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Du jardin au désert. Poétique du non-lieu dans Delphine de Madame de Staël
Nicolas Brucker
To cite this version:
Nicolas Brucker. Du jardin au désert. Poétique du non-lieu dans Delphine de Madame de Staël. 2005.
�hal-01470765�
Du jardin au désert.
Poétique du non-lieu dans Delphine de Madame de Staël
En écrivant Delphine (1802), tragédie de l’amour impossible, Mme de Staël copie les plans de jardins familiers du siècle des Lumières, en ajoute d’autres provenant de sources littéraires ou de ses voyages, et compose ainsi un décor végétal au drame qu’elle suscite, décor lui-même dramatique en ce qu’il est animé d’un dynamisme propre, décor symbolique en ce qu’il donne forme à des idées, décor mythologique en ce qu’il désigne, au-delà de lui-même, les données fondamentales de l’existence. Le destin de Delphine s’accomplit au jardin : c’est ce lieu, dans ses différentes variantes, qui construit la trame du roman. Deux éléments doivent toutefois être pris en considération : d’une part Delphine est dénué de tout pittoresque horticole, d’autre part ce roman nie la possibilité du bonheur en niant la possibilité du lieu. Ambivalent, ironiquement réversible, tragiquement trompeur, le jardin de Delphine laisse poindre ses fleurs, fait espérer la rondeur du fruit, puis jette un frimas mortel sur cette promesse d’été. S’il est un Dieu des jardins, c’est un Dieu pervers et cruel, qui d’un paradis fait un enfer, qui d’un jardin fait un désert.
Côté cour, côté jardin
Plus encore que Corinne (1807), Delphine dit l’impossibilité pour l’âme
sensible de toute vie en société, particulièrement pour la femme, et oppose
l’alternative du jardin. Une division s’opère dans l’espace social, partageant d’une
ligne nette la cour et le jardin, l’un symboliquement associé à la société et à
l’artifice, l’autre à la nature et à la vérité. Dans cette configuration, les
personnages incarnent des positions variées, allant du plus social au plus naturel,
du plus ouvert au plus intime. Être du jardin, c’est se livrer à la douce mélancolie,
à la surprise de la courbe, à l’ivresse de la profondeur ; c’est s’abandonner au
charme de la méditation et au charme plus vif de l’épanchement ; les âmes