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1. La coordination verticale : conceptualisation

1.3. Institution et encadrement des transactions

1.3.1. La mise en marché

collective vue par l’économie néo-

institutionnelle

Le concept d’institution est l’un des concepts au centre de l’économie néo- institutionnelle. Une définition d’institution couramment reprise est celle de Douglass North :

Les institutions sont les contraintes établies par les hommes qui structurent les interactions humaines. Elles se composent des contraintes formelles (comme les règles, les lois, les constitutions), de contraintes informelles (comme les normes de comportement, des conventions, des codes de conduite imposés) et des caractéristiques de leur application. (North, 1994, p. 361; traduction de Prevost, 2010)

Cette simple définition amène automatiquement à la distinction entre environnement institutionnel et arrangement institutionnel. L’ensemble des institutions qui encadrent les transactions constitue l’environnement dans lequel elles se déroulent. La façon dont les agents s’approprient ces règles constitue un arrangement institutionnel, en l’occurrence, un mode de coordination donné pour les échanges, comme le contrat (Ménard, 2003). Cette distinction permet de séparer et de relier en même temps la contractualisation et le cadre institutionnel qui la rend possible. Ainsi, en ce qui concerne ce mémoire, le nouveau mode de coordination (contrat collectif instituant

des relations directes entre fournisseurs et acheteurs) introduit par la convention de

2009 dans la mise en marché du porc définit les « règles du jeu » et peut être considéré comme un arrangement institutionnel qui s’effectue dans un environnement institutionnel précis : il y a le plan conjoint qui chapeaute les conventions et définit les pouvoirs de l’office et, à un niveau encore plus général, la

Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. De ce

point de vue, toute analyse d’un mode de coordination ignorant l’environnement institutionnel qui le rend possible s’avérerait incomplète.

Jusqu’ici les coûts de transaction évoqués ont été des coûts de transaction directs, liés directement à l’occurrence des transactions. Or, il existe également des coûts de transaction indirects, caractérisés par l’absence de lien avec une transaction en particulier. Ils renvoient aux conditions qui doivent être réunies pour que la

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transaction ait lieu (North, 1990). Ce sont les fonctions qui font encourir ces coûts de transaction indirects qui rendent possible les transactions entre les agents. Ainsi, ces coûts peuvent être répartis en trois types selon Ménard (2012) : les coûts de création et d’utilisation des institutions (lois, règles) qui facilitent et sécurisent les échanges, les coûts liés à la mise en relation des parties dans une économie complexe, enfin les coûts de production de l’information sur les biens et services faisant l’objet des transactions. Il est évident que mieux ces fonctions sont assurées, plus les agents sont susceptibles de pouvoir faire l’économie de certains coûts de transaction. Il semble donc intéressant de s’interroger sur l’évolution du rôle de l’office depuis 2009 dans cette perspective : mise en place et mobilisation de règles facilitant les échanges et la vérification du respect des règles, mise en relation efficace des parties et enfin coordination de l’information entre les parties.

Un concept plus général qui recoupe ces considérations sur les coûts de transaction indirects est la notion d’enforcement, qui conduit directement au volet institutionnel de l’économie néo-institutionnelle, et particulièrement dans la littérature du Law and

economics. Sans trop s’attarder à ce volet de l’économie néo-institutionnelle, il est

opportun d’introduire certains concepts que ce volet propose pour appréhender le rôle des institutions. Il reconnaît aux institutions un rôle de création d’un cadre stable pour les interactions humaines et de réduction de l’incertitude entourant les transactions commerciales (North, 1990, p. 6). Elles peuvent aussi créer des systèmes de mesure communs permettant ainsi de réduire les coûts de mesure qui sont des coûts de transaction liés à l’évaluation des attributs des biens échangés entre les agents économiques (Barzel, 1982).

L’autre fonction des institutions déjà mentionnée est celle du renforcement des ententes existantes entre les agents (enforcement); les institutions contribueraient à sécuriser ces ententes. Dans le cas d’une analyse de l’influence des institutions sur la performance interfirme, on retiendra qu’il existe des mécanismes d’enforcement privé (comme les mécanismes de réputation et les noms de marque utilisés pour prévenir ou sanctionner l’opportunisme) et des mécanismes d’enforcement public (possibilité de recours aux tribunaux pour résoudre les conflits) (Klein et Leffler, 1981). Une contribution intéressante de Royer (2009) a été d’analyser la mise en marché collective comme une institution hybride à placer sur un continuum de

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mécanismes d’enforcement allant du privé au public, dans la mesure où ces deux mécanismes sont utilisés en complémentarité. En effet, dans certaines situations (comme un pouvoir de négociation inégal minant la coopération et la confiance entre les parties, et des caractéristiques des transactions rendant le recours aux tribunaux inefficace), il peut arriver que les mécanismes d’enforcement public et privés soient insuffisants utilisés isolément. Des institutions hybrides, combinant des caractéristiques des deux types d’enforcement, vont alors émerger (Mazé et Ménard, 2010). La mise en marché collective en serait un exemple (Royer (2009). Cette analyse de la mise en marché collective comme institution hybride est intéressante pour notre propos car elle permet de situer théoriquement le rôle de la mise en marché collective et pourrait expliquer aussi sa persistance dans le secteur porcin si elle arrive à faire mieux que les mécanismes privés seuls et que les mécanismes publics seuls en matière de sécurisation des transactions. Si l’analyse de Royer (2009) a été appliquée au secteur laitier au Québec, ce mémoire est une bonne occasion d’examiner même à titre exploratoire ce qu’il en est dans le secteur porcin québécois. Cela pourrait aider à clarifier la contribution éventuelle de l’office des producteurs de porc à la performance de la coordination verticale depuis la convention de mise en marché de 2009.

1.3.2. Conclusion

En 2009, le secteur porcin québécois a abandonné tous les mécanismes marchands pour maintenir finalement un contrat collectif, avec une référence de prix prédéterminée, permettant des relations directes entre producteurs et acheteurs de porcs d’abattage. Des fonctions essentielles pour que les transactions aient lieu doivent être assumées (création de règles partagées, mise en relation des parties, coordination de l’information). Ces fonctions font néanmoins encourir des coûts de transaction indirects, qui sont autant de coûts de transaction que les agents qui échangent évitent. Des mesures d’encadrement, mises en place par les acteurs, peuvent créer un environnement institutionnel propice aux transactions en les sécurisant (enforcement). Leur identification permet de prendre en compte l’apport éventuel de l’environnement institutionnel à la performance de la coordination verticale.

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1.4.

Changement de convention de 2009 dans le