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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Construction de « faits » en didactique

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SÉMINAIRE DE DIDACTIQUE

DES DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

CACHAN — 1997-1998

Construction de « faits » en didactique

 

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SÉMINAIRE DE DIDACTIQUE

DES DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

CACHAN — 1997-1998

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L

ES AUTEURS Yves CARTONNET

Maître de conférences, ENS Cachan Georges CAZENAVE

Docteur en sciences de l’éducation, équipe de recherche ESCOL, Université Paris VIII.

Maryline COQUIDÉ

Maître de conférences, I.U.F.M. Rouen Alain CRINDAL

Professeur certifié, chargé d’études à l’INRP, doctorant au LIREST Frédéric GLOMERON

Chef de département IUT Orléans, doctorant au LIREST Olivier FOLLAIN

Professeur certifié, doctorant au LIREST Joël LEBEAUME

Maître de conférences, directeur d’études, I.U.F.M. d’Orléans-Tours Claire MARGOLINAS

Maître de conférences, I.U.F.M. d’Auvergne

Équipe de didactique des mathématiques, Laboratoire Leibniz, Grenoble Jacques PERRIN

Directeur de recherche, GATE (Groupe d'Analyse et de Théorie Economique ) -ECT, UPRESA 5048 CNRS

Université Louis Lumière Lyon 2 Pierre VÉRILLON

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S

OMMAIRE

LA CONSTRUCTION DES FAITS EN DIDACTIQUE DES

DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES – PRESENTATION... 5 Joël Lebeaume

❄—❄—❄—❄ LES FAITS DANS UNE APPROCHE PSYCHOLOGIQUE

DE LA LECTURE DU DESSIN TECHNIQUE... 10 Pierre Vérillon

CONSTRUCTION DE FAITS EN DIDACTIQUE DE LA BIOLOGIE... 16 Maryline Coquidé

LA PRODUCTION DES FAITS EN DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES... 33 Claire Margolinas

INTELLIGIBILITE DU TRAVAIL MANUEL ET DE LA TECHNOLOGIE

INVESTIGATION DIDACTIQUE ET HISTOIRE DES DISCIPLINES... 56 Joël Lebeaume

❄—❄—❄—❄ RENDRE COMPTE DE LA DIVERSITE DES DEMARCHES

DE PROJET DANS L’ENSEIGNEMENT DE LA TECHNOLOGIE... 64 Alain Crindal

UN OUTIL POUR L’EMERGENCE DES FAITS : L’ACTIGRAMME... 74 Yves Cartonnet

LA PRATIQUE DU PROFESSEUR DE TECHNOLOGIE

RECHERCHE DES REGISTRES DE TECHNICITE: ... 85 Frédéric Glomeron

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QUESTIONNEMENT D’UN ITINERAIRE D’INITIATION A LA

TECHNOLOGIE AU COLLEGE. ...102 Georges Cazenave

❄—❄—❄—❄

UNE MODELISATION ALTERNATIVE DU SYSTEME TECHNICIEN

L'APPROCHE SYSTEMIQUE DES TECHNIQUES:...111 Jacques Perrin

❄—❄—❄—❄ NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

Le cours d’action : analyse sémiologique, essai ...126 anthropologie cognitive située

de J. Theureau par Pierre Vérillon

Mots-clés de la didactique des sciences Repères, définitions, bibliographies

& Pratiques de formation en didactique des sciences ...134 de J.-P. Astolfi (éd.)

par Olivier Follain

Teaching technology ...137

de F. Banks (éd.) par Joël Lebeaume

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L

A CONSTRUCTION DES FAITS

EN DIDACTIQUE DES DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

P

RESENTATION

Joël Lebeaume

Dans le titre du séminaire, trois mots sont essentiels et s’articulent dans la problématique de réflexion et de travail : construction, faits et didactique des disciplines technologiques.

construction faits didactique

méthode nature

orientation méthodologique

orientation

épistémologique

La construction des faits évoque un ensemble de questions d’ordre méthodologique ; les faits en didactique des disciplines technologiques appellent quant à eux des questions épistémologiques sur leur nature spécifique. Les travaux du séminaire souhaitent aborder cet ensemble de questions liées.

Mais le titre « La construction des faits en didactique des disciplines technologiques » masque sans doute des postulats formulés peut être sous des questions ou des hypothèses de travail qu’il conviendra de préciser :

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• le premier postulat est celui de la construction des faits. Les faits construits sont alors, en empruntant le jeu de mots d’E. Le Roy (1926), « des faits qui sont faits »1. Ce sont des faits scientifiques qui résultent fondamentalement du travail constructif de la pensée. En quoi, ces faits s’opposent-ils alors aux faits bruts et aux faits préscientifiques selon la distinction de P. Foulquié (1961) ? Comment s’opère la distance au seul et immédiat contrôle des sens et leur appréhension détachée de la connaissance vulgaire ? Quelle est la rigueur qui assure leur élaboration et leur abstraction révélatrice ? Affirmer qu’en didactique des disciplines technologiques les faits sont construits revient à revendiquer le statut scientifique de la recherche en didactique. En même temps est alors posée la question des spécificités de cette science par rapport à ses finalités. • le second postulat est l’affirmation implicite de l’existence de faits spécifiques à la didactique des disciplines technologiques. L’existence de tels faits suppose alors leur distinction d’autres faits, par exemple les faits historiques2 ou les faits sociaux 3. Quelle est leur nature ? Existent-ils des faits didactiques comme le précise J.-M. de Ketelle (1991)4 ? Le cas échéant, quelles sont les conditions de leur construction et de leur existence ? Convient-il de les distinguer des phénomènes didactiques5 plus subjectifs selon l’étymologie du terme ? Quelle est également leur relation éventuelle aux faits éducatifs ou aux faits d’éducation que G. Lerbet (1995) inscrit dans une construction systémique6 ? Quels sont les faits que révèle la didactique des disciplines technologiques ? Se distinguent-ils des faits élaborés par les autres didactiques ? Quels sont

1 LE ROY, E. (1926). Qu’est-ce que la science ? Cahiers de la Nouvelle Journée. 144-168.

2 remarque : ils sont généralement définis comme des événements auxquels correspondent des enjeux collectifs. F. Audigier note toutefois « qu’il n’y a pas de faits historiques hors de la structure, des mots, des concepts qui servent à le construire, à le penser, à lui donner une intelligibilité ». AUDIGIER, F. (1993). Les représentations que les élèves ont de l’histoire et de la géographie. A la

recherche des modèles disciplinaires, entre leur définition par l’institution et leur appropriation par les élèves. Thèse de l’université Paris 7.

3 remarque : Les faits sociaux définis par E. Durkheim comme « toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure ». DURKHEIM, E. (1926). Les règles

de la méthode sociologique. Paris : Alcan.

4 de KETELLE, J.-M. (1991). L’observation des faits didactiques. In Ph. Jonnaert (dir), Les didactiques

et spécificités. Bruxelles : Plantayn.

5 remarque : la didactique des mathématiques souhaite en particulier objectiver ces phénomènes. Cf. BROUSSEAU, G. (1998). La théorie des situations didactiques. Grenoble : La pensée sauvage. remarque : Le point de départ est le phénomène, le point d’arrivée est la notion du fait ou de l’objet physique, produit d’un travail de construction, de synthèse, opéré à partir des phénomènes. Le fait physique de la chute ou de la dilatation est lié à une loi. Un phénomène donné isolément, simplement appréhendé, n’est pas encore un fait physique. Il ne le devient que du jour ou ses conditions et ses effets sont déterminés, où il est inséré dans un réseau de relations causales, c’est-à-dire quand il signifie d’autres phénomènes. Cf. GUILLAUME, P. (1968). Introduction à la

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ainsi les caractéristiques de la didactique des disciplines technologiques comme recherche ?

• le troisième postulat dépend des deux précédents. En affirmant que la didactique des disciplines technologiques est une science, l’hypothèse de stratégies, de méthodes et de concepts spécifiques dans la construction des faits est proposée. Quelles sont ainsi les pratiques, les méthodologies et les techniques associées à ce champ de la recherche ? En somme quel éventuel paradigme de recherche recouvre la didactique des disciplines technologiques ?

Ainsi les orientations du séminaire souhaitent-elles permettre d’apporter des réponses à ces trois ensembles de questions. L’enjeu est important pour la légitimité des travaux, pour la pertinence de leurs résultats et pour la didactique en tant que discipline de recherche. Cette analyse épistémologique de la didactique des disciplines technologiques est très importante pour ses fondements. En effet, lorsqu’on parcourt la littérature de recherche relative à ces travaux, force est de constater que cette question n’est pas toujours posée et que bon nombre de travaux sont des réflexions, des suggestions ou des orientations qui ne reposent pas sur des faits. Il convient toutefois de ne pas sombrer dans le débat récurrent et parfois polémique sur la scientificité des travaux en sciences de l’éducation et en didactique. J. Ardoino & G. Berger (1997) considèrent en ce sens que « l’opposition abrupte encore trop souvent érigée entre discours (…) et science n’est plus tellement acceptable aujourd’hui ». Dans le même esprit, C. Hadgi & J. Baillet (1998) préviennent de l’illusion de toute tentation scientiste dans le champ des recherches sur et pour l’éducation. L’enseignement, l’éducation, la formation demeurent des réalités et des productions humaines. Le questionnement méthodologique et épistémologique sur la didactique des disciplines technologiques s’inscrit dans le cadre de l’examen de la construction des faits dans les sciences humaines. Or les analyses des sciences anthroposociales semblent toujours s’effectuer par rapport aux sciences exactes avec le souci, le souhait ou la nécessité de prouver leur caractère scientifique. Les travaux du séminaire ne souhaitent donc pas interroger la didactique des disciplines technologiques par rapport à un modèle scientifique unique que représente généralement la physique - ce que fait par exemple J. Parrain Vial (1966) pour caractériser le fait en sciences humaines - mais par rapport à elle-même en tant que science humaine produisant des connaissances sur les objets particuliers qu’elle étudie et qu’elle construit pour l’étude. L’enjeu devient alors de tenter de

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caractériser la recherche en didactique des disciplines technologiques dans son entreprise de connaissance et dans son projet d’intervention. Les contributions à ce séminaire sont plus particulièrement des présentations critiques de recherches par leurs auteurs ainsi que des reconstructions du processus d’élaboration et de validation des « faits ». En filigrane de nombreux textes est mentionnée la distinction proposée par J. Parain-Vial entre « faits premiers » et « faits seconds », les premiers étant les manifestations accessibles de la réalité construite par les seconds.

Ces contributions sont présentées selon deux ensembles. Le premier explore la construction des faits avec un point de vue plus épistémologique. Pierre Vérillon situe en ce sens l’évolution du statut des faits dans la chronologie des travaux psychologiques concernant l’apprentissage de la lecture du dessin technique depuis le milieu des années 1960. Maryline Coquidé discute construction des faits et construction des résultats en didactique de la biologie. Claire Margolinas précise les rapports entre faits, phénomènes et théorie en didactique des mathématiques. Joël Lebeaume examine les relations entre investigation didactique et histoire des disciplines scolaires ainsi qu’entre faits historiques et faits didactiques.

Le second ensemble de contributions éclaire des questions d’ordre méthodologique, en particulier la construction des outils d'investigation et leurs relations aux problématiques des recherches. Alain Crindal explicite et argumente les critères élaborés pour décrire la diversité des figures du projet technique. Yves Cartonnet présente l’actigramme comme moyen d’objectivation de l’activité des élèves dans les travaux pratiques. Frédéric Glomeron précise les étapes d’élaboration des descripteurs différentiels des pratiques des enseignants de technologie afin de caractériser les registres de technicité qui les distinguent. Georges Cazenave rapporte le processus d’élaboration de la problématique de l’étude du projet technique comme moyen d’initiation technologique et des rapports entre construction théorique, élaboration de l’hypothèse et construction de faits.

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REFERENCES ET ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

ARDOINO, J. & BERGER, G. (1997). Du discours et des faits scientifiques dans les dites sciences de l’éducation. L’année de la

recherche en éducation, (pp. 5-37). Paris : PUF.

BERTHELOT, J.-M. (1990). L’intelligence du social. Paris : PUF.

FOULQUIE, P. (1961). La connaissance - Cours de philosophie. Paris : Les éditions de l’école.

HACKING, I. (1989). Concevoir et expérimenter. Paris : Christian Bourgeois.

HADJI, C. & BAILLE, J. (Éds). (1998). Recherche et éducation. Vers

une «nouvelle alliance». La démarche de preuve en dix questions.

Paris - Bruxelles : De Boeck & Larcier. (actes du colloque de Grenoble, 1997).

LECLERCQ, R. (1964). Traité de la méthode scientifique. Paris : Dunod. PARAIN-VIAL, J. (1966). La nature du fait dans les sciences humaines.

Paris : PUF.

POURTOIS, J.-P. & DESMET, H. (1997). Épistémologie et

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L

ES FAITS DANS UNE APPROCHE PSYCHOLOGIQUE DE LA LECTURE DU DESSIN TECHNIQUE

Pierre Vérillon

Bien que frappée à l’origine d’illégitimité par Auguste Comte, qui exclut qu’elle puisse un jour figurer parmi les sciences dites « positives », la psychologie n’a pas renoncé à produire par l’expérimentation des faits permettant de rendre compte du fonctionnement psychique. Notamment, renonçant à une approche « directe » des processus cognitifs par l’introspection, proscrite par Comte puis par les béhavioristes, elle tente de les caractériser, par inférence, à partir de données comportementales -donc enregistrables et mesurables - obtenues dans des situations contrôlées. Schématiquement, on considère avec Fraisse (1963) que ces données comportementales (R) sont fonction de l’interaction du sujet (P) avec la situation (S) à laquelle il est confronté, soit R = ƒ (P•S).

Si l’on considère l’histoire des approches expérimentales des phénomènes de lecture en dessin technique, on constate que les modèles que les chercheurs mobilisent relativement à P et à S évoluent. Aussi peut-il être intéressant de voir si - et dans quelle mesure - les faits expérimentaux évoluent également.

Les difficultés posées par la lecture du dessin technique préoccupent de longue date les industriels qui veulent employer des lecteurs compétents et les formateurs et enseignants qui sont chargés de les former. Ces

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n’est que relativement récemment que des psychologues (du travail et de l’éducation) se sont intéressés à ces problèmes.

1

.

On peut chronologiquement distinguer une première phase qui regroupe les tentatives de remédiation pédagogique et les premières approches psychologiques.

Les enseignants confrontés directement aux difficultés des élèves, ont avant tout cherché à élaborer des stratégies visant à réduire ou à contourner celles-ci. Ces tentatives se distinguent par le caractère très global, tant de la caractérisation des obstacles supputés, que des solutions proposées : méthodes diverses, dispositifs optiques, procédures de résolution graphique, etc. Ce qui fait défaut, à la fois au niveau de la conception et de l’évaluation de ces méthodes, c’est un cadre de compréhension fine du fonctionnement cognitif des sujets dans ces activités.

Les premiers travaux des psychologues se distinguent de ceux des pédagogues surtout en ce qu’ils introduisent une instrumentation méthodologique et systématique qui vise d’abord à mettre en évidence des données (faits, régularités, relations, etc.) fiables et mesurées.

Spencer (1965) compare les performances de lecture selon différents modes de projection : vues orthogonales disposées selon la norme américaine ou européenne, vues en perspective isométrique. Les effets sont mesurés en terme de délai de réalisation du montage d’un objet géométrique simple à partir du dessin. La perspective donne les meilleurs résultats, puis la norme américaine. Leplat et Petit (1965) s’interrogent sur l’effet que peut avoir une activité préalable de dessin sur la réalisation d’une tâche de fabrication en atelier. Les résultats sont peu probants. Fassina et Petit (1969) cherchent à « vérifier dans quelle mesure l’apprentissage de l’écriture du dessin favorise l’apprentissage de la lecture ». La tâche de contrôle consiste à déceler des erreurs introduites dans les vues. De nombreuses erreurs ne sont pas détectées et on observe des fausses détections.

Dans la mesure où les faits produits par ces travaux cherchent davantage à documenter des problèmes (encore formulés de manière très proche des questions posées par la formation) qu’à renseigner un modèle des processus en cause, on peut considérer cette première phase comme a-théorique.

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2.

Fassina et Petit (1969) inaugurent une nouvelle phase lorsqu’ils sont conduits, pour concevoir des aides remédiatives, à s’intéresser aux erreurs de lecture de leurs sujets, non plus en tant qu’indice mesurable de difficulté, mais comme objet d’étude en soi. Un retour sur les protocoles révèle, chez les élèves, un manque de précision et de coordination dans leurs prises d’information. Pour rendre compte de ces difficultés les auteurs empruntent le cadre de la théorie de l’information, qui connaît alors un certain succès en psychologie comme modèle du traitement cognitif des afférences perceptives. Le dessin est alors conçu comme le support perceptif d’informations, chaque trace ou « événement » graphique constituant un signal ou un indice, qui requiert de la part du sujet une activité de recherche, de saisie et de traitement.

La progression mise au point sur la base de ce modèle s’avère effectivement efficace, mais la hiérarchie des difficultés prévue par les auteurs en référence à la théorie de l’information se trouve dans les faits infirmés. L’hypothèse initiale d’une progression linéaire des difficultés en fonction du nombre d’indices perceptifs traités au cours de la résolution du problème doit être rejetée. Cependant, l’analyse des erreurs et l’élaboration de modèles pour en rendre compte s’imposent désormais comme une méthode féconde pour la recherche sur le dessin.

En 1973, Weill-Fassina va réinterpréter ces résultats dans le cadre théorique élaboré par Piaget et Inhelder (1947) pour rendre compte de la construction de l’espace représentatif chez l’enfant. Dans ce cadre, les erreurs observées, par exemple dans une tâche de production de la vue de gauche à partir d’une vue de face et de dessus données, peuvent être attribuées à la mise en œuvre d’une stratégie « figurative » - centration sur les états au lieu des transformations, - conservation dans la vue produite d’éléments considérés comme caractéristiques, - difficulté à anticiper et réaliser mentalement un changement de point de vue, etc. La stratégie adéquate requise par la tâche est, au contraire, opératoire : elle met en œuvre des opérations projectives qui seules permettent de distinguer ce qui varie et ce qui reste invariant sous un changement de point de vue.

Sous ce modèle, le dessin apparaît comme un moyen de représentation spatiale de données spatiales, le lecteur compétent devant être à même de mobiliser les opérations spatiales requises. Les faits expérimentaux - les erreurs - peuvent en théorie à la fois être classés et expliqués en fonction du registre opératoire inadéquat mis en œuvre. Ce modèle se révèle robuste face aux faits mais se heurte à certaines limites. Notamment, dans

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et les modalités de leur représentation sont assez éloignés des objets référents habituels du dessin technique, ainsi que de ses normes de représentation graphique. Ceci pose le problème de la valeur écologique de ces épreuves : les faits « collent » mais au prix d’une réduction importante.

3.

Les travaux menés à l’INRP ont conduit à proposer une image moins réductrice du dessin technique en resituant l’activité de lecture dans le contexte fonctionnel qui lui donne sens.

Tout d’abord, ces recherches ont montré que si effectivement le dessin technique est porteur de significations spatiales, les objets décrits ne sont pas pour autant technologiquement neutres. Les propriétés géométriques des objets techniques ont des significations fonctionnelles :

• elles sont contraintes par les conditions de fabrication ;

• elles sont contraintes par les conditions de fonctionnement de l’objet technique.

Bal et al., 1984 montrent que ces régularités technologiques propres aux référents habituels du dessin technique peuvent faciliter le décodage d’un dessin lorsqu’une forme n’a pu être complètement décrite géométriquement. Inversement, des « représentations préexistantes » à contenu technologique particulièrement prégnantes peuvent induire des lectures erronées (Rabardel, 1982). Ainsi, parallèlement au traitement spatial, la lecture met en œuvre des stratégies fondées sur des représentations relatives aux aspects technologiques.

Une autre dimension intervient dans les processus de lecture qui relativise encore le poids des aspects purement spatiaux : c’est la dimension sémiotique. Les analyses de Rabardel (1980) ont mis en évidence le caractère systémique du code graphique du dessin technique, ensemble complexe d’unités sémiques, muni de règles d’écriture et de composition qui permettent de produire des « messages » relatifs aux objets décrits, mais aussi des « messages » relatifs au fonctionnement du code lui-même et nécessaires pour conduire l’activité de décodage. Plus récemment, Rabardel, Rak & Vérillon (1988) montrent que le code reflète à la fois une structure relativement stable des fonctions assurées par le dessin, et une structure des solutions susceptible, au contraire, de varier dans le temps et à travers les champs professionnels. Dans cette perspective, l’apprentissage de la lecture est dorénavant conçu comme la maîtrise progressive et solidaire par l’apprenant de trois champs conceptuels : le code du dessin, sa géométrie et la technologie des objets qu’il décrit.

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Si l’on essaie de caractériser le statut du fait dans la chronologie de ces travaux, on peut distinguer :

1. Une phase a-théorique visant à mettre en évidence des phénomènes : quand on fait varier S, l’interaction (P•S) produit des observables construits - les variations comportementales R (délais de réponse, erreurs) - qui nous renseignent sur S. Le fait c’est la covariation de S et R (est-ce un fait premier au sens de Parain-Vial ?). Dans la dyade interactive P•S, c’est le pôle S (les caractéristiques de l’objet dessin) sur lequel on se focalise.

2. L’intérêt se déplace vers le pôle P dont on cherche à comprendre le fonctionnement. D’observable ou indice, R - en l’occurrence les erreurs - devient un fait dont on peut rendre compte en termes de fonctionnement cognitif du lecteur. Il ne s’agit plus de mettre en évidence des faits mais de s’interroger sur leur nature. On cherche désormais un modèle hypothétique du sujet qui explique la structure des erreurs produites. Le modèle Piagetien semble le plus congruent : il donne les descripteurs les plus satisfaisants pour les faits produits. 3. Mais ce modèle de P induit un modèle de S - le dessin comme

signifiant spatial de contenus spatiaux. Un autre cadre est proposé qui vise à relativiser et compléter ce modèle. De nouveaux faits expérimentaux R sont produits à l’appui du nouveau modèle mais, en retour, ils appellent une modification de l’ancien modèle du lecteur. Les faits ont donc été convoqués pour enrichir alternativement P et S au sein de (P•S). La représentation semble actuellement avoir trouvé un point d’équilibre. Une prochaine étape - mais ceci est une autre histoire consiste à tout reprendre dans une théorie du dessin comme instrument, dans laquelle R = ƒ (P•I•S) avec l’instrument I différencié de S et médiateur entre P et S (Vérillon & Rabardel, 1993).

REFERENCES

BAL J.-J., RABARDEL P., & VERILLON P. (1984). Présenter la géométrie du dessin technique. In L’apprentissage de la géométrie

du dessin technique : des constats d’échec et des moyens de réussite,

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FRAISSE P. (1963). Traité de Psychologie expérimentale. Paris : P.U.F. LEPLAT J. & PETIT R. (1965). Relations entre le dessin et les exercices

pratiques dans l’apprentissage d’un métier manuel. Bulletin du

CERP, 14, 1-2.

PIAGET J. & INHELDER B. (1947). La représentation de l’espace chez

l’enfant. Paris : P.U.F.

RABARDEL P. (1980). Contribution à l’étude de la lecture du dessin

technique. Thèse de 3° cycle, Paris : E.H.E.S.S.

RABARDEL P. (1982). Influence des représentations préexistantes sur la lecture du dessin technique. Le Travail Humain, 2.

RABARDEL P., RAK I., VERILLON P. et al (1988). Machines outils à

commande numérique : approches didactiques. Collection Rapports

de Recherche n°3. Paris : INRP.

SPENCER J. (1965). Experiments on engineering drawing comprehension. Ergonomics, 8, 93-110.

VÉRILLON P. & RABARDEL P. (1993). De l’analyse des compétences à l’élaboration des contenus : contribution de la psychologie et de la sémiologie à la conception en ingénierie didactique. In A. Bessot & P. Vérillon (Éds.), Espaces graphiques et graphismes d’espaces. Grenoble : La Pensée Sauvage.

WEILL-FASSINA A. (1973). Lecture du dessin industriel, perspectives d’étude. Le Travail Humain, 36, 1.

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C

ONSTRUCTION DE FAITS EN DIDACTIQUE DE LA BIOLOGIE

Maryline Coquidé

Les didacticiens veulent exercer une responsabilité vis-à-vis des contenus de leur discipline. Ils ont pris le parti d’avoir pour entrée un questionnement et une analyse plus centrés sur les savoirs en jeu et leurs apprentissages. La didactique, c’est « payer le prix du détail » selon l’expression de Gérard Vergnaud. Tout en argumentant, et en tentant de mettre en acte, la nécessité de problématiser, de construire leurs objets d’étude, et l’indispensable vigilance vis-à-vis des validations, ils peuvent développer plusieurs postures de chercheurs : posture « chercheur-formateur », posture « chercheur style didactique », posture « chercheur style sciences de l’éducation », posture « chercheur style sciences humaines et sociales », posture « chercheur-innovateur »… (Coquidé & Martinand, à paraître). Pour Jean-Louis Martinand (1996 b), deux orientations divisent les chercheurs : « une visée de scientificité, par une

accumulation de connaissances objectives sur les processus, ou une visée « technologique » de renouvellement et d’efficacité des pratiques par mise en évidence des conditions de mise en œuvre de décisions ». Il nous

semble, par ailleurs, que la recherche en didactique développe plusieurs orientations, utilitariste, ou bien critique et prospective, ce qui peut recouvrir une tension interne donnant lieu à des débats (Coquidé & Vander Borght, à paraître).

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Pour que les débats soient constructifs, il paraît important de s’interroger sur ce que les recherches peuvent établir. La didactique faisant partie des sciences humaines, la question de la construction de «fait» s’opère d’une autre façon qu’en sciences expérimentales. En sciences expérimentales, on construit des faits, par un certain découpage du monde et un ensemble de théories, et en s’appuyant sur une instrumentation et des méthodologies appropriées à des problématiques spécifiques ; faits dont la scientificité est validée par des confrontations multiples, empiriques et sociales. Un « fait », participe passé du verbe faire, indique bien la relation au sujet. Il n’y a pas de fait hors de toute grille de lecture d’un sujet. Cependant, alors qu’en anglais, on a recours à plusieurs termes (« fact », « deed », « event », « reality », « matter », « case »…), la polysémie du mot « fait » (qui peut renvoyer aux événements, à ce qui est construit, aux phénomènes…) peut contribuer à entretenir un flou épistémologique. Le terme de « fait », en langue française, peut renvoyer à deux réseaux sémantiques : le substantif suggère un «donné» empirico-sensualiste, alors que le participe passé du verbe faire évoque un «construit», le résultat de l’action d’un sujet.

En sciences humaines, toute problématique affronte de plus, à un moment ou à un autre, la question du « sujet » qui peut être devenu « objet » d’une investigation, la question de la pleine reconnaissance de la volonté, de la liberté et de la conscience d’un sujet qui ne peut donc jamais se réduire à un objet d’étude. La scientificité en sciences humaines ne peut se poser en termes exactement identiques, dans les critères de réfutation et de validation, qu’en sciences expérimentales. Deux écueils sont à éviter : d’un côté l’application stricte d’un modèle de rationalité provenant des « sciences dures », de l’autre une négation de toute recherche de rationalité et d’objectivation et un rabattement vers une unique subjectivité qui dénie toute construction scientifique.

Les sciences humaines ont souvent adapté des méthodologies «indirectes» dans le recueil, le traitement et l’interprétation de données. Ces méthodologies, et la mise en place de multiples gardes fous (recours aux statistiques, à l’interprétation croisée…), visent à diminuer au maximum la part de subjectivité des chercheurs. Très souvent, les recherches didactiques ont importé des méthodologies provenant d’autres champs de sciences humaines (psychologie, sociologie, histoire…), et s’appuient fortement sur des validations externes. Aussi, plutôt que de parler de « fait » (qui renvoie fortement à une construction de sciences expérimentales), je tenterai de montrer, dans ce texte, que le terme de « résultat », utilisé par Samuel Johsua (1996), me semble plus adapté.

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JOHSUA argumente qu’un « résultat » en didactique constitue un «bloc qui comprend des analyses données empiriques saisies dans un cadre théorique explicatif», bloc doté éventuellement d’une certaine stabilité

dans des contextes semblables. Un « résultat » est construit dans un cadre théorique (qui peut changer, le «bloc», selon les termes de Johsua, apparaît donc provisoire), et il correspond à une objectivation partielle du domaine.

En outre, Johsua, reprenant peut-être le cadre d’analyse de sciences expérimentales, tel celui développé par Hacking (1989), considère la maîtrise des conditions d’apparition des «phénomènes» didactiques. La désignation de «phénomène», pour la didactique, me gène beaucoup, par les idées de contrôle et de recherche de causalité qu’elle peut sous-entendre (en prenant comme référence la physique, par exemple). Par ailleurs, il envisage un « résulta » dans l’acception d’une réponse à une question, et non dans la manière de poser la question : acception que je ne reprendrai pas, puisque, selon mon point de vue, les finalités de la recherche et la manière de poser une question en didactique semblent fondamentales (Coquidé & Vander Borght, ibid.).

J’ai compris le questionnement, qui a orienté la constitution de ce séminaire, comme une interrogation sur les recherches didactiques, sur les pratiques de chercheurs en didactique, et sur leurs méthodologies. Je l’ai compris, surtout, comme une volonté de réfléchir sur les instruments qui accompagnent une recherche didactique. Je ne placerai pas le «résultat» dans une perspective de recherche de « vérité » mais dans celle « d’approche construite de la réalité », de recherche d’objectivation dans la description et l’interprétation des situations didactiques. Construit-on des « événements » ou des « résultats » didactiques ? Supprime-t-on la contextualisation et l’historicité de l’événement quand on passe à « résultat » ? Quelles sont les procédures de validation utilisées ? Voilà quelques-unes des interrogations qui ont orienté ma réflexion.

J’ai tenté d’avancer, modestement, dans cette réflexion en la limitant à une analyse critique de mes propres pratiques de recherche, et avec trois perspectives :

• à travers l’identification d’obstacles à l’élaboration d’un savoir biologique (en m’attachant à l’exemple des obstacles concernant l’origine des êtres vivants) ;

• à travers les tentatives d’objectivation de pratiques expérimentales dans l’enseignement de la biologie (recherche en cours I.U.F.M./INRP) ;

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• à travers l’analyse d’innovations contrôlées (recherche en cours d’une approche de la complexité du vivant à l’école élémentaire). L’implication est toujours difficile, mais elle ne doit pas nuire à une prise de recul et une analyse critique constructive !

Je terminerai l’exposé par quelques questions ouvertes, suscitées par ces analyses, et qu’il me semble intéressant de soumettre au débat dans la communauté de didacticiens.

1. IDENTIFICATION D’OBSTACLES À L’ÉLABORATION DE SAVOIRS BIOLOGIQUES

On peut décrire des erreurs d’élèves par rapport à des questionnements. Le recueil et l’analyse des systèmes explicatifs spontanés des apprenants (ou conceptions initiales) a représenté un large champ d’étude en didactique de la biologie. Plus que de constater une distance entre ce que les apprenants mobilisent dans une situation précise et les connaissances scientifiques qu’ils sont censés maîtriser, ces études ont pour but d’analyser les obstacles éventuels aux apprentissages.

Je prends l’exemple du problème de l’origine des micro-organismes, bien repris dans le DEA de Jean-Marc Lange (1994), et dans lequel il essayait de connaître les conceptions d’étudiants quant à l’origine des moisissures du pain. Il y a là une possibilité de décrire, éventuellement même de quantifier, des types d’erreurs. Est-ce que cela représente un «fait» ?

On peut l’analyser en tant que fait descriptif, résultat d’une enquête de recueil d’erreurs, et des écarts par rapport à des réponses attendues. Dans un cadre interprétatif, on a beaucoup de difficultés, sur le plan de la validation, pour repérer cela comme un invariant. Dès lors qu’on essaye de l’interpréter, le didacticien mobilise, et fait interagir, plusieurs «grilles de lecture», outils d’aide à l’interprétation.

Avec l’hypothèse que les obstacles rencontrés dans l’appropriation d’un savoir biologique peuvent être rapprochés (en partie et avec de multiples précautions), de ceux qui sont rencontrés dans la construction d’un nouveau savoir (obstacle épistémologique), il est possible de mobiliser des «grilles de lecture» provenant de travaux historiques et épistémologiques.

1.1.  Grille de lecture historique

Dans la controverse entre Pasteur et Pouchet concernant l’origine des micro-organismes, nous sommes confrontés à la construction de «faits historiques». La perspective est d’essayer de reconstruire une historicité,

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des chronologies, des événements, et de valider ces constructions à travers l’authentification et la confrontation de multiples sources historiques. Cette grille historique peut évoluer, se préciser, ou être remise profondément en cause, soit parce que les grilles théoriques d’interprétation des documents changent, soit par la mise en doute de l’authenticité des documents, soit par la découverte de nouveaux documents.

1.2.  Grille de lecture épistémologique

Si on essaye de retrouver les obstacles internes à l’élaboration de savoirs et la compréhension des origines des êtres vivants, on se heurte à la «psychologie des erreurs» et aux obstacles épistémologiques. S’il n’y a jamais de «fait épistémologique», c’est néanmoins une véritable «méthode» d’analyse que préconise Bachelard pour analyser les obstacles, associée à une stratégie de constante « prise de risque ». Il développe, en effet, un quadruple questionnement : repérer l’origine des obstacles, leurs mécanismes et leurs effets, présenter en même temps des illustrations concrètes (Fabre, 1995).

Prenons le cas Pouchet, contradicteur de Pasteur dans le débat sur l’origine des micro-organismes. Dans le cadre de ma thèse, j’avais essayé de démontrer qu’il y avait un obstacle épistémologique très fort qui était le vitalisme (Cantor, 1993). « Le principe vital qui régit un être organisé

ne peut ni s’allonger, ni se couper par morceaux, qu’on me pardonne cette grossière métaphore ; et que par conséquent, il n’est ni expansion de la mère, ni un de ses fragments», écrit Pouchet et, «si on rejette la formation spontanée des germes, force est d’admettre leur éternité ».

1.3.  Grille de lecture psychanalytique

Sur une question, telle celle qui concerne les origines, une grille de lecture psychanalytique peut aider à envisager des obstacles d’autre nature. Ne peut-il exister un certain refus de filiation dans la volonté de ne pas faire intervenir de reproduction sexuée dans l’origine des micro-organismes ?

À l’article « Vie » de l’Encyclopédia Universalis (1975), Georges Canguilhem remarque cette constante survalorisation de la vie chez les partisans de l’hétérogénie (théorie considérant la possibilité de formation de micro-organismes sans parents). Une autre résistance est, peut-être, à rechercher dans l’inconscient. Avant d’entreprendre les recherches sur l’origine des micro-organismes, Pouchet avait travaillé sur l’ovulation

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peu à peu vers une théorie de formation spontanée d’ovule. Théorie de formation spontanée d’ovule et théorie de l’hétérogénie peuvent révéler un désir de génération spontanée, fantasme originaire d’un inconscient traumatisée par la naissance, comme le suggère Canguilhem ?

«Dans l’aversion pour la naissance et la genèse qui ne sont, à la

rigueur, que suite et descendance, il faut apercevoir un effet du prestige de l’originel, du primordial. Si le vivant doit naître et s’il ne peut naître que du vivant, la vie est une servitude. Mais, si le vivant peut être promu parfait par une ascension sans ascendance, la vie est une domination.»

(Canguilhem, 1975) L’article consacré à Alan Turing, dans un numéro récent de la revue La Recherche, envisage également une telle possibilité (Lassègue, 1998). Turing, mathématicien anglais qui a travaillé sur les problèmes de modélisation de la morphogenèse et sur l’intelligence artificielle, a beaucoup souffert de son homosexualité puisqu’on l’a astreint à subir une castration chimique. L’article relate qu’un de ses fantasmes forts était de refuser toute origine sexuée à la vie. Comme le souligne Guy Rumelhard, la méthode psychanalytique est cependant à l’inverse de l’objectivité (qui implique un accord collectif), puisqu’un « fait », tel un lapsus, une erreur, n’a de sens que pour un individu donné, dans un certain contexte, à un moment précis de son histoire.

Puisque nous nous interrogeons sur le « fait » didactique, je relève que peut également se poser le problème de l’artefact, en particulier dans toutes les études qui concernent les conceptions. En didactique de la biologie, il y a une tradition de recueil et d’analyse de représentations initiales mais il est nécessaire de rester vigilant à ce que les « conceptions » recueillies ne soient pas des artefacts, dus à la situation de recueil de données.

On pointe là des obstacles de nature épistémologique et psychologique, mais il y en a d’autres… Il ne peut y avoir de validation, au sens strict, des différentes grilles de lecture sollicitées pour identifier ces obstacles. À travers ces cadres théoriques, en particulier épistémologiques, on ne construit pas des «faits», mais des études de cas et des «outils» pour développer la vigilance et pour aider à penser et à problématiser. Les différentes grilles de lecture peuvent contribuer à analyser et identifier des obstacles éventuels, et aider à penser les apprentissages (« objectif-obstacle »). On cherche ainsi à identifier l’expression d’obstacles possibles dans une situation d’apprentissage, à déceler des « invariants »,

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au sens où Maurice Godelier l’emploie pour les sciences de l’Homme, c’est-à-dire des « combinaisons beaucoup plus stables que d’autres de

rapports et d’éléments ».

2. TENTATIVES D’OBJECTIVATION DE PRATIQUES EXPÉRIMENTALES DANS L’ENSEIGNEMENT

Nous souhaitions participer à une appréciation objective des pratiques expérimentales dans l’enseignement de la biologie, contribuer à l’élaboration d’un « état des lieux », et mieux connaître le curriculum réel. Que se passe-t-il dans les classes ? Quelle est la part effective consacrée aux activités expérimentales ? Sous quelle forme ?

2.1.  Des enquêtes contrastées

Les approches plus «sociologiques», de type enquête par questionnaire puis traitement statistique, peuvent être utiles, mais elles ne donnent que certains types d’informations (par exemple, le questionnaire relatif aux « souvenirs » des activités expérimentales dans la scolarité de biologie, proposé à 200 stagiaires PE des I.U.F.M. de Rouen et de Chartres). Les observations «directes» sont difficiles (pour des raisons pratiques et déontologiques), l’équipe de chercheurs a donc réalisé deux approches « indirectes » mais en rapport avec un contexte précis :

• une enquête par entretiens de 7 professeurs enseignant en option sciences expérimentales de 1re S, sollicités pour des raisons sociologiques très contrastées (ancienneté, lieu d’exercice, relation ou non avec la formation…) (Coquidé, Lange, Martinet et Victor) ; • une étude locale, au niveau d’un établissement scolaire, avec

l’analyse des cahiers de laboratoire d’une année scolaire d’un lycée, documents sur lesquels est demandé le matériel pour le travail de groupe des élèves lors des TP (Salviat).

Dans le premier cas, il faut construire le corpus (entretiens semi-directifs). Dans le deuxième cas, le corpus existe (les cahiers de laboratoire) mais il est nécessaire de bâtir une grille d’analyse.

2.2.  Analyse de cahiers de laboratoire

L’analyse des cahiers de laboratoire (complétée par une explicitation des professeurs qui avaient écrit les demandes) peut avoir une valeur heuristique et questionner sur «une culture d’établissement» (avec des hypothèses diverses : équipement du laboratoire, histoire de l’établissement et de l’équipe d’enseignants…). Elle illustre la part

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compte qu’en SVT, dans l’établissement étudié, c’est bien plus les contenus de programme, que les particularités individuelles des professeurs qui influencent la quantité de pratique expérimentale dans la classe de biologie.

2.3.  Entretiens d’enseignants

L’enquête menée sous forme d’entretiens semi-directifs, avait pour objectif de recueillir l’opinion des professeurs de SVT sur l’option Sciences Expérimentales, en relation avec un contexte expérienciel. Il ne s’agissait pas seulement de connaître les pratiques expérimentales des élèves mais de «faire parler les enseignants» sur celles-ci. À partir de la transcription des entretiens, une analyse thématique a été réalisée (organisation pédagogique, démarche, caractéristiques des pratiques expérimentales, appréciations de l’option…).

Dans un premier temps, l’analyse du discours a permis de rendre compte de ce que les enseignants disaient des contraintes de l’option et de valider les perspectives.

Dans un second temps, les difficultés énoncées par certains professeurs ont conduit à un questionnement plus interprétatif. On a cherché à comprendre les logiques à l’œuvre dans cette option et l’on a émis l’hypothèse qu’il pouvait y avoir des décalages, ou des incohérences, entre les enjeux de l’option, les finalités poursuivies par l’enseignant et le contrôle pédagogique mis en place. En utilisant le cadre théorique des recherches sur la démarche de la modélisation (Martinand 1996), nous avons été amenés à mettre en perspective différentes pratiques expérimentales avec différents registres : constituer un référent empirique, bâtir la matrice cognitive, envisager l’investigation scientifique (recherche problématisée), construire et élaborer des concepts et des modèles. Selon la priorité d’entrée des pratiques expérimentales, le contrôle pédagogique diffère, ce qui conduit à distinguer trois modes didactiques d’activités expérimentales que nous avons qualifiées de mode

de familiarisation pratique, mode d’investigation empirique et mode d’élaboration théorique (Coquidé, 1998).

Cette grille de lecture selon les modes didactiques a été utilisée pour analyser le discours des professeurs interrogés. Cette analyse montre que si trois enseignants développent une logique et un contrôle pédagogique cohérents avec un registre, quatre autres témoignent de décalages (avec des juxtapositions ou des amalgames de registres, au lieu d’une coordination dans le temps).

(26)

2.4.  Pour débattre

En conclusion de cette partie, je voulais souligner deux points.

Le premier concerne le passage du « descriptif » à « l’interprétatif ». La difficulté dans le descriptif, c’est de rendre compte, de décrire et non pas de réduire. Mais comme on sélectionne ce qui doit être décrit selon une grille de lecture ou un questionnement, il est nécessaire d’être attentif à la part « d’intuition » possible dans cette sélection et aux interprétations « non contrôlées ».

Le deuxième concerne les grilles d’analyse. Une grille d’analyse en sciences humaines n’est jamais neutre, le chercheur est toujours impliqué, avec un risque anxiogène. Georges Devereux (1980) rappelle le caractère indispensable, bien que réducteur d’une méthodologie, à condition que celle-ci soit utilisée en toute connaissance de cause.

« On pourrait croire que le meilleur «observateur» est une machine, et que l’observateur humain doit tendre à une sorte d’invisibilité, qui -si elle était possible- éliminerait l’observateur de la situation d’observation. (…) Il est légitime que le savant ayant affaire à un matériau anxiogène cherche les moyens de réduire suffisamment son angoisse pour accomplir efficacement son travail, et il se trouve que le moyen le plus efficace et le plus durable pour effectuer une telle réduction est une bonne méthodologie. L’important n’est pas de savoir si l’on utilise une méthodologie aussi comme moyen de réduire l’angoisse, mais aussi de savoir si on le fait en connaissance de cause, de manière sublimatoire ou, de façon inconsciente, seulement de manière défensive. (…) (Ce problème) n’exige pas de manœuvres défensives, mais un contrôle et une exploitation conscients et rationnels. (…) L’avantage (est alors) de réintroduire dans la situation expérimentale l’observateur tel qu’il est réellement, non pas en tant que source de fâcheuses perturbations, mais en tant que source importante, et même indispensable, de données nouvelleS ». (Devereux, 1980).

Tout en prenant le maximum de précautions possibles, en s’appuyant sur des références épistémologiques, en étant vigilant aux idéologies clandestines, volontairement masquées, ou aux conformismes latents, il est difficile d’affirmer qu’une grille d’analyse soit objective, même si elle résulte d’une tentative rationnelle de construction. Ces tentatives d’objectivation, avec toutes les précautions de construction développées ci-dessus, sont néanmoins indispensables dans les recherches en

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des «résultats d’enquête». Remarquons également que ces recherches peuvent procurer des outils pour la formation d’enseignants, en contribuant à objectiver des séquences, et en facilitant des échanges précis entre stagiaires et formateurs.

3. ANALYSE D’INNOVATIONS CONTROLEES

La perspective que nous avons eue était d’aborder la complexité du vivant à l’école élémentaire, dans deux classes de cycle 2, à travers un problème commun qui était la reconstitution de la forêt dans un terrarium. Deux problèmes méthodologiques se posaient :

1) problème en relation avec l’intervention du chercheur dans l’action, 2) problème dû à la construction, au fur et à mesure, de l’objet d’étude,

puisque la situation évolue au cours des 8 séances. 3.1.  Perspectives de l’étude

Nos questions a priori étaient celles d’une approche des possibles, c’est-à-dire une recherche pragmatique, mais dans deux classes différentes, avec des possibilités de comparaison, pour pouvoir introduire, puis interpréter des divergences par rapport à une situation identique au départ. Des divergences, il y en a effectivement eu : dans une classe, les élèves ont de suite reconstituer un « milieu » (variété des espèces animales et végétales introduites, complexité d’organisation spatiale, évolution vers un « équilibre ») dans le terrarium, alors que, dans l’autre classe, ils n’ont pas réussi. La recherche de l’interprétation de ces différences (grille de lecture a posteriori) a conduit à envisager d’une part l’existence d’un référent empirique diffèrent, d’autre part des différences dans les démarches pédagogiques des deux enseignants.

3.2.  Construction d’un «résultat»

Les visionnements de séances, puis leurs décryptages, ont permis de repérer ce que les élèves faisaient ou disaient : comportements ou expressions qui pouvaient indiquer un référent empirique. Des échanges avec les enseignants ont précisé ce que les élèves avaient eu comme situations de classe précédemment. On a pu construire non un «fait», mais un résultat dans le sens que les référents empiriques étaient différents et qu’ils engendraient des façons d’agir différentes, dans le prélèvement de la flore et dans les replantations notamment. La construction de ce «résultat» se fait par accord des chercheurs et des enseignants avec qui l’on a travaillé.

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À partir des chroniques de séances et des enregistrements, on a essayé d’interpréter les démarches suivies par chaque enseignant. On a pu les caractériser comme étant :

• plutôt naturaliste pour l’un (c’est-à-dire une démarche développant un souci de la spécificité, et s’appuyant sur le repérage de caractéristiques, la recherche de singularité) ;

• plutôt analytique pour l’autre (avec une démarche visant une approche des facteurs écologiques et physico-chimiques, une approche expérimentale de l’effet de la température et une observation de l’effet de serre) et une importance constante donnée à la pensée comparative (comparer les terrariums, comparer les expériences…).

3.3.  Différents paradigmes de recherches

Jean-Pierre Astolfi (1993), sans prétendre à l’exhaustivité, proposait trois paradigmes pour les recherches en didactique :

• pragmatique (recherche sur les possibles),

• herméneutique (recherche organisée autour de l’interprétation, de la recherche de sens),

• nomothétique (recherche organisée autour de la preuve).

Ce travail d’analyse d’innovations contrôlées, qui articule « pragmatique » et « herméneutique », vise à une recherche de sens. L’interprétation, dans l’acceptation de Paul Ricoeur, tend à une restauration du sens, d’une signification, mais elle met en œuvre « l’exercice du soupçon », la réduction des illusions, afin de se prémunir du risque d’interprétation abusive. Cet «exercice du soupçon», dans notre étude est mobilisé par l’intervention et la critique des différents protagonistes. Si « résultats » il y a, ce sont des résultats construits, par accord de la grille théorique appliquée, et par l’équipe de chercheurs et de novateurs.

Rappelons que, même dans les sciences expérimentales, un « fait » ne se construit pas uniquement par tests expérimentaux, mais également par des méthodes de recueil systématique de données, de descriptions analytiques, de comparaisons et de confrontations à une communauté de chercheurs. Bachelard (1949) emploie la jolie expression des «travailleurs de la preuve» et Hacking (1989), en se référant à Pierce, met en avant l’importance de « l’accord d’analyse » des chercheurs dans la construction d’un fait.

(29)

4.  QUESTIONS OUVERTES

Je terminerai cet exposé par quatre questions ouvertes :

A. l’importance du questionnement dans la construction d’un « résultat » ;

B. les relations entre finalités des recherches didactiques et problématiques développées ;

C. les relations entre « résultat » et « événement » ; D. la validation des « résultats ».

Je m’appuierai, tout d’abord, sur un extrait du texte «l’observation des

faits didactiques» de Jean-Marie De Ketele (1991).

« Quoi de plus banal en apparence que le concept de fait ! Qu’est-ce qu’un fait ? Qu’est-ce qu’un fait didactique ? Un élève se gratte le nez. Peut-être est-ce le produit d’une démangeaison ? Ou, au contraire, un signe de perplexité ? (...) Le fait se restreint-il au comportement observé (l’élève x s’est gratté le nez), ou doit-il inclure la fonction ou l’intention (faire disparaître la démangeaison, ou traduire un état de perplexité) ? (...) Peut-on parler de fait didactique ? Dans le premier cas (la démangeaison), il semble que non, car le comportement semble sans lien avec la didactique. Dans le second cas (la perplexité), le comportement observé ne doit-il pas être accompagné d’une description du contexte pour devenir un fait didactique ? (par exemple : si dans une séquence de LOGO, l’élève se gratte le nez au moment où l’écran envoie une réponse différente de celle qu’il avait anticipée) » (De Ketele, 1991).

A.

Ce texte illustre le rapport au contexte mais, ce qui m’interpelle, c’est l’importance du questionnement préalable. Il y a un point, que n’aborde pas Jean-Marie De Ketele, c’est qu’il n’y a pas de fait didactique, même s’il y a une mise en évidence d’invariants et une volonté de transfert, sans relation avec la problématique, souvent évolutive, qui l’a accompagné dans sa construction. La nécessité d’un cadre théorique paraît, en fait plus exigeante, que ce que De Ketele en écrit. Si un « fait didactique » est susceptible d’être construit, il ne peut être produit que dans une interrogation didactique, spécifique. Par exemple, « qu’est-ce qui se passe dans telle situation d’apprentissage ? », « qu’est-ce qui est possible ? », « dans quel sens serait-il possible d’agir ? ». On essaye, à partir de toutes ces questions d’inventer une méthodologie, la plus pertinente possible, et sans se leurrer sur les limites de celle-ci, de façon à recueillir, «le plus rationnellement possible», le maximum d’informations opérationnelles.

(30)

B.

Le deuxième point concerne les problèmes abordés eux-mêmes. Sans doute, les objets d’étude et les questions que l’on se pose, ne sont pas les mêmes à l’intérieur des didactiques. Je ne parle pas simplement des didactiques de différentes disciplines, mais, à l’intérieur d’une même didactique de discipline, il y a diverses façons de poser les questions, et une didactique plurielle. Cela dépend fortement des finalités incombées à la didactique : est-elle polémique, critique par rapport à des situations d’enseignement ? est-elle interventionniste, technicienne ? est-elle plutôt proche de l’ingénierie didactique ? Les questions posées sont-elles uniquement sur les savoirs ou prennent-elles en compte fortement les contraintes ou les besoins du système éducatif ? Ces différentes interrogations dépendent, entre autres, des fonctions, des origines et des postures des chercheurs. Les problématiques s’articulent, en fait, avec des finalités d’enseignement et finalités de recherche, explicites ou implicites, et qui peuvent être très différentes (Coquidé-Cantor et Vander Borght,

ibid.). Les «résultats» seront en relation avec la problématique qui a initié

l’investigation, elle-même dépendante des finalités attribuées à l’enseignement d’une part, à la recherche didactique d’autre part. Il apparaît donc indispensable que ces finalités ne restent pas implicites.

C .

Le troisième point se rapporte aux relations entre « résultat » et « événement ». Dans « résultat », il y a une volonté d’un rapport « anhistorique ». Considère-t-on que l’on a construit un « résultat », quelle que soit l’histoire ? Lorsque l’on analyse des situations d’apprentissage, il y a l’histoire du système éducatif, l’histoire de la situation de classe, l’histoire des élèves eux-mêmes, et l’on doit conserver cette question de l’historicité de ce que l’on recueille, en termes de vigilance et de garde-fous.

D.

Chevallard (1998) distingue l’opinion de l’assertion par une nette rupture, relative à l’interrogation sur la vérité de l’énoncé. Pour éprouver une assertion, il propose de différencier trois niveaux de mise à l’épreuve :

• celui de l’expérience vécue, • celui de l’approche clinique, • et celui de l’expérimentation.

Loin de ne représenter qu’une opinion, l’expérience vécue du chercheur peut constituer une source d’assertion, à condition que celui-ci s’engage « dans un processus continué de mise à l’épreuve, qui est en même temps

(31)

d’appui pour sortir de l’empire de l’opinion ». La clinique (prise dans un

sens très large par Chevallard), en se focalisant sur tel épisode didactique de tel type d’institution, et en observant « la vie spontanée des systèmes

auxquels se réfère l’assertion à éprouver », autorise l’accès à une réalité

vécue qui n’est pas la nôtre. Elle permet ainsi de passer à un niveau supérieur d’objectivation. L’expérimentation didactique, en perturbant de manière contrôlée les systèmes, offre une mise à l’épreuve de l’assertion. L’expérimentation en éducation est possible, analyse de son côté Johsua (1998) ; son champ, tout en respectant d’indispensables contraintes, reste cependant limité.

Dans la clinique, il convient cependant de distinguer l’approche descriptive et l’approche explicative. Par exemple, dans le cas des conceptions initiales, si fréquemment étudiées en didactique de la biologie, on peut objectiver un comportement observable ou une production, organiser un recueil de données. Des résultats pourront être construits, et il est possible de recueillir des données analogues dans différentes situations, qui pourront être comparées (par exemple, dans la thèse de Da Silva Carneiro (1992), ou lors de réalisation de pré-tests et de post-tests). Le sens à attribuer à ces erreurs ou à ces écarts, l’interprétation de ces résultats, et en particulier en termes d’obstacles, ne pourront pas être soumis à une mise à l’épreuve. Faut-il, pour autant, renoncer à essayer de comprendre ? N’y a-t-il pas ici des enjeux éducatifs ? «N’y a-t-il pas mieux à faire que de vouloir prouver ?» interroge Develay (1998), argumentant que « faire la preuve, viser

l’efficacité, tout en cherchant le vrai », ne représentent pas forcément des

enjeux inconciliables pour les recherches en éducation. La compréhension, en effet, ne relève pas d’un comportement mais de l’appropriation d’une signification.

5.  POUR POURSUIVRE

En sciences expérimentales, un «fait» se construit dans une relation questionnement-méthode, dans une interaction théorie-pratique et dans une interaction sociale. Le travail des chercheurs oscille souvent entre des périodes d’accumulation d’observation, ou de recherches purement descriptives et classificatoires, et des périodes où ils forgent des concepts ou testent des hypothèses. La didactique, science humaine et qui s’interroge sur des phénomènes d’enseignement qui ont d’importants composants stochastiques, doit faire intervenir fortement la confrontation sociale pour valider, accumuler et coordonner ses « résultats ». Les «résultats» en didactique doivent tendre à l’objectivation et à la

(32)

validation, certes, mais on constate que peu de travaux sont réellement repris et «discutés» par la communauté de chercheurs. Dans son analyse, Johsua argumente de l’importance de la recherche d’une stabilité dans la construction d’un « résultat ». Celui-ci ne peut pas être jugé seulement pour lui-même, mais en ce qu’il est un support à la production d’autres «résultats», et plus généralement en ce qu’il apporte une pierre à l’édifice que constitue la didactique des mathématiques. Comme le remarque Claudine Larcher, le tutorat du DEA actuel, avec sa posture éventuelle de « réplication de recherche », recouvre trois possibilités :

• interroger les résultats par une autre méthodologie,

• interroger les résultats, mais avec un autre cadre théorique, • tester si la même méthodologie conduit aux mêmes résultats.

Cela correspond à trois types de validation renvoyant à des domaines différents :

• en termes de reproductibilité,

• en termes d’interprétation de la construction du résultat, • en termes d’objectivité.

Il m’apparaît important de développer le débat dans la communauté de didacticiens et de favoriser les confrontations, non pour obtenir un « consensus mou »mais pour susciter une analyse critique constructive et pour aider à construire et mettre à l’épreuve des « résultats ».

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(35)

L

A PRODUCTIONDES FAITSEN

DIDACTIQUE DES MATHÉMATIQUES

Claire Margolinas

Dans ce séminaire, je chercherai à répondre à la commande de traiter brièvement de la production des faits en didactique des mathématiques. Je commencerai par placer la question d’un point de vue très général en plaçant la didactique des mathématiques comme champ scientifique et les faits comme interfaces entre plans scientifique et pratique. Je restreindrai ensuite l’exposé à l’analyse des situations de classes ordinaires, en montrant rapidement les outils principaux de cette analyse : théorie des situations, et en particulier structuration du milieu. Je montrerai alors sur un exemple comment ces analyses fonctionnent, et je conclurai sur les faits et les phénomènes que j’aurai pu mettre ainsi en évidence.

1. LADIDACTIQUE DESMATHÉMATIQUESCOMME CHAMP SCIENTIFIQUE

Dans un séminaire transdisciplinaire, il me semble nécessaire de commencer par situer la didactique des mathématiques, par une tentative de définition :

« La didactique des mathématiques se place ainsi dans le cadre

des sciences cognitives comme la science des conditions spécifiques de la diffusion des connaissances mathématiques utiles au fonctionnement des institutions humaines. » (p. 52)

Figure

Figure 1 : situation de référence Figure 2 : situation didactique
Fig. 1 : Un itinéraire de reconstruction d’un enseignement scolaire
Figure 2 : Chemin de la construction des faits
Figure 1 : Deux plans de construction des faits 2.  L ES ETAPES DE LA CONSTRUCTION DES FAITS
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