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Approcher le rôle de la mise en marché collective

4. La coordination entre producteurs et abatteurs de porc avec la convention de

4.3. Approcher le rôle de la mise en marché collective

L’analyse de l’évolution du rôle de l’office, tel que perçu par les participants rencontrés, peut être menée en mobilisant les concepts de coûts de transaction indirects et de mécanismes d’enforcement. Les relations entre l’office et les acheteurs ont historiquement été houleuses. Un producteur membre a d’ailleurs évoqué ces tensions.

« On est une organisation qui dans le temps a été très revendicative, on défendait les producteurs contre les abattoirs, dans un sens. Aujourd’hui on a fait un 180°. On a dit ‘regarde, on devient une filière, faut travailler ensemble.’ » (Un Producteur)

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Un acheteur a aussi reconnu ce rôle historique de défense des intérêts des producteurs. Il a également constaté que l’office n’en assure plus certaines. Ce rôle existerait toujours, même s’il est moins actif aujourd’hui. Le propos ici est de se concentrer moins sur cette fonction syndicaliste. Il s’agit plutôt d’analyser l’évolution du rôle économique de l’office à partir des concepts évoqués au début. Cela pourrait permettre de mieux situer les impacts sur la performance de la coordination verticale retenus de la section précédente. Toutefois, en plus des organisations privées, la mise en marché collective réunit un cadre réglementaire complexe (incluant la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec) que l’on n’a pas approfondi dans cette recherche. On s’est donc concentré précisément sur le rôle de l’office de producteurs comme un organe clé de la mise en marché collective.

4.3.1. Coûts de transaction indirects

Mise en relation des parties

Depuis 2009, ce sont les Éleveurs de porcs du Québec qui pratiquent les assignations de sites de production aux acheteurs, mais selon des règles précises établies dans la convention de mise en marché. Malgré l’importance de cette fonction, elle n’est pas vraiment nouvelle. Avant 2009, c’est l’office qui s’occupait exclusivement de faire la liaison entre les producteurs et les acheteurs. Cela dit, cette fonction d’assignation apparaît comme une nouvelle forme de la fonction de mise en relation des parties qu’a toujours jouée l’office. La façon de procéder peut toutefois varier suivant la convention de mise en marché en vigueur et cette mise en relation peut se révéler plus ou moins problématique. Ainsi, certaines inefficiences, dues à des règles adoptées dans la convention de 2009, émergent parfois ou persistent. Par exemple, un abattoir pouvait ne pas avoir accès à des porcs propriétaires situés à proximité. De même, des porcs de proximité pouvaient se retrouver à côté d'un abattoir approvisionné exclusivement de porcs propriétaires. Un autre problème évoqué au cours des entrevues, concernant la mise en relation des parties dans le cadre de la convention de 2009, est l’inconfort qu’a créé, pour les acheteurs et les producteurs, le fait pour ces derniers de ne pouvoir faire affaire

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avec un autre acheteur. Comme on l’a vu, producteurs et acheteurs, s’en sont plaints.

Facilitation et sécurisation des transactions

L’office crée des règles, de concert avec les acheteurs, pour offrir des références communes aux parties et ainsi faciliter les transactions. Mais ce mouvement, depuis les relations directes, semble en concurrence avec certaines initiatives privées. Ainsi un acheteur qualifiait la grille de classement comme un « outil archaïque ». De plus, il utilise une « grille de classement simplifiée », qui tient compte uniquement du poids des porcs étant donné que, selon lui, ses producteurs lui apportent les mêmes porcs. Un autre acheteur signalait que la grille ne lui était plus d’aucune utilité. Aussi, il convient de rappeler ici que les entrevues n’ont pas révélé de cas de hold

up, malgré la production de certains types de porcs sur entente particulière entre un

producteur et un acheteur. Des cas de rupture de ces ententes ont certes été évoqués, mais aucune renégociation du partage des bénéfices dans le cadre de ces ententes n’a été signalée.

Production et coordination de l’information

L’office joue un important rôle de production et de coordination de l’information. Par exemple, un acheteur a mentionné que des programmes de formation et de certification en matière de bien-être animal sont offerts et gérés par l’office. L’office a également pris part à la sensibilisation et la formation des éleveurs pour de meilleures pratiques en matière de tatouage et mise à jeun. Beaucoup d’informations et de signaux continuent de transiter par l’office pour atteindre les producteurs. Toute offre d’entente particulière est publiée en ligne de façon transparente15. Les propos suivants illustrent fort bien cet aspect du travail de l’office.

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La liste des ententes particulières est disponible ici :

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« La Fédération a quand même un rôle important pour représenter les producteurs dans son ensemble, pour coordonner les actions à faire. » (Représentant d’un acheteur)

Cette coordination a été un peu prise en défaut par le fait que pendant beaucoup de temps, les primes, variables d’un acheteur à un autre pour un même attribut, étaient peu transparentes. Cette fonction de coordination de l’information n’est pas parfaite mais elle permet de mutualiser plusieurs coûts de transaction, qui autrement seraient à la charge des parties à l’échange.

4.3.2. Enforcement

Au cours des entrevues, divers mécanismes permettant de s’assurer du bon comportement de l’autre partie (respect des engagements) ont été identifiés. Pendant longtemps, la principale option pour résoudre les litiges a été de recourir à l’arbitrage de la Régie. Depuis 2009, la convention prévoit, en plus de cet arbitrage (dit « arbitrage normal ») une procédure accélérée. Mais les entrevues ont indiqué que de nouveaux mécanismes apparaissent.

D’une part, les relations directes mettraient « un petit peu de pression » d’après un producteur. Certains producteurs ne veulent pas être les seuls à ne pas répondre à une exigence de qualité de la part des acheteurs. Un acheteur peut préférer régler le problème lui-même directement avec les producteurs en utilisant la persuasion. Certes, aucune pénalité n’intervient, mais le processus peut se rapprocher de mécanismes privés comme les effets de réputation. Un acheteur a même révélé tenir une revue personnalisée pour des producteurs indiquant leur performance pendant l’année. Cet outil semble être efficace dans certains cas, et même plus efficace et plus rapide que de passer par l’office.

« On essaie de régler nos affaires directement. » (Représentant d’un

Acheteur)

Toutefois, l’office peut également être une option, surtout si le problème persiste et peut concerner l’ensemble des producteurs. Si la démarche directe ne porte pas fruit, un acheteur peut faire appel aux services de l’office.

« Des fois, ils préfèrent passer à côté de nous autres et aller demander des choses mais à un moment donné, ils se rendent bien compte qu’on

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(les Éleveurs de porcs du Québec) est indispensable aussi dans la négociation. » (Un Producteur)

Par ailleurs, comme le suggèrent les producteurs rencontrés, le recours à l’office permet de faire des économies de coûts de transactions qui seraient encourus en cherchant à régler le problème au cas par cas, quand les cas se multiplient. Des réunions bisannuelles entre les Éleveurs de porcs du Québec et les acheteurs ont lieu depuis 2010 pour discuter des problèmes et trouver des solutions. Cela souligne l’émergence probable de nouveaux mécanismes privés d’enforcement, en plus de la convention. Même des mécanismes basés sur la hiérarchie dans le cas des relations directes entre acheteurs et producteurs et particulièrement dans le cas des porcs de propriétaires, tendent à émerger. Ces mécanismes ne remplacent pas les mécanismes d’ordre public. Ils tendent plutôt à les compléter, notamment dans la résolution et la prévention de conflits mineurs.

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