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Joël Lebeaume

2.   DÉCISIONS 2.1 un itinéraire

L’itinéraire suivi ayant conduit à une reconstruction des enseignements scolaires peut être schématisé selon la figure ci-dessous. Mais ce n’est qu’un schéma très réducteur, masquant surtout la dynamique des actions, leurs interactions et leurs interdépendances, tout autant que les hésitations, les faux pas ou les égarements.

Fig. 1 : Un itinéraire de reconstruction d’un enseignement scolaire

Ce schéma pourrait aussi laisser croire que ces recherches ne sont que des exercices d’application d’un modèle de recherche académique, en particulier avec un cadre théorique pré-établi et disponible. Mais ce serait

alors nier à la fois les apports de ces travaux qui participent à son élaboration et leur contribution à la didactique de l’éducation technologique.

Néanmoins, ce schéma souhaite d’abord montrer la construction de l’objet de recherche en distinguant d’une part la discipline de ses traces et d’autre part les traces des sources. Cette distinction emprunte la différence proposée par J. Parain-Vial (1966) entre faits premiers et faits seconds. L’ambition du didacticien travaillant l’histoire de la discipline est en effet de rendre intelligible cette réalité qui lui est inaccessible et qu’il ne peut appréhender que par les traces qui en sont des manifestations. Mais les traces d’une discipline sont multiples et hétérogènes, des débats parlementaires jusqu’aux cahiers d’élèves. Leur choix, c’est à dire le recueil sélectif des manifestations de la discipline, dépend solidairement de la question de recherche. Il implique alors tri et rangement parmi ces traces qui deviennent les sources de l’enquête. Ce schéma montre aussi que les faits premiers (traces et sources) analysés et interprétés ne sont susceptibles de révéler le fait second (la discipline) que selon la problématisation définie. La discipline apparaît alors comme un objet singulier, didactifié.

L’itinéraire impose donc des décisions dont il convient de clarifier les enjeux pour la recherche. Trois décisions principales sont à justifier en particulier pour la délimitation des objets. Elles portent sur les durées, les enseignements et les niveaux scolaires.

2.2.  le choix des durées

Les histoires de la technologie, du travail manuel à l’école maternelle et primaire sont construites sur la totalité de leur existence. L’intérêt de travailler sur une telle durée ne répond pas à l’ambition illusoire de retracer une histoire complète mais de disposer d’un temps suffisamment long pour repérer des permanences. En effet, si l’examen du travail manuel avait été limité à la période 1882-1923, il aurait certes permis d’identifier les « méthodes des objets usuels » et celle des « éléments géométriques » mais il n’aurait conduit qu’à repérer un seul changement, éventuellement interprété en termes de processus de conformation scolaire. En revanche son exploration pendant sa présence séculaire a permis d’une part de découvrir d’autres « méthodes » pouvant alors être rassemblées en « méthodes syllabiques » et « méthodes globales », et d’autre part de repérer l’alternance de ces configurations scolaires du travail manuel. Le choix des durées intervient ainsi directement sur la

« taille de l’échantillon » permettant de fonder plus solidement l’interprétation proposée des changements constatés.

2.3.  des enseignements

La seconde décision relative à la délimitation des objets de recherche concerne le choix des « matières ». L’histoire du travail manuel à l’école élémentaire pose en effet la question de la pertinence du choix de cet enseignement en tant que discipline, alors que ce segment scolaire se caractérise par une indifférenciation disciplinaire. Deux réponses sont proposées. La première est qu’à l’école, dans les emplois du temps, dans la littérature professionnelle… et plus généralement dans le milieu scolaire, il existe un enseignement ainsi identifié. La seconde porte sur l’intérêt de l’étude d’un tel objet. Elle permet en effet de percevoir ses frontières et leur étanchéité et de saisir des modalités d’existence différentes. Mais une telle étude n’est possible qu’à la condition d’être centrée sur un enseignement sans occulter son environnement scolaire. 2.4.  des niveaux scolaires

L’objet de recherche est également délimité par le choix du niveau scolaire, la « scène » des enseignements. Les trois histoires reconstruites s’intéressent ainsi respectivement à l’un des trois premiers segments de l’école. Or le choix d’un segment, d’un cycle ou d’un cours, fixe la discipline dans un état particulier et ne permet de répondre qu’aux questions qu’il intègre. Afin d’éviter un examen restrictif, la reconstruction du passé du travail manuel centrée sur le cours moyen a alors nécessité l’examen des classes inférieures et supérieures afin de saisir les principes de progressivité, par exemple celui établi sur les matériaux en fils, puis en feuilles, enfin en volumes. L’étude plus fine à l’échelle d’un cours ou d’une année scolaire permet d’identifier les principes de progressivité dans la répartition annuelle des activités comme celui des points de couture d’abord simples puis composés. Le choix d’une « scène » réduite n’offre pas la possibilité de percevoir cette complexité longitudinale et transversale de l’organisation des enseignements. En revanche le choix d’une « scène » plus vaste met en évidence cette progressivité diachronique et synchronique dont les principes peuvent être supposés en relation avec les différentes modalités constatées pour élémenter des enseignements.

Ces trois décisions sur la délimitation des objets de recherche renvoient fondamentalement à la question majeure qui guide l’investigation didactique sur l’histoire de la discipline.

3.  ARGUMENTATION