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Sissinghurst. Une demeure-jardin

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01904154

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01904154

Submitted on 24 Oct 2018

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Sissinghurst. Une demeure-jardin

Yves Tissier, Bernard Wauthier-Wurmser

To cite this version:

Yves Tissier, Bernard Wauthier-Wurmser. Sissinghurst. Une demeure-jardin. [Rapport de recherche] 651/90, Ministère de l’équipement, du logement, des transports et de la mer / Bureau de la recherche architecturale (BRA); Ecole nationale supérieure d’architecture de Clermont-Ferrand. 1990. �hal-01904154�

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Y . T I S S I E R

B. WAUT HI ER - W U R M S E R

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MtNfSTtRE D€ l ’ÉGUIPEMENT, OU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER

Direction de l'Architecture et de r(Jrkemçme

S0US-D!”!X T ^ T '.S ^"^sMMENTS

ET DES PROFESSONS

UREAU DE LA RECHERCHE ARCHITECTURALE

UNE DEMEURE - JARDIN

LA DEMEURE :

ses principaux thèm es de référence

et son langage spatial

Yves TISSIER et Bernard WAUTHIER-WURMSER

Contrat de recherche n° 84.01.372

Ministère de l’Equipement, des Transports et de la Mer Bureau de la Recherche Architecturale

Ecole d’Architecture de Clermont-Ferrand

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SOMMAIRE

Introduction 5

Biographie 8

Leurs premiers Jardins 16

Chronologie du jardin de Sissinghurst 20

L'organisation du jardin - Les axes 27

- Le tracé des axes

- Les orientations induites par l'Histoire - Tracé lié au territoire de Vita

- Tracé lié au territoire d'Harold

Harold : Le territoire investi

- Le lac

- Les deux promenades - Le jardin miniature

- Lime Waîk - Spring Garàen - Unterden Linden - Le South Cottage et le Moat Walk

- LeRondel

- Les interventions d'A.R. Powys

Vita : Le territoire de ses Passions

- Premier temps, de 1930 à 1939 : La demeure ancestrale

- L a période de la guerre :

- Le retour de Violet Trefusis

- L a mort de Virginia Woolf

- Deuxième Temps : de 1939 à 1962 - Les enclos romanesques de Vita

- Le Rose garden

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-La présence secrète de V iolet - Le Purple Border

- Le Yew Walk

- Violet et la tour de Saint-Loup

Polysém ie des centres - La tour

- LeRondel

- Le centre du White garden

- Le Cottage garden et VHerb Garden - Les passages

Le couple Vita-Harold A la rencontre des statues

- Vita en ses miroirs

- Le déguisement et l'illusion - L'ambiguïté du double

- La Nymphe et la Vestale Vierge - Harold en face à face

Les lieux de l'im aginaire

- L'Ailleurs de Vita : le Yew VJalk, YOrchard, l'eau du Moat - L'Ailleurs d'Harold : l'eau du Moat et du Lake

- Délos

V ision s de la nature - La nature

- Les saisons

- Deux conceptions du jardinage - Les couleurs

La définition de l'Am our

- Le Poème d’Andrew Marvell Bibliographie 51 57 63

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73 78 86 89

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INTRODUCTION

« Car cette maison, ce jardin, à l'opposé du désert immobile et éternel qui les cerne, tiennent registre du temps, à leur manière, gardant trace de tout ce qui arrive et part, des croissances, résorptions, mues, déclins et rêveries qu'ils traversent. L'homme - opaque et subtil - s'il construit sa maison, se trouve par elle éclairci, expliqué, déployé dans l'espace et la lumière. Sa maison est son élucidation et aussi son affirmation. »

(Michel Tournier, Les Météores)

La demeure est projection d'un être sur un territoire, image de sa vision du monde. Cet être a désiré laisser sa trace, son empreinte, de façon profonde, dans l'espoir de perdurer après la mort, de s'inscrire dans la mémoire collective.

La demeure est maison, temple et tombeau, ainsi que nous avons tenté de le montrer dans l’étude des maisons de Sir John Soane et de Jean-Pierre Raynaud. Cette dernière a donné lieu à la publication de J.P. Raynaud - La Maison aux Editions du Regard en 1988.

Ces deux demeures, bien que très différentes, puisque l'une date du début du XIXe siècle londonien, alors que l'autre nous est contemporaine, ont pour point commun d’être l'oeuvre d'un personnage seul, qui maîtrise de façon obsessionnelle l’espace de sa maison, en le façonnant au cours de sa vie entière.

L'étude de Sissinghurst nous met en présence, non pas d'une maison, mais d'un jardin : un jardin peut prendre des libertés avec les fonctions natu­ relles de la maison, mais les contraintes du matériau végétal, vivant et changeant, le placent en contradiction avec les notions de permanence et d'immortalité, qui comptent parmi les thèmes fondamentaux de la « demeure ».

Par ailleurs, ce jardin est l'oeuvre commune de deux personnes, l'oeuvre d'un couple, intégrant donc de nécessaires compromis, mais aussi une

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-miraculeuse complémentarité issue de deux approches mêlées, l'une rigoureuse et l’autre d’une extrême sensibilité.

Ce couple a été le sujet d’un livre à succès, Portrait d'un mariage, publié en 1973 par leur fils, Nigel Nicolson : le livre se termine sur l’affirmation que le plus fidèle portrait de ce mariage est le jardin qu’ils ont créé pendant les 30 dernières années de leur vie, le jardin de Sissinghurst.

Les premiers désirs de réaliser une recherche sur ce lieu sont de l'ordre du sensible, de l'interrogation :

- qu'est-ce qui en fait le charme indéfinissable ?

- pourquoi ce jardin est-il devenu un modèle, une référence du jardin contemporain ?

- par quelle démarche ce jardin est-il construit comme une architecture, une demeure-jardin ?

- quelles sont les influences subies, tant dans le domaine du jardinage que de l’architecture ?

- quel est le discours d'un tel lieu, le jeu des significations, l’évolution du sens ?

L’ensemble de ces questions est le prétexte de cette étude qui, à l'origine, se voulait une recherche systématique mais qui, au fur et à mesure des obstacles et des découvertes, se transforma davantage en un essai d'interprétation, aussi argumenté que possible, qui rend inévitable une certaine projection des auteurs. L’approche s'appuie sur la confrontation de plusieurs données :

- l'étude approfondie du jardin, les qualités et particularités des lieux qui le composent, les significations et l'évolution de ces lieux dans le temps : un tel jardin a pour caractéristique de se modifier continuel­ lement ; il a été construit et amélioré constamment au cours de la vie de ses auteurs et, à partir des années 60, petit à petit dénaturé, jusqu à perdre une grande part de son sens.

Sissinghurst est maintenant un des jardins les plus visités d’Angleterre, et le National Trust, qui le gère, ne peut que le banaliser. Les photographies d'époque nous laissent quelques indices sur son esprit incroyablement romantique...

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-- Une série de documents et d'écrits, qui permettent une autre lecture des lieux et viennent appuyer, ou remettre en question les hypo­ thèses. Ces documents sont de plusieurs ordres :

• Les textes des auteurs mêmes du jardin : Vita Sackville-West et Harold Nicolson (que nous appellerons Vita et Harold pour plus de facilité), donnent deux visions des mêmes réalisations, faisant ressortir la différence de leurs approches. Ces documents font état de leur pensée, soit directement exprimée dans leurs journaux, leurs échanges de lettres, leurs articles, soit à travers diverses évocations, comme par exemple, au fil des romans, ou des poèmes de Vita.

• D'autres textes sur Sissinghurst, qui donnent des analyses, des regards, des interprétations partielles et orientées, parfois histo­ riques, riches en documents bruts, parfois des visions subjectives. Certains écrits ont été particulièrement précieux car ils permirent de mettre en relation le lieu avec des événements vécus par leurs auteurs, et inscrits dans la thématique du jardin. Violet Tréfusis et Virginia Woolf, par exemple, qui eurent une influence importante sur la vie et l'oeuvre de Vita.

• D’autres ouvrages nous ont permis de recadrer l'histoire de ce jardin dans son contexte et ses influences, en particulier ceux de grands jardiniers, comme Gertrude Jekyll ou d'architectes, comme Edwin Lutyens.

Cette démarche nous a permis de mieux comprendre et mesurer l'apport de chacun et de mieux cerner leur impact respectif sur leur territoire. Le jardin est un poème mettant en scène les rapports d’un couple, leurs doutes, leurs questionnements. Cette recherche est donc un essai sur l'ambiguïté, sur le sens d'une vie, le sens d'un lieu.

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BIOGRAPHIE

1886 - 21 novembre : naissance d'Harold Nicolson, à la Légation britan­ nique de Téhéran. Il est le fils du diplomate Sir Arthur Nicolson, futur Lord Carnock, et le neveu de Lord Dufferin, Vice-roi des Indes. Il passe son enfance à Constantinople, Sofia, Tanger, Madrid et St-Petersbourg.

1892 - 9 mars : naissance de Victoria (Vita) Sackville-West à Knole (Kent). Elle est la fille de Lionel Sackville-West, 3e Lord Sackville en 1908, et de Victoria, Lady Sackville, sa cousine, l'un des cinq enfants illégitimes du 2e Lord Sackville et de Pépita Duran, danseuse espagnole.

1894 - juin : naissance de Violet Keppel, fille de la maîtresse d’Edward VIL

1904 - Vita rencontre Violet.

1908 - mai : Vita en voyage à Florence avec Violet et Rosamund Grosve- nor, ses deux amies d'enfance.

1910 - février : Lady Sackville gagne le procès que lui a intenté son frère Henri Duran, qui affirmait que leurs parents, le 2e Lord Sackville et Pépita, étaient mariés et que, dès lors, il devait hériter du titre et de Knole. Elle défendait son illégitimité, ce qui lui permit de rester Lady Sackville, puisqu'elle était mariée à son cousin, l'héritier du titre.

- juin : Vita, « débutante », rencontre Harold.

- novembre : Rosamund rejoint Vita et Lady Sackville près de Monte-Carlo.

1912 - 17 janvier : mort de Sir John Murray Scott (« Seery »), héritier de la fortune de Sir Richard Wallace et ami de Lady Sackville.

- 18 janvier : Harold demande Vita en mariage et part en mission comme 3e secrétaire à la légation britannique de Constantinople. - avril-mai, puis octobre : Vita à Florence avec Rosamund, son

premier amour féminin.

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-- 24 juin : Les soeurs de « Seery » intentent un procès contre Lady Sackville, à qui leur frère avait légué une grande partie de sa fortune. Lady Sackville gagne à nouveau ce procès le 7 juillet. - 5 août : fiançailles officielles de Vita et d'Harold.

- 1er octobre : mariage de Vita et d'Harold à Knole. Lune de miel en Italie et Egypte.

- Automne : Vita et Harold à Constantinople. Ils s'installent à Cospoli.

1914 - Retour en Angleterre.

- 6 août : naissance de leur premier enfant, Benedict (Ben). 1915 - en mars, Vita et Harold achètent Long Barn.

1917 - 19 janvier : naissance de leur second fils, Nigel.

1918 - 18 avril : Vita et Violet à Long Barn, début de leur liaison amou­ reuse.

- 14 mai : Vita et Violet imaginent ensemble un roman, Challenge, que Vita écrira par la suite.

- Octobre : Vita se déguise en « Julian » à Londres accompagnée de Violet.

- novembre : Violet et Vita (« Julian ») à Paris, puis à Monte-Carlo. 1919 - janvier à juin : Harold fait partie de l'état-major britannique à la

Conférence de la Paix à Paris.

- 26 mars : Fiançailles officielles de Violet avec Denys Trefusis. - 19 mai : Lady Sackville quitte son mari et Knole pour toujours. - 16 juin : Violet épouse Denys Trefusis.

- 19 octobre : Vita et Violet de nouveau à Monte-Carlo.

1920 - 17 janvier : Harold, en congé, apprend par Vita son intention de le quitter pour partir avec Violet.

- février: Vita et Violet s'enfuient en France. Harold et Denys louent un avion et les poursuivent. Rocambolesque va-et-vient entre France, Italie, Angleterre, de Vita et Violet.

1921 - Après un dernier voyage ensemble à Hyères, leur liaison se termine progressivement.

- Vita écrit ses poèmes The Land et Orchard and Vinevard.

- Voyage en Europe avec Dorothy (Dottie) et Gerald Wellesley

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-1922 - Publication de The Heir et de Knole and the Sackvilles. - Première rencontre de Vita avec Virginia Woolf.

1923 - L'écrivain Katherine Mansfield meurt, ce qui trouble beaucoup Virginia Woolf, dont le charme séduit Vita.

- Harold publie sur Tennyson, la première d'une série de biogra­ phies de personnages illustrées.

- Challenge, l'histoire de Julian (Vita) et Eve (Violet) est publié aux U.S.A., mais non en Grande-Bretagne, Lady Sackville en ayant acheté tous les exemplaires, par peur du scandale.

- Rencontre en Italie de Vita avec Geoffrey Scott, début d'une liaison.

1924 - Vita et Harold partent en vacances dans les Dolomites. Vita écrit

Seducers in Ecuador, dédié à Virginia, et publié par The Hogarth

Press (maison d’édition de Leonard et Virginia Woolf). 1925 - Harold a une liaison amoureuse avec Raymond Mortimer.

- La liaison de Vita et Geoffrey se termine : la femme de ce dernier demande le divorce, et il se réfugie auprès de Lady Sackville. - Harold accepte le poste de conseiller à l'ambassade de Téhéran

pour 2 ans.

- Vita et Virginia se voient souvent et sont très proches.

1926 - Vita et Dottie partent ensemble, au grand désespoir de Virginia Woolf, puis se séparent : Dottie va vers L'inde et Vita rejoint Harold en Perse, elle assiste au couronnement du Shah. Après un retour par la Russie, elle retrouve avec joie Virginia. Harold, de nouveau seul, fréquente le jeune Patrick Berchan Hepburn.

- En septembre, The Land, poème dédicacé à Dottie, est publié et obtient un grand succès.

1927 - Vita retourne en Perse pour retrouver Harold, avec une bande d'amis dont Dottie.

- Vita reçoit le Hawthornden Prize pour The Land.

- Vita a une liaison avec Mary Campbell, qui s'installe avec Roy,

son mari écrivain, dans un cottage de Long Barn.

- Vita a en même temps plusieurs liaisons : Dottie, Mary Campbell, Virginia et une jeune actrice, Valérie Taylor.

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-- Roy, furieux, découvre la liaison de sa femme Mary avec Vita. 1928 - Mort du père de Vita, Lord Sackville. Vita perd ses droits sur

Knole.

- Vita, à Berlin, a une histoire d’amour avec Margaret Voigt, écri­ vain. Harold, lui, est épris d’un jeune américain.

- Virginia et Vita passent ensemble une semaine en France. Publi­ cation et grand succès d'Orlando, le roman de Virginia Woolf. - Au cours d'une émission de radio, Vita rencontre Hilda

Matheson, avec qui elle a une relation amoureuse. - Mort du père d’Harold, Lord Carnock.

1929 - Vita et ses amis de Bloomsbury retrouvent tous Harold à Berlin. - Vita écrit, sur la perte de Knole, The Edwardians, où elle se raconte,

en la personne de deux enfants jumeaux, Sébastian et Viola.

- Harold et Vita participent ensemble à un débat à la BBC sur le mariage.

- Harold quitte enfin la diplomatie, sur les instances de Vita, et accepte un poste à l'Evening Standard, avec tristesse et angoisse. - Geoffrey Scott, puis Denys Trefusis, meurent.

1930 - Achat de Sissinghurst. Vita écrit, en l'honneur de cette décou­ verte, le poème Sissinghurst, dédié à Virginia.

Parution à la Hogarth Press de The Edwardians, qui obtient un grand succès. L’argent du livre paiera les travaux de Sissinghurst. Harold est malheureux, il regrette la diplomatie.

1931 - Virginia Woolf admire Ethel Smyth ; Vita se sent abandonnée et devient dépressive.

Vita écrit AU Passion Svent, qui est édité en mai. Elle tombe successivement amoureuse de Evelyn Irons, puis de son amie Olive R. Vita part avec Evelyn en Provence.

- Harold s'essaye sans succès à la vie politique. Il abandonne

YEvering Standard et se retrouve sans travail, très déprimé.

1932 - Le ménage à trois entre Vita, Olive et Evelyn finit mal. Evelyn tombe amoureuse de quelqu'un d'autre ; Olive, malade, est hébergée dans un cottage près de Sissinghurst.

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-- Les Nicolson font connaissance d'Edy Craig (fille d'Ellen Terry) et de sa compagne, Christopher St-John, qui tombe amoureuse de Vita.

- Parutions de Histoire de Famille de Vita, et Visages Publics d'Harold, qui ont un succès très moyen.

- Violet propose son roman Tandem à la Hogarth Press, qui refuse. - Vita et Harold vont faire des conférences aux U.S.A.

1933 - Ben leur écrit qu'il est homosexuel.

- Gwen, la soeur d’Harold, après un accident, est opérée au cerveau et passe beaucoup de temps à Sissinghurst.

1934 - Vita publie L'île obscure, roman où apparaît son côté sombre, violent et sadique. Après un accueil froid du public, Vita arrêtera d'écrire des romans pendant 8 ans.

1935 - Sous l'influence de Gwen, convertie au catholicisme, Vita s'intéresse à la religion et commence un livre sur Jeanne d’Arc. - Malgré l'indifférence de Vita, Harold se fait élire député du parti

travailliste.

1936 - Mort de Lady Sackville ; grande tristesse, mais fin des soucis financiers.

- Vita écrit Pépita, sur la vie de sa grand-mère ; elle en profite pour régler ses comptes avec sa mère et exorcise son sang de « bohémienne ».

1937 - Seul, le succès de Pépita fait sortir Vita de son isolement.

- Voyage avec Gwen en France. Après une visite à Lisieux, elle envisage d'écrire un livre sur Ste Thérèse.

1938 - Vita a un empoisonnement au plomb, à cause de la presse à cidre de Sissinghurst.

- Elle se consacre à son jardin et commande beaucoup de plantes. En juin elle ouvre pour la première fois Sissinghurst au public et commence à écrire des Notes campagnardes pour le New

Statesman. Elle publie son poème Solitude.

- Relation amoureuse avec sa secrétaire. Elle achète un bateau à

Harold, le « Mar ».

1939 - 3 septembre. L'Angleterre entre en guerre. 1940 - Ben et Nigel Nicolson sont mobilisés.

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-13-- Vita est chauffeur-13--ambulancière locale.

- Harold est appelé par Churchill au Ministère de l’Information. - Le couple était persuadé que la Grande-Bretagne allait perdre la

guerre, et envisageait l'invasion ; chacun possédait sur lui du poison.

L'amie de Vita, Hilda Matheson meurt. Dottie, désespérée, se met à boire.

- Bombardements sur l’Angleterre.

- Violet Trefusis abandonne Saint-Loup, et rentre en Angleterre. Elle retrouve Vita, qui en est très perturbée.

1941 - Le 28 mars, Virginia Woolf se suicide. Vita est déprimée, et le jardin est de plus en plus abandonné.

1942 - Vita écrit Grand Canyon ; Leonard Woolf refuse de l'éditer, le trouvant trop défaitiste, puisque les Nazis y gagnent la guerre. - Elle s'isole, après le départ de Gwen en Cornouailles, et devient

très conservatrice. Elle écrit The Eagle and the Dove, sur les deux Sainte Thérèse.

1943 - Violet vient à Sissinghurst pour la première fois. 1944 - Mort d'Edwin Lutyens et d'Ethel Smyth.

- Libération de Paris.

1945 - Fête pour l'anniversaire de Vita. - Ben revient légèrement blessé.

- 12 mai : reddition de l'Allemagne. Nigel rentre également. - Harold perd les élections avec le parti conservateur.

- Vita donne son poème The Garden à l'éditeur. Elle se sent rejetée par la critique et les jeunes poètes.

1946 - Harold part en Grèce et retrouve en France Vita, qui se plaint de son dos. Elle commence des émissions de radio sur le jardinage. Nouvelles amies de Vita : Violet Pym, Edith Lamant, Bunny Drummond.

1947 - Edy Craig meurt, Vita prend en charge son amie Christopher St-John. Vita et Harold travaillent pour la Caisse des Monuments Historiques. Vita se propose pour être Juge de paix. Elle reçoit la décoration de Companion ofhonour.

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-14-- Harold perd de nouveau les élections avec le parti travailliste. Vita part en tournée de conférence en Afrique du Nord.

1948 - Elle visite Violet à Saint-Loup.

1949 - Conférences en Espagne. Vita tombe malade et se sent vieillir. 1950 - Nigel se présente aux élections et perd à son tour. Vita retourne à

Saint-Loup, pour voir Violet, puis va chez elle à Florence avec Harold.

1951 - Mort du père d'Harold.

1952 - George VI meurt ; sa mère, la Reine Mary, visite Sissinghurst. Freddy, le frère d'Harold meurt.

- Vita et Harold visitent des jardins en Irlande et Pays de Galles, puis retournent à Florence chez Violet.

1953 - Vita publie un nouveau roman, La soirée de Pâques. - Mariage de Nigel et de Philippa.

- Leonard Woolf publie Journal d ’un écrivain, partie des journaux intimes de Virginia.

1954 - Naissance de Juliette, fille de Nigel. Vita et Harold passent des vacances en Dordogne.

1955 - Vita tombe amoureuse d'Alvilde Lees-Milnes. Elle s'achète une Jaguard et part avec Harold pour Florence, où Ben se marie avec Luisa Vertona, qui sera vite enceinte.

1956 - Vita et Harold se rendent avec Philippa en France, puis partent en croisière pour l'Indonésie.

1957 - Naissance d'Adam, deuxième enfant de Nigel.

Vita a peur d'un scandale à propos de son homosexualité.

1958 - Croisière de Vita et Harold aux Antilles et en Amérique du Sud. 1959 - Croisière en Extrême-Orient.

- Mort de Rollo, le chien de Vita. Vita attrape une pneumonie.

1960 - Croisière en Afrique, embarquement à Venise.

- A la mort de son mari, Edie Lamont se réfugie à Sissinghurst, auprès de Vita, encore malade.

1961 - Sortie du dernier roman de Vita : Escales sans nom. - Croisière au Brésil.

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-- Nouvelle bronchite.

- Fin des articles dans l'Observer, qui, réunis, formeront le Garden

Book, 1968.

- Elle retourne à Knole (après 30 ans) à l'occasion de la mort de la femme américaine de son oncle.

- Cecil Beaton et la princesse Margaret visitent Sissinghurst. - Nouvelle amie : Elisabeth Bowers.

- Ben et Luisa divorcent. 1962 - Croisière aux Caraïbes.

- Le 2 juin, Vita meurt d'un cancer. 1968 - Mort d'Harold.

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LEURS PREMIERS JARDINS

KNOLE

365 pièces, soit 2 hectares de superficie, disposées autour de sept cours intérieures et 500 hectares de parc, telle est la « maison » où Vita a passé sa jeunesse, servie par 60 personnes. Rien de vraiment monumental dans cette étendue de bâtiments de style Tudor, coiffés de grandes toitures et hérissés de cheminées en briques, dont les jardins sont le prolongement naturel, mais toute l’Histoire de l’Angleterre y est illustrée. Des enclos carrés sont plantés de pommiers, sous lesquels poussent des iris et des gueules de loup. Le jardin, fait de pelouses et d'allées de tilleuls, est à demi formel et s’étend vers un parc plus sauvage, où la prairie ondulante est limitée par des bosquets de bouleaux et de châtaigniers.

Vita, enfant, avait sa propre parcelle de jardin à Knole, mais ne s'y intéres­ sait guère. Assez solitaire, elle aimait errer dans les galeries désertes et le parc qu’elle connaissait mieux que personne : « Vita belonged to Knole, to the

courtyards, gables, galleries ; to the prancing sculptured léopards, to the tradi­ tions, rites and splendours. it was a considérable burden for one so young ».

(Violet Trefusis)

COSPOLI

Dès leur mariage, Vita et Harold s'installent sur la colline de Péra, à Constantinople, dans une maison de sept pièces entourée d'un jardin : « It

is a wooden Turkish house, with a little garden, and a pergola of grapes, and a pomegranate tree covered with scarlet fruit, and such a view over the Golden Gâte, and the sea, and Santa Sophia ! And on the side of a hill, a perfect suntrap ! »

(Lettre de Vita à Rosamund, 1914).

Le jardin, qu’ils restaurent peu, présente des murs en ruine, des fontaines mal entretenues et une profusion de fleurs que Vita fait pousser librement.

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-C'est une période heureuse pour le couple, dont témoigne le poème Dhn-

han-Ghir qu'elle écrit alors.

Ils rapportent en Angleterre deux objets, qui prendront leur place plus tard à Sissinghurst : la plaque en marbre blanc sur laquelle sont sculptés en léger relief les silhouettes de trois évêques grecs (qui donne son nom à la Bishop's Gâte, à l'entrée du jardin blanc) et une vasque ronde en marbre, portée par trois lions (qui marque le centre de le YHerb Garden.). Ils tente­ ront par la suite, en Angleterre, de capter l’atmosphère particulière des jardins et paysages orientaux qui les ont profondément marqués au cours de leurs séjours en Grèce, Turquie et Perse.

LONG BARN

Vita et Harold achètent Long Barn en mars 1915, à la naissance de leur premier fils. C'est une retraite rustique, située tout près de Knole, à Seve- noaks (Kent), sur un versant orienté au sud, comprenant un grand cottage, bâti au XIVe siècle, auquel ils ont rapidement ajouté une grange à peine plus récente, qui a été déplacée, et située en L par rapport à la première construction, de manière à fermer une grande terrasse pavée de briques, dominant le jardin. Le cottage est occupé par les chambres et le cabinet de travail de Vita, et la grange par The Big Room, un salon de 15 m de longueur et par le bureau d'Harold. A l’étage sont les chambres d'amis, tandis que les enfants sont relégués dans une annexe, le Gardener’s Cottage, avec leur gouvernante.

Les cabinets de travail de Vita et d’Harold sont situés aux deux extrémités de la maison et, sous leurs fenêtres, sont tracés deux jardins enclos, qu'ils peuvent contempler en écrivant. L'idée du territoire de chacun d'entre eux est déjà en germe. Celui de Vita est bordé de buis et le schéma floral est orangé et bleu. Il se prolonge en contrebas par un massif d’azalées, qui se termine par une allée de peupliers. Celui d'Harold est rempli de roses, sous un merisier. Sous les rosiers, Vita plante toujours des couvre-sol, lavande ou romarin.

A l’est du jardin, un bosquet humide, le Delphic Grove, accueille des plantes aquatiques et des azalées autour d'un étang. Au sud, un verger enclos est

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-savamment cultivé par Vita de fleurs sauvages et de rosiers, grimpant sur les pommiers.

Deux larges pelouses s'étalent successivement au pied de la terrasse, rete­ nues par des murets de pierres sèches. La première est bordée par une colonnade majestueuse d'ifs taillés. Vita la nomme pleasaunce, en mémoire de l'un des jardins de Sutton Courtenay, où Norah Lindsay a inventé un mode de plantation très libre et personnel, qui l’a beaucoup influencée. Vita a 23 ans. Elle commence à s'intéresser activement au jardinage. Ses carnets montrent les degrés de son apprentissage. Elle plante tout d'abord les fleurs que chantent les poètes anglais. La maison se couvre de plantes grimpantes, rosiers ou clématites. Elle plante des haies d'ifs, des peupliers, des buis qui structurent le jardin et construit même avec ses enfants les emmarchements de briques.

Elle est alors influencée par William Robinson, grand théoricien des jardins de la fin du siècle dernier, pour qui elle gardera toujours une grande admiration. L'auteur de The Ençlish Flower Garden et The Wild

Garden a une vision romantique du jardin ; il n'hésite pas à mélanger des

plantes totalement incompatibles entre elles selon les normes du jardin victorien et fait l'apologie du traditionnel Cottage Garden, qui allie natu­ rellement un certain formalisme du tracé avec l’exubérance des planta­ tions.

En 1917, commence l’amitié passionnée entre Lady Sackville et le grand architecte Edwin Lutyens, qui emmène la mère et la fille chez Gertrude Jekyll, à Munstead Woods. Ainsi Vita découvre l'approche subtile et novatrice que cette vieille dame a développée, en association avec Lutyens, dans les nombreux jardins qu’ils ont composés ensemble, dans la tradition du mouvements Arts and Crafts. Leur influence ira grandissante : très vite les roses anciennes envahissent Long Barn et, en 1925, Harold, qui rêve de « la version anglaise rustique du jardin de la villa italienne », dessine avec Edwin Lutyens un jardin enclos, situé en contrebas des deux pelouses et d’une allée qui court d'est en ouest. Ce jardin, le Dutch Garden est composé de six parterres surélevés en forme de L, plantés d’une profu­ sion de fleurs organisées en harmonies de couleurs, gris et rose, gris et

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-jaune, gris, violet et bleu. Deux de ces massifs sont plantés d'herbes aro­ matiques. L'une des oeuvres de Lutyens, terminée en 1916, Folly Farm, a sans doute eu une influence profonde sur Long Barn et sur Sissinghurst, par la suite, puisque l'on y retrouve, outre une série de jardins enclos organisés par rapport à un jeu savant d'axes, un Sunken Rose Garden et un

Lime Walk.

Le jardin de Hidcote, demeure du major Lawrence Johnston, commencé en 1905, a sans doute également eu une influence déterminante sur Vita et Harold, bien que l'on n'ait aucune preuve qu'ils l'aient visité avant 1941. Ce jardin célèbre est également fait d'une enfilade de pièces extérieures. Harold écrit en 1963 : « I should myself rank Hidcote as the best example of this

fusion of expectation with the element of surprise », et Vita en fait une très belle

description en 1949, pour le Royal Horticultural Journal.

En 1929, ils avaient usé tout le potentiel du jardin et de la maison de Long Barn. Une ferme d'élevage de poulets menaçait de s'installer à côté de la propriété et, d'autre part, Vita et Harold aspiraient à une campagne moins proche de Londres. Ils étaient donc prêts pour Sissinghurst, mais Vita a conservé Long Barn jusqu’en 1944, car sa mère l’avait racheté officieuse­ ment pour elle, afin de lui conserver une source de revenus.

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LONG BARN 1. C O T T A G E 2. E N T R A N C E CO U RT 3. SALON DE VITA 4. JA R D IN C L O S DE VITA 5. T H E B IG ROOM 6. B U R E A U D'H A ROLD 7. T E R R A C E 8. TENN IS 9. DUTCH GARDEN 10. ORCHARD 11. D E L P H IC G R O V E 12. E TA N G

(24)

CHRONOLOGIE DU JARDIN

1930

- Découverte de Sissinghurst par Vita le 4 avril 1930 « Un complexe de ruines dans 7 acres de sauvagerie boueuse ».

7 acres = 3,6 hectares.

- Il ne reste du château initial que le Moat (douves) et un mur ponctué de contreforts découverts sous les décombres.

Du château de la Renaissance subsiste la tour, les bâtiments d'entrée, le South Cottage, morceau d'une aile ancienne, quelques murs et la

Priest's House.

- Le terrain légèrement vallonné, comprenait : - un vaste verger, VOrchard,

- une plantation de noisetiers, le Nuttery, - un jardin potager, le Kitchen Garden trapézoïdal.

- Dès la première année, création d'un lac, dans une cuvette naturelle au sud-est du terrain, alimenté par un ruisseau, et plantation d'une allée de peupliers pour s'y rendre.

- Le Moat est assaini.

- Aménagement de la tour, cabinet de travail de Vita. Les anciens murs du jardin et des bâtiments sont mis à nu, afin de structurer le futur jardin.

1931

- Finition du lac, coupé en 2 parties par une digue. - Ouverture de l’arc du bâtiment d'entrée.

- Le Front courtyard et le Tower lawn sont engazonnés ; projet d'une fontaine dans le Front courtyard, abandonné par la suite.

- Engazonnement et plantations dans VOrchard.

- Devant le South Cottage, le Cottage garden est constitué : forme en croix

(25)

-21

-bruyères. En contre-bas, une haie semi-circulaire, le Sissinghurst

Crescent, permet la vue vers le Moat Walk, bras mort du fossé enga-

zonné, le long du mur redécouvert du premier manoir.

- Août : Construction d'un mur au nord du Tower Lawn, afin de créer le premier Rose Garden devant la Priest's House ; cet enclos en forme de croix, le premier à être planté, est divisé en grille et séparé de l'Orchard par une haie d’ifs.

- Remise en état du Kitchen Garden.

1932

- Emménagement à Sissinghurst le 9 avril 1932. - Etude des axes et du développement du jardin.

- Plantations importantes à l’extérieur des limites du jardin : - allée de peupliers menant à l’entrée.

- allée de 36 peupliers conduisant au lac. (le premier projet étant une allée de cerisiers).

- deux peupliers dans l'axe principal, de part et d'autre de la future statue de Dionysos.

- Deux tilleuls à l'entrée.

- Chaque lieu, nouvellement décidé, est enveloppé, ou affirmé par des plantations :

• 30 tilleuls forment l'allée du Lime Walk entouré d'une charmille. • 5 acacias (robiniers) autour du Sissinghurst Crescent.

• deux lieux sont constitués par des ifs taillées :

- Le Yezo Walk, une rangée est plantée au printemps, l'autre en automne, devant former un tunnel.

- le Rondel, forme circulaire au centre du Kitchen Garden. • 4 ifs d'Irlande non taillés bornent le Front Courtyard.

- Afin de fermer la grande cour au nord, la construction d'une aile est envisagée, puis d'une loggia couverte.

- Lady Sackville offre de nombreuses oeuvres d'art qui vont être dispo­ sées dans le jardin de façon à ponctuer les axes :

- un Dionysos et une bacchante, 8 urnes en bronze provenant de Baga­ telle, placées le long du Moat Walk, ainsi que 2 vases en plomb placés

(26)

-22-devant la tour, au sommet des marches. Plus tard, 2 urnes seront vendues, 4 placées à l'entrée, et 2 devant le Powys Wall.

1933

- L'Erectheum, pergola sur colonnes antiques, est construit dans le Rose

Garden pour abriter les repas d'été, à côté de la salle à manger de la Priest 's House.

- Le Kitchen Garden est redistribué en carrés bordés de buis qui forment, avec le Rondel, un dessin plus classique.

- La digue, qui séparait les deux bras du Moat, est détruite. - Un appentis est construit à l'arrière du South Cottage.

1934

- Extension de la Priest 's House.

- Poursuite du travail engagé sur la structuration du jardin : • le centre du Cottage Garden est marqué de 4 ifs irlandais.

• le futur Herb Garden est cerné de haies d’ifs, formant un carré près du Moat, à l’extrémité du Nuttery.

• une haie termine le Kitchen Garden.

• deux peupliers viennent marquer l'extrémité sud de l'axe, traver­

sant le Tower Lawn et le Rondel, près de la statue de la bacchante. • chaque année, Vita plante sans relâche dans tous les jardins. En

particulier, en 1934,600 Lilium Regale.

A ce moment, le jardin de Sissinghurst apparaît dans son ensemble. Tous les marquages existent. Le squelette est prêt, mais les plantes sont encore jeunes.

1935

- Réalisation de The Big Room dans l'aile nord du bâtiment d'entrée : • ouverture d’une large fenêtre à l'extrémité nord.

• réalisation d'une cheminée avec des morceaux de l’époque du château, retrouvés dans le jardin.

(27)

-23-Cependant, malgré leur rêve de réaliser The Perfect Room, Vita et Harold furent déçus de l’ambiance de cette pièce, qu’ils utilisèrent peu.

Elle y met une statue en bois : la Vierge par Rosandic.

- Construction du mur semi-circulaire du Kitchen garden avec l’architecte A.R. Powys, le Powys Wall. L'allée périphérique de l'enclos est dallée, les chemins en croix sont maintenus en gazon.

- Début de la réalisation de « Délos », plateau rocheux derrière la

Priest 's House, où toutes les pierres sont jetées : ce lieu devient une

évocation d'un champ de ruines grecques.

La Memorial Column y est installée pour un temps.

- Construction du mur de briques qui isole « Délos », du Front Lawn, contre lequel sera planté le Purple Border.

- Plantations dans le Rose Garden : une allée d'amandiers est plantée et les arbres servent de support à des roses grimpantes. Une copie en plomb de la Vierge de Rosandic est installée dans l’axe du jardin, dans un enclos en contre-bas.

L'essentiel des travaux se situe du côté nord.

1936

- Fermeture du Rose Garden par une haie d'ifs.

- Transformation de l'aile sud du bâtiment d'entrée en maison des enfants.

- Construction de serres, dont une d'orchidées.

- Réfection du Bowling Green et plantation de massifs d'azalées le long du Moat Walk.

- Pavage du Lime Walk qui va être l'objet de tous les soins d'Harold.

Achat de pots provenant de Venise pour le Lime Walk et le Front

Courtyard. Harold prépare des carnets de plantation pour composer

un Spring Garden ; il plante des centaines de bulbes et en note l'évolution.

- Vita perfectionne la culture de ses roses dans le Rose Garden et multi­ plie les plantations de bulbes sous les arbres dans X Or char d.

(28)

-24-1937

- Transfert des roses dans le Kitchen Garden débarrassé de ses légumes. Cet enclos est 3 fois plus grand que le précédent Rose Garden, qui devient un herbaceous border. Au centre, est disposé un grand pot Ming acheté au Caire par Harold.

Les rosiers grimpants sur les arbres sont conservés.

- L'Orchard est réaménagé et un chemin nivelé en fait le tour.

- Un autel grec est acheté à la vente du château irlandais de Lord Dufferin, l'oncle d'Harold. Il est placé à « Délos » et plus tard dans l'Orchard.

Le jardin a 7 ans, et commence d’exister vraiment.

1938

- Vita plante en mars l'Herb Garden, en 4 parties. La vasque centrale, rapportée d'Istanbul, est installée en 1939.

- Rosiers grimpants dans les arbres de YOrchard.

- Vita fait visiter le jardin à partir de la mi-juin, pendant un seul week­

end. Cette ouverture au public sera suivie de 2 week-ends en 1939 et de 3 en 1940.

- Vita engage un excellent chef jardinier, Jack Vass (venant du château de Cliveden). Malgré le début de la guerre, ils ne peuvent s’empêcher de faire des plans d'avenir.

- Le Lion Pond, situé au sud du Tower Lawn, est comblé : Vita pense y réaliser un White Garden.

Mais ce Heu est dans l'ombre et Vita rencontrera toujours des difficultés à le planter.

1940

- Pendant la guerre un abri anti-aérien est construit dans YOrchard près du futur White garden.

1944

- Réalisation d'une porte en fer forgé (Ylron Gâte) entre le Front Court-

(29)

-25-1949

- Réalisation du INhite Garden, à la place de Yherbaceous border, et plantation d’un jardin blanc et gris.

- Un banc est réalisé par le chauffeur, dans l'Herb Garden, avec des pierres antiques.

1950

- Plantation du Thyme Lawn, devant l'Herb Garden ».

- Développement intensif de nouvelle plantations dans chaque enclos.

1954

- Le Lion Pond devient un Sunken Garden. - Un pigeonnier est construit dans 1 ' Or chard.

1962

- MortdeVita.

1963

- Emmarchements devant la tour vers le Tower Lawn.

1966

- Un chemin est réalisé pour traverser le jardin de Délos.

1968

- Des allées sont pavées :

• dans l'axe principal du Rondel, à travers le Rose Garden.

• à l'extrémité du Moat Walk, le passage reliant Y Or char d à l'Herb

Garden.

- Mort d'Harold. Le jardin est vendu au National Trust.

1969

- Un gazebo est réalisé par Nigel Nicolson à la mémoire de ses parents, à l'angle des deux bras du Moat.

(30)

-26-- Le dallage des allées et les changements intervenus dans les planta­ tions et l'organisation des lieux, comme, par exemple, la suppression des peupliers de part et d’autre des deux statues, et la tonnelle en métal, au centre du White garden, pour remplacer les amandiers morts, sont le fait du National Trust qui transforme progressivement le jardin.

(31)
(32)

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(33)
(34)

L'ORGANISATION DU JARDIN

Si le territoire concerne l'étendue du terrain sur lequel s'exerce un pouvoir, une autorité, on considère alors ce territoire comme astreint à des règles comportant ses rituels, ses interdits.

Dans le cas de Sissinghurst, la présence d’un territoire, de Vita ou d'Harold, se manifeste par un système d'axes et de perspectives, qui commande une succession d'enclos, de passages et de parcours que jalon­ nent des bâtiments, complémentaires les uns des autres par l'usage qui en est fait. Que l'autorité dont il dépend soit celle de qui l'a créé à l'origine ou non, que son pouvoir soit reconnu ou inconscient, l'essentiel est que l’autre ou les autres le ressentent ainsi.

Bien qu'ils en définirent ensemble les premiers principes, Vita et Harold vont chacun s'approprier et dominer un espace différent qui devient son propre territoire, et auquel chacun va donner non seulement un corps mais une « âme », à l’image de ses désirs, de ses passions, de ses rêves. Ce territoire est le miroir de sa personnalité, le reflet d'une philosophie, d'une conception du monde.

Le tracé des axes

Après leurs premières expériences pratiques de jardinage à Istanbul, à Téhéran et à Long Bam, où Harold dessine le Dutch garden avec l'architecte Edwin Lutyens, Vita et Harold, dès leur installation à Sissinghurst, se mettent d’accord sur les principes du jardin qu'ils désirent, afin qu'Harold puisse en dessiner les plans : « The garden-designer must hâve his own shetch

map clear in his head before he starts to level or to plant. » (Harold, cité par

Anne Scott-James : The Making ofa garden, p. 38).

Vita (dans un article The çarden at Sissimhurst Castle écrit pour le Royal

Horticultural Society Journal - nov. 1933) développe son point de vue pour

la mise en forme de l'ossature, du squelette même du jardin, qui respecte l'identité de chaque territoire spécifique, l'ensemble devant constituer une

(35)

-28-vaste demeure : « We agreed entirely on what was to be the main principle of the

garden : a combination of long axial walks, running north and south, east and zvest, usually with terminal points such as a statue or an archway or a pair of small geometrical gardens opening off them, rather as the rooms of an enormous house would open off the arterial corridors. » (cité dans The Making of a Garden,

p. 38).

Ce principe de base va ordonner les espaces du jardin, les pôles, les points de vue, les parcours, composant une hiérarchie des lieux, du plus théâtral au plus intime, voire secret, va organiser un réseau de repères visuels, objets, portes, arches ou statues et induire en fin de compte un jeu subtil et ambigu de rencontres possibles ou impossibles.

Cette élaboration des tracés est l’oeuvre d'Harold. A l'aide de photogra­ phies aériennes, il trace des plans et les met à l'épreuve de la perspective, en dirigeant la simulation du haut de la tour, avec des « petits bouts de bois, des pelotes de ficelle et un mètre à ruban », son fils Nigel lui servant de point de mire pour situer les extrémités des axes grâce à une « canne de bambou et un foulard ». C'est ainsi que la statue de Dionysos trouve son emplacement définitif (Rapporté dans Vita's other world par Jane Brown). Harold possède une disposition d'esprit rationnelle, qui s'accompagne d'une attirance pour le classicisme, la rigueur, les tracés architecturaux et les axes.

Il exprime sa pensée dans l'introduction qu'il écrit pour le Great Gardens de Peter Coats en 1963 : « The main axis of a garden should be indicated and indeed

emphasized, by rectilinear perspectives, by Unes of clipped bedges ending in terminais in the form of statues or stone benches. Opening from the main axis, there should be smaller enclosed gardens » (cité dans The Making of a Garden

p. 38).

Cette démarche classique vient servir de support à la profusion roman­ tique de Vita : « he has a natural taste for symetry and an ingenuity in forcing

focal points or long distance views, where everything seemed against him, a capa- city I totally lacked. » (Vita citée par Anne Scott-James, dans The Making of a Garden)

(36)

-29-Ils en arrivent parfois à s'opposer à l'incompréhension de l’autre. Harold rapporte dans son journal du 29 décembre 1946 (citée par Victoria Glendinning dans Vita. p. 376 : ) « Dans l'après-midi, j ’essaie de convaincre

Vita que la planification fait partie du jardinage. Je désire lui prouver que l'entrée de l'allée des douves doit être plantée en y réfléchissant à l'avance et en dessinant un projet. Elle veut seulement piquer au hasard dans ce qu'elle a remis à plus tard. Le tragique des tempéraments romanesques, c'est qu'ils sont si hostiles à la forme, qu'ils ignorent l'effet de masses. Elle veut planter des fleurs qui donneront une belle couleur rouge en automne. Pour ma part, je veux planter ce qui donnera une perspective harmonieuse. Finalement, nous nous quittons assez peu amis. »

Cette différence de personnalité est le stimulant de leur démarche, dans la genèse et l'évolution du jardin qui ne prendra sa forme que dans le temps, par un processus interactif complexe. La magie de ce jardin est faite de son histoire et du dialogue dans l'espace des différents lieux qui le composent dont il faut découvrir si possible le sens caché.

Les orientations induites par l'Histoire

L'orientation de certains axes est imposée par les strates de l’Histoire, dont l'empreinte marque les lieux, de murs en ruine, de morceaux de bâti­ ments...

Il est possible de repérer trois états principaux :

- la direction nord-sud, est-ouest, due au manoir médiéval entouré de douves, dont le Moat est la trace,

- une orientation légèrement décalée imposée par le château de style Tudor, datant de la fin du XVe siècle, construit par Sir John Baker, dont le bâtiment de l’entrée est le seul témoin subsistant,

- enfin l’axe nord-ouest, sud-est et sa perpendiculaire, orientations de la tour et du South Cottage qui sont les ruines de la cour d’une grande maison Elisabéthaine, construite par Sir Richard Baker au XVIe siècle.

(37)

-30-Vita insiste sur l'importance de ces références ancestrales pour l'anatomie du futur jardin (article de novembre 1953 dans The Journal of the Royal

Horticultural Society, cité dans The Making of a garden, p. 36) : « The site of Sissinghurst was not a new one (...) This was an advantage in many ways. It meant that some of the Tudor buildings remained as a background, it meant that some high Tudor walls ofpink brick remained as the anatomy of the garden to be, and two stretches of a much older moat provided a black mirror of quiet water in the distance ».

Ces trois tracés aux orientations contrariées, loin d'être un handicap, sont, pour Harold,générateurs d'un double système d'axes complexe et original, dont il sait tirer profit, afin d'organiser le territoire de chacun :

- la tour et ses enclos est le territoire de Vita,

- l'ensemble du Nuttery, du Lime Walk et du Moat Walk devient celui d’Harold.

Tracé du système d’axes lié au territoire de Vita

La tour est, dès la découverte de Sissinghurst, le lieu privilégié de Vita. Elle impose les deux directions axiales qui vont sous-tendre la maîtrise de Vita sur son territoire :

L’axe principal nord-ouest/sud-est, parfois marqué par un dessin au sol et limité par des haies, parfois virtuel, simplement déterminé par quelques points de repère. Il part du porche d'entrée du jardin, passe sous l'arche de la tour, traverse le Yew Walk, se perd dans l'Orchard pour aboutir au delà du Moat, gardé par une paire de « peupliers sentinelles » à une statue de Dionysos.

Une série d’axes perpendiculaires organise, de part et d'autre de la tour, deux enclos dont les masses se pondèrent, formant l'image abstraite d'un corps projeté au sol. Ces axes sont parallèles aux bâtiments de l'entrée et au Yew Walk qui limitent les deux enclos, le Rose Garden (à l’origine l’ancien

(38)

31

-son atmosphère propre et possède une hiérarchie interne d'axes secon­ daires.

Tracé du système d’axes lié au territoire d’Harold

En raison du décalage des directions, la composition de l'ensemble du jardin fut pour Harold un casse-tête insoluble. Son esprit classique le portait à faire tout entrer dans un seul système d'axes symétrique. Dans la mesure où pré-existaient des lieux tels que le Nuttery et le Moat, ainsi qu'un bras mort de celui-ci qui deviendra le Moat Walk, il chercha la manière de faire co-exister ce système d'axes avec le premier, celui de la tour. La difficulté se situait en leur aire de rencontre, l'ancien Kitchen

Garden, de forme trapézoïdale.

Il avait installé son centre de vie et surtout son cabinet de travail dans le

South Cottage et va s'approprier ce territoire en tirant partie de l’orientation

est-ouest. Il change la forme du Kitchen Garden, donne naissance au Cottage

Garden, crée deux perspectives presque parallèles : le Lime walk en conti­

nuité avec le Nuttery, et le Moat Walk.

Il écrit à ce propos le 20 mars 1932 dans son journal :

« Vita and I measure the Kitchen Garden to discover how much paling wïll he

required to make it square. I fiddle about with this vista problem. Obviously what would be good in a teleological sense would be to put the end of the main nuttery walk at the end of a main vista running from the new angle of the Kitchen Garden, past the cottage garden and thus perspectively to what is now a gâte into a field but which one day will be a classic statue erect among cherry trees. Only this cuts angularly across the holly hedge in our own little cottage-garden and fits obtusely with the rest of the design.

That is what is such a bore about Sissinghurst. It is magnificent but constantly obtuse (...) » (cité par Jane Brown, Vita 's other world, p. 119).

C’est l’apparition du Lime Walk, planté dès 1932, qui permit de résoudre les problèmes de forme du Kitchen Garden. Il devait devenir par la suite le jardin préféré d'Harold, le lieu de ses expérimentations. Le bras du Moat

(39)

-32-n'était pas exactement parallèle au reste de la composition; la bordure d'azalée fût créée pour compenser son irrégularité.

Harold se situe à la périphérie du jardin, en partie pour laisser Vita s'approprier un lieu qui avait appartenu à ses ancêtres. Il fait le choix d'un territoire, orienté vers le sud, constitué de deux parcours presque paral­ lèles, et inversés ; chaque perspective ainsi créée part d'un jardin enclos centré, dans une promenade rectiligne, dirigée vers une statue située à l'horizon :

- A partir du Cottage Garden, son centre personnel, s'offre une vision de l'horizon immense, plein sud : « If is in Kent. It is a -part of Kent we

like... » (lettre à Vita du 24 avril 1930), vers le lac qu’il a tenu à réaliser

en premier.

- Tout près, à partir d'un lieu semi-circulaire, le Sissinghurst Crescent, entouré d'acacias, une promenade, le Moat Walk aboutit à l'est, au delà du Moat, à la statue de Dionysos.

- Au retour, vers l'ouest, à partir de VHerb Garden, l'ensemble du

Nuttery jusqu'au Lime Walk, offre une promenade à la rencontre de la

(40)
(41)
(42)

32 c

XVI° siècle : maison élizabéthaine

XVII° siècle

XIX° siècle : une prison militaire

(43)

1. E P O Q U E M E D I E V A L E 2 . E P O Q U E T U D O R (X V ° s i è c l e )

3 . E P O Q U E E L I Z A B E T H A I N E (X V I° s i è c l e )

(44)
(45)

■V L W i I - ' Ci. Y. Y - - , '. • ' c & i ■ . " , 1' .' ' •. , * * ‘ l 3 & A :i L > • y i r - : ^ . . r ■ ■■ ç & a •' ’ i ; ,*- f* V-CV> o . . ■ • - ' . - 1 - i 1 ' ^ ' • ^ ’ ; • . L E T E R R I T O I R E D E V IT A 32 f

(46)

HAROLD : LE TERRITOIRE INVESTI

Dans un premier temps, Harold habitant très peu Sissinghurst et toujours en voyage, laisse à Vita la partie centrale du jardin, qu'elle associait à ses ancêtres, et s'approprie les marges. Son territoire se situe face au sud, ouvert sur le paysage environnant. Ainsi, sa personnalité nomade, de diplomate, l'empêche de se fixer, ou plutôt requiert que la fuite soit toujours possible. Son imaginaire est lié à l’idée du voyage. Ce désir de marquer un lieu où il va enfin s'arrêter le fait passer de la réalité de nomade à la rêverie de l'instabilité, de l'errance. La première conséquence est la création du lac, en dehors du jardin, réalisé dès son installation (en 1932). Une fois fixé à Londres pour ses activités, il trace le double parcours inversé qui lui permet de vivre en fin de semaine ce désir d'évasion qu'il recherche dans un jardin. Nigel rapporte dans Portrait d ’un mariage, p. 299 une des habitudes de son père :

« lorsqu 'Harold retournait à Sissinghurst chaque vendredi soir, il parcourait,

toujours vêtu de son costume de ville, sa serviette à la main, le jardin, y trouvant, avant toute chose, le lieu où disparaissaient tous les désespoirs de la semaine, un verre de vin contenant les merveilles du week-end ».

Le jardin miniature comme substitut

A partir de juin 1946, Harold s'installe dans un nouveau pied-à-terre à Londres sur Onslow Garden dans South Kensington. Devil Tenace, ainsi l'appelle-t-il, est un lieu qu’il déteste. Afin de le supporter, il veut le trans­ former en « great Palladian garden », et reconstituer en miniature un rappel de son territoire de Sissinghurst, dont l’image réduite du « lac de ses rêves ». Vita lui préparait des bacs de fleurs aux couleurs vives, qui plaisaient tant à Harold, par exemple les fleurs jaune, orange et rouge du jardin flamboyant du Cottage Garden, ainsi que l’écrit Vita dans une lettre à Harold du 4 février 1947 :

« I enclose a list of annuals from which you can compose either a yellow and

(47)

-34-don 't y ou ? or a purple mauve and pink one - y ou will hâve to buy these plants in May - I should mix wall-flowers with your polyanthus - orange bedder wall flowers and fire king with yellow and tawny polyantha. Must you hâve géraniums ? » (Jane Brown dans Vit a 's other world, p. 178).

Le

L im e W a lk - S p rin g G a rd en - U n te r d en L in d en

- (1932)

A partir de l'été 1947, une nouvelle vie s’organise pour Harold. Il profite davantage de Sissinghurst, et par exemple, se baigne régulièrement dans le lac... : « Bathing in the lake before breakfast under the Erectheum, writing ail

day and working and planning the garden, especially his spring border « Unter den Linden » in the evenings » (Jane Brown : Vita ’s other world, p. 178).

Par ses carnets de notes, il est alors possible de suivre précisément sur quelles parcelles du jardin Harold va appliquer ses idées ; ce qui permet d'établir l'emprise exacte de son territoire.

Son lieu préféré, depuis qu'il l'a créé en 1932, est la perspective du Nuttery et du Lime Walk qu'il nomme Unter den Linden en souvenir de la fameuse promenade berlinoise. Cette allée de tilleuls tapissée de fleurs sera rebap­ tisée par la suite spring garden en raison de sa floraison programmée au début du printemps. La symphonie de couleurs de ces mixed Borders se prolonge dans le sous-bois de noisetier par un tapis de primevères et de polyantus (« symbol ofall that was bright andgood »).

Sa passion pour ce lieu était telle qu'Harold nomma son grand oeuvre : My

life’s work (ou M.L.W.). Il en parle en ces termes dans sa lettre à Vita du

18 avril 1945 cité par Jane Brown dans Vita ’s other world,

p.

179 :

« I am determined to make M.L.W. the loveliest spring border in England and then to make the Nuttery what it was before. If I succeed in this I shall die happy ».

Il se fait assister, pour mener à bien ce projet, d'un jardinier particulier, Sydney Neve ; Vita et Vass, son propre jardinier, n'ont pas le droit d'y intervenir. Harold inscrivait méticuleusement dans un cahier, à partir de 1947 et durant 15 ans, les schémas de plantation, les variations et sugges­ tions, année par année, mois par mois du Spring Garden. Il l'appela : My

(48)

- 3 5

-Life 's Work note-book et numérotait sur le plan les tilleuls de 1 à 15 au nord

et au sud, chaque section déterminant les zones à planter entre chaque arbre.

Le

S o u th C o tta ge

et le

M o a t W a lk

(1931)

Harold marquait également sa préférence pour le Cottage Garden et le Moat

Walk qui constitue le deuxième axe-promenade menant à la statue de

Dionysos. Harold délègue pourtant son pouvoir, quant à l’entretien et au jardinage, à Vita et à son jardinier Jack Vass, à la condition expresse de suivre ses indications, puisque ces lieux faisaient partie de son territoire.

• L e Study

Son bureau est, dans le South Cottage, orienté au sud ; Harold y tourne le dos au territoire de Vita. Il domine ses deux promenades, le Lime Walk et le

Moat Walk, sa vue s'étend, au-delà de l'enclos, vers le lac, à travers les

prairies plantées de fleurs, jusqu'à la forêt de Roundshill Park. Les haies du

Lime Walk servent d'écrans rapprochés, accentuent la mise à distance,

l’éloignement du paysage ; des ouvertures multiplient les vues.

Harold écrit en octobre 1948 cité par Anne Scott-James dans The Making of

a garden, p. 111 : « Sissinghurst has a quality of mellowness, of retirement, ofun- flaunting dignity, which is just what we wanted to achieve and zuhich in some ways we hâve achieved by chance. I think it is mainly due to the succession of privacies (...) AU sériés of escapes from the world, giving the impression of cumulative escape ».

Harold veut voir mais ne pas être vu, afin de préserver leur intimité, il se crée un refuge, loin des hommes, de la vie de Londres, refusant une émis­ sion de télévision sur le jardin : « having a préjudice against « exposing my

intimate affections to the public gaze ». (cité par Ann Scott-James : The making of a garden, p. 109).

Ce poste d’observation lui permet donc un contrôle de l'ensemble de son territoire.

(49)

-36-• Le Sissinghurst Crescent

Cet arrêt dominant le Moat Walk est le point de départ de la promenade, c'est un havre de paix, de fraîcheur, une bouche d'ombre. Cet arc de cercle en forme de trône possède un banc dessiné par Lutyens et, en son centre, la trace d'une meule tournoyante comme un soleil. C'est le lieu où l'homme retrouve ses forces dispersées, se recrée un équilibre, qui lui permet de contempler pleinement le tableau qui s'offre à lui, avant de s'enfoncer dans la profondeur du Moat. A partir de ce trône, l'ensemble de la promenade vers le soleil levant se déroule avec un grand apparat, un cérémonial : à partir du trône, le tapis déroulé du Moat Walk (Persian

carpet), le rythme des contreforts d'un mur Tudor, les colonnes de deux

peupliers, la niche d'une statue.

L e R o n d e l (1933)

Bien avant la transformation par Vita du Kitchen Garden en Rose Garden (à partir de 1939), Harold a redéfini cet enclos. Le trapèze devient un rectangle, un pan coupé par le Lime Walk. Au centre, il compose un espace rond de géométrie parfaite, le Rondel (ainsi est appelé dans le Kent, le lieu de battage de l'avoine). Les haies d’ifs taillés imposent un compartimen­ tage à la profusion sauvage des plantations de Vita. Au début, l’idée d'Harold a du mal à s'imposer, surtout dans un territoire revendiqué par Vita, il le raconte dans son journal le 27 septembre 1933 (Gwen St-Aubyn, soeur d'Harold était là pour l'aider) : « (I) measure the central path in the

kitchen garden and Gwen helps me. Finally Vita refuses to abide by our decision or to remove the misérable little trees which stand in the way of my design. The romantic tempérament as usual obstructing the classic. » (Jane Brown : Vita's other world, p. 119).

Elle ne l'accepte qu'à contre-coeur, uniquement parce que William Robinson, le jardinier qu'elle admirait le plus à l'époque, intégrait aussi des éléments formels dans ses compositions.

Harold a plus tard une autre suggestion pour le Rondel : le transformer en « Bassin de Neptune » comme celui de Versailles, exagération volontaire­ ment polémique, vu sa tendance classique : « I admit that Versailles,

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-37-Courances and Villandray are superb achievements of the architectural school of gardening. Nobody could sit with his family on the parterre of Versailles and read

the sunday papers while sipping china-tea » (Harold Nicolson 1963 : Intro­

duction au livre de Peter Coats : Great çardens. cité par Scott-James The

Making of a garden, p. 38).

L’idée de transformer le Rondel en bassin, se réfère également à Hidcote, jardin du Major Lawrence Johnston, que Vita et Harold admiraient beaucoup, et dans lequel le Bathing Pool Garden était envahi par un bassin circulaire, de façon exagérée, également pleine d’humour, tel un immense miroir.

L es in terv en tio n s d ’A .R . Pozvys

A.R. Powys, architecte de la « Society for the Protection of Ancient

Buildings », appelé par Vita et Harold le « Frère positif », intervint en 1932

comme consultant. Il essaya toujours d'imposer ses vues par de longues argumentations écrites et quelques réalisations lui furent confiées, telles

VErectheum et le Rose Garden Crescent.

Le M ur des Héros

La première consultation de Powys a porté sur la fermeture au nord du

Front Lawn pour l’isoler de ce qui devait devenir « Délos », et n'était alors

qu’un dépôt des pierres trouvées dans le jardin.

- L'idée première de Vita et d'Harold était de fermer l'espace en déplaçant une grange de Sissinghurst pour la reconstruire à cet emplacement. Ils envisagèrent également la construction d’une aile nouvelle mais aban­ donnèrent cette idée trop coûteuse.

- Vint ensuite l'idée d'une « loggia couverte », qui servirait aussi de volière pour les oiseaux de Vita, et qu'elle désirait couvrir de roses Mermaid. La proposition de Powys d'un mur à arcades visibles des deux côtés fut reje­ tée par Vita comme « trop élaborée^.

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