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Avant de présenter les différentes barrières à l’utilisation des outils d’équité en santé, il convient de souligner le peu de travaux repérés dans la littérature sur l’utilisation de tels outils. Parmi ceux trouvés, la plupart concernent l’EIS. Sinon, il faut se référer à la littérature grise ou à des rapports internes aux institutions ayant utilisé de tels outils (Tyler, Amare, Hyndman, Manson, & Ontario Agency for Health Protection and Promotion, 2014).

Démultiplication et dispersion des outils disponibles

Tout d’abord, parmi les barrières existantes, on peut noter le nombre croissant de ressources visant à soutenir l’équité en santé qui peut engendrer une difficulté de repérage et de choix de l’outil. C’est d’ailleurs pour cette raison que le document Health Equity Tools (Pauly et al., 2013) a été produit afin de recenser et clarifier l’usage (public cible, thème, exemple d’application) de ces différents outils.

Conditions opérationnelles

Dans une étude récente, un professionnel suédois témoignait de la difficulté d’implanter l’EIS dans la pratique par manque d’indications sur l’utilisation de l’outil et de ressources financières (Shankardass, Renahy, Muntaner, & O’Campo, 2014).

Dans la même période au Canada, le CCNDS a engagé un projet de recherche pour identifier les barrières et les facteurs facilitant l’usage des outils soutenant l’équité en santé. Pour ce faire, une revue de la littérature et une consultation auprès d’experts ont été réalisées. Dans cette étude (Tyler et al., 2014), les auteurs relèvent entre autres, plusieurs barrières au niveau opérationnel. Ils citent notamment le manque de temps, de ressources financières ou humaines, et des points de vue divergents sur ce que recouvre l’équité en santé au sein des groupes de travail, mais également la part de subjectivité dans les réponses lors de l’utilisation

des outils d’équité en santé. Le manque de données probantes dans le domaine de l’équité en santé est aussi mentionné comme un frein à l’utilisation des outils d’équité en santé.

Conditions organisationnelles

Des barrières propres à l’organisation sont également soulevées dans la littérature. Ainsi, St-Pierre (2014) s’est intéressée aux conditions organisationnelles nécessaires pour une utilisation routinière de l’EIS. Au terme d’une revue de la littérature sur ces questions, l’auteure a relevé sept conditions attachées à l’organisation (par exemple le leadership, les actions intersectorielles), aux ressources (par exemple le développement des compétences) et aux méthodes et outils (par exemple la mise à disposition, l’existence d’un guide).

L’étude de Tyler et al. (2014) met aussi en évidence des barrières organisationnelles comme le manque d’engagement, de volonté et de réflexion à l’interne sur les modalités d’utilisation des outils. L’absence de facteurs facilitants comme un mandat clair concernant l’utilisation des outils ou bien encore disposer d’indicateurs d’évaluation de la performance au sein de l’organisation qui soient adaptés aux questions d’équité en santé.

Conditions systémiques

Parmi les barrières à l’utilisation des outils, un professionnel suédois soulevait le fait que l’utilisation de l’EIS ne soit pas mandatée par la loi constituait une barrière importante à l’implémentation de l’EIS dans la pratique (Shankardass et al., 2014). Au Québec, l’article 54 de la Loi de santé publique du Québec prescrit l’utilisation de l’EIS à tous les ministères et organismes gouvernementaux qui proposent un projet de règlement ou de loi (Benoit, Druet, Hamel, & St-Pierre, 2012). Concernant les outils d’équité en santé, Tyler et al. (2014) soulignent l’importance d’établir un mandat d’utilisation à ces outils pour que leur utilisation soient considérée comme une priorité et non pas comme une action secondaire ou accessoire. Le recours à un système d’évaluation incitant à utiliser de tels outils est aussi suggéré.

La revue de la littérature a montré que les ISS résultaient de l’interaction complexe entre multiples DSS (éducation, environnement…). De par la nature des DSS, de nombreuses conditions sont requises pour réduire les ISS. L’engagement de tous les secteurs, à côté du secteur de la santé est nécessaire et implique différents niveaux d’action politique, organisationnel, mais également une plus grande sensibilisation de la population aux réalités des ISS. De cette complexité découle plusieurs barrières pour l’action, notamment la nécessité de disposer de données chiffrées pour décrire les ISS. De par leur nature, les ISS soulèvent des questions idéologiques qui renvoient aux valeurs portées par une société, notamment à travers la question de justice sociale. Dans ce contexte, les acteurs de santé publique ont un rôle et une place majeure à tenir

ne serait-ce que pour s’assurer que leurs actions ne contribuent pas à aggraver les ISS. Or, on observe que malgré l’urgence et les appels répétés à l’action, la prise en compte des ISS dans les actions de santé publique reste très insuffisante. De nombreux outils ont été développés pour soutenir la capacité d’action des acteurs de santé publique mais ces outils se révèlent peu utilisés dans les pratiques. La recension des écrits a permis de dégager plusieurs barrières à leur utilisation que ce soit au niveau opérationnel, organisationnel ou systémique. Au terme de cette revue, on observe qu’un des freins à l’utilisation tient à ce que ces outils sont souvent développés sans avoir pris en considération le point de vue des utilisateurs. En effet, si des études explorent les perceptions des ISS auprès de professionnels ou de la population générale (Collins, Abelson et Eyles, 2007; Shankardass et al., 2012), d’autres explorent la perception de DSS (Brassolotto et al., 2013), mais aucune, à notre connaissance, n’a exploré la perception des outils et leur condition d’utilisation auprès des professionnels amenés à les utiliser. Comme le souligne Pauly (2013) « il y a une prolifération d’outils d’équité en santé dans la littérature qui n’ont pas été soumis à une analyse critique » [traduction libre] (p. 9).

En 2013, au cours de la présentation des résultats de l’étude du CCNDS (Amare, Tyler, Mansonor, & Hyndman, 2013) à la 6ème conférence Européenne de santé publique, un des messages clés soulignait

l’importance d’évaluer et de prioriser les facilitateurs et barrières à l’utilisation des outils pour permettre une meilleure planification des éléments à instaurer pour soutenir l’utilisation des outils visant l’équité en santé. Notre étude s’inscrit dans la continuité des travaux sur l’utilisation des outils d’équité en santé et vise à pallier les déficits de recherche sur ce sujet et à développer des connaissances sur les conditions d’utilisation d’un outil d’équité en santé en explorant le point de vue des utilisateurs, en amont d’une adaptation de cet outil.

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