de satisfaction de certains critères (Kone, 2016). Pour un mode de coordination faisant intervenir des relations directes entre producteurs et abattoirs mais également la présence d’un office de producteurs, l’analyse se fait à une échelle interfirme avec prise en compte du contexte institutionnel : la mise en marché collective. Les sciences de la gestion, notamment la littérature sur la gestion des chaînes d’approvisionnement (supply

chain management), ont apporté une contribution consistante à l’analyse des

relations interfirme. Dans sa revue de littérature sur la performance de la coordination verticale, Kone (2016) a dégagé un ensemble de critères inspirés de la littérature du supply chain management s’avérant pertinents pour approcher la performance interfirme dans une chaîne agroalimentaire.

L’économie des organisations fournit également un certain nombre de variables clés à prendre en compte quand on étudie la coordination verticale et son incidence sur la performance des chaînes d’approvisionnement. Une revue des théories économiques de l’organisation pertinentes pour l’analyse de la coordination verticale dans les filières agroalimentaires a été produite par Hobbs et Young (2001).

Cependant, un fossé semble encore exister entre l’approche managériale et l’approche économique, même si beaucoup d’études en supply chain management empruntent aux théories de l’organisation (Ketchen et Hult, 2007; Grimm et al.,

(19)

5

2015). Dans une tentative de rapprocher la littérature du supply chain management et les théories de l’organisation, Ketchen et Hult (2007), après une analyse séparée de la gestion des relations verticales dans des chaînes d’approvisionnement, identifient une dizaine de théories de l’organisation (théorie des coûts de transaction, théorie de l’agence, etc.). Elles fournissent des éléments déterminants pour une chaîne d’approvisionnement performante. Il semble cependant manquer une approche globale mobilisant à la fois la gestion des relations interfirme proprement dite et les questions d’organisation et d’environnement dans lesquelles s’inscrivent ces relations pour analyser un problème spécifique.

La théorie de l’organisation la plus utilisée dans la littérature du supply chain

management est la théorie des coûts de transaction (Grimm et al., 2015). Cette

théorie analyse l’organisation des transactions dans un contexte de minimisation des coûts. Une définition des coûts de transaction est proposée par Williamson (1985, p. 2) : « les coûts comparatifs de planification, d’adaptation et de suivi de transferts de droits associés à des tâches (…) ». Une définition un peu plus commode est proposée par Royer (2009, p. 85) : « ce qu’il en coûte d’organiser un échange entre agents économiques ». Dans le cas des abattoirs et producteurs dans la filière porcine, le changement de coordination verticale de 2009 est susceptible d’avoir affecté, entre autres, des variables comme les coûts de transaction. La théorie indique également que la façon d’organiser les transactions peut réduire ou faire augmenter le niveau des coûts de transaction. Une analyse de la coordination verticale ne saurait donc être complète sans caractériser le mode d’organisation des transactions. De plus, la coordination verticale du porc d’abattage au Québec ne se réduit pas aux relations entre abattoirs et producteurs de porcs. Elle se fait dans un contexte de mise en marché collective où l’office de producteurs est encore actif. La prise en compte du rôle de l’office de producteurs et, plus généralement, de l’institution de la mise en marché collective dans le secteur porcin, semble donc également nécessaire.

En effet, la mise en marché collective dans le secteur porcin, en régulant les relations entre producteurs et abattoirs, intervient directement dans la coordination verticale du porc d’abattage. Aussi, l’action de l’office de producteurs peut avoir un effet sur l’efficacité de cette coordination, notamment sur l’ampleur des coûts de

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6

transaction. Ce rôle avait déjà été souligné par Royer (2009) dans le cas de l’office de commercialisation du lait au Québec, mais la mise en marché collective du porc diffère sensiblement dans la mesure où depuis 2009, le rôle de l’agence de vente est considérablement réduit. Il semble opportun de s’interroger sur le rôle que l’office continue à jouer dans ce nouveau contexte, afin d’avoir un tableau plus complet de la coordination verticale.

La performance de la coordination verticale dans le secteur porcin devient un enjeu stratégique de plus en plus prégnant. Dans un contexte de marché ouvert, on observe que la compétition tend aujourd’hui à se faire de plus en plus entre les chaînes d’approvisionnement plutôt qu’entre des firmes isolées (en l’occurrence: abattoirs, fermes porcines) (Christopher, 1998; Ketchen et Hult, 2007; Gellynck et

al., 2008). De plus, une nouvelle convention de mise en marché a été adoptée en

2016. Elle reprend l’essentiel de la convention de mise en marché de 2009 avec quelques modifications (introduction d’un concept de mobilité5 des producteurs d’un

abattoir à un autre, gestion des porcs en attente, ouverture à de nouveaux acheteurs). Or, l’un des objectifs des changements apportés par la convention de 2009 était l’amélioration de la coordination verticale entre les acteurs. Cependant, à ce jour, la nature des changements apportés en matière de coordination verticale reste mal connue. Aucune étude empirique n’a été menée sur les retombées réelles de ces changements dans la coordination verticale. Ces retombées peuvent être positives ou négatives au regard de la littérature car chaque mode de coordination verticale comporte des avantages et des inconvénients (Ménard et Valceschini, 2005). Également, on ne retrouve pas d’études combinant des éléments de la gestion des chaînes d’approvisionnement et de l’économie des organisations pour analyser la coordination verticale dans un contexte de mise en marché collective. Fort de ces constats, ce mémoire se donne pour mandat de répondre à la question de recherche suivante :

5

Depuis 2016, les producteurs, tout en demeurant assignés à un acheteur, peuvent convenir d’une « entente particulière » avec leur acheteur (sans mouvement) ou un autre acheteur (mouvement). Une telle entente est considérée comme un « contrat de mise en marché qui lie les parties pour une durée définie », proposé par un acheteur et pouvant inclure toutes sortes de spécificités de production ou primes, comme dans un contrat traditionnel. (EPQ, 2017)

(21)

7

 Quels sont les impacts du changement de la convention de mise en marché

en 2009 sur la coordination verticale entre producteurs et abattoirs dans le secteur porcin québécois?

Répondre à la question de recherche soulevée apportera des informations qui pourraient nourrir la réflexion sur les défis se présentant à la filière porcine au niveau de la coordination verticale d’une part et, d’autre part, permettra de combler un manque de connaissances sur le nouveau contexte de la mise en marché du porc au Québec.

Pour répondre à la question de recherche, deux objectifs de recherche sont fixés  Analyser les principaux impacts de la convention de mise en marché de 2009

sur la nature de la coordination verticale du porc d’abattage en combinant des critères fournis par le supply chain management et l’économie des organisations;

 Analyser le rôle de l’office dans la coordination verticale du porc au Québec depuis la convention de mise en marché de 2009.

Pour atteindre les objectifs de recherche fixés, un cadre conceptuel est développé dans le chapitre suivant à partir de différentes études et théories pertinentes pour analyser la coordination verticale dans une filière agricole. Pour en augmenter la pertinence, une présentation est faite des principaux changements apportés en 2009 à la mise en marché collective du porc au Québec en matière de coordination verticale. Après ce constat, une grille d’analyse théorique plus raffinée est dérivée. Elle permet de caractériser le changement de coordination verticale de 2009 dans la mise en marché du porc et d’analyser sa performance en fonction des variables clés et des indicateurs dégagés. Cette grille est ensuite mobilisée suivant une méthodologie adaptée pour conduire une recherche empirique.

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1. La coordination verticale : conceptualisation

La globalisation des marchés et l’environnement concurrentiel de plus en plus compétitif semblent amener les entreprises de divers secteurs à devoir miser sur leurs relations avec d’autres firmes pour faire face aux nouveaux défis. Ces relations peuvent être horizontales ou verticales. Le type de relations à laquelle on a sans doute accordé le plus d’attention dans la littérature est celui impliquant un fournisseur en amont et un acheteur en aval dans une chaîne d’approvisionnement (Shepherd et Günter, 2010).

Les relations verticales entre des firmes de différents maillons d’une chaîne d’approvisionnement connaissent des mutations importantes dans de nombreux secteurs d’activité, et le secteur agroalimentaire n’en est pas exempt (Hobbs et Young, 2001). Or, des liens ténus peuvent être établis, théoriquement et empiriquement, entre ces relations et la performance des entreprises individuelles et de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

Ainsi, dans une étude théorique sur les relations interfirme et leur impact, Lefaix-Durand et al. (2005) proposent un cadre conceptuel soulignant comment différents facteurs (comme le contexte et la réglementation) influent sur la nature et la gouvernance des échanges au sein de la relation interfirme, ce qui détermine à son tour l’atteinte de certains objectifs de création de valeur (compétitivité, performance, efficience, etc.). Aussi, dans un article de référence, Fynes et al. (2005) repèrent un ensemble d’études empiriques établissant comment les relations verticales peuvent directement affecter divers aspects de la performance des chaînes (Carter et Ellram, 1994; Narasimhan et Jayaram, 1998; Carr et Pearson, 1999; Salvador et al., 2001; Choon Tan et al., 2002). En particulier, la recherche d’une coordination verticale adaptée est devenue un enjeu majeur pour de nombreuses chaînes agroalimentaires dans un souci de performance et de compétitivité (Hobbs et al., 1998; Hobbs et Young, 2001).

Deux disciplines ou courants ont particulièrement nourri l’analyse des relations interfirme dans les chaînes d’approvisionnement : le supply chain management et l’économie des organisations (Fynes et al., 2005; Ketchen et Hult, 2007; Shepherd

(24)

10

et Günter, 2010). La gestion des chaînes d’approvisionnement (supply chain

management) est un vaste champ d’études qui s’est développé rapidement à partir

des années 90 et qui intéresse aujourd’hui les milieux académiques comme les gestionnaires d’entreprises (Shepherd et Günter, 2010). La gestion efficace des relations interfirme est au cœur de ce courant et fait l’objet d’un intérêt croissant dans la littérature (Günter et al., 2010; Grimm et al., 2015). Cependant, dans ce mémoire, l’attention ne sera pas accordée aux pratiques de gestion, mais plutôt aux indicateurs de performance permettant de juger de leur efficacité. Quant à l’économie des organisations, par ses diverses approches de la firme et de ses frontières, elle fournit des paramètres économiques susceptibles d’être pertinents pour l’analyse de la nature et de la performance de la coordination verticale (Hobbs et Young, 2001). De plus, elle a souvent été mobilisée pour analyser des chaînes agroalimentaires et permet de prendre en compte l’environnement institutionnel dans lequel les organisations évoluent.

Même si les deux courants ne s’excluent pas, le supply chain management recherchant souvent ses fondements théoriques dans l’économie de l’organisation (Grimm et al., 2015), il convient de constater un certain fossé entre ces courants alors que leur rapprochement est susceptible d’avoir un pouvoir explicatif considérable (Ketchen et Hult, 2007). Ainsi, il y a une reconnaissance quasi-unanime du caractère incomplet de nombreux systèmes de mesure de la performance proposés par le supply chain management (Shepherd et Günter, 2010). Son rapprochement avec l’économie de l’organisation semble alors opportun en vue de compléter l’analyse du changement de coordination verticale qu’on se propose de faire.

(25)

11

1.1.

La performance inter-entreprise dans les chaînes

agroalimentaires :

l’approche

du

supply

chain

management

1.1.1. Le courant du supply chain management et la prise en compte

de la performance inter-entreprises dans les chaînes

Depuis que le consultant en logistique Keith Oliver a utilisé en public l’expression

supply chain management6 au début des années 80, celle-ci est devenue courante

et s’est enrichie de nombreux développements subséquents (Grimm et al., 2015). Plus tard, Chen et Paulraj (2004) remarquaient que l’expression avait débordé du simple cadre de la logistique et désignait la planification et le contrôle du flux de biens et d’information d’une chaîne d’approvisionnement non seulement à l’intérieur de l’entreprise mais aussi de concert avec les autres entreprises. L’expression était aussi utilisée, selon ces auteurs, pour renvoyer aux problèmes inter-organisationnels d’ordre stratégique, pour désigner une forme d’organisation pouvant remplacer l’intégration verticale, pour analyser la relation entre un acheteur et son fournisseur. S’il est vrai que les chaînes d’approvisionnement existaient bien avant le supply

chain management, l’intérêt récent porté à ce terme semble marquer pour les

entreprises la prise de conscience de l’interdépendance des différentes opérations au niveau d’une chaîne d’approvisionnement et de la nécessité de les gérer efficacement pour une performance améliorée.

Plusieurs vertus sont prêtées à la gestion des chaînes d’approvisionnement (Shepherd et Günter, 2010). En permettant aux organisations d’améliorer les relations entretenues dans la chaîne, elle rendrait les chaînes plus compétitives et permettrait aux organisations de réduire leurs coûts. L’efficacité réelle des pratiques prônées par le supply chain management visant à améliorer les relations au niveau de la chaîne doit toutefois être relativisée. La gestion des relations dans les chaînes

6 Étant donné le contexte historique de l’apparition de cette expression anglaise, dans ce

mémoire elle est utilisée indifféremment en anglais (supply chain management) ou en français (gestion des chaînes d’approvisionnement).

(26)

12

d’approvisionnement ne semble pas toujours avoir, du point de vue des acteurs dans les chaînes, les retombées espérées au niveau de la chaîne.

Dans une étude d’envergure internationale sur l’efficacité de plusieurs pratiques de gestion au niveau des chaînes, Clegg et al. (2002) ont trouvé que même les meilleures pratiques, dans la perception de nombreux acteurs, avaient un taux d’échec perçu considérable : par exemple, 12 % à 27 % des compagnies jugeaient plusieurs pratiques, comme le total quality management (TQM), inefficaces. Ces réserves soulignent qu’il ne suffit pas de présumer de l’efficacité des pratiques ou d’une forme de gouvernance des relations dans les chaînes d’approvisionnement. Elles montrent également l’importance de la recherche empirique sur la performance interfirme.

D’abord, aucune définition du concept de performance ne fait consensus. Dans un article assez percutant, Bourguignon (1997) reprochait sévèrement aux chercheurs, et particulièrement aux gestionnaires, un usage abusif du concept de performance. Il est souvent utilisé sans qu’aucune définition claire n’en soit donnée dans les études. De plus, l’auteur s’interroge sur l’utilisation de plus en plus fréquente du mot au singulier plutôt qu’au pluriel. Si on doit abandonner toute prétention d’une définition qui rallierait les nombreuses disciplines qui approchent le concept de performance de différentes façons, il est néanmoins possible de clarifier le sens auquel il renvoie dans ce mémoire en mettant l’accent sur ce qu’elle implique.

Une définition de référence sur la mesure de la performance est proposée par Neely

et al. (1995) qui la présentent comme un processus conduisant à quantifier

l’efficacité et l’efficience d’une action par rapport à des objectifs préalablement établis. Autrement dit, il s’agit de quantifier le niveau d’atteinte d’un résultat recherché (Kone, 2016). Cette approche est sans doute un peu restreinte car elle ignore les possibilités et l’intérêt d’apprécier qualitativement la performance. Les études recourant à des mesures empiriques qualitatives de la performance des chaînes d’approvisionnement seraient certes minoritaires, mais par exemple elles représentent quand même 18 % du total des articles recensés par Shepherd et Günter (2010).

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Morin et al. (1996) proposent une liste de trois étapes menant à la construction de tout système de mesure. Dans un premier temps, les différentes dimensions du concept à mesurer doivent être identifiées. Des critères définissent ensuite ces dimensions. Finalement, des indicateurs rendent les critères opérationnels et permettent de les apprécier.

Une liste de dimensions de la performance repérées par Kone (2016) fait ressortir notamment une dimension financière sur laquelle les études ont tendance à se concentrer au détriment d’autres dimensions comme le temps et la responsabilité sociale des entreprises. Une catégorisation des systèmes de mesure de la performance en fonction des critères ou du focus généralement retenus dans la littérature, renvoie pratiquement aux mêmes dimensions de la performance susmentionnées. Ainsi, Shepherd et Günter (2010) constatent que, dans la liste des études passées en revue, 42 % ont un focus sur les coûts contre seulement 58 % qui considèrent aussi l’ensemble des éléments autres que les coûts, comme la qualité (28 %), le temps (19 %), la flexibilité (10 %) et l’innovation (1 %). Dans la section suivante, l’enjeu de la construction d’un système de mesure de la performance pour une chaîne agroalimentaire est abordé pour ensuite identifier les critères pertinents.

1.1.2. Critères et indicateurs de performance inter-entreprises dans les

chaînes agroalimentaires

L’analyse des systèmes de mesure de la performance des chaînes d’approvisionnement fait ressortir un point récurrent : la performance d’une chaîne est multicritère et un système de mesure mobilisant un seul critère est susceptible d’être incomplet (Shepherd et Günter, 2010). Comme on l’a vu, la plupart des études empiriques sur la performance tendent à se concentrer sur le coût (souvent associé au critère d’efficacité) et à négliger d’autres dimensions de la performance. Même si l’efficacité en matière de réduction de coûts et d’augmentation des bénéfices est un critère incontournable pour la performance intra-firme comme pour la performance interfirme, elle ne permet pas de prendre en compte un ensemble de facteurs relevant plus de la relation interfirme dans une chaîne d’approvisionnement. Ce point

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est important car le pouvoir explicatif des critères relevant plus de la coordination verticale est loin d’être négligeable.

Kone (2016) illustre l’insuffisance des mesures de la performance basées sur la seule réduction de coût en évoquant plusieurs exemples intéressants où la performance s’explique mieux par d’autres considérations. Par exemple, Hobbs et al. (1998), dans leur analyse de la compétitivité de la chaîne d’approvisionnement du porc danois, reconnu sur les marchés internationaux, montrent que la coordination verticale entre les acteurs de la chaîne explique mieux la performance de la chaîne que la seule prise en compte des coûts. Une étude de Aramyan et al. (2007) sur l’impact du choix d'un canal de vente (encan ou canal mixte) sur la performance de producteurs de légumes aux Pays-Bas, ou encore l’étude de Poray et al. (2003) montrant une augmentation du poids des porcs aux États-Unis avec une coordination verticale plus étroite (contrat, intégration verticale) attestent de l’importance de considérer d’autres critères.

Quand on considère les chaînes agroalimentaires, un autre argument qui justifie l’intérêt d’un système de mesure multicritère est le constat des spécificités de ce type de chaînes. Aramyan et al. (2007) évoquent par exemple des caractéristiques comme la périssabilité des produits, leur saisonnalité, la longueur du cycle de production, la variabilité en matière de qualité et de quantité, l’importance des attributs physiques (comme la couleur et le goût) ainsi que des attributs immatériels liés au processus. Ces spécificités rendent difficile la mesure de la performance dans ces chaînes et non pertinent tout système de mesure qui se baserait seulement sur le coût. Selon Aramyan et al. (2007), un critère « qualité » permet à lui seul de prendre en compte plusieurs spécificités des chaînes agroalimentaires. Dans sa revue de littérature, Kone (2016) parvient à dresser une liste de différentes combinaisons de critères parfois mobilisées pour mesurer la performance dans les chaînes agroalimentaires. Au final (voir Figure 1), selon Kone, l’étude de la performance d’une filière agroalimentaire fait intervenir non seulement le critère classique de l’efficacité (coût, bénéfice), mais également des critères de flexibilité (adaptation à un environnement changeant), de réactivité (respect des délais de livraison), d’équilibre de la chaîne (le niveau de partage d’informations, des risques

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et des bénéfices), de qualité des produits (renvoyant aux aspects physiques du produit) et de qualité du processus (renvoyant aux caractéristiques extrinsèques et intangibles du produit). Le cadre de Kone n’a pas la prétention d’être exhaustif, il se veut plutôt synthétique.

Figure 1. Un système multicritère de mesure de la performance interfirme dans les chaînes agroalimentaires inspiré du supply chain management.

Source : Kone (2016).

Pour s’assurer de la pertinence d’un système de mesure de la performance, Aramyan et al. (2007) recommandent de valider le système de mesure auprès des acteurs des différents maillons de la chaîne agroalimentaire étudiée et de ne retenir que les indicateurs et critères qu’ils jugent pertinents. En retenant seulement les éléments du système de mesure qui sont partagés par les acteurs de deux maillons uniquement, il devient également possible, d’après Aramyan et al. (2007), d’adapter un système de mesure à un lien entre deux maillons (par exemple, celui existant entre producteurs et abattoirs) plutôt qu’au niveau de l’ensemble de la chaîne.

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16

Notre objectif n’est pas de mesurer quantitativement la performance interfirme. Nous portons néanmoins un intérêt marqué à l’adoption d’un ensemble de critères adéquat, à même de cerner les impacts qu’un changement de coordination verticale est susceptible d’avoir. À partir de là, une analyse méthodique de l’impact du changement de convention dans le secteur porcin québécois en 2009, tel que perçu par les acteurs, devient possible. Le système de mesure de Kone (2016) a l’avantage d’être explicitement construit pour étudier la performance de la coordination entre producteurs et abattoirs dans la filière porcine québécoise avec des indicateurs choisis en ce sens. Toutefois, dans le système de mesure de Kone (2016), le focus est porté essentiellement sur l’aspect managérial de la performance. L’économie des organisations fournit pourtant un certain nombre de variables clés à prendre en compte quand on étudie la performance de la coordination verticale. De plus, elle fournit des outils permettant de caractériser la gouvernance des transactions et l’environnement institutionnel dans lequel elles se déroulent. Avant d’aborder l’apport de l’économie des organisations, un portrait de quelques études empiriques visant à mesurer la performance dans les chaînes d’approvisionnement avec un focus sur les relations interfirme est dressé ci-après.

1.1.3. Études empiriques en supply chain management sur la

performance

interentreprises

dans

les

chaînes

d’approvisionnement : quelques résultats

Depuis Beamon (1999), l’inclusion (mesure de tous les aspects pertinents), l’universalité (le système de mesure est applicable à des contextes différents), la mesurabilité (les types de données recherchées sont mesurables) et la cohérence (par rapport aux objectifs stratégiques des organisations) sont autant de caractéristiques recherchées dans un système de mesure de la performance. Malheureusement, comme l’auteur le constatait, peu de systèmes de mesure réunissaient ces caractéristiques.

Plus tard, dans les années 2000, certains progrès ont été réalisés. Shepherd et Günter (2010) identifient plusieurs catégorisations possibles des études sur la performance selon qu’elles soient quantitatives ou qualitatives, selon ce qu’elles mesurent, leur focus ou encore le processus de la chaîne sur lequel elles se

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concentrent. Diverses méthodes permettent d’agréger les mesures effectuées pour les différentes dimensions de la performance en une mesure unique de la performance. Sept des méthodes et modèles les plus connus sont analysés par Aramyan et al. (2006), mais une telle discussion dépasse le cadre et l’objectif de ce mémoire.

Au niveau des études empiriques sur la performance interfirme, quelques études présentent une avancée certaine. Ainsi, Fynes et al. (2005) ont cherché à mesurer quantitativement la performance interfirme (en considérant comme critères le coût, la qualité, la flexibilité et le respect des délais de livraison). Ces auteurs ont établi, entre autres résultats, que la qualité des relations verticales (définie dans l’étude par le niveau de confiance, de coopération, de communication et d’interdépendance entre les acteurs) a un effet positif sur cette performance. Ils ont pu également appuyer l’hypothèse selon laquelle un environnement commercial compétitif renforçait la relation entre la qualité des relations verticales et la performance.

Grimm et al. (2015) ont analysé l’ensemble des études (au nombre de 176) à caractère empirique publiées dans des revues de référence en matière de supply

chain management sur la période 2004-2013. Même si cette littérature couvre une

grande variété de sujets (gestion du risque, délocalisation des entreprises, etc.), qui ne sont pas tous strictement liés aux relations ou à la performance interfirme (et encore au secteur agroalimentaire), certains résultats apportent un éclairage intéressant sur ces derniers points. Ainsi, on trouve que l’entretien d’une culture de compétition, vue comme la recherche constante de tout écart entre ce que le marché demande et ce que la chaîne offre, amène les entreprises à réduire le temps d’écoulement (entre la réception d’une commande et sa livraison) et donc à améliorer la performance de la chaîne (Hult et al., 2007). Dyer et Hatch (2006) montrent quant à eux que, même lorsqu’il y a un risque que d’autres acheteurs bénéficient de la performance améliorée du fournisseur avec qui des connaissances ont été partagées, une chaîne d’approvisionnement gagne généralement en performance dans le partage des connaissances entre un acheteur et ses

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fournisseurs (cf. Kulp et al., 2004). L’intégration verticale7 est une forme d’organisation où des entreprises de plusieurs maillons successifs dans une chaîne d’approvisionnement se retrouvent être la propriété d’une seule entreprise (Peterson et al., 2001). Le courant du supply chain management s’est également intéressé à cette forme d’organisation et des auteurs ont étudié l’impact de l’intégration verticale sur la performance des chaînes d’approvisionnement. Elle est susceptible de réduire la variabilité des produits (tout écart perceptible au niveau de la qualité qui ne satisfait pas les attentes du consommateur) et en même temps d’en augmenter la fiabilité (Hsieh et al., 2010); d’affecter la flexibilité de la chaîne par rapport aux changements dans la demande ou dans la réglementation (Delmas et Tokat, 2005; Gulati et al., 2005).

1.1.4. Conclusion

Le supply chain management considère l’adoption de bonnes pratiques de gestion des relations verticales dans une chaîne d’approvisionnement comme un facteur de performance et de succès. Dans la littérature, les critères récurrents d’efficacité, de flexibilité, de réactivité, de qualité (des produits et des processus) et d’équilibre des chaînes permettent de rendre compte du caractère multidimensionnel de la performance des relations interfirme, la plus étudiée étant la relation fournisseur-acheteur. Le critère de « qualité » permettrait, en plus, de tenir compte des spécificités des chaînes agroalimentaires, mais peu d’études en supply chain

management se sont intéressées à la performance de ces dernières (parmi les

secteurs les plus étudiés, on retrouve l’électronique et l’automobile). Beaucoup d’enseignements peuvent toutefois être tirés de cette littérature pour l’étude de la filière porcine québécoise, notamment la relation directe et positive entre la qualité des relations verticales et la performance interfirme, celle entre l’intégration verticale (ou en général les modes de gouvernance des transactions) et la qualité des produits ou encore la flexibilité de la chaîne d’approvisionnement.

7

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19

1.2.

Économie des organisations et coordination

verticale

1.2.1. L’analyse de la coordination verticale : approches théoriques

La question des relations interfirme présuppose que les frontières de la firme sont connues et soulève également des questions quant à la nature de la firme elle-même. Les hypothèses de base du modèle microéconomique standard (homo œconomicus et conditions de concurrence pure et parfaite), conduisent à une firme-point dont l’unique fonction serait une fonction de production (Ferréol et al., 1997). Les questions de performance se réduisent alors à un problème de maximisation des profits atteinte au niveau de production où le prix de vente égale le coût marginal du produit offert sur le marché. Mais à partir des années 30, cette vision de l’entreprise a été remise en cause et des théories de la concurrence imparfaite sont apparues avec relâchement de certaines hypothèses et introduction de nouvelles fonctions de l’entreprise : une fonction d’innovation avec Schumpeter, ou une fonction d’organisation et de coordination de la production (Ferréol et al., 1997). La conception de la firme comme organisation rompt avec la firme-point de Walras sans toujours renoncer à toutes les hypothèses du modèle néoclassique ou à son mode d’analyse (individualisme méthodologique, maximisation, etc.). Elle ouvre donc la voie à de « nouvelles théories de la firme », révise les frontières de la firme offrant ainsi des perspectives nouvelles pour l’analyse des relations interfirme et des déterminants de la performance interfirme.

La liste de ces théories de l’organisation est assez longue, Ketchen et Hult (2007) en ont identifiées neuf (sans compter d’autres théories de la firme). Le propos ici n’est pas de les passer toutes en revue. Hobbs et Young (2001) ainsi que Royer (2009) ont repéré les principales approches théoriques de la coordination verticale (Figure 2) et les ont classées selon qu’elles ont un angle d’analyse intrafirme, interfirme ou s’intéressent à l’environnement externe. Il est donc commode et pertinent de ne retenir dans un premier temps que la théorie des coûts de transaction, la théorie de l’agence, mais aussi la théorie des droits de propriété (non abordée par Hobbs et Young), rassemblées parfois sous l’expression « économie néo-institutionnelle », qui fournissent des considérations intéressantes pour l’analyse de la coordination

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interfirme. Un autre courant théorique qui a un focus sur les relations interfirme est l’approche axée sur la négociation et le pouvoir, mais il ne sera pas examiné car, dans ce mémoire, on s’intéresse moins à « comprendre l’effet de la négociation sur les formes de coordination » qu’à l’analyse de la coordination verticale à proprement parler (cf. Royer, 2009, p. 71).

Figure 2. Différentes approches théoriques de la coordination verticale. Source : Hobbs et Young (2001).

Ménard (2003) repère deux grands volets dans l’économie néo-institutionnelle : un premier volet, organisationnel, s’attache à expliquer les formes organisationnelles et une théorie phare de ce volet est la théorie des coûts de transaction. Un autre volet, institutionnel, s’intéresse à l’environnement institutionnel dans lequel se déroulent les transactions. Ce volet mobilise également la littérature du Law and Economics (analyse économique du droit), qui permet d’étudier l’efficacité des institutions en matière de réduction des coûts de transaction et d’accroissement du volume de transactions dans l’économie. Dans la suite, le premier volet est sollicité à travers la théorie des coûts de transaction uniquement pour caractériser la coordination verticale et identifier des déterminants de sa performance qui dépendent des

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organisations qui effectuent les transactions. Ensuite, le volet institutionnel est brièvement sollicité, toujours en lien avec la théorie des coûts de transaction, pour approcher le rôle institutionnel de la mise en marché collective.

Ce choix de s’en tenir à la théorie des coûts de transaction au détriment d’autres théories (théorie des droits de propriété, la théorie de l’agence) est essentiellement motivé par un souci de simplification et par le fait que cette théorie s’est imposée comme une explication de référence parmi les théories alternatives de la firme. De plus, comme déjà mentionné, elle est la plus sollicitée en supply chain management (Grimm et al., 2015). Certes, la mobilisation de plusieurs théories de l’organisation en même temps peut être souhaitable car elle permettrait de « mieux comprendre la nature changeante de la coordination verticale », mais c’est souvent, comme le reconnaissent Hobbs et Young (2001, p. 43), au prix d’une « perte de netteté théorique » due aux hypothèses parfois conflictuelles d’une théorie à une autre et à la complexité du cadre conceptuel qui en découle.

1.2.2. Théorie des coûts de transaction : l’importance de minimiser les

coûts de transaction

1.2.2.1. Coase et les coûts de transaction

La théorie des coûts de transaction découle d’un article publié par Ronald Coase en 1937, The nature of the firm. Dans cet article, Coase commence par constater l’absence d’une définition claire et opératoire de la notion de firme, pourtant courante dans la théorie économique. Il se donne pour mandat de proposer une définition réaliste de la « firme », tout en expliquant son émergence. Ayant montré que la fonction coordinatrice, a priori suffisante selon la théorie néoclassique, du mécanisme des prix sur le marché n’empêche pas pour autant l’existence des entrepreneurs, Coase résout ce problème en reconnaissant l’existence en dehors du seul prix, de coûts de marché (plus tard appelés « coûts de transaction ») que l’organisation sous la direction d’un entrepreneur permet de réduire. Ces coûts peuvent être, par exemple, ex ante soit les coûts de recherche d’information ou encore les coûts de négociation et de conclusion de contrats. Des coûts de transaction ex post peuvent exister également (voir Figure 3 pour une liste détaillée). Il apparaît possible de réduire ces coûts en intégrant les transactions à l’intérieur

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d’une firme, lesquelles sont alors coordonnées par un entrepreneur ou un gestionnaire. Une relation de « firme » apparaît alors à la suite de la conclusion de contrats de long terme faisant dépendre l’allocation des ressources de la décision d’un entrepreneur8 et non du marché directement. Mais l’organisation, ayant elle

aussi un coût et ses rendements devenant décroissants avec la multiplication des transactions, cela permet, selon Coase, d’expliquer en même temps le fait qu’il n’existe pas une seule grande entreprise dans toute l’économie. Une entreprise devra donc décider pour une transaction donnée (par exemple, l’obtention d’une matière première) s’il est mieux de recourir au marché (« faire faire ») ou préférable de l’organiser elle-même (« faire »).

Figure 3. Exemples de coûts de transaction (ex ante, ex post). Source : Royer (2009, p. 87).

8

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23

1.2.2.2. Williamson et les structures de gouvernance

Oliver Williamson a plus tard, à partir de cette idée centrale de l’existence de coûts de transaction, développé la théorie dite des coûts de transaction qui, depuis, n’a cessé d’alimenter une abondante littérature (Williamson, 1975, 1985, 1996). Tantôt controversée, tantôt présentée comme une histoire à succès (« success story »), il demeure qu’elle s’est imposée parmi les théories de l’organisation comme un corpus incontournable avec des enseignements originaux (Shelanski et Klein, 1995; David et Han, 2004). Deux grands apports de Williamson à la construction de ce corpus sont également intéressants pour ce mémoire. D’une part, il propose l’existence d’un continuum d’arrangements contractuels possibles entre le marché et l’autre extrême que représente l’entreprise (aussi appelée hiérarchie ou intégration verticale), les arrangements intermédiaires étant appelés des formes hybrides de coordination verticale. Le contrat serait une forme hybride que Peterson et al. (2001) distinguent du marché par un contrôle plus intense que sur le marché spot (surtout ex post) sur certains facteurs (comme le prix, la qualité, la quantité ou d’autres termes de l’échange). Le contrat définit donc une forme de relation interfirme plus étroite que celle existant sur le marché. Il est intéressant de remarquer que le terme « contrat » utilisé ici peut tout aussi bien désigner un contrat formel qu’une simple relation de long terme basée sur un contrat informel.

En fait, dans la littérature on retrouve différentes caractérisations des modes de coordination sur le continuum. Ainsi, Peterson et al. (2001) se basent uniquement sur la notion de contrôle pour distinguer un mode de coordination d’un autre. Selon ces auteurs, ce qui changerait le long du continuum de coordination verticale serait l’intensité du contrôle et la nature du contrôle que le mode de coordination permet aux parties d’exercer sur la transaction engagée (notamment le contrôle sur les prix, les quantités, la qualité et autres termes de l’échange). À mesure qu’on passe du marché spot à l’intégration verticale, la force coordinatrice passe de la « main invisible », manifeste à travers le mécanisme de prix, à une forme de plus en plus consciente et contrôlée, manifeste à travers l’interdépendance entre les acteurs. En effet, l’intensité du contrôle sur une transaction augmente systématiquement du marché spot à l’intégration verticale, en passant successivement le long du continuum par les modes de coordination hybrides. Mais la nature du contrôle

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change également. Dans le marché spot et la production sous contrat, l’essentiel du contrôle est exercé ex ante, alors que dans la coopération formelle et l’intégration verticale, deux modes à l’autre extrémité du continuum, le contrôle ex post est prédominant.

Le lien entre cette notion de contrôle et le souci de minimiser les coûts de transaction est clairement souligné par Peterson et al. (2001). En effet, ces auteurs, reprenant Williamson (1973), rappellent que des erreurs de coordination peuvent exister, or ces erreurs sont sources de coûts de transaction. Par exemple, comme l’explique Williamson (1991), l’incapacité de se coordonner rapidement pour répondre à une importante perturbation sur le marché qui exige que les parties s’adaptent, fait supporter des coûts de maladaptation aux parties le temps qu’elles trouvent une solution. Le contrôle sur certains paramètres d’une transaction, selon le contexte, peut donc aider à assurer une coordination efficace qui minimise le risque d’erreurs de coordination et, par suite, les coûts de transaction.

Williamson (1991) avait proposé un tableau (voir Figure 4) distinguant les structures de gouvernance (du marché à la hiérarchie en passant par les formes hybrides) en fonction de trois catégories d’attributs (intensité du contrôle et des incitations, mode d’adaptation aux perturbations, autonome ou coopératif, et nature privée ou publique du droit du contrat). Ainsi, en plus du contrôle, Williamson insiste sur la notion d’incitation, comme autre instrument déterminant la performance. Une définition des incitations est avancée par Ménard (2012, p. 60) : « l’ensemble des dispositifs monétaires (ou exprimables en unités monétaires) mis en place pour amener les agents à révéler l’information qu’ils détiennent et à agir en conformité avec les objectifs fixés […] ». Mais, plus loin, Ménard (2012, p. 68) ajoute qu’il existe également des incitations non monétaires, qu’il appelle « motivations organisationnelles » et qui relèveraient du facteur social au sein de l’organisation. Ainsi le type de relations existant entre deux parties dans une transaction est susceptible d’affecter leurs incitations.

Williamson (1991) suggère que si le marché semble être le mode qui fournit les incitations les plus fortes (par exemple, parce que chaque partie sait qu’elle peut être remplacée à tout moment par un autre agent plus performant), le contrôle, dont

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l’intensité augmente le long du continuum de coordination verticale, se substituerait progressivement aux incitations, dont l’intensité diminue à mesure que la coordination devient plus étroite. Le lien entre les incitations et la minimisation des coûts de transaction est clairement expliqué par Ghertman (2003). Plus les incitations sont fortes, toutes choses égales par ailleurs, moins élevés sont les coûts de transaction.

Une autre caractéristique des modes de coordination identifiée par Williamson est le type d’adaptabilité, c’est-à-dire le mode d’adaptation des agents aux perturbations dans l’économie. Selon Williamson (1991), on peut distinguer une adaptabilité autonome, typique du marché, qui, contrairement à l’adaptabilité coordonnée ou bilatérale (Ghertman, 2003), ne requiert aucune coopération des participants. L’adaptation bilatérale s’avère par contre pertinente lorsque la transaction est entourée de fortes incertitudes (ou menacée par des perturbations importantes). Enfin, la troisième caractéristique que relève Williamson (1991) est le droit du contrat mobilisé par les modes de coordination principalement pour régler les litiges. Alors que le tribunal est le principal recours sur lequel mise le marché pour sécuriser les transactions, il a moins d’emprise sur la firme qui tend à lui substituer un droit privé ou interne. Les modes de coordination hybrides combineraient droit public et droit privé pour sécuriser les transactions et régler les litiges. L’efficacité de ces dispositifs peut être déterminante dans la minimisation des coûts de transaction car les litiges peuvent être sources de coûts de transaction ex post. La figure 4 reprend l’essentiel de ces conclusions.

(40)

26 Figure 4. Attributs des structures de gouvernance. Source : Royer (2009), d’après Williamson (1991).

1.2.2.3. Williamson et les sources des coûts de transaction

L’autre apport de Williamson qui intéresse aussi ce mémoire est de considérer qu’un arbitrage se fait entre les différentes options sur le continuum avec un critère de minimisation des coûts totaux (principe d’alignement discriminant), soit les coûts de production et les coûts de transaction. Toutefois, si le contexte institutionnel peut limiter les options disponibles (par exemple, la loi ou le règlement peut interdire un arrangement institutionnel), il demeure qu’on peut encore prêter aux agents un objectif de minimisation des coûts de transaction qui les pousseront à jouer sur les paramètres qu’ils peuvent modifier.

Les coûts de transaction sont d’une part fonction des caractéristiques de la transaction et s’expliqueraient d’autre part par certaines hypothèses comportementales. Trois caractéristiques des transactions sont retenues par Williamson : la spécificité des actifs concernés par la transaction (le fait qu’ils

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perdent de la valeur lors d’un usage alternatif9), l’incertitude et la fréquence de la transaction. La relation entre la fréquence de la transaction et l’ampleur des coûts de transaction est controversée dans la littérature, certains auteurs la considérant comme négative contrairement à Williamson qui l’estimait positive (Milgrom et Roberts, 1995; Crocker et Masten, 1996; cf. Royer, 2009, p. 93). Quant aux effets de la spécificité des actifs et de l’incertitude, ils sont supposés positifs : les coûts de transaction augmentent avec elles. Ces deux dernières relations semblent également avoir trouvé un support empirique relativement consistant dans la littérature10 (Shelanski et Klein, 1995; David et Han, 2004). On déduit donc, si la raison d’être de la firme est de minimiser les coûts de transaction, que le mode de coordination verticale choisi par les acteurs pour une transaction sera d’autant plus étroit (s’éloignera du marché) que la spécificité des actifs et le niveau d’incertitude entourant la transaction sont grands. S’il est vrai que depuis 1989 le mode de coordination verticale dans la filière porcine québécoise est dicté par la mise en marché collective, il n’en demeure pas moins que l’intégration verticale entre abattoirs et certains producteurs existe et que les uns peuvent acquérir des parts dans l’entreprise des autres (cf. Royer et Gouin, 2015, pp. 43-44).

Deux hypothèses comportementales sont au cœur de la théorie des coûts de transaction : la « rationalité limitée » des agents et l’opportunisme. La rationalité des agents est limitée non seulement par leurs capacités cognitives forcément limitées (par exemple, incapacité éventuelle de traiter une trop grande quantité d’informations) mais aussi par le fait que l’information n’est pas parfaite (l’agent n’a pas accès à toute l’information, ce qui est source d’incertitude). La rationalité limitée rend, surtout en présence d’incertitude, tout contrat nécessairement incomplet (Ferréol et al., 1997). Quant à l’opportunisme, il renvoie à la possibilité qu’un agent recourt à la ruse (par exemple, « dévoilement incomplet ou distordu de

9

La spécificité peut être temporelle, physique, humaine, de site, de marque, etc. (Ghertman, 2003)

10 Quant à l’effet de l’incertitude, certains auteurs suggèrent qu’avec le temps un niveau

accru d’incertitude autour d’une transaction peut pousser les firmes à réduire leurs investissements spécifiques, ce qui peut réduire les coûts de transaction et conduire à une coordination verticale moins étroite. Ceci n’est pas forcément en contradiction avec la vision de Williamson, qui est plus statique alors qu’ici l’approche est plus dynamique (facteur temps). (Harrigan, 1985; Mahoney, 1992; cf. Hobbs et Young, 2001)

Figure

Figure  1.  Un  système  multicritère  de  mesure  de  la  performance  interfirme  dans  les  chaînes  agroalimentaires inspiré du supply chain management
Figure 2. Différentes approches théoriques de la coordination verticale.
Figure 3. Exemples de coûts de transaction (ex ante, ex post).
Figure 4. Attributs des structures de gouvernance.
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