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4. La coordination entre producteurs et abatteurs de porc avec la convention de

4.1. Caractériser la coordination verticale

4.1.3. Incitations et contrôle

Les relations directes ont eu un impact sur le contrôle que les parties exercent sur la transaction et sur leurs incitations également. Il ressort même que c’est l’un des changements ayant le plus retenu l’attention des acteurs. D’abord, les entrevues ont révélé une ligne assez floue entre contrôle et incitation, dans la mesure où un contrôle accru pour une partie pouvait être source de motivation pour elle-même, pour l’autre partie, ou encore pour les deux parties qui peuvent voir leur contrôle sur un même paramètre de la transaction s’accroître en même temps. Les deux extraits suivants traduisent cette nuance. Dans le premier, on voit l’enthousiasme que suscite pour le producteur le fait de pouvoir désormais influencer un paramètre de la transaction, ici le jour de livraison. Dans le second extrait, un producteur se réjouit non seulement de la possibilité de communiquer avec les abattoirs mais aussi de la possibilité de rétroaction de l’acheteur concernant le produit qu’il a reçu.

« Si je l’appelle je lui dis : ‘Regarde, faut que tu me les prennes car j’ai d’autres cochons qui rentrent lundi, faut que je lave en fin de semaine.’ Lui il me dit : ‘amène-moi les.’ Avant ça, ça ne se serait pas fait comme ça mais il était capable lui de gérer et de retarder un de ses clients. Ça, j’ai trouvé ça très…C’est un rapprochement. Pour moi, c’est cette partie- là qui m’a plu. » (Producteur)

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« Pour moi, c’est cette partie-là de pouvoir parler à l’abattoir ou même l’abattoir qui appelle et dit :’ Hey, j’ai vu telle telle chose sur tes cochons, y avait des petites tâches, y a-t-il quelque chose qui s’est passé chez vous?’ » (Producteur)

Un producteur a même expliqué que les relations directes avec un abattoir « met un petit peu de pression », liée à un souci de bien paraître ou de ne pas être un partenaire gênant.

Cela dit, dans le nouveau contexte de mise en marché institué par la convention de 2009, les acheteurs peuvent, ex ante :

 exercer un certain contrôle sur la planification des mises en élevage en vue d’assurer un flux adéquat de porcs livrés et ainsi gérer de façon anticipée les périodes les plus susceptibles d’avoir des porcs en attente (semaines courtes, semaines de fête, etc.). Cela dépend de l’acheteur, du type d’assignation et du type de producteur (indépendant ou pas).

 planifier les livraisons et s’arranger d’avance avec des producteurs pour déplacer une livraison dans le temps :

« Avant, on n’avait aucun pouvoir pour savoir quel porc on abattait. (…) Au départ, on achetait sur l’encan anglais, on avait les préattributions mais c’étaient les éleveurs qui avaient le pouvoir de décider, qui dirigeaient où ça allait. Techniquement, il y a un certain temps, ils auraient pu dire qu’ils ne voulaient pas qu’on abatte leurs porcs. (…) Ça a changé beaucoup. » (Représentant d’un Acheteur)

Par ailleurs, ex post, les acheteurs ont eu de nouveaux leviers de contrôle :

 suivi de la mise à jeun et de la qualité des tatouages et de la qualité des porcs en général (problèmes de porcs sales, de porcs noirs, de plaques rouges, etc.)

Les acheteurs ont aujourd’hui la possibilité de rétroagir. Mais la pertinence de cette rétroaction apparaît surtout parce que les parties peuvent développer des relations de long terme. Dans la situation d’avant 2009, le fournisseur pouvait changer d’une semaine à l’autre, ce qui rendait pratiquement inutile les efforts de suivi. Les assignations, en assurant la répétitivité des transactions avec les mêmes producteurs, ont rendu possible les efforts de correction durable des mauvais comportements. Toutefois, ici il

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est question du contrôle exercé sur la qualité comme paramètre de la transaction. Quant à l’efficacité réelle de ces mécanismes de contrôle (notamment, la communication par téléphone/email, les visites et l’assistance de techniciens sur les sites de production) à améliorer la qualité des porcs, elle sera abordée un peu plus loin avec plus de nuance. Par ailleurs, il convient aussi de relativiser la portée pratique et la pertinence des rétroactions. En effet, il y a seulement quelques acheteurs et des milliers de producteurs. Certains participants rencontrés ont souligné qu’il n’est pas évident qu’un acheteur pourra entretenir des relations véritablement serrées avec tous ses fournisseurs, particulièrement ceux qui livrent de faibles volumes.

 discussion annuelle avec le producteur assigné de son profil pendant l’année en matière de performance, dans le cas d’un acheteur

On parle de « la revue » du profil du producteur en question.

Les incitatifs fournis, en plus de la motivation évoquée plus haut liée à la simple existence d’une relation de longue durée, peuvent aussi être monétaires. On n’a pas relevé de cas de pénalité monétaire, certains acheteurs miseraient plus sur la persuasion tandis que d’autres dénoncent une certaine lourdeur dans les démarches permettant de sanctionner les mauvais comportements de certains producteurs (notamment en matière de mise à jeun). Les incitations peuvent aussi être intimement liées aux mécanismes de contrôle dont disposent les acheteurs. Avant toute chose, la question des incitations ne se pose pas vraiment du côté des acheteurs vu qu’ils ont depuis 2009 l’obligation d’abattre tous les porcs qui leur sont livrés et qu’ils payent de toute façon le prix américain pour les porcs comparables à la référence américaine, tel que prévu par la convention de 2009. La question est toute autre quand on parle des producteurs. Les incitatifs offerts aux producteurs varient d’un acheteur à un autre. En voici une liste que les entrevues ont révélée et qui semble particulièrement liée à l’existence de relations directes entre les acheteurs et les producteurs depuis 2009.

 Baisser le seuil de poids exigé pour inciter les producteurs à envoyer plus de porcs (à certaines périodes données)

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Afin de faciliter l'écoulement des porcs à certaines périodes de l'année, notamment lors des semaines où il y a des congés fériés, les abattoirs peuvent souhaiter abattre plus de porcs dans les semaines précédentes. Ainsi, en baissant le seuil de poids au-dessus duquel on peut profiter d’une prime, cela inciterait les producteurs à effectuer des livraisons hâtives de leurs porcs. Un acheteur organise même des tournées, depuis 2010, pour aller rencontrer les producteurs qui lui sont assignés et leur expliquer que le seuil pour obtenir les primes allait être baissé pour que ceux-ci envoient plus de porcs à certaines périodes. L’acheteur a estimé que cela marche, l’incitatif est efficace car il fait réagir les producteurs dans le sens souhaité.  Escomptes et remises ajustées pour aider les producteurs en difficulté  Prêts aux producteurs en difficulté

« Un producteur qui a de la misère, on va l’aider, après ça il nous rembourse. » (Représentant d’un acheteur)

 Primes aux producteurs

Les acteurs et les producteurs rencontrés ont fait remarquer que les primes varient d’un cas à un autre, d’un acheteur à un autre. De plus, ce n’est que récemment que le système de primes est devenu plus transparent, tout en laissant pendante la question de l’équité du système pour les producteurs.

Même si les producteurs conservent le contrôle d’un paramètre comme les modalités de transport (dont le choix du transporteur), des tensions ont été repérées : certains acheteurs souhaitent avoir plus de contrôle sur ce paramètre pour minimiser les risques de contamination et limiter les cas de producteurs qui font plusieurs petites livraisons pour une même transaction. D’ailleurs, tel que déjà mentionné, certains producteurs doivent désormais choisir leurs camionneurs dans une liste de transporteurs proposée par l’acheteur qu’ils approvisionnent. Un acheteur a aussi dénoncé le fait que la grille de classement, selon lui, n’était plus adaptée et ne permettait pas de transmettre certains signaux de marché liés à la qualité des porcs souhaités. Somme toute, les producteurs ne semblent pas avoir gagné en contrôle sur les transactions alors que les acheteurs, à des degrés variables, peuvent mieux planifiés leurs approvisionnements et répondre à des exigences spécifiques. Toutefois, il ressort que plusieurs incitatifs, en plus des

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accompagnements et des rétroactions, sont fournis par les acheteurs pour faciliter l’atteinte de certains objectifs.