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Comme on l'a vu, la structure syntaxique de "La Sieste" serait constituée de deux super-régions "A" et "B", dont 1'énergie serait différente. Là, SRA réactualise 1'axialité horizontale, ainsi que les triangles supérieurs formés par les deux niveaux de 1'infrastructure du Plan Originel, tandis que SRB est plus diffuse.

La super-région "A" occuperait en gros les régions RI, R2, R3, R4, R5, R6 et R8 ; la super-région "B", les sous- régions de R7 situées sur le côté périphérique inférieur, la sous-région 2b et la région 10.

Il faut souligner aussi que ces sous-régions de R7 subissent des transformations selon les rapports qu'on entend établir avec les autres régions. Si en général R7 constitue le fond du plan pictural, il se passe néanmoins autre chose. Car, partout où une sous-région de R7 est visualisée, celle-ci subira différentes transformations, soit en avançant vers le spectateur, soit en reculant par rapport aux autres sous-régions de R7.

On peut donc formuler hic et nunc six énoncés visuels à partir de l'examen des jonctions et disjonctions topologi-

ques au sein des régions repérées:

1) Toutes les régions sont superposées à la région 7 2) R2 semi-enveloppe R8b

3) R2a et R8b enveloppent R2aa qui est contenue dans R8b.

4) R3 semi-emboîte R7d 5) R8 semi-enveloppe R7i 6) R4 est juxtaposée à R5.

On peut ajouter que la région 7 est la plus complexe à cause d'une moindre dose d'énergie. Elle intervient dans toutes les autre régions et ces dernières l'influencent à leur tour, de telle sorte qu’on observera généralement une superposition des éléments figuratifs sur un fond constitué par le pôle chromatique bleu+blanc.

De plus les régions présentent divers types d'espaces organiques. On remarque dans R7, un renvoi à 1'espace tactile par la texture et à 1'espace thermique par le pôle chromatique bleu+blanc. La région 1 renvoie aux espaces tactile et visuel; la région 2 à 1'espace kinesthésique; les régions 4 et 5 à 1'espace visuel; la région 3 aux espaces thermique et kinesthésique; la région 6 à 1'espace visuel. Cette détermination des types d'espaces organiques auxquels

renvoie 1'oeuvre reste toutefois des plus sommaires, car nous touchons ici au point limite de 1 'analyse syntaxique et au passage de frontière du syntaxique au pragmatique. Mais c'est là une autre histoire, sur laquelle il faudra revenir dans une recherche ultérieure.

CONCLUSION

L'analyse sémiologique que nous venons de réaliser nous a certes aidé à établir la possibilité d’un dialogue plus fructueux entre le spectateur et 1 'oeuvre d’art. Il est certain qu'il nous reste cependant beaucoup à faire dans la compréhension même de 1'oeuvre picturale. A cet égard, est- ce que le processus analytique supporté par la sémiologie topologique est valable et fait avancer les choses au plan de 1'interprétation visuelle? Il me semble que oui.

Nous voulions présenter une nouvelle possibilité de lecture de 1 'espace pictural. Le fait d'avoir interrogé les différentes modalités perspectivistes et d'avoir démontré par la suite que Miré avait privilégié dans "La Sieste" des types de perspectives proxémiques, ainsi que des régions présentant des enclaves problématiques quant au discontinu spatial, par exemple R7 qui couvre presqu’entièrement la surface, nous a permis d'avancer une interprétation de 1'espace motivé par les mécanismes gestaltiens.

Nous voulions aussi reconnaître les structures internes de l'oeuvre. Nous avons donc établi deux super-régions, qui en quelque sorte réitèrent les deux niveaux de 1'infras­ tructure du Plan Originel . Cela nous a conduit à émettre quelques énoncés visuels possibles issus de l'oeuvre. Nous en avons retenu six sur la base des rapports topologiques qui s'établissent par superposition, par emboîtement, par séparation, par voisinage, par enveloppement. Ces opérations ne sont cependant pas définitives, puisqu'il faudrait pouvoir comparer nos résultats avec ceux d'autres travaux de recherche sur la même oeuvre.

De plus, au départ, le fait d'établir une grille modélisante en 20 cases pour 1'analyse colorématique nous avait permis, à travers la vision maculaire/fovéale,

d'organiser une série de rapports de différenciation entre les colorâmes ; par là nous avons fait la preuve que chaque colorème a ses particularités en raison de 11 inévitable processus de création qui ne permet pas de répéter avec similitude une trace de pinceau. En outre, la position qu'occupe chaque colorème dans le Plan Originel serait importante pour 1 ’analyse des différentes relations que ces colorèmes établissent à la surface du tableau.

Puis, au plan de 1'analyse syntaxique même, nous avons déterminé dix régions par vision périphérique et des sous- régions par vision maculaire/fovéale. Ces segmentations de caractère opératoire étaient complexes. Nous avons saisi en particulier qu’au niveau de la couleur, le pôle chromatique bleu+blanc s'organise comme un fond dans "La Sieste", malgré quelques incidents colorématiques. Au plan des rapports topologiques, ce sont ceux de voisinage, de séparation et de superposition qui ont été perçus comme les plus fréquents. Quant aux rapports gestaltiens, ils nous obligeraient à regarder l'oeuvre de gauche à droite, en raison de la position et de 1'orientation de quelques éléments semi- figuratifs .

Cette analyse sémiologique reste toutefois inachevée, car elle n'inclut pas 1'analyse sémantique. Nous avions

souligner dans notre introduction 1'impossiblité de présen­ ter à ce stade une telle analyse. Nous ne pouvons cependant négliger de mentionner en terminant que "La Sieste" est en rapport avec le monde du féminin d'un point de vue soit sexuel, soit maternel. D'ailleurs nous savons en histoire de l'art que Miré a peint, pendant cette époque, des sujets faisant référence aux femmes et qu'il a travaillé aussi ce thème dans ses sculptures et dans ses céramiques.

Elargissant notre perspective, nous pouvons encore rattacher ce tableau aux intérêts surréalistes pour les sujets concernant globalement la femme et l'érotisme, sans oublier toutefois que chaque artiste surréaliste développait cette préoccupation à partir d'un aspect assez différent. C'est dans un projet de doctorat que nous voulons poursuivre une telle analyse sémiotique pour pouvoir compléter les trois étapes, colorématique, syntaxique et sémantique, de la sémiologie topologique visuelle.

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