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a) Le tourisme : un moteur de développement ou de destruction?

/Le tourisme dans l’économie Thaïlandaise

La Thaïlande est le pays le plus développé de l’Asie du Sud-Est. Le tourisme représente 10% du PIB, c’est une ressource vitale pour le pays. Il a également provoqué la création de nombreux emplois indirects (artisanat, services...). Après le tsunami de 2005, les régions touristiques se sont recentrées vers les terres, répartissant de façon plus homogène les régions touristiques. En 2016, plus de 32 millions de touristes ont visité le pays.

Pourtant après le coup d’état du 22 mai 2014, l’armée a décidé de «nettoyer» cette industrie touristique alors gangrenée par les petits trafics et arrangements. L’essor touristique des années 70 a fortement pollué les plages et détruit des paysages naturels. La junte militaire au pouvoir a donc mené différentes actions pour libérer les plages des restaurants et autres cahutes illicites qui empêchaient les touristes de profiter des plages librement. La gouvernement a entrepris une vague de réformes politiques et économiques, pour clarifier les procédures dans ce pays où règne la corruption.

«A Surin, à Patong, il était devenu impossible de distinguer la mer au travers des forêts de parasols ou de chaises longues. Une petite mafia organisée s’occupait des touristes à sa manière. Interdiction, parfois même violente, de songer à poser sa serviette sur le sable à l’ombre d’un cocotier sans passer par des fourches caudines du malfrat local.»1

Mais la destruction des paysages naturels n’est pas la seule lutte dans laquelle s’est engagé le gouvernement militaire. Après la sortie d’un article dans un journal britannique où Pattaya est décrite comme «la capitale mondiale du sexe aux 27 000 prostitués», le premier ministre Prayut 1 DE CONINCK Lionel. «Tourisme en Thaïlande : le grand nettoyage», GEOPOLIS, 08/03/2017

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Chan-o-Cha a pris les choses en main. Si la prostitution est interdite en Thaïlande, l’industrie qu’elle représente empêche les politiques d’appliquer les lois et la corruption est omniprésente. Les touristes qui viennent profiter des établissements de nuit de Pattaya rapportent à la ville plus de 3 milliards d’euros chaque année.

Malgré les campagnes médiatiques contre le tourisme sexuel en Thaïlande, cette économie rapporte trop pour que ces dernières soient efficaces. «On assiste à une sordide course de vitesse où, d’un côté, on voit une certaine prise de conscience du fléau et surtout un renforcement de la lutte contre le tourisme sexuel en particulier quand il concerne des enfants prostitués et, de l’autre, on observe avec une inquiétante impuissance l’explosion du marché de la chair et la nette augmentation de la demande…» 2

Au delà de cette économie souterraine abjecte, la prostitution entraîne une forte fragmentation du territoire thaïlandais. Les régions les plus pauvres et rurales envoient les enfants et les femmes démunis travailler à Bangkok dans cette industrie honteuse. Le SIDA ravage donc principalement le Nord de la Thaïlande, lorsque les travailleuses reviennent dans leur village natal.

Ces deux exemples montrent l’impact que peut avoir le tourisme de masse sur les territoires ou les peuples en Thaïlande. Bien entendu il a permis à la Thaïlande et notamment à la ville de Bangkok de se développer mais s’il n’est pas contrôlé il peut être dévastateur.

Si l’on observe maintenant les communautés et le tourisme, on peut voir qu’il peut avoir un impact bénéfique, ou au contraire, destructeur. //Modifier la ville pour le touriste : l’exemple de Rattanakosin

L’île Rattanakosin représente le cœur historique de la ville de Bangkok. C’est dans ce quartier que se situent le Palais Royal, le Grand Palais, et donc les monuments royaux et officiels. Depuis des décennies (150 ans environ), à l’image de Ban Yuan Samsen, la communauté Pom Mahakan est implantée le long de la muraille de l’ancienne ville, sur l’île Rattanakosin. Le gouvernement souhaite exproprier cette communauté, en vue d’une revalorisation du centre historique. Fanny Gerbeaud raconte succinctement la lutte pour la survivance de cette communauté et les différents soutiens qu’elle a obtenu.

2 MICHEL Franck, « Le tourisme sexuel en Thaïlande : une prostitution entre misère et mondialisation », Téoros, 2003.

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Dans le cadre de la mise en valeur de Rattanakosin, la BMA a déjà réalisé une partie du parc prévu à l’emplacement de Pom Mahakan, après le départ d’une partie des habitants. En parallèle, la communauté a fait l’objet d’un recensement du patrimoine bâti par la faculté d’architecture de Silpakorn, d’un projet de rénovation en 2003 (King Mongkut’s University) et de soutien (presse) en faveur de son maintien sur site. Michael Herzfeld, anthropologue américain et fervent supporter de Pom Mahakan, parle de la fin d’un «rare ensemble d’architecture vernaculaire» avec le plan de démolition de la communauté de la BMA. Au contraire, il voit en Pom Mahakan un atout pour dynamiser le secteur :

«La ville pourrait perdre une fantastique occasion de créer un morceau de la culture de Bangkok, attractive pour les touristes. Aucun touriste occidental ne serait intéressé par un parc engazonné, mais une communauté dans un parc serait parfaite comme attraction touristique.»

Mais que penser de cette façon de préserver? Les communautés sont les vestiges de l’histoire de Bangkok mais peut-on réellement les exposer à des touristes? Est-ce la seule façon de les conserver et cette exposition les préserve t-elle vraiment?

La communauté Pom Mahakan est un lieu de vie pour de nombreuses familles. Il ne s’agit pas d’un site à visiter. L’exhibition des habitants engendrerait la fin de cette communauté aussi rapidement que si elle était détruite par le gouvernement. La conservation du patrimoine National ne devrait pas être influencée par l’attrait touristique des sites. ///Modifier «l’image bidonville»

Le tourisme, ou plutôt la peur de voir les touristes se détourner de Bangkok à cause de l’insécurité que renvoie les bidonvilles, est la principale cause de la destruction de Ban Yuan Samsen.

Les groupements d’habitats informels évoluent sans cesse et sont incontrôlables par les autorités. Ils comblent les interstices de l’environnement urbain formel, formant un nouveau tissu bâti, plus dense. On ne peut pas le contraindre, mais pourquoi le devrait-on? L’architecture a besoin de renouveau. Les villes, leur urbanisme, doivent jouer un rôle majeur pour répondre aux nouvelles conditions de vie. Pourquoi ne pas intégrer, dompter ou plutôt apprivoiser l’architecture spontanée? Il ne s’agit pas de promouvoir les bidonvilles, aucunement, mais de reprendre certains aspects positifs de ces architectures et de les faire évoluer.

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Croquis de Yona Friedman, La ville spatiale, 1964

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Dans une mesure totalement utopique, Yona Friedman a longtemps écrit et expérimenté autour du concept des «villes spatiales». Ces villes sont conçues pour être le plus modulables possible. En s’inspirant des qualités des groupements spontanés urbains, l’auteur conçoit sur papier sa ville idéale.

Comme le suggère l’architecte dans son livre «Architecture de Survie»3,

la modularité de ces espaces, la vie en communauté, les espaces partagés peuvent apporter à l’architecture contemporaine. L’habitant est également «le concepteur et le créateur de son habitat», ainsi il peut totalement se l’approprier. Son point de vue peut être ressenti comme extrémiste mais il fait émerger en nous beaucoup de questionnements. Sa pensée provient d’un principe simple : La pénurie est vue comme «la mère de l’innovation sociale et technique». Cette phrase peut paraître choquante car on peut comprendre que l’auteur appelle à la pénurie, au nom de l’évolution et du progrès. Pourtant, il ne fait que relever un constat, c’est sous la contrainte que les meilleures inventions naissent. De son point de vue, on peut donc comprendre que si les communautés sont si ingénieuses dans leur manière d’habiter et de cohabiter, si elles renouvellent l’architecture, c’est parce qu’elles ont été contraintes de concevoir avec moins, et donc avec plus de finesse et de praticité.

Toujours d’après Yona Friedman,la ville actuelle se nourrit en extrayant des ressources de la campagne. Cette inégalité (il y a beaucoup plus d’urbains que de ruraux) a entraîné «l’exploitation des agriculteurs, la mécanisation des productions, une fertilisation chimique pour une rentabilité maximum. […] L’habitat des pays industrialisés a détruit les possibilités de production pour les années à venir.» Plusieurs solutions sont alors proposées : «l’agriculture urbaine, la modification de notre système alimentaire, la recherche de régions habitables nécessitant peu de ressources. Sans devenir défaitiste insiste-il, il lance cette vérité tranchante : « la seule manière de survivre dans l’avenir pourrait bien être d’apprendre à être pauvre.»

Ainsi, si l’on peut se détacher de la pauvreté et des autres menaces que subissent les habitants de la communauté, on peut aisément lire dans leur architecture une ingéniosité nouvelle et qui pourrait influencer nos manières de concevoir.

3 FRIEDMAN Yona «Architecture de Survie»

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photo prise par Kalboz, quartier de Siam à Bangkok, 2016

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