Les prospectives en lien avec la recherche et la pratique

Le présent mémoire a exploré la question de l’identité professionnelle des OC travaillant en CSSS et dans le milieu communautaire. Parmi les pistes de recherche soulevées par les conclusions de l’étude, il semble logique de suggérer que d’autres recherches évaluent le caractère généralisable des résultats en examinant d’autres milieux, c’est-à-dire d’autres régions, d’autres types de localités (urbaines, semi-rurales et rurales), etc. De plus, comme le contexte de pratique de l’organisation communautaire dans le réseau public a beaucoup changé depuis la collecte des données, il serait pertinent d’étudier de nouveau l’identité professionnelle des OC pour voir si les dynamiques qui l’entourent ont changé suite aux réformes en santé et services sociaux initiées dans les dernières années. Enfin, tel que soulevé dans la discussion des résultats, il serait intéressant de se pencher de nouveau sur l’identité professionnelle pour accéder à ses aspects relégués à la conscience pratique et à l’inconscient. Il faudrait envisager des modes de collecte de données plus près du terrain, comme l’observation participante, et qui s’échelonnent sur une période plus longue qu’une entrevue. On pourrait suggérer, par exemple, que l’observation en contexte de travail ou l’analyse de rencontres de supervision professionnelle soient utilisées comme mode de recherche auprès des OC sur la question de l’identité professionnelle. En ce qui concerne les perspectives pratiques découlant de la recherche, il semble qu’elle puisse alimenter les pratiques des organisations qui forment et qui emploient les OC. Du côté des universités, on pourrait suggérer que les programmes de formation se basent davantage sur les groupes de référence qui se créent au baccalauréat pour alimenter les étudiants dans leur développement professionnel. Par exemple, on pourrait penser à une communauté de pratiques en organisation communautaire qui se rencontrerait périodiquement et discuterait de divers sujets. Les étudiants intéressés pourraient alors aller plus loin dans leurs réflexions sur ces thèmes et bénéficier, si cela est possible, de l’accompagnement de leurs professeurs et de leurs chargés de cours. Du côté des employeurs potentiels des OC, ceux-ci doivent reconnaître la spécificité des besoins des OC en termes d’encadrement et de développement professionnel. S’il semble plutôt logique, en ce sens, de proposer que les OC du réseau sociosanitaire soient regroupés afin qu’ils bénéficient d’une hiérarchie qui comprend leur pratique et de collègues qui les nourrissent au plan professionnel, dans les organismes communautaires, vu la petite taille des organisations, la solution résiderait peut-être davantage dans la création de communautés de pratiques regroupant plusieurs organismes.

Conclusion

Le présent mémoire visait à comprendre comment l’identité professionnelle des OC se construit, en accordant une place à la fois aux aspects individuels et collectifs ainsi qu’à ceux issus de la trajectoire personnelle et sociale des participantes et de leur environnement. La question de l’appartenance à l’OTSTCFQ et au RQIIAC, à titre de groupes de référence potentiels, a aussi été étudiée. Dans la problématique, il a été montré que peu d’études s’étaient penchées précisément sur la question de l’identité professionnelle des OC et qu’il existait plusieurs angles d’approche pertinents pour répondre à cette interrogation. Compte tenu de la littérature scientifique peu développée sur ce thème et du nombre de personnes que cela concerne, la pertinence scientifique et sociale du projet de recherche a été établie. Le cadre théorique retenu était ensuite présenté. L’analyse a été guidée principalement par la théorie de la construction identitaire de Dubar (2010), qui postule que les personnes construisent leur identité professionnelle au fil de transactions identitaires à la fois internes et externes, mettant en jeu des identités pour soi et pour autrui. À cela s’ajoutait le concept de référent identitaire (Mucchielli, 2013), qui se définit simplement comme les éléments auxquels les personnes s’identifient. Par la suite, la démarche méthodologique était présentée plus en détail. Les participantes ont été sélectionnées sur la base de quelques critères de sélection, dont l’expérience minimale de cinq ans en organisation communautaire et le milieu de travail. Les données étaient collectées par des entrevues individuelles auprès de dix personnes au moyen d’un guide d’entrevue semi-directif, dans le respect des normes éthiques en vigueur, puis analysées selon une approche d’analyse qualitative de contenu manifeste (Hsieh et Shannon, 2005). La collecte s’est effectuée avant et au début des annonces de réorganisations liées au projet de loi 10, qui prévoyait une refonte massive du réseau de la santé et des services sociaux.

Du côté des résultats, il faut relever que les participantes utilisaient une variété d’identités pour se définir professionnellement. Au plan personnel, les identités pour soi étaient majoritairement « OC » dans les CSSS, mais dans le milieu communautaire, les identités variaient, les étiquettes retenues étant « OC », « titre d’emploi », « OC et TS » et « TS ». Les personnes utilisent certaines formes identitaires, particulièrement celles associées à l’intervention individuelle et de la protection de la jeunesse, comme repères pour distinguer leur propre identité professionnelle.

En ce qui a trait à la trajectoire des participantes, on constate qu’à diverses étapes, des dynamiques identitaires d’importance se jouent. Ainsi, avant le baccalauréat en travail social, des expériences diverses orientent les participantes vers ce programme de formation. La motivation à s’y inscrire joue alors un rôle important. Pendant le baccalauréat, les caractéristiques du programme telles que les cours et les stages influencent grandement la construction identitaire des étudiants, de même que les dynamiques sociales, soit la formation d’un groupe affinitaire en organisation communautaire. Après la formation de premier cycle, les participantes sont

confrontées au marché du travail. Les transitions qui s’y opèrent (p. ex. emplois sous-qualifiés ou transition comme travailleuse du milieu communautaire vers les CSSS) deviennent un terreau fertile pour les réflexions sur l’identité professionnelle.

Le contexte social recèle lui aussi de nombreux aspects statiques et dynamiques qui influencent le développement de l’identité professionnelle des participantes. D’abord, plusieurs constats peuvent être dressés sur l’ensemble des milieux de travail expérimentés par les participantes : une faible compréhension de l’organisation communautaire; une approche toujours teintée d’intervention collective et, en général, de relations égalitaires; puis un contexte d’emploi précaire et difficile pour les OC. S’ensuivait une description du contexte de travail dans le milieu communautaire, qui s’est attardée à présenter les impacts de diverses dynamiques sur la construction identitaire des OC. Une attention particulière était accordée aux dynamiques d’embauche, aux conditions de travail, aux mandats confiés et à la formation continue. Enfin, le mémoire se penchait sur la réalité des OC en CSSS en lien avec leur développement identitaire. Il en ressort que les OC, selon leur rattachement administratif, vivent des expériences très contrastées en termes de reconnaissance et de besoin de négocier leur identité au travail. Par exemple, les OC rencontrées vivaient difficilement le fait de ne pas être reconnues à leur juste valeur lorsqu’elles travaillent dans les programmes-clientèles, alors qu’à l’intérieur d’une équipe d’OC sous une direction unique, elles s’émancipent grâce au soutien reçu par les supérieurs et à la reconnaissance de leur pratique professionnelle.

Pour terminer, le mémoire s’intéressait à la relation des OC avec l’OTSTCFQ et le RQIIAC, comme emblématiques des professions du travail social et de l’organisation communautaire. Dans les deux cas, l’adhésion était évaluée en fonction de ses avantages et de ses inconvénients. Si les pratiques de l’organisation n’étaient pas jugées pertinentes pour le travail effectué par les participantes, elles ne voyaient pas l’intérêt d’y adhérer. C’est ainsi que les participantes n’ont adhéré que sur une courte période à l’OTSTCFQ, se retirant éventuellement parce que leur adhésion ne leur servait pas suffisamment, et que seules les participantes du CSSS se sont inscrites au RQIIAC parce que les activités de ce dernier alimentaient particulièrement leur pratique.

Alors que le réseau de la santé et des services sociaux s’apprête à sortir d’une période de réformes et de réorganisations importantes, qui a transformé, depuis 2014, sa structure, ses manières de faire et ses rapports avec ses partenaires, il y a fort à parier que l’organisation communautaire, comme pratique professionnelle, rencontrera d’importants défis aux plans de la reconnaissance. Tant les OC du réseau sociosanitaire que du milieu communautaire auront à faire leur place dans un contexte de travail profondément transformé.

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