• Aucun résultat trouvé

L'identité professionnelle des organisatrices et des organisateurs communautaires formés en travail social

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'identité professionnelle des organisatrices et des organisateurs communautaires formés en travail social"

Copied!
141
0
0

Texte intégral

(1)

L’identité professionnelle des organisatrices et des

organisateurs communautaires formés en travail social

Mémoire

Émile Piché

Maîtrise en service social

Maître en service social (M. Serv. Soc.)

Québec, Canada

(2)

L’identité professionnelle des organisatrices et des

organisateurs communautaires formés en travail social

Mémoire

Émile Piché

Sous la direction de :

(3)

Résumé

L’organisation communautaire est l’une des principales méthodes d’intervention associées à la profession du travail social. De nombreux éléments distinguent la pratique en organisation communautaire de l’intervention individuelle, familiale et de groupe et affectent les conditions dans lesquelles l’identité professionnelle des organisateurs communautaires (OC) se développe. Le mémoire vise à répondre à la question suivante : « Quels sont les facteurs et les processus qui interviennent, selon les organisatrices et les organisateurs communautaires formés en service social, dans le développement de leur identité professionnelle? ». Plus particulièrement, trois thèmes inspirés de la théorie de la construction de l’identité professionnelle de Dubar (2010) ont été creusés davantage : l’influence de la trajectoire personnelle et sociale sur le développement de l’identité professionnelle des OC, l’influence du contexte sur le développement identitaire, puis les rapports que les OC entretiennent avec l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux (OTSTCFQ) et le Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire en CSSS (RQIIAC). Pour répondre à la question de recherche, dix OC ont été rencontrées en entrevues individuelles. Parmi ces OC, cinq travaillent en CSSS et cinq dans des organismes communautaires. Cette répartition permet de comparer le développement de l’identité professionnelle de ces OC évoluant dans des milieux de travail différents.

Au terme d’une analyse qualitative du contenu manifeste des entrevues, plusieurs constats sont dressés. On peut regrouper ces constats selon quatre thèmes : le profil des participantes, l’influence de la trajectoire personnelle et sociale sur l’identité, l’influence du contexte sur l’identité, puis les rapports avec les groupes professionnels. Alors que toutes les participantes des CSSS s’identifient comme OC, les participantes du milieu communautaire adoptent des identités plus variées. La trajectoire personnelle et sociale s’avère significative dans le développement identitaire puisque la formation universitaire et d’autres expériences (p. ex. implication sociale) orientent l’identité professionnelle des participantes. Du côté du contexte, il ressort surtout que l’organisation communautaire est une pratique peu comprise dans plusieurs contextes, ce qui amène de nombreuses négociations identitaires entre les OC rencontrées et leurs collègues, leurs supérieurs et d’autres personnes. Enfin, les OC rapportent s’identifier peu ou pas du tout à l’OTSTCFQ, tandis que le RQIIAC sert de communauté de pratiques qui structure l’identité professionnelle individuelle et collective des OC en CSSS. Les limites de la recherche et ses retombées potentielles offrent des éléments de réflexion pour les milieux de la recherche et de la pratique en organisation communautaire.

Mots-clés : identité professionnelle, organisation communautaire, organisatrices et organisateurs

(4)

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ), Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire en CSSS (RQIIAC)

(5)

Table des matières

R

ÉSUMÉ

...

III

T

ABLE DES MATIÈRES

...

V

L

ISTE DES TABLEAUX

...

VIII

L

ISTE DES ACRONYMES

...

IX

R

EMERCIEMENTS

...

X

I

NTRODUCTION

... 1

1.

L

A PROBLÉMATIQUE

... 3

1.1. La recension des écrits ... 3

1.1.1. La démarche documentaire ... 3

1.1.2. L’organisation communautaire : définitions et pratiques en contexte québécois ... 4

1.1.3. Des distinctions entre les professions et les occupations ... 7

1.1.4. Études sur la construction de l’identité professionnelle ... 8

1.1.5. La socialisation professionnelle comme processus global de construction de l’identité professionnelle ... 14

1.1.6. Les limites des études actuelles ... 16

1.2. L’objet d’étude ... 17

1.3. La pertinence sociale et scientifique ... 17

2.

L

E CADRE THÉORIQUE ET LES QUESTIONS DE RECHERCHE

... 19

2.1. Le cadre théorique ... 19

2.1.1. Les identités pour soi et les identités pour autrui ... 19

2.1.2. Les transactions internes et externes ... 20

2.1.3. Les référents identitaires ... 21

2.2. Les questions de recherche ... 22

2.3. L’opérationnalisation des concepts ... 22

3.

L

A MÉTHODOLOGIE

... 24

3.1. La visée, la stratégie et la logique de la recherche ... 24

3.2. Le devis de la recherche ... 25

3.3. La population à l’étude et l’échantillonnage ... 25

3.3.1. Les critères d’inclusion et d’exclusion des participants ... 25

3.3.2. L’échantillonnage ... 26

(6)

3.5. L’analyse des données ... 27

3.6. Les dispositions éthiques ... 28

4.

L

ES RÉSULTATS

... 30

4.1. Le profil des participantes ... 30

4.1.1. Les données sociodémographiques... 30

4.1.2. Les identités professionnelles pour soi ... 32

4.1.3. Les identités dont les participantes se distinguent ... 33

4.2. L’influence de la trajectoire personnelle et sociale des OC sur leur identité professionnelle ... 35

4.2.1. Les expériences antérieures au baccalauréat en travail social ... 35

4.2.1.1. Les études dans d’autres domaines ... 35

4.2.1.2. Les implications sociales dans les organismes et les associations ... 36

4.2.1.3. Les motivations à s’inscrire en travail social ... 37

4.2.2. La formation universitaire en travail social ... 39

4.2.2.1. Les groupes de référence au baccalauréat ... 39

4.2.2.2. Les cours sur les méthodes d’intervention du service social ... 41

4.2.2.3. La formation pratique au baccalauréat en travail social... 43

4.2.2.4. La maîtrise en service social comme mode de formation continue ... 45

4.2.3. Le marché du travail ... 46

4.2.3.1. Les emplois sous-qualifiés : un dernier recours... 46

4.2.3.2. Les tensions liées à la transition du milieu communautaire vers le CSSS ... 47

4.2.3.3. Les expériences en intervention individuelle en CSSS ... 49

4.3. L’influence du contexte sur l’identité professionnelle des OC ... 50

4.3.1. Les constats communs au milieu communautaire et aux CSSS ... 50

4.3.1.1. L’organisation communautaire, une pratique incomprise ... 50

4.3.1.2. Des stratégies pour faire face à l’incompréhension de l’organisation communautaire ... 53

4.3.1.3. La vision spécifique des OC, une qualité à faire reconnaître ... 56

4.3.1.4. L’attrait pour des solutions collectives dans des mandats en intervention individuelle ... 58

4.3.1.5. La posture des OC face à la notion de pouvoir... 59

4.3.1.6. Un contexte de travail précaire et difficile qui fragilise le développement identitaire des OC 62 4.3.2. L’influence du contexte de travail dans les organismes communautaires sur l’identité des OC .... 66

4.3.2.1. Les pratiques d’embauche des organismes communautaires ... 66

4.3.2.2. Des conditions de travail peu avantageuses pour les OC dans le milieu communautaire ... 67

4.3.2.3. La complexité des mandats et des identités dans le milieu communautaire ... 69

4.3.2.4. La formation continue et les regroupements sectoriels ... 72

(7)

4.3.3.1. L’embauche et l’intégration des OC au CSSS ... 74

4.3.3.2. Un encadrement peu adapté aux OC dans les programmes-clientèles ... 76

4.3.3.3. La fusion des équipes d’OC sous une direction unique : un gain important ... 80

4.3.3.4. Des documents structurants pour les OC en CSSS ... 82

4.3.3.5. Les rapports des OC avec les partenaires externes aux CSSS ... 84

4.4. Les rapports avec l’OTSTCFQ et avec le RQIIAC ... 88

4.4.1. L’OTSTCFQ mal-aimé par les OC ... 88

4.4.1.1. La faible adhésion des OC à l’OTSTCFQ ... 89

4.4.1.2. La perception que l’Ordre n’est pas adapté à l’organisation communautaire ... 92

4.4.1.3. L’Ordre comme interlocuteur dans la sphère publique ... 95

4.4.2. Le RQIIAC : une communauté de pratiques structurant l’identité professionnelle ... 96

4.4.2.1. Les dynamiques liées à l’adhésion au RQIIAC ... 96

4.4.2.2. Le caractère structurant du RQIIAC pour la pratique et l’identité des OC ... 98

4.4.2.3. Le RQIIAC dans la sphère publique : le problème du conflit d’allégeance ... 101

5.

L

A DISCUSSION

... 103

5.1. La discussion des résultats obtenus... 103

5.1.1. L’influence de la trajectoire personnelle et sociale des OC sur leur identité professionnelle ... 103

5.1.2. L’influence du contexte sur le développement de l’identité des OC ... 106

5.1.3. Les rapports avec l’OTSTCFQ et le RQIIAC ... 114

5.2. Les limites et la portée des résultats ... 115

5.3. Les prospectives en lien avec la recherche et la pratique ... 117

C

ONCLUSION

... 118

B

IBLIOGRAPHIE

... 120

A

NNEXES

... 124

Annexe 1. Annonce de recrutement ... 124

Annexe 2. Texte de contact par courriel... 125

Annexe 3. Texte de contact initial par téléphone ... 126

Annexe 4. Guide d’entretien semi-directif ... 129

(8)

Liste des tableaux

Tableau 1. Étapes du modèle théorique de Barretti (2004) ... 16

Tableau 2. Opérationnalisation des concepts du projet de recherche en début de codage ... 22

Tableau 3. Profil des participantes selon le type d’employeur ... 31

Tableau 4. Identités professionnelles pour soi des participantes ... 32

(9)

Liste des acronymes

- AISS : agent d’intervention en service social

- Cégep : collège d’enseignement général et professionnel - CLSC : Centre local de services communautaires - CSSS : Centre de santé et de services sociaux - DPJ : Direction de la protection de la jeunesse - OBNL : organisme à but non lucratif

- OC : organisatrice ou organisateur communautaire

- OPTSQ : Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec

- OTSTCFQ : Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec - ROC 03 : Regroupement des organismes communautaires de la région 03

- RQIIAC : Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire en CSSS - TS : travailleuse sociale ou travailleur social

(10)

Remerciements

La rédaction de mon mémoire s’est avérée être l’une des expériences les plus exigeantes que j’aie traversées. Pour faire honneur à ce travail, mais surtout, pour dire merci à toutes les personnes qui m’ont soutenu dans ce projet, j’aimerais vous adresser ces quelques lignes :

Martine, merci pour ta patience, ta compréhension et tes judicieux conseils dans mes moments de doute et d’égarement. J’ai beaucoup appris à ton contact et je me considère privilégié d’avoir pu réaliser mon mémoire sous ta direction.

Merci aux dix personnes qui ont si généreusement accepté de me rencontrer pour me partager leur vécu en termes d’identité et de parcours professionnels. Vos mots et vos phrases m’auront accompagné pendant la durée de mon projet de maîtrise et continueront à alimenter mes réflexions tout au long de ma carrière. Merci à toutes les personnes que j’ai appris à connaître dans mon parcours de maîtrise en travail social. Un merci tout particulier à Séléna, Suzanne, Mélodie, Anne-Claire et Natalia, mes complices de la scolarité préparatoire, pour votre amitié et pour votre soutien.

Merci à mes collègues de travail à l’EnGrEnAgE. En travaillant comme organisateur communautaire avant de terminer la maîtrise, à votre contact, j’ai pu apprendre ce qu’était l’organisation communautaire sur le terrain et donner un sens à mon expérience de recherche.

Un merci tout spécial à mes parents. Vous m’avez toujours encouragé dans mes études universitaires et soutenu pour que je puisse réaliser mes rêves.

Un dernier merci à toi, Marc, pour ton amour, ta patience, ton soutien et ta bonne humeur indéfectibles malgré mes nombreuses périodes de stress et de remises en question. Ce mémoire, je te le dois mille fois!

(11)

Introduction

L’organisation communautaire fait partie des principales méthodes d’intervention du service social selon l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ) qui publiait en 2012 une nouvelle version de son référentiel de compétences (OTSTCFQ, 2012b). L’intervention clinique individuelle et familiale de même que l’intervention de groupe y constituent, avec l’organisation communautaire, les principales déclinaisons de la pratique des travailleurs sociaux (TS). Alors que le service social1 vit depuis

plusieurs décennies d’importantes remises en question (Favreau, 2000), de profondes transformations ont aussi marqué l’organisation communautaire québécoise (Comeau, Duperré, Hurtubise, Mercier et Turcotte, 2008a; Lachapelle, Bourque et Foisy, 2010). Plusieurs ont relevé les défis que posent ces transformations sur le plan de l’identité professionnelle des organisateurs communautaires (OC) (Comeau, Duperré, Hurtubise, Mercier et Turcotte, 2008b; Lachapelle, 2007).

C’est dans ce contexte que la présente recherche propose de s’intéresser au thème du développement de l’identité professionnelle des OC. Elle a pour but de comprendre les dynamiques et les enjeux identitaires que vivent les praticiens de l’organisation communautaire. Plus précisément, le mémoire vise à répondre à la question suivante : « Quels sont les facteurs et les processus qui interviennent, selon les organisatrices et les organisateurs communautaires formés en service social, dans le développement de leur identité professionnelle? »

La recherche s’inscrit dans un paradigme épistémologique inspiré du constructivisme, tel que décrit par Morris (2006). Selon cet auteur, les constructivistes conçoivent la connaissance sur les réalités humaines comme un « ensemble de compréhensions partagées, ou constructions, et que la manière la plus valide de comprendre et de réaliser des activités de recherche sur des personnes est de collecter, d’analyser et de rapporter des données sur la connaissance subjective des phénomènes sociaux » (traduction libre, p. xviii). Ce choix paradigmatique apparaît pertinent pour plusieurs raisons. D’abord, le thème de la recherche, l’identité professionnelle, est un phénomène vécu subjectivement par un professionnel comme membre d’un groupe (Larouche et Legault, 2003). Ensuite, le mémoire cherche à comprendre et non à expliquer la construction de l’identité professionnelle des OC, en s’attardant davantage aux processus qu’à leurs résultats (Creswell, 2009). Enfin, dans une logique inductive, la rencontre avec les participants de la recherche est l’occasion de construire conjointement une compréhension contextuelle du phénomène étudié (Morris, 2006).

Dans les prochaines pages, une recension d’écrits organisée autour des thèmes de l’organisation communautaire, des professions et des occupations, de l’identité professionnelle et de la socialisation

(12)

professionnelle sera présentée. Elle sera suivie par les limites des études actuelles et par la description de l’objet d’étude et de sa pertinence sociale et scientifique. Les deux chapitres suivants porteront respectivement sur le cadre théorique et sur les aspects méthodologiques et éthiques de l’étude. Par la suite, les résultats de la recherche seront présentés autour des thèmes centraux du mémoire, soit l’influence de la trajectoire personnelle et sociale des participants ainsi que du contexte sur le développement de leur identité professionnelle, puis les rapports entretenus avec l’OTSTCFQ et avec le Regroupement québécois des intervenantes et intervenants en action communautaire en CSSS (RQIIAC). Finalement, dans la section discussion, les résultats seront mis en relation avec le cadre théorique et les écrits existants sur les thèmes abordés dans la recherche, puis mis en perspective avec les limites et la portée des résultats puis leurs implications pour la recherche et pour la pratique. Après cela, le mémoire se terminera par une courte conclusion.

(13)

1. La problématique

Avant de procéder à l’explication du cadre théorique et de la méthodologie de la recherche, il importe de présenter l’état actuel des connaissances sur l’identité professionnelle des OC. Il sera d’abord question de la démarche documentaire réalisée, puis de la recension des travaux scientifiques sur les thèmes de recherche. Les limites des études actuelles seront ensuite évoquées, puis le chapitre se terminera sur l’objet d’étude et sa pertinence sociale et scientifique.

1.1. La recension des écrits

Après l’explication de la recherche documentaire accomplie pour le mémoire, quatre thèmes seront abordés dans la recension des écrits : l’organisation communautaire, qui sera définie, puis située dans le contexte québécois; les professions et les occupations seront distinguées au plan théorique, ce qui posera les bases pour considérer le travail social et, dans une certaine mesure, l’organisation communautaire comme des professions; des travaux portant sur l’identité professionnelle seront ensuite présentés et critiqués; puis, le mémoire fera état d’écrits antérieurs décrivant la socialisation professionnelle comme processus global de construction de l’identité professionnelle. Au terme de ce survol des connaissances actuelles, les limites des études seront expliquées plus en détail.

1.1.1. La démarche documentaire

Les trois principaux concepts utilisés dans la recherche documentaire sont l’identité professionnelle, la socialisation professionnelle et l’organisation communautaire. Plus précisément, la recherche documentaire a été effectuée avec les mots-clés anglais « professional identity », « occupational identity », « professional socialization », « socialization » et « community organiz* »2 dans les bases de données Social Services

Abstracts, Social Work Abstracts, SocIndex et Sociological Abstracts. Les premières recherches avec un ou deux mots-clés ont permis d’en apprendre davantage sur l’ampleur du sujet et des thèmes qui y étaient associés dans SocIndex et dans Social Services Abstracts. Après cela, d’autres recherches plus ciblées ont été réalisées dans les quatre bases de données en incluant plusieurs mots-clés dans les requêtes, puis les références ont été exportées pour qu’Endnote, le logiciel de gestion des références bibliographiques, retire les doublons lors de l’importation. Après l’importation de la documentation dans Endnote, les documents ont été triés puis classés selon les sujets abordés dans le résumé et selon leur pertinence. Pour obtenir des documents québécois, la

2 L’astérisque (*) permet d’obtenir davantage de résultats d’une requête sur une base de données, en incluant plusieurs

termes de recherche qui commencent par les mêmes lettres. Par exemple, dans le cas de « community organiz* », l’astérisque permettait, notamment, d’obtenir des documents auxquels les expressions « community organizer »,

(14)

base de données Érudit a été interrogée avec les mots-clés « organisation communautaire » et « identité professionnelle ». Quant aux livres, quelques-uns de la bibliothèque de l’Université Laval portant sur l’identité professionnelle et sur certaines théories sociologiques ont été consultés. Somme toute, la démarche documentaire effectuée a permis de rassembler une quantité importante de documents pertinents pour le présent projet de recherche.

1.1.2. L’organisation communautaire : définitions et pratiques en contexte québécois

Dans cette section, trois définitions seront présentées et comparées, puis le texte abordera le contexte de pratique de l’organisation communautaire dans les Centres de santé et de services sociaux (CSSS) et dans d’autres milieux. Pratique reconnue officiellement comme méthode d’intervention en service social (OTSTCFQ, 2012b), l’organisation communautaire fait l’objet de plusieurs définitions. Premièrement, les OC du réseau public de la santé et des services sociaux du Québec se sont donné collectivement une définition de l’organisation communautaire au sein du RQIIAC (2010, p. 34) :

- Une intervention de soutien professionnel et d’influence dans une communauté donnée qu’elle soit territoriale, d’identité ou d’intérêt;

- S’adressant prioritairement aux communautés affectées par les inégalités, la dépendance, la marginalité, l’exclusion et l’appauvrissement, dans une perspective de justice sociale;

- Pratiquée en soutien au processus planifié d’action communautaire par lequel la communauté identifie ses besoins, mobilise ses ressources et développe une action pour y répondre;

- Et orientée vers le changement social par le renforcement de l’autonomie de la communauté, de la solidarité de ses membres et de leur participation sociale dans le cadre de pratiques démocratiques.

La définition du RQIIAC (2010) présente l’organisation communautaire de façon assez complète, précisant les modes d’action, les communautés concernées, le souci pour les communautés vivant de la vulnérabilité, le processus d’intervention et l’orientation vers le changement social. Il faut dire que cette définition est axée sur la pratique en CSSS et ne s’applique pas tout à fait à l’organisation communautaire pratiquée dans d’autres contextes. Une autre définition, celle de Kramer et Specht (1983, cité dans Duperré, 2004, p. 26-27), est particulièrement complète :

L’organisation communautaire fait référence aux différentes méthodes d’interventions par lesquelles un agent de changement professionnel aide un système d’action communautaire composé d’individus, de groupes ou d’organisations, à s’engager, à l’intérieur d’un système de valeurs démocratiques, dans une action collective planifiée, dans le but de s’attaquer à des problèmes sociaux. L’organisation communautaire s’intéresse à des programmes visant le changement social dans les conditions de l’environnement et les institutions, en premier lieu. Elle implique deux ordres de préoccupations principales interreliées : a) les processus interactifs de

(15)

l’intervention avec un système d’action, qui inclut l’identification, le recrutement et le travail avec les membres, ainsi que le développement, entre ces derniers, de relations professionnelles et interpersonnelles qui facilitent leurs efforts; b) des tâches techniques nécessaires à l’identification des problèmes, l’analyse des causes, la planification, la mobilisation des ressources nécessaires pour réaliser l’action et enfin l’évaluation des résultats de ces programmes.

De cette définition, on peut retenir, notamment, la considération pour des systèmes d’actions variés, soit des individus, des groupes et des organisations. De plus, la définition souligne l’importance des aspects relationnels et techniques dans le processus d’organisation communautaire, ce qui fait écho à l’analyse d’autres auteurs (Chouinard, 2013). Toutefois, malgré l’intérêt de la proposition de Kramer et Specht, il semble plus pertinent de retenir une définition québécoise, considérant que la pratique de l’organisation communautaire n’est pas la même au Québec qu’aux États-Unis. Ainsi, dans le cadre du mémoire, c’est celle de Comeau et ses collaborateurs (2008a) qui a été retenue. Concise, mais complète, cette définition évoque les types de systèmes d’action et de communautés, le processus d’intervention, les pratiques possibles et les finalités de l’organisation communautaire, soit la solidarité et la participation sociale. Elle est assez générale pour inclure les OC travaillant hors des CSSS :

- Intervention salariée avec un groupe de personnes, une ou plusieurs associations, ou une collectivité de type territorial, identitaire ou d’intérêt;

- intervention salariée pratiquée selon un processus par lequel ce groupe, cette association ou cette collectivité identifie des problèmes, mobilise des ressources et développe une action collective pour y répondre (par exemple, sensibilisation, éducation, défense des droits, action directe, économie sociale); et

- intervention salariée orientée vers la solidarité et la participation sociale au moyen de pratiques démocratiques (p. 12).

L’organisation communautaire se déploie dans plusieurs types de milieux, dont les plus fréquents sont les CSSS et les organismes communautaires (Comeau et al., 2008a). La pratique de l’organisation communautaire dans le réseau sociosanitaire a subi des transformations majeures au cours des dernières décennies (Bourque, 1997, 2012; Comeau et al., 2008a, 2008b; Lachapelle et al., 2010). En effet, née de l’animation sociale dans les années 1960, l’organisation communautaire se voit attribuer, dans les années 1970, une reconnaissance accrue au sein du réseau de la santé et des services sociaux grâce à l’intégration du titre d’emploi « organisateur communautaire » dans la convention collective des Centres locaux de services communautaires ou CLSC (Bourque, 1997). Au fil des ans, l’organisation communautaire en CLSC s’institutionnalise : alors que les approches revendicatives cèdent le pas à la concertation (Lachapelle, 2007) et aux dossiers économiques (Comeau et al., 2008a), « la fondation en 1988 du Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire en CLSC (RQIIAC) marque le passage d'une position défensive de l'organisation communautaire à une position d'affirmation d'une identité redéfinie » (Bourque, 1997, p. 62). Les réformes du

(16)

réseau de la santé et des services sociaux se révéleront parfois positives pour les OC : entre autres, leur apport spécifique sera reconnu dans leur convention collective dès 1972 et dans la mise en application de politiques (Comeau et al., 2008b; Lachapelle, 2007). Toutefois, certaines réformes amènent les OC à intervenir dans un contexte de plus en plus contraignant qui nuit à leur rapport de proximité avec les organisations de la communauté et qui les empêche de bénéficier d’interactions nécessaires avec leur regroupement professionnel (Lachapelle et al., 2010). Les OC de CSSS se retrouvent à l’occasion dans des conflits d’allégeance ou de loyauté entre leur employeur et la communauté, dont les logiques et les intérêts s’opposent parfois (Bourque, 2012). D’autres constatent qu’au contraire, la perception d’autonomie professionnelle s’est accrue avec le temps chez les OC en CSSS (Comeau et al., 2008a). Plus récemment, la réforme du réseau sociosanitaire par le projet de loi 10 a soulevé beaucoup d’inquiétudes de la part du RQIIAC, qui a présenté un mémoire en commission parlementaire dans lequel étaient nommées des préoccupations liées à « la promotion/prévention de la santé et la responsabilité populationnelle, le territoire et les communautés locales, le financement des organismes communautaires autonomes et la gouvernance » (RQIIAC, 2014, p. 4)3. Les impacts de la réforme sont multiples

pour les organisations publiques (Vaillancourt, 2017), affectant du coup le contexte de travail des OC.

Les OC travaillant en CSSS ne sont pas les seuls à pratiquer l’organisation communautaire au Québec (Bourque, 1997, 2012; Lachapelle, 2007). À ce chapitre, Comeau et ses collaborateurs (2008a) notent que les organismes communautaires et d’autres organisations, comme les centres locaux de développement, embauchent aussi des OC. En dehors des CSSS, c’est toutefois le réseau communautaire qui en embauche le plus (Comeau et al., 2008a), ce pour quoi l’on s’y attardera davantage. Ce réseau est connu pour ses conditions de travail peu avantageuses, notamment un faible salaire de même qu’une absence de régime d’assurance collective ou de retraite, en partie causées par le financement des organismes communautaires dépendant essentiellement de l’État et par une culture de proximité incompatible avec la syndicalisation (Comeau et al., 2008a; Lachapelle, 2007). L’étude de Comeau et ses collaborateurs (2008a, 2008b) est l’une des seules à s’être intéressée aux OC du réseau communautaire; plus intéressant encore, elle les a comparés avec les OC travaillant en CSSS. S’inspirant de la théorie de la structuration de Giddens (2012), les chercheurs ont constaté plusieurs différences entres les OC du milieu communautaire et du réseau public : les OC du communautaire sont moins présents en milieu rural, assument des tâches plus variées, sont moins scolarisés, proviennent moins souvent du service social, etc. (Comeau et al., 2008a). Cette recherche met aussi en lumière les processus de structuration de la pratique de l’organisation communautaire et les processus réflexifs issus des individus, dont certains qui portent explicitement sur l’identité professionnelle des OC (Comeau et al., 2008b).

3 La collecte de données s’est effectuée un peu avant la réforme du réseau sociosanitaire liée au projet de loi 10 dans les

CSSS et après les annonces initiales du gouvernement libéral en lien avec la réforme. Pour cette raison, les vocables en vigueur avant la réforme (p. ex. CSSS) seront utilisés dans le texte.

(17)

En résumé, l’organisation communautaire est définie de multiples manières qui mettent en évidence différents aspects de cette pratique complexe. L’exercice de cette dernière varie significativement selon le contexte dans lequel elle se déploie, notamment en CSSS et dans les organismes communautaires.

1.1.3. Des distinctions entre les professions et les occupations

Avant d’aller plus loin sur l’identité professionnelle, il importe de définir ce qu’est une profession et de situer le service social ainsi que l’organisation communautaire dans l’opposition entre les professions et les occupations. Dans le langage courant, on parle d’un emploi ou d’une occupation comme d’une profession lorsqu’il y a rémunération (Adams, 2010) par opposition à une activité qualifiée d’amateurisme (Flexner, 2001). Dans la recherche sociologique, on stipule qu’une profession se distingue d’une occupation par son accès largement accepté à un statut social et légal élevé, par l’autorité que lui confère l’État pour autoréguler sa pratique, par exemple au travers d’un ordre professionnel, et par son droit de limiter l’accès à la pratique ou au titre aux seules personnes affichant le niveau de compétence et de formation attendu (Adams, 2010). En d’autres mots, on peut définir les « professions comme des occupations organisées avec un statut dont les relations avec l’État, le public et les autres groupes professionnels sont structurées et régulées » (Adams, 2010, p. 66, traduction libre). Situer le service social à titre de profession ou d’occupation représente un sujet sensible. Beaucoup de TS contemporains attribuent, à tort selon Morris (2008), un rôle marquant au discours de Flexner en 1915 (réimprimé dans Flexner, 2001) dans la professionnalisation du service social. Flexner (2001) proposait qu’une activité professionnelle, pour être considérée comme une profession, réponde à six critères : « les professionnels réalisent des opérations essentiellement intellectuelles avec de grandes responsabilités individuelles, utilisent un ‘matériel’ issu de la science et d’une formation, cherchent à atteindre des fins pratiques et définies, possèdent une technique communicable par l’éducation, tendent à s’organiser entre eux et sont motivés par des visées altruistes » (p. 156, traduction libre). Flexner (2001) concluait que le service social ne répondait pas à la plupart de ces énoncés et qu’il ne pouvait donc pas être considéré comme une profession. Morris (2008) démontre que les TS ont commencé à faire référence à ce discours à partir des années 1950 lorsqu’ils tentaient de déterminer si le service social était devenu une profession à part entière. Ce discours a été très critiqué et a souvent été mal interprété, sans être placé dans son contexte historique et paradigmatique, de sorte que les conclusions découlant de son utilisation s’en trouvaient en partie invalidées (Morris, 2008). Il n’en demeure pas moins que pour le service social, la reconnaissance de son statut de profession est une préoccupation de premier ordre.

De nos jours, sur la base de critères plus récents (Adams, 2010), il apparaît pertinent de considérer le service social comme une profession. Conséquemment, dans le présent projet de recherche, il sera question d’identité professionnelle et non d’identité occupationnelle. Premièrement, le service social possède son ordre

(18)

professionnel, ce qui le désigne comme profession aux yeux de la loi (Gouvernement du Québec, 2013). Deuxièmement, comme les participants devront avoir obtenu un diplôme universitaire en service social, qui les qualifierait pour accéder à l’OTSTCFQ, il est possible de considérer que leur identité en est une de type professionnel et non occupationnel. Bien que les participants du mémoire aient été recrutés en fonction de leur pratique de l’organisation communautaire, qui ne peut être considérée comme une profession au sens d’Adams (2010), ils devaient posséder une formation professionnelle reconnue en service social.

1.1.4. Études sur la construction de l’identité professionnelle

Afin de dresser un portrait des connaissances sur la question de l’identité professionnelle des OC, les écrits existants sur ce sujet au Québec et ailleurs seront présentés dans les prochaines lignes. Comme ceux-ci sont en nombre plutôt faible, des travaux portant sur l’identité professionnelle d’autres groupes seront ensuite résumés. La section se terminera par une présentation d’études basées sur la théorie de Dubar (2010) qui, contrairement à d’autres, tient compte à la fois des aspects individuels et environnementaux pour expliquer la construction de l’identité professionnelle.

Les connaissances actuelles sur l’identité professionnelle des OC sont très limitées. Ce thème est évoqué dans peu d’études québécoises. Les résultats de Comeau et de ses collaborateurs (2008a) révèlent que les dynamiques d’embauche et les titres d’emplois dans le réseau public tendent à favoriser le développement d’une identité professionnelle d’OC davantage que dans le réseau communautaire. En effet, les CSSS privilégient, lors de l’embauche, des OC ayant un diplôme en service social, bien qu’en 2004, l’équipe de Comeau ait constaté que plus de 40 % des OC en CSSS ayant participé à l’étude ne possédaient pas de tel diplôme. L’identité d’OC serait alors plus significative puisque ces intervenants auraient été préparés à pratiquer l’organisation communautaire. De plus, les OC des CSSS occupent des postes portant le nom « d’organisateur communautaire », ce qui contribue au développement d’une identité commune d’OC plutôt que de TS. À ces éléments s’ajoutent, notamment, la présence d’un regroupement professionnel et une relative uniformité dans les valeurs, les établissements employeurs et le vécu des réformes du réseau sociosanitaire (Comeau et al., 2008b) chez les OC en CSSS.

Du côté américain, parmi les études consultées, la plus pertinente semble être celle de Lightfoot et ses collaborateurs (Lightfoot, Nienow, Moua, Colburn et Petri, 2016). S’intéressant à l’identification des OC en relation avec le champ du travail social et à leur vision de l’accréditation professionnelle, les chercheurs ont rencontré 35 OC, dont une majorité travaillait dans le milieu communautaire. La moitié (51 %) ne s’identifiait jamais ou s’identifiait rarement ou occasionnellement comme TS, les autres s’identifiant généralement ou toujours comme TS. Parmi les 17 participants de ce dernier groupe, la plupart possédaient une accréditation professionnelle, que l’on pourrait interpréter en contexte québécois comme une adhésion à l’OTSTCFQ. Il

(19)

arrivait que certains participants s’identifient comme TS lorsqu’ils jugeaient que cela serait utile ou lorsque leur titre d’emploi le justifiait. Au contraire, ceux qui ne se présentaient pas avec le titre de TS justifiaient ce choix par le peu d’utilité que cela présenterait. Parmi les avantages de l’identification comme TS, les participants évoquaient la mise en relation avec d’autres TS, la légitimité d’être reconnu comme professionnel et la promotion d’une vision du travail social qui inclut l’organisation communautaire. En contrepartie, les auteurs notent un manque de fierté fréquent chez les participants face à la professionnalisation du travail social, refusant de se poser en professionnels. De plus, les participants relevaient que cette identification avait peu de valeur ajoutée considérant la méconnaissance généralisée de la profession du travail social dans la population ou, même, la connotation négative associée à cette identité (p. ex. « voleurs d’enfants »). L’absence d’accréditation professionnelle pertinente diminuait aussi les chances pour certains de s’identifier comme TS, considérant que leur pratique ne correspondait pas aux pratiques soutenues par les organisations professionnelles. Enfin, les auteurs s’intéressaient à l’accréditation professionnelle et à ses avantages et désavantages perçus par les participants. Sans entrer dans les détails, l’on peut retenir de cette analyse certains aspects. En premier lieu, l’accréditation est vue comme ouvrant des opportunités d’emploi, mais est aussi considérée relativement peu utile, car souvent non nécessaire pour pratiquer dans les groupes communautaires. En deuxième lieu, les participants évaluent ces accréditations comme trop cliniques pour alimenter leur pratique. En troisième lieu, elles s’accompagnent également d’une lourdeur administrative et de coûts importants. Somme toute, l’étude de Lightfoot et ses collaborateurs (2016) comporte énormément de similarités avec le présent mémoire. Cependant, les différences substantielles de contexte de pratique entre les États-Unis et le Québec justifient la pertinence de la présente recherche.

Quant aux autres études américaines consultées, quelques auteurs proposent des résultats intéressants, quoique généralement peu élaborés. Une étude a été réalisée aux États-Unis auprès de diplômés ayant reçu une formation spécialisée en organisation communautaire lors d’une maîtrise en service social (Starr, Mizrahi et Gurzinsky, 1999). Leurs résultats indiquent que la majorité des diplômés formés en organisation communautaire s’identifient à la fois comme TS et comme OC. De plus, selon eux, l’identification comme OC « transcende un emploi ou une trajectoire de carrière spécifique », les professionnels indiquant que leur formation leur a inculqué une perspective d’organisation communautaire se maintenant peu importe l’emploi qu’ils occupent. Au contraire, O'Donnell (1995) constate que les OC s’identifient seulement à l’organisation communautaire et non aux diplômes qu’ils ont obtenus, certains évoquant que cette pratique est devenue, à leurs yeux, une profession à part entière. En résumé, les travaux existants sur l’identité professionnelle des OC n’appréhendent en général pas cette question de manière approfondie et présentent à plusieurs égards des conclusions contradictoires. Pour cette raison, le présent projet s’appuiera aussi sur des recherches issues du service social en général ou d’autres disciplines afin d’obtenir les outils nécessaires à l’analyse de l’identité

(20)

Au cours des dernières années, quelques recherches portant sur l’identité professionnelle des TS ont vu le jour au Québec (Crête, Pullen Sansfaçon et Marchand, 2015; Pullen Sansfaçon et Crête, 2016; Pullen Sansfaçon, Marchand et Crête, 2014). Bien qu’elles ne portent pas spécifiquement sur le vécu des étudiants ou des praticiens en organisation communautaire, ces études sont très près de la réalité des personnes visées par le mémoire. Dans leur étude, Pullen Sansfaçon et ses collaboratrices (2014) ont interrogé des finissants du baccalauréat en travail social de trois universités québécoises sur leur définition de leur identité professionnelle, puis se sont intéressées aux « lieux » et aux facteurs qui contribuent ou nuisent à la force de l’identité. Parmi les résultats les plus probants, les auteures nomment les valeurs, véritables toiles de fond du développement identitaire, les formations antérieures au baccalauréat et, surtout, les expériences pratiques, qu’il s’agisse de stages ou d’emplois pendant les études, comme catalyseurs de la construction identitaire. Ces expériences permettent en effet d’appliquer les théories vues en cours, de tester l’intervention, d’apprendre à se connaître et de rencontrer des collègues qui jouent le rôle de modèles de pratiques. Dans une deuxième phase de leur recherche, les chercheures (Crête et al., 2015) ont rencontré de nouveau certains participants pour connaître les processus en jeu dans leur intégration au marché du travail. Elles relèvent que trois « moments » s’avèrent significatifs dans le vécu des participantes : l’acquisition et l’appropriation de connaissances et de compétences, le développement de l’autonomie professionnelle et la recherche de reconnaissance, puis la négociation des tensions entre les diverses identités présentes dans le champ professionnel en vue d’une appropriation individuelle des identités collectives (Crête et al., 2015). Ces moments se trouvent dans un processus « dynamique, interactif et circulaire » (Crête et al., 2015, p. 52) de construction identitaire, faisant en sorte qu’il y a une grande fluidité et interinfluence entre ces moments. Ces deux études québécoises offrent une variété de résultats pertinents pour comprendre comment s’articule la construction de l’identité professionnelle chez les étudiants et les TS en début de carrière.

Dans les travaux portant sur l’identité professionnelle des TS, la question identitaire est souvent reliée à un malaise provenant d’une difficulté à définir la profession et d’une impression de non-reconnaissance généralisée (Chouinard, 2013). Selon Couturier et Chouinard (2008, cité dans Chouinard, 2013), trois principes des métiers relationnels applicables au travail social expliquent que cette pratique est difficile à faire saisir par l’entourage :

Principe 1 : Les pratiques dans les métiers relationnels sont insécables des situations dans lesquelles elles se réalisent et sont donc inappréhendables par la seule raison objectivante. Principe 2 : Bien qu’a priori langagières, ces pratiques relationnelles se caractérisent par une indicibilité fondamentale et donc par une indiscutabilité fondamentale dans l’espace public. Principe 3 : Puisque le cœur de l’action est imperceptible par la seule raison et indicible à autrui, la formation doit porter a priori sur l’éthos professionnel comme principe directeur de l’agir professionnel plutôt que sur une forme ou l’autre de didactique des savoirs professionnels (p. 214).

(21)

En d’autres mots, le travail social est difficile à expliquer, notamment, parce que sa pratique ne peut être détachée de son contexte d’exercice, que les activités professionnelles sont difficiles à formuler et donc, à discuter, et que la formation doit par conséquent s’articuler autour de l’apprentissage d’un ethos professionnel, compris comme « ce qu’il convient de faire pour respecter les règles non écrites de son art, mais encore comment échanger avec ses confrères et les juger en tant que professionnels : ce qui fait qu’on les admire, qu’on les estime ou qu’on les méprise » (Zarca, 2009, p. 352, cité dans Fusulier, 2011). Le caractère intangible du travail social s’additionne d’une grande complexité, du caractère « multifocus » des pratiques et d’un corpus de connaissances emprunté à d’autres disciplines (sociologie, psychologie, etc.), ce qui nuit à la compréhension du travail social par la population et contribue au malaise ressenti chez les TS (Chouinard, 2013).

Certains travaux scientifiques s’intéressant à l’identité professionnelle l’étudient d’une manière peu théorisée. Par exemple, Starr et ses collaborateurs (1999) ont demandé à leurs participants s’ils s’identifiaient comme TS et comme OC. En limitant les réponses à un « oui » ou à un « non », les possibilités d’interprétation de ces résultats sont restreintes. L’identité, dans ce genre d’étude, n’est pas représentée de manière multidimensionnelle. D’autres travaux, au contraire, proposent une analyse plus raffinée du développement de l’identité professionnelle. L’un des champs explorés par plusieurs scientifiques concerne les stratégies mises en place par l’individu dans la construction de son identité. Selon Pratt, Rockmann et Kaufmann (2006), les changements dans l’identité surviennent lorsque l’individu constate un écart entre ses activités professionnelles (« ce qu’il fait ») et la manière dont il se conçoit comme professionnel (« qui il est »). Alors, l’individu s’adapte au travail qu’il réalise par la mise en place de trois stratégies de « personnalisation identitaire » : l’enrichissement, le rapiéçage et l’utilisation d’une attelle. Lorsque la personne enrichit son identité professionnelle, elle « approfondit sa compréhension de son identité professionnelle […] qui devient plus profonde et nuancée » (Pratt et al., 2006, p. 246, traduction libre). Le rapiéçage identitaire, selon Pratt et ses collaborateurs (2006), implique d’utiliser des identités alternatives pour donner un sens à leurs activités au travail. Ces identités alternatives s’ajoutent à l’identité professionnelle principale, d’où l’expression rapiéçage. Par exemple, dans l’étude de Pratt et ses collaborateurs (2006), les internes en chirurgie devaient réaliser des tâches qui relevaient davantage de la médecine générale que de leur spécialité; alors, ces internes ont développé l’identité des « docteurs les plus complets » puisqu’ils pouvaient, selon eux, assumer les fonctions d’un médecin généraliste et d’un chirurgien. Enfin, l’utilisation d’une attelle au plan identitaire se manifestait, dans leur étude, chez les internes en radiologie. Ceux-ci ne possédaient pas, au moment de leur entrée en stage, une identité de radiologiste suffisamment forte pour donner un sens à leur expérience. Ils utilisaient alors une « attelle », soit l’identité d’étudiant, pour protéger leur fragile identité professionnelle jusqu’à ce que cette dernière devienne plus solide. Somme toute, cette étude montre trois stratégies identitaires qu’un individu peut utiliser lorsqu’il est confronté à des conflits au plan identitaire.

(22)

On reconnaît aussi la place de l’environnement dans le développement de l’identité professionnelle d’un individu. Par exemple, les organisations qui emploient ou qui forment les professionnels leur offrent un certain nombre de possibilités et de limites quant à leur développement identitaire (Pratt et al., 2006; Sommerlad, 2007). Elles leur envoient un message clair en ce qui a trait aux pratiques et à l’identité à adopter; les individus sentent qu’ils doivent obéir à ces « consignes » (Pratt et al., 2006; Sommerlad, 2007) ou chercher un milieu de travail plus conforme à leurs valeurs (Sommerlad, 2007). Les travailleurs peuvent éventuellement en venir à s’identifier à leur organisation, bien que les professionnels soient définis généralement en fonction de ce qu’ils font plutôt qu’en fonction de leur milieu de travail (Pratt et al., 2006). Les organisations ne sont pas la seule forme d’environnement étudiée dans la littérature scientifique, mais elles illustrent la pertinence de ne pas s’en tenir qu’à l’étude des stratégies identitaires individuelles.

Au-delà de la prépondérance de l’individu ou de son environnement sur son développement identitaire, plusieurs recherches évoquent plutôt une négociation individu-environnement (Sommerlad, 2007; Westenholz, 2006). Par exemple, certains des participants de l’étude de Sommerlad (2007) indiquaient qu’ils choisiraient une spécialité du droit qui leur permettrait d’obtenir un meilleur salaire et un plus grand respect. Ici, les individus sélectionnent leur formation et leur milieu de travail en fonction de ce que ce dernier peut leur offrir : il est donc clair que l’individu et son environnement jouent un rôle dans cette transaction identitaire. Ce résultat montre que l’individu et l’environnement peuvent interagir dans certaines situations et que cela influence potentiellement l’identité professionnelle de l’individu.

Qu’ils soient initiés par l’individu ou par autrui, les mécanismes de construction de l’identité professionnelle utilisent des matériaux qui leur sont disponibles. À ce chapitre, il importe de mentionner la notion de référent identitaire, définie par Mucchielli (2013), tout simplement, comme « ce par rapport à quoi on définit […] » et comme « des concepts plus ou moins étendus qui font appel au vécu, aux représentations, aux conduites » (p. 29). Pour Mucchielli (2013), l’identité est définie par un nombre restreint de « caractéristiques essentielles » et de « caractéristiques marquant la dissemblance » (p. 31), qui permettent une certaine différenciation entre des entités semblables. Parmi les référents identitaires évoqués dans les travaux scientifiques consultés, la formation disciplinaire constitue l’un des plus évoqués (Crête et al., 2015; Pratt et al., 2006; Pullen Sansfaçon et al., 2014; Sommerlad, 2007; Starr et al., 1999). Cette formation peut susciter, entre autres, l’adoption d’une perspective ou de traits propres à la discipline (Starr et al., 1999). Dans un autre ordre d’idées, Westenholz (2006) démontre que des idéaux-types de travailleurs, par exemple un « agent libre » ou un « grassrooter », sont utilisés par les travailleurs eux-mêmes et par les membres d’une organisation pour négocier des identités émergentes et donner un sens à des situations de travail spécifiques. On reconnaît aussi que l’organisation et certains traits distinctifs d’une profession comme l’uniforme (Pratt et al., 2006; Timmons et East, 2011) peuvent

(23)

servir de matériaux de base pour la formation de l’identité professionnelle. Qu’ils soient physiques ou intangibles, ces éléments ont tout intérêt à être étudiés si l’on s’intéresse au développement de l’identité professionnelle. Peu d’études ont présenté ces divers éléments et les relations qui les caractérisent dans un ensemble théorique complexe et cohérent. À ce chapitre, la théorie du développement de l’identité professionnelle de Dubar (2010) offre des possibilités d’intégration intéressantes (Pullen Sansfaçon et Crête, 2016). Contrairement à plusieurs sociologues ayant écrit sur l’identité (Gravé, 1998), Claude Dubar (2010) tente d’intégrer l’identité individuelle et l’identité collective plutôt que de les dissocier. Il définit ainsi l’identité : « le résultat à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions » (Dubar, 2010, p. 123). Dans le même ordre d’idées, d’autres écrivent que « la déclaration identitaire est […] une déclaration d’appartenance : ‘je suis partie d’un groupe’ auquel on se réfère par un nom ou un qualificatif particulier » (Larouche et Legault, 2003, p. 18). Dubar (2010) distingue les identités attribuées aux individus de celles que ces derniers choisissent et postule que pour résoudre un conflit identitaire, des stratégies sont mises en œuvre soit entre l’individu et son environnement, c’est-à-dire des « transactions externes », soit à l’intérieur de l’individu, c’est-à-dire des « transactions internes ».

En guise d’illustrations, deux recherches utilisant la théorie de Dubar sur l’identité professionnelle seront présentées : l’étude de Julhe et Haschar-Noe (2004) et celle de Gravé (1998). Julhe et Haschar-Noe (2004) ont étudié, par le biais d’entretiens semi-directifs, l’identité professionnelle de douze enseignants « d’arts martiaux de combat d’origine japonaise (budô) » (p. 69). Ces répondants avaient obtenu un brevet d’État et enseignaient dans une agglomération française d’une population de plus de 200 000 personnes. S’intéressant d’abord à la carrière des répondants, les auteurs soulèvent, d’un côté, diverses manières dont l’environnement avait joué un rôle dans la carrière d’un individu : les antécédents familiaux, l’influence précoce des médias, la rencontre de « maîtres », etc. De l’autre côté, les résultats démontrent que l’individu jouait aussi un rôle actif dans la construction de son identité professionnelle, notamment par des stratégies d’affirmation de soi et de recherche d’une pratique d’autodéfense. L’interaction individu-environnement est mise en évidence lorsqu’il est question de l’accréditation d’enseignement : les répondants, dans plusieurs cas, reconnaissent que le brevet d’enseignement leur permet d’obtenir plus de reconnaissance auprès des institutions sportives, mais contestent son utilité et sa légitimité. De par son utilisation d’une théorie intégrative, cette recherche inclut des éléments étudiés par d’autres de manière distincte.

Dans sa recherche sur les formateurs d’adultes, Gravé (1998) a aussi utilisé la théorie de l’identité professionnelle de Dubar (1992, 2010). Il cherchait à saisir les dynamiques liant la trajectoire sociale de ces formateurs et les éléments structurels exerçant une influence sur la formation continue dans la région de la

(24)

Basse-Normandie en France. L’auteur a analysé des données recueillies en 1994 par questionnaires auprès de 679 formateurs d’adultes et de 83 organismes de formation continue. Cinq composantes de l’identité professionnelle ont été étudiées : les identités proposées par les organismes et les identités assumées par les formateurs constituent les deux composantes des transactions relationnelles ou externes contribuant à l’identité pour autrui, tandis que les identités héritées, les identités investies dans le présent et les identités visées représentent les trois composantes des transactions biographiques ou internes contribuant à l’identité pour soi. L’originalité de cette recherche réside particulièrement dans les croisements effectués entre les différentes composantes de l’identité professionnelle, montrant alors des tendances propres à certains groupes selon les rôles assumés (Gravé, 1998).

Somme toute, la théorie de Dubar sur l’identité professionnelle (1992, 2010) présente l’intérêt d’intégrer explicitement les aspects subjectifs et environnementaux pertinents au développement de l’identité, reconnaissant les transactions internes et externes à l’individu dans la construction de ses identités pour soi et pour autrui (Gravé, 1998). De plus, elle reconnaît la place importante de la socialisation dans le développement de l’identité professionnelle, à l’instar de plusieurs auteurs s’intéressant aussi à la question (p. ex. Cohen-Scali, 2003). Cette question de la socialisation professionnelle est explicitement traitée dans plusieurs autres recherches qui proposent une perspective pertinente et complémentaire à la vision qu’en offre Dubar.

1.1.5. La socialisation professionnelle comme processus global de construction de l’identité professionnelle L’un des volets de la théorie de Dubar concerne la socialisation professionnelle, définie comme la construction, chez les individus, de leur identité sociale et professionnelle au fil des transactions identitaires internes et externes aux individus (Dubar, 1992). Autrement dit, la socialisation professionnelle fait référence au processus global de construction identitaire, qui intègre les influences respectives de la trajectoire des personnes et des contextes dans lesquels elles évoluent. Plus concrètement, l’entrée dans une profession demande que les personnes « s’adaptent extérieurement pour répondre aux exigences d’un rôle de carrière particulier et intérieurement en termes de comment elles comprennent et conçoivent le soi dans ce rôle (Bargal, 1981; McGowen & Hart, 1990) » (Miller, 2013, traduction libre, p. 369). Cette affirmation se rapproche de la définition des transactions internes et externes proposées par Dubar (2010), notion abordée dans le cadre théorique. Claude Dubar reprend la définition de Berger et Luckmann (1966, cité dans Dubar, 2010), qui séparent la socialisation primaire de la socialisation secondaire. La socialisation primaire correspond à l’acquisition pendant l’enfance d’un savoir de base pour appréhender le monde, tandis que la socialisation secondaire se définit comme « l’intériorisation de sous-mondes spécialisés » et « l’acquisition de savoir spécifiques et de rôles directement ou indirectement enracinés dans la division du travail » (Berger & Luckmann, 1966, p. 189, cité

(25)

dans Dubar, 2010). La socialisation professionnelle consiste donc, en d’autres mots, en l’incorporation de savoirs professionnels liés à un champ spécialisé (Dubar, 2010).

Dépassant la distinction classique entre socialisation primaire et secondaire, Miller (2010) avance un modèle en trois temps, inspiré d’une revue de la littérature sur la socialisation professionnelle : (a) la présocialisation qui inclut la socialisation primaire et la socialisation anticipatoire, qui correspond au choix d’un éventuel groupe de référence et à la préparation pour entrer dans celui-ci; (b) la socialisation formelle durant laquelle agissent le contenu, soit les connaissances et compétences enseignées, et la structure éducative d’un programme de formation dans la profession; (c) la pratique après la socialisation formelle dans laquelle les milieux de pratique et les situations rencontrées auront une influence sur le développement identitaire de l’individu. Son modèle a l’avantage de ne pas s’intéresser qu’à la socialisation formelle, contrairement à d’autres (p. ex. Barretti, 2004). Il n’en demeure pas moins que la formation joue un rôle essentiel dans la socialisation professionnelle d’un individu (Sommerlad, 2007). Les deux recherches présentées dans les prochaines lignes portent principalement sur la socialisation professionnelle formelle ou la formation universitaire en service social au sens de Miller (2010) et, dans une moindre mesure, sur la socialisation avant l’entrée dans le programme de formation. Dans leur étude du développement de l’identité professionnelle de quatorze étudiants états-uniens en fin de baccalauréat en service social, Loseke et Cahill (1986) se sont intéressés à leurs expériences de socialisation professionnelle et les ont contrastées avec celles d’étudiants en médecine provenant d’études réalisées antérieurement. Les données de cette recherche montrent que l’expérience pratique en service social, soit le stage final de la formation de premier cycle, a eu comme première conséquence de dissoudre l’identité commune développée au cours de la formation académique : les expériences pratiques des membres de la cohorte faisaient en sorte qu’ils ne « parlaient plus le même langage ». Plusieurs considèrent que leurs expériences de formation ne les ont pas suffisamment aidés à développer leur identité professionnelle ni les qualités personnelles requises pour devenir un « authentique travailleur social ». On note aussi l’absence de symboles forts associés au service social, tels que le jargon ou l’uniforme, qui en augmenteraient la reconnaissance sociale. Enfin, peu de répondants s’identifiaient comme TS, se désignant plutôt comme étudiants ou par d’autres appellations comme OC.

Barretti (2004) s’est aussi intéressée à la socialisation professionnelle des étudiants en service social. Dans une perspective interactionniste symbolique, l’auteure a mené des entrevues auprès d’une vingtaine d’étudiants en dernière année de baccalauréat. Sur la base des données recueillies, elle propose un modèle en six phases décrivant la socialisation professionnelle dans la formation en service social (voir le Tableau 1). Ce modèle permet une analyse plus raffinée de la socialisation formelle proposée par Miller (2010).

(26)

Tableau 1. Étapes du modèle théorique de Barretti (2004)

Étapes Description

1) Anticipation Premiers contacts ou affinités avec le service social et choix d’y être formé 2) Révélation Premiers contacts avec la réalité du programme en service social

3) Réfutation Désillusion et contradiction

4) Négociation Ajustements internes gratifiants pour atteindre un sentiment de réconciliation

5) Adaptation Acceptation de la profession, de ses nouvelles identités et des changements personnels vécus par la socialisation

6) Affirmation Renouvellement ou ajustement de l’engagement envers le service social

La socialisation professionnelle est un sujet fort complexe par rapport auquel on retrouve des écrits touchant une panoplie de variables et de modèles théoriques. La description des études dans les lignes précédentes atteste seulement d’une partie de la littérature existante sur la socialisation professionnelle.

1.1.6. Les limites des études actuelles

Les recherches documentaires réalisées jusqu’à présent n’ont permis de trouver que peu d’études portant spécifiquement sur l’identité professionnelle des OC. Seulement quatre études (Comeau et al., 2008a; Lightfoot et al., 2016; O'Donnell, 1995; Starr et al., 1999) en font mention sans toutefois analyser ce thème en profondeur, à l’exception de Lightfoot et ses collaborateurs (2016). D’autres abordent la question de l’identité professionnelle des TS (p. ex. Pullen Sansfaçon et al., 2014), mais ne distinguent pas les OC ou les étudiants en OC comme groupe vivant des réalités particulières au sein du travail social. Dans les recherches portant sur d’autres groupes professionnels, la relative imprécision de leur définition du concept d’identité professionnelle est parfois évidente (Allsop et Mulcahy, 1998; Sommerlad, 2007) : peu de ces écrits (p. ex. Gravé, 1998; Julhe et Haschar-Noe, 2004) présentent une conceptualisation de l’identité professionnelle comportant des composantes associées aux négociations individu-environnement et liées entre elles dans un modèle théorique. De plus, les référents identitaires pertinents dans d’autres professions ne le sont pas nécessairement en service social ou en organisation communautaire. Par exemple, les professions de la santé sont très attachées à leur uniforme professionnel, qui constitue l’un des fondements de leur identité professionnelle (Timmons et East, 2011). Les OC n’ayant pas d’uniforme professionnel, il serait peu judicieux de s’intéresser à cette question. Du côté de la socialisation professionnelle, les études consultées jusqu’à présent sont certes pertinentes, mais elles se concentrent surtout sur la socialisation formelle et accordent peu de place à la socialisation antérieure ou postérieure à la formation universitaire.

(27)

1.2. L’objet d’étude

L’objet de recherche concerne le développement de l’identité professionnelle des OC formés en service social. Les recherches réalisées jusqu’à présent ne décrivent pas avec précision les trajectoires identitaires des OC ni les éléments qui interviennent dans celles-ci. Elles ne permettent pas non plus de comprendre cette réalité pour adapter les pratiques éducatives, organisationnelles ou corporatives (c.-à-d. ordre ou regroupement professionnel) aux particularités des OC formés en service social. Pour toutes ces raisons, il faut des connaissances plus détaillées et spécifiques sur la population d’intérêt.

1.3. La pertinence sociale et scientifique

Dans le contexte actuel, la pertinence de l’objet de recherche du présent projet ressort de diverses façons. Sur le plan de la pertinence scientifique, bien que l’identité professionnelle semble préoccuper les chercheurs en service social (Chouinard, 2007, 2013; Chouinard et Couturier, 2006; Pullen Sansfaçon et al., 2014) et en organisation communautaire (Comeau et al., 2008b; Lachapelle, 2007), peu d’études se sont intéressées spécifiquement et en profondeur à la question de l’identité professionnelle des OC. Le mémoire visera à combler en partie cette lacune dans la littérature scientifique actuelle. Le projet de recherche sera aussi l’occasion de tester la capacité d’explication de la théorie de Dubar (2010) pour étudier l’identité professionnelle des OC. Sur le plan de la pertinence sociale, considérant les conditions d’exercice particulières de l’organisation communautaire (p. ex. absence d'actes professionnels réservés en organisation communautaire; OTSTCFQ, 2012b) et les risques d’épuisement professionnel liés à la pratique du travail social (Larivière, 2013), des connaissances précises sur le développement de l’identité professionnelle des OC pourraient, entre autres, inspirer des réflexions et des actions dans les programmes de formation en service social, dans la supervision des OC en devenir et dans les pratiques de l’ordre professionnel ou d’autres regroupements professionnels comptant des TS ou des OC dans leurs rangs. Le mémoire pourrait aussi alimenter les discussions sur les changements déjà opérés ou à venir dans le contexte de pratique de l’organisation communautaire, notamment en lien avec le projet de loi 10.

De plus, il est possible d’évoquer l’argument du nombre d’intervenants concernés par l’objet d’étude. En effet, plusieurs milliers de TS figurent sur le tableau de leur ordre professionnel (OTSTCFQ, 2012a), tandis qu’en décembre 2009, on comptait 418 personnes travaillant comme OC ou comme travailleur communautaire en CSSS (Gauthier, 2010). De ce nombre, 220 faisaient partie du RQIIAC (Gauthier, 2010). Comme les OC travaillant dans un organisme communautaire n’ont pas de regroupement professionnel (Lachapelle, 2007), il est difficile d’estimer leur nombre, bien que l’équipe de Comeau et al. (2008a) soit parvenue à en identifier 439 dans seulement trois régions administratives du Québec. Les participants de cette étude possédaient, dans plus

(28)

ou moins la moitié des cas, un diplôme en service social. Puisque les OC des réseaux public et communautaire présentent de nombreuses différences sur les plans individuel et du contexte de travail (Comeau et al., 2008a, 2008b; Lachapelle, 2007), sans compter les réformes profondes du réseau de la santé et des services sociaux vécues depuis une quarantaine d’années (Bourque, 1997), s’intéresser au développement de l’identité professionnelle de ces praticiens répond à des préoccupations importantes au sein de l’organisation communautaire et du service social.

Somme toute, l’objet de recherche du projet apparaît des plus judicieux pour le développement des connaissances et pour l’avancement des pratiques. La relative absence de littérature scientifique sur l’identité professionnelle des OC, les particularités du contexte québécois quant à la pratique de l’organisation communautaire et les possibilités de réflexions sur cette méthode d’intervention appuient la pertinence du présent projet de recherche.

Figure

Tableau 1. Étapes du modèle théorique de Barretti (2004)
Tableau 2. Opérationnalisation des concepts du projet de recherche en début de codage
Tableau 3. Profil des participantes selon le type d’employeur
Tableau 4. Identités professionnelles pour soi des participantes
+2

Références

Documents relatifs

To investigate the effects of national campaigns for a more rational use of antibiotics, we estimate a model of outpatient antibiotic consumption using a panel data set for a sample

La fonction de l’analyse ergonomique est de mesurer si les listes de discussion répondent à des objectifs de formation notamment si la communication en réseau des

We recently expanded the surface acoustic wave tool- box with the 2D anisotropic analog of acoustical vortices called swirling SAWs [23]; these waves in turn generate

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

Figure 8: Parameter evaluation by the target component interpreter Consider the distributed interpretation of the reconfiguration action.. action_1 in the 2

The specific objectives are to describe the entire simulation pro- cedure that consists of (i) input data pre-processing to bridge gaps in time series of precipitation and

À la seconde sous- question (comment ces ouvrier.ère.s ont construit leur identité professionnelle à partir de leur vécu de la reconversion de leur métier d’ouvrier.ère vers

La complexification de la société, l’éclatement du savoir, le développement de la scolarisation ont suscité ou ressuscité l’émergence d’une exigence de professionnalisation