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Soutenir l'équité en santé dans les actions de santé publique : conditions d'utilisation d'un outil visant à la prise en compte des inégalités sociales de santé

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Academic year: 2021

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Soutenir l’équité en santé dans les actions de santé

publique

Conditions d’utilisation d’un outil visant à la prise en compte des

inégalités sociales de santé

Mémoire

Émilie Tardieu

Maîtrise en santé communautaire – Promotion de la santé

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

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Résumé

Réduire les inégalités sociales de santé (ISS) est un défi majeur en santé publique (SP). Pour soutenir les professionnels dans cette démarche, différents outils ont été développés, mais souvent sans consulter les utilisateurs. Il en résulte un faible emploi. La Direction de santé publique (DSP) de la Montérégie a souhaité se doter d’une version adaptée aux besoins locaux de la Grille d’analyse des actions pour lutter contre les inégalités sociales de santé (GAALISS). L’objectif de cette étude est de comprendre les conditions d’utilisation de GAALISS auprès des acteurs de SP des Centres de santé et de services sociaux (CSSS) et de la DSP de la Montérégie. Une méthodologie mixte (cartographie conceptuelle et groupes de discussion) a été utilisée auprès de 39 participants (DSP= 18, CSSS=21). Pour faciliter l’utilisation d’un tel outil, quelques adaptations, des conditions opérationnelles, organisationnelles et systémiques sont nécessaires. Une démarche réflexive permettra de viser l’équité en santé.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... xi

Liste des abréviations et des sigles ... xiii

Remerciements... xv

Introduction ...1

Problématique ...3

Les inégalités sociales de santé ...3

État des lieux ...3

Définition ISS et concepts sous-jacents ...4

Réduire les inégalités sociales de santé ...7

Les recommandations ...7

Le rôle de la santé publique et de ses acteurs ...9

Enjeux des actions de santé publique visant les ISS ... 10

La Montérégie face aux ISS : une volonté d’agir ... 13

Recension des écrits ... 15

Conditions à la prise en compte des ISS dans les actions de santé publique ... 15

Engagement politique ... 15

Conditions organisationnelles ... 16

Mesurer les ISS ... 17

Barrières idéologiques et épistémologiques ... 18

Implication de la population générale ... 20

Outils pour soutenir l’équité en santé ... 21

Diversité des outils ... 21

Grille d’analyse des actions pour lutter contre les inégalités sociales de santé ... 23

Les barrières à l’utilisation des outils d’équité en santé ... 25

But et objectifs de la recherche ... 29

Cadre conceptuel ... 31

Construction du cadre conceptuel ... 31

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Niveau instrumental ... 32 Niveau opérationnel ... 33 Niveau organisationnel ... 34 Niveau systémique ... 35 Réflexivité ... 36 Modélisation ... 38 Méthodologie ... 41 La méthodologie mixte ... 41 Définition ... 41

Justification du choix d’une méthodologie mixte ... 42

La cartographie conceptuelle (CC) ... 42

Définition et justification ... 42

Le groupe de discussion (GD) ... 43

Définition et justification ... 43

Milieu d’étude ... 44

Présentation du milieu d’étude ... 44

Justification du choix du milieu d’étude ... 45

Échantillonnage et processus de recrutement des participants ... 45

Échantillonnage ... 45

Recrutement des participants ... 46

Recueil des données ... 46

Le calendrier de la collecte de données ... 46

Déroulement des étapes de la CC dans le cadre de cette étude ... 47

Déroulement des GD ... 48

Analyse des données ... 49

Analyse de la CC ... 49 Analyse des GD ... 50 Analyse croisée ... 51 Critères de scientificités ... 51 Validité interne ... 51 Validité externe ... 52 Considérations éthiques ... 53

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Résultats ... 55

Population de l’étude ... 55

Résultats de la cartographie conceptuelle (CC) ... 56

Résultats de la CC pour l’ensemble des participants ... 56

Résultats de la CC selon l’organisme de provenance ... 67

Résultats des groupes de discussion (GD) ... 70

Niveau instrumental ... 70

Niveau opérationnel ... 74

Niveau organisationnel ... 76

Niveau systémique ... 77

Réflexivité ... 78

Résultats selon l’organisme de provenance et la fonction des participants ... 80

Résultats des analyses croisées ... 81

Discussion ... 83

Résumé des principaux résultats. ... 83

Outil d’équité en santé et perceptions des utilisateurs ... 83

Outil Health Equity Assessment Tool (HEAT) et perceptions des professionnels de districts de santé de Nouvelle-Zélande ... 84

Les outils d’évaluation de l’impact sur l’équité en matière de santé et perceptions des experts d’équité en santé de l’Ontario ... 85

Des conditions au-delà du niveau des acteurs de santé publique ... 86

Leadership organisationnel et politique ... 86

Sensibilisation et mobilisation citoyenne des citoyens ... 86

La réflexivité : un processus transversal, multiniveaux ... 87

Réflexion sur notre cadre conceptuel et sur la future utilisation de GAALISS. ... 88

Forces et limites de l’étude ... 90

Les forces de l’étude ... 90

Les limites de l’étude ... 91

Perspective pour la pratique et la recherche : développer et diffuser des exemples d’utilisation des outils d’équité en santé ... 91

Conclusion ... 93

Bibliographie ... 95

Annexe 1 : Grille d’analyse des actions pour lutter contre les inégalités sociales de santé ... 105

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Annexe 3 : Guide d’animation pour les groupes de discussion ... 113 Annexe 4 : Formulaire de consentement ... 127

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Principales caractéristiques des participants à la cartographie conceptuelle et aux groupes de

discussion lors de la 1ère journée de regroupement selon l’organisme de provenance ... 56

Tableau 2 : Description des grappes de la cartographie conceptuelle ... 57

Tableau 3 : Grappe 1 - Conditions facilitantes d’application ... 59

Tableau 4 : Grappe 2 - Polyvalente ... 60

Tableau 5 : Grappe 3 - Si adaptée et fonctionnelle ... 61

Tableau 6 : Grappe 4 - Connaissances et compréhension des ISS ... 62

Tableau 7 : Grappe 5 - Pertinente et efficace ... 62

Tableau 8 : Grappe 6 - Potentiel de résultats sur les ISS ... 63

Tableau 9 : Grappe 7 - Positionnement stratégique du réseau et des organisations sur les ISS ... 64

Tableau 10 : Grappe 8 - Suivi de la prise en compte et des retombées ... 65

Tableau 11 : Grappe 9 - Partenariat et intersectorialité autour des ISS ... 65

Tableau 12 : Les 11 énoncés les plus importants* ... 66

Tableau 13 : Les 10 énoncés les plus faisables ... 67

Tableau 14 : Comparaison des 10 items les plus importants selon l’organisme de provenance ... 68

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Liste des figures

Figure 1: Forme finale du cadre conceptuel de la Commission des déterminants sociaux de la santé. (Solar

& Irwin, 2010) ...6

Figure 2 : Cadre conceptuel des conditions d'utilisation de GAALISS ...39

Figure 3 : Schéma des différentes étapes de la cartographie conceptuelle ...43

Figure 4 : Résultats de la cartographie conceptuelle ...58

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Liste des abréviations et des sigles

CC : Cartographie conceptuelle

CCNDS : Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé CDSS : Commission des déterminants sociaux de la santé

CSSS : Centre de santé et de services sociaux CRE : Conférence régionale des élus

DSS : Déterminants sociaux de la santé DSP : Direction de santé publique

EIES : Évaluation de l’impact sur l’équité en matière de santé EIS : Évaluation d’impact en santé

GAALISS : Grille d’analyse des actions pour lutter contre les inégalités sociales de santé GD : Groupe de discussion

HEAT : Health equity assessment tool

INSPQ : Institut national de santé publique du Québec ISS : Inégalités sociales de santé

MRC : Municipalité régionale de comté

OC-PHEA : Organizational Capacity for Public Health Equity Action OMS : Organisation mondiale de la santé

PAL : Plan d’action local PAR : plan d’action régional

PNSP : Programme national de santé publique SP : Santé publique

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Remerciements

Je remercie ma directrice de mémoire, Madame Anne Guichard, pour m’avoir encadrée tout au long de ce projet. Je tiens également à remercier l’ensemble des personnes qui sont à l’origine de ce projet ou qui y ont contribué : Monsieur Valéry Ridde, Madame Ginette Lafontaire, Madame Kareen Nour, Monsieur François Pilote, Madame Sarah Dutilly-Simard, Madame Mélanie-Ann Smithman, Monsieur David-Martin Millot, Madame Louise Marchitello, Monsieur Christian Dagenais, Madame Ingrid Tyler et Monsieur Philippe Lehmann.

Bien sûr, je tiens tout particulièrement à remercier ma famille pour son soutien indéfectible même au-delà de l’océan. Merci de vos nombreuses visites et de vos Skypes qui m’ont permis de vivre pleinement mon expérience québécoise.

Et aussi, parce que lorsque l’on s’expatrie, que l’on soit de Suisse, des Pays-Bas ou de France, les amis deviennent la famille, je remercie ma famille d’adoption de Québec : Ludivine, Frédéric et la ptite Zoé, merci pour le bonheur et le soutien que vous m’avez apporté, Mirjam, merci de cet « ongelofelikjk » tranche de vie que nous avons partagée à Québec. Et parce que les liens de la famille ne se rompent jamais malgré les frontières, à très vite ici ou ailleurs !

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Introduction

Les inégalités sociales de santé (ISS) constituent un enjeu majeur de santé publique, mais malgré une volonté marquée de travailler à les réduire, les résultats tardent à être obtenus. Devant la difficulté d’agir, la direction de santé publique (DSP) de la Montérégie a souhaité doter les professionnels de la région d’un outil visant à soutenir l’équité en santé dans les actions de santé publique. Pour cela, il a été décidé de procéder à l’adaptation aux besoins locaux, d’un outil existant : la Grille d’analyse des actions pour lutter contre les inégalités sociales de santé (GAALISS) (Guichard & Ridde, 2010). Le présent projet constitue la première étape de la démarche à savoir comprendre les conditions d’utilisation de l’outil GAALISS auprès des acteurs de santé publique des Centres de santé et de services sociaux (CSSS) et de la DSP de la Montérégie. Dans ce mémoire de maitrise, nous développerons certains éléments de la problématique associée à la réduction des ISS. Le chapitre 1 y sera consacré, il apportera des données chiffrées sur les ISS, des définitions associées à cette notion et à des concepts sous-jacents, avant de préciser quelques recommandations visant la réduction des ISS. Le rôle spécifique des acteurs de santé publique et les stratégies d’actions seront ensuite développés. Enfin, le positionnement et l’engagement de la DSP de la Montérégie face à cette réalité seront exposés.

Le deuxième chapitre sera consacré à la recension des écrits qui visera à préciser les conditions nécessaires à la prise en compte des ISS dans les actions de santé publique, les outils existants pour soutenir l’équité en santé et les barrières à leurs utilisations.

La construction d’un cadre conceptuel spécifique pour cette étude sera justifiée et détaillée au chapitre 3. Puis la méthodologie sera décrite au chapitre 4.

Le chapitre 5 exposera les caractéristiques des participants et les résultats de l’étude. Enfin, dans le chapitre 6, nous proposerons une discussion autour des résultats obtenus, mais également concernant les forces et les faiblesses de cette étude.

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Problématique

Cette section qui vise à exposer la problématique de ce mémoire présentera tout d’abord un état des lieux des ISS, puis les définitions attachées aux concepts d’ISS et de déterminants sociaux de la santé (DSS). Les principales recommandations autour d’une action visant à réduire les ISS seront rappelées, le rôle des acteurs de santé publique explicité, ainsi que les enjeux des actions de lutte aux ISS. La section se conclura sur une description de la position de la Montérégie face à cet enjeu.

Les inégalités sociales de santé

État des lieux

Les ISS constituent un enjeu majeur de la santé publique. Elles réfèrent aux disparités observées quant à l’état général de santé entre des groupes sociaux (De Koninck et al., 2008) et constituent « des inégalités de santé qui sont évitables, non nécessaires et injustes » [traduction libre] (Whitehead, 1992, p. 5). Elles sont considérées comme injustes, car elles résultent de l’interaction de facteurs que nous définirons plus tard, les déterminants sociaux de la santé, sur lesquels les individus ont peu ou pas de contrôle direct (Whitehead, 1992) et qui entrainent des inégalités de santé systématiques entre les groupes sociaux plus ou moins favorisés (Braveman & Gruskin, 2003). Ces inégalités existent à travers le monde, dans les pays en développement et développés (Marmot, 2007). Elles sont présentes entre les pays et à l’intérieur des pays (Marmot, 2005). Pour illustrer ces inégalités Marmot (2005) s’appuie sur des données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) (World Health Organization, 2004) et montre par exemple que l’espérance de vie à la naissance est de 34 ans en Sierra Leone alors qu’au Japon elle est de 81,9 ans. À l’intérieur des pays, il existe également des ISS qui peuvent être illustrées par une forte différence d’’espérance de vie entre citoyens d’un même pays comme nous allons le voir avec la situation du Canada. Des données de 2007-2009 (Payeur & Girard, 2013) révèlent que l’espérance de vie au Canada est de 78,6 ans pour les hommes et de 83,1 ans pour les femmes, mais que cette espérance de vie varie d’une province à l’autre au sein du Canada : au Québec, elle est de 78,6 ans pour les hommes et de 83,2 ans pour les femmes, tandis qu’à Terre-Neuve-et-Labrador elle est de 76,6 ans pour les hommes et de 83,1 ans pour les femmes. Ces ISS ne se reflètent pas seulement par l’espérance de vie, mais s’illustrent également avec, par exemple l’incidence et la prévalence de maladie plus importantes au sein de certaines catégories sociales de la population. Ainsi par exemple, l’enquête auprès des peuples autochtones de 2012 dévoile des inégalités de santé marquées entre les populations Inuits et le reste de la population canadienne. Les données révèlent une prévalence de l’hypertension artérielle chez les 15 ans et plus qui atteint 12 % dans la population Inuit versus 4 % dans la population totale du Canada (Wallace, 2014, p. 10). Parmi les nombreuses données illustrant les ISS en fonction du statut socioéconomique, nous souhaiterions rapporter les résultats d’une récente étude (Mitra,

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Shaw, Tjepkema, & Peters, 2015). Cette étude prospective sur 13 ans et basée sur une cohorte de 2 734 835 Canadiens a mis en évidence une relation inverse de l’incidence du cancer du poumon, avec le niveau de revenu, de scolarité et de la profession chez les hommes et les femmes. Le niveau de scolarité a été trouvé comme étant celui le plus fortement lié au risque de cancer du poumon. L’étude rapporte chez les deux sexes confondus et selon le niveau d’étude, 17 760 cas de cancer du poumon dans la catégorie « pas de diplôme d’études secondaires » contre 1310 cas dans la catégorie « grade universitaire ». Soit un taux d’incidence normalisé selon l’âge du cancer du poumon, pour 100 000 années-personnes à risque, de 113,6 (IC 95% = 111 ,9 – 115,4]) dans le groupe « pas de diplôme d’études secondaires » et de 45,0 (IC 95% = [42,5 – 47,6]) dans le groupe « grade universitaire. D’autre part, les résultats montrent également que le nombre de cas de cancer du poumon et son incidence décroissent graduellement dans chaque catégorie de celle du plus faible niveau de scolarité au plus élevé. À l’échelle géographique de la province du Québec, les ISS sont également présentent.

En effet, on observe le même phénomène au Québec, où des données révèlent, un écart d’espérance de vie à la naissance pour les hommes de 8,1 ans entre le groupe le plus favorisé et le groupe le plus défavorisé en 2006. Chez les femmes, cet écart est de 3,9 ans entre le groupe le plus favorisé et le plus défavorisé (Lambert et al., 2014, p. 8). Enfin, au niveau de la région de la Montérégie des ISS existent également. Des données pour la période 2004-2007 indiquent que l’écart d’espérance de vie entre les hommes favorisés et défavorisés est de 5,6 ans à la faveur des hommes plus favorisés. Entre les hommes et les femmes défavorisés, il existe une différence dans l’espérance de vie de 6,9 ans à la faveur des femmes (Dallaire, 2012). Cette région compte parmi les territoires de la province les plus défavorisés. Un portrait de la situation sera dressé dans le paragraphe milieu d’étude de la section méthodologie.

Définition ISS et concepts sous-jacents

Avant d’aller plus loin, il importe de définir le terme d’ISS et les concepts qui s’y rattachent. Guichard et Potvin (2010) précisent que les ISS « font référence à la relation étroite entre la santé et l’appartenance à un groupe social » (p38). Le concept d’ISS renvoie au terme d’équité et comme le soulignent les auteurs, « l’équité en matière de santé renvoie à des aspects normatifs, à un jugement de valeur concernant le caractère juste ou injuste [des écarts de santé] » (p.39). En effet, l’équité est un principe éthique qui est sous-tendu par les principes de justice sociale et des droits humains, plus précisément le droit à la santé (Braveman & Gruskin, 2003), qui est le droit de tous de bénéficier de la meilleure santé possible (Organisation mondiale de la Santé, 1946).

Dès 1980, le Black Report (Department of Health and Social Security, 1980) en s’intéressant aux différences de mortalité en fonction de la classe sociale des individus, a mis en évidence un lien entre l’état de santé et

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la position sociale. Ce phénomène constitue le gradient social de santé qui n’est pas forcément toujours linéaire entre les strates sociales (Braveman, Egerter, & Mockenhaupt, 2011), mais suit une tendance. Pour expliciter ce concept, Guichard et Potvin (2010) exposent que :

Le gradient sert à décrire le phénomène par lequel ceux qui sont au sommet de la pyramide sociale jouissent d’une meilleure santé que ceux qui sont directement au-dessous d’eux, et qui eux-mêmes sont en meilleure santé que ceux qui sont juste en dessous et ainsi de suite jusqu’aux plus bas échelons. (p.39)

Malgré l’amalgame souvent fait, à tort, entre ISS et pauvreté, il importe donc de bien comprendre que les ISS ne concernent pas uniquement les personnes en situation de pauvreté ou de précarité sociale, mais qu’elles sont présentes à chaque niveau de la stratification sociale et concernent l’ensemble de la population. Concernant l’origine des écarts de santé entre les individus, l’OMS précise que « les causes des inégalités en santé résultent d’interactions complexes entre des facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux » [traduction libre] (Crombie, Irvine, Elliott, & Wallace, 2005, p. 7). Ces facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux influençant l’état de santé des individus constituent les déterminants de la santé comme définis par l’OMS (1999). Pour réduire les ISS, il faut se concentrer sur les facteurs modifiables (sociaux, économiques et environnementaux) (Braveman et al., 2011) qui constituent les déterminants sociaux de la santé (DSS). Ces derniers sont définis par l’OMS comme étant : « les circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent ainsi que les systèmes mis en place pour faire face à la maladie.» (Commission des déterminants sociaux de la santé, 2011).

Les interactions entre les déterminants de la santé sont multiples et complexes et plusieurs modèles ont été proposés pour illustrer leurs liens. Un des plus anciens modèles est celui de Dahlgren et Whitehead (1992), il place l’individu au centre de l’ensemble des déterminants de la santé et montre ainsi l’imbrication des différentes strates constituant cinq couches distinctes (les facteurs individuels, les facteurs liés au mode de vie individuel, les influences sociales et communautaires, les conditions de vie et de travail et les conditions socioéconomiques, culturelles et environnementales globales), cependant ce modèle ne permet pas d’apprécier l’influence et les effets respectifs des différents déterminants, ni leurs mécanismes d’action (Guichard & Potvin, 2010). Plus récemment, la Commission des déterminants sociaux de la santé (CDSS) de l’OMS a proposé le modèle Pathway (Solar & Irwin, 2007) qui structure les déterminants de la santé en trois catégories. Une catégorie macro renvoyant au contexte socioéconomique et politique. Une deuxième catégorie constituée des déterminants structurels que sont le statut socioéconomique (résultant du revenu, de la formation et de l’emploi), le genre et l’ethnie. Et une troisième catégorie, celle des déterminants

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intermédiaires de la santé, constituée par les circonstances matérielles, psychosociales, socio-environnementales, les facteurs biologiques, comportementaux et le système de santé.

Figure 1: Forme finale du cadre conceptuel de la Commission des déterminants sociaux de la santé. (Solar & Irwin, 2010) Ce modèle, aujourd’hui considéré comme le plus aboutit, met l’accent sur les « causes des causes » c’est-à-dire les causes structurelles et sociales qui constituent la base des ISS. Il montre comment les différents facteurs interagissent entre eux et aboutissent à déterminer l’état de santé des individus et des groupes sociaux (Guichard & Potvin, 2010). Si la compréhension des mécanismes par lesquels les DSS génèrent des ISS reste à approfondir, ce modèle permet d’appréhender la complexité et la multitude des éléments à prendre en compte dans la genèse des ISS et pose un cadre plus structurant pour l’action qui implique un engagement de tous les secteurs (santé et autres) pour s’attaquer aux ISS. C’est pourquoi la CDSS affirme que :

L’action sur les déterminants sociaux de la santé doit donc faire intervenir l’ensemble des pouvoirs publics, la société civile, les communautés locales, le monde des entreprises, les instances mondiales et les organismes internationaux. Les politiques et programmes doivent englober tous les grands secteurs de la société sans s’en tenir au seul secteur de la santé. Le ministre de la santé et son ministère doivent néanmoins jouer un rôle crucial dans le changement mondial. (Commission des déterminants sociaux de la santé, 2008, p. 1)

Sur la base de ces grands repères, nous allons voir dans les prochaines sections en quoi réduire les ISS est une démarche primordiale pour la santé publique, son rôle dans cette optique et les enjeux qui entourent les actions pour y parvenir.

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Réduire les inégalités sociales de santé

Les recommandations

Réduire ces ISS constitue un enjeu majeur en santé publique, afin d’améliorer l’état de santé général et la qualité de vie de la population (Braveman et al., 2011), d’engendrer des bénéfices pour la société, comme par exemple réduire les coûts de santé et augmenter la productivité (Marmot et al., 2010), mais surtout de répondre à des questions de valeurs, de solidarité et de justice sociale (Marmot et al., 2010). C’est pourquoi de nombreuses recommandations sont émises au niveau mondial, dans le but de les diminuer, et ce de très longue date. Dès 1978, la conférence d’Alma-Ata (Organisation mondiale de la Santé, 1978) positionne les inégalités de santé comme une préoccupation commune à tous les pays et affirme le caractère peu acceptable de ces inégalités en soutenant que :

Les inégalités flagrantes dans la situation sanitaire des peuples, aussi bien entre pays développés et pays en développement qu'à l'intérieur même des pays, sont politiquement, socialement et économiquement inacceptables et constituent de ce fait un sujet de préoccupation commun à tous les pays. (Article 2)

Par la suite, le Black Report (Department of Health and Social Security, 1980) va être publié en Grande-Bretagne et va apporter des éléments sur l’origine de ces inégalités. Dans ce rapport, les auteurs montrent que la morbidité et la mortalité sont distribuées de façon inégale au sein de la population de Grande-Bretagne. Il va soulever l’hypothèse que les différences dans l’état de santé ne sont pas dues uniquement aux déficiences du système de soins, mais résultent également de conditions tels le revenu, l’éducation ou bien encore l’emploi. Afin de réduire ces inégalités, le rapport formule une série de recommandations, 37 au total, qui abordent des sujets tels l’amélioration du recueil de données statistiques, une meilleure répartition des ressources du système de santé, une priorisation à donner aux recherches sur les ISS ou bien encore des mesures à plus large échelle comme l’éradication de la pauvreté chez les enfants ou une meilleure coordination des politiques publiques et privées. À l’époque de sa publication, ce rapport fut très peu diffusé et ses recommandations ont été désavouées par le secrétaire d’État aux services sociaux, mais par la suite il va fortement influencer l’engagement en faveur de la réduction des ISS. En 1986, la charte d’Ottawa (World Health Organization, 1986) engage de nouveau à combler ces écarts de santé en s’avançant sur les DSS et en précisant que ces inégalités sont « dues aux règles et aux pratiques [des]sociétés » (p. 5). En 2008, dans son rapport final la CDSS (2008), « engage l’OMS et tous les gouvernements à agir partout dans le monde sur les déterminants sociaux de la santé pour instaurer l’équité en santé » (Préface). Cette Commission créée par l’OMS en 2005 a regroupé des décideurs, chercheurs et organisations de la société civile, provenant du monde entier, de 2005 à 2008. Elle avait pour but de produire un rapport de recommandation au Directeur général de l’OMS. Pour ce faire, elle devait réunir et examiner les données probantes sur les mesures à

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mettre en œuvre pour réduire les inégalités sanitaires au sein des pays et entre les pays. Dans son rapport final (Commission des déterminants sociaux de la santé, 2008), la Commission a émis trois recommandations principales : (1) améliorer les conditions de vie quotidiennes (2) lutter contre les inégalités dans la répartition du pouvoir, de l’argent et des ressources et (3) mesurer le problème, l’analyser et évaluer l’efficacité de l’action. Au-delà de son rapport, cette Commission a permis de sensibiliser l’ensemble de la société sur les DSS et les ISS (Organisation mondiale de la Santé, 2015).

Au Canada et au Québec, de nombreuses directives vont dans le même sens. Dès 1974, le rapport Lalonde (Lalonde, 1974) souligne l’importance des déterminants de la santé qui agissent sur la santé des populations. En 2008, le rapport de l’administrateur en chef de la santé publique du Canada intitulé « s’attaquer aux inégalités sociales de santé » (Public Health Agency of Canada, 2008) fait un état des lieux de la situation et des actions déjà menées au Canada et propose des pistes à suivre pour renforcer la lutte contre les ISS. Il établit la liste de 5 secteurs dans lesquels des interventions doivent être réalisées en priorités pour réduire les ISS. Il s’agit (1) des investissements sociaux où les efforts doivent être concentrés notamment dans la lutte à la pauvreté chez les enfants, (2) de renforcer les capacités communautaires, (3) d’engager des actions intersectorielles, (4) de développer les connaissances : indicateurs et suivi des ISS, évaluation des actions menées pour les réduire, connaissances sur les DSS et leurs interactions à l’origine des ISS; et données sur les actions efficaces pour réduire les ISS et (5) d’engager tous les secteurs (santé et autres) à assurer un leadership de haut niveau pour réduire les ISS. L’évolution de l’engagement dans cette lutte se constate aussi dans les lois et programmes instaurés au Québec. En 1992, la politique québécoise de la santé et du bien-être affirme que « la santé et le bien-bien-être résultent d’une interaction constante entre l’individu et son milieu » (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1992), soulignant par-là les limites d’une vision de la santé définie uniquement par l’absence de maladie et insistant sur l’importance des ressources du milieu. L’amélioration de la santé n’est plus perçue uniquement comme relevant du système de soin. En 2002, une loi allant dans ce sens est instaurée : loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale (Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2002). Cette loi visant à s’attaquer aux causes et aux conséquences de la pauvreté, prescrit de rendre accessible aux populations défavorisées, les services de santé, mais également de favoriser leur accès au marché du travail, aux loisirs et à l’éducation. Cela montre l’importance et l’imbrication des différents éléments qui constituent les conditions de vie des individus et la volonté de l’État de s’y attaquer. Par la suite, le Programme National de Santé Publique 2003-2012, (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2008) mettra de nouveau de l’avant des « écarts désolants» et engagera, entre autres, à agir sur l’environnement social et les conditions socioéconomiques pour rechercher l’équité.

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Mais malgré ces appels à l’action et la volonté d’agir, les ISS persistent au fil du temps, voire s’aggravent comme le souligne le rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de mai 2014 (Lambert et al., 2014) :

Malgré une amélioration constante de l’état de santé qui rejoint tous les groupes socioéconomiques du Québec, les inégalités sociales de santé entre ces groupes sont importantes et tendent même à augmenter dans le temps. (p.7)

Le rôle de la santé publique et de ses acteurs

Le secteur de la santé publique compte parmi les acteurs appelés à agir pour réduire les ISS et il tient un rôle de tout premier ordre pour plus d’équité en santé. En effet, bien que la santé publique ne soit pas le seul secteur concerné par la réduction des ISS, on s’entend pour dire que c’est à elle que revient la responsabilité d’assurer le rôle de leadership afin d’engager les autres secteurs (domaine du travail, de l’environnement…) dans cette lutte et d’assurer les partenariats (public, privée, bénévole) nécessaires à l’équité en santé (Groupe de travail sur les disparités en matière de santé du Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population et la sécurité de la santé, 2004).

Plus récemment, le Centre de collaboration national des déterminants de la santé (CCNDS) a défini quatre grands rôles à la santé publique pour tendre vers plus d’équité en santé : (1) participer à l’élaboration des politiques (2) évaluer et produire des rapports (3) modifier et orienter les interventions et (4) établir des partenariats avec d’autres secteurs. Ces rôles, bien que discutables, constituent un cadre d’intervention visant à orienter et structurer les actions entreprises pour favoriser l’équité en santé (Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé, 2013). Ces rôles montrent l’implication importante des acteurs de santé publique placés à des postes de décideurs et de gestionnaires, mais aussi le rôle primordial des acteurs de santé publique de terrain, comme le souligne Dallaire (2012) :

Les activités de santé publique […] peuvent contribuer à réduire l'impact des inégalités, qu'il s'agisse d'actions visant à modifier les déterminants sociaux de la santé ou d'interventions préventives auprès de certains groupes plus vulnérables de la population (p.1).

En effet, « les intervenants de terrain forment l’interface entre le système de santé, la population et les intervenants des autres secteurs de l’administration publique » (Guichard & Potvin, 2010, p. 48). Ainsi à tous les niveaux, les acteurs de santé publique constituent un pilier majeur dans la lutte aux ISS. De plus, quel que soit leur statut professionnel, il incombe à tous ces acteurs une responsabilité éthique de viser l’équité en santé, car on sait que la plupart des actions de santé publique qui ne prennent pas en compte les ISS contribuent le plus souvent à les aggraver (Potvin, Ridde, & Mantoura, 2008).

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Enjeux des actions de santé publique visant les ISS

Pour comprendre la difficulté en santé publique à engager des actions et à obtenir des résultats sur les ISS, il convient d’aborder les enjeux soulevés par les principales approches en santé publique au regard des ISS. Pour cela nous proposons ici de dresser un rapide portrait des approches et stratégies d’action couramment utilisées en santé publique et d’en dégager brièvement les principaux défis et enjeux au regard des ISS. Pour ce faire, nous nous appuierons sur la typologie des actions définie par Benach, Malmusi, Yasui et Martinez (2012) qui distinguent trois types d’approches : ciblée, universelle et l’universalisme proportionné. 1- L’approche ciblée vise à rejoindre une partie de la population de manière prioritaire. Il s’agit d’engager une intervention ciblant le plus souvent un groupe défavorisé. L’admissibilité et l’accès à l’intervention dépendent de critères de sélection comme le revenu, la scolarité, ou l’état de santé.

2- L’approche universelle s’adresse à toute la population sans distinction. Selon Benach, Malmusi, Yasui et Martinez (2012) on peut distinguer deux sous catégories d’approches universelles :

Une approche universelle avec ciblage additionnel sur les écarts. Dans ce cas d’approche universelle, une priorité est donnée aux zones défavorisées avec des financements supplémentaires ou des campagnes ciblées pour ces zones.

Une approche universelle avec politique redistributive. Dans cette approche, la politique de type universelle vise les causes des problèmes de santé dont l’apparition augmente avec le désavantage social, mais dont les groupes sociaux favorisés sont pratiquement indemnes.

3- L’universalisme proportionné propose une intervention de type universelle, mais qui va suivre des modalités et des intensités différentes en fonction du niveau de défavorisation du public ciblé.

Chacune de ces approches présente des avantages et des limites qu’il convient de discuter, notamment au regard des ISS. Comme le soulignent Benach, Malmusi, Yasui et Martinez (2012), l’approche ciblée présente l’avantage de clairement viser un segment de la population et permet un suivi et une évaluation simple. Elle peut également s’inscrire dans une politique globale comme la lutte à la pauvreté. Cependant, cette approche ne s’intéresse pas aux causes structurelles des inégalités, ne cible qu’une partie minoritaire de la population et néglige le reste de la population. Elle ne permet pas notamment de soutenir les classes intermédiaires et n’agit pas sur le gradient social de santé. L’approche universelle, quant à elle, ne permet pas de rejoindre la partie défavorisée de la population. Se basant sur les travaux de Rose (1985), Frohlich et Potvin (2008) montrent comment une approche populationnelle peut augmenter les écarts entre les strates sociales au lieu

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de les réduire. Selon ces auteures, l’approche de Rose basée sur la distribution de l’exposition à un facteur de risque d’une maladie, ne prend en compte que les aspects biologiques, génétiques et environnementaux liés à cette distribution, mais ne tient pas compte des mécanismes socioéconomiques qui l’influencent. Ainsi, même si les résultats d’une intervention populationnelle sont positifs, il faut porter une attention particulière à la distribution des bénéfices de l’intervention au sein de la population. En effet, ce genre d’intervention profite plus aux personnes les moins exposées qu’aux personnes les plus exposées et creuse ainsi les écarts au sein de la population. Enfin, l’approche d’universalisme proportionné est celle prônée par Marmot (2010) qui expose que cibler l’action uniquement sur les groupes défavorisés ne permet pas de réduire les ISS et que pour agir sur le gradient social de santé, il faut utiliser une approche universelle proportionnée. Cette approche assez récente semble actuellement la plus à même de réduire les ISS.

Cependant bien qu’il existe une prolifération de documents suggérant des stratégies et pratiques efficaces pour réduire les ISS au sein des structures de santé publique locales (Agence de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2012; Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2011; Hyppolite, 2012; Service de santé publique de Sudbury et du district, 2011), l’évaluation des pratiques de santé publique visant la réduction des ISS reste marginale. Comme vu précédemment, la construction des ISS et les interactions des DSS sont multiples et complexes. De ce fait, il est impossible d’évaluer les actions sur les ISS avec une approche d’évaluation expérimentale à dominance biomédicale utilisée en épidémiologie clinique et permettant d’établir un lien de cause à effet entre une intervention et les effets qu’elle produit indépendamment du contexte. En effet, les méthodes d’évaluation expérimentales sont valables uniquement dans un contexte de relation simple entre les facteurs étudiés et où les éventuels facteurs confondants peuvent être contrôler par l’évaluateur (Blaise, Marchal, Lefèvre, & Kegels, 2010) Or les ISS constituent un système complexe où les relations de causes à effets ne sont ni reproductibles, ni stable dans le temps et dépendent du contexte qui est changeant par essence (Blaise et al., 2010).Le recours à des méthodes d’évaluation expérimentales dans le cadre des actions visant à réduire les ISS est ainsi vain pour établir le lien de causalité entre l’action et les effets attendus. Blaise et al (2010) identifient la méthode d’évaluation réaliste comme étant prometteuse pour sortir de cette impasse. L’approche réaliste intègre les éléments du contexte comme contribuant aux effets et non pas comme des facteurs confondants. Cette méthode d’évaluation permet de rendre compte de l’efficacité d’une action dans un contexte donné. Même si cette approche est identifiée comme adaptée pour évaluer l’efficacité des actions visant à réduire les ISS, la question de la généralisation, de la transférabilité de l’action dans un autre contexte reste entière et l’efficacité des actions visant à réduire les ISS difficile à prouver, d’autant plus que ce type d’intervention se situe dans une temporalité à long terme avec des effets qui peuvent survenir de nombreuses années après l’action (Blaise et al., 2010) .

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Cependant, les connaissances acquises concernant la construction des ISS indiquent que les pratiques de santé publique devraient évoluer vers des actions plus orientées, plus structurelles et dirigées vers les DSS. Actuellement, les interventions de santé publique visent encore trop souvent les comportements à risque des individus (Freudenberg, Franzosa, Chisholm, & Libman, 2015). Pourtant, la structure même des ISS, fait que si l’on veut les réduire, il est nécessaire d’améliorer les conditions économiques et sociales de la population. Or les pratiques de santé publique restent encore pour la grande majorité, tournées vers les risques individuels et des pathologies spécifiques (Knight, 2014). Comme le soulignent Freudenberg, et al. (2015), les pratiques sont encore dominées par une vision biomédicale et comportementale de la santé. Enfin, les ISS trouvant leurs origines dans de multiples domaines, les professionnels de santé publique ne devraient pas se restreindre uniquement à des projets dont le but initial est la santé, au contraire, ils devraient s’impliquer plus amplement dans les actions relevant des domaines économique social et culturel (Knight, 2014).

Ces écrits récents révèlent que de nombreux enjeux sont à prendre en compte lors de la mise en place d’action de santé publique visant à réduire les ISS et que de nouvelles données ne cessent d’émerger sur ce sujet. Aussi, devant la complexité des réalités sociales sous-jacentes aux ISS, la difficulté à convertir les résultats de recherche en actions immédiates, ou la dispersion des données pertinentes à l’action publique, plusieurs initiatives ont été engagées pour soutenir les acteurs de santé publique. Des structures ont par exemple été mises en place pour favoriser le transfert de connaissances auprès des professionnels. Ainsi, l’OMS a mis en place en 2005 une Commission des déterminants sociaux de la santé (précédemment décrite) qui avait pour mission de favoriser le transfert des connaissances vers l’action (Marmot, 2005). Au Canada, en juillet 2006, a été créé un Centre de collaboration nationale en santé publique des déterminants de la santé (CCNDS). Sa mission est de soutenir le transfert de connaissances et les actions sur les déterminants de la santé auprès des acteurs de santé publique afin de renforcer leur capacité d’action.

Mais malgré les efforts de centralisation des données sur les ISS pour favoriser le transfert de connaissances dans les milieux d’intervention, on peut constater que la majorité des éléments ne fournissent pas ou peu de données pratiques. Il s’agit souvent de lignes directrices (agir sur les DSS, en intersectorialité, en lien avec la communauté…) difficiles à mettre en œuvre de façon concrète pour des professionnels agissant à un niveau local. Pour les soutenir dans la mise en œuvre pratique des recommandations pour réduire les ISS, de nombreux outils ont été développés. Ils sont destinés à divers publics (acteurs de santé publique, politiciens…) et ont pour but de soutenir l’équité en santé de façon pragmatique dans la réalisation d’actions (Braveman, 2003; Fondation Roi Baudouin, s.d.; Guichard & Ridde, 2010; Signal et al., 2007). Cependant, si l’on s’intéresse aux pratiques québécoises sur la réduction des ISS, on peut constater que sur 18 provinces, seules trois ont, à ce jour, publié un rapport sur les ISS et formulé des recommandations (Agence de la santé

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et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2012; Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2011; Hyppolite, 2012). De plus, un seul de ces rapports, celui de Québec, propose des outils pour aider les acteurs de santé publique à réduire les ISS. Bien que n’ayant pas à ce jour publié de rapports entièrement dédié aux ISS, la Montérégie est proactive dans la lutte aux ISS et souhaite disposer d’un outil pour soutenir les professionnels de santé publique de la région à mieux prendre en compte les ISS.

La Montérégie face aux ISS : une volonté d’agir

Comme partout ailleurs, la DSP de la Montérégie est engagée dans la réduction des ISS. Cet engagement est inscrit dans de nombreux documents comme le Plan d’action régional (PAR) de santé publique (Direction de santé publique de la Montérégie, 2013) et les rapports annuels de la Directrice de santé publique, dont un des plus récents (Direction de santé publique de la Montérégie, 2012). Mais malgré cette volonté, « les inégalités sociales et de santé persistent en Montérégie » (p.12), comme le révèle l’analyse différenciée selon la défavorisation, du rapport Faits saillants de l’évolution du contexte régional en Montérégie. Planification stratégique 2015-2020 (Fortin & Gauthier, 2014).

Face à cette problématique et afin de soutenir les acteurs de la santé publique de sa région dans l’atteinte de l’équité en santé, la DSP de la Montérégie souhaite disposer d’un outil adapté aux besoins de ses professionnels (DSP et CSSS). C’est pourquoi la DSP de la Montérégie s’est intéressée à la Grille d’Analyse des Actions pour Lutter contre les Inégalités Sociales de Santé (GAALISS) (annexe 1), développée en langue française dans le cadre d’un projet de recherche en France (Guichard & Ridde, 2010). Cependant, comme le précisent les auteurs de cet outil, une adaptation est nécessaire « pour faire évoluer et affiner l’instrument [] par un travail avec les usagers de l’outil afin de développer un cadre et une méthodologie d’utilisation répondant encore mieux aux besoins des intervenants » (Guichard & Ridde, 2010, p. 309). C’est dans ce contexte qu’un partenariat de recherche s’est engagé entre la DSP et la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval, en vue d’adapter l’outil au contexte de la santé publique de la Montérégie. La première étape dont traite ce projet vise à comprendre les conditions d’intégration d’un tel outil dans les pratiques des professionnels auquel il s’adresse. L’étude s’attachera donc à comprendre les conditions nécessaires à l’utilisation de cet outil, ainsi que les éventuelles adaptations à faire. Comme nous l’avons vu dans la précédente section, étant donné la complexité et la pluralité des conditions requises pour lutter contre les ISS, cette réflexion sera conduite dans un effort de mise en perspective du rôle et de la place de l’outil à côté d’autres conditions plus générales (ex : politiques, organisationnelles…) qui pourraient être dégagées par les professionnels de santé publique de la Montérégie et qu’il conviendra de décrire.

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Recension des écrits

Cette section vise à faire un rapide portrait des conditions rapportées dans la littérature pour soutenir la lutte aux ISS en santé publique et à positionner les outils développés pour soutenir les acteurs de santé publique dans une meilleure prise en compte des ISS.

Conditions à la prise en compte des ISS dans les actions de

santé publique

Avant d’aborder les conditions favorisant ou non l’utilisation des outils visant l’équité en santé, il convient de dégager à travers la littérature les nombreux autres facteurs pouvant exercer un rôle fondamental dans la réussite des actions souhaitant prendre en compte les ISS. Les paragraphes suivants présenteront des conditions pour atteindre l’équité, comme les problématiques de l’engagement politique, celle des mesures des ISS, des préjugés ou bien encore l’implication de la population générale.

Engagement politique

Pour Blas et al. (2008), Raphael, Curry-Stevens et Bryant (2008), c’est par un engagement politique clair et soutenu dans le temps qu’une plus grande équité en santé pourra être atteinte. Dès 1992, Dahlgren et Whitehead (1992) soulignent que « l’un des plus grands défis des politiques de santé dans les années 1990 est de réduire les ISS » [Traduction libre] (p. 1). Pour eux, les politiques de santé doivent viser trois buts : (1) s’attaquer à certaines causes des ISS en réduisant l’exposition aux facteurs de risque et les dangers pour la santé ou en les prévenant; (2) minimiser les dommages de santé causés par les facteurs de risque en aidant la population à faire face aux facteurs de risques ; (3) et assurer une quantité et une qualité des services de santé en adéquation avec les besoins de la population [Traduction libre ] (p. 7).

Les recommandations actuelles préconisent également que toutes les politiques, même celles en dehors du domaine de la santé, s’engagent dans cette démarche. En 2005, Marmot (2005) réaffirme l’implication nécessaire des politiques publiques au niveau national, mondial et dans tous les domaines.

Dans le rapport sur les réalités canadiennes (Mikkonen & Raphael, 2010), les auteurs affirment que l’un des meilleurs moyens d’action pour améliorer la santé est de passer par des politiques publiques garantissant les conditions essentielles à une bonne santé. D’après eux, « il n’est pas illusoire de penser que des politiques publiques pourraient améliorer la qualité des déterminants sociaux de la santé » (p.53).

L’OMS, dans la déclaration d’Adélaïde (World Health Organization, 2010) engage à intégrer la santé dans toutes les politiques et ce à tous les niveaux : local, régional, national et international.

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En 2011, lors de la conférence de Rio de Janeiro, l’OMS réaffirme sa volonté d’atteindre l’équité en santé et pour cela appelle à agir sur les DSS par une approche intersectorielle globale. L’organisation souligne que « la collaboration dans le cadre de politiques coordonnées et intersectorielles s’est révélée efficace [et que] l’intégration de la santé dans toutes les politiques, accompagnée d’une collaboration et d’une action intersectorielles, est une approche prometteuse » (Organisation mondiale de la Santé, 2011 Point 7). Tous ces éléments montrent que l’engagement des politiques à tous les niveaux (national et international) et de tous les secteurs (santé et autres) est une condition nécessaire pour atteindre l’équité en santé. Les pays se dotent peu à peu de lois ou de plans d’ensemble visant cette préoccupation de l’équité en santé et certains proposent aujourd’hui des objectifs chiffrés de réduction des ISS (Hayward, Colman, & Pannozzo, 2008; Judge, Platt, Costongs, & Jurczak, 2006). On peut noter que dans ce domaine, le Québec s’est doté de façon très précoce d’une législation participant à l’atteinte de l’équité en santé. En effet, dès 2001, le Québec a adopté l’article 54 de la loi sur la santé publique (Loi sur la santé publique du Québec, 2001). Cet article impose à tous les ministères élaborant un nouveau projet de loi d’évaluer les impacts sur la santé des populations et de consulter le ministre de la Santé et des Services sociaux si ces impacts potentiels se révèlent être importants. Avec ce levier d’action, le Québec fait office d’exemple.

Conditions organisationnelles

Au-delà du contexte politique, au sein même des organisations de santé publique, les conditions organisationnelles doivent être favorables à l’engagement d’actions visant l’équité en santé. Dans le contexte de la santé publique canadienne, Cohen et al (2013) ont proposé un cadre conceptuel de la capacité organisationnelle pour des actions sur l’équité en santé publique (OC-PHEA). Les auteurs définissent la capacité organisationnelle pour des actions sur l’équité en santé publique comme étant « la capacité de l’organisation de santé publique d’identifier les iniquités de santé, de mobiliser les ressources et de mettre en place des actions efficaces pour réduire ces iniquités » [traduction libre] (Cohen et al., 2013, p. 264). La construction de leur cadre conceptuel s’est basée sur des entretiens individuels avec des « champions de l’équité en santé » et une revue de la littérature. À partir de ces éléments, les auteurs ont élaboré une première version de cadre conceptuel. Ils ont ensuite affiné cette version jusqu’à un consensus de l’équipe de recherche, aboutissant à une version intermédiaire. Celle-ci a été présentée aux « champions de l’équité en santé » précédemment interviewés. Ces derniers ont relu et commenté le cadre proposé. Une version finale tenant compte de ces commentaires a été créée. Au final, le cadre conceptuel comporte deux composantes : (1) une composante interne à l’organisation où les éléments importants pour engager des actions sur l’équité sont les valeurs, l’engagement de l’organisation et une infrastructure organisationnelle favorable. Les valeurs de l’organisation vont interférer dans la définition des priorités de l’organisation, mais également dans les relations internes entre les professionnels de l’organisation et leur rapport avec leurs partenaires externes.

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L’OC-PHEA expose les valeurs nécessaires pour favoriser les actions d’équité en santé. L’organisation doit valoriser la justice sociale, la distribution équitable du pouvoir, des relations partenariales respectueuses et une responsabilité partagée avec la société pour créer des opportunités d’équité en santé. L’engagement de l’organisation est le deuxième élément de la composante interne. Il va permettre aux acteurs de l’organisation de disposer d’un contexte favorable aux actions d’équité en santé en assurant l’accès à une infrastructure organisationnelle favorable. Celle-ci doit répondre à plusieurs impératifs comme mettre à disposition les compétences nécessaires pour engager les actions d’équité en santé, mettre à disposition des données locales sur les ISS et assurer aux différents acteurs la possibilité d’influencer la prise de décision de l’organisation ; (2) une composante externe qui renvoie au contexte social, politique, économique et culturel dans lequel gravite l’organisation de santé publique. Les éléments qui constituent cette composante sont identiques à ceux de la composante interne : les valeurs, l’engagement et une infrastructure favorable, mais ils se situent à un niveau externe de l’organisation. L’engagement au niveau sociétal doit s’exprimer par du soutien extérieur notamment par du financement gouvernemental par exemple ou encore par des lois et des règlements. Une infrastructure organisationnelle favorable doit permettre des actions intersectorielles et un accès aux ressources nécessaires par exemple. Les auteurs insistent sur l’importance de reconnaitre l’influence et les forces que peut avoir le cadre extérieur dans les actions d’équité en santé.

Mesurer les ISS

Comme nous venons de le voir dans l’article de Cohen et al (2013) la lutte contre les ISS en santé publique est étroitement liée à la capacité des organisations de mettre à disposition de ses acteurs des données sur les ISS au niveau local et régional. Pour disposer de telles données, il faut être en capacité de mesurer les ISS. Cela constitue une condition essentielle pour réduire les ISS comme souligné dans le rapport de la CDSS (2008). En effet, comme illustré par Solar et Irwin (2010), assurer le suivi des ISS et des déterminants sociaux de la santé est à la base du cadre d’action pour s’attaquer aux ISS. Pour Rashad et Khadr (2014), c’est par le biais de la mesure et du suivi des iniquités de santé qu’il va être possible d’engager l’action des politiques. Braveman et Gruskin (2003) argumentent ce besoin et affirment que si nous ne disposons pas de mesures permettant de comparer l’état de santé entre les groupes sociaux identifiables, il ne sera pas possible d’évaluer à qui profitent le plus les politiques de santé et donc comment mieux cibler les interventions et redistribuer les ressources afin d’atteindre l’équité en santé.

Cependant, comme le soulignent Pampalon et Raymond (2003) l’absence d’informations socio-économiques lors du recueil de données sanitaires au Québec, comme dans les autres pays dotés de telles bases de données, empêche la mesure des ISS. En effet, il est impossible de mettre en relation les données socio-économiques des individus et les données sur leur état de santé. C’est pour remédier à cela qu’un indice de défavorisation matérielle et sociale a été créé au Québec (Pampalon & Raymond, 2003). Cet indice définit la

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situation sociale selon une approche écologique et est défini sur la plus petite unité géostatistique des recensements québécois et canadien, le secteur de dénombrement. Il permet d’attribuer à une personne un indice de défavorisation matérielle et sociale sur une échelle de 1 à 5 selon l’adresse de la personne. Au-delà de cet indice de mesure, devant la difficulté d’assurer des mesures des ISS et de répondre aux besoins des professionnels des cadres de références ont été développés afin de permettre une approche systématique.

Braveman (2003) définit le suivi comme un relevé de données répété dans le temps et une pratique constituant une action orientée pour être utile aux décisions politiques. L’auteure propose un cadre conceptuel pour le suivi de l’équité en santé. Ce cadre se compose de 8 étapes et permet de fournir une réponse sur ce que l’on doit mesurer et pourquoi.

En 2005, Asada (2005) propose un cadre permettant de prendre en compte l’aspect éthique et moral des inégalités de santé. Ce cadre suit trois étapes : définir les iniquités en santé, choisir une stratégie de mesure et produire des informations quantitatives sur les iniquités de santé.

Malgré l’emphase mise sur l’importance de mesurer les ISS, l’analyse de contexte du CCNDS (2014) révèle « de nombreuses difficultés à mesurer et à surveiller des iniquités en santé » (p.14) et les difficultés que cela engendre pour les professionnels.

Au Québec, devant l’absence de plan de surveillance systématique des ISS, l’INSPQ a récemment proposé une stratégie de surveillance et des indicateurs de suivi des ISS (Pampalon, Hamel, Alix, & Landry, 2013). Au final, 10 indicateurs de santé et bien-être de la population (répartis dans 5 catégories : santé et bien-être global, mortalité, hospitalisation, morbidité et autres) et 8 indicateurs de déterminants intermédiaires (habitudes de vie et conditions matérielles) et structuraux (scolarité) de la santé seront suivis pendant 20 ans et croisés avec des variables de position sociale (indice de défavorisation par exemple) à l’échelle de la province et de ses régions.

Barrières idéologiques et épistémologiques

Les ISS réfèrent à la notion de justice sociale et mettent ainsi en jeu les valeurs et les préjugés des individus. Ces éléments peuvent constituer des barrières à l’action aussi bien au niveau des professionnels de santé publique, que des professionnels de santé, des politiciens ou bien encore des citoyens.

Au niveau des acteurs professionnels, un manque de vision commune et une compréhension différente peuvent aussi être à l’origine d’un manque d’efficacité des actions visant à diminuer les ISS. Dans son étude,

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Brassoloto (2013) a exploré la compréhension des DSS par des acteurs de santé publique. Son étude repose sur 18 entretiens téléphoniques réalisés auprès de professionnels de santé publique (n=23, 5 hommes et 18 femmes), avec une ancienneté dans le milieu professionnel de un à plus de 20 ans, exerçant en milieu rural ou urbain et provenant de diverses unités de santé publique en Ontario, et cela dans le but d’obtenir une large variété de professionnels travaillant dans un domaine en lien avec les DSS. Au final, les participants à cette étude provenaient de différentes unités de santé publique en Ontario (n= 9/ 36). Deux d’entre elles étaient leaders en action sur les DSS, quatre mettaient en place de nombreuses actions sur les DSS et trois unités effectuaient moins d’actions sur les DSS. Les entretiens visaient à comprendre la perception qu’avaient les participants des DSS. Parallèlement aux entretiens, une analyse des sites internet, des documents provenant des unités de santé publique a été réalisée par les chercheurs, pour mettre en évidence les concepts clés de chacune des unités de santé publique. L’analyse des résultats a mis à jour trois types d’approches des DSS : fonctionnelle, analytique et structurale correspondant aux perceptions différenciées des DSS par les professionnels.

Ainsi dans les unités où la vision des DSS était de type fonctionnel, c’est-à-dire se préoccupant majoritairement des personnes vulnérables et des personnes pouvant améliorer leur santé par des changements de comportement, les actions consistaient à développer et évaluer les services pour personnes marginalisées et à en faciliter l’accès, ainsi qu’à mettre en place des actions favorisant un style de vie sain. Les unités de santé publique ayant une vision analytique des DSS, c’est-à-dire consciente de l’impact des conditions de vie sur la santé, avaient plutôt tendance à mettre en œuvre des actions en lien avec la pauvreté, la sécurité alimentaire, le logement ou bien encore le développement de la petite enfance.

Enfin, dans les unités présentant une vision structurelle des DSS, c`est-à-dire s’intéressant particulièrement à l’impact du statut social, de l’ethnie et du genre sur la santé, engageait leurs actions dans la sensibilisation des citoyens sur les DSS, les politiques publiques et l’évaluation d’impact en santé (EIS). Pour résumer, cette étude montre que les actions mises en œuvre sont étroitement liées à la vision et la compréhension des acteurs des DSS et donc aux différents rôles que les acteurs s’attribuent. Ces éléments constituent ce que Brassoloto appelle les barrières épistémologiques à l’action sur les DSS.

Dans une autre étude, Collins, Abelson et Eyles (2007) explorent les barrières idéologiques des citoyens d’Hamilton en Ontario et les caractéristiques des politiques publiques en lien avec les DSS. L’étude a porté sur des citoyens actifs au sein d’organismes communautaires en tant que bénévoles ou salariés (n=241) dont la majorité était des femmes (62%). Le recueil de données a été réalisé par questionnaire et explorait cinq domaines : la conscience, la compréhension et les attitudes vis-à-vis des DSS ; les valeurs des politiques en lien avec les DSS ; les caractéristiques des politiques locales (orientation et niveau de l’activité politique) ; la

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nature de l’engagement avec les organismes communautaires et des informations démographiques. Parmi les personnes interrogées, seulement 46 % avaient déjà entendu parler des DSS. Les DSS perçus comme ayant la plus grande influence sur la santé étaient de maintenir un mode de vie sain et d’avoir un air et une eau de qualité. À l’opposé, le genre et la culture étaient considérés comme des déterminants influençant peu l’état de santé. La priorité donnée aux actions à réaliser allait de pair avec l’influence perçue des DSS. Ainsi les actions réalisées ciblaient en priorités la qualité de l’air et de l’eau, le maintien d’un mode de vie sain et l’accès aux services de santé. Les actions ciblant le revenu obtenaient la dernière place dans le classement des priorités. En mettant en évidence que les priorités dans les actions de santé publique étaient corrélées à l’influence perçue des DSS sur la santé des individus, les auteurs ont établi que les valeurs jouaient un rôle critique dans la lutte aux ISS. Ils ont ainsi démontré comment ces valeurs pouvaient constituer des barrières ou des leviers à l’action au niveau local.

Implication de la population générale

Une autre barrière de la lutte contre les ISS se situe au niveau sociétal. En effet, une étude (Raphael et al., 2008) a montré comment la vision des sciences de la santé, les attitudes de la population envers la responsabilité individuelle et l’influence du marché peuvent constituer des freins aux actions ciblant les DSS. Alors que Whitehead et Popay (2010), la CDSS (2008) et le rapport Marmot (Marmot et al., 2010) rapportent qu’une plus grande implication des citoyens est nécessaire pour lutter contre les ISS, une étude récente met en évidence le manque de conscience de l’enjeu des ISS par les citoyens (Shankardass, Lofters, Kirst, & Quiñonez, 2012). Par cette enquête téléphonique réalisée auprès de 2006 adultes ontariens, les auteurs ont démontré que si une majorité de personnes (environ 73%) interrogées avaient conscience de l’existence d’inégalités de santé, très peu connaissaient l’implication du niveau de revenus dans la manifestation de ces inégalités. Les auteurs concluent à la nécessité de renforcer les activités de sensibilisation et de transfert de connaissances des ISS auprès de la population générale notamment par le biais des médias.

Pour résumer cette section, la littérature dégage une multitude de conditions (législatives, méthodologiques, valeurs personnelles…) nécessaires à une action efficace en direction des ISS et impliquant différents niveaux (politique, organisationnel, sociétal, individuel). La complexité de l’action est renforcée par les différents niveaux d’interactions et d’interdépendance des uns et des autres. Face à cette complexité, des outils d’équité en santé (health equity tools) ont été développés pour soutenir les pratiques des professionnels. La section suivante va d’abord examiner les outils existants et plus particulièrement celui dont il est question dans notre étude. Dans un second temps, les barrières à l’utilisation de ces outils seront développées.

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Outils pour soutenir l’équité en santé

Afin d’aider les acteurs impliqués dans la lutte contre les ISS à mener à bien leurs actions, de nombreux outils ont été développés. Pour définir les outils d’équité en santé, nous nous réfèrerons à la définition suivante proposée par Pauly et al (2013) :

L’outil d’équité en santé est un document ou une ressource qui identifie clairement l’amélioration de l’équité en santé comme objectif et fournit une série d’étape, de questions ou un cadre à suivre pour atteindre ce but. Par « outil », nous entendons un document ou une ressource qui évalue soit le degré auquel l’équité en santé est intégrée dans les politiques, les programmes, soit mesure l’équité en santé ou promeut l’inclusion de l’équité en santé dans les politiques et les programmes. (p.4) [traduction libre].

Une grande partie des outils d’équité en santé sont répertoriés dans différents documents : Health Equity Tools (Pauly et al., 2013), Scan of Health Equity Impact Assessments Tools (Orenstein & Rondeau, 2009) et Outils et approches pour évaluer et soutenir les mesures de santé publique en matière de déterminants de la santé et d’équité en santé (Mendell, Dyck, Ndumbe-Eyoh, & Morrison, 2012). Une analyse de ces documents a permis de dégager les caractéristiques suivantes.

Diversité des outils

Des outils aux objectifs variés

Tout d’abord, il existe une diversité dans les objectifs de ces outils. Ils visent à améliorer, selon les outils, les politiques, les programmes ou les actions. Comme le précise la définition, l’objectif peut-être d’évaluer l’intégration de l’équité en santé dans les politiques, les programmes ou actions, de mesurer l’équité en santé ou bien de promouvoir l’intégration de l’équité en santé dans les politiques, les programmes ou actions. De nombreux outils proposent d’évaluer l’intégration de l’équité en santé dans les politiques, c’est le cas, par exemple, de l’Equity Focused Health Impact Assessment Framework (Mahoney, Simpson, Harris, Aldrich, & Stewart Williams, 2004). C’est l’objectif de façon plus générale de tous les outils dérivés de l’EIS définit comme :

Une démarche qui combine des données scientifiques et contextuelles pour déterminer les effets potentiels d’une nouvelle proposition (de politique ou de projet) sur la santé de la population et l’équité afin de formuler des recommandations utiles aux décideurs et en mesure de protéger et d’améliorer l’équité et la santé. (St-Pierre, 2014, p. 1)

D’autres outils ne visent pas uniquement à évaluer, mais à aider l’utilisateur à intégrer l’équité en santé dans sa démarche. Par exemple, l’objectif peut être d’aider à la prise de décision sur les financements, la planification et la mise en œuvre d’une action et d’évaluer l'impact de cette action sur les inégalités de santé, comme le fait le Health Equity Audit : A guide for NHS (Department of Health, 2003). Ou bien encore d’intégrer

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l'équité en santé dans les programmes et les politiques des autorités de la santé comme le Health Equity Assessment Tool (HEAT) (Signal et al., 2007).

Enfin, d’autres visent à mesurer les iniquités en santé comme c’est le cas de Measuring Health Inequalities between Genders and Age Groups with Realization of Potential Life Years (RePLY) (Tang, Petrie, & Rao, 2007) qui a pour objectif de mesurer les inégalités de santé évitables entre les différents groupes d’âge et de sexe afin de permettre une orientation des interventions politiques.

Modalités d’utilisation

En fonction de l’objectif de l’outil, son temps et ses modalités d’utilisation varient. Il peut être destiné à une utilisation :

 Avant l’action ou la mise en place de la politique, c’est le cas des outils qui vise à promouvoir l’intégration de l’équité en santé dans les actions, programmes ou politiques ;

 Après l’action ou la mise en place de la politique, c’est le cas des outils qui ont pour objectif d’évaluer la prise en compte des questions d’équité en santé ;

 Ou bien encore tout au long du processus comme c’est le cas des outils qui accompagne les acteurs dans l’optique d’équité en santé.

Enfin, certains outils sont faits de manière à pouvoir être utilisés à ces différents temps d’action. La lentille ISS (Fondation Roi Baudouin, s.d.), par exemple, comporte trois versions, chacune d’elle étant adaptée à un temps d’action différent.

Public visé

La plupart de ces outils d’équité en santé s’adressent à différents professionnels de la santé publique. Il peut s’agir selon le cas, d’outils destinés aux décideurs politiques, aux gestionnaires de santé publique, ou encore aux acteurs de terrain.

Thématique

Certains outils présentent en outre des spécificités dans leur thématique. Par exemple, certains outils ont été développés pour promouvoir l’équité en santé dans le cadre d’action ciblant un public spécifique. Le health analysis and action cycle (Gibbon, 2000) a été conçu pour les actions ciblant les femmes. D’autres outils ont été développés pour une thématique particulière comme le Mental well-being impact assessment (Cooke et al., 2011) qui s’intéresse à l’équité en santé dans le domaine du bien-être mental.

Figure

Figure 1: Forme finale du cadre conceptuel de la Commission des déterminants sociaux de la santé
Figure 2 : Cadre conceptuel des conditions d'utilisation de GAALISS
Figure 3 : Schéma des différentes étapes de la cartographie conceptuelle
Tableau 1 : Principales caractéristiques des participants à la cartographie conceptuelle et aux groupes de discussion lors de la 1ère  journée de regroupement selon l’organisme de provenance
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Références

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