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"Marin & Fils" (scénario) : Suivi de "Le concept de gag et son utilisation dans le scénario comique" (Essai)

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Academic year: 2021

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(1)

Marin & fils

(Scénario)

Suivi de

Le concept de gag et son utilisation dans le scénario comique

(Essai)

Mémoire

Guylain Guimond

Maitrise en littérature et arts de la scène et de l’écran

Maitre ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

Les deux parties de ce mémoire, bien qu’ayant des objectifs différents, ont tout de même un point central commun, le gag. Marin & fils est une comédie qui vise à raconter une histoire, la plus intéressante possible, tout en faisant rire. C’est pourquoi le scénario comporte plusieurs gags. L’essai, pour sa part, a pour but de définir le concept de gag et de mesurer son utilisation dans le scénario comique.

Le scénario de Marin & fils peut se résumer comme suit : un jeune diplômé universitaire rêvant de mettre à profit ses connaissances pour restructurer le commerce en déclin de son père, mais déçu par le refus de ce dernier, accepte l’offre d’association que lui présente un concurrent. S’ensuit une véritable guerre ouverte entre le père et le fils dont le point culminant sera un concours pour déterminer le meilleur constructeur de chalutier.

L’essai, quant à lui, se présente en deux sections. La première vise à bien identifier le gag comme phénomène distinct dans le discours filmique et à en examiner les modèles et les mécanismes à l’époque du cinéma muet. La deuxième a pour objectif de vérifier, à l’aide de plusieurs exemples et grâce aux mécanismes analysés dans la première partie, si le gag est encore présent aujourd’hui et si sa conception est toujours la même.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Remerciements ... vii

Avant-propos ... ix

Présentation du projet ... xi

Les thèmes ... xi

Le sujet ... xi

Le milieu où se déroule l’action ... xii

Les principaux personnages ... xii

Le traitement cinématographique ... xv

MARIN & FILS : SCÉNARIO ORIGINAL ... 1

LE CONCEPT DE GAG ET SON UTILISATION DANS LE SCÉNARIO COMIQUE : ESSAI ... 115

Introduction ... 117

1. Définition du concept de gag ... 121

1.1. Les origines du gag ... 122

1.2. Les éléments comiques : le gag et l’effet comique ... 123

1.3. La structure du gag ... 127

1.4. Les différents modèles du gag ... 129

1.4.1. Les caractéristiques du gag ... 141

1.4.2. Les mécanismes du gag ... 144

2. Utilisation du gag dans le scénario comique ... 147

2.1. Le gag dans le scénario comique : drôle ou digressif? ... 150

2.2. La volonté de faire rire ... 154

2.2.1. L’importance de la chute ... 154

2.2.2. La distance comique ... 156

2.2.3. L’insertion du gag ... 160

2.3. Le gag visuel comparé au gag verbal ... 164

2.4. La scénarisation du gag ... 169

2.5. Le gag dansMarin& fils ... 174

Conclusion ... 179

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Remerciements

Merci à Madame Esther Pelletier, ma directrice de recherche, pour son soutien, son écoute, ses conseils judicieux, mais principalement pour avoir cru, bien avant moi, en mes capacités à réaliser ce travail. Merci également pour sa passion de l’écriture scénaristique qu’elle a su me transmettre et qui est à l’origine de mon désir d’aller un peu plus loin dans mes études.

Merci à mon épouse Marie Claude, ma première lectrice pour ce mémoire, comme pour tous mes travaux. Ses encouragements, son aide et sa disponibilité ont été d’un grand secours. Merci à mes enfants, Stéphanie et Philippe, qui ont souvent servi de premier public pour les gags issus de ce travail.

Merci à ma famille et à mes amis qui m’ont appuyé et m’ont écouté parler de si nombreuses fois de ce mémoire, sans jamais s’en plaindre. Merci à ma sœur Sylvie pour sa lecture attentive.

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Avant-propos

Notes sur le scénario et l’essai

Dans un souci de plus grande lisibilité, nous avons décidé d’uniformiser le dialogue du scénario. Toutes les élisions utilisées pour donner une certaine couleur locale au texte sont ainsi les mêmes pour tous les personnages à l’exception des Japonais qui n’en font pas usage. Nous avons aussi choisi de limiter leur nombre afin de ne pas alourdir inutilement la lecture. Comme chaque acteur et actrice apporte toujours sa touche personnelle à un dialogue, il est inutile de les restreindre par une multitude de prononciations qui seront différentes d’une personne à l’autre. La graphie de plusieurs mots élidés variant selon les ouvrages de référence et les textes dialogués, toutes les élisions employées dans le présent scénario ont été tirées d’ouvrages existants et déjà publiés. Il ne s’agit donc pas d’éléments inventés s’ajoutant à une liste déjà trop longue de variantes, mais d’élisions approuvées par des maisons d’édition. Les ouvrages choisis sont les suivants : le scénario du film

C.R.A.Z.Y. (Vallée/Boulay, 2005) et les pièces de théâtre Appelez-moi Stéphane

(Meunier/Saïa, 2006), Les voisins (Meunier/Saïa, 2002), Les noces de tôle (Meunier, 2003) et Matroni et moi (Martin, 1997). Ainsi, des expressions et des élisions comme « qu’est-cé ça? » « rendu à / au » « c’est rendu » « v’là » ou « c’te », très fréquentes au Bas-Saint-Laurent où se déroule notre histoire, existent dans l’un ou l’autre de ces livres.

Toujours dans un souci d’uniformisation, nous avons choisi d’utiliser la nouvelle orthographe tout au long du mémoire, tant pour le scénario que pour l’essai. Les ouvrages consultés pour chacune des règles mises en application se retrouvent dans la bibliographie et le lecteur pourra en vérifier la provenance. Nous tenons aussi à préciser qu’aucune correction n’a été apportée aux citations.

Finalement, bien qu’un scénario s’écrive normalement avec la police Courrier New, nous avons opté pour le Times New Roman parce que c’était celle qui s’en approchait le plus parmi les choix proposés par la Faculté des études supérieures et postdoctorales. La police est donc la même pour tout le travail, pour en simplifier la lecture et la mise en page. Enfin, comme le travail de maitrise exige un apport personnel sur un sujet connu, les caractères italiques ont été utilisés pour mettre l’accent sur certains passages qui font état de conclusions issues de nos recherches et sur quelques suggestions et autres points que

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nous avons jugés importants; ceci en nous inspirant d’ouvrages existants tel que Le cinéma

burlesque ou la subversion par le geste (Dreux, 2007) ou encore Le burlesque ou Morale de la tarte à la crème (Kràl, 2007) qui figurent dans la bibliographie.

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Présentation du projet

Les thèmes

Les liens père-fils, la dualité ville-région et l’opposition individu-collectivité.

Le sujet

(résumé de l’histoire)

En 2008, dans un petit village fictif du Bas-Saint-Laurent, Philippe Marin, fraichement diplômé de l’Université Laval en marketing, revient chez lui pour travailler avec son père dans l’entreprise familiale, un petit chantier naval artisanal autrefois spécialisé dans la construction de bateaux de pêche. Cependant, déçu et blessé devant la violente réaction de son père face à ses projets de réorientation de l’atelier en déclin, il choisit, dans un premier temps, de quitter l’atelier Marin et de retourner à Québec.

Mais, contre toute attente, il décide de rester dans la région qui l’a vu naitre et de montrer à son père de quoi il est capable en s’associant avec un autre fabricant, Georges Morin, qui désire utiliser ses connaissances pour développer son entreprise également en déclin. En concurrence directe, une véritable guerre ouverte s’installe alors entre le père et le fils; elle atteindra son paroxysme avec un pari passé entre eux : une course entre les ateliers pour la construction d’un chalutier. Gonflés par l’orgueil et le désir de battre l’autre, les Marin engloutiront toutes leurs économies dans ce projet insensé et blesseront plusieurs de leurs proches au passage.

Profitant de la confusion qui règne au village, un riche entrepreneur japonais, qui cherche depuis longtemps l’emplacement idéal pour implanter sa propre usine de bateaux de pêche, tente d’acheter tous les ateliers dans le but de contrôler le havre en faisant miroiter aux propriétaires une possible association alors qu’il veut, dans les faits, utiliser les habitants comme main-d’œuvre à bon marché. La course des Marin s’étant soldée par un match nul et un échec lamentable à tous les niveaux, Philippe, avec le recul, réalise tout le tort que cette querelle et son pari ridicule ont causé à sa famille et à toute la communauté. Mettant son orgueil et ses projets personnels de côté, il se réconcilie avec son père et élabore un plan pour faire fuir le promoteur japonais. Finalement, un an plus tard, les cinq ateliers ayant profité d’un plan de restructuration, la rue de la grève retrouve ses allures d’antan et une nouvelle enseigne : Les Embarcations du Havre.

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Le milieu où se déroule l’action

L’histoire se situe dans un village côtier d’environ quatre-cents habitants baptisé Havre-aux-Coques. C’est un milieu social caractérisé par la symbiose entre le village et le fleuve qui le longe. Le fleuve est omniprésent et plusieurs dialogues importants ont d’ailleurs lieu avec cet élément comme toile de fond. Il devient pratiquement une force d’action et, à ce titre, il influence l’histoire, les habitudes, le langage et bien sûr, tous les personnages. C’est la vie au quotidien de la famille Marin en particulier, mais aussi de tout un village, dans un Québec où le mode de vie urbain prend de plus en plus d’importance au détriment du mode de vie rural. Un endroit où il est agréable de vivre, mais qui perd pourtant presque tous ses jeunes au profit des grandes villes. Située dans une zone chevauchant à la fois le Bas-Saint-Laurent administratif et la Gaspésie touristique, c’est une communauté négligée, autant par l’industrie que par le tourisme, n’étant, pour la grande majorité des visiteurs, qu’un passage sans attrait entre deux régions. C’est, par le fait même, un village où les gens travaillant à l’année sont beaucoup plus rare que les employés saisonniers et où les assistés sociaux sont nombreux. La population locale demeure, malgré tout, très fière et attachée à sa région. C’est aussi un milieu « tricoté serré » où les habitants connaissent bien Raymond et Philippe avec leur caractère bouillant. C’est pourquoi ils auront vite fait de prendre parti pour l’un ou l’autre des protagonistes et le conflit s’étendra ainsi à tout le village.

Les principaux personnages

Philippe Marin : Fils unique de Raymond et Pauline. Il a 24 ans et est fraichement

diplômé de l’université en marketing et commerce international. C’est un jeune homme souriant, plutôt timide et fortement attaché à son milieu. Contrairement à beaucoup de jeunes de son âge, il rêve de revenir au village pour y travailler avec son père. Personnage très intelligent et d’une grande logique, il a élaboré pour l’atelier de son père, un projet de restructuration admissible à une subvention. Malheureusement, son orgueil mal placé lui fera accepter un pari stupide qui mettra en péril son objectif.

Raymond Marin : Père de Philippe. 55 ans. Propriétaire d’un atelier de construction de

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mais il est aussi très borné et extrêmement réfractaire au changement. C’est un personnage impulsif qui réagit promptement lorsqu’il est contrarié. Très attaché aux façons de faire artisanales que lui a transmises son père, il refuse de se rendre à l’évidence devant le déclin de la construction navale au Bas-Saint-Laurent et prendra le projet de Philippe comme une attaque personnelle.

Pauline Marin : Épouse de Raymond et mère de Philippe. 53 ans. Dans les belles années

de l’atelier, elle s’occupait de la comptabilité. Aujourd’hui, elle garde le commerce en vie grâce aux petits contrats de réparation qu’elle décroche ici et là, alors que Raymond s’entête à rechercher des contrats de construction qui ne viennent jamais. C’est une femme forte qui ne se gêne pas pour remettre Raymond à sa place au besoin. Elle continuera de travailler avec lui durant la querelle, mais refusera de prendre parti.

Émile Marin : Père de Raymond et grand-père de Philippe. 88 ans. Appelé Pépère par

pratiquement tout le monde, il est le doyen du village. Son atelier, aujourd’hui propriété de Raymond, a d’ailleurs été le premier de la région. Il sera très déçu et ébranlé par la querelle entre son fils et son petit-fils. Il croit depuis longtemps que la survie du village passe par une fusion des entreprises.

Isabelle Fournier : 20 ans. Caissière à l’épicerie du village tenue par son père Martin, elle

est l’amie de cœur de Philippe. D’abord contente de le revoir au village, elle sera très déçue de sa réaction et de la querelle qui s’ensuivra. Refusant d’approuver son comportement, elle se tiendra le plus loin possible du conflit et cherchera à éviter Philippe. Le désir de ce dernier de réparer les pots cassés ravivera leur relation naissante.

Georges Morin : 54 ans. Propriétaire lui aussi d’un atelier de fabrication en déclin, il

demandera à Philippe de travailler pour lui. Son but n’étant pas de faire du tort à Raymond, mais de secouer le village. Malheureusement pour lui et pour les autres, la querelle des Marin prendra des proportions inattendues, qui l’amèneront à se sentir coupable et à regretter sa décision.

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Gisèle Morin : 51 ans. Épouse de Georges et meilleure amie de Pauline. Elle gardera le

contact avec cette dernière tout le temps de la querelle opposant leurs époux, ne voulant pour rien au monde altérer leur amitié. Gisèle passe le plus clair de son temps au cercle des fermières où elle donne des cours et essaie de vendre ses créations aux rares touristes passant dans le village.

Robin Gagné : 32 ans. Employé à contrat dans l’atelier de Raymond, Robin fait

pratiquement partie de la famille, se retrouvant souvent chez les Marin aux heures des repas et à plusieurs autres occasions. Personnage coloré dont le dévouement et le désir de bien faire sont inversement proportionnels à ses habiletés motrices.

Roger Blanchette : 31 ans, bon vivant et ami de longue date de Philippe, Roger sera lui

aussi engagé par Georges et participera au concours entre les deux ateliers. Célibataire, vivant en appartement au-dessus de celui son père, il est l’un des très rares de ce groupe d’âge encore au Havre. En chômage une grande partie de l’année, il acceptera sur-le-champ l’horaire contraignant imposé par le concours.

Le professeur alias Face de rat : Professeur d’anglais et ancien journaliste, début

trentaine, ayant grandi au village. Il a quitté l’endroit après avoir publié un article destructeur pour la population dans lequel il mettait en évidence l’exode des jeunes. Les habitants lui tiennent encore rigueur de cet affront et c’est pourquoi il insistera auprès de l’interprète des Japonais pour ne pas revenir au Havre.

Takanashi : Riche armateur japonais, il verra en Havre-aux-Coques l’endroit idéal pour

l’implantation d’une méga-usine de chalutiers. Le Japon étant un pays où la pêche au chalut est d’une grande importance, il voit l’opportunité d’avoir à la fois un site exceptionnel et une main-d’œuvre de qualité bon marché. Il fait miroiter un partenariat avec les propriétaires des ateliers et leur ment concernant la validité des contrats, prétextant qu’ils s’annuleront si une seule signature sur les cinq est manquante.

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Le traitement cinématographique

Le type de traitement est loin d’être définitif à ce stade du processus créatif. Il dépend beaucoup plus de la vision du réalisateur que de celle du scénariste. Cependant, lorsque nous écrivons pour le cinéma, la télévision ou encore le théâtre, des images prennent forme dans notre esprit et s’imposent à nous tout au long du travail d’écriture. Bien souvent, l’histoire existe dans notre tête longtemps avant d’être couchée sur papier, et les images qu’elle suggère orientent inévitablement, parfois même inconsciemment, notre façon d’écrire. Dans ce cas-ci, c’est le fleuve qui s’impose à moi. Comme je l’ai mentionné dans la section sur le milieu, je le vois, non seulement comme le principal élément des décors, mais pratiquement comme un personnage dans ce film. C’est pourquoi je veux m’attarder à décrire plusieurs scènes se déroulant sur le quai, la grève ou à l’arrière des ateliers en prenant le fleuve comme point de vue. Comme si le fleuve lui-même s’intéressait à la petite localité, aux joies et aux peines de ses habitants. J’entends également utiliser cet élément naturel, par le biais du phénomène des marées, pour marquer le temps dans le scénario. Commencer une scène par des images du fleuve à marée basse et montrer ensuite des images du même endroit à marée haute sera une façon de signifier un saut de six heures dans le temps qui ne relèvera pas des clichés habituels.

Je n’envisage aucun autre traitement particulier pour l’instant si ce n’est de mettre l’accent sur le décor naturel. Il s’agira d’un film à chronologie réelle et à chronométrie abrégée, sans effets spéciaux importants et qui sera basé principalement sur les dialogues et les personnages. Ayant grandi sur le bord du fleuve, l’attrait de ce dernier et l’influence qu’il a sur moi sont indéniables. J’aimerais donc que le spectateur puisse, par le choix des images, apprécier la beauté des lieux et, par le choix et la force des mots, comprendre la motivation des personnages et leur attrait pour ce coin de pays.

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M

ARIN

&

FILS

Scénario original

Par

Guylain Guimond

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1 MONTAGE SÉQUENCE

 Un diaporama de graphiques et de courbes de profit expliqué devant une classe;  Un professeur circule à travers les bureaux d’une salle de classe universitaire;  Remise de diplôme à des finissants de la Faculté des sciences de l’administration;  Un panneau routier indiquant Montréal en surimpression sur un diagramme financier;  Un panneau routier indiquant Gatineau en surimpression sur une poignée de main

entre un promoteur et un nouveau diplômé;

 Un autocar Orléans Express indiquant Sherbrooke comme destination et circulant sur l’autoroute 20 en surimpression au-dessus d’une lettre d’embauche;

 Un panneau routier indiquant Québec en surimpression sur une entrevue;

 Un panneau routier indiquant Laval en surimpression sur un immeuble en construction.

2 EXT. JOUR – ROUTE 132 EST – À LA HAUTEUR DES ILES DU BIC

Comme à vol d’oiseau, on survole le fleuve. On ne voit d’abord que l’eau, ensuite apparait petit à petit, la côte de la rive sud et la ville de Rimouski, puis, un peu en amont, les iles du Bic et la route 132. On s’approche ensuite de la route pour voir rouler en direction est, un autocar aux couleurs d’Orléans Express. On s’approche jusqu’à distinguer derrière une des vitres du côté gauche, un jeune homme souriant : PHILIPPE.

3 EXT. JOUR – ROUTE 132 EST – PRÈS DE HAVRE-AUX-COQUES

On voit circuler l’autocar sur la 132 en direction est. Après son passage, on aperçoit un panneau routier vert sur lequel on lit « Havre-aux-Coques ».

4 EXT. / INT. JOUR – AUTOCAR / RUE PRINCIPALE – HAVRE-AUX-COQUES

De son siège, Philippe regarde défiler les maisons et les commerces. Plusieurs affichent des pancartes « à vendre ». Sur certains commerces, on devine que le nom a été changé. Sur d’autres, la finale « & fils », fréquente dans les villages, a été peinte à la hâte ou rayée.

5 EXT. JOUR – RUE PRINCIPALE – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe ramasse ses sacs sur le trottoir, tandis que l’autocar reprend sa route vers l’est. Il traverse la rue jusqu’à l’épicerie Fournier et aperçoit à travers la vitrine, ISABELLE, une jeune et jolie caissière de 20 ans. Il s’arrête un instant pour la regarder en feignant de lire une annonce placée à l’extérieur. Lorsque la jeune femme tourne la tête vers lui, il

s’empresse de repartir, gêné, mais trébuche sur ses sacs. Il se relève en vitesse, en jetant de rapide coup d’œil autour de lui, puis s’éloigne du magasin et tourne sur la rue de l’Église.

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6 EXT. JOUR – RUE DE LA GRÈVE – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe arrive à une intersection et prend à droite dans une rue qui longe le havre. On y remarque plusieurs hangars à bateaux en décrépitude et de nombreuses embarcations de toutes sortes, à vendre ou délabrées. Presqu’au bout de cette rue, une grande maison blanche aux volets rouges, juste à côté d’un énorme hangar à bateaux.

7 EXT. JOUR – MAISON DES MARIN – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe grimpe l’escalier de la grande galerie entourant la maison. Il dépose ses bagages devant l’entrée et s’avance vers la porte moustiquaire, qu’il entrouvre.

PHILIPPE M’man? P’pa? Me v’là!... Pépère?

Philippe tient la porte entrouverte avec son pied et étire le bras pour ramasser ses bagages. PAULINE MARIN, une femme aux cheveux clairs d’une cinquantaine d’années, arrive du côté gauche de la galerie. Elle balaie énergiquement son perron lorsqu’elle l’aperçoit.

PAULINE

Mon Dieu, Philippe, j’t’ai pas entendu arriver. Elle laisse tomber son balai et se précipite pour lui ouvrir la porte.

8 INT. JOUR – MAISON DES MARIN – HAVRE-AUX-COQUES – SUITE

Philippe entre et dépose ses bagages près de l’escalier. Pauline lui emboite le pas. Puis elle s’empresse de l’étreindre et de l’embrasser.

PAULINE

J’ai trouvé ça long ta dernière année. Pas te voir à Noël en plus. PHILIPPE

Moi, aussi j’ai trouvé ça long...

(jetant un coup d’œil au salon et dans la cuisine) ... P’pa pis Pépère sont pas là?

PAULINE

Y sont à l’atelier en train de finaliser un contrat… (montrant les bagages de la main)

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9 EXT. JOUR – ATELIER MARIN ET FILS – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe et sa mère se dirigent vers la porte de côté de l’atelier. Pendant qu’ils se déplacent, on peut voir une enseigne défraichie sur la façade, juste au-dessus de deux grandes portes blanches, sur laquelle il est écrit en lettres peintes à la main, « Émile Marin et fils enr. »

PHILIPPE

(prenant l’air le plus désintéressé possible)

Dis-moi donc, M’man, c’est qui la nouvelle caissière à l’épicerie?

PAULINE

C’est Isabelle! La fille de Martin. Tu l’as pas reconnue? PHILIPPE

Ben non... faut dire que je l’ai juste entrevue en passant.

10 INT. JOUR – ATELIER MARIN ET FILS – HAVRE-AUX-COQUES

ÉMILE MARIN, dit Pépère et ROBIN, un employé, sont de dos devant la proue d’un chalutier fraichement repeint. Installés sur un échafaudage, ils s’affairent à poser le couvercle du puits d’ancre. RAYMOND, le père de Philippe, est dissimulé derrière la poupe. Philippe et Pauline entrent dans l’atelier et s’approchent sans bruit du chalutier.

RAYMOND (H.C.)

Voyons, baptême, y’est donc ben raide c’te pinceau là! Robin, j’t’avais pas demandé de le faire tremper dans la térébenthine?

ROBIN C’est ça que j’ai fait.

PÉPÈRE

La térébenthine ça fait pas de miracle. Y’est fini ton pinceau. Avec c’que ça t’a couté en diluant, t’aurais pu t’en acheter deux.

RAYMOND (H.C.)

Ben, en attendant j’en ai juste un, pis j’en ai besoin pour finir. PAULINE

(à Raymond, exaspérée)

Ça fait deux semaines que t’as fini, arrête de taponner. Même si tu le peinturerais deux fois, ça n’en fera pas un nouveau contrat.

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En entendant la voix de Pauline, Pépère et Robin se retournent et aperçoivent Philippe. RAYMOND (H.C.)

J’suis pas taponneux, j’suis minutieux. C’pas pareil.

Philippe hoche la tête et sourit, puis se dirige vers Pépère qui descend de l’échafaudage, suivi par Robin.

PHILIPPE (en tendant les bras) Salut Pépère!

PÉPÈRE Salut mon rêveur!

Les deux hommes s’étreignent. Puis, par-dessus l’épaule de Pépère, Philippe salue Robin qui lui envoie la main. Raymond arrive à son tour devant le bateau.

RAYMOND

Bon, le v’là lui! Le bachelier prodigue est enfin de retour. C’est-tu fini, ces niaiseries universitaires, là?

Pauline lance un regard noir à Raymond.

RAYMOND

Voyons, sa mère. Tu sais ben que je l’taquine (il rit). Content de te voir mon grand.

PHILIPPE Moi aussi, P’pa, ben content.

Raymond s’approche de son fils et lui donne une accolade qu’il veut très virile. PAULINE

Bon, ben, v’nez manger là... Toi aussi Robin si ça te tente.

Robin ne se fait pas prier et emboite le pas à Philippe et Pépère qui sortent de l’atelier. Raymond veut quitter aussi, mais Pauline le retient. À son regard, Raymond comprend.

RAYMOND J’te l’ai dit, je l’taquinais, bon.

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PAULINE

Raymond Marin... je l’sais c’que tu penses de ses études universitaires, pis t’es mieux de pas revenir là-dessus.

11 EXT. JOUR – MAISON DES MARIN – HAVRE-AUX-COQUES

Derrière la très grande fenêtre de la cuisine, se trouve Philippe, de dos, entouré de

Raymond, Pauline, Pépère et Robin assis à la table et discutant ferme. Tout le monde a le sourire et le repas est pratiquement terminé. On boit du café et Pépère allume sa pipe.

12 INT. JOUR – CUISINE – MAISON DES MARIN – HAVRE-AUX-COQUES – SUITE

Philippe, de face, avec la fenêtre derrière lui, relate sa dernière année universitaire. PHILIPPE

... mais le stage de la session d’automne en France, c’était

vraiment super. Vous auriez aimé ça. J’ai vu plein de vieux

bâtiments, pis de monuments historiques. J’ai visité plusieurs chantiers navals. Des belles boutiques aussi, justement... j’vous ai ramené des p’tits cadeaux.

Philippe se penche, sort un paquet du sac à dos placé à ses pieds et le tend à sa mère. PAULINE

C’est quoi?

RAYMOND

Ben ouvre-lé! C’est en dessous du papier qu’y’est le cadeau.

Pauline jette un regard exaspéré à Raymond et défait délicatement l’emballage de son paquet. D’une boite brune d’environ quatre pouces carrés elle retire un petit écrin à bijoux. Elle soulève le couvercle, puis regarde tour à tour Philippe et Raymond avant d’en sortir un collier, orné d’un pendentif serti de petits diamants représentant la tour Eiffel.

PAULINE

Oh! C’est donc ben beau! Ç’a pas de bon sens, Philippe. PHILIPPE

J’peux ben dépenser un ti-peu pour gâter ma mère. Pauline se lève et va embrasser son fils.

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PAULINE Merci beaucoup mon grand.

Pauline se rassoit et essaie son collier pendant que Philippe sort de son sac un autre paquet qu’il offre cette fois à Pépère.

PHILIPPE

Tiens Pépère, j’ai trouvé ça pour toi chez un artisan.

Pépère ouvre son paquet. Ses yeux s’écarquillent. Visiblement ému, il soulève fièrement son cadeau pour que chacun puisse voir et reconnaitre le petit chalutier bleu et blanc. Philippe étend le bras et enlève un bout de ruban dévoilant le nom sur la proue : Le rêveur.

PÉPÈRE

C’est pas croyable, on dirait vraiment le mien.

13 EXT. SOIR – MAISON DES MARIN – HAVRE-AUX-COQUES – SUITE

À travers la fenêtre de la cuisine, on voit Philippe sortir un nouveau paquet et le tendre à son père. Ce dernier l’ouvre pour découvrir une bouteille de vin rouge. À voir sa réaction on devine qu’il s’agit d’un grand cru. Devant l’intérêt évident de son père, Philippe sourit.

14 EXT. SOIR – GRÈVE – DERRIÈRE LA MAISON DES MARIN – PLUS TARD

Philippe se promène sur la grève derrière la maison. Il marche lentement, les mains dans les poches, le regard au loin, et il hume à pleins poumons l’air iodé de la mer. Il s’arrête, et ferme les yeux, un sourire dessiné sur son visage.

15 INT. JOUR – CHAMBRE DE PHILIPPE – MAISON DES MARIN

Philippe ouvre les yeux. Il est couché dans son lit et affiche le même sourire que la veille. Il se lève et s’étire, puis se dirige vers la fenêtre, où il ouvre ses rideaux laissant entrer une belle lumière dans laquelle baigne toute la pièce. Sur les murs, se retrouvent plusieurs affiches, de même que des huiles représentant des voiliers. Sur plusieurs meubles, des maquettes de chalutiers et même un gouvernail. La mer et les bateaux sont omniprésents.

16 INT. JOUR – CUISINE – MAISON DES MARIN

Philippe est assis à la table en train de déjeuner. Par la fenêtre derrière lui, l’éclat du soleil montant laisse présager une journée splendide. Pauline et Raymond arrivent à leur tour. Pauline prend une veste, tandis que Raymond cherche ses clés sur le comptoir.

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RAYMOND Voyons, baptême! Où c’que j’ai mis ça?

PAULINE

(à Philippe, en mettant sa veste) T’es sûr que t’as besoin de rien en ville?

PHILIPPE

C’est beau, M’man, j’ai tout ce qu’y me faut.

Pauline, exaspérée de voir Raymond tout déplacer sur le comptoir, met la main dans la poche droite de son blouson et en ressort des clés qu’elle lui brandit sous le nez. Raymond les saisit rapidement et se dirige vers la porte avant que Pauline n’ajoute un commentaire.

RAYMOND

Bon, ben O.K. d’abord, on se revoit au souper. PHILIPPE

Non, attendez-moi pas, je dine au Phare avec Roger, pis j’vas peut-être passer la journée là.

Philippe salue ses parents qui sortent, puis, sa tasse de café à la main, il se lève, jette un coup d’œil à l’horloge grand-père qui marque dix heures et s’approche ensuite de la fenêtre de la cuisine d’où il aperçoit le quai du village avec le phare en arrière-plan.

17 EXT. JOUR – PHARE DE HAVRE-AUX-COQUES

Philippe se tient à la balustrade du balcon de veille au côté de ROGER BLANCHETTE, le fils du gardien de phare. Un bon vivant, début de la trentaine, et bon ami de Philippe. De là-haut, ils ont une vue imprenable sur le fleuve et le havre naturel où s’est érigé le village.

ROGER

Même si ça va faire vingt-cinq ans que l’phare est pus en usage, y se passe pas une semaine sans que j’monte icitte. C’est plate pareil que pus personne semble intéressé par ces constructions-là.

PHILIPPE

Ouais, c’est le temps qu’on prenne ça en main c’te village-là. ROGER

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PHILIPPE

Pour commencer, j’vas redresser notre commerce de bateaux. Roger regarde Philippe d’un air incrédule.

PHILIPPE T’as pas l’air convaincu.

ROGER

C’pas que je doute de toi… ben, un peu quand même, mais ton père a jamais été trop chaud à l’idée que tu te mêles de son atelier.

PHILIPPE

Je l’sais. Mais avec c’que j’amène, y va changer d’avis.

18 EXT. JOUR – RUE PRINCIPALE – HAVRE-AUX-COQUES – PLUS TARD Philippe circule vers l’est sur la rue principale et s’arrête devant l’épicerie Fournier. Il regarde l’heure à sa montre, puis après avoir appuyé son vélo sur le mur de brique de la façade, tout près de la vitrine, il se dirige vers l’entrée.

19 INT. JOUR – ÉPICERIE FOURNIER – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe entre dans l’épicerie, un brin nerveux, et cherche des yeux la jolie jeune fille qu’il a vue la veille. Isabelle sert une cliente au comptoir. Profitant du fait qu’elle ne l’a pas vu entrer, Philippe se faufile dans les rayons d’où il peut l’observer. Il se déplace lentement en retirant et replaçant machinalement des articles. Après un bref moment de ce petit jeu, il se retourne vers une CLIENTE qui le dévisage. Il lui sourit timidement avant de se rendre compte qu’il tient dans ses mains une boite de tampons. Il se retourne en vitesse pour la replacer, mais accroche d’autres boites qui tombent par terre. Confus, il se penche pour les ramasser quand il aperçoit deux espadrilles. Levant alors la tête, il en découvre la

propriétaire toute souriante : Isabelle. Elle se penche à son tour pour l’aider. PHILIPPE

Non, non, dérange-toi pas, j’vas toute ramasser. ISABELLE

Ça me dérange pas, j’travaille icitte. PHILIPPE Ah oui?

(26)

ISABELLE

Tu l’savais pas? Pourtant hier tu m’as vue à travers la vitrine. PHILIPPE

(pointant du doigt)

Pas vraiment, t’étais au comptoir pis moi je regardais par là.

Philippe grimace en réalisant la stupidité de sa phrase et Isabelle éclate de rire. Philippe se met à rire lui aussi. Isabelle jette un coup d’œil à sa montre, puis regarde vers l’extérieur.

ISABELLE

Quand y fait beau, j’ai l’habitude d’aller prendre mon lunch sur le quai... Veux-tu venir? J’fournis le sous-marin.

20 EXT. JOUR – QUAI DE HAVRE-AUX-COQUES

Assis au bout du quai, Philippe et Isabelle discutent en prenant leur repas. Près d’eux se trouvent le vélo de Philippe et un sac de victuailles.

PHILIPPE

Quand t’es partie avec ta mère v’là quatre ans, j’pensais pas que tu reviendrais.

ISABELLE

C’était juste le temps qu’a se replace. Y’a deux ans, elle a revu une ancienne flamme de Montréal. Six mois plus tard a s’trouvait une job là-bas, j’ai sauté sur l’occasion pour revenir.

PHILIPPE Ça t’a pas tenté d’aller travailler là?

ISABELLE

Une job au salaire minimum, qu’a soit à Montréal ou en Gaspésie, ça reste une job au salaire minimum.

PHILIPPE

Avec ton diplôme en théâtre, t’aurais surement eu des opportunités pour un peu plus.

ISABELLE Peut-être...

(27)

Isabelle désigne de la tête le fleuve et le magnifique coucher de soleil qui s’y reflète. … mais j’échangerais pas ça pour quèques piastres de plus...

même si j’aurais pas haï ça avoir mon p’tit quart d’heure de gloire. Mais toi... t’as pas eu envie de t’installer à Québec?

PHILIPPE

Pas une minute. J’ai eu une offre, mais mon but a toujours été de m’établir au Havre. J’ai même un projet pour notre atelier.

ISABELLE

Pour l’atelier de ton père! Qu’est-ce qu’y dit de ça? PHILIPPE

Ben, y dit que... disons qu’y trouve que c’est, comment je dirais… ISABELLE

Tu y’en a pas parlé si j’comprends ben. PHILIPPE

C’est ça ouais. J’ai pas encore trouvé la façon de l’aborder.

Isabelle opine de la tête en signe de compréhension, puis jette un œil à sa montre. Elle se lève en vitesse et ramasse son sac.

ISABELLE

S’cuse-moi, faut que j’retourne travailler. Parle à ton père demain, pis viens me rejoindre icitte à ’même heure pour me dire

comment ç’a été.

PHILIPPE J’sais toujours pas comment y dire.

ISABELLE (en s’éloignant) Sois direct! Bye!

21 INT. JOUR – CUISINE – MAISON DES MARIN

Raymond, Philippe et Pépère sont à table en train de diner. Pauline, debout devant le comptoir, met la dernière touche à son dessert.

(28)

PHILIPPE

Tu sais, P’pa, pour l’atelier là… ben, j’pourrais t’apporter mon expertise… si t’es d’accord.

PÉPÈRE

Ah! c’t’une bonne idée, ça! Hein, Raymond? RAYMOND

Euh, oui… mais qu’est-cé que t’entends par « mon expertise »?

Pauline lance un regard inquiet à Philippe. Ce dernier devine qu’il doit bien choisir ses mots. PHILIPPE

Ben, mon aide si t’aime mieux. Pour… des projets disons. RAYMOND

Ah, O.K.! Ben c’est super ça! J’ai justement un projet pour toi.

22 INT. JOUR – SOUS-SOL – MAISON DES MARIN – PLUS TARD

Raymond dépose un gallon de peinture noire et un pinceau devant Philippe. RAYMOND

Tiens, l’enseigne de l’atelier a ben besoin d’être refaite. Pis j’ai des radoubs de même en masse pour te tenir occupé toute l’été.

La mine de Philippe est sans équivoque. Ce n’est pas du tout ce à quoi il s’attendait. Mais, tandis que Raymond remonte à l’étage, satisfait, Philippe affiche un sourire espiègle.

23 EXT. JOUR – ATELIER MARIN ET FILS – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe est en haut d’une échelle installée devant l’atelier. Il s’applique à tracer les dernières lettres de l’enseigne. Raymond, qui vient jeter un œil au travail en arborant un grand sourire, perd rapidement celui-ci en s’apercevant que l’enseigne a été modifiée pour : Les embarcations Marin et fils du Bas-Saint-Laurent.

RAYMOND

Qu’est-cé ça? J’t’ai demandé de la repeindre, pas de la réécrire. PHILIPPE

(29)

RAYMOND

Pas trop non, surtout qu’on est installés en Gaspésie. PHILIPPE

D’après le découpage administratif, on est dans le Bas-St-Laurent. RAYMOND

Laisse faire le découpage du territoire, pis change-moi ça! Pauline arrive à ce moment sur les lieux.

PAULINE Qu’est-cé qui se passe icitte pour l’amour?

RAYMOND

Rien de grave. Philippe s’est juste trompé dans sa géographie.

Philippe hoche la tête en soupirant, tandis que Raymond repart vers la maison. Pauline le foudroie du regard au passage, puis se tourne vers Philippe.

PAULINE

J’comprends tes intentions, mais pourquoi tu consultes pas avant? Tu sais comment ton père est allergique aux changements.

PHILIPPE (descendant de l’échelle)

S’cuse-moi, M’man. J’voulais me servir de l’enseigne pour lui parler d’un projet, mais j’vas trouver autre chose, c’pas grave.

Philippe, l’air dépité, déplace l’échelle en la positionnant au début de l’enseigne, puis remonte avec un gallon de peinture blanche. Pauline, déçue pour lui, retourne à l’intérieur.

24 EXT. SOIR – ATELIER MARIN ET FILS – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe entre l’échelle dans l’atelier et referme les portes derrière lui. Il ressort, à peine quelques instants plus tard, par la porte de côté avec son vélo et un sac à dos. Raymond, un air étrange sur le visage, vient à sa rencontre. Pauline et Pépère, qui se bercent sur la galerie de la maison, observent la scène.

RAYMOND

(30)

Pauline se racle bruyamment la gorge en signe de protestation et Raymond se reprend. RAYMOND

Ben, ta mère, moi inclus là, pense que j’ai été un peu fort avec toi tantôt, pis… ben, c’est ça là… tu sais c’que j’veux dire.

PHILIPPE

C’est correct, P’pa. J’aurais dû te parler de mon projet avant. J’vas aller droit au but la prochaine fois… bon, ben, à plus tard.

Il enfourche son vélo et s’élance sur la rue de la grève, tandis que Raymond retourne vers la galerie. Pauline réalise soudain que c’est l’heure de se mettre à table.

PAULINE Philippe! Tu pars sans souper?

Philippe ne s’arrête pas. À l’évidence, il n’a rien entendu. Pauline se tourne vers Pépère. PAULINE

C’est-tu juste moi, ou ben y mange quasiment pus? PÉPÈRE

Pour un gars qui mange pus, y’est souvent rendu à l’épicerie.

25 EXT. SOIR – GRÈVE – PRÈS DU PHARE DE HAVRE-AUX-COQUES – PLUS TARD

Philippe et Isabelle marchent lentement sur la grève, dans la partie du havre située entre le quai et le phare. Ils discutent, ils rient, ils se regardent. Ils ont tantôt le fleuve en

arrière-plan, tantôt le phare ou le quai. On les voit aussi bien du haut des airs qu’au niveau de l’eau, dont on entend le bruit des vagues sur la grève. C’est comme s’ils faisaient corps avec l’environnement et que le havre était témoin de la naissance de leur relation.

26 EXT. JOUR – ATELIER MARIN ET FILS – HAVRE-AUX-COQUES

Pépère, Robin et Philippe surveillent la descente du chalutier fraichement repeint sur la rampe de mise à l’eau, tandis que Raymond actionne le treuil dans l’atelier. Une fois le bateau à la mer et détaché de la cale de halage, le CAPITAINE, déjà dans la cabine de pilotage, met le moteur en marche et salue tout le monde d’un signe de la main, alors que le chalutier s’éloigne. Philippe et Robin replacent la cale sur les rails d’aciers. Robin jette un dernier coup d’œil sur le chalutier déjà loin et retourne ensuite vers l’atelier, suivi de Philippe et Pépère, pendant que Raymond actionne le treuil en sens inverse.

(31)

ROBIN

J’espère que ça sera pas aussi long que la dernière fois avant le prochain contrat.

27 INT. JOUR – ATELIER MARIN ET FILS – HAVRE-AUX-COQUES – SUITE

Tandis que Robin et Philippe s’affairent à ranger les cordages et toutes les pièces de soutènement ayant servi au radoub, Raymond et Pépère s’approchent de Pauline, installée derrière un petit bureau près de la porte de côté.

RAYMOND

On a-tu eu des nouvelles de Monsieur Lévesque? PAULINE

Oublie-lé! Y’a jamais vraiment eu l’intention de faire construire ses chalutiers icitte. C’est juste pour te faire plaisir qu’y a dit ça.

PÉPÈRE C’est Verreault qui l’a eu, le contrat.

Philippe, ayant entendu la conversation, saisit l’occasion et s’approche à son tour. PHILIPPE

Ça serait peut-être le temps pour un nouveau projet…

Raymond, tout en jetant un œil sur l’horloge, coupe cependant court à toute discussion. RAYMOND

Baptème! déjà cinq heures! Faut que je prépare ma réunion moi.

Raymond sort en vitesse laissant Philippe dépité, encore une fois. Pauline semble intriguée. PAULINE

C’est quoi ton projet?

PHILIPPE Ben, c’est un plan pour réorienter…

(s’interrompant brusquement) … la réunion de P’pa, c’est quoi au juste?

(32)

PAULINE Une réunion du conseil, pourquoi?

PHILIPPE

Ah, une idée comme ça… faut que je sorte moi aussi, à plus tard.

Il ramasse son vélo et sort de l’atelier. Pauline et Pépère se regardent d’un air perplexe.

28 INT. JOUR – ÉPICERIE FOURNIER – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe entre dans l’épicerie et se dirige immédiatement au comptoir, où Isabelle s’affaire à remplir un présentoir à bonbons. Cette dernière sourit en l’apercevant.

PHILIPPE

J’pourrai pas aller te rejoindre au quai. J’ai pas pu parler à mon père encore, mais ça va se faire à soir au conseil de ville.

ISABELLE Ah oui! Ben faut que j’aille voir ça.

29 INT. SOIR – SALLE DU CONSEIL – HÔTEL DE VILLE DE HAVRE-AUX-COQUES

Un grand nombre de VILLAGEOIS sont présents dans la salle. On aperçoit, entre autres, MARTIN l’épicier, accompagné d’Isabelle, Roger et son père AURÉLIEN, l’ancien gardien de phare, HUBERT le barman, le BARBIER et sa FEMME. Philippe, Pauline, Pépère et Robin sont assis dans les premières rangées. La séance du conseil tire à sa fin. Le MAIRE, entouré de six CONSEILLERS, dont Raymond, consulte l’ordre du jour.

LE MAIRE

Nous v’là rendus au point numéro sept. Le varia. Y’en a-tu qui ont des sujets à rajouter à l’ordre du jour?

À la surprise générale et principalement celle de Raymond, Philippe se lève. PHILIPPE

Moi, monsieur le maire, j’aurais un projet à présenter. C’est pour l’atelier de mon père, mais comme ça pourrait s’appliquer aussi à d’autres commerces du village, j’peux-tu prendre deux minutes...

LE MAIRE

(33)

Philippe s’avance alors vers la table du conseil et tend un document à son père. PHILIPPE

Tiens, P’pa, je travaille là-dessus depuis le début de mes études. Je cherchais une façon de te faire la surprise, mais l’occasion qui se présente pouvait pas être mieux choisie.

RAYMOND (lisant)

Plan de restructuration d’un atelier naval... Mon atelier? PHILIPPE

Oui! Pis on satisfait à tous les critères pour une subvention... RAYMOND

Tu travailles sur le réaménagement de mon atelier depuis trois ans, pis c’est là que tu m’en parles?

PAULINE

Ben si y t’en avait parlé avant, c’aurait pas été une surprise. RAYMOND

(levant le ton)

Méchante surprise. Mon atelier fait dur, ç’a l’air!

Les conversations s’arrêtent. Toutes les têtes se tournent vers Raymond et Philippe. Un malaise s’installe parmi le groupe. Philippe hausse le ton à son tour.

PHILIPPE J’ai pas dit que l’atelier faisait dur.

RAYMOND

Ben non! Pourquoi tu veux le restructurer d’abord? PHILIPPE

Parce que c’est ça qu’on fait avec les commerces qui périclitent. RAYMOND

Ben tu sauras que mon atelier est loin de péricicli... pécliri... en tout cas, y fait pas pantoute c’que tu dis. Encore un grand mot de têtes d’œufs universitaires pour toute rendre moins clair.

(34)

PHILIPPE

Ben oui, s’cuse-moi, j’aurais dû vulgariser. Péricliter, du latin

periculum, péril. Peut se dire, par exemple, d’un atelier de

construction de chalutier où on a pas construit un maudit bateau dans les trente dernières années pis où on se contente de faire des petits contrats de réparation de plus en plus rares, c’est-tu clair là? Profitant d’un petit trou dans la conversation, le maire tente une intervention.

LE MAIRE

Oui, oui, c’est clair, hein tout le monde, c’est clair. Bon, ben, on va regarder ça avec attention, pis on pourra aviser par la suite...

RAYMOND

En ce qui me concerne, ça sera pas nécessaire.

(à Philippe d’un ton plus calme)

À partir de demain on a juste à être plus sérieux dans notre recherche de clients, pis on va en trouver. On est encore capable de se débrouiller par nous autres même comme on a toujours fait.

Philippe reprend le document des mains de son père. Les yeux pleins d’eau, il a du mal à se contenir. On peut voir dans son visage un mélange de peine et de colère.

PHILIPPE

Non, P’pa. Continue de faire semblant que tout va ben si tu veux, mais moi demain j’serai pas icitte... je retourne à Québec.

Il se retourne et se dirige lentement vers la sortie, jetant quelques regards gênés aux villageois encore tous présents dans la salle, dont Isabelle qui le regarde d’un air triste.

PAULINE Ben dis quèque chose, Raymond.

Raymond, toujours frustré, ne bronche pas. Près de la porte, Philippe s’arrête un moment pour jeter un dernier coup d’œil sur son projet avant de le lancer à la poubelle et sort de la salle sans se retourner. Tous portent le regard vers Raymond et Pauline. Cette dernière est complètement décontenancée.

RAYMOND Baptême!

(35)

30 EXT. SOIR – RUE PRINCIPALE – HAVRE-AUX-COQUES – SUITE

Philippe traverse la rue principale quand Isabelle arrive derrière lui en courant. ISABELLE

Philippe, attends!

Philippe poursuit son chemin sans ralentir ni se retourner, mais Isabelle, rendue à sa hauteur, marche avec lui.

ISABELLE

Faut surtout pas que tu partes sur un coup de tête. PHILIPPE

J’viens de subir la pire humiliation de toute ma vie, j’pense que c’t’un coup de tête ben placé en maudit.

ISABELLE

(agrippant Philippe pour qu’il s’arrête)

Ton père y’est allé fort c’est vrai, mais de ton côté, tu lui avais rien dit. C’est juste une mésentente. Rien qui peut pas s’arranger.

PHILIPPE

Non, c’est plus que ça. Peu importe les efforts que je fais, y’est jamais content. Y’a aucune confiance en moi.

Philippe poursuit son chemin jusqu’à la rue de l’Église et descend ensuite vers la grève, alors qu’Isabelle reste sur place, déçue.

31 INT. SOIR – SALLE DU CONSEIL – HÔTEL DE VILLE DE HAVRE-AUX-COQUES

On voit quitter les dernières personnes, tandis que le maire et les conseillers ramassent leurs documents sur la table. GEORGES MORIN est aussi sur le point de sortir quand il s’arrête et regarde dans la poubelle près de la porte. Il jette un coup d’œil derrière lui, en direction de Raymond et Pauline, qui se disputent encore, puis se penche pour ramasser le document abandonné par Philippe et sort aussitôt. Pépère, sentant la tension monter entre son fils et sa bru, quitte lui aussi.

PAULINE

(36)

RAYMOND

Y’a remis en question mon travail devant tout le monde, qu’est-cé tu voulais que je fasse?

PAULINE Que tu piles sur ton orgueil, pour une fois. Duel de regards.

32 EXT. SOIR – QUAI DE HAVRE-AUX-COQUES – PLUS TARD

Philippe est assis au bout du quai. En biais derrière lui, on peut voir le reflux de la mer sur la grève, l’atelier et la maison familiale. Pépère arrive à sa rencontre.

PÉPÈRE J’savais que j’trouverais mon rêveur icitte.

Philippe laisse passer de longues secondes les yeux rivés sur le fleuve avant de se tourner finalement vers Pépère qui s’est installé à ses côtés, sur un pieu d’amarrage.

PHILIPPE

C’est ça mon problème, j’suis juste un rêveur. PÉPÈRE

Y’a pas de mal à rêver, mon homme. La plupart des grands accomplissements sont partis d’un rêve.

PHILIPPE

C’est vrai... mais on peut aussi rêver en couleurs des fois. PÉPÈRE

J’pense qu’on peut faire ben des erreurs en voulant réaliser ses ambitions, mais y faut pas arrêter de rêver pour autant.

PHILIPPE

Peut-être ailleurs, Pépère, mais icitte j’me le demande... Philippe soupire, puis se relève. Il s’éloigne de quelques pas et s’arrête.

PHILIPPE

(37)

Philippe poursuit son chemin et disparait dans la pénombre, triste. Pépère, toujours assis sur le pieu d’amarrage, tourne le regard vers la mer, triste lui aussi.

33 INT. SOIR – CHAMBRE DE PÉPÈRE – MAISON DES MARIN

Pépère est étendu de côté dans son lit et regarde le modèle réduit du chalutier que lui a remis son petit-fils. Il s’étire le bras et éteint la lampe sur sa table de chevet.

34 INT. SOIR – APPARTEMENT DE ROGER – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe dépose ses bagages dans le salon, près du divan. Roger arrive avec un oreiller et des couvertures qu’il tend à Philippe, puis lui donne une petite tape amicale dans le dos.

35 INT. SOIR – CHAMBRE DE RAYMOND ET PAULINE – MAISON DES MARIN

Dans le plus grand silence, Raymond, assis sur le lit, enlève ses pantoufles et se glisse sous les couvertures. Pauline ôte sa robe de chambre qu’elle pose sur une chaise et se couche à son tour. Après quelques instants à garder les yeux ouverts, elle se tourne vers Raymond.

PAULINE Pourquoi tu y fais pas confiance?

RAYMOND

Pourquoi y peut pas juste m’aider au lieu de vouloir tout changer? PAULINE

Tu pourrais au moins l’appeler, t’excuser. RAYMOND C’est à lui de s’excuser... Dors donc là.

PAULINE

Je m’inquiète. Comment tu veux que je dorme? RAYMOND

Essaye-donc en fermant les yeux.

(38)

36 INT. NUIT – APPARTEMENT DE ROGER – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe, absorbé par ses pensées, est incapable de dormir; tantôt couché sur le divan les yeux grands ouverts; tantôt assis les mains sur la tête ou debout à faire les cents pas.

37 INT. JOUR – CUISINE – MAISON DES MARIN

Raymond est assis à la table et déjeune. Pépère, un peu à l’écart, se berce en fumant une pipe. Pauline prépare des toasts debout devant le comptoir. Toujours frustrée des

événements de la veille, son humeur est massacrante. Elle regarde l’horloge de la cuisine. PAULINE

À cette heure-là y’est pas parti encore. Tu pourrais l’appeler. RAYMOND

Si y’a décidé de retourner à Québec, laisse-le donc faire. Y peut se pogner une grosse job ben plus payante là-bas.

PAULINE Y voulait travailler icitte, lui!

RAYMOND

Ça va y passer... Tu m’amènerais-tu le bacon? PAULINE

Coupe-toi-z’en donc une tranche entre les deux oreilles!

On frappe à la porte et Pauline s’empresse d’aller ouvrir. Elle cache difficilement sa déception en apercevant Roger.

ROGER

Bonjour Madame Marin, j’suis venu chercher les affaires de Phil. PAULINE

Y’est toujours décidé à s’en aller, comme ça?

Regardant Raymond du coin de l’œil, Roger redoute l’effet de sa réponse. ROGER

(39)

38 EXT. JOUR – RUE DE LA GRÈVE – HAVRE-AUX-COQUES

Raymond, arborant une casquette du Canadien, marche d’un pas rapide en direction de l’atelier de Georges Morin. Pauline, qui peine à le suivre derrière, tente de le raisonner.

PAULINE

Raymond, je t’avertis, t’es mieux de pas faire une scène. RAYMOND

Je laisserai pas faire ça sans rien dire, certain.

39 INT. JOUR – ATELIER MORIN – HAVRE-AUX-COQUES

Raymond entre en coup de vent dans l’atelier, suivi de Pauline qui essaie de le calmer. Il se dirige vers Georges, ignorant Philippe et Robin, de même que LÉO, un employé de

l’atelier Morin. Sur le mur, derrière Georges, une horloge ornée du logo des Nordiques. RAYMOND

T’en es un beau, toi, de me jouer dans l’dos comme ça. GEORGES

J’te joue pas dans l’dos. Philippe est devenu joueur autonome, pis les joueurs autonomes ont le droit de signer où y veulent.

RAYMOND

Peut-être, mais faut laisser le temps au gérant de négocier un peu avec son joueur.

PHILIPPE

Y’est pas parlable le gérant! Comment veux-tu négocier? RAYMOND

Y’aurait fallu que le joueur s’excuse avant de pouvoir négocier. PHILIPPE

S’excuse! De quoi? De s’être fait humilier devant le monde? RAYMOND

(40)

PHILIPPE

J’ai juste voulu y donner les moyens d’améliorer l’équipe. Robin, un peu à l’écart, s’approche de Léo.

ROBIN

La saison est pas commencée, ça sera pas beau dans les play-offs.

Raymond lance un regard noir en direction de Robin, qui lève les yeux au plafond. Gisèle, la femme de Georges, ayant entendu les éclats de voix, arrive à son tour dans l’atelier et s’approche de Pauline. Raymond et Philippe, voulant reprendre les hostilités,

s’interrompent lorsqu’ils réalisent que Pauline et Gisèle sont en grande conversation, totalement indifférentes à leur querelle.

PAULINE

Mon Dieu, Gisèle, t’as ben une belle robe, où t’as pris ça? GISÈLE

Mon frère pis ma belle-sœur m’ont ramené ça de Québec pour ma fête. J’suis assez contente.

PAULINE

J’te crois. Vas-tu la mettre pour la prochaine réunion?... RAYMOND

Pauline! Pauline!

PAULINE Quoi?

RAYMOND

Ben tu vois pas qu’on s’astine, là. Focusse un peu. PAULINE

Astinez-vous autant que vous voulez, vous nous mêlerez pas dans vos chicanes, c’est-tu clair?

GISÈLE (à Pauline) Y se chicanent-tu pour vrai eux-autres là?

(41)

GEORGES Qu’est-ce t’en penses?

GISÈLE

Je le sais-tu moi? J’vous ai entendus jaser de hockey en arrivant. GEORGES

C’était juste une façon de parler. GISÈLE

Vous vous astinez à l’année sur le hockey, comment tu veux que je fasse la différence?

Robin fait un signe de tête affirmatif à Léo.

RAYMOND

Ça vous ferait-tu rien qu’on revienne à la chicane principale? On passera pas la journée icitte.

(à Philippe)

Toi j’te laisse encore une chance de retrouver le bon sens. PHILIPPE

Le bon sens!... Le bon sens, c’est de laisser le marché du chalutier aux gros chantiers. On peut pas concurrencer la Davie ou

Verreault Navigation. Faut construire autre chose. RAYMOND

C’est des chalutiers qu’on fait icitte depuis toujours. PHILIPPE

T’en démords pas hein!... Ben si ça prend ça pour que tu me fasses confiance, m’as t’en construire un chalutier.

Tous sont déconcertés par cette annonce.

RAYMOND

Qu’est-cé tu dis là? Tu seras pas capable. T’en as jamais fait. PHILIPPE

Ah oui? Regarde-moi ben aller. D’abord, on fait pas ça tout seul un chalutier, mais en équipe, pis Georges est aussi bon que toi.

(42)

RAYMOND T’as même pas d’acheteur.

PHILIPPE

Après trois ans en commerce international, j’vas en dénicher un acheteur, ça sera pas une trainerie. J’pourrais t’en montrer.

RAYMOND

(pointant l’index en direction de Philippe)

Si c’est la guerre que tu veux, ben, baptême, tu vas l’avoir... (à Pauline et Robin)

… Venez vous autres, on s’en va.

Pauline, furieuse, emboite le pas à Raymond et Robin en prenant quand même le temps de saluer Gisèle qui lui fait part, d’un signe de la main, de son intention de l’appeler plus tard.

40 INT. JOUR – ATELIER MORIN – HAVRE-AUX-COQUES – SUITE

Alors qu’il regarde ses parents et Robin quitter l’atelier, Philippe remarque la présence d’Isabelle appuyée contre le cadre de la porte. Elle fait quelques pas en avant.

PHILIPPE Isabelle! J’pensais pas te voir ici.

ISABELLE

Comme je t’ai pas vu prendre le bus à matin, j’étais venue te féliciter de ta décision.

PHILIPPE Ah! Ben, c’est gentil...

ISABELLE

Mais j’pensais que tu voulais arranger les choses, pas l’inverse. PHILIPPE

C’était pas dans mes projets de me chicaner, mais là y’est temps que mon père s’aperçoive qu’y se trompe à mon sujet.

ISABELLE

J’ai déjà vécu une chicane de famille, j’embarquerai pas dans une autre. J’peux te dire tout de suite qu’y’a jamais de gagnant.

(43)

Isabelle semble manquer de mots. Tout dans sa voix et son attitude montre qu’elle est terriblement déçue. Elle recule lentement vers la sortie.

ISABELLE

J’pensais qu’on commençait quèque chose…

Elle tourne les talons et quitte les lieux. Philippe veut intervenir, mais n’y arrive pas. Georges, qui attendait de pouvoir lui parler, s’approche à son tour. La mine de Philippe nous laisse penser qu’il entrevoit une autre discussion houleuse.

GEORGES

Écoute, j’vas être direct. D’abord, tu veux t’en aller parce que ton père veut toujours faire des chalutiers, mais pas toi. J’t’engage pour te donner les moyens d’y montrer qu’on peut faire autre chose, pis là, c’est toi qui veux faire un chalutier. J’vois pas comment tu peux prouver que les chalutiers sont pus viables si t’en construis un.

PHILIPPE

C’est simple en fait. J’veux pas vraiment en faire un. J’vas en faire un pour y montrer que si j’en fais pas, c’est pas parce que j’suis pas capable d’en faire, mais parce que j’veux pas en faire.

GEORGES

Bon, mettons que je comprends que c’est simple. Y’arrive quoi avec notre projet?

PHILIPPE

La construction du chalutier c’est juste pour six ou sept mois. Une fois qu’on a cloué le bec à mon père, on réorganise l’atelier comme on avait prévu... Pis, qu’est-cé vous en pensez?

GEORGES

T’es-tu ben sûr de trouver un acheteur pour un bateau en bois? Philippe rassure Georges d’un sourire triomphant.

41 EXT. JOUR – ATELIER MARIN & FILS – HAVRE-AUX-COQUES

Pauline, toujours en colère, entre en vitesse chez elle. Alors que Raymond bifurque vers l’atelier, Robin continue tout droit.

(44)

RAYMOND Où tu vas comme ça?

ROBIN Ben, chez nous.

RAYMOND

Plus tard, là on a un plan de bataille à mettre au point. Envoye!

À contrecœur, Robin rejoint Raymond. Derrière eux, par une des fenêtres ouvertes du deuxième étage, Pépère les regarde, l’air las.

42 INT. JOUR – CHAMBRE DE PÉPÈRE – MAISON DES MARIN – SUITE

Après avoir frappé deux petits coups sur le cadre de porte, Pauline s’approche doucement derrière Pépère, le regard toujours fixé sur l’atelier. Elle observe avec lui, Raymond, visible par la porte de côté, qui dépose une boite d’objets poussiéreux devant Robin.

PAULINE Qu’est-cé vous en pensez?

PÉPÈRE Rien de bon, ma fille...

Le corps de Pauline disparait graduellement laissant Pépère seul derrière la fenêtre, continuant d’épier les agissements de Raymond. La journée avance en accéléré et Pépère disparait graduellement à son tour. C’est bientôt le soir, les lumières de l’atelier s’allument, puis la nuit arrive et elles s’éteignent. La voix de Pépère fait écho dans le noir.

... rien de bon.

43 EXT. JOUR – MAISON DES MARIN – HAVRE-AUX-COQUES

Perché sur le toit de la maison des Marin avec une paire de jumelles, Robin regarde en direction de l’atelier Morin. Il n’aperçoit d’abord qu’une image floue, bleutée, puis après quelques zooms, une paire de jeans et ensuite Léo, le propriétaire des jeans, qui ajuste son slip. À sa droite, Philippe et Georges en conversation devant l’atelier. Un bip provenant de l’émetteur-récepteur attaché à sa ceinture se fait entendre.

RAYMOND (H.C.) Allo, Robin!... M’entends-tu?

(45)

Robin, avec les jumelles dans une main et tout en voulant ne pas perdre sa prise sur le faite du toit, décroche son appareil, mais ne parvient pas à appuyer correctement sur le bouton, alors que la voix de Raymond continue d’en sortir.

RAYMOND (H.C.) Robin, baptême, m’entends-tu?

ROBIN (criant) Oui j’entends, mais ça marche pas!

44 EXT. JOUR – ATELIER MARIN & FILS – SUITE

Raymond sort en maugréant de l’atelier et porte l’émetteur à sa bouche. RAYMOND

Arrête de crier, cibole! J’t’ai donné ça pour être discret.

Il se rend au pied d’une échelle placée sur le côté de la maison, pose son récepteur au sol et commence à monter, toujours en maugréant.

45 EXT. JOUR – MAISON DES MARIN – SUR LE TOIT – SUITE

Sur le toit, Robin a de la difficulté à maintenir sa posture plutôt instable. Voulant éviter de chuter, il perd son émetteur, qui glisse en direction de l’échelle.

46 EXT. JOUR – MAISON DES MARIN – DANS L’ÉCHELLE – SUITE

Raymond arrive en haut de l’échelle juste au moment où le récepteur va tomber du toit et baisse la tête de justesse.

47 EXT. JOUR – MAISON DES MARIN – SUR LE TOIT – SUITE

Robin, qui essaie toujours de s’agripper, échappe cette fois ses jumelles qui dévalent le toit vers Raymond.

48 EXT. JOUR – MAISON DES MARIN – DANS L’ÉCHELLE – SUITE

La tête de Raymond ressurgit au-dessus du toit, encore une fois, au moment où les jumelles atteignent le bord et il s’écarte à la dernière seconde.

(46)

49 EXT. JOUR – MAISON DES MARIN / ATELIER MARIN & FILS – SUITE

Robin cède finalement et glisse à son tour sur le toit. Raymond, en haut de l’échelle, étend les bras par réflexe en voyant venir Robin. Les pieds de ce dernier arrivent dans les mains de Raymond qui les empoigne et l’impact pousse l’échelle vers l’arrière. De justesse, Robin agrippe la gouttière du bout des doigts. Arrêtée dans sa course, l’échelle est

maintenant bien droite entre les deux bâtiments. Après quelques instants ainsi en équilibre, Robin finit par lâcher prise et se retrouve plaqué tête en bas contre l’échelle, Raymond le retenant encore par les pieds. L’échelle penche alors vers l’atelier. Raymond lâche les jambes de Robin, qui glisse sur le ventre jusqu’en bas de l’échelle, sa tête heurtant chacun des barreaux. Raymond s’agrippe à la gouttière du toit de l’atelier, tandis que l’échelle tombe sur le sol. Robin, se remettant sur pied, essaie de rapprocher l’échelle de Raymond, mais la gouttière commence à se détacher du mur. Un à un, les supports cèdent et la gouttière plie lentement vers le sol sous le poids de Raymond. À sa grande surprise, il atterrit debout près de la maison, en douceur et sans aucune blessure. Il se dirige vers Robin en souriant. Ce dernier, portant la main à son nez encore douloureux, s’avance aussi vers lui et marche sur une planche dissimulée au travers d’une pile de vieux morceaux de bois. Comme s’il s’agissait d’une balançoire à bascule, l’extrémité de la planche se relève et frappe Raymond sous le menton. Il recule, chancelant, et tombe dans l’escalier de béton menant à la cave de la maison, la trappe y donnant accès étant ouverte.

50 INT. JOUR – CUISINE – MAISON DES MARIN

Robin assis à la table, tient un mouchoir tout rouge sous son nez, tandis que Pépère essaie de lui faire un bandage à la tête. Raymond, les vêtements sales et déchirés, applique de l’onguent sur ses écorchures. Pauline, debout devant la fenêtre, fulmine.

PAULINE

C’est ça qui arrive quand on surveille les autres en cachette. RAYMOND

Je les surveille pas, c’est... de l’espionnage industriel. PAULINE

Ah! Pis c’est mieux, je suppose? RAYMOND

Quand y s’agit d’un fils qui joue dans le dos de son père, oui. Pauline, l’air découragé, regarde Pépère et lève les bras au ciel.

(47)

51 INT. SOIR – ATELIER MORIN – HAVRE-AUX-COQUES

Philippe, installé dans le bureau, travaille sur son ordinateur. Il lève régulièrement la tête pour balayer l’atelier du regard. Georges s’approche.

GEORGES

T’as l’air stressé, c’est plus difficile que tu pensais? PHILIPPE

Non, ça va plutôt bien, j’ai déjà trois noms de clients potentiels. C’qui me chicote c’est que j’ai l’impression que mon père mijote de quoi. J’ai vu Robin rôder devant l’atelier à matin.

GEORGES

Bah! C’est rien. Ton père a dû l’envoyer voir c’qu’on faisait.

52 INT. JOUR – CUISINE – MAISON DES MARIN

Alors que Raymond déjeune en compagnie de Pauline et Pépère, la voix de Robin retentit par le biais de l’émetteur-récepteur. Pauline sursaute et lance un regard noir à Raymond. Les propos de Robin étant incompréhensibles, Raymond sort voir ce qu’il en est.

53 INT. JOUR – ATELIER MARIN & FILS – SUITE

Raymond entre dans l’atelier et se dirige vers Robin qui tend l’oreille près d’un moniteur pour bébé. Il lui montre son émetteur.

RAYMOND

Je t’ai déjà dit de pas coller ta bouche dessus. On comprend rien. ROBIN

Y’ont trouvé un acheteur.

RAYMOND

Hein! Déjà! Baptême! ça s’peut quasiment pas. T’as-tu son nom? ROBIN

Oui, pis son téléphone, j’ai aussi entendu, construction cinq mois, visite, signature demain. Qu’est-cé vous allez faire?

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RAYMOND (prenant le téléphone) Une meilleure offre.

54 INT. JOUR – SALON DE BARBIER – HAVRE-AUX-COQUES

Un HOMME qui se fait faire les cheveux discute avec un autre CLIENT en attente près de la vitrine. Le barbier entre aussi dans la conversation.

HOMME NO 1

Qu’est-cé tu veux dire, une meilleure offre? Y’a pas renchéri sur la proposition de son gars, toujours?

HOMME NO 2

Ben oui! Le premier client pour une construction en trente ans. Raymond a sauté dessus comme la misère sur le pauvre monde.

HOMME NO 1

Philippe s’est pas laissé faire, j’espère? BARBIER

Oh non! Y’a vite demandé à Georges d’engager cinq gars pour pouvoir raccourcir le délai de construction.

55 INT. JOUR – ÉPICERIE FOURNIER – HAVRE-AUX-COQUES

Deux FEMMES poussant des paniers discutent dans une des allées de l’épicerie. Isabelle, dans l’allée suivante, tend l’oreille.

FEMME NO 1

Raccourcir? De combien de temps?

FEMME NO 2

Deux semaines.

FEMME NO 1

Le client a-tu signé?

56 INT. SOIR – BAR – HAVRE-AUX-COQUES

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CLIENT NO 1

Y’a pas eu le temps, le soir même, Raymond a offert mieux. BARMAN

Comment tu le sais?

CLIENT NO 1

Ben, pour raccourcir le délai de deux autres semaines, y’a engagé lui aussi cinq gars, pis mon frère est dans le lot.

CLIENT NO 2

Qu’est-cé que Philippe a fait?

57 INT. SOIR – CERCLE DES FERMIÈRES – HAVRE-AUX-COQUES

Un groupe de FEMMES s’adonnent à différentes activités artisanales, autour d’une table où sont disposés thé, café et biscuits. Pauline est là, en train de tricoter. C’est le silence complet dans la pièce. Personne n’ose parler, le sujet de l’heure étant la querelle Marin.

58 INT. SOIR – BAR – HAVRE-AUX-COQUES

L’action revient dans le bar où le client no 2 attend toujours sa réponse. Le client no 1 est

cependant en train de boire à grands traits une énorme choppe de bière, levant un doigt en l’air pour signifier que ça ne serait pas long. Il termine enfin, sous les regards impatients du

barman et du client no 2, s’essuie la bouche et pose lourdement sa chopine sur le comptoir.

CLIENT NO 2

Pis, qu’est-cé qu’y a fait Philippe?

Le client no 1 semble réfléchir un moment, puis se met à grimacer bizarrement. Il se lève

maladroitement et se dirige vers les toilettes en titubant, laissant le barman et l’autre client encore une fois sans réponse.

59 INT. SOIR – CERCLE DES FERMIÈRES – HAVRE-AUX-COQUES

Une des femmes se tient au pied de l’escalier et se dirige en hâte vers le reste du groupe après avoir entendu le claquement d’une porte au premier étage.

FEMME NO 1

(chuchotant, pour ne pas être entendue de Pauline) C’est beau, tu peux y aller, est aux toilettes.

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