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Salammbo ou le mirage fixe.

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

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SALAMMBO

OU LE MIRAGE FIXE

by

G!'sèle PAPACOTSIA

"'.-

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A

thesis

submitted to

'"

~

.t'""'

the Faculty

o~

Graduate Studies and Research

'f' ,

McGiÎl

Uni~ersity

in partial fu1fi1ment of the

reqqfreme~ts

for the degree of

Master of Arts

Department of,French

Language

and

Literature

l . ,

_!\Uqust,.

,1973

,

.

,

,

/

(2)

/

.\

,Mas ter of Arts

Department of French Language ahd Literature

,

SALAMMBO OU LE MIRAGE FIXE

BY

Gisèle PAPACOTSIA

,-./

ABSTRACT

Salammbô is a characteristically Flaubertian work in

that i t brings forth the author's pessimistic outlook and h~s

" no thingness" fixation. Having completed the writing of Mad~e

Bo~ary,

Flaubert felt compelled to escape into time and space.

1 Through the rise, and fall of Carthage, he found the opportunity\

~

to revive and recceate this ancient civilization, the bet;ter to

bring about its annihilation. fIt was Flaufert's Wày of creating'

~,

'"

a dream world which would carry him,outside the realm of time. ~ ~

The title of our es~ay: Salammbô

ou.

le mirage fixé,

rnay be justified by the pattern bf ~ts content. We have

"

attempted to show firstly that Flaubert ~anipulated the epic

story of Ca+thage (its battles, wars and forays) in such a way

that its attacks and offensives are count~pointed by a

(

(3)

, ,

1

,

.

.,

series of defeats, reverses and catastrophes. In the second part, 'we wish to estaJ,lish the numerous ,.ambivalences found in,

/

~he characters of the novel (antithetic traits in the sarne

Je~son,

oppositions between figures, etc.). Finally; we

hav,~

1

tried to define the nature of the fixed mirage in Salarmnbô, _"

\

.

by what literary process Flaubert succeeded in "fixing" this

mirage and why this reenactment of an exotic episode is-possïbly the most Flaubertian of aIl his writings.

,

1

L

(4)

i

\

'

-Master of Arts

Department of French Language and Literature

\

SALAMMBO OU LE MIRAGE FIXE

.1

BY

Gisèle PAPACOTSIA

RESUME

Salammbô est une oeqvre profondément fl,aubertienne, en ce qu'elle répond à la vision pessimiste et à l'obsession du

néant chez Flaubert. Après Madame Bovary, i l sent le besoln de

s'évader dans le temps et dans l'espace, et la grandeur et la

"

décadence de Carthage lui offrent l'occasion de ressusciter, de recréer Cette civillsation pour en montrer l'anéantissement. Voilà donc pour Flaubert l'occasion ""par excellence de "faire rêver", en même temps que. de vivre hors du temps.

of

-'il' . f

Ce mémoire que nous avons !ntltulé SalammbÔ o~jle mirage

fixé, s'ordonne dans 'la perspective suivante: nous

nous"atta-chons d'abord à montrer conunent Flaubert organise "l'épopée" historique de Carthage (batailles, combats, guerres) en forme

'- '1

~

....

~,

d "offensives et d'attaques d'une part, à

quoi

--répond toujours

(5)

r

1 Il , t li

/

l ' 1

~alysons

ensuite les séries d'ambivalences chez les

prJnci-/~auxf'

personnages du roman. (dualismes à l'

intérieu~

d,in même personnage, et oppositions entr~ deux personnages,-etc.).

"

Nous essayons enfin de définir en quoi consistait le mirage fixé-dans Salammbô, par quels moyens d'écriture. Flaubert a réussi à 'fixer ce mirage, et cOIl1l)lent ce roman ",exotique" est

1

peut~être, en définitive, le plus flaubertien de ses romans.

.,'

~J

(6)

.

,

\

TABLE DES MATIERES

Page

INTRODUCTION. -.

. .

.

. . . .

.

· .

.

.

.

1

Chapitre premier

LES"ELEMENTS HISTORIQUES DANS

SALAMMBO • • • • • • • • • • • • I l

Chapitre II

L~S

PERSONNAGES:

AMB IV ALENC E

r.?

ET OPPOSITION.

.

· ·

.

· . · .

·

..

.

49

- 0

""' '"

" 1

\',

Chapitre I+I

L

1

ECRITURE:

SYMBOLES ET IMAGES

\ '

, DAN~ SALAMMOO •

.

· . ·

. · ·

103

,

·

,\"

CONCLUSION:

LE' MIRAGE FIXE • • • • •

"

,~.

.

·

. .

·

.

.

.

134 "

BIBLIOGRAPHIE

• • •

· . .

.

. . .

143

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(7)

Q / 1 )

"

-. " ~ .' INTRODUCTION

\

II! ",,!q

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"

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1,,- f:> , -;

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\

,

(8)

Par sa forme classlque, par son sujet exotiqué, par sa

.

structure moderne, Salammbô suscite de nos jours beaucoup d '\in-térêt. Considérée d'abord comme un des romans hi&torlques de

,

Flaubert, avec La Tentation de Saint Antoine et Hérodias, cette

oeuvre nous attire surtout par le fait qu'Jlle évoque une

c~v~li-..

satiop disparue,. Nous avons l'impress1.on de lire un récit

vrai-.

semblable puisqu'il reproduit s~ b1.en"dans son ensemble la vie

\

a'un peuple qui est passé à l'Histoire.

Tout comme Flaubert, "éreinté" par sa Bovary, nous vou-lons vivre dans cette époque lointaine, remplie de faits,

d'événe-ments passionnants et exaltants. Dès le début du roman, Flaubert

,

f'

nous plonge dans un monde étrange, barbare, où grouill~nt des

milliers d'êtres, de races, de langues, de coutumes diverses.

1 j 1

1

'Ces êtres s~ cô~o~ent au cours d'un festin avant de s'affronter

sur les champs de bataille. Ils sont présentés tantôt sur place,

dans une période de détente, de repos, tantôt en mouvement, se

dé-)

plaçant, tournoyant sur eux-mêmes et emportant tout sur leur

,pas-sage~ ,Ces deux temps, repos et mouvement, animent le roman selon

~J

une étonnante symétrie. Nous en parlerons en détails au cours de

la troisième partie de cette étude •

(9)

, 1

3

Très vite, nous nous attachons aux personnages; avec eux,

nous craignons les dleux, la fatalité, nous nous apltoyons sur leur misérable sQrt, nous nous sentons traversés de flèches,

d'épées, de javelots; nous sommes continuellement en haleine car

Salarnrnbô est le roman des contrastes qUl s'attirent, des (~~rêmes

qUl se heurtent. Mais Salarnrnbô est d'abord et avant tout le roman

des distances. Pour ses.nombreux récits de bataliles, cette oeuvre

exige de grands espaces, falt appel à de vastes étendues. C'est ce

qul donne au roman un caractère de mirage. L'horizon se perd et

nous nous y perdons. Tout arrive de loin, vaguement. Tout

dlspa-rait jusqu'aux limites les plus vagues.

Cette oeuvre est également le roman de la vraisemblance: ,

tout est probable, tout est possible, tout arrive. Comme dans la

vie quotidienne, les jOles et,les peines se mêlent. On s'embrasse

comme on pleure; on délire comme on s'entratue. De la grande

exalt~iion, on passe à la plus profonde tristesse (le festin des

!J

Mercenaires, l'exode vers Sicca). Chaque victoire "est suivie d<'une

~éfaite. Chaque espoir est marqué d'un échec. Les dieux,

indirec-/pi

tement, dominent cette oeuvr~ à laquelle ils donnent un caractère

relig~eux et historique. Terribles et féroces, ils font trembler toute une ville, tout un peuple.

c'est la description de nombreux

Mais ce qui nous séduit ls plus,

\

pays~es (levers et, couchers de

~,

.,

.~-soleill sur Carthage) si bien rendus qu'ils nous donnent

(10)

"

.~

..

4

l'i~pression de voyager,' d'être embqrqués pour ces rivages 1

d'Af~ique. Nous circulons dans Carthage, ville. protégée d'un

côté par la mer, bordée de l'autre par un rempart de gazon, dans~

laquelle se dressent les temples et l'imposant palais d'Hamilcar. Progressivement l'Histolre de Carthage devient notre histolre. Nous nous retrouvons Vlvant sous d'autres cieux, laissant Flaubert

fixer pour nouk le mlrage d'un "Orient" fabuleux. Dans cet

uni-verB' aride et pourtant exaltant, la mort met un terme -à

l'exis-tence des deux protagonistes, abolissant tout obstacle,

anéantls-sant toute distance. Voilà ce qUl nous amène à étudier de près

cette oeuvre qul, à notre avis, mérite d'être mieux connue, d'être

-davantage explorée.

Au seuil de notre recherche, nous serons portés à nous

intéresser d'abord à l'aspect historique, à la dimension

archéo-\!

logique, à la reconstitution d'une époque qui a donné tant de mal

à Flaubert lui-même. Pensant à Sainte-Beuve et à Froehner, qul

attaquèrent Flaubert sur des détails infimes de, son oeuvre, nqus

\

essaierons d'éclairer la reconstitution 'de cet édifice historique.

, }

Par la suite, l~s personnages vont s'i~poser à nous.

Présentés au milieu d'une' , fo~le, d'une masse, à l'occasion d'un

événement, d'une cérémonie, ces

perBOnnage~

nous paraLtsent à la

(11)

Il

L

5

sentiments et ils .onte les mêmes réactions que nous. Sont- ils vrais,

historiques? Ont-ils existé? Peu impol!te. Nous les étudie'rons en

nous attachant à ceux qui présentent le plus d'intérêt.

..

"

/

Ffubert a

Enfin, nous nous demanderons comment construit

son roman: formes, thèmes maJeurs, thèmes mineurs, images,

symbo-les. En essayant de percer ce mystère, d'éclairer ce "supplice"

.

de l'écritur~ comme le dit Flaubert, sans doute arriverons-nous à

~ \~

;mieux saisir les intentlons de l'auteur, à mieux le comprendre en

tant qu'écr1vain, en tant que créateur.

Pour Flaubert, "écrire, c'est en quelque sorte une manière,

de vivre", 1

co~e

il le d1t à Mlle Leroyer de Chantepie. Pour lui,

~yrique épris de "gueulades", c'est l'occasion de "faire rêver".

L'Histoire l/~ toujours passionné, mais "dans la mesure où elle

iIlJp11que une absence, un dépaysement,,2. N'a-t-il pas confié à

Louise Colet que devant le bqnheur, "il ..reste ( ••• ) fro1d comme un

3

marbre". Il ne lui reste plus ~'à aller à la rencontre de

l'an-tiqu~ Carthage, en se grisant "avec de l'encre comme d'autres avec

\

l

Gustave Flaubert, Correspondance, tome IV, Paris, Conard, 1926-1933, p. 299.

~

2Victor Brombert, Flaubert par lui-même, Paris, Seuil,

Ecrivains de toujours, 1971, p. 76 •

3Genevi~vé Bollème, Pré~ace à la vie d'écrivain, Paris, Ed. du Seuil, 1963, p. 169.

(12)

••

, ,

...

..

, ,

6 . 1

du vin". Voilà comment 'Fraubert se prépare à écrire son histoire

"or ientale ", exotique, "cette truculente facétie". 2 Mais ce n'est

pas-un écrivain qui compose, qui crée au hasard. En 1857 à Paris,

au

42,

boulevard du Temple\ durant les huit mois que dura le procès

de Bovary, Flaubert passe son temps à se documenter, à lire4tlans

les bibliothèques. L'idée,d'écrlre un roman sur le vieil Orient

fabuleux lui est revenue, i l se bourre d'Anti~ité. Il parcourt

des diza~nes de traités d:archéologie où il relève d'innombrables

détalls, sans négliger la BLble et les auteurs anciens. Il va

même en Afrique du Nord, sur le site de Carthage, pour se remplir

l ' eSPF i t ,et la vue du cadre même des lieux où ,il si tue son roman.

Et de retour à*Croisset, il se met au travatl aprês cette invoca-tion:

' . , u

Que foutes les énergies de la nature ,que j" ë1j.

aspirées me pénètrent et qu'elles s'exhalent·

dans mon livre! A moi, puissances de l'émotion

plastique! Résurrection du passé, à moi, ~

moi! Il faut faire~, à travers le Beau," vivant

et vrai quand m~me.

D'ailleurs l'épopée l'a toujours attiré. Il confie à

"

Louise Colet qu'il est "entraîné à écrire de grandes choses

lao\llème, Préface à la vie d'écrivain, p. 210.

, 1

- i' 2 n>id., , p. 189.

".

}' 3Gustave Flaubert, Notes de voyages, '12-13 juin 1858, cit •

par René Dumesnil, Introduction à'SalammbO, Paris, Ed. de la Pléiade,

lB 66, tome l, p. 689. 0/

(13)

,

./.)

7.

somptueuses, des batailles, des sh:ges, des " .:t. 4~SCrl.ptlons", • • l qul. •

-~

abondent dans ce roman que des ctitiques~tels Emi1e Faguet,

con-sidèrent comme un poème épique. Flaubert s'attache, en premier

lieu, à 11vrlvre dans ce milieu

:~art~a.gin~is

( ••• ) qui l ' a séduit

par son étrangeté, son isolern~nt, sa. complexité, et (il 'pense

éga-' " . 1

/

.

. . " \ , • 2

lement à) y fal.re Vl.vre le lecteur". En effet, nous constÇitons

dans l'oeuvre la présence de bien "des aspects traditionnels de

l'épopée ( ••• ):dénombreme~ts et déplacements massifs d'armées ou

de nations entières". 3 Nous en reparlerons au cours de ,la première

partle de cette étude. Nous tâcherons alors de montrer comment

.

Flaubert a réussi à nous dépayser, ~ nous ~ire vivre ailleurs.

Quant aux personnages du roman, il semble que Flaubert ait voulu reproduire bien plus des figures d'Histoire que des personnages

,

réels; Mâtho, Sqlammbô, Hamilcar, Narr'Havas, Hannon, Siscon et

'C "

même Schahabarim sont des types, déjà rencontrés dans l'Histoire

ancienne. Ce ne sont pas des personnages isolés, tout faits.

"

.;

Thibaudet a bien raison de dire: "Ne demandons pas à ses

persbn-nages une réàiité romanesque alors qp'ils ont une réalité

IBollème, Préface à la vie d'écrivain, pp. 162-163. 2Albert.Thïbaudet, Gustave F19ubert, Paris, Gallimard, 1963, p. 134 •

3Brombert, Flaubert '·par Lui-même, p. '80 •

(14)

8

épique".l D'ailleurs la ville de Carthage décri te dans l'oeuvre

est loin de ressembler à celle qui a vraiment ex~sté, ce n'est

qu'une "idée" de ce que pouvait être l'ancienne Carthage. Les

détails qu~ Flaubert utilise avec abondance et précis~on nous

permettênt de reconstituer par l'imagination cette ville comme elle a pu exisber.

Il restera à étudier le style qui constitue, chez

Flaubert, à la fois "la chair et le sang" de l'oeuvre. L'édifice

historique qui sert de cadre extérieur 2mble, à première vue,

trop vaste, confus et obscur; mais apy s une lecture attentive

-,

et minutieuse, nous découvrons dans le roman la présence de

thè-mes majeurs sous-tendus par de multiples thèthè-mes secondaires. Le

premier ,thème qui ~ous frappe est celui de la mort. Comme le

sou-ligne victor Brombert: "La mort: préside ( .•• ) à l'oeuvre, et b~en

au-delà de

l'intr~gue".2

La mort, c'est la présence de fond, le

canevas sur l,equel s Tédifie l'oeuvre. Et à cette i9ée de la mort

4-se rattachent les imag&s de sang, de souffranie physique, de

pourriture, de décomposition; les couleurs tournent au rouge, les

incfndie~, les flammes, les torches, les lampes, les ,feux

contri-1

1

bU,ent largement à donner sa couleur pourpre au roman de Flaubert.

1

1

1 lThibaudet, austave Flaubert, p. 143.

2Brombert, Flaubert par lui-même, p. 76 •

(15)

-•

J

9

D'autre part, les descriptions nombreuses relatant les batailles, les défenses, les sièges ont la mer pour cadre

d'en-semble. çet élément est constamment évoqué et, avec lui, tous les

termes se rapportant à l'eau: la plu1e, le (olfe, l'aqueduc, (même

la terre ressemble parfois à la mer): l'armée en mouvement

res-semble à un océan, M~tho à un d1eu marin. De plus, les odeurs

agréables ou désagréables, exquises ou nauséabondes, ajoutent par leur présence un aspect de vra1semblance à ce monde disparu où les

notations sensorielles achèvent de nous plonger complètement dans

l'oeuvre. Tous les sens sont en éveil, surtout le goüt, qui

s'é-tend jusqu'à la dégustation de la chair froide des cadavres.

Flaubert a tout utilisé dans ,son "roman; les sensations permettent

au lecteur de pénétrer aisément dans cet univers lointain. Comme

1 t indique Albert 'rlübaudet: "8alanunbô reste après tout le seul

roman auquel aieht été incorporés l'allure, le visage et le style

1

de l'histoire". Et cette allure, ce visage, ce style sont düs,

en grande partie, à la présence de nombreux symboles, de

nombreu-ses images. Ce sont ces images que nous t~cherons d'étudier dans

l'oeuvre pour reconnattre chez Flaubert les qualités de grand

artiste, de grand écrivain qui a su fixer un

"'~~irage

orientallt

(16)

"

10

Sans doute Flaubert avait-il raison d'écrire:

"un

livre,

\

cela vous crée une famille éternelle dans l'humanité".l C'est bien le cas pour sa~o.

-.

,r ...

'-"

••

IBollème,

Préface

à la vie d'éèrivain,

p e. 172 e

't

(17)

-..

1

\

l'

" ,

.

("

CHAPITRE PREMIER~

LES ELEMENTS HISTOR~QVES DANS

1. / SALAMMBO

~\

(

.,

(18)

Dans cette oeuvre aux dimensions épiques, l'H~stoire no~s

préoccupe car elle nous est présentée d'une manière confuse, à

cause des nombreux thèmes sous-Jacents: on pense à la présence

des dieux, à leur colère, à leurs vengeances, aux nombreux

sacri-fices qui leur sont offerts. On pense également au cadre immense .~

,

dU,roman qui s'évanouit et qui nous perd dans des horizons

loin-tains: on pense aUSSl aux monuments, aux temples, au palais

d 'Hamiicar, à l' appartement d~ Sa 1 amrnbô , aux v'illes qui entourent

Carthage: Tunis, Utique, Hippo-Zaryte: on pense à Carthage même

avec ses collines, ses montagnes, ses rues, ses ruelles, avec la

mer et le golfe qui la baignent. Enfin on sent grandir la

ten-sion au milleu des affrontements guerriers, des combats, des

ba-tailles où tour à tour Barbares et Carthaglnois sont vainqueurs et

,

'.

J .~.

vaincus. 1 •

Les nombreux sacrilèges commis dans l'oeuvre ajoutent

encore au caractère historique du roman. Les dieux, terribles et

féroces, sont présents dès le premier chapitre: Tanit, divinité

de Carthage, nous est présentée par l'hymne sacré que lui adres-sent les prêtres eunuques accompagnant Salammbô lors de sa première

(19)

l

"

,

13

apparition au cours du festln. Melkarth, dieu des Sidoniens et

père de la famille de Salamrnbô, nous est connu,par les chants de la jeune fille au cours de sa tournée parmi les soldats en fête.

" "

Elle:"inême ressemble à une vierge par sa coiffure: "Sa chevelure,

poudrée d'un sable violet, et réunie en forme de tour selon la

mode des vierges

ch~nanéennes";

l ...de plus elle est pâle comme la

lune et une vapeur subtile.l 'enveloppe comme "quelque chose des

2

dieux" •

"

Il Y a aussi le dieu M9l~ch, dont Mâtho craint la

malé-diction, à la fin du premier chapitre. Il est fait mention

égale-ment du temple de Kharnon qul rappelle Hamilcar aux Barbares, du temple de Tanit, puisque ce sont les prêtres eunuques de ce

tem-pIe qui accompagnent Salarnrnbô. Tous ces dieux présents dès le

début de l'oeuvre sont nécessaires pour créer d'emblée ~e climat

religieux, sacré,qul donne au lecteur l'impression de pénétrer dans l'univers antique où la religion domlne. ,-Par le biais de

. .

cette approche mystique, Flaubert nous plonge, brusquement dans un temps révolu, une époque très éloignée. Puis, au fur et à mesure

~ que nous avançons dans le roman, nous relevons d'innombrables

passages où i l est fait mention des dieüx ,

.

~t du culte dont ils

sont l'objet. A\,\ chapitre III intitulé "Salarnrnbô", nous voyons

1F l a ubert, Oeuvres, Paris, Ed. Pl~iade, 1966, T. l,

p. 718. }

2Ibid •

v

(20)

14.

,

la fille d'Hamilcar qui, selon les rites de son pays, s'adresse

aux dieux: "0 Rabbetna!

'~

Baalet! • . . Tanit! ( •.• )

\

Ana!tis!

Astarté! Derceto! Astareth! Mylitta! Athara! Elissa!

Tiratha! ,,1 Un peu plus lOln, c'est Schahabarim, le

grand-prêtre, qui explique à Salammbô le secret des origines de la vie

et qui parle des dleux: EschmoÜn, Khamon, Melkarth et Rabbetna,

cette dernière qui verse la nuit sur le monde comme un manteau. Ainsi, les dieux sont toujours présents, comme la Rabbetna qui

1

réslde à Carthage "sous le voile sacré". 2 Flaubert, qui a le

goüt de l'abondance, de la ptolifération~ présente plusieurs

dieux et donne l ' lmpression au lec'teur d'avoir affalre à un

peu-pIe entièrement dominé par la religlon.

Ces dieux reçoivent de nombreux sacriflces. Celul qui occupe dans l'oeuvre la place la plus consldérable (environ

qua-torze pages au chapitre XIII) est sans doute le sacrifice à Moloch.

Ce sacrifice est indispensable au déroulement du récit. En effet, c'est par crainte de la vengeance divine que les Chefs de la

Répu-blique sont indignés; c'est aussi à cause des nombreuses pertes

subies par les Carthaginois qu'il faut assouvir ce dieu par des

IFlaubert, Oeuvres, p. 747'. 2 lb id • , p. \ 752 • 1 /

(

(21)

..

15

sacrifices humains. Il est urgent d'agir. Toute la ville s'y

prépare: les prêtres, les prêtresses, les pontlfes, les riches,

le peuple .. Ce sacrifice s'insère dans le

,

dé~oulement logique du

récit: une fOlS la cérémonle terminée, les Carthaginois gagnent

. la dernlère guerre,qui a lieu au défiié de la Hache. La cruauté

qui accompagne ce sacr~fice ainsi que le tumulte lncitent les

Barbares à venir assister à cette cérémonie terrlfiante qui les

Qorrifie eux-mêmes. Pour les préparatifs, lés détails abondent,

avèc une ~ton~ante précisl.ori': les servlteurs de Moloch circulent

dans toube la ville, se présentent dans toutes les maisons,

récla-.

mant les enfants pour les 9ffrir au dieu. Même le fils uniqu~

~ "

. d ~amilcar:, "Hanniba+., est réclamé., Le suffète accepte, avec une

.

""

.

~

.

".,

'la certaine ruse: c'est "un enfant m~le de huit à neuf ans avec les

"

" cheveux noirs et 1e front ...

bo~'é"l

qUl est sacrlflé à la place

d 'Ha,pnibaf. Hamilcar, tout impitoyable qu'il est, ne faiblit

.

guère devant les supplications du malheureux père de l'enfant. La

ruse d'Hamilcar et son indifférence à l'égard de cet enfant

sacri-fié augmentent la cruauté de ce sacrifice quand on sait 'le nombre ...

des enfants qui seront offerts. La ruse du suffète ~tteint son

comble lorsqu'il déchire ses vêtements et pleure en se ro~lant par

terre et en criant: "Oh! mon fils! ( ••• ) mon espoir! ma vie!

(22)

••

16

Tuez-moi aussi! emportez-moi".l Douleur si bien feinte que "les

servit~urs

de

Moloch

s'ét6nnaient que

le

grand Hamilcar

eUt le -;:;

coeur s\ faible. Ils en étaient presque attendr is" • 2 ,,'1 /'

Ce sacrifice au dieu Moloch ajoute au caractère barbare de l'oeuvre puisque le peuple ne pouvait contempler Baal que dans la manifestation de sa colère. En effet, tous les Baalim chananéens sont représentés pour retourner vers leur principe, dédoublements

du Baal Suprême. Tous les temples sont ouverts, les pavillon~

préparés pour le grand sacrifice. Toutes les formes lnférieures

de la divinité s 'y trouve-nt présentes: "Baal-Samin, Baal-Peor,

Baal-Zeboub et ( ••• ) (les dieux) des pays voisins et des races

congénères" • 3 A chaque cérémonie, Flaubert donne une valeur

géné-1

raIe, presque universelle, parce qu'un nomb;é incalculable de

per-sonnes y assistent, venant de tous les COlns de la terrei ce

même phénomène se retrouve au cours du festin des Mercenaires, era question à la fin de ce chapitre.

cérémonie religieuse célébrée en -l'honneur du dieu

Moloch, tout Carthage est là: "Les Riches, les Anciens, les

IFlaubert, Oeuvres, p. 941.

2Ibid •

(23)

.'

17

femmes, toutè la multitude, se tassa~t derrière les prêtres et sur

l

les terrasses des maisons" i sauf Schahabar im qu~, "à cause de

sa mutilatfon ne

p~uvait

participer au culte du Baal". 2 ' Etonnant

1

symbole que celui de cet homme d~pourvu de sa virilité qui ne

peut participer à une cérémonie au cours de laquelle, précisément,

. "la tyrannie du principe

m~ne

prévalait,,;3 d'ailleurs la déesse

elle-même est oubliée.

.

.

Alors que "le peuple de C ar~age halè ( te), ÇÙ)sorbé dans le

désir de sa terreur",4 la

cé~émonie

commence: le prêtre dt

Mol~ch

arrache une mèche de cheveux du front des enfants et la Jette dans

les flammes. L'hymne sacré est accompagné par tous les 'instruments:

scheminith, kinnor, nebal, tambourins, ~lairons et salsalim, pour

étouffer les cris des v1ctimes: une fois les S1X premières cases

étagées sur le corps du Baal remp11es d'offrandes, la septième

'---, î _

case reste disponible afin de recevoir les enfants à sacrifier.

Alors les tortures commencent pour donner à la cérémonie' son carac-'

tère cruel, atroce. La foule s'avance, attirée par ce spectacle de

lFlaubert, Oeuvres, p. ,,' 946. 2Ibid. 3Ibid. , p. 945. 4 Ib id. , p. 947. ~

..

,

(24)

{

\

)

18

sang et de hurlements. Et le chant célébrant les joies de la

(

mort écl'ate. Les victimes dlsparais'sent entre les horribles bras et le sacrifice dure jusqu'à la nuit. Enfin les cendres sont éparpillées dans l'air afin que les offrandes s'étendent sur la ville et jusqu'aux étoiles.

tOU\

le le plus

Ce sacrlfice, (le plus important, puisqu'il occupe presque

chapitJtre~qui s 'lntftule "Moloch") est aussi le plus cruel, horrible; les Barbares se cramponnant au pied des murs et pour mieqx voir sur les débris de l'hélopole sont "béanEs d'hor-reur".l Ce chapitre prépare le lecteur aux nombreùx supplices que subira Mâthp aux mainè des Carthaginois.

v

p~r cette monstrueuse ~escriptionodétailléef il semble que

\

Flaubert ait voulu dr'esser une sorte- de tableau illFtra~t ~~ fin

\

Il·

d'un monde ou plutôt évoquant la mort du Chr ist, ~~j,olation

1,i1OlU-~.

plète de toute la terre, 'Carthage ici prenant les

dimensions~d'un

univers immense, en~lobant tout le cosmos-.

Quant aux nombreux rites qu'accomplissent les prêtres-de

Carthage, i l en est un qu~ retient particulièrement notre attention,

c'est le rite préparatoire au sacrifiçe sous la tente, auquel

lFlaubert, Oeuvres>,

1>.

950 •

J

(25)

. )

..

19

Salammbô doit se soumettre, toujours d'après les ordFes

de

Schahabarim. Le chapitre X, intitulé ilLe Serpent ", raconte les

.'

" inquiétudéS par lesquelles passe Salamrnbô, de même que les

alan-f'

, ,

guissements Ge son grand serpent, jusqu'à ce,que le grand-prêtre , Schahabarlm vienne lui expliquer la théorie d~s ames d'après les signes du zodiaque. D'une certa~ne façon, Matho et Salammbô sont

,

symbolisés par les deux

ast~es

.

princlpaux:

.

le soleil et la lune. Schahabarim, dans une métaphore superbe, explique à Sal~ô:

,

:v

"elle tire dtl'autre toute sa fécondité! Ne la vois-tu pas vaga-. bondant autour de lUl comme une femme amoureuse qui court après un

,

homme dans un champ?".l Cett.E(' ferrune amoureuse, c'est Salammbô et

1 .... r ,1 ~ l •

cet homme c'est préclsémen:t' :M.a-tho.

<'.$ •

.

'

~e rite auquel se soumet Salamrnbô o~cup~ à peu près cinq

"-pages. Le :j?aysage, même,. partlcipe aux préparatifs. L'atmosphère est secrète, Salammbô lin' avai t confié à per sonne sa r'ésolution ".2 Elle se prépare au cours de la nuit: "La lune se leva" i 3 et ce

l'.

rite n'ia rien de commun, d 'habi tuel, de routinier: "aucûn ne pouvait savoir le mystère qui 'se préparait. ( ••• )i on n'entendait

l ,Flaubert, Oeuvres, p. 873. 1 2:çbid., p.' 876 • 3 ' o~·., p. 877. \.

(26)

" 20

aucun bruit, un

acc~lement ing.icibl~

pesait dans l'air;;.l Le

temps- s'arrête, le silence s'installe; l'espace se J:'estreint,

': ,

-mais .l~ distanc"e pers iste car la servantlf prend le soin de

dé-ployer de grandes tapisseries pour "que Salarnmbô ne soit vue ,de

personne. La musique accompagne ce rite sacré ordonné par le

grand-~~être. Salarnrnbô, ici, ne fait qu'obéir à Schahabarim, 1

elle d~vient poùr ains~ dire un instrument des dieux, utilisé

pour permettre à l~Histoire de s' accompl ir • C 'es t un per sonnage

/ '\

qui sublt et non qui agit.

4

t

~

Plusieurs éléments , . , con€r~buent à .

créer un climat mystérieux, presque tragique: la nuit~ la lune,

les tapisseries, le silence brisé ~eulement par la musique. La \,

servante Taanach fait alors allusion aux noces de Salammbô, mats

,

cette dernière se contente de rêver, "le coude appuyé sur la 2

èhaise d'ivoire". Ce rituel conserve un aspect r~ligieux, sacré,

parce que voilé, caché, accompli dans le silence, et surtout parpeJ

.

que c'est le gran9-prêtre qui l'a ordo~né. Flaubert insist~ sou-')

vent sur ce dernier point. Lorsque Saaarnmbô, sous la tente,

"

.

s'abandonne à Matho, l'auteur ne manque pas de dire qu'elle pense

à Schahabarim et à la ,suite de sa réflexion, elle accomplit l~

geste défendu, le sâcrilège. Il ést étrange de constater

que. le

.~) ... lFlaubert, Oeuvres, p. 877 • flbid., p. 879.

..

• 0

(27)

'.

21

1

gra~d-prêtre interdit à Salammbô de connaître la forme de la

divi-J'lité, mais lui ordonne d' être "humbl~, ( ••. ) et soumise (au désl.r

l

de Matho) qui est l'ordre du clel". Ce personnage se trouve

être à la fol.s un défenseur et un tentateur dev'ant le sacrilège.

.

.

Son ~ivalence ajou~e un élément de mystère au récit.

Parmi les nombreux rltes, on trouve cette coutume qui consiste à offrir des sacrifices aux dieux au lendemain d'une vic-taire. Lorsque Hamilcar triomphe des Barbares, "on frotta de

beurre et de cinnamome la figure des

D~ux-pataeques

pour les

re-2

merc~er"" en signe de reconnaissance et pour ne pas attirer sur

soi la colère des dieux. Les dieux sont si exigeants, si terribles

qu'il faut constamment les assouvir

0"

les remercier. Le peuple \

en est conscient, de même que les Pontifes inquiets à la suite de

la défaite apparente des Carthaginois ':

.

/ "Une anxiété permanente

agitait les ,collèges des pontifes. Ceux de la Rabbetna surtout

(6nt) peur, le rétablissement du ~a!rnph n'ayant pas servi. Ils se

tenaient enfermés dans la trois ième enceinte, inexpugnabl'e comme

,

.

~ 3 une forteresse". ~ IFlaubert, Oeuvres, p. 875. 2Ibid., p. 855. ~ 3Ibid., p •. 925. 1

(28)

)

f

..

22

Ainsi, les dieux, en dominant l'Histoire, occupent une place prépondérante dans le roman, noyant l'aspect humain,

physi-que, sous le religieux, le mystique. Si les dieux font trembler

les grands-prêtres, ces derniers, à leur tour, font trembler

tout le peuple de Carthage. Ce n'est point par simple

curio-sité ou\par goüt des souffrances que le

sacr~fice

à

Moloc~

a lieu;

c'est pour calmer le d~eu; le peuple est donc contraint àu

sacri-fice.

Pour ce qui est du cadre historique, les dieux, par leur

présence continuelle, donnent à l'oeuvre son caractère antique,

.

sa dimension mythologique, mais celle-ci est voilée, imagée, syrn-

..

bolique. 'Tandis que le cadre \géographique permet davantage au

(

lecteur de se croire a~lleurs, sous d'autres cieux, en d'autres,

temps. De Mégara, faubourg de Carth~e, le lecteur passel à Sicca,

accompagnant les Mercenaires dans leur exode: le" voyage s'effectue

à travers une plaine, "une campagne toute couverte de cultures,,;l

on y' rencontre "de petits temples

cfuadrangulair~s,

servant aux

- /

, / 2

stations des pèlerins qui se rendaient à Siccal,. Des cultures,

~---on passe aux b~de$ de sable pour arriver devant la ville au

IFlaubert, Oeuvres,

p~

728 •

2lb id • , p. 731.

j

-\

(29)

septième jour, après avoir contourné une montagne. Vallée en

tou-rée de montagnes: vOllà Sicca. Mais voici que les Mercenaires

s'en retournent à Carthage, mécontents de leur solde. Flaubert

nous décrit alors la ville du point de vue dfs Merce~~ires; cette

ville est bien entourée, bien défendue. La descriptlon ne sort

pas du réclt; au contraire, elle nous permet de mieux comprèndre

les difficultés que rencontreront les Barbares'I pour prendre

Carthage. Que ce soit par son mur en plerres a rOUble étage ou . ... 1

une sérle de murailles, la vllie est bien gardée. Même les

tem-pIes sont éloignés des murs: ils se trouvent dans le troisième

quartier. Ces temples diffèrent par leurs formes et par leur

matériau: le temple de Khamon a des tuiles d'or, symbole de la

richesse, de l'aisance; le temple de Melkarth a une toiture faite

de branches de corail; celui de Tanlt a une coupole de cuivre et

celui de Moloch est noir. Flaubert utilise souvent ce procédé qui consiste à dresser sous les yeux du lecteur une sorte de tableau complet où chaque détail s'inscrit harmonieusement dans l'ensemble. Ici, il s'agit du palais d'Hamilcar qui se dresse derrière les

quatre temples, derrière la ville:

Le palais, bâti en marbre numidique tacheté de

jaune, superposait tout au fond,~ ( ••• ) ses

quatre étages en terrasses. Avec son grand

escalier droit en bois d'ébène,

1 ... }

avec ses

portes rouges écartelées d'une croix noire, ses grillages d'airain qui le défendaient en bas

(30)

24

dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, i l semblait aux soldats, dans son opulence farouche, aussi solennel et impénétrable que le visage d'Ham11car. l

Ce palais est décr1t complètement de haut en bas, en

dé-tail; par son architecture, il évoque un maître distant ftu

peu-pIe, de la masse. Ce palais imposant s\uscite la jalousie,:ct.es

,

Mercenaires qui désirent le posséder, le prendre d'assaut. Et

il semble défier les Barbares qui tenteront en vain de l'assiéger.

iDU

palais, vu de l'extér1eur, nous v01ci avec Mâtho et Spend1us

1

: qui essaient de pénétrer dans le temple de Tanit. L' eri't-fepr ise

~ ,

'est diffic1le, pour ne pas dire ~mpossible. Par une brèche

,

,découverte dans la grande mura111e- de l'enceinte de Megara,

i

1 Mâtho et Spendius pénètrent dans la ville. Après avoir traversé·

i

des rues étroites et être passés èous une galerie, ils parviennent

1 1

1 •

1 près de l~Acropole; c'est là, au bas de Byrsa, que se dresse le

1

1 temple de Tanit avec ses "monuments et (ses) jardins, (ses) cours

et (ses) avant-cours" • 2 Après avoir traversé la première et la

deuxième enceinte, ils parviennent à la troisième "par un escalier

de six marches dl argent Il •

3

Là, les "vases pleins d'aromates ( ••• )

IFlaubert, Oeuvres, pp. 709-710. 2Ibid., p. 771.

(31)

...

---~---~---•

/

25

(voisinent avec) des lignes de perles (~ .• ), une haie en f~ligrane

l

d'argent" . A l'entrée, "un cône de pierre (se dresse) entre une "

, ' é 2

stele d'or et une stele d' meraude". JoyaUk et parfums: de quoi

rempl~r la vue et l'odorat, de quoi éplouir le lecteur dans ce

monde aux richesses innombrables. M~tho et Spendius s'avancent

.~' ,

entre deux longues galerie~ paralleles: des corps de femmes

endor-mies, " s 'exha(lent) une odeur d'épices et de cassolettes éteintes". 3

Des lotus entourent une fontaine, puis, au fond, " s 'éta(le) une

v~gne dont les sarments étaient de verre et les grappes d'éme-4

raude". M~tho sUffoque: tous ces parfums, ces rayonnements, ces

hale~nes l'accdblent: il songe à Salammbô. Par l'intermédiaire

des parfums, M~tho est le plus souvent placé dans un climat qui l~

prépare à la rencontre de la femme, de SalammbÔ. Et nous sommes

encore à l'extér~eur du temple. Qu'en est-il alors de

l'inté-rieur?

Entrés tous les deux par un soupirail (toujours un espace

---

---étroit, resserré) ils-se trouve~ une grande salle pleine

---lFlaubert, Oeuvres, p. 772.

2Ibid.

3 Ib'id ., p. 773 •

(32)

...

---•

26

d'ombre. AU fond des ténèbres vacille une lampe ornée d'une statue

coiffée du bonnet des Kabyres. D'un appartement où seule une

pein-ture noire représente une femme, Matho et Spendius arrlvent dans une salle éblouissante de lumière et qui laisse VOlr sur ses murs

un mystérleux désordre qul épouvante: toutes les formes animales

y sont mêlées. Douze globes de cristal bleu bordent cette salle

"'

clrculaire et vers le fond resplendit sur un char-d'ivoire la

Rabbet suprême, l'Omnlféconde, la dernière inventée. Mais le V01le,

lui, se trouve dans une petite salle ronde et élevée qui ressemble

à l'intérieur d'une colonne. Quel chemin! quel parcours! et quel

JJ

labyrinthe! tout cela pour parvenir au "manteau de la Déesse, (au)

~ 1

zafmph saint". Il est curleux de constater lci le nombre de

piè-ces, de salles circulalres, aux formes arrondles ou ovales; même

le temple de Tanit est le seul parmi les quatre temples à avoir une coupole de cuivre alors que les trois autres sont couverts de

tui-les. Sans doute Flaubert fait-il le lien, il associe à la femme

ces contours arrondis qul la repré,sentent physiquement t et cette

~ petite salle ronde et élevée dans laquelle se trouve le voile

sug-gère précisément le sexe féminin.

l

(33)

27

En sera-t-il de même à présent que nous sommes avec M~tho

~dans l'appartement de Salammbô? Une fois pou~~e la porte rouge

à croix noire, Mâtho se trouve dans une chambre éclalr~e par une

lampe en forme de galère. Le plafond formé par un assemblage de

poutrelles est incrusté d'améthystes, de topazes. Une marche

d'onyx entoure un bassin ovale (encore lCl la forme ovale évoque la femme), de flnes pantoufles sont restées sur le bord avec une

buire d'albâtre. Des senteurs exquises se dégagent. Chaque fois

que Mâtho s'approche ou se prépare à rencontrer Salammbô, il est

fait mentlon d'odeur; agréables et, avec ces odeurs, de nombreux

bijoux qui caractérlsent la femme orlentale; les dalles que Mâtho

effleure sont incrustées d'or, de nacre, de verre. Une lampe d'ar-gent cache un grand carré d'azur, sorte de ciel-de-Ilt et, ça et

là, des coussins de pourpre vaislnent avec des coffrets de cèdre, des spatules d'ivoire, des bagues, des bracelets, enfln un

esca-beau d'ébène qui permet d'accéder au 11t. Dans cet appartement,

l'architecture cède la place aux nombreux objets qui a~noncent la

présence féminine, la présence de l'être convoité. Ces. objets, comme le vêtement, évoquent. le personnage absent ou qui n'est pas

-loin. Luxe, bijoux, odeurs, parfums, ~oilà le cadre dans lequel

évolue Salammbô, femme adulée et excessivement protégée.

Que ce soit pour décrire Carthage ou les villes voisines, ou pour nous présenter i'appartement de SalammbO, Flaubert, chaque

(34)

\

/

28

fois, accumule, mâle et confond les détails au moyen

d'énuméra-tions. Ce goGt du déta1l et de l'abondance permet à l'auteur de

dépayser son lecteur, de le Jeter "dans un morceau de durée

inso-l l. e • ' t " 1 Nous imaginons, nous errons, nous rêvons dans un univers

exotique, "or iental". ~ous sorrunes ailleurs.

Nous le serons davantage au ml.ll.eu des bata1lles, des

combats. Oes dern1ers étant nombreux, nous allons nous intéresse~

aux plus importants: le premier combat qui a lleu avec Hannon, le

suffète qui remplace Hamilcar; la deux~ème offensive, cette fois

avec Hamilcar pour chef, se produit sur les du Macar et

occupe environ vingt pages: c'est la Batail Macar, tl.tre du

chapitre VIII. Et la dernière tentative de part des Barbares,

Matho en tête, s'achève dans le défilé de la où les C

artha-ginol.s réussl.ssent à emprisonner tous les Pour

com-mencer, signalons la partout, tant dans

l'armée des Barbares que Rami lc ar • '''l;'ous

<

les cultes, corrune toutes se ren ontra1e~.t.

.

dansr'" ~~s "

ar-2

mées de Barbares"; du côté Carthage, Hamilcar "envoya dans la

Ligurie acheter des soldats, montagnards" ; 3 de plus,

.! lThibaudet, Gustav

---~~~~~~ p. 138.

2Flaubert, Oeuvres, p. 794 •

(35)

29

-"il admit des hommes déshonorés, la crapule de Malqua, des fils

de Barbares, des affranchis. ( .•. ) (il Y avait) trois mille

Ligures, ( ••• ) quatre cents Tarentins ( ••• ), douze cents Nègres Il .1

Ces guerres, ces batailles animent l'oeuvre, entremêlées

d'épisodes amoureux. Le roman débute avec les réjouissances des

Mercenaires qui célèbrent l'anniversalre de la bataille d'Eryx. Evénement historique qul nous transporte déjà allleurs. Ensuite

c

survient Hannon, le suffète qui remp'lace Hamilcar absent. Ce

général, tantôt vaincu aux Iles

Aeg~t:..s,

tantôt vainqueur à

,

.

Hécat~Yle, nous plonge dans un climat de guerre; il livre

d'ail-leurs le combat contre les Mercenaires, en l'absence de son chef.

Au chapitre II, i l est fait mention du massacre des trois

,cents frondeurs baléares, brÜlés sur la place de Khamon. A ce

...

massacre, les Barbares répliquent en tuant au cours de la nuit les

interprètes de Giscon. "La rébellion dès lors ne s ~ arrêta plus". 2

D'ailleurs Carthage se venge terriblement. C'est là que Hannon

intervient.

C

\ ' rI' 1 . ' -';.1:1 FlaUbert, Oeuvres, pp. 838-839. 2 lb id ., • p. 764 •

(36)

'.

30

De leur côté, léS Barbares se préparent. Narr'Havas, le

rusé, est venu se joindre à Matho' (celui-ci à présent est puissant

1

puisqu'il possède le. za!mph) et à ses hommes. A ce seul moment du,

t.

récit, ces deux rivaux s'unissent pour vaincre Carthage. Leur alliance est signée dans le sang, le siège de la ville commence.

\

Les autres villes à occuper sont: Utique, ,Bippo-Zaryte et Tunis.

Autharlte, Zarxas, Spendius et Matho sont les quatre chefs.

Quant à Narr 'Havas, I I dOl t "retourner dans son royaume pour y

prendre des éléphants, et avec sa cavalerie

~attre

les routes".l

1

Au cours de cette bataille, Hannon dirige son armée et représente

fi!

Carthage. Les Barbares sont attaqués par surprise, alors qu'ils

se reposent, trop las pour combattre. Les Carthaginois, avec

leurs armures, leurs armes et les piques de la lourde infanterle,

semblent avoir gain de cause. MalS les Barbares .se moquent d~

t leurs adversaires alourdis par leurs casques finormes; ils en

fon-'

..

cent les lignes des soldats puniques et en quelques lnstants

croient avoir gagné. Mais Hannon réapparaît sur un éléphant. La

terre est ébranlée. L'attaque reprend à la stupéfaction des

Bar-bares qui n'en croient pas leurs yeux.

Flaubert utilise souvent ce procédé de volte-face où le "

vainqueur est brusquement vaincu. C'est ce qui arrive à Hannon;

(37)

,.

31

celui-ci, se croyant vlctorieux, se présente devant Utique. Une fois installé dans l'huile de cinnamome, se baignant et mangeant comme un ogre, i l apprend brusquement la mort de presque tous ses hommes, écrasés par ses propres éléphants. Cette soudaine défaite de l'armée d'Hannon revient à l'lntelligent Spendius qui a bar-bouillé de bltume des porcs enlevés dans les métairies et, après y avoir mis le feu, °11 les pousse vers Utiqqe. Le va1nqueur est brusquement valncu. Le soir venu, Hannon s'échappe de la ville

avec son escorte pour rejoindre son armée. Carthage est défaite encore une f01s. Le Grand-Conseil regrette alors Hamllcar et

attend son retour avec lmpatlence: "le parti de la paix, lui-même, vota les holocaustes pour le retour d'Hamilcar".l Ayant perdu le zafmph, Carthage est vaincue. Il en sera ainsi tant que la ville

~

n'aura pas récupéré le manteau de la Déesse. L'arrivée d'Hamilcar survient dans l'H1stoire au moment opportun: son peuple l'attend

et avec lui, ,tous les Anciens, surtout sa f111e, complètement bou-leversée depuis qu'elle a vu le zafmph. pi sa servante Taanach, ni Schahabarim ne la quittent désormais.

Le théatral retour de ce chef intrépide est décrit au long des trente-cinq pages du fameux chapitre VII à la fin duquel

(38)

32

.

/

nous apprenons l'acceptation, par Hamilcar, de commander les for-ces punlques contre l'armée des Barbares. Commencent les nombreux

préparat1fs de part et d'autre. Envlron neuf pages au cours

des-quelles Flaubert raconte, avec de multiples détails, la réforme de l'armée, de la Légion, de la 'cavalerie, de la phalange

carthagi-noise. Hamilcar s'occupe de ses hommes: à chaque équlpe il

im-pose un dur exercice, un entraînement épulsant; i l n'oublie et

ne ménage personne. Puis il s'intéresse aux armements, 11 ne

laiss'e pas

ufiè

arme inutllisée, des plus compllquées aux plus

slmples, des plus lourdes ~ux plus légères; les malilets et les

..-ciseaux, les piques et les boucliers, les casques, les sarlsses,

les frondes, les poignards, les glaives, les lames de bronze, les

haches. Sans oublier les animaux: les chevaux et les éléphants.

Avec ces derniers, au nombre, de soixante-douze, il organlse une

formidable phalange. Dans sa bravoure, Hamilcar se fait attacher

trpis cents Barbares qu'il prend chez les Mercenaires, alors qu'il sort de Carthage la nuit et se promène seul, au fond de la

lagune. De ~on côté, tout est prêt mais il ne part pas. Il

attend les Mercenaires. Ces derniers commencent à s'impatientér de

la longueur du siège et préfèrent la bataille. Après plusieurs

."

discussions, Spendius avec quinze mille hommes se dirige vers le

pont bati sur le Macar et là, la\'},défensive s'organise: quatre

tours énormes garnies de catapultes occupent les angles; des

(39)

pierres, des

yI

tro~ d'arbres, de ) ,-33

roches, des épines servent à

bloquer tous les sentiers. Les ,armes des Barbares sont fabriquées ,

.

,

sur placè, prises dans la nature, tandis que les carthaginois sont

richement et lourdement armés. M~tho, de son côté, s'~nstalle

près du pont, non loin de la base de l'Ar~ana. La nuit, ~l ne

manque pas. de courir à Hippo-Zaryte, pour surveiller les pionniers,

puis i l rev~ent sans se r~poser. ~atho surveLlle, ma~s Spendius

décide du choix des sentinelles,

d~conduLte

des espions, de

to~s les moyens défensifs. Spend~us

\

est l'~sprit qui organise,

Matho le chef qu~ dir~ge. Les bat~Llles débutent en général au

"

, .,.a;.

.

lever du sole~l et s'achèvent ou s'Lnterrompent à la tombée de

-la nuih. Hàmilcar, avec beaucoup de génie, éhr ige ses hommes, au

cours de la nuit, en silence et sans torches. Il les réve~lle

sans trompettes ~t les fait traverser le fleuve pour se trouver'

sur la rive gauche, en face d'Utique. Dès le lever du soleLl,

ils s'ébranlent sur tro~s rangées dans toute la plaine, et les

Barbares sont surpris q~ vQir au loin la terre onduler. Comme

dans un, m~rage, les Barbares voient "quelque chose d'énprme (qui)

continu(e) à s'avancer".l La plaine immense s'étend à perte de

vue jusqu'à l'horizon fermé par la mer. Le regard se perd

l

Flaubert, Oeuvres, p. 844 •

(40)

34

toUjOurjdans le paysage qui s'éloigne.

D~s '~ors,

,nous/n,'avons

plus que le spectacle de deux corps 'gigantesques qui

s'affron-tente D'un cOté, l'armée carthaginoise, onze ml11e trois cent

quatre-vingt-seize hommes, rangée en un 'l'carré long, étroit des

flancs et resserré sur soi-même".l De l'autre, les Barbares,

:'

trois

fo~s

plus nombreux mais

qui,

surpris par les

Carthaginbi~,

courent pêle-mêle pour a,ttaquer Hamilcar. Encore une Éois,

M~tho

est absent et Spendius doit seul affronter les Carthaginois.

La lItrayeur et la surprise bouleversent Spendius. Pendant sept

I~

pages, Flaubert fait commander des manoeuvres et exécuter des

!! .. <!..

r

ordreS'.

Le champ de bataille ressemble

à

"un océan où

bon-diss(ent) des aigrettes rouges avec des écailles

d'ai~ain".2

Un

peu plus loin, nous voyons un désordre sans nom:

"La multitude

.J /'

1

était

s~

compacte, la poussière si épaisse, le tumulte si fort,

qu'il était impossible de rien dlstinguer".3

A~ès'

un combat

acharné, la nuit vient mettr! fin aux affrontements

alo~s

que la

pha~ange

d'Hamilcar a

exter~né

aisément tous les Barbares

qui J

{

t

# '

restent. Lorsque

M~tho

arrive, l'échec estototal, la défaite

certaine.

, ~.

'" l 1

lFlaubert,

Oeuvres,

'Ifr.

'.op.

845.

2Ibid.,

p. 848 •

3Ibid.

(41)

"

35

"-Hamilcar, maintenant vainqueur, redouble de fureur. La

contre-attaque des quatre chefs Barbares se fait au coucher du

soleil, mais les Mercenaires, fat~gués, attendent le matin pour

livrer le combat; d'ailleurs, ils sont certains de leur v~ctoire.

Pendant qu'ils mangent, Hamilcar fait creuser un fossé pour se

protéger des attaques de l'ennem~. Flaubert emploie un procédé

,

qu~ consiste à construire, à fabriquer, à entasser toute une

variété d'armes mais qui, une fois ut~lisées, perdent leurs

va-leurs, ne parviennent pas à leurs buts. La défaite vient toujours

clore une tentative riche d'espoirs, d'illUsions. c Il en sera

éga-lement question lors de la dernlère bataille, celle du défilé de

la Hache m~née par Hamilcar. Cette fo~s, le za!mph a été récupéré

par Salâmmbô et la victoire semble appartenir aux Carthaginois.

Au lendemain du sacrifice offert à Moloch~ la pluie s'abat

~

sur Carthage. Moloch a vaincu Tanit qui déverse sur la ville

toute s.~ fécondité~: "les c~rthaginois, ~~oyant tous que l'eau

est enfantéé par la lune, criaient pour faciliter son travail".l

Mais qu'est-il advenu des Barbares? Ils "avaient reçu l'orage

dans leurs tentes mal closes; (

...

) il~ pataugeaient au milieu de

la boue, en cherchant leurs muni;ions et leurs armes, gâtées,

per-dues" • 2

IFlaubert~ 03Uvres, p. 950.

2 I bid., p. 951.

(42)

,

36

Du côté de Carthage, Hannon reçoit d'Hamilcar l'ordre de commander l'armée contre les Barbares pendant que le Suffète-de-la-mer quitte la ville sur une galère, emmenant ses plus robustes

troupes. Natr 'Havas arrivé à Carthage. l'lil s 'y présenta COJTlffie

un sauveur, avec six mille hommes, ( ..• ) et quarante éléphants".l

Cette fOlS, il est prêt à participer à la guerre. Les Barbar~s

étant faibles à présent et leurs armes étant gâtées par la ~luie,

Narr'Havas les abandonne, 11 s'allie à Hamilcar et les combat

avec fureur. Le chef numide s'alli~ toujours avec le parti le

\

plus fort, selon les circonstances. Par une tactique qui lui

1

est propre, Harnllcar réussit à détacher progresslvement les

Barbares de leurs campements: "Il avait un but où il voulait

- 2

les conduire". En ef,fet, Hamilcar Si engage dans un défilé entre

al

la Montagne-d'Argent et la Montagne-de-Plomb et entraine à sa

suite les Barbares qui s 'y élancent, "et bientôt tous .Iles Barbares

furent en bas, dans la plaine".3 Donc "les combinaisons du

4

Suffète avaient réussi" car il venait d'enfermer dans le passage

sans lssue tous les Barbares: "ils aperçurent partout autour

IFlaubert, Oeuvres, p. 952. 2Ibid. , p. 954. 3Ibid. , p. 955. 4Ibid. ' -\'

(43)

37

d'eux une grande muraille blanche, taillée à pic. Et pas un

moyen de salut, pas un espoir! Les deux sorties naturelles de

cette impasse étaient fermées par la herse et par l'amoncellement 1

des roches". Ains1 s'achève la dernière bataille; il ne reste

plus aux Mercena1res qu'à attendre leur fin, affamés, assoiffés,

1

désespérés, fur1eux. Finalement, Carthage se réjouit de cette

victoire. En revoyant toutes ces descr1ptions de guerres, nous

constatons que l'aspect historique relève en partie des noms de

régions parcourues et traversées: Sicca, Mégara, Gorza, le cap

Her~aeum, le golfe d'Ut1que, le pont dU\Macar, le canal de la Taenia, etc ... Le caractère histor1que du roman relève également

des noms de villes ass1égées et conquises: Tunis, Utique,

Hi~po-,

Zaryte, Carthag~, et surtout de la durée de ces sièges, de ces

,

-interminables préparat1fs, de la variété des armes, de leur nom,

de leur forme, de leur emploi. Flaubert, par des énumérations

fréquentes, crée chez le lecteur un univers où l'imagination se

perd facilement. On se V01t malgré soi engagé dans la bataille,

on subit les douleurs et les blessures de ces hommes. D'une'part,

-on a pitié de ces êtres défaillants et vaincus, de l'autre, on est

1

horrifié par ~s ,actes cruels. surtout par les agissements

l

Flaubert, Oeuvres, p. 956.

(44)

-•

38

d'Hamilcar envers les Dix parlementalres des Mercenaires après leur défalte dans lè fameux défiré de la Hache.

'Flaubert a réussi à créer un "style cannibale", à

répon-dre 'à son besoin d'éventrer, de disséquer, de marcher dans les

tripes, car d~ns chacune des batailles engagées, les morts se

comptent par centaines, par milliers. Les membres volent, les

cervelles éclatent, le sang jaillit. Le tableau en est un de

carnage, de destruction. Nous y revlendrons dans la troisième

partie. •

Soulignons égalemen_ la présence de nombreux sacrilèges

commis p,a~ la plupart des personnages: par M~tho tenté par

Spendlus, par les Mercenaires, par les Anciens, par Spendius, par

Schahabarim, par Sal~6 et par Hamilcar lui-même. Personne

n'échappe à cet attrait du geste défendu qui traduit chez

Flaubert la quête de l'impossible, la "vaine escalade de quelque

cieV'. Signalons, au début, le sac;,ilège commis par Spendius

lorsque, sorti de l'ergastule, i l s'étonne de ne pas voir sur les

t~les du festin l'es coupes de la Légion sacrée qui appartenaient

aux grandes familles de Carthage. Il pousse les Mercenaires à

les réclamer aux Anc~en~. vient ensuite le sacrilège des poissons

/

de la famille Barca, co~~s'par les Mercenaires, geste qui incite

à la curiosité et à la gou~mandise. Matho à son tour, poussé par

\

(45)

. . /

39

1

Spendius, commet le sacrilège d'aller :dans le temple de Tanit, de

voler et de porter le manteau de la déiesse. Salamrnbô accomplit

,

également ce geste défendu: sa ~uriosité la pousse à connaître

la forme de "cette divinité de Carthage et, malgré la4.. mise en

garde de Schahabarim, elle succombe: ".:Jl3.mais! Ne sa~s-tu pas

qu'on en meurt? ( ••• ). Ton désir est un sacrilège; satisfa~s-toi

avec la scïence que tu possèdes' ".1 Salammbô, bien qu'elle

res-semble à Tanit, est après tout une femme aux désirs humains.

Auss~ lorsque Matho, recouvert du zalmph, se présente chez elle

au cours d~ la nuit, elle n'hésite pas:~ vouloir le regarder de

1

près 1 à le toucher: IILaisse-mol voir! 'd~sait-elle. Plus près!

plus près! ( ••• ) Elle balbutia: Donne-le!lI. . 2

Un autre sacrilège est commis par les Anciens, affamés

après la victoire des Barbares; ils décident d'égorger entre eux

les ewhevaux d 'Eschmolln.

"e

'étaient des bêtes saintes, ( ••• ) et

qui signifiaient par leur existence le mouvement du soleil, l'idée

du feu sous la forme la plus haute. Lehrs chairs, ( ••• ), furent

enfouies derrière l'autel. Puis tous l~s soirs, ( ••• ), les

An-ciens montaient vers le temple, se

réga~aient

en cachette1'. 3

j i

IF~aubert, 1euvr~s,

p. 752. 2 f Ibid., p. 781 • 3 Ibid., p. 928 •

i

Figure

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