• Aucun résultat trouvé

Ban Yuan Samsen : analyse d'une communauté ancienne de Bangkok implantée le long du Chao Praya

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Ban Yuan Samsen : analyse d'une communauté ancienne de Bangkok implantée le long du Chao Praya"

Copied!
169
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: dumas-01712503

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01712503

Submitted on 19 Feb 2018

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License

de Bangkok implantée le long du Chao Praya

Esther Bouligand

To cite this version:

Esther Bouligand. Ban Yuan Samsen : analyse d’une communauté ancienne de Bangkok implantée le long du Chao Praya. Architecture, aménagement de l’espace. 2017. �dumas-01712503�

(2)

École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes Mémoire de Master 2 - 2017

Nouvelles Pratiques Urbaines

BAN YUAN SAMSEN

A

nAlyse d

une communAuté Ancienne de

B

Angkok implAntée le long du

c

hAo

p

rAyA

ESTHER BOULIGAND encadrée par Maëlle Tessier

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(3)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(4)

MERCI

-à Maëlle Tessier, ma directrice de mémoire, qui m’a guidée et conseillée pendant mes recherches et ma rédaction.

à Noé Tronel, qui m’a accompagnée pour découvrir la communauté Ban Yuan Samsen pour la première fois et qui a partagé avec moi toutes ses connaissances sur les modes de vie et pratiques des habitants.

à Tam Chananun, ma camarade et interprète thaïlandaise qui m’a permis de communiquer avec quelques habitants malgré la barrière de la langue, et qui a partagé avec moi ses photographies de la communauté. Merci aussi à Suchanad Boonyachai pour m’avoir transmis des informations, auxquelles je ne pouvais pas avoir accès de France

Je tiens aussi à remercier la communauté qui m’a accueillie avec beaucoup de sourires et de gentillesse et Nut, ma professeure Thaï qui suivait sur place l’avancée de mes recherches et de mon sujet.

Enfin, merci à mes parents, pour leurs relectures et leur soutien et à Clément.

NB : tout document graphique (photographie ou croquis) a été réalisé par l’auteure sauf indication contraire.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(5)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(6)

INTRODUCTION ... 7 0 - PRÉMICES ...14 I - LA COMMUNAUTÉ BAN YUAN SAMSEN

1/ Organisation ... 23 / 16 août 2015

a) Histoire de la communauté

b) La place de la communauté dans la ville / 19 septembre - 20 octobre

c) Forme urbaine et organisation spatiale

2/ Architecture ... 63 / 18 septembre

a) Influence de l’habitat traditionnel / 5 novembre

b) Esthétique de l’informel

3/ Une communauté menacée ... 83 a) Le droit de propriété à Bangkok

b) Une communauté en danger

c) Un nouveau projet pour les berges du Chao Praya / 20 novembre 2015

II - LA PRÉSERVATION DU PATRIMOINE À BANGKOK

1/ Renouveler la ville sur elle-même ... 101 a) Définir le Patrimoine

b) Pourquoi préserver ? c) Comment préserver?

2/ Influences de la globalisation ...121 a) Le tourisme : un moteur de développement ou de destruction?

a) Bangkok : ville générique?

b) L’habitat traditionnel thaï existe t-il encore?

CONCLUSION ... 135 BIBLIOGRAPHIE ... 143 ANNEXES ... 149

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(7)

Photographie @Tam Chananum

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(8)

«Il apparaît que les slums sont, d’une part, un exemple

de la survivance des villages urbains qui caractérisent de

nombreuses agglomérations en Asie, mais aussi des lieux

d’installation précaire des migrants, de type bidonville.

Ainsi, à Bangkok, coexistent trois types de slums :

- les slums sur terrain public squatté, risquant donc

l’éviction dès que l’administration responsable décide de

faire usage du terrain, même après plus d’une décennie

d’occupation

- les slums installés sur terrain privé loué à l’année, à la merci

d’une opération immobilière conçue par le propriétaire

- sans oublier les barges-habitations qui demeurent sur

la rivière et certains canaux. Cependant l’éviction quasi

totale des maisons sur pilotis des principaux canaux du

centre a été effectuée en 1982.»

1

1 Jean BAFFIE, Marie-Claire DROZ , Paule FARABOLLINI, Jean-Christophe, SIMON, Catherine THEURILLAT. «Les slums de Bangkok, dynamismes et précarité», 1987.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(9)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(10)

INTRODUCTION

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(11)

Ban Yuan Samsen Ko Kret (Môn) Bang Bua Klong Toei Pom Mahakan Manangkasila Sanam Polo Maharat Bang Kachao

Cartographie des communautés anciennes de Bangkok

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(12)

La ville de Bangkok a une relation particulière avec ses quartiers d’habitats spontanés car elle s’est créée avec eux, les inscrivant dans son dessin. Ils ne sont pas apparus subitement ces dernières années mais ont été implantés à l’origine même de la ville. Le long des canaux (Khlong), ou du fleuve Chao Praya, les communautés se sont installées progressivement il y a plusieurs siècles.

A l’époque, les voies navigables dans Bangkok étaient sources de richesses (pêche, proximité des rizières, marchés flottants).

Pourtant à partir des années 70, la construction de digues entraine une rupture entre la ville et l’eau, et ainsi, entre la ville et ses communautés. Peu à peu, le développement de l’automobile et des routes a laissé ces territoires à l’abandon. Ces populations se sont paupérisées et l’on voit aujourd’hui d’anciennes maisons traditionnelles en bois, sur pilotis, voisiner avec des habitats de tôles, entassés les uns sur les autres. Les habitants s’appauvrissent et les communautés deviennent insalubres. Elle connaissent des problèmes d’évacuation des eaux usées, de pollution. Certaines familles se reconvertissent dans de nouveaux métiers qui apparaissent avec l’expansion urbaine, comme le transport routier (à vélo, puis en Tuk-tuk et à moto).

«Les constructions spontanées, autrefois synonymes de ruralité de par les activités exercées, l’origine provinciale de leur population et leur architecture, pallient désormais un manque de logements.» [Fanny GERBEAUD]1.

Aujourd’hui la politique du gouvernement envers les communautés est simple : il faut débarrasser les «slums» de la ville. Les anciennes habitations de bois ternissent l’image de Bangkok et risquent de faire baisser le tourisme. Les communautés qui ont fourni la ville en main d’œuvre, pratiqué le commerce et participé à son développement sont aujourd’hui délaissées car elles ne correspondent plus à la ville «contemporaine» et à l’image «carte postale» que souhaite le gouvernement.

Actuellement menacés par le gouvernement, les habitats spontanés sont accusés de ternir l’image attractive de la ville de Bangkok. Ils sont pourtant, comme le dit Fanny Gerbeaud «un patrimoine populaire à préserver». Les personnes qui vivent sur ces territoires y sont depuis plusieurs générations. Attachées à leur histoire, elles se battent pour 1 GERBEAUD Fanny «L’habitat spontané comme un outil de développement urbain. Le cas de Bangkok». Revue Moussons, 2011.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(13)

rester malgré les nombreux conflits avec le gouvernement. Quel est leur futur?

Le bidonville ou «community» (terme utilisé à Bangkok) est défini, par le Programme des Nations Unies pour les Établissements Humains, comme la partie défavorisée d’une ville et caractérisé par des logements très insalubres. Ce terme évoque «les conditions d’une communauté la plus démunie, la plus négligée, la plus malheureuse et en manque de ressources que l’on puisse trouver. Mais lorsque l’on découvre ces communautés, ce n’est pas ce que l’on constate».2 Lorsque l’on parle d’architecture spontanée,

certains pensent à un amas de matériaux assemblés sans réflexion afin de former des habitats. Leur erreur est certaine. Le bidonville est un système organisé.

Les habitats informels sont aujourd’hui un paramètre à prendre en compte dans la fabrique de la ville. Auparavant perçus comme une nuisance, ils participent aujourd’hui à l’économie des villes. La dimension de ces quartiers a pris une telle ampleur que nous devons les intégrer dans le tissu urbain. On assiste aujourd’hui, avec cette nouvelle forme d’architecture, à la naissance d’environnements urbains sur un temps très court.

L’émergence très rapide de ces habitats, de ces morceaux de villes est une des raisons de son aspect incontrôlable. Un bidonville évolue sans cesse, de par sa grande liberté, son refus des normes et des limites. Il est entièrement auto-construit et « c’est le manque absolue de technique qui en fait sa qualité » affirme Christophe Hutin 3.

Les habitats spontanés sont davantage un fait subi que décidé. Les habitants, de par leur situation sociale et économique conçoivent et bâtissent sans aucune intervention professionnelle, architecturale ou technique. De ce fait, un habitat spontané est unique, il est propre à la famille qui l’a construit. Les bidonvilles, communautés ou habitats spontanés intriguent et fascinent, de par leur forme, leurs couleurs, leur indéniable organisation dans le désordre. Leur irrégularité attire, car malgré une apparente fragilité, ces habitats durent!

L’architecture spontanée est indissociable de la ville de Bangkok. Chaque nouveau projet gouvernemental se complète d’habitats spontanés. Ils s’adaptent à chaque transformation urbaine, se reforment et se densifient. 2 Extrait du film «Bidonvilles : Architectures de la ville future», réalisé par Jean-Ni-colas ORHON, Canada, 2013.

3 HUTIN Cristophe «Enseignement de Soweto», 2009.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(14)

C’est «un processus incrémentiel issu de l’appropriation»4.

Au fur et à mesure de l’urbanisation, le béton a remplacé l’eau et les habitations de bois ont laissé place aux tours vertigineuses.

Aujourd’hui, l’eau reste tout de même utilisée de multiples façons. On observe de nombreuses barges tractés par des remorqueurs pour le transport de marchandises. Le flux des bateaux bus ou Chao Praya Express est ininterrompu tout au long de la semaine, il est un moyen de transport très utilisé lors des embouteillages journaliers. Enfin, les petits commerces possèdent chacun des bateaux qui leur permettent de vendre et de transporter les marchandises de part et d’autre du fleuve. L’eau fait partie de l’identité de la ville. La ville contemporaine doit à nouveau se poser des questions à propos de ce patrimoine fluvial qu’elle a un peu oublié. Au bord du fleuve et des canaux on peut voir des architectures très disparates. De coquettes maisons, sur pilotis, voisinent des cabanes de tôle. Au loin, les buildings tentent de s’élever toujours plus haut dans le ciel.

«Ce sont les pratiques urbaines qui créé le lien dans toute cette diversité», insiste Fanny Gerbeaud.

Comme nous l’avons vu, l’habitat spontané appartient à l’histoire de Bangkok alors pour quelle raison le gouvernement souhaite-t-il l’anéantir pour des architectures plus normalisées, génériques? Est-ce stopper ou vouloir ralentir l’évolution de Bangkok que de protéger ces communautés? La richesse de Bangkok provient de la mixité entre quartiers «traditionnels» (Chinatown, Saphan Kwai) et quartiers «nouveaux», comme Siam, temple de la consommation. Mais comme chaque pays en voie de développement, la priorité est donnée à ce qui rapporte le plus dans un futur proche, et la Thaïlande préfère miser sur le tourisme plutôt que sur la préservation de son patrimoine.

«En Thaïlande, la conservation patrimoniale a longtemps concerné les constructions religieuses ou royales mais recense depuis peu des compartiments chinois et des constructions du mouvement moderne. L’élargissement à la sphère privée du patrimoine enregistré peut représenter une opportunité pour l’habitat spontané, le cas de Sam Chuk est en cela exemplaire. Avec son artisanat local, son patrimoine architectural et ses traditions, Sam Chuk est un réel succès touristique pour les citadins qui 4 GERBEAUD Fanny «L’habitat spontané comme un outil de développement urbain. Le cas de Bangkok». Revue Moussons, 2011.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(15)

viennent s’y promener et y faire leurs achats le week-end.»5

On peut voir dans cet extrait que le tourisme et la préservation ne sont pas antinomiques.

Mais quelle est la place de l’architecte dans l’architecture spontanée? Peut-il quitter son rôle pour endosser celui «de l’activiste militant»? Bangkok a plusieurs communautés historiques qui se sont implantées dans le centre lors de la formation de la ville, comme la «Klong Toey community» ou la «Pom Mahakan community». A travers l’étude du mode de vie de la communauté Ban Yuan Samsen nous allons analyser la structure de l’habitat, la façon dont il est fabriqué et «pratiqué». Quelle est l’origine de cette communauté et les raisons de son implantation dans la ville de Bangkok. Comment cette communauté est-elle intégrée dans la ville? A partir de l’organisation urbaine de cette communauté, plusieurs questions émergent : comment la rue est-elle utilisée? Quels sont les différents espaces publics?

Le terme patrimoine est différent dans chaque culture. En France, il signifie conserver des quartiers entiers, des morceaux de ville. En Asie, et notamment en Thaïlande, c’est le savoir qui est conservé, puis transmis au futures générations. Le bâtiment peut être détruit, tant que la technique perdure. Peut-on vraiment imposer notre vision de la préservation à Bangkok?

Ainsi nous tenterons de décrypter comment peut être préservée la communauté Ban Yuan Samsen à travers l’étude de son organisation interne, de son rapport à la ville de Bangkok, et de son architecture. Puis nous essaierons de questionner le patrimoine à Bangkok et ce qui fait patrimoine, et enfin nous essaierons de déterminer comment la préservation de la communauté peut s’associer au plan de développement de la ville de Bangkok.

5 GERBEAUD Fanny «L’habitat spontané comme un outil de développement urbain. Le cas de Bangkok». Revue Moussons, 2011.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(16)

Photographie @Tam Chananum

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(17)

16 bangkok CAMBODGE LAOS VIETNAM

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(18)

VIETNAM

PRÉMICES

Pour comprendre la ville de Bangkok au 21ème siècle, il faut comprendre son histoire et la formation de cette mégalopole. La Thaïlande est un des seul pays de l’Asie du Sud-Est qui n’a jamais été colonisé.

Bangkok est donc préservée de l’influence occidentale jusqu’à la première moitié du XIXème siècle.

C’est une ville située dans la région méridionale du pays. Elle s’est établie au XVIIIème siècle, en 1782 à une trentaine de kilomètres du delta du

Chao Praya. Construite sur l’eau, elle s’enfonce dans le sol de plusieurs centimètres par an. Une des théories sur le nom de la ville de Bangkok explique qu’en fait le nom d’origine serait «Bang-ko», c’est à dire le village composé de plusieurs îles. Cette cité a donc entretenu un lien très fort avec l’eau depuis sa création.

En 1931, les différentes cartes représentent la ville avec une périphérie encore peu urbanisée. Il y a encore de nombreux jardins, et des terres arables tout autour de la ville. Thonburi se développe (en face, sur l’autre rive) mais il n’existe toujours pas de pont entre les deux rives.

La ville commence tout de même à s’étendre et gagne petit à petit les terres agricoles. Les maisons en bois cèdent la place aux banques, magasins et hôtels. La lente mort des khlongs est annoncée.

Dans les années 80, la ville se développe très rapidement. Elle absorbe toutes les villes moyennes. A l’époque, Bangkok est 22 fois plus grande que la 2ème grande ville du pays: Chiang Mai. La concentration est disproportionnée entre la capitale et les villes de province.

Les axes importants de la ville contemporaine ont repris la direction des anciens canaux, disposés en éventail, car dessinés perpendiculairement à la rive du fleuve. Le tissu urbain est donc irrégulier, il ne suit pas un schéma orthogonal comme de nombreuses villes nouvelles.

Le processus d’urbanisation est assez homogène, la ville se développe de façon tentaculaire mais sans réelle organisation globale. La vitesse de développement fait exploser le prix des terrains. Les règles d’urbanisme ne sont pas respectées. C’est la loi du marché.

Il en résulte une ville hétérogène, les quartiers contemporains composés de grattes-ciel sont accolés à des quartiers plus résidentiels et des bidonvilles.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(19)

Bangkok - 17ème siècle Bangkok - 1888

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(20)

Bangkok - 1922 Bangkok - 1990

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(21)

Langue officielle : Thaï Monnaie : Baht Capitale : Bangkok Superficie : 514 000 km2

CARTE DE VISITE : LE ROYAUME DE THAÏLANDE

Forme de l’Etat : Monarchie constitutionnelle Roi : Rama X

Premier Ministre : Prayut Chan-o-cha Population : 68 229 099 habitants

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(22)

La Thaïlande devient une monarchie constitutionnelle en 1932. Depuis, l’équilibre entre le pouvoir royal, l’armée et le camp démocratique reste précaire, et ce sont ainsi pas moins de 20 coups d’État qui ont été tentés ou réussis par les forces armées.

--> D’une façon générale, au cours des années 2000 et 2010, un camp dénommé les « chemises jaunes » s’oppose aux « chemises rouges ». Les premières rassemblent surtout une élite urbaine, conservatrice, hostile à la démocratie dite “à l’occidentale” et fervente partisane de la monarchie. Elles soutiennent le Parti démocrate et l’armée. Les secondes représentent essentiellement les classes les moins aisées, séduites par les mesures de lutte contre la pauvreté. Favorables au maintien de la démocratie et de moins en moins favorables à la monarchie, elles soutiennent le parti Thai rak Thai, devenu en 2008 le Pheu Thai dominé par la famille Shinawatra et qui remporte toutes les élections depuis 2001.

Les luttes entre les « jaunes » et les « rouges » bloquent le pays et en particulier Bangkok, pendant plusieurs mois en 2010 et entre 2013 et 2015, avec de très fortes manifestations de rue et des démonstrations de violences.

--> En juillet 2011, la sœur cadette de Thaksin, fondateur du parti Thai-rak Thai, Yingluck Shinawatra, a été élue Premier Ministre avec une majorité écrasante. Elle a été destituée le 7 mai 2014 par la Cour constitutionnelle de Thaïlande, sous la pression de la junte militaire dirigée par le général Prayuth Chan-o-cha.

--> Le 20 mai 2014, l’armée instaure la loi martiale et la censure sur le territoire thaïlandais. Le coup d’État intervient le 22 mai par la voix du général Prayuth Chan-o-cha, lorsqu’il annonce que les forces armées prennent le pouvoir afin de « restaurer l’ordre et lancer des réformes ». --> Les 20 coups d’État qui ont frappé la Thaïlande depuis la Révolution de 1932 qui avait instauré la démocratie, ont permis à la royauté de reprendre une grande part de son pouvoir perdu. La mesure la plus significative a été la restauration du « crime de lèse-majesté », lequel permet au pouvoir de condamner un opposant politique, un journaliste, ou quiconque, sur la simple accusation d’atteinte à l’image du roi ou de son entourage. Toute critique à l’égard du Chef du gouvernement auto-proclamé Prayuth Chan-o-cha, de sa politique ou de ses proches est considérée, par ricochet, comme une atteinte au roi, et est punissable de 3 à 15 ans de prison.

La dictature au pouvoir organise aujourd’hui une lutte acharnée et féroce à toute forme d’opposition, et a déjà bloqué des milliers de sites internet sur son territoire.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(23)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(24)

I - LA COMMUNAUTÉ BAN YUAN SAMSEN

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(25)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(26)

1/ orgAnisAtion

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(27)

16 août 2015

Quelques jours seulement après mon arrivée à Bangkok, je décide d’aller visiter le quartier de Chinatown. Très difficile d’accès par la route, le plus simple est d’emprunter le Chao Praya Express. C’est un bateau-bus qui sillonne le fleuve et permet de relier les deux rives sans traverser les ponts, bondés de voitures.

Me voilà partie au port Kiak Kai, le plus proche de chez moi. Celui-ci est déjà dépaysant. Deux petits restaurants sur pilotis surplombent le Chao Praya, et manquent de s’effondrer dans l’eau trouble. Plusieurs personnes attendent aussi le bateau. Cela me rassure, ils vont pouvoir me guider. Ils semblent jeter quelques chose dans l’eau. Je m’approche alors et ce que j’aperçois me dégoûte profondément. Des sacs de pain de mie entier sont lancés dans le fleuve. Des centaines et des centaines de poissons obèses remontent à la surface, attirés par la nourriture grasse et bon marché. Ceux-ci sautent et se débattent pour en gober le plus. Je n’en ai jamais vu autant, l’eau disparaît sous la masse argentée qui semble danser sous mes yeux. Après plusieurs minutes à observer ce spectacle, le bruit du bateau se fait entendre. Les moines sont les premiers à débarquer, suivis des autres passagers puis un vif coup de sifflet nous appelle à monter.

Une dame secouant une boite pleine de pièces s’approche de moi, je lui donne alors quelques bahts, pour acheter mon ticket. Les transport en commun sont très bon marché ici. Le bateau démarre et je découvre un autre visage de Bangkok.

Une véritable façade se déroule devant mes yeux. La ville semble tournée vers le fleuve. De nombreuses terrasses, restaurants et habitations sont orientés vers la berge. Après plusieurs arrêts, nous passons sous le pont Krung Thon Bridge. Je découvre alors la communauté Ban Yuan Samsen.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(28)

De nombreuses maisons en bois sur pilotis sont agglutinées le long de la berge. Ce qui me frappe en premier ce sont les nombreuses couleurs des habitations. Elles forment un ensemble harmonieux et très attirant pour un œil étranger. Je prends sur le vif quelques photos et je me promets de revenir ici visiter les lieux si possible. Je n’ai encore jamais vu ce genre d’habitation dans la ville. Mon quartier est essentiellement composé de petits immeubles avec au rez-de-chaussé un commerce et des habitations dans les étages supérieurs (appelés shophouse ou compartiment chinois). Il y a aussi ce qu’on appelle des condominiums, soit une tour d’habitation assez luxueuse de plusieurs dizaines d’étages.

Je visite Chinatown en quelques heures, l’affluence me fatigue un peu et je décide de rentrer. Au retour, je ne peux m’empêcher d’observer plus attentivement les habitations qui m’ont tant marquée. Je remarque alors que malgré une apparente beauté, ces architectures sont bancales et incroyablement fragiles. Il doit s’agir d’un des bidonvilles de Bangkok. Comme échouées sur la rive par hasard, les baraques de bois s’effacent aux côtés de temples dorés et majestueux.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(29)

Imagerie ©2017 , CNES / Airbus, DigitalGlobeSignaler une erreur cartographique

Communauté Ban Yuan Samsen

Ancienne muraille

Grand Palais Pont Krung Thon

Chinatown

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(30)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(31)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(32)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(33)

Thonburi

Wat pho Wat Rakangkositaram

Wat Arun Communautés

Chinoises Ban Yuan Samsen

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(34)

a) Histoire de la communauté

/ Le spontané dans la ville de Bangkok

Après cette découverte, je me renseigne sur ce lieu. Il s’agit bien d’un bidonville, aussi couramment appelé «communauté». Ces formations architecturales spontanées sont nombreuses à Bangkok. Le terme «spontané» est préféré au terme «informel», ou irrégulier, car il présente l’architecture d’après son processus constructif et non d’après son statut illégal. Fanny Gerbeaud en différencie trois types : le spontané pur, le spontané ancien, le spontané greffé.1

Le spontané pur «caractérise tous les ensembles spontanés qui n’ont pas ou peu subi d’intervention de rénovation par les autorités.» Il concerne les ensembles d’habitations précaires qui se sont insérés dans les vides de la ville.

Ils sont reconnaissables par les citadins, par l’étroitesse des circulations et par une entrée marquée, qui dissuade souvent les visiteurs d’y pénétrer. Dans plusieurs ensembles spontanés purs, des incendies se sont déclarés. Le gouvernement a alors versé à chaque habitant une aide publique afin de rebâtir son habitation. Ces espaces, construits à partir de matériaux de récupération, se sont alors peu à peu agrandis et consolidés jusqu’à se fondre dans l’esthétique des quartiers voisins. Ils s’ouvrent petit à petit à d’autres populations, notamment aux classes moyennes.

«Les ensembles anciens remontent à la création de Bangkok.» Ce sont d’anciennes communautés marchandes implantées le long des canaux qui se sont développées avec le commerce et les services. L’irrégularité de leur situation rend difficile l’entretien des constructions anciennes. L’apparition de nouveaux modes constructifs attirent de plus en plus les nouvelles familles qui s’ajoutent à la communauté. Les architectures traditionnelles, en bois, se dégradent alors avec la densification et la subdivision des espaces. Construits sur des terrains publics (appartenant au Roi), la question de la régularisation de leur situation soulève le manque d’intérêt du gouvernement envers le patrimoine culturel des communautés.

Le spontané greffé correspond aux ajouts spontanés que l’on observe 1 GERBEAUD Fanny «L’habitat spontané comme un outil de développement urbain. Le cas de Bangkok.» Revue Mousson, 2011.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(35)

Thonburi Bangkok Communautés Chinoises Ban Yuan Samsen

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(36)

beaucoup dans les logements sociaux du NHA (National Housing Administration) mais qui sont aussi visibles sur des immeubles du marché courant. Dans les années 60, une politique contre le mal logement a été lancée par le gouvernement. Ainsi de nombreux ensembles spontanés ont été régularisés et des logements sociaux ont été construits massivement.

La communauté Ban Yuan Samsen correspond à un ensemble spontané ancien. Celle-ci existe en effet bien avant que Bangkok ne soit la capitale de la Thaïlande. Au XVIIème siècle, lors de la période du Royaume

d’Ayutthaya, de nombreux Vietnamiens immigrent en Thaïlande après avoir subi des persécutions en raison de leur croyance chrétienne. La «Ban Yuan Samsen community» est issue de ces migrations. En thaï, le terme Ban ou Baan signifie «village» et Yuan correspond à «Vietnam». A cette époque, Bangkok n’existe pas encore. Afin de réduire les distances causées par un coude naturel du Chao Praya, le Roi Chairachathirat d’Ayutthaya ordonne la création en 1636 d’un nouveau «klong» de petite taille. Le tracé du fleuve est profondément modifié afin d’accélérer les trajets des bateaux sillonnant le Chao Praya. Bangkok, située le long d’un de ces khlongs est alors un petit village de pêcheurs. Ces modifications attirent de nouveaux habitants et l’on voit apparaître les premières communautés concentrées en bordure de canal, dont la communauté Ban Yuan.

// Formation de la communauté

Lors de sa formation en 1782, la ville est organisée par les différentes voies d’eau qui la compose : le fleuve du Chao Praya, les rivières qui le rejoignent et les canaux (khlongs), creusés au fur et à mesure de l’extension urbaine. La ville est close et concentrée, conçue suivant l’exemple d’Ayutthaya. Le premier noyau de la ville est composé de deux palais principaux, d’une série de palais secondaires et de pagodes, cernés par un canal et le fleuve. Les communautés chinoises qui s’étaient implantées à l’emplacement du palais sont rejetées au Sud, à l’emplacement de l’actuel «Chinatown». En 1797, la ville est donc de forme ovale, et traversée par deux canaux perpendiculaires. C’est l’île Rattanakosin, le quartier actuel du Palais royal. Elle est fortement liée au pouvoir de la dynastie Chakkri. Elle est réservé aux moines, à la famille royale, et aux familles puissantes qui gèrent le royaume. Une muraille encadre la ville et exclut les courtisans et religieux du peuple qui vit à l’extérieur. La communauté

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(37)

36

http://moussons.revues.org/757 2/15

Des voies contrastées

Dans le Bangkok d’aujourd’hui, les voitures vont aussi vite sur l’autoroute que les péniches sur la rivière Chao Phraya. Il y a dix millions d’habitants et un réseau urbain aussi emmêlé que trois bols de nouilles réunis3. [Win]4

Fig. 1

©Pierre Pichard

Fig. 2

De grandes avenues, des soi en impasse, des voies rapides qui surplombent le tout, le réseau urbain de la capitale semble en effet bien emmêlé. Mais si l’on considère l’histoire de la formation de ce réseau, une certaine logique apparaît. En effet, la ville était depuis sa fondation en 1782 construite à partir des voies d’eau que sont le fleuve Chao Phraya,

les rivières qui le rejoignent et les khlong2 creusés au fur et à mesure de l’extension

urbaine. Toute la vie de la cité est alors structurée par ce réseau fluvial. Les habitations, ateliers, fermes, temples sont construits sur les berges des rivières aménagées et des canaux. Derrière les bâtiments, des chemins serpentent dans les rizières et les vergers (fig. 1).

4

Dès le 跉ꁳ跉e siècle, la ville s’étend bien au­delà de l’îlot historique de Rattanokosin et le

tissu urbain s’intensifie. Des avenues sont percées entre les canaux et de nouvelles zones de commerce et de services se développent le long de ces axes routiers. Les chemins de rizières sont alors transformés en ruelles où fleurissent lotissements et petits immeubles (fig. 2).

5

Illustration de Pierre Pichard

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(38)

Ban Yuan Samsen est un des nombreux villages construit au delà de l’île Rattanakosin.

Les canaux jouent un rôle de protection et de communication. Bangkok étant située presque au niveau de la mer, elle est très sujette aux inondations. Ils permettent ainsi d’évacuer le trop plein d’eau hors de la ville et de le déverser dans les rizières et les territoires agricoles.

«La vie de la cité est structurée par ce réseau fluvial»2. Les habitations,

fermes, temples, commerces sont construits le long des berges des canaux et du fleuve. Tout autour, des chemins serpentent entre les rizières et les vergers. L’habitat thaï est donc historiquement très lié à l’eau et aux canaux. Vivre sur la terre ferme est considéré à l’époque comme un privilège réservé aux nobles et aux moines. Il faut en effet remblayer les parcelles puisque la ville est construite sur les marécages du delta. L’architecture est vue comme une représentation du pouvoir. Les habitations de teck et de bambou se placent naturellement sur les berges des voies d’eau. Cet emplacement est stratégique pour développer le commerce, transporter les marchandises et les habitants.

La ville est peu étendue, les territoires agricoles et les jardins occupent une place très important dans le delta du Chao Praya. A cette époque, on ne circule qu’en bateau. Les bâtiments importants sont donc construits sur les berges car les matériaux sont transportés sur l’eau.

La structure des habitations de la communauté prend en compte les risques liés à l’eau et à la nature parfois hostile. Les pilotis permettent de se protéger des inondations, des mammifères et des reptiles. L’eau permet de développer les activités de pêche et de commerce et permet d’irriguer les rizières et plantations situées derrière les bâtiments. Le Khlong sert de voie de circulation, de lieu de pêche et de baignade, de salle de bain, de lavoir, d’égouts ... Il n’y a pas de centre ni de périphérie, les constructions sont disposées de façon linéaire.

La communauté Ban Yuan Samsen est composée de quelques maisons de bois. Petit à petit, le village grossit et une église est construite : la Immaculate Conception Church. En 1851, le roi Rama IV leur donne des terres afin de construire une nouvelle église : St. Francis Xavier Church. La communauté compte alors de plus en plus d’habitants.

2 GERBEAUD Fanny «L’habitat spontané comme un outil de développement urbain. Le cas de Bangkok». Revue Moussons, 2011.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(39)

11/02/2017 Le tout et son contraire : une lecture de Bangkok

http://moussons.revues.org/757 3/15

©Pierre Pichard

Fig. 3

©Pierre Pichard

À partir des années 1950, le processus s’accélère. Tout naturellement, le réseau routier se développe et de plus en plus de bâtiments sont construits. Ceci explique que de nombreux soi finissent en impasse arrêtés par les khlong et qu’il n’y ait pas de jonction entre eux. Au bout de certaines de ces ruelles, les plus larges généralement, un pont est construit sur le canal, ce qui permet la communication avec le quartier voisin (fig. 3).

6

Ainsi la « Venise d’Orient » s’est transformée en la mégapole actuelle. Cependant, aujourd’hui encore, le fleuve reste une voie de communication fort utilisée pour les marchandises. De longs convois de barges tirées par des remorqueurs témoignent de l’activité fluviale. Une ligne de bateaux bus (Chao Phraya Express) est très appréciée par ceux qui veulent échapper aux embouteillages de la capitale. Les khlong sont

7

Illustration de Pierre Pichard

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(40)

///Intégration de la communauté dans le tissu urbain

Au XIXeme siècle, la ville se développe au delà de l’île de Rattanakosin et le

tissu urbain devient plus dense. Il est alors nécessaire de construire entre les voies d’eau. Les chemins de terre se bâtissent et des petits immeubles apparaissent, ils forment les soi3 actuels. Des avenues sont tracées entre

les canaux, à l’origine de la ville que l’on connait. De nouvelles zones de commerces et de services se développent le long de ces nouveaux axes routiers. C’est ainsi que la communauté Ban Yuan Samsen se retrouve intégrée à la ville. Elle se situe dans le proche centre historique. Le territoire rural dans lequel elle s’était implantée est maintenant le centre-ville de la capitale du Royaume. Elle ne peut plus s’étendre au delà du périmètre déjà construit. La communauté doit s’adapter à son nouvel environnement. Elle est contrainte de construire sur l’eau, ce qui force les nouveaux arrivants à vivre dans l’illégalité. En effet, le droit municipal interdit à quiconque de résider sur le fleuve.

Aujourd’hui, on distingue par l’architecture ce qui est bâti sur le sol et ce qui est construit sur pilotis (au dessus de l’eau). Pourtant, à l’origine, les différentes habitations appartenaient à la même communauté.

La communauté est confrontée de par son histoire aux changements et évolutions permanents de son environnement, donc de sa forme bâtie et sociale. A l’image d’une ville dans la ville, la population de la communauté évolue, mais son territoire est restreint. La communauté se densifie alors et s’adapte pour répondre aux nouvelles contraintes. L’architecture des habitations en bois est conservée tout au long de l’évolution de la communauté. Le savoir est transmis aux nouvelles générations. Ainsi les maisons sont consolidées, ou rebâties en suivant les règles traditionnelles des habitats thaïs.

On ne peut donc pas réellement dater les habitations car elle sont sans cesse rénovées. Chaque habitation évolue avec ses habitants et les différentes générations des familles qui y habitent.

//// Disparition progressive des communautés

En 1954, le Krung Thon Bridge est construit. Il permet de relier le quartier de Ban Yuan Samsen à Thonburi, de l’autre côté du Chao Praya. La communauté est alors totalement envahie par la circulation automobile. La pollution de l’air augmente et les conditions de vie 3 Les Soi (en thaï) caractérisent les petites rues perpendiculaires aux Thanon (l’équi-valent d’avenues en Français).

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(41)

40

http://moussons.revues.org/757 3/15

©Pierre Pichard

Fig. 3

©Pierre Pichard

À partir des années 1950, le processus s’accélère. Tout naturellement, le réseau routier se développe et de plus en plus de bâtiments sont construits. Ceci explique que de nombreux soi finissent en impasse arrêtés par les khlong et qu’il n’y ait pas de jonction entre eux. Au bout de certaines de ces ruelles, les plus larges généralement, un pont est construit sur le canal, ce qui permet la communication avec le quartier voisin (fig. 3).

6

Ainsi la « Venise d’Orient » s’est transformée en la mégapole actuelle. Cependant, aujourd’hui encore, le fleuve reste une voie de communication fort utilisée pour les marchandises. De longs convois de barges tirées par des remorqueurs témoignent de

l’activité fluviale. Une ligne de bateaux bus (Chao Phraya Express) est très appréciée

par ceux qui veulent échapper aux embouteillages de la capitale. Les khlong sont

7

Illustration de Pierre Pichard

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(42)

deviennent de plus en plus difficiles. Naturellement, les pôles d’échanges et de commerce se déplacent du réseau fluvial au réseau routier.

Finalement, l’urbanisation de la ville explose dans les années 80 et il est aujourd’hui difficile de lire la ville à partir de ses canaux car ces derniers ont disparu sous le béton. Le développement incontrôlé de la ville a laissé place à une politique trop libérale. Aujourd’hui il n’y a pas de limite pour construire si on a des fonds financiers suffisants. Les tours les plus hautes se construisent, comme dans de nombreuses métropoles Asiatiques. Bangkok compte actuellement 10 millions d’habitants et 18 millions dans son agglomération.

Lorsque l’on découvre Bangkok, les premiers mots qui la caractérisent sont «bruyant», «sale», «désorganisée». Pourtant lorsque l’on y habite, on peut y voir une certaine logique. Et l’histoire de la formation rend encore plus compréhensible la ville d’aujourd’hui. Le quartier de Ban Yuan Samsen exprime très visiblement ce développement instantané. En très peu de temps, la communauté s’est retrouvée encerclée de toutes parts. Elle a malgré tout conservé son mode de vie communautaire et entretenu son patrimoine architectural, bien que les modes de vie aient nécessairement évolué.

On peut alors parler d’architecture vernaculaire. Ce terme caractérise ce qui est indigène, natif, propre à un pays et ses habitants. «Les bâtiments vernaculaires ne sont pas construits par l’architecte mais par la société, en relation avec son environnement naturel, au-delà des générations.» Cette définition de Krisprantono (2003), relayé par Noha Goel dans «The Urban Vernacular» définit totalement Ban Yuan Samsen. Malgré les changements notables qui ont transformé l’environnement de la communauté, celle-ci a su maintenir le village et son architecture. «The end product of vernacular buildings is therefore, the meeting of local needs by means of local beliefs, nature, local materials and social interaction. These needs relate to their environment, to their respective economies and occupations, to their inheritances and their aspirations and to their relationships with other social groups.»

Lorsque Noha Goel4 essaie de définir succinctement ce qu’est

l’architecture vernaculaire, un autre enjeu entre en considération. La notion de groupement, de collectif. En effet, les liens entre les habitants ont une influence directe sur l’organisation spatiale de la communauté. 4 GOEL Noha extrait de «Squatter settlement : The urban vernacular?», 2010.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(43)

Dans ces espaces, l’intimité et les espaces publics, les transitions et seuils sont extrêmement subtils et empreints de codes. C’est par le rassemblement des savoirs, des croyances, des besoins, que naît une communauté. Celle-ci créé sa propre économie au sein du groupe et c’est ce qui a permis la résistance de la communauté jusqu’à aujourd’hui.

b) La place de la communauté dans la ville

/ Qu’est-ce qu’une communauté aujourd’hui à Bangkok?

Il est intéressant d’étudier le vocabulaire utilisé par les thaïs pour décrire ses quartiers informels. De «slum» qui signifie bidonville en anglais, le langage a évolué à «salam» en thaï puis à «chumchon» qui signifie communauté. En 1960, le terme chumchon était utilisé pour «un groupe de personnes résidant sur un même territoire et ayant des intérêts communs». Il y a donc l’idée de village, de culture communautaire. On peut donc voir la communauté informelle comme un retour aux racines. Il existe un lien très fort entre l’habitat spontané et la culture du spontané dans la ville.

En effet les petits commerces ou certains métiers qui ont disparu dans les pays occidentaux perdurent en Thaïlande. Les services de proximité représentent une part importante de l’économie de la ville. Les thaïs entretiennent un grand nombre d’activités informelles (moto-taxi, vendeur ambulants, vente sur le trottoir, cirage de chaussures, rapiècement des vêtements...). Ces commerçants ne sont pas liés à une forme architecturale fixe5. Au contraire il y a une grande liberté

et évolutivité de ce genre de commerce. Parfois il s’’agit de commerces ambulants , le stand se transforme, se déploie et évolue à l’image des habitations des communautés. Ces activités commerciales informelles participent à la vie du quartier. Il en est de même pour les quartiers informels. Si la communauté Ban Yuan Samsen pouvait vivre en autosuffisance lors de sa création, aujourd’hui les modes de vie sont intrinsèquement liés à la ville de Bangkok. Il serait néanmoins faux de prétendre que tous les habitants travaillent dans des secteurs informels. C’est justement cette «cohabitation au sein des slums des travailleurs des secteurs d’activités officielles et du secteur informel6» qui crée cette

5 BOONTHARM Davisi dans «Bangkok, Formes du commerce et évolution urbaine», 2002.

6 BAFFIE Jean « Les Slums de Bangkok, dynamisme et précarité», 1987.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(44)

richesse. Jean Baffie a réalisé plusieurs études de cas sur les communautés de Klong Toei (60 000 habitants) et Ban Khrua. Sa conclusion est claire: «Les employés modestes, les petits commerçants du secteur officiel ne semblent pas systématiquement jouir d’avantage décisif, tant en terme de revenu que de statut social.»

//Un quartier dans la ville

La communauté est historiquement auto-centrée puisqu’elle est composée d’immigrés vietnamiens ayant fui leur pays. Avec la pratique de la pêche et la production de fruits et légumes elle était, lors de sa création, auto-suffisante. Pourtant, lorsque la ville se développe jusqu’à l’intégrer dans sa forme urbaine, son mode de fonctionnement est forcé d’évoluer. Pour ne pas disparaître, la communauté va tisser de nombreux liens avec la ville de Bangkok. Aujourd’hui, la forme du bâti interpelle mais la communauté est bien intégrée à la capitale thaïlandaise.

«Les communautés en bordure de canaux dissimulent, derrière leurs juxtaposition d’architectures éclectiques, de réelles interactions spatiales et économiques avec le quartier.»7

On ne peut pas réellement définir où s’arrête la communauté et où commencent les autres quartiers. Chaque habitant a son propre réseau d’influence et de connaissances, de lieux qu’il fréquente quotidiennement. (voir cartes sensibles en annexe).

Considérer la communauté comme un espace à part entière est une erreur dans le sens où ce n’est pas réellement un espace fermé et isolé. Celui-ci évolue sans cesse et est connecté depuis plusieurs générations à la ville. Elle se différencie néanmoins des autres quartiers plus contemporains par son maintien des traditions anciennes héritées mais qui ont évolué avec les habitants.

Ainsi Jean Baffie insiste sur la dépendance des communautés et de la ville de Bangkok : «Loin d’être seulement des bidonvilles marginalisés, les slums sont d’abord pour la plupart des quartiers bien vivants, ayant souvent leur spécificité, quant aux activités qui les sous-tendent, les animent, quant aux groupes, voire aux ethnies qui les composent. Ils sont souvent le témoin d’une intégration particulière des villages urbains et des ruraux émigrés dans les structures spatiales et économiques de la ville moderne.»

7 GERBEAUD Fanny extrait de «L’habitat spontané comme un outil de développement urbain. Le cas de Bangkok.», 2011.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(45)

Les connexions à la ville se matérialisent par l’influence de la communauté sur la ville. Par exemple tous les dimanche matin, un marché s’installe dans le soi 13 à l’entrée de la communauté et attirent les familles alentours. De nombreux habitants de la communauté travaillent aussi comme chauffeur de moto-taxi ou de tuk-tuk, ils permettent ainsi aux habitants de tous les quartiers à proximité de se déplacer ou de transporter des marchandises. A l’inverse, la ville apporte aussi ses services. La communauté est en effet desservie par les réseaux publics. /// Les réseaux

J’ai d’ailleurs été étonnée (par naïveté sans doute) lors de ma première visite dans la communauté de voir que les maisons ont chacune un numéro, une boite aux lettres.

La communauté hiérarchise donc ses rues et ruelles, impasses, et attribue à chaque habitation un numéro qui lui permet de recevoir du courrier comme les autres habitations de la ville.

Elles sont toutes reliées au réseau d’électricité, parfois de manière précaire. Sur les toits de nombreuses maisons se détachent les silhouettes des antennes de télévision. J’ai pu apercevoir ordinateurs et autres appareils électroniques dans de nombreuses maisons.

Néanmoins, l’hygiène reste un problème majeur : l’accès à l’eau reste difficile. Il existe souvent un espace commun (à une grande famille) pour laver la vaisselle et le linge. Toutes les eaux usées sont déversées dans le Chao Praya (directement sous les habitations). Cela pose des gros problèmes environnementaux. Les eaux deviennent de plus en plus polluées et les déchets s’amoncellent sous les pilotis.

Un bateau-poubelle passe chaque semaine pour récupérer les déchets par le Chao Praya mais cela n’empêche pas les habitants de se servir du fleuve comme décharge.

La jacinthe d’eau, une plante très invasive importée d’Europe par la famille royale pollue également les eaux de tout le pays, cela bloque la circulation des bateaux et les plantes se bloquent sous les pilotis.

La forte densification de la communauté, due à son enclavement lors de l’expansion de la ville, entraine des problèmes de raccordements aux réseaux d’eau, d’électricité, d’égouts. La pollution est un problème majeur dont souffre la communauté, et qui la fragilise encore plus.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(46)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(47)

19 septembre 2015

Le lendemain de ma promenade en bateau, je demande à plusieurs amis thaïs s’ils peuvent me renseigner sur ce lieu, ce village un peu particulier, ce «slum» d’après eux. On me guide alors jusqu’à Tam Chananun (une étudiante en dernière année) qui semble s’y intéresser pour sa «thesis», l’équivalent du PFE français. Il s’agit apparemment d’un bidonville vieux de plusieurs centaines d’années, formés de différentes familles ayant immigré d’Ayutthaya jusqu’à Bangkok. Ce n’est pas prudent de s’y promener seule, surtout en tant que touriste et fille qui plus est. Mais elle projette d’y aller pour faire des relevés et me propose de l’accompagner. Noé, un étudiant bordelais en mobilité à Bangkok souhaite aussi participer à l’expédition.

20 octobre 2015

Ce quartier est en grande majorité constitué d’habitations et je ne peux m’empêcher de me sentir un peu gênée de vouloir y pénétrer. Je me sens un peu comme une étrangère qui pénètre un territoire interdit, même si je souhaite respecter l’intimité des habitants. Cette sorte de fascination que je ressens pour ce quartier pourrait facilement être mal interprété. J’emporte mon appareil photo mais je le glisse dans mon sac pour ne pas paraître trop intrusive. Je me sens plus légitime à pénétrer dans l’univers de ces habitants aux côtés de Tam, qui va pouvoir communiquer et expliquer notre démarche. Après avoir revêtu une tenue discrète et m’être débarrassée de tout accessoire inutile, nous partons à la découverte de la communauté Ban Yuan Samsen.

Le premier travail réalisé avec la communauté de Bangkok a été de savoir qui habitait à Ban Yuan Samsen. A partir

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(48)

de quatre questions très terre à terre posées à plusieurs habitants au sein de la communauté, j’ai effectué le parcours journalier ou quotidien de plusieurs familles. Ces cartes sont pour moi importantes car elles tracent le chemin d’habitants qui ne sont pas «recensés» en Thaïlande. Les cartes de la ville ont comme «gommé» les communautés. Ces habitats sont informels (bien que parfois très anciens) et disparaissent des cartes, comme dans l’esprit du gouvernement. Celui-ci essaie en effet, de déloger toute communauté de la ville afin de donner une meilleure image pour les touristes.

Voici les questions posées : - Quel est votre travail? -Où allez-vous manger?

-Avez-vous des enfants? Où vont-ils à l’école? -Quelle est votre religion? Où allez-vous prier?

Ces questions aussi futiles soient-elles permettent d’aller au devant des habitants, de les rencontrer et d’établir un premier contact avec eux.

Grâce à Tam (Chananun Chanwalaiphorn), j’ai pu traduire les différentes réponses, trouver les lieux, dans le quartier ou plus loin, et tracer les parcours de chacun. Ceux-ci marquent pour moi leur relation à la ville. Ces liens dessinés, entre les bâtiments publics, privés et les habitants «effacés» par les cartes officielles, permettent de leur redonner leur légitimité.

A ma grande surprise, en analysant les données, celles-ci sont extrêmement variées. La communauté n’est pas exclusivement chrétienne comme lors de sa création. Les habitants peuvent parcourir de très nombreux kilomètres pour aller à l’école, en fonction de leurs moyens. En effet les plus pauvres vont à l’école du temple bouddhiste le plus proche de la communauté : le Wat Makut Kasattiyaram. Cette école est gratuite et dispensée par des moines. Quand au familles plus aisées, les enfants ont accès à de prestigieuses écoles privées situées à plusieurs dizaines de km de la communauté.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(49)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(50)

Carte des parcours empruntés par les cinq familles de la communauté

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(51)

Mittrakam I

Mittrakam II

Rat Cha Pha Tubtim

Pont K rung T hon

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(52)

//// Une certaine perméabilité des règles

La communauté s’est installée au bord du canal nouvellement construit grâce à une autorisation du Roi permettant aux ouvriers de construire leur habitation sur ses terres, proche du chantier auquel ils ont participé. Depuis toujours, les Thaïs ont conservé la culture du négoce, de la discussion. Les accords donnant-donnant sont très fréquents entre autorités publiques et habitants ou entre les habitants eux-même. Il existe encore aujourd’hui des rapports de proximité, d’entraides, beaucoup plus que dans certains pays occidentaux.

Cette flexibilité se remarque au niveau du commerce mais aussi des lois, la corruption est encore très présente. Le gouvernement ferme les yeux sur certaines pratiques mais peut intervenir quand il le souhaite en raison de l’illégalité de ces pratiques. Les marchants ambulants par exemple qui représentent un signe distinctif dans la ville de Bangkok, ne sont en réalité pas autorisés à occuper l’espace public. Il n’existe pourtant pas une rue ou un soi sans que l’on rencontre un stand de street-food. La police ferme les yeux, après avoir négocié financièrement avec les marchands.

La communauté était d’ailleurs avant tout un comptoir commercial. Elle profitait de sa position stratégique en bord de canal pour tirer profit de tout ce que le Chao Praya pouvait lui apporter. Petit à petit Ban Yuan Samsen a été forcée de se retourner de la rivière vers la ville. Le commerce sur l’eau a disparu et les familles se sont reconverties dans le commerce de «street-food», ou de vente sur les marchés. Seule une activité liée à l’eau persiste encore. Il s’agit des plongeurs, qui recherchent chaque jour dans les eaux troubles du Chao Praya des objets ou des matériaux à vendre.

c) Forme urbaine et organisation spatiale

/ Dimension sociale

La forme urbaine de Ban Yuan Samsen ou plus généralement des bidonvilles et communautés est indissociable des liens sociaux qui la composent.

En effet Chawanad Luansang8 définit la communauté comme «un

8 LUANSANG Chawanad «Facilitating community mapping and planning for citywide upgrading: the role of Community architects», 2012

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(53)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(54)

groupe d’individus réunis par des activités ou des intérêts communs, qui vivent ensemble, ont une histoire commune». Pour le cas de Ban Yuan Samsen, l’origine vietnamienne commune, puis la construction du canal le long duquel ils se sont implantés est ce qui a réuni les familles en une communauté. Cependant la notion de communauté ne tend pas vers une homogénéité sociale, culturelle ou spatiale mais davantage vers une différenciation avec l’environnement qui l’entoure.

La communauté est composé de 21 familles (309 ménages), regroupées en 4 «grappes» d’habitations. Chacune dispose d’une entrée bien précise. Il existe un espace de réunion commun aux quatre communautés. Les réunions organisées rassemblent tous les habitants qui le souhaitent. Il s’agit en général de sujets conflictuels soit entre les communautés elles-même ou alors entre ces dernières et le gouvernement.

Il existe réellement un fonctionnement autonome, comme un village avec ses propres règles. Cependant ces règles s’accordent avec les lois de la ville. Cela permet à la communauté d’être totalement intégrée dans le tissus urbain.

// Une architecture moins réglementée

Si l’on ne tient compte que de l’apparence de ses quartiers, alors les édifices spontanés contrastent par les matériaux utilisés, par les réglementations qui ne sont pas les même que pour les quartiers «formels». D’après Fanny Gerbeaud : «L’architecture spontanée est généralement synonyme d’insécurité et de pauvreté, une représentation stigmatisante associée à l’ignorance du phénomène dans les documents d’urbanisme.» Cette vision duale mérite d’être requalifiée après une étude plus précise de ces espaces.

Tout d’abord, pour être qualifiée de communauté, le groupement d’habitations doit correspondre à une densité minimale de 15 logements pour 1600m2 (d’après la National Housing Authority). La communauté Ban Yuan Samsen abrite environ 65 logements pour 1600m2. Cette extrême densité, cette promiscuité impose aux habitants de trouver des stratagèmes permettant de conserver de l’intimité.

Ainsi Ban Yuan Samsen est divisée en quatre communautés, qui sont composées elles-même de différentes familles comportant deux à quatre générations chacune. Les logements sont organisés selon les liens familiaux qui unissent chacun des membres.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(55)

54 0 2 5 10 20

« THERE’S NO SHARED SPACE IN THE COMMUNITY EXEPT PATHS... »

NETWORK ORGANISA

TION

FINGER PA

TTERN

NETWORK ORGANISA

TION

FINGER PA

TTERN

PATHS AS FINGERS PATHS AS NETWORK

DIFFERENT PATTERNS OF ORGANISATION

A SINGLE SOCIAL STRUCTURE

0 2

5 10

20

« THERE’S NO SHARED SPACE IN THE COMMUNITY EXEPT PATHS... »

NETWORK ORGANISA

TION

FINGER PA

TTERN

NETWORK ORGANISA

TION

FINGER PA

TTERN

PATHS AS FINGERS PATHS AS NETWORK

DIFFERENT PATTERNS OF ORGANISATION

A SINGLE SOCIAL STRUCTURE

Circulation en réseau Circulation en peigne

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

(56)

/// Organisation fonctionnelle

La communauté Ban Yuan Samsen est organisée de la même façon qu’un quartier «formel». Elle contient des commerces comme des épiceries, une «pharmacie», un temple, une école... Chaque dimanche matin, dans le soi samsen 13, un marché est tenu par les habitants. Il attire les habitants des quartiers alentours et propose des fruits et légumes frais ainsi que du poisson.

Chaque communauté a un chef, qui est nommé par chaque membre composant la communauté. Il y a vraiment une hiérarchie au sein de chaque communauté.

Le terme de communauté, pourrait suggérer l’idée d’une vie en groupe, qui se caractériserait spatialement par des espaces partagés par exemple. Mais est-ce vraiment le cas?

Noé Tronel9 a interrogé le chef de la communauté Mit Tra Kam à ce

sujet : «À la communauté, rien n’est partagé excepté les allées…». Cette affirmation était étonnante au vue des nombreux espaces partagés observés lors des visites dans la communauté. Mais il est vrai qu’il ne s’agissait pas «d’espaces publics» à proprement parler, ces espaces n’étaient consacrés qu’à certaines personnes. Cela m’a amenée à m’intéresser aux circulations, à leur forme spatiale et constructive.

//// Circulations

Les circulations au sein de la communauté s’effectuent sur des passerelles de bois. Celles-ci sont sur pilotis et s’accrochent aux habitations et à leurs structures. Les passerelles sur pilotis semblent structurer la communauté. Elles représentent le lien physique entre les différentes habitations. Elles agissent comme la colonne vertébrale de la communauté. Si on les enlève, il ne reste plus rien.

Il existe différents systèmes en plan des circulations au sein de Ban Yuan Samsen. Trois communautés utilisent un système de réseau et la dernière un système en peigne qui permet de différencier chaque famille. Le système de circulation de chaque partie de la communauté laisse plus ou moins d’intimité aux habitants.

Si aucune voiture ne peut pénétrer dans la partie de la communauté au dessus de l’eau, sur pilotis, il est très courant de voir des motos et des 9 Noé est un étudiant bordelais en échange à Kasetsart la même année que moi et qui s’est aussi intéressé à la communauté et notamment aux espaces partagés et aux circulations au sein de la communauté Ban Yuan Samsen.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

D'AUTEUR

Figure

Illustration par l’agence CHAT Architects, Bangkok Structure bétonStructures bois avec contreventements

Références

Documents relatifs

In the short stories chosen for this paper, three kinds of people are represented : the middle- class, in Khrop khrua klang thanon, in which the hero is working in advertising and

Enfin, parce que comme on va le voir plus avant, les commerçants africains ont plus tôt que dans d’autres pays asiatiques, entrepris le voyage à Bangkok pour vendre et acheter et

« On ne force pas les professeurs ou les départements à passer à la formation en ligne [...] mais, de temps en temps, on leur rappelle que s'ils veulent se faire connaître,

Janvier 2002 Mise en place d'une seule direction pour les entreprises (restructuration) 2002 Acquisition d'une nouvelle flotte de pneumatiques (5 embarcations Polaris) 2002

L’élève décris quelques changements dans l’organisation de la communauté par exemple : qu’est-ce qui est pareil ou différent dans l’organisation des routes, des styles

La poursuite du renouvellement urbain et de la requalification des quartiers Hlm, dans le cadre du NPRU et des politiques de droit commun pour les autres quartiers, nécessitera que

Rivière souterraine!. Aujourd’hui, je suis

Lorsqu’il est bien clair pour le pro- fessionnel que ce geste n’est pas une manifestation du désir d’emprise sur l’enfant-objet, mais bien une forme d’échange affectif qui