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Lecture sémiologique d'une œuvre d'art : la Sieste de Joan Miro

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Texte intégral

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FACULTÉ DES LETTRES

f r

A/ L

LECTURE SÉMIOLOGIQUE D'UNE OEUVRE D'ART: LA "SIESTE". DE JOAN MIRO

JOSÉ LUIS UMANA

Mémoire présenté pour 1'obtention

du grade de maître ès arts (M.A.)

ÉCOLE DES GRADUÉS UNIVERSITÉ LAVAL

DÉCEMBRE 1992

® droits réservés 1992

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Nous avons analysé le tableau "La Sieste" de Joan Miré à partir de la sémiologie visuelle proposée par Fernande Saint-Martin. Cette analyse est divisée en deux parties: l'une correspond à l'analyse colorématique et l'autre à l'analyse syntaxique. Pour la première étape, nous avons élaboré une grille de 20 cases appliquée à l'oeuvre, qui nous a servi à réaliser les différentes études sur les rélations qui s'établissent entre les colorâmes. En ce qui concerne la deuxième étape, nous avons segmenté l'oeuvre en dix régions et ajouté des sous-régions selon le besoin de l'analyse. Celles-ci ont été étudiées par rapport à la couleur, la dimension, la texture, la vectorialité, l'implantation dans le plan et les frontières. Ce sont les notions sur les rapports topologiques, les lois gestaltiennes, les lois des interaction des couleurs et les différentes modalités perspectivistes qui nous ont aidé à étudier l'oeuvre.

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AVANT-PROPOS

J1 aimerais remercier ma directrice d'étude, Marie Carani pour l'aide inestimable et pour m'avoir fait découvrir une nouvelle façon d'approcher l'oeuvre d'art et surtout 1'histoire de l'art moderne. J'aimerais aussi remercier Mme. Fernande Saint-Martin pour ses précieux commentaires. A M. Roland Sanfaçon pour avoir accepté de lire et de corriger le mémoire, mes remerciements. A Edith qui m'a corrigé la grammaire et 1 ' orthographe. Et à tous ceux et celles qui m'ont encouragé à poursuivre mes études.

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TABLE DES MATIERES

Page

AVANT-PROPOS... i

TABLE DES MATIERES... ii

ABREVIATIONS... V INTRODUCTION... 1 1.0 CHAPITRE I PRESENTATION DE LA SÉMIOLOGIE VISUELLE 1.1 Introduction... 9 1.2 La théorie de la Gestalt... 10 1.2.1 Le percept... 12 1.2.2 L'activité perceptive comme telle... 15 1.2.3 L ' isomorphisme... 16 1.2.4 La profondeur... 19 1.2.5 La valeur relative de 1 ' expérience... 19 1.2.6 Invariance/mobilité... 20 1.2.7 Figure/ fond... 22 1.2.8 La bonne forme... 24

1.3 Les rapports topologiques... 29

1.4 Eléments constitutifs de la sémiologie visuelle... 36

1.4.1 Le colorème... 36

1.4.2 Les variables visuelles constitutives... 37

1.4.3 Les variables perceptuelles.... 40

1.5 Le plan originel... 43

1.6 Effets de distance et de perspective... 46

1.7 Systèmes perspecti vis tes... 50

1.8 Passages... 52

2.0 CHAPITRE II ANALYSE COLOREMATIQUE 2.1 Présentation de 1 'analyse... 53

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2.2 Développement de 1 ’analyse... 56

3.0 CHAPITRE III ANALYSE SYNTAXIQUE 3.1 Présentation de 1 'analyse... 77

3.2 Les variables plastiques... 83

3.2.1 Les pôles chromatiques... 83

3.2.2 La texture... 89

3.3 Les variables perceptuelles... 89

3.3.1 La dimension... 89

3.3.2 Les frontières/formes... 90

3.3.3 La vectorialité... 95

3.3.4 L'implantation dans le plan... 100

3.4 Position et visées du producteur... 101

3.5 Les modes perspecti vis tes... 102

3.6 Insertion des régions dans le plan originel... 111

3.7 Les rapports topologiques... 115

3.8 Enoncés visuels... 118 CONCLUSION... 121 BIBLIOGRAPHIE... ... 125 ILLUSTRATIONS Illustration A... 45 Illustration B... 57 Illustration C... 57 Illustration D... 82 Illustration E... 94 Illustration F... 110 Illustration G... 113 TABLEAUX Tableau 1... 59 Tableau 2... 60 Tableau 3... 61 Tableau 4... 62 Tableau 5... 63 Tableau 6... 64 Tableau 7... 65

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Tableau 8... 66 Tableau 9... 67 Tableau 10... 68 Tableau 11... 69 Tableau 12... 70 Tableau 13... 71 Tableau 14... 72 Tableau 15... 73 Tableau 16... 74 Tableau 17... 75 Tableau 18... 87 Tableau 19... 88 Tableau 20... 99

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ABREVIATIONS HOR. VER.

OHA

. ODY. CCP. CCP. ARC. FOC. ORT. ANG. GER. EDG. EGD. HSB. HPB. MAF. MVP. Horizontale Verticale Oblique harmonique Oblique dysharmonique Circulaire centrifuge Circulaire centripète Arcs de cercle Focale Orthogonale Angulaire En gerbes Enveloppement droite/gauche Enveloppement gauche/droite Enveloppement haut sur bas Enveloppement haut par le bas Mouvement arrêté par frontières Mouvement virtuel prolongé

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INTRODUCTION

Le but du mémoire

Ce mémoire se veut d'entrée de jeu une application de la sémiologie visuelle de Fernande Saint-Martin, à 1'oeuvre picturale. Notre approche constituera ainsi un nouveau départ pour 11 analyse à partir d'une systématicité théorique du fait pictural. Nous sommes ici à l'opposé d'une tradition humaniste, "cette tradition voulant que les phénomènes humains, contrairement aux phénomènes de la nature, soient singuliers, individuels et ne puissent donc ni être soumis

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comme ceux de la nature à des méthodes exactes, ni être généralisables"* *. Plus précisément, la sémiologie topologique de Saint-Martin recherche avant tout ces valeurs de constance et de globalité que l'on retrouve dans 1'analyse des phénomènes de la nature à travers des approches systématiques développées dans les sciences "pures". C'est ainsi que la sémiologie comme système théorique devient une construction si l'on veut, un construit, et un outil très important au plan de son application sur des objets "déjà soumis à notre expérience", mais aussi sur "tous les objets possibles de nature supposée"*.

Ce regard systématique sur l'objet peinture nous amènera à proposer un dialogue entre le champ visuel et notre expérience sensorielle, culturelle et conceptuelle. On veut apprendre à mieux organiser le champ visuel afin d'arriver à une reconnaissance des énoncés visuels qui échappent de prime abord à 1'analyste quand il soumet 1'oeuvre, sans préavis, à une foule d'interprétations. Données aprioriques d'ordre psychologique, sociologique, anthropologique, historique, etc...

* Louis Hjelmslev, Prolégomènes à une théorie du langage. Minuit, Paris, 1968, p.15-16.

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Alors on atteindrait la signification par des moyens purement "contextuels", en oubliant la structure interne des oeuvres, la dynamique de leurs unités visuelles et plastiques, c'est-à-dire leur intégration dans un champ visuel spécifique. Il est donc impératif aujourd'hui pour une nouvelle histoire de l'art de s'arrêter aux rapports qu'entretiennent effectivement les éléments constitutifs du tableau. C'est à partir de ces relations que l'on pourra formuler des hypothèses éclairées sur les modes d'organisation et de construction du pictural.

A cet égard, dans l'optique "topologique" qui sera donc la nôtre, par définition même, le dynamisme des rapports gestaltiens et topologiques, celui des pôles chromatiques, est de toute première importance lorsque l'on veut considérer l'oeuvre artistique comme étant une masse d'énergie qui est structurée à la fois dans les profondeurs et en surface, et qui se développe selon certaines nécessités formelles intrinsèques.

Notre étude ne se veut donc pas une simple description sommaire des éléments insérés sur ou dans cette surface, ni un exercice d'application d'une grille d'analyse sémiotique. Car l'utilisation d'une telle grille théorique ne constitue pas seulement un outil de fragmentation de l'oeuvre pour en

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faire autre chose. Au contraire, cette grille saint- martienne est proprement "opérationelle", c'est-à-dire qu'elle peut nous aider à découvrir et à discuter les formalismes et les mouvements directionnels qui sont présents dans l'oeuvre, ainsi que les rapports existant entre des zones minuscules du champ visuel appelées colorâmes. D'ailleurs ces formes organisationelles sont généralement demeurées inconnues dans les analyses traditionnelles où auront surtout prédominé les éléments figuratifs, si l'on veut les icônes nommables et représentables, c'est-à-dire les éléments qui faisaient directement référence aux objets réels.

On voudra plutôt se concentrer ici en priorité sur le "champ spatial" qui existe entre ces figures, donc sur les interval les et les variables qui les animent dans 1'espace du tableau.

Les objectifs

En conséquence de ce choix nos objectifs de travail sont les suivants :

a) démontrer une nouvelle possibilité de lecture de 1'espace pictural dans une perspective sémiologique; b) reconnaître les structures internes de 1'oeuvre

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picturale;

c) présenter des énoncés possibles issus de 1'analyse syntaxique;

d) déterminer les différentes étapes de cette analyse syntaxique et leur viabilité opérationable;

e) définir les types d'espace organiques auxquels renvoie l'oeuvre picturale.

Notre premier objectif concerne la possibilité de "voir" l'oeuvre sous un angle différent. Le deuxième découle du premier, en ce que toute la structure de 1'oeuvre devra être analysée. Il faut déjà souligner que c'est de la rencontre entre celui qui analyse et 1'oeuvre elle-même que jaillira une structure propre. Comme troisième objectif, il s'agit d'arriver à une synthèse syntaxique. Là, le concept même d'énoncé visuel recouvre toutes les formes de rapports que les régions et les sous-régions entretiennent entre elles, sans négliger les relations entre le Plan Originel et les différentes modalités perspectivistes élaborées par 1'homme.

Nous nous attardons ensuite à la viabilité de chacune de ces étapes, c'est-à-dire à la manière originale dont elles sont agencées dans une logique discursive qui leur est propre. Enfin, comme dernier objectif, nous tentons de

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reconnaître les différents espaces organiques : visuel, auditif, kinesthésique, postural, bucal, etc., auxquels 1'oeuvre renvoie. Pour sa part cette étape est très importante sur le plan proprement dit de la signification en sémiologie topologique car elle représente la voie d'accès privilégiée à la constitution d'un sens, d'une sémantique encore ancrée dans le syntaxique.

La méthodologie.

La sémiologie topologique de F. Saint-Martin est notre référence méthodologique de base. Etant donné 1'ampleur ou 1'étendue même de cette analyse, nous avons choisi de faire l'étude exhaustive d'une seule oeuvre picturale. Cette analyse se divisera en deux parties ; l'une concernera 1'analyse colorématique et l'autre, 1'analyse syntaxique.

Pour 1'analyse colorématique, nous avons construit une grille théorique en 20 cases qui est apposée à la surface de l'oeuvre étudiée. Par commodité nous avons divisé cette grille en sections, nommées alphabétiquement de A à T. Puis, nous avons subdivisé chacune de ces cases de 1 à 5, les numérotant dans le sens des aiguilles d’une montre. Chaque numéro représente hypothétiquement un colorème, lequel est décrit par rapport aux autres colorèmes qui 1'entourent.

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Ensuite, nous avons déterminé la vectorialité, la tonalité, la luminosité de chacun de ces colorâmes, ainsi que les types de liaison qui sont établis avec les colorâmes adjacents.

Dans un second temps, nous avons déterminé syntaxiquement le nombre de régions dans le champ pictural considéré. Nous en avons reconnu 10, avec leurs sous-régions respectives. Nous avons analysé cette segmentation à travers les rapports topologiques et gestaltiens, rapports qui nous aident à préciser et à déterminer les jonctions et les disjonctions au sein du regroupement des colorâmes.

Le plus souvent possible, pour faciliter la lecture, des diagrammes, des tableaux et des photos sont insérés ponctuellement dans chaque chapitre selon leur pertinence. Ils constituent des jalons clés dans la compréhension de 1'analyse

Le corpus.

Notre corpus est assez arbitraire. Nous avons choisi une oeuvre de 1 ' espagnol Joan Miré "La Sieste", de 1925 (huile sur toile, 113x146 cm), qui comporte des éléments à la fois figuratifs et abstraits. Cette complexité même de

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l'image surréaliste, appelle un mode de lecture qui prend en charge en même temps des aspects figurai et formel du tableau, ce qui est le lieu privilégié de la sémiotique visuel 1e.

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CHAPITRE 1

Présentation de la sémiologie visuelle de F. Saint-Martin

1.1 Introduction

Il faut éclairer au départ les fondements théoriques de la sémiologie visuelle de F. Saint-Martin sur lesquels nous entendons élaborer notre étude.

La psychologie de la Gestalt et les travaux sur les rapports topologiques chez 1 ’enfant de Jean Piaget, sont les premiers fondements de 1'analyse topologique appliquée aux oeuvres d'art. Il est certain qu'il faut ajouter aussi un

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nombre considérable d'études liées aux problèmes de la perception (la neurophysiologie) ou de la définition d'une philosophie de la connaissance système théorique

(1'épistémologie), ainsi que les écrits d* artistes, tel Kandinsky et sa notion du plan originel.

1.2 La théorie de la Gestalt

Les travaux sur la théorie de la Gestalt sont restés souvent oubliés des analystes visuels à cause de la mauvaise interprétation de quelques principes fondamentaux, ce que F. Saint-Martin met en lumière dans son ouvrage pionnier, "La théorie de la gestalt et l'art visuel", paru en 1990.

Par ailleurs, les études sur l'intelligence artifi­ cielle et celles de la sémiologie visuelle ont contribué à la réouverture récente du dossier et ont permis d'aborder par la suite les principes mêmes de cette théorie, principalement en ce qui concerne les mécanismes de 1'activité perceptive.

Pourquoi la sémiologie visuelle topologique a-t-elle besoin des fondements proposés par la psychologie de la Gestalt? La réponse est simple. C'est parce que 1'analyse sémiologique de l'objet visuel se base dès l'abord sur la

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perception. Elle a besoin par conséquent de renseignements précis sur les mécanismes dynamiques de cette activité perceptive, afin de pouvoir avancer des hypothèses dans son propre domaine, lesquelles permettront ensuite de construire un système interprétatif structuré et organisé.

Plusieurs sémioticiens ont démontré depuis quelques années que la sémiologie visuelle ne peut se fonder comme démarche interprétative sur 1'approche iconologique de Panofsky. Eco affirme, par exemple, "qu'un premier niveau du langage visuel ne peut pas se fonder sur la simple ressem­ blance entre la représentation visuelle et l'objet auquel il réfère"^. Pour sa part, 1'analyse greimassienne propose une "grille de lecture du monde naturel", où la reconnaissance des formes dans une oeuvre visuelle serait menée à travers une analyse sémio-1inguistique du plan de 1’expression et du plan du contenu. Cela dit on aura tout de même escamoté la spatialité au profit du dire, le non-verbal aux impératifs du verbal.

Il va de soi, que 1 ' obstacle pour arriver à une véritable épistémologie de la sémiologie visuelle résulterait ainsi, suggère Saint-Martin, de deux attitudes :

Fernande Saint-Martin, La théorie de Gestalt et l'art visuel, PUQ, Québec, 1990, p.2

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premièrement, d'une "ignorance de la véritable teneur des propositions gestaltiennes" à la base du discours visuel, et deuxièmement, au plan des fondements même du mode de lecture du tableau, d'un "malentendu quant à 1 ' autonomie ou à la spécificité des théories et leur rapport à la multidisci­ plinarité"^. Dans ce contexte, en vue de 1 ' élaboration d'une sémiologie générale qui veut intégrer tous les systèmes de signes, Saint-Martin réclame l'aide d'autres disciplines pour 1'élaboration d'une systématicité théorique. C'est pourquoi, comme point de départ, elle "entend éclairer 1'apport de la psychologie de la Gestalt à 1'analyse de l'art visuel"^, pour déboucher, comme point d'arrivée, sur les rapports et les réseaux syntaxiques instaurés entre eux comme façon de voyager dans les soubassements de l'oeuvre.

1.2.1 Le percept

L'homme n'est pas seulement un être d'ordre physiologique, il a aussi une nature psychologique. Il fait connaissance avec lui-même et avec le monde extérieur à travers les sens et la pensée. Il expérimente, il emmagasine des expériences; il fabrique des codes qui 1'aideront à

Saint-Martin, op. cit., p.4 Saint-Martin, op. cit..

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reconnaître et à comprendre les mondes intérieur et extérieur.

Pour la sémiologie visuelle, la perception sensorielle et plus particulièrement le visuel, sont donc d'une importance capitale. Cependant il faut s'interroger sur la façon dont se réalise concrètement le processus de perception. Un premier aspect concerne la double face du percept; il est objectif et subjectif à la fois. Il est constitué par des structures physiologiques et psychologi­ ques et par le rapport d'interaction qu'elles instaurent avec les stimuli extérieurs. C'est dire que le percept doit être compris comme le résultat d'une dynamique qui se réalise entre ces structures et la structure même du champ visuel offrant des stimuli porteurs d'informations.

Là, l'aspect le plus important pour 1'approche topologique, c'est "l'interprétation fonctionnelle de la perception", c'est-à-dire comment la neurobiologie explique ce phénomène clé de reconnaissance dans 1'organisme humain. Dans le processus de perception, le percept est construit par les stimuli extérieurs et le processus perceptuel endogène. C'est à travers cette double complicité que le percept est constitué. Donc, toute propriété d'un objet va être prélevée par mon "intériorité perceptuelle",

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c'est-à-dire que l'objet est constitué par mon activité intérieure, mais sans que celle-ci ne retienne toutes les propriétés de cet objet. Car elle n'embrasse pas totalement 1e monde réel.

Autrement dit, le scientifique est confronté dans ce processus de perception à des éléments "fuyants" qui sont en constante transformation, qui échappent à son regard, malgré le fait que 1'activité scientifique prétend connaître "objectivement" les propriétés de ce monde réel. Il en ressort de facto que la perception donnée par le sens commun en fonction de la ressemblance iconique devient relativement peu fiable, même si à travers la neurophysiologie, on peut aller rechercher certains fondements scientifiques à cette connaissance pour en savoir davantage.

Selon Saint-Martin, la sémiologie topologique peut alors jouer un rôle important dans ces recherches sur les mécanismes perceptuels en posant les bonnes questions concernant les concepts et procédures, ainsi que les variables visuelles, qui sont engagés dans la saisie et

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1.2.2 L'activité perceptive comme telle

Dans ce contexte 11 activité perceptive n'est pas un simple acte de perception; elle est proprement dynamique et dépend de ce qu’offre au regard le champ sensoriel. Cela dit, il y a deux éléments, difficiles à différencier, qui interviennent dans cette activité: ce sont, "les schémas conceptuels qui entrent dans la constitution des percepts construits directement [...] et les autres cadres conceptuels, plus ou moins abstraits, qui ne sont pas parties prenantes du processus perceptif"®. Donc, en topologie 1'expérience perceptuelle recouvrerait une position "intermédiaire entre les stimuli et les concepts"?.

Cependant, d'après la psychologie de la gestalt, ce système perceptif interviendrait là où il y a des "formes prégnantes". Dans ce cas, selon Saint-Martin le percept surgit d'un groupement de "forces" dans le champ visuel. L'oeil humain se confronte à des ensembles en interaction constante. En ce sens le terme "Gestalt", "sera utilisé pour désigner une région du champ perceptuel qui, même si elle est constituée de parties distinguables, se présente en

Saint-Martin, op. cit.. p.15 Saint-Martin, op. cit.. p.16. 7

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vertu de 1'articulation de ces forces internes comme un tout unifié et doté d'un équilibre particulier"8.

Pour saisir cette totalité, le spectateur doit être conscient du processus perceptif qu'il assume lorsqu'il est positionné devant une oeuvre visuelle. Ce n'est pas avec un simple balayage du regard qu'il va trouver des zones extrêmement complexes. C'est seulement dans la succession des regards et par la connaissance des éléments insérés dans l'oeuvre par le producteur qu'il pourra développer une analyse qui retiendra la totalité de cette oeuvre, et non seulement certaines parties hiérarchisées, lesquelles sont le plus souvent des formes iconiques reconnaissables dès 1'abord.

1.2.3 L'isomorphisme

On a déjà souligné en passant l'interaction agissante qui existe entre les éléments subjectifs et les éléments objectifs dans le processus de perception. Pour l'expliquer, il faut faire intervenir une valeur d'isomorphisme, c'est-à-dire une hypothèse théorique "voulant que les propriétés structurelles du champ dynamique où se réalisent

p. 24.

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les expériences de la perception externes soient en même temps les propriétés structurelles de leurs corrélats physiologiques"9.

Selon Saint-Martin, 1'interaction entre ces éléments supposerait une certaine dynamique particulière entre les structures psychologiques et les structures physiologiques. L'hypothèse reste encore à vérifier empiriquement. Il est tout de même fort juste de souligner que le "psychologique" recouvre une dimension très complexe de notre expérience émotive, vitale et sociale.

La théorie même de 1'isomorphie s'expliquerait en regard de 1 'observation des déplacements visuels dans le ragard, c'est-à-dire en vertu du mouvement dynamique qui se réalise hic et nunc dans 1'activité perceptive. Ce caractère dynamique, remarque Saint-Martin, a été occulté par toute la culture occidentale, en présentant certains acquis de la psychologie de la Gestalt, c'est-à-dire la notion même de gestalt, celle de la "figure sur le fond" ou de la "bonne forme", etc., comme des éléments insérés dans des cadres de fonctionnement assez rigides. Au contraire, le caractère dynamique propre de la perception se définit plutôt comme

P. 34 9 Saint-Martin, op. cit.,

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une relation interactive entre le champ visuel et 1'activité perceptive. L'un ne peut opérer sans l'autre, car ce champ se constitue via la perception proprement dite.

En fait, cette relation opère comme une saisie du mouvement lui-même. Cette complicité inaliénable dynamise la perception dans le champ visuel. Dans ce processus même apparaissent des zones interreliées par des éléments composants qui se présentent en continuité énergétique et qui sont à la base de la sémiologie topologique.

Cependant, chaque percepteur construit son propre schéma cognitif. Ce schéma sera indubitablement le reflet de ses capacités sensibles et cognitives. D'autre part, comme le souligne Saint-Martin, il faut aussi tenir compte de "1'expérience passée" de ce percepteur qui peut conditionner pour une part ses réactions, notamment en fonction de l'idée de profondeur dans le tableau héritée de la culture classique.

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1.2.4 La profondeur

La dynamique du mouvement visuel révélerait, ainsi comment la figure apparaît d'entrée de jeu comme un champ visuel entouré d'éléments spatiaux qui dynamisent cette figure elle-même. L'un des éléments importants de spatialisation dans la psychologie de la Gestalt est en ce sens, "la profondeur comme alternative à la collision". Car deux mouvements dans le champ ne se croisent jamais et, si cela se produit, l'un d'eux fait nécessairement un pas en arrière, constituant dès l'abord l'idée de profondeur.

Il s'agit dès 1 ors de l'un des "mécanismes d'engendrement de la troisième dimension"; il jouera un rôle particulièrement important dans la dynamique perceptuelle de 1'espace pictural, et a été identifié comme valeur tridimensionel1e par 1'histoire de l'art occidentale. La bidimensionnalité moderniste voudra en outre le contredire, mais à partir d'un artificialité critique conceptuelle.

1.2.5 La valeur relative de 1 * expérience

Si on pousse encore plus loin cette problématique du mouvement visuel, on note que "la perception exclut ce qui offre une valeur négative pour le sujet [...] confirmant le

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caractère éminemment relatif de toute expérience de percep­ tion"^. C'est-à-dire que cette expérience est déterminée par divers facteurs psychologique, physiologique, éthique ou esthétique qui jouent des rôles importants dans 1'acquisition dynamique du savoir visuel, mais qui contribuent aussi par la même occasion à le relativiser.

1.2.6 Invariance/mobi1ité

Un autre problème inhérent aux mouvements visuels est soulevé par la proposition du psychologue américain de la perception James J. Gibson concernant 1'invariance versus la mobilité. Saint-Martin remarque que Gibson a été "profon­

dément préoccupé par 1'apparente contradiction qui surgit entre la mobilité extrême des processus de perception et les "constances" dont témoigne l'image perceptuelle que l'on se fait communément de la réalité extérieure"^.

Comment expliquer cette impression de "constance" ancrée dans notre image du réel, par rapport à la dynamique de la perception? Gibson, pour sa part, remplace 1'isomorphie proposée gestaltistement par Kohler par une

Saint-Martin, op. cit., p.54. Saint-Martin, op. cit., p.58. 11

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espèce d'isomorphie "écologique". Selon Gibson, "les organes sensoriels seraient dotés d'un double réseau fonctionnel, dont l'un accueillerait les sensations et dont l'autre effectuerait la perception"^, ce qui est une hypothèse très difficile à vérifier expérimentalement d'après Saint- Martin .

Le problème à résoudre se situerait dans la perception elle-même: peut-on constater à travers l'expérience perceptuelle des objets permanents et constants dans la réalité? Si l'on veut rester dans le domaine du regard la proposition de Gibson est plutôt, d'après Saint-Martin, une position d'ordre métaphysique essentiellement, qui serait liée au concept philosophique de constance et d'immuabilité dans le temps.

Par contre, la psychologie de la Gestalt affirme expérimentalement le contraire, à savoir "que des processus permanents sont la source de mouvements et de changements incessants dans le réel perçu"^. C'est en tout cas la position que retiendra la sémiologie topologique.

Saint-Martin, op. cit., p.59.

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1.2.7 Figure/fond

Un autre mouvement visuel d'un grand intérêt pour la sémiologie visuelle est celui de 1'opposition de la figure et du fond. Dans le tableau la figure est "la région plus dense avec un contour plus ou moins précis, le reste sera le fond"^. Mais ces deux éléments ne sont pas constants, ils se transforment à travers la multiplicité des regards, on l'a vu et démontré.

Ceux-ci découvrent des régions ou des zones qui engendrent du changement. La figure perçue durant la première centration acquiert un caractère différent en relation avec les autres régions. La figure peut ainsi devenir fond par rapport à une région avoisinante plus dense et, inversement, le fond peut devenir figure par rapport à une région avoisinante moins dense. On peut donc (re)connaître plusieurs réversibilités.

Saint-Martin précise que "cet équilibre réversible tient à ce que toute figure est dotée de forces structurelles, contextuelles, qui s'actualisent différemment

P. 65. 14 Saint-Martin, op. cit..

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sous 11 action de centrations qui parcourent toute la région"*'’. Il va de soi que ces deux éléments sont dans une interaction constante; on ne peut pas imaginer ou percevoir la figure sans le fond ou le fond sans la figure. Ils sont perçus "dans un même moment".

Ce rapport étroit entre figure et fond confirme que la psychologie de la Gestalt ne survalorise pas le caractère déterminant de la figure. Saint-Martin souligne cependant que l'art visuel, depuis l'Impressionnisme, a réduit la disjonction conventionnelle figure/fond. L'art moderne a rejeté le statisme de la convention spatiale de la figure sur le fond héritée de la pensée platonicienne. Mais malgré cela, dans les tableaux modernes représentant toujours des choses stables, à travers la vision fovéale et maculaire, on peut privilégier des segments en les mettant en rapport avec d'autres, ce qui permet de contourner la figure iconique habituelle qui persiste à s'imposer implacablement au regard.

Somme toute, dit Saint-Martin, "le message le plus fondamental de la théorie de la Gestalt est que la perception doit être définie avant tout comme engagée dans

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une fonction mobile, toujours partielle et constructive d'ensembles toujours changeants"^.

1.2.8 La bonne forme

Le processus de perception n'admet pas seulement 1 * existence de "figures fortes", iconisées qui forment des gestalts. Il existe aussi des gestalts qui sont élaborées à partir de ce processus même et qui consistent en une "pulsion de regroupement perceptuel des agrégats visuels". Ce processus particulier permet de rapprocher les régions moins précises à des gestalts visuelles plus fortes.

Cette pulsion de regroupement est animée d'entrée de jeu par la dynamique de 1 ' activité perceptive, qui, bien sûr, fait appel autant à des figures géométriques simples qu'aux choses représentables issues du monde naturel ou du monde artificiel. Cette activité perceptive n'a besoin que d'un minimum de sens figurai pour reconnaître l'objet représenté qui est lié à toute la totalité du champ visuel.

La psychologie de la Gestalt a observé d'ailleurs que ces regroupements gestaltistes sont davantage facilités

p. 71. 16 Saint-Martin, op. cit.,

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lorsqu'ils sont regroupés "dans des totalités simples, régulières et fermées, qu'en ensembles irréguliers, complexes et ouverts . Cette hypothèse s'explique ainsi : si ces regroupements ne facilitent pas la tâche de les regrouper dans des figures simples et régulières, alors le percepteur aura résolument tendance à transformer ces éléments pour faire "perceptuel 1 ement une figure définie et régulière"*®, le plus souvent de l'ordre de 1'iconique.

Quelles sont à cet égard les formes de regroupement privilégiées par la perception? Ce sont la régularité, la symétrie, l'unité ou 1'intégration des parties, 1'harmonie, le maximum de simplicité et la concision*®. Avec Saint- Martin on arrive ainsi à définir un premier niveau organisationnel des éléments visuels : c'est-à-dire le concept de "la bonne forme" lié le plus souvent aux formes géométriques simples.

En elle-même cette bonne forme est dès l'abord le résultat de 1'expérience perceptuelle antérieure du sujet, expérience qui est constituée à la fois par le contexte

Saint-Martin, op. cit. , p.75. Saint-Martin, op. cit.. p.76.

p . 7 6 .

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socio-culturel et par 1'apprentissage des schémas conceptuels. Cette expérience préalable à 1'activité perceptive est fondamentale dans la reconnaissance pragmatique des bonnes formes. Saint-Martin explique en ce sens que cette "loi de prégnance" doit donc être désignée comme une "pression vers la gestalt" qui engage le trajet toujours actif, mais approximatif, de la construction perceptuelle de la bonne forme . Saint-Martin signale que cette tendance à la boniformisation serait de facto omniprésente chez le percepteur devant n'importe quel stimulus figurai.

En sémiologie topologique, ces regroupements ou boniformisations s'activent ensuite en regard des premiers niveaux d’organisation du champ visuel que sont les rapports topologiques, c'est-à-dire les relations de voisinage, de séparation, d'enveloppement, d* emboîtement, d'ordre et de continuité qui ont été identifiées théoriquement par la sémiologie visuelle. La psychologie de la Gestalt aura justement reconnu et installé quelques lois d'organisation de ces regroupements perceptuels, à savoir la proximité, la similitude, la similitude dans la direction commune, la clôture et la bonne continuité, ce que reprendra et

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développera aussi Saint-Martin dans son modèle d'analyse.

Dans son ensemble, le champ visuel est ainsi dynamisé par l'activité perceptive du percepteur et par la richese des éléments constitutifs qui sont insérés dans ce même champ. A cette fin la boniformisation n’est pas une simple appellation des objets reconnaissables, elle s'insère plutôt dans une démarche "tensionnelle", où le processus de perception doit comparer et évaluer les stimuli présents dans le champ visuel, ainsi que "les aspect différents des images visuelles mentales servant de bonnes formes"(81).

La reconnaissance proprement dite d'une bonne forme s'établit donc à partir d'une activité complexe qui découle du travail subjectif du percepteur. Mais s'il ne réussit pas à constituer cette bonne forme, une tension désagréable régnera en lui et alors il interprétera les stimuli visuels présentés à son regard comme offrant de "mauvaises gestalts". A cet égard, ce sont plus particulièrment les formes ouvertes qui offrent plus de tension que les formes fermées, quoique le percepteur tiendra à les enfermer/renfermer en transformant la figure. Par exemple, un triangle ouvert dans son sommet sera vu comme "mauvaise gestalt" et sera transformé en fermant le sommet, créant dès lors des triangles ou d'autres figures. Néanmoins, lorsque

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la boniformisation est accomplie, 1'expérience perceptuelle primordiale est finie. Pour Saint-Martin, c'est un mécanisme intrinsèque nécessaire, particulier à la perception des choses.

Dans tout processus de regroupement perceptuel d'ordre figurai, deux formes de tension différentes seraient présentes chez le percepteur : "un besoin de construire perceptuel 1 ement de bonnes formes, d'une part, un désir de les contester comme simple redondance, d'autre part"2*. D'où la complexité continue dans le temps et dans 1'espace de cette position du spectateur-regardeur.

Saint-Martin fait remarquer en conséquence que la qualité de 1'oeuvre artistique n'est pas synonyme de 1'existence de bonnes formes, ni d'équilibre entre celles-ci ou de mauvaises gestalts. Ce critère d'appréciation relèverait plutôt de la dynamique qui fait que le percepteur prend conscience de ces structures sous-jacentes qui l'aident à connaître les richesses du monde réel ou du monde imaginaire.

p.lll. 21 Saint-Martin, op. cit.,

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Saint Martin conclut en ce sens que "la description de l'effet perceptuel de ces tensions entre bonnes et mauvaises formes dans le champ visuel, selon les lois générales de jonction et de disjonction explicitées par la théorie de la Gestalt, constitue l'une des bases fondamentales de 1'analyse syntaxique"^ en sémiologie visuelle. Un autre aspect aussi important prend en charge les relations figurai es établies dans ce champ à partir de ces effets perceptuels.

1.3 Les rapports topologiques

Pour Saint-Martin, les travaux de Jean Piaget sur les rapports topologiques, liés aux structures spatiales géométriques, sont fondamentaux. Cette topologie aura notamment aidé les critiques et les historiens d'art à remettre en question les critères constitutifs de 1'espace euclidien de la Renaissance. Pierre Francastel soulignait déjà en esquissant une notion de relativité spatiale :

"Je crois en un mot que les recherches de Piaget et de Wallon nous permettent de comprendre com­ ment ce que crée chaque époque, ce n'est pas la

représentation de 1'espace mais 1'espace lui- même, c'est-à-dire la vision que les hommes ont

22 Saint-Martin, op. cit.,

(37)

du monde à un moment donné" .

Dans le même sens, selon Saint-Martin, les théories sur l'épistémologie psychologique de Piaget ont renouvelé radicalement notre approche de l'objet d'art. Sémiotiquement, il serait vrai, comme le propose Piaget, que nous sommes en interaction avec cet objet d'art, c'est-à- dire que notre connaissance se fait à partir de l'action que nous exerçons sur lui. Il s’agit ainsi d'une action dialectique. De plus, 1'oeuvre d ' art renferme une intentionalité: c'est le produit synthétique d' une interaction entre cette oeuvre et le monde extérieur. En cela, elle est esthétique, elle est connaissance virtuelle.

Cet objet s'active ensuite dans un univers de signification où chacun de nous reconstruit de nouvelles connaissances, en comparant, en évaluant, en associant cet objet à notre expérience sensori-motrice et intellectuelle. C'est ici qu'intervient le principe de la "bonne forme". Mais si, en ce sens, cet objet d'art est une totalité, comment peut-on espérer percer sa structure, comment peut-on l'étudier sans toutefois privilégier dans l'analyse une seule forme de représentation spatiale, par exemple "la

Pierre Francastel, Etudes de sociologie de l'art, ed. Denoël, Paris, 1970, p.143.

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perspective euclidienne" la plus traditionnelle, la plus classique.

Comme le rappelle Saint-Martin, les travaux de Piaget ont montré, au contraire, 1'existence de différentes façons de représenter l'espace. La perspective linéaire géométrique d'Alberti en serait une parmi d'autres. Elle n'est donc pas un aboutissement nécessaire dans le développement intellectuel de l'être humain, et ainsi la seule façon de voir et d’expliquer le monde qui est le nôtre.

A ce sujet, Piaget nous enseigne plutôt que la première forme de représentation de l’espace, nous la trouvons chez le jeune enfant grâce aux rapports topologiques, et que ces rapports vont subsister encore dans le dessin fait à l'âge plus avancé du réalisme visuel. Pour sa part, Saint-Martin rapproche ces dessins d'enfant tant de l'art primitif que de l'art moderne. Elle souligne que l'art abstrait du 20e siècle a privilégié ces mêmes types de rapport qui sont d'entrée de jeu plus près de 1'expérience réelle de l'espace. D'où sa volonté de faire des rapports topologiques une variable essentielle de 1'analyse sémiotique visuelle et 1'intérêt de nous arrêter un moment sur la définition de ces notions piagetiennes.

(39)

Piaget souligne que le premier rapport élémentaire est celui de voisinage, c'est-à-dire celui qui concerne "des éléments perçus dans un même champ". Le deuxième rapport consiste en leur séparation; "deux éléments voisins peuvent, en effet, s'interpénétrer et se confondre en partie : introduire entre eux un rapport de séparation consiste à les dissocier, ou du moins à fournir un moyen de les distinguer"^.

Le troisième rapport spatial vise la mise à l'ordre; "il intervient très précocément,.... sans doute, lorsque le regard ou le toucher du bébé parcourent une suite d'éléments rangés de façon constante"^. Le quatrième rapport, c'est 1'entourage en une suite ordonnée ABC; là, 1'élément B est perçu comme étant "entre A et C, ce qui constitue un entourage à une dimension. Sur une surface, un élément peut- être également perçu comme entouré par d'autres; tel le nez encadré par le reste du visage"^.

De plus ces quatre rapports topologiques s'insèrent dans le rapport plus global de continuité. C'est pourquoi,

Jean Piaget, La représentation de l'espace chez l'enfant, P.U.F., Paris, 1948, p.18.

Piaget, op. cit. p.18.

Piaget, op. cit., p.19 . 26

(40)

selon Saint-Martin, cette continuité serait le rapport "le plus fondamental du champ spatial, puisqu'il questionne la nature même, la cohérence et la densité des mises en relation de tous les éléments entre eux"^.

Sémiotiquement parlant, en suivant Piaget, la construction de 1'espace serait donc propre à 1'activité de l'être humain en relation avec le réel. Ce n'est pas seulement un donné sensoriel pur perçu par 1 'individu. Il existerait conséquemment un écart entre la perception, l'acte de perception et la représentation, avec comme résultat que toute forme de représentation spatiale reste toujours une (ré)organisation. C'est pour cela que la notion d'espace est un pluriel chez Saint-Martin, et qu'il existerait théoriquement plusieurs espaces à découvrir: un espace postural, tactile, visuel, auditif, kinesthésique, etc. .

Etant donné leur hétérogénéité, tous ces espaces sont cependant difficiles à dissocier, puisqu'il faudrait dégager objectivement les éléments formants de chacun d'eux. Cette tâche est d'ailleurs rendue très ardue à cause de la nature même de 1'expérience perceptive et intellectuelle du sujet.

27 Saint-Martin, Sémiologie du langage visuel. P.U.Q., Sillery, 1987 , p.78.

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On retiendra en tout cas que chaque centration visuelle est ainsi pleine de dynamisme, qu'elle ne commence jamais à zéro, qu'elle fait plutôt partie d'un processus extrêmement complexe qui est l'objet même de la quête sémiotique.

Par exemple, la construction de 1 'espace se réalise dès les premiers mois de la vie de l'enfant. C'est à partir de là que le sujet commence un long processus perceptif et expérimental. Par la suite, lorsqu'arrivera le moment de la représentation, tant dans les sciences que les arts, c'est cette expérience sensori-motrice et imaginaire qui s'ajou­ tera aux nouvelles expériences et à leurs relations avec le réel .

Enfin, il faut dire aussi brièvement quelques mots sur la profondeur. Selon Piaget, dans son troisième stade de développement, l'enfant met en relation les objets, de telle sorte qu'il va chercher un objet qui est éloigné de lui. Mais ce n'est pas parce qu'il a déjà intégré une notion de profondeur. En effet, pour que la profondeur soit perçue visuellement, il faut satisfaire trois conditions sine qua non: la superposition des objets ; le nombre important des objets qui s'interposent entre 1'objectif perçu et le sujet; les différentes vitesses de déplacements que nous observons en bougeant notre tête ou tout notre corps, car seuls ces

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déplacements nous permettent d'évaluer la parallaxe des AO

objets lointains . A défaut d'une notion substantialiste de profondeur, c'est donc plutôt la topologie et ses dynamismes singuliers qu'expérimente dès l'abord le jeune enfant quand il entre en contact avec les objets de son environnement immédiat.

Bref, les premières années de vie de l'enfant sont déterminées par une activité subjective du monde. Puis, c'est à partir de 1'expérience intellectuelle qu'il commence à différencier le moi et le non-moi. C'est alors le surgissement d'une prise de conscience du sujet et de sa relation avec le monde environnant. Mais ce processus n'aboutit pas nécessairement à la construction d’une perspective dite "euclidienne", car celle-ci n'est jamais parvenue à recouvrir tout 1'héritage occidental. Elle n'est pas innée ; elle n'est qu'une forme de représentation parmi d'autres.

D'ailleurs, "elle ne correspond pas à une expérience réelle de l'espace"^, comme 1’avance la sémiotique topologique, qui en appelle alors en priorité comme base

28 29

Piaget, op. cit.. p.43. Piàget, op. cit.. p.46 .

(43)

explicative à des variables d'ordre perceptuel et plastique pour faire vraiment tout le tour de cette question de la communication visuelle par/dans le tableau.

1.4 Eléments constitutifs de la sémiologie visuelle 1.4.1 Le colorème

C'est à la lumière de cet horizon "topologique" que nous voulons aborder maintenant les différents éléments syntaxiques qui constituent la sémiologie visuelle de Fernande Saint-Martin. Voyons tout d'abord la définition de

l'unité de base du langage visuel, le colorème.

Selon Saint-Martin, cette notion est constituée de variables visuelles obtenues via des centrations du regard dans un champ visuel spécifique. "Le colorème se définit... comme la zone du champ visuel linguistique, corrélative à une centration et constituée par une masse de matière énergétique regroupant un ensemble de variables visuel- les"^. Le colorème est structuré en deux régions qui correspondent "à la vision fovéale, plus précise, dense et compacte, et des couches périphériques, moins denses, moins claires et plus diffuses, correspondant à la vision

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re" . Ce n'est qu'en fonction de ces visions fovéale/maculaire que le percepteur réussira à reconnaître visuellement différentes zones, qui sont imperceptibles à la vision périphérique, et à les relier dans une totalité. Le colorème n'est pourtant pas une identité physique déterminée, malgré son côté objectif qui 1 ' engage à être une masse colorée mise sur une surface. Le colorème se forme plutôt à partir d'une idée de "dépendance corrélative" à l'égard d'autres colorâmes qui sont eux aussi observables à travers 1'analyse colorématique.

1.4.2 Les variables visuelles constitutives

Les variables visuelles sont réparties en six catégories : la couleur, la texture, la frontière, la dimen­ sion, 1'orientation et 1’implantation dans le plan. Les deux premières sont des variables plastiques et les quatre dernières sont des variables perceptuelles.

La couleur joue un rôle dynamique très important dans les variables plastiques. Une couleur n'est jamais vue. Certes on peut la nommer à travers des catégorisations verbales, mais celles-ci ne rendent jamais compte des

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changements et des mouvements qui interviennent dans la formation d'une teinte quelconque. De plus, si la masse colorée est objective, sa perception demeure subjective, puisqu'elle est d'ordre psychologique : "percevoir une couleur ou resssentir une sensation chromatique est un phénomène d'ordre psychologique, issu d'une activité cervicale dès le moment où le processus de la vue a été déclenché par les stimulus lumineux mis en relation avec

l'appareil optique"^.

Selon les centrations du regard, cette relation perceptive transforme le chromatisme d'une région ou d'un colorème, de telle sorte qu'il se produit une série de mutations au niveau de la masse colorée. La couleur que nous assignons verbalement à une zone n'existe pas, "les termes qui désignent les couleurs réfèrent à un concept de masse, c'est-à-dire à tout ce qui participe de rouge ou de bleu, mais cette couleur que nous voyons supposément dans notre univers mental, isolée et égale à elle-même, n'a jamais existé et n'existera jamais"^.

Saint-Martin, op. cit., p.29. Saint-Martin, op, cit., p.28. 33

(46)

Au plan de la formation même des couleurs, s'inspirant des américains Berlin et Kay, la sémiologie topologique reconnaît 1'existence d'un certain nombre de pôles chromatiques. Elle en désigne 13 : le rouge, le bleu, le jaune le vert, l'orangé, le violet, l'ocre, le pourpre, le brun, le rose, le blanc, le noir, le gris, qu'il faut étudier chacun à partir de la chromaticité, de la saturation, de la tonalité, de la luminosité et de la complémentarité.

La deuxième variable plastique est la texture. C'est un élément pluriel comme la couleur. Ces deux éléments sont dans un rapport étroit, ils s ' inter-influencent; on ne peut pas les isoler. Le support matériel, qu'il soit bois, verre, métal ou tissu, va déterminer pour une bonne part les différentes couches "texturées" d'une peinture. Saint-Martin définit donc cette notion de texture comme une variable qui intervient à la fois dans les profondeurs et à la surface du tableau :

"on entend par texture une propriété de la masse colorée qui joue aussi bien dans ses profondeurs que sur la pellicule de surface par des inclinai­ sons diverses et des disjonctions qui infléchissent différemment 1'absorption et la réfraction des rayons lumineux par des corps opaques, modifiant ainsi leurs effets chromatiques"^.

34 Saint-Martin, op. cit

(47)

1.4.3 Les variables perceptuelles

Les variables perceptuel 1 es relèvent des structures psychologiques et physiologiques agissant sur les stimuli externes. On en compte quatre : la dimension, la position dans le plan, la vectorialité et les frontières ou contour des formes.

La dimension est une étendue de masse perçue par l’oeil; elle n'est pas mesurable. Elle se concrétise à travers les différentes centrations; elle s'étire selon la quantité de masse colorée et selon sa position par rapport au Plan Originel identifié initialement par Kandinsky et sémiotisé par Saint-Martin. La dimension se présente comme une masse possédant les trois dimensions. Cette masse "se définit comme le quotient de résistance de ses énergies du champ ambiant qui agissent sur elle, lui imposant un certain nombre de tensions vers des changements et mouvements visuels"^. La dimension est ainsi très importante lorsqu'on analyse des colorèmes distribués sur la totalité du champ visuel.

p. 69. 35 Saint-Martin, op. cit.,

(48)

L'implantation dans le plan, comme son nom 1'indique, est définie par rapport à la position occupée dans le plan. Il s'agit de la relation entre les colorâmes quant à leur positionnement dans les trois dimensions. Cette variable perceptuelle est donc déterminée en relation avec la hauteur, la largeur et la profondeur, par les paramètres des côtés périphériques externes du champ visuel et par rapport aux différents axes de la structure interne de ce champ.

Quant à la profondeur proprement dite comme phénomène perceptuel d'implantation du regard, elle est directement à 1'origine de ces éléments physico-perceptuels . Car elle est presqu* entièrement subjective, bien qu'elle recouvre une partie physique, puisque les éléments de couleurs et de textures agissent comme stimuli externes.

On reconnaît sémiotiquement à cet égard deux types de profondeur : une profondeur optique et une profondeur illusoire. La profondeur optique est déterminée par le chromatisme des couleurs qui sont en interaction dans le champ visuel. Saint-Martin définit cette première profondeur comme une "perspective" véritable: "nous appellerons perspective optique l'ensemble des réseaux de profondeur défini dans le champ visuel par les dynamismes particuliers des couleurs et tonalités et les organisations spatiales qui

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en découlent"^.

La profondeur illusoire relève par contre de certaines conventions qui ont été élaborées arbitrairement par 1'homme à travers son histoire depuis 1'Antiquité jusqu'à l'époque moderne et qui sont devenues la base normative de la reconnaissance iconique des objets tridimensionnels, peints sur une surface bidimensionnelle. L'iconologie panofskienne participe aussi de cette vision du monde.

Pour la sémiotique topologique cette notion conceptuelle de profondeur ne crée donc pas des systèmes de pensée qui sont coupés de 1'activité perceptive ou de 1'évolution des différentes cultures. La notion de profondeur présente dans les différentes civilisations nous 1'enseigne, ainsi que les concepts mêmes qu'elles se font de leur propre monde, soit imaginaire, soit réel.

Les deux dernières variables perceptuelles sont la vectorialité et les frontières des formes.

La vectorialité est la tension et 1'orientation qu'un colorème ou plusieurs col crèmes prennent dans le champ

P. 75. 36 Saint-Martin, op. cit.,

(50)

visuel. Une masse physique mise dans ce champ est pourvue d'une énergie capable de provoquer des rayonnements. Cette masse physique prend ainsi une orientation qui sera déterminée à partir des rapports qu'elle établira d'entrée de jeu avec le Plan Originel.

Selon Saint-Martin, "les frontières ou contours correspondent à un changement qualitatif entre deux régions voisines du champ visuel perceptible dans un ou plusieurs colorâmes" . Ces contours peuvent être flous ou nets selon l'élément qui participe et déclenche la séparation: par exemple, si c'est une ligne nette ou si c'est une dégradation de la couleur ou du changement de texture. Cette variable perceptuelle participe au premier chef de la construction des formes ouvertes ou fermées qui sont inscrites dans le Plan Originel, dont on doit aussi maintenant questionner les principes constitutifs pour aller plus loin dans 1’analyse syntaxique.

1.5 Le plan originel

On l'a dit, c'est le peintre Wassily Kandinsky qui a formulé pour la première fois les principes de base du Plan

Saint-Martin, op. cit., p.79. 37

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Originel. Il était conscient que cet élément contribue à 1'engendrement de l'oeuvre plastique. Kandinsky définit le Plan Originel comme étant "la limitation délibérée d'une portion de l'univers sur laquelle la composition se fera. Sémiotisant cette définition, Saint-Martin ajoute "que cette portion de l'univers doit se présenter comme un type défini de surface dont les particularités dépendront des éléments qui l'engendrent"^.

On dira en conséquence que le Plan Originel commence et se structure à partir de deux lignes verticales parallèles et de deux lignes horizontales parallèles. Ainsi on tendra à une forme fermée dotée de quatre angles d'où part une énergie centripète qui dépend du format. De plus, puisque cette structure distribue l'énergie vers le centre, la sémiologie topologique propose, au lieu de le considérer comme une surface bidimensionnelle, que "le plan originel est une masse qui possède une courbe ondulante formée d'une épaisseur ou d'un volume intérieur de densité variable, selon le lieu que l'on considère"^.

Saint-Martin, Op. cit., p.102. Saint-Martin, Op. cit., p.102. Saint-Martin, Op. cit., p.126. 40

(52)

Cette énergie engendrée par les quatre coins et par les côtés périphériques résulte alors en un système de deux diagonales qui "engendrent deux groupes de deux triangles superposés"^. On aura la diagonale harmonique et la diago­ nale dysharmonique et, en même temps, les triangles harmoniques supérieur/inférieur et les triangles dysharmoniques supérieur/inférieur, ces quatre triangles formant un plan carré virtuel.

Illustration A: Les deux niveaux de 1'infrastructure du plan originel.

En sémiologie topologique ces deux diagonales constituent en ce sens le premier niveau de 1'infrastructure du plan originel (v. illustration A). Le deuxième niveau est formé par les axialités horizontale et verticale engendrées

(53)

par le mouvement décroissant des énergies des quatre angles vers les régions centrales du plan (v. illustration A).

D’après Saint-Martin, cette axialité est une constante objective qui est tributaire des énergies même de la matière, si l'on veut du matériau sémiotique et de sa distribution, et non le produit d’une élaboration du peintre dans le processus de création. La conjugaison des axialités horizontale et verticale avec les diagonales représente ainsi la base opératoire du plan originel, et dirige le regard vers les effets de distance et de perspective qui jouent alors au niveau du champ visuel.

1.6 Effets de distance et de perspective

Saint-Martin appelle "perspectives", "les ensembles organisés de marques sensibles, offrant les paramètres définissant la distance et la profondeur dans les représentations visuelles"^. Cependant, on parle encore souvent de "perspective" en histoire de l'art en 1'associant abusivement aux données de la seule géométrie euclidienne, de telle sorte qu'on analyse le champ visuel en surévaluant une perspective unique, c'est-à-dire qu'on procède comme si

p.149. 42 Saint-Martin, op. cit.,

(54)

le producteur artistique n'organisait l'espace pictural qu'à partir d'une seule expérience spatiale, celle d'Alberti et de ses disciples.

On s'est ainsi habitué à envisager la "perspective linéaire" comme un système perspectiviste supérieur qui engloberait tous les autres systèmes de représentation. Pourtant des historiens d'art et des critiques, tels Erwin Panofsky et Pierre Francastel, ont depuis longtemps insisté sur le caractère relatif des systèmes perspectivistes, et ont démontré que le choix d'une perspective donnée se fait dans le contexte d'une culture, de la mentalité d'une époque ou de toute la structure sociale d'une société. On reconnaît encore depuis ces interventions que les perspectives visuelles ont une fonction proprement symbolique, qu'elles sont 1'expression d'une communauté de pensée et de la façon dont les hommes, en collectivité, structurent 1'espace et le temps.

En ce sens, en sémiotique topologique, la perspective de la représentation est justement fondée sur des bases sensorielles et conceptuelles. Car elle veut rendre compte d'une pluralité d'expériences des producteurs artistiques, en considérant que, depuis le début des temps, les hommes ont voulu représenter leur monde intérieur/extérieur à

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travers différentes perspectives, donc à travers différentes façons de voir ou de revoir ces deux mondes.

A cet égard, pour Saint-Martin, chaque individu serait un spectateur unique, non seulement devant une oeuvre d'art, mais aussi devant le spectacle du monde naturel. Cela est dû

à son caractère proprement égocentrique, c'est-à-dire à la position que 1 'observateur a par rapport aux choses vues et perçues. Cette position égocentrique oblige le spectateur à multiplier les centrations pour avoir plus d'informations sur l'objet, mais cela ne rend pas réelle pour autant sa représentation des choses. Saint-Martin souligne à ce sujet que 1'espace perceptif donne un discontinu énergétique substantiel et que 1'espace de représentation a seulement d'emblée une fonction symbolique.

Par conséquent, tout système de perspective nous présenterait cet espace perceptif comme un lieu complexe de mises à distance. En outre, Saint-Martin souligne justement

que;

"la perception de la distance dans les trois dimensions s'effectue à partir de 1'information sensorielle présentée par l'oeuvre picturale, et non pas à partir du souvenir d'une image visuelle mentale même si, dans certains cas les références peuvent s'établir entre la dimension proportione1 le de certains stimuli dans le tableau et le souvenir qui lui est associé dans

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1'expérience des objets de la réalité"^.

Autrement dit, c'est le tableau même qui nous transmet les différentes informations que nous évaluons comme percepteurs en termes sensoriels et conceptuels grâce à l'activité perceptuelle. Même si ces informations existent, et sont données à voir, elles ne forment pas en soi une structure capable de rendre compte de l'organisation de l'espace pictural en termes perspectivistes. C'est seulement en regard de l'interaction entre l'objet d'art et le specta­ teur averti ou l'analyste qu'il est possible d'établir les critères organisationels de la perception de l'espace et de sa représentation.

Les systèmes perspectivistes s'organisent alors autour "de deux axes principaux, selon qu'ils tendent à modéliser une expérience spatiale proche du corps du locuteur/produc­ teur, ou à une grande distance de lui"^. La première expérience se réfère à la hauteur et à la largeur, la deuxième à la profondeur. On trouve ainsi de nouveau deux types d'effets de profondeur: un effet topologique et un effet illusionniste.

Saint-Martin, op. cit., p.150. Saint-Martin, op. cit., p.151. 44

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Le premier réfère "aux distances qui restent très rapprochées du corps propre, dans la distance intime et la distance personnelle"^. Par contre, les profondeurs illusionnistes, on l'a démontré, "sont des mouvements suggérés dans le champ visuel, non pas par des mécanismes propres à la perception visuelle elle-même ou à la structure des variables visuelles, mais plutôt par une interprétation associative résultant d'un code d'apprentissage culturel spécifique"^. En tout cas ce sont dès l'abord ces effets de distance qui sont déterminants dans la mise en oeuvre des différents systèmes de perspectives révélées par la sémiologie visuelle.

1.7 Systèmes perspectivistes

La sémiologie topologique divise justement les systèmes perspectivistes en trois blocs, chacun obéissant à deux impératifs : un premier d'ordre sensoriel et un second d'ordre conceptuel.

Le premier bloc contient les perspectives proxémiques qui sont élaborées à "une distance proche de 1'organisme".

Saint-Martin, op. cit., p.154. Saint-Martin, op. cit., p.157. 46

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Il y a différentes perspectives proxémiques: les perspectives optique, parallèle, arabesque ou à entrelacs, focale, réversible, uniste, tachiste, en damier et les perspectives microscopiques. Dans le deuxième bloc, on retrouve les perspectives proxémiques relatives ou mixtes, dont les perspectives sphérique, axiale, frontale, de rabattement, cavalière, cubiste (analytique et synthétique), projective, baroque et la perspective isométrique. Dans le dernier bloc, on note les perspectives à distance lointaine, telles que les perspectives linéaire, inversée, oblique, atmosphérique, à vol d'oiseau, en étagements, en hauteur et

la perspective de l'anamorphose.

Inutile de s'attarder davantage sur un travail de définition théorique de ces perspectives qui ont été discutées à fond par F. Saint-Martin et Marie Carani^. Nous y reviendrons ponctuellement au moment de l'analyse syntaxique. Il suffit de préciser pour l'instant qu'un réseau original s'établit entre plusieurs de ces perspectives au plan d'une oeuvre particulière, ce que nous tenterons de démontrer et d'organiser en termes d'énoncés visuels.

Marie Carani, "Etudes sémiotiques sur la perspective", Cahiers du GRESAC, 1, département d'histoire, Université Laval, Québec, 1989.

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