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La description de connaissances tactiques des joueurs de soccer en formation

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Academic year: 2021

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La description de connaissances tactiques des joueurs

de soccer en formation

Mémoire

Grégory Hallé Petiot

Maîtrise en psychopédagogie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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La description de connaissances tactiques des joueurs

de soccer en formation

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme

de maîtrise en psychopédagogie pour l'obtention du grade de Maître es Arts (M.A.)

Grégory Hallé Petiot

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ

Les connaissances tactiques constituent une ressource particulièrement utile pour les joueurs qui prennent part à des jeux et sports d’équipe, principalement lorsqu’ils doivent déterminer l’action la plus appropriée dans le jeu. Ces connaissances peuvent être évaluées de manière à situer leur niveau de développement au cours de leur carrière. La nature de ces connaissances et les particularités de leur utilisation lorsque les joueurs réalisent des actions dans le jeu requièrent une méthode adéquate pour décrire leur contenu. Ainsi, trois joueurs de soccer de 13 ans évoluant dans une ligue compétitive amateure au Portugal ont été inter-rogés à la suite de deux de leurs matchs officiels de championnat en respectant le protocole de l’Entretien d’Explicitation (Vermersch, 1994). Leurs matchs ont été filmés, et le vision-nement de séquences vidéo extraites ont aidé le rappel et la description des actions exécu-tées dans le jeu. Une analyse qualitative des réponses fut réalisée dans le but d’identifier: (1) les éléments perçus, les actions réalisées lorsque le joueur devait décider ce qu’il allait faire dans les situations proposées, (2) les liens établis entre les perceptions et actions; et (3) les points communs dans l’information verbalisée par les joueurs. L’entretien d’explicita-tion a effectivement permis aux joueurs de verbaliser la manière dont ils ont pris des déci-sions mais l’application de la technique au domaine des sports d’équipe requiert encore des améliorations. Les résultats démontrent que la plupart des décisions dans le jeu sont prises avec l’intention de profiter d’opportunités de progresser vers le but adverse, et que les joueurs savent ce que les risques ou les avantages de ces occasions représentent. Ces résul-tats permettent d’établir un point de référence dans des parcours d’apprentissage au soccer et peuvent servir aux intervenants pour déterminer ce qui doit être appris, et donc quelles activités peuvent être réalisées pour faire progresser les joueurs.

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ABSTRACT

The tactical knowledge is a particularly useful resource for players who take part to team sport games, when they have to choose the most appropriate thing to do in the play. This knowledge can be assessed in order to scale the level of the player throughout their career. Its characteristics and the particularities of its use in the play requires to use the right method to describe its content. In this study, three soccer players of 13 year old playing for an amateur competitive team in Portugal have been interviewed after two of their official championship games using the protocole called “Entretien d’Explicitation” (Vermersch, 1994). Their games were filmed and video sequences were extracted and showed to them in order to help them remember the course of their actions in the game. Interview using the Entretien d’explication method was used to help them describe in detail their actions. A qualitative analysis of the answer was performed with the aim to identify: (1) the percep-tions, the decisions; (2) the links between what he has perceived and what he has done; and (3) the common elements amongst the information verbalized by the players. The interview method effectively allowed the players to verbalize their decisions but the applicability of the method still requires improvements. The results show that players generally assess risks and opportunities that emerge in the game, through which knowledge is manifested. These results offer a reference point in learning pathways in soccer. Scaling players’ knowledge level can be useful to the coaches to determine what has to be learned and what type of learning situations to be offered to make the players progress.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ...III ABSTRACT ...IV TABLE DES MATIÈRES ...V LISTE DES TABLEAUX ...VI LISTE DES FIGURES ...VII REMERCIEMENTS ...IX 1. INTRODUCTION ...1 Composante tactique ...3 But de l’étude ...10 1. CHAPITRE 1 CADRE CONCEPTUEL ...12

1.1. L’action tactique dans le jeu et la prise de décision ...12

1.2. L’action tactique et la prise de décision selon l'approche cognitiviste ...14

1.3. L’action tactique et la prise de décision selon l’approche écologique ...17

1.4. L’action et la prise de décision en combinant les deux approches ...19

1.5. La verbalisation de l’action ...26

1.6. La formation des joueurs en soccer ...28

2. CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE ...32 2.1. Sujets ...32 2.2. Éthique ...36 2.3. Essais méthodologiques ...36 2.4. Instruments et procédures ...38

2.5. Analyse des données ...51

3. CHAPITRE 3 DESCRIPTION DES RÉSULTATS ...65

3.1.La description des données obtenues ...65

4. CHAPITRE 4 INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ...76

4.1. Interprétation de l’analyse descriptive ...76

4.2. Identification et analyse des éléments significatifs ...77

5. CHAPITRE 5 DISCUSSION ...88

5.1. Connaissances les plus récurrentes ...88

5.2. Concepts émergents dans les exemples ...95

5.3. Considérations et implications ...96

6. CONCLUSION ...102

LISTE DES RÉFÉRENCES ...105

ANNEXES ...120

1. Annexe 1. Exemple du point de vue de captation des matchs ...120

Annexe 2. Grille des zones du terrain de soccer selon Teoldo et ses collaborateurs (2009) ...121

2. Annexe 3. Liste des codes en Portugais ...121

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 3.1 Catégories préliminaires des propos pour l’entrevue semi-structurée. ...55

Tableau 3.2 Tableau modèle de reconstitution chronologique de l’action ...58

Tableau 3.3 Distinction entre l’action mentale et l’action motrice ...59

Tableau 3.4 Exemples de perceptions ...60

Tableau 3.5 Exemples de traitement ...62

Tableau 4.1 Analyse descriptive des actions verbalisées ...67

Tableau 4.3 Répartition des mentions directes de perceptions ...68

Tableau 4.4 Répartition des fragments pour chaque groupe de codes ...69

Tableau 4.5 Répartition des fragments pour le groupe de codes “traitement d’information” ...72

Tableau 4.6 Compilation des codes les plus récurrents, pour chacun des groupes de codes, et leur définition 75 . Tableau A1 Proposta de códigos e suas definições. ...122

Tableau A2 Proposta de códigos de percepções visuais e suas definições ...124

Tableau A3 Proposta de códigos de estímulos compostos e suas definições ...126

Tableau A4 Proposta de códigos de tratamento da informação e suas definições ...128

Tableau A5 Proposta de referências exteriores e suas definições ...129

Tableau A6 Proposta de retorno sobre a ação e suas definições ...131

Tableau A7 Répartition des codes dans l’analyse des entrevues semi-structurées ...132

Tableau A8 Répartition des fragments pour le groupe de codes “perceptions visuelles simples”, global (G) et pendant l’action (P) ...133

Tableau A9 Répartition des fragments pour le groupe de codes “perceptions visuelles contextualisées”, global (G) et pendant (P) l’action ...134

Tableau A10 Répartition des fragments pour le groupe de codes “évaluations”, global (G) et pendant (P) l’ac-tion ...135

Tableau A11 Répartition des fragments pour le groupe de codes “références externes”, pendant l’action ...135

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LISTE DES FIGURES

Figure 2.1 Version simplifiée du modèle de prise de décision selon Orasanu et Connolly (1993) ...14 Figure 2.2 Représentation graphique des relations entre l’action, la détermination de l’action, ses mécanismes et ses ressources - Intégration et interprétation des notions de Greco (2006) ...15 Figure 2.3 Représentation graphique interprétée et adaptée du modèle « Developmental Ecological Rationality » (Marasso et al., 2014) ...20 Figure 2.4. Représentation graphique de l’accès aux connaissances utilisées dans l’action, interprétée et adap-tée des travaux de Vermersch (1994) et Williams et Davids (1995). ...27 Figure 3.1 Le terrain de soccer et la position des 20 joueurs de terrain, l’aire et les sous-régions de jeu dans un exemple de situation de jeu (Vilar, Araújo, Davids, & Bar-Yam, 2013). ...34 Figure 3.2 Illustration du protocole de collecte des données. ...40 Figure 3.3 Illustration des étapes de l’analyse des résultats, inspiré de Mouchet (2012) ...52

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Au foot, aux jeunes, et à la vie.

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REMERCIEMENTS

Ce travail est de nous tous. Au football comme dans les grandes découvertes, le par-tage fait la conquête. Toutes les personnes qui ont aidé de près ou de loin ne peuvent être mentionnées dans cette section, mais toutes les rencontres ont compté dans l’apprentissage, la recherche, les réflexions et la réalisation de ce projet.

En tout premier lieu, merci à mes parents. Ils ont toujours su me conseiller judicieu-sement pour progresser. En plus de leur incommensurable générosité et patience, ils ont aussi apporté leur expertise en sports, leurs nombreuses habiletés pour la productivité, et bien sûr beaucoup d’énergie positive. Et à Tio John, qui a certainement été une inspiration de vie, d’authenticité et de passion pour mon parcours.

Merci à toutes mes rencontres, collègues, professeurs, joueurs, entraineurs, voya-geurs, sans qui les idées ne seraient jamais nées. Parmi ces rencontres, les membres du « NUPEF » au Brésil, ainsi que ceux de la Faculté des Sports de l’Université de Porto au Portugal ont eu une influence particulière sur la direction qu’ont pris les efforts de re-cherche. Mes respects aux Professeurs Garganta et Oliveira qui ont rendu ce projet pos-sible. Un merci particulier à Rafael Bagatin, un partenaire de travail énergique qui m’ins-pire à chaque jour. Son aide, sa disponibilité et son énergie sont des éléments clés dans ce projet. Et à ma grande amie Flávia. Obrigadissimo a todos pelos momentos.

À tous mes amis de soccer et de sports, qui ont tous ensemble eu un impact sur mon désir d’aller plus loin. Leur énergie et leur enthousiasme à pratiquer le soccer me donnent toujours envie de répondre à des questions qui pourront, je l’espère, aider les prochaines générations de joueurs québécois à atteindre un plus haut niveau.

Un merci particulier à une personne inspirante, mon superviseur de recherche Luc Nadeau. Je me souviendrai toujours de son habileté à catalyser mon effervescence avec son ton de voix, et à me forcer à me rediriger vers le plus important en quelques mots. Et bien sûr à me défier à réaliser le plus difficile, atteindre la simplicité. Finalement, merci à mes collègues de maîtrise pour avoir enduré mes folies et enrichi mes réflexions.

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1.

INTRODUCTION

Le développement des performances chez les athlètes consiste principalement à fa-voriser l’apprentissage, la maîtrise et le perfectionnement des aptitudes et habiletés qui se-ront nécessaires à leur pratique sportive récréative ou compétitive (Côté, Bruner, Erickson, Strachan, & Fraser-Thomas, 2010). L’approche la plus courante consiste à s’entraîner en offrant un encadrement de qualité sur un maximum d’aspects reliés à la performance, comme la technique ou la physiologie de l’exercice, et ce tout au long de leur carrière (Ba-lyi, Way, & Higgs, 2013). Cette approche implique aussi d’organiser les conditions et les contenus d’apprentissage en élaborant une planification détaillée, et en réalisant des entraî-nements structurés et progressifs (Teoldo, Greco, Garganta, Costa, & Mesquita, 2011).

La plupart des organismes de régie du sport ont donc mis en place des moyens pour systématiser le développement d’habiletés générales et spécifiques à leur sport respectif (Stafford, 2005). À l’instar de plusieurs associations d’autres pays, l’Association Cana-dienne de Soccer a élaboré un guide de développement des habiletés des joueurs en fonc-tion des groupes d’âge, de manière à assurer une continuité dans l’apprentissage et la maî-trise des habiletés de jeu, depuis l’initiation jusqu’à la haute performance (Association Ca-nadienne de Soccer, 2009).

Les étapes présentées dans ces guides de développement des joueurs de soccer sont décrites par rapport à quatre catégories d’habiletés, soit les habiletés physiques, techniques, tactiques et psychologiques (Association Canadienne de Soccer, 2009; Balyi et al., 2013). Ces catégories sont souvent considérées comme les composantes fondamentales de la per-formance sportive. Bien que chacune de ces catégories d’habiletés soit identifiée et consti-tue une entité en soi, il est aussi reconnu qu’elles sont étroitement inter-reliées et que la réa-lisation d’une performance ne peut se faire sans leur intégration (Cardinal, Chouinard, & Roy, 2006). Il convient donc de dire qu’une amélioration dans chacune des composantes influence l’efficacité et le rendement global, donc la performance proprement dite (Gargan-ta, Guilherme, Barreira, & Rebelo, 2013).

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Une des premières catégories à être considérée dans le développement d’un sportif est celle reliée aux habiletés techniques, soit les actions motrices spécifiques à un sport. Dans le cas du soccer, ce sont en grande partie les exigences particulières du sport qui justi-fient ce fait. En effet, le joueur de soccer doit acquérir plusieurs habiletés spécifiques pour contrôler le ballon qui doit être manipulé sans l’usage des mains (Aquino, Puggina, Alves, & Garganta, 2017). Il est donc accepté que la composante technique reçoive plus d’atten-tion et qu’elle occupe une partie plus importante dans un programme de développement. La composante physique, qui englobe les aspects de l’énergie et des caractéristiques muscu-laires, a grandement été enrichie par les connaissances scientifiques provenant d’autres dis-ciplines comme entre autres la biomécanique et la physiologie sportive (Weineck & Port-mann, 1997). Ces deux champs disciplinaires ont contribué à une meilleure identification des besoins en soccer, comme par exemple la vitesse explosive requise pour se démarquer d’un adversaire ou des aptitudes cardiorespiratoires, soit l’endurance pour couvrir la dis-tance à courir lors d’un match. Ces apports scientifiques ont été rapidement traduits en étapes de développement mieux définies et coordonnées selon les âges ou les niveaux des joueurs de façon à favoriser l’atteinte de niveaux de performance plus élevés (Balyi et al., 2013; Weineck & Portmann, 1997).

Or, si les aptitudes physiques et les habiletés techniques sont élaborées de façon ex-haustive dans les guides de développement à long terme des athlètes, ce n’est pas le cas pour les aspects tactiques et psychologiques. Pourtant, il est reconnu que les sports d’équipe ont une dominante tactique importante, et que la performance en soccer, par exemple, dé-pend en grande partie de la qualité de cette composante. Il serait alors souhaitable que les guides de développement en soccer couvrent davantage le contenu tactique du jeu et que l’enseignement des sports d’équipe soit élaboré en en tenant compte (Bouthier, Gréhaigne, & Godbout, 1999; Thorpe, Bunker, & Almond, 1986).

En ce sens, le contenu relié à la tactique dans le Guide Canadien pour le dévelop-pement du Soccer est plutôt limité, et les étapes de dévelopdévelop-pement ne sont détaillées qu’à partir de 15 ans (2009). Les termes utilisés en référence à la tactique sont vagues et la

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des-cription des habiletés tactiques est sommaire ou simplement absente. Par exemple, le contenu tactique décrit fait référence aux situations de 1 contre 1, de 2 contre 2, et évolue jusqu’au système tactique d’équipe, sans pour autant apporter de détails sur le type de solu-tions visé dans chaque situation (Teoldo, Guilherme, & Garganta, 2017). Le déficit de contenu sur la tactique que l’on retrouve dans la majorité des guides de développement des athlètes en sport collectif constitue une limite importante pour le développement des joueurs. En effet, l’absence d’un contenu détaillé au sujet des stades de progression et des processus pour les atteindre nuit au développement des joueurs dans cette composante et interfère directement avec les autres composantes puisqu’elles sont interdépendantes (Balyi et al., 2013).

Par ailleurs, même si les composantes techniques et physiques peuvent être tra-vaillées dans des situations isolées en dehors du jeu, la composante tactique, elle, doit obli-gatoirement être étudiée dans l’environnement spécifique de jeu, ou du moins dans des si-tuations qui se caractérisent par l’opposition et la coopération (Aquino et al., 2016; Gargan-ta, 2009). Il en résulte donc que peu de recherches ont pu être réalisées en laboratoire ou en utilisant des situations contrôlées et comparables, rendant ainsi plus difficile l’obtention de données scientifiques du même ordre que les autres composantes.

Pour contrer cette situation, il convient donc d’abord d’expliciter les principaux concepts qui sont rattachés à la tactique et de vérifier l’état de la situation par une recension des écrits. L’élaboration d’une nouvelle étude scientifique sera alors mieux justifiée et les liens avec les autres recherches seront plus faciles.

Composante tactique

Bien que les composantes de la performance soient toutes inter-reliées, les scienti-fiques les étudient de manière générale séparément tout en conservant en tête qu’elles sont indissociables et importantes à des niveaux différents. En tout premier lieu, il est donc né-cessaire de bien comprendre ce que représente la composante tactique d’une habileté ou d’une action dans le jeu. Selon Bouthier, Gréhaigne et Godbout (1999), la tactique se défi-nit comme le choix de l’action appropriée dans le jeu, soit une action coordonnée avec

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celles des coéquipiers de manière à marquer des buts et vaincre l’adversaire. Comme dans toutes les activités sportives où il faut agir contre un adversaire qui défend son but, le choix de l’action appropriée à chacun des moments du jeu est tout aussi important que l’exécution du geste lui-même pour assurer la réussite de l’action (Grehaigne, Godbout, & Bouthier, 1997; Mouchet, 2014). C’est pour cette raison que les composantes tactiques et techniques de l’action sont intimement liées et sont souvent appelées dans le guide canadien par l’ex-pression habiletés technico-tactiques (Cardinal et al., 2006; Doroshenko Eduard, 2011). Ainsi par exemple, le choix de faire une passe à un coéquipier constitue un élément tactique mais ne sera valable que si cette passe se rend au bon destinataire sans être interceptée. Donc, bien que toutes les composantes de la performance soient inter-reliées lors de l’exé-cution des actions dans le jeu, une bonne qualité tactique représente une grande partie de la réussite d’une action.

Les habiletés tactiques sont directement liées à la finalité du jeu qui est d’interagir entre coéquipiers afin de marquer des buts, tout en empêchant l’adversaire de le faire. Contrairement aux sports dits cycliques, où la performance est de battre un temps ou une parcourir une distance, le soccer exige de la part des participants de continuellement s’adapter aux actions des coéquipiers et adversaires dans le but commun et ultime de ga-gner le match (Georget, 2013). Il est donc justifié que plusieurs chercheurs reconnaissent la composante tactique comme la plus importante dans le sport collectif (Bouthier et al., 1999; da Costa, da Silva, Greco, & Mesquita, 2009; Thorpe et al., 1986).

Bien que le corps de connaissances sur la tactique en sports collectifs soit encore à développer, plusieurs éléments constituent déjà une base de référence pour les études. Une première constatation reconnue autant par les chercheurs que les praticiens en sports collec-tifs est que les bons joueurs font, la majorité du temps, la bonne action au bon moment dans le jeu (Rezende & Valdés, 2003; Starkes & Ericsson, 2003). Le résultat de leur action pro-cure souvent un avantage clair à leur équipe. Plusieurs études en sciences du sport ont jus-tement visé à identifier comment les bons joueurs déterminent ce qu’ils font lorsqu’ils jouent (Bossard & Kermarrec, 2011; Starkes & Ericsson, 2003). La compréhension des

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processus par lesquels ils sont passés pour être efficaces dans le jeu pourrait contribuer à l’élaboration de contenus et d’étapes de formation pour les jeunes joueurs en développe-ment.

Les travaux de Williams et ses collaborateurs (1999; 2018) sont parmi ceux qui ont eu un impact important sur l’avancement des connaissances scientifiques en soccer, en dé-crivant spécifiquement ce que les athlètes regardent lorsqu’ils performent en situation de match comme l’emplacement de l’espace ou la proximité avec l’adversaire. Les résultats de ces travaux ont entre autres permis d’identifier que les éléments d’information clés du jeu sur lesquels les joueurs portent leur attention lorsqu’ils sont en action sont limités et va-riables, et que la quantité de ces éléments d’information perçus qu’ils traitent réellement est encore plus réduite (Williams et al., 1999). D’autres études ont aussi permis de démontrer que les bons joueurs font une utilisation efficiente de leurs capacités cognitives en appli-quant automatiquement des méthodes optimales, comme trier ou prioriser ce qu’ils per-çoivent, ou encore reconnaître davantage les patrons de jeu dans leur ensemble plutôt qu’un élément d’information spécifique, ce qui semble leur permettre de prendre des meilleures décisions dans le jeu (Rezende & Valdés, 2003; Tenenbaum, 2003). De plus, il a été démon-tré que les joueurs experts dans plusieurs sports reconnaissent des signes comme les fai-blesses de leurs adversaires, ce qui leur permet d’en tirer avantage en orientant leurs prises de décision dans des situations de jeu de un contre un (Del Villar, García González, Igle-sias, Perla Moreno, & Cervelló, 2007; Nielsen & McPherson, 2001). Enfin, toutes ces avancées dans le champ de la cognition reflètent des indices significatifs au sujet des méca-nismes de prise de décision, dont un des plus importants s’avère l’anticipation (Vickers, 2007). En effet, l’anticipation regroupe tous les éléments d’information nommés précé-demment et permet de gagner du temps pour l’exécution de l’action (Williams & Ward, 2007).

D’autres chercheurs en sciences du sport ont aussi pu démontrer que les joueurs per-formants développent des connaissances au sujet de leur sport qui sont supérieures à celles des joueurs novices (Costa, Garganta, Fonseca, & Botelho, 2002; Dodds, Griffin, & Placek,

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2001). Ces connaissances incluent des conceptions avancées du jeu qui peuvent être exploi-tées dans certaines phases de jeu lorsqu’ils jouent (Griffin, Dodds, Placek, & Tremino, 2001). Par exemple, des joueurs habiles et avancés dans la pratique de leur sport suggère-raient de garder le ballon pour faire bouger l’adversaire, ce qui, malgré le risque soulevé, est une manière de créer un espace qui peut être utilisé dans un deuxième temps (Perarnau, 2016). Les joueurs experts ont aussi une représentation plus précise des situations de jeu, ou plus précisément des configurations de joueurs, de leur importance, et de leur répercussion selon les phases de jeu (Gréhaigne, 1993; Oliveira, 2004). Enfin, il est démontré que la combinaison des savoir-faire techniques et des connaissances des joueurs les aident à exé-cuter des gestes techniques avancés et à diriger leur attention sur des aspects significatifs et pertinents du jeu, à anticiper ce qui s’y passe, et à réaliser les gestes techniques nécessaires pour résoudre des situations de jeu (Greco, 2006; James, Caudrelier, & Murray, 2005).

Ainsi, grâce à tous ces mécanismes et à leur entraînement dans des exercices élabo-rés à cet effet, des joueurs de soccer experts peuvent démontrer une activité cognitive supé-rieure, ce qui leur permet d’utiliser l’ensemble de leurs connaissances (North, Ward, Erics-son, & Williams, 2011; Roca, Ford, McRobert, & Williams, 2011). Par contre, aucune des études consultées dans le cadre du présent projet de recherche n’a permis de préciser comment les connaissances, comme celles au sujet des éléments d’information pertinents ou des configurations de jeu, sont intégrées dans les programmes tout au long du dévelop-pement des joueurs de soccer. Davantage d’études sur ce sujet permettrait de détailler la nature et le contenu de ces connaissances à travers les étapes de développement des joueurs ainsi que les démarches que les entraîneurs et responsables de développement pourraient implanter ou utiliser pour favoriser leur apprentissage.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi, à l’heure actuelle, il est encore impossible de décrire de façon exhaustive toutes ces connaissances du jeu et la manière dont elles sont réellement utilisées chez les joueurs de soccer de tous les âges. Premièrement, la descrip-tion ou l’identificadescrip-tion des connaissances effectivement utilisées est encore improbable à cause de leur nombre et de leur complexité. Cette identification doit idéalement se faire en

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situation réelle de jeu pour être valide, puisqu’il est difficile de recréer artificiellement ou lors des entrainements les conditions de jeu qui reproduisent les mêmes enjeux de match ou l’influence des adversaires et coéquipiers (Barata & Araújo, 2005).

Deuxièmement, à notre connaissance, il n’existe actuellement aucun moyen permet-tant de connaître l’information qui est prise en considération par le joueur en temps réel lorsqu’il joue (Mouchet, Vermersch, & Bouthier, 2012). En effet, la description de l’infor-mation utilisée lors d’un processus cognitif qui mène à  la réalisation d’une action appro-priée en situation de jeu ne peut se faire directement, ni en temps réel. Il s’agit de nom-breuses activités mentales exécutées par les joueurs souvent en une fraction de seconde et, par surcroit, au moment où ils sont en action. Ainsi, l’une des seules méthodes actuellement valides et accessibles pour obtenir cette information est d’analyser ce que le joueur peut verbaliser au sujet de ce qu’il a fait ou croit avoir fait dans le jeu. Il s’agit donc d’une mesure indirecte puisque la verbalisation agit comme un intermédiaire et dépend des capacités de l’individu à nommer ce qu’il ressent ou ce dont il se souvient (Vermersch, 1994). Or, il est reconnu qu’il peut y avoir une grande différence entre ce qu’une personne a effectivement fait et ce qu’elle s’imagine avoir fait (Ericsson & Simon, 1987). De plus, la grande rapidité du jeu fait qu’un joueur n’aura gardé en mémoire que certaines des nom-breuses actions exécutées, soit parce qu’elles n’ont pas été marquantes pour lui ou qu’elles se sont déroulées trop rapidement (Damásio, 2012).

Troisièmement, il a aussi été démontré dans la majorité des études sur les connais-sances tactiques des joueurs que pouvoir parler d’une action et la réaliser sont deux habile-tés différentes (Araújo, Travassos, & Vilar, 2010). Cette différence se manifeste clairement dans des études sur les connaissances déclaratives, qui consistent à demander à un joueur de regarder une vidéo d’une action d’un joueur professionnel et de dire ce qu’il aurait dû faire à la place (Mangas, Garganta, & Fonseca, 2002). Le fait que le joueur puisse dire ce qu’il aurait fait dans une telle situation ne garantit en rien qu’il l’aurait effectivement fait, ou qu’il en aurait été capable. À l'inverse, il a aussi été démontré que des joueurs réus-sissent des actions sans être capables de justifier pourquoi ils le font (McPherson &

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Vi-ckers, 2004). En temps réel de jeu, la plupart des joueurs mettent en priorité l’atteinte d’un résultat plutôt que de porter leur attention sur le processus qu’ils traversent pour y arriver. Par conséquent, il leur est souvent difficile de s’en souvenir à postériori et encore plus de faire des liens avec les situations d’apprentissage ou les conseils qui leur ont permis de le faire.

Plusieurs études scientifiques effectuées auprès de joueurs et athlètes utilisent la méthode d’interrogation pour connaitre les raisons pour lesquelles ils ont réalisé une action dans une performance en sports collectifs (Nielsen & McPherson, 2001). Par contre, ces interrogations amènent souvent les joueurs à justifier ce qu’ils ont fait plutôt qu’à décrire ce qu’ils ont fait, et les circonstances dans lesquelles ils l’ont fait. Une telle justification des actions augmente les risques de l’invention des faits, en prétendant savoir ou avoir vu quelque chose, ou encore d’une réinterprétation fictive des situations en maquillant la réali-té, ce qui aurait pour effet d’apporter de faux arguments au sujet des décisions prises dans le jeu (Ericsson & Simon, 1987).

Donc, il apparait essentiel de trouver une manière plus appropriée permettant d’énumérer et de décrire les principales connaissances utilisées dans le jeu pour mieux en comprendre leur contenu et ainsi favoriser la planification des apprentissages. Ces appren-tissages peuvent inclure par exemple (1) le type de situations de jeu qu’ils doivent expéri-menter pour développer une représentation appropriée du jeu, ou encore (2) le type d’inter-ventions offertes par l’entraineur pour favoriser le développement des connaissances adé-quates aux situations de jeu proposées, et ultimement atteindre l’efficacité dans une situa-tion de jeu visée (de Pinho, Alves, Greco, & Schild, 2010; Gréhaigne, 2007). Pour assurer une progression dans l’apprentissage, ces situations et ces interventions devraient être of-fertes aux joueurs sur la base de ce qu’ils sont capables de faire ou de ce qu’ils connaissent (Weineck & Portmann, 1997). Ainsi, décrire les connaissances utilisées permettrait d’ap-porter de l’information supplémentaire sur l’état de connaissance actuel chez les joueurs, ce qui reflèterait des indices qui pourraient contribuer à une meilleure gestion du développe-ment des joueurs.

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L’amélioration des méthodes de recherche sur les connaissances tactiques des joueurs est nécessaire. Présentement, l’information au sujet de la tactique contenue dans les guides de référence des fédérations sportives provient en grande partie des connaissances et de l’expérience des entraîneurs sur la base leur propre perspective et non directement de celle des joueurs eux-mêmes. Cette réalité soulève des questions sur le contenu des inter-ventions que peuvent offrir les entraineurs à leurs joueurs, spécialement en ce qui a trait aux solutions apportées dans le jeu selon la perspective de l’entraîneur ou de celle des joueurs sur le terrain. En effet, il est fort possible que l’entraîneur conçoive le jeu bien différem-ment des joueurs pour les raisons suivantes.

Premièrement, l’observation du jeu depuis l’extérieur du terrain comme le font les entraîneurs donne une perspective fort différente de celle vécue par les joueurs qui sont sur le terrain. Il serait logique de croire que le point de vue externe au jeu permettrait à l’entraî-neur de comprendre différemment des situations de jeu comparativement à celles d’un joueur qui y est plongé. En effet, les joueurs pourraient ne pas apercevoir ou ne pas consi-dérer plusieurs éléments du jeu comme adéquats sur le moment, notamment à cause de leur champ de vision ainsi que la vitesse à laquelle se déroulent les événements dans le jeu. De plus, l’observateur à l’extérieur du terrain ne vit pas le jeu de la même manière que les joueurs lorsqu’ils jouent, puisque la perspective est différente. Il en est de même pour le joueur qui observe une séquence de jeu qu’il n’a pas lui-même vécue. C’est une raison de plus pour se rapporter à une situation de jeu réelle et vécue plutôt qu’à des situations artifi-cielles ou contrôlées pour décrire les connaissances tactiques des joueurs.

Deuxièmement, les joueurs doivent continuellement réagir aux nombreux événe-ments du jeu qui ne se reproduisent jamais exactement de la même façon (Garganta, 1997). Ces réactions au jeu des coéquipiers et adversaires peuvent se montrer incompatibles avec l’organisation de l’équipe prévue à priori par l’entraîneur, par exemple au modèle de jeu ou la stratégie employée pour le match (Araujo, Davids, & Hristovski, 2006). En réalité, les joueurs doivent souvent s’adapter rapidement aux actions des adversaires de manière à res-pecter les grands principes de jeu leur permettant d’attaquer le but adverse et de défendre le

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leur. Ces adaptations peuvent parfois être en contradiction avec la stratégie pré-établie ou les principes du modèle de jeu déterminés avant le début du match.

Il apparait donc essentiel de tenter de décrire la perspective des joueurs au sujet de ce qu’ils font dans le jeu, parce qu’ils sont les seuls acteurs dans le jeu, et parce que ce sont eux qui apprennent à jouer (Jarrett, Mouchet, Harvey, Scott, & Light, 2014). Une étude descriptive portant sur la nature des connaissances utilisées par les joueurs en formation serait une première étape pour savoir ce qu’ils apprennent réellement, ce qui est significatif pour eux, et ce qu’ils prennent en considération parmi la grande variété d’événements qui se déroulent durant un match.

Enfin, la pauvreté du contenu pour la composante tactique dans les guides de forma-tion publiés par les fédéraforma-tions démontre encore plus la difficulté à décrire précisément les connaissances tactiques. À cet égard, il y a un manque flagrant de données scientifiques exhaustives et d’information provenant des joueurs mêmes, tant dans le secteur scientifique que dans le secteur pratique. Ainsi, identifier et décrire les raisons pour lesquelles des joueurs prennent une décision dans le jeu permettraient non seulement de proposer des réfé-rences utiles dans la progression de l’apprentissage des actions sur le plan tactique, mais également de s’assurer que la proposition des exercices soit valide et utile aux joueurs, sur-tout sur la base de leurs besoins de développement et de leur niveau de jeu. À ce titre, il est essentiel de garder les exercices le plus représentatif possible de la réalité de compétition, ainsi que du niveau des joueurs en développement (Pacheco, 2015).

But de l’étude

Le but de la présente étude est de décrire des connaissances tactiques utilisées par trois joueurs en formation lorsqu’ils jouent. Les connaissances du jeu que les joueurs peuvent construire et utiliser lorsqu’ils jouent proviennent de diverses sources comme des souvenirs ou des conseils reçus ainsi que de l’expérience répétée de diverses situations de jeu. Malgré toutes les difficultés associées à l’étude des connaissances utilisées dans l’ac-tion, il demeure important d’identifier celles qui sont susceptibles d’être utilisées par un joueur pour comprendre ce qui lui permet d’apprendre ou de performer dans le jeu.

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Il est possible de croire qu’en combinant une méthode appropriée de questionne-ment des joueurs et une analyse de leurs réponses, les connaissances utilisées par le joueur durant le jeu pourraient être davantage décrites et contribueraient à une meilleure compré-hension des apprentissages dans les sports collectifs. Une fois bien complétée, cette étude exploratoire pourrait créer une première base de connaissances qui permettrait de mieux comprendre une partie du processus de développement des habiletés tactiques au soccer et de mieux planifier et gérer la formation des joueurs au long de leur carrière. Cette étude permettrait également de rendre l’intervention de l’entraîneur plus pertinente, sur la base de la réalité du joueur. Par exemple, de telles analyses rendraient possibles des interventions centrées sur la compréhension du jeu qu’a le joueur plutôt que sur la prescription d’actions à réaliser (Gréhaigne, Richard, & Griffin, 2005). L’entraîneur aurait alors en sa possession plus d’outils pour déterminer ce qui doit être appris, et le joueur pourrait bénéficier de cette opportunité pour prendre conscience de ce qui l’amène à faire certaines actions dans le jeu.

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1.

CHAPITRE 1

CADRE CONCEPTUEL

Le cadre conceptuel ayant servi de base pour la présente étude englobe les concepts reliés à l’action tactique dans le jeu ainsi que les processus de prise de décision selon deux approches différentes. La verbalisation de l’action est quant à elle présentée comme une méthode appropriée pour obtenir l’information des joueurs relativement à ces concepts et à leurs prises de décision.

1.1. L’action tactique dans le jeu et la prise de décision

Dans le domaine des sports, le terme « action » correspond à ce que le joueur fait dans le jeu et est, par conséquent, ce qui peut être observé de l’extérieur par un individu regardant l’activité (Deleplace, 1994). Le terme action, utilisé dans ce document, fait donc plus précisément référence aux différentes actions motrices exécutées par les joueurs, comme un déplacement ou une passe, et non à l’ensemble des événements dans un jeu, comme l’indique l’expression « il y a de l’action » (Williams et al., 1999).

Une grande partie de la performance des joueurs de sports collectifs repose sur leur capacité à choisir l’action appropriée et à l’exécuter au bon moment dans une situation de jeu (Garganta, 1997). Ce choix de l’action appropriée correspond à ce que Greco (2006) qualifie de « quoi faire dans le jeu » et réfère à la composante tactique de la performance. Nadeau et Gréhaigne (2015) mentionnent que l’exécution d’une action tactique est ratta-chée à deux concepts importants à savoir le temps, soit quand faire l’action dans le jeu, et l’espace, soit à quel endroit faire cette action en préférence à une autre. L’importance de la composante tactique est mise en évidence par le fait qu’au soccer, par exemple, c’est en grande partie par le positionnement et le déplacement dans le temps et l’espace des autres joueurs que l’unique porteur de ballon peut bénéficier des opportunités de jeu. Selon Greco (2006), une autre composante tout aussi nécessaire à la réussite d’une action réfère au « comment faire » l’action motrice et se rattache davantage aux composantes physique et technique de la performance. Une définition simple, limitée aux aspect techniques et

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tac-tiques, serait donc que l’action dans le jeu est le résultat d’un choix pertinent et d’une bonne exécution, menant ainsi à sa réussite (Grehaigne et al., 1997; Mouchet, 2014).

L’action motrice d’un joueur dans le jeu est contrainte par le temps alloué pour l’exécuter (Araujo et al., 2006; Nadeau & Gréhaigne, 2015). Cette situation s’explique parce que les adversaires agissant contre lui ont exactement des objectifs opposés. Si une équipe se déplace de manière à faire progresser le ballon pour pouvoir le botter dans le but adverse, l’autre cherche automatiquement à protéger son but et à se déplacer de manière à limiter la progression du ballon et empêcher l’adversaire de marquer, et ce très rapidement (Mahlo, 1974). En situation de jeu, la détermination de l’action motrice à faire et son exé-cution sont presque simultanées et se déroulent de manière continue sous pression de l’ad-versaire (Barata & Araújo, 2005). Par conséquent, l’ensemble de l’action ne peut être entiè-rement réfléchie en analysant les avantages et désavantages de la faire. C'est pour cette rai-son que certains auteurs qualifient certaines de ces actions de pré-réfléchies (Vermersch, 2000). De plus, le joueur lui-même peut ne pas avoir conscience de tous les détails impor-tants qui justifient sa prise de décision et de ce qui l’a amené à faire ce qu’il a fait dans un contexte où tout se déroule aussi rapidement. Il pourrait aussi ne pas se souvenir de tous ces éléments d’information une fois l’action réalisée parce qu’il est sollicité pour agir de nou-veau (Nadeau & Gréhaigne, 2015). Ces deux phénomènes peuvent amener les joueurs à ne garder à l’esprit que des éléments qui leurs sont significatifs.

Un modèle proposé par Orasanu et Connelly (1993), et présenté à la Figure 2.1, illustre bien les étapes pouvant mener à une prise de décision. Selon ce modèle, un individu qui agit dans son quotidien, détermine habituellement ce qu’il va faire avant de l’exécuter. Si cette conception séquentielle de l’action était appliquée à l’action motrice dans le jeu, l’action serait toujours déterminée avant de l’exécuter. Cependant, il est aussi reconnu que certaines de ces actions sont exécutées de manière automatique, comme une simple réaction à un stimulus. Bien que la proportion des types d’actions réfléchies ou automatiques en si-tuation de jeu soit difficilement mesurable, il est possible de penser qu’un joueur qui peut

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anticiper le jeu en utilisant ses connaissances se donnerait de meilleures conditions pour déterminer ce qu’il va faire, conformément au modèle de Orasanu et Connolly.

Figure 2.1 Version simplifiée du modèle de prise de décision selon Orasanu et Connolly (1993)

Le modèle de prise de décision linéaire d’Orasanu et Connolly s’avère donc per-tinent pour démontrer de manière simple l’utilisation des connaissances dans le jeu. De plus, ce modèle appuie la théorie qui sous-tend que le joueur est capable de traverser diffé-rentes étapes cognitives pour arriver à faire les bonnes actions dans le jeu, incluant les étapes de la perception et du traitement de l’information (Casanova, Oliveira, Williams, & Garganta, 2009; Ward, 2003). Par exemple, c’est dans l’étape du traitement de l’informa-tion que les éléments d’informal’informa-tion seraient utilisés pour anticiper le jeu.

Ce modèle d’analyse de la prise de décision s’inscrit dans deux courants de pensées plus globaux, soit le courant cognitiviste et le courant écologique (Bossard & Kermarrec, 2011). Ces deux courants de pensées ont été préférés à d’autres courants comme entre autres le socio-constructivisme puisque leur objet de recherche vise davantage les concepts en lien avec la prise de décision et son analyse plutôt que l’évolution des individus dans le processus d’apprentissage (Araujo et al., 2006; Balyi et al., 2013).

1.2. L’action tactique et la prise de décision selon l'approche cognitiviste

Un grand nombre d’études portant sur l’action et la prise de décision sont inscrites dans une perspective issue d’un courant de recherche en sciences humaines appelé cogniti-visme (Williams, Davids, Burwitz, & Williams, 1992). Les chercheurs qui endossent ce courant de pensées reconnaissent qu’un individu perçoit l'information de son entourage et la traite mentalement afin de prendre une décision (Bossard & Kermarrec, 2011; Lindsay & Norman, 1980). Une décision rationnelle consiste à utiliser les connaissances acquises au-tant pour percevoir l’information et la traiter que pour déterminer ce qui doit être fait (Todd & Gigerenzer, 2012). Certains chercheurs en sciences du sport endossent ce processus de

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perception et de traitement de l’information dans la prise de décision rationnelle en sports collectifs (Marasso, Laborde, Bardaglio, & Raab, 2014; Orasanu & Connolly, 1993).

Ainsi, l’étude du déroulement d'une action dans le jeu devrait tenir compte des liens entre la détermination de l'action, les mécanismes cognitifs associés à la prise de décision ainsi que les connaissances acquises. En effet, comme il est montré à la Figure 2.2, les connaissances constituent des ressources qui peuvent être utilisées par le joueur pour opérer les mécanismes cognitifs que sont la perception et le traitement de l’information. C’est à travers ces mécanismes que se traite l’information perçue, afin de déterminer l’action à exécuter. Le résultat observable est alors l’exécution de cette action dans le jeu (Greco, 2006).

Figure 2.2 Représentation graphique des relations entre l’action, la détermination de l’action, ses mécanismes

et ses ressources - Intégration et interprétation des notions de Greco (2006)

Selon plusieurs auteurs, les connaissances qui sont à la base de l’action dans le jeu proviennent de l’organisation des savoirs acquis durant l’apprentissage (Boudreault, 2003; Griffin et al., 2001). Dans le domaine sportif, ces savoirs sont spécifiques au contexte de pratique, et ils peuvent servir de référence lorsque le joueur doit déterminer ce qu’il fera comme action dans le jeu (Williams & Davids, 1995). En effet, les savoirs sportifs s’ac-quièrent par la pratique régulière mais varient en fonction des contextes comme par exemple la compétition et l’enjeu du match, la récréation ou le jeu dans la rue.

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Selon Dodds et ses collaborateurs (2001), il existe plusieurs types de savoirs dont les savoirs théoriques, par exemple les règles du jeu, ou encore les savoirs pratiques aussi appelés savoirs-faire, comme des gestes moteurs à exécuter. Au fil de leur parcours, les joueurs construisent ces savoirs par la pratique assidue et se les approprient et les agencent pour former des connaissances spécifiques (Dodds et al., 2001). Une fois organisées, ces connaissances sont utilisées pour orienter leur attention sur des repères spécifiques dans le jeu, ce qui les aide à sélectionner et traiter l’information qui est perçue, permettant par la suite de prendre une décision et de réaliser l’action pertinente et réussie (Gagne, Yekovich, & Yekovich, 1993; Greco, 1999; Williams et al., 1999; Williams & Ward, 2007).

La démarche cognitive consistant à sélectionner et traiter l’information avant de prendre une décision permet entre autres de réagir adéquatement à ce qui se passe dans le jeu (Orasanu & Connolly, 1993; Ross, Klein, Thunholm, Schmitt, & Baxter, 2004; Ward, 2003; Williams & Davids, 1998). En effet, l’information qui est traitée est d’abord perçue (1) grâce au fait de diriger l’attention sur un nombre restreint d’éléments du jeu (Araujo et al., 2006); (2) en sélectionnant un élément particulier lorsque plusieurs sont perçus en même temps (Orasanu & Connolly, 1993); (3) en filtrant les éléments significatifs par la représentation personnelle du jeu (Oliveira, 2004); ou (4) en lien avec ce qui est reconnu par exemple, les patrons de jeu (Raab, 2012; Ross et al., 2004; Williams, Hodges, North, & Barton, 2006). Cependant, l’individu perçoit et utilise les éléments d’information qui sont significatifs pour lui (Mouchet, 2012). La description des connaissances utilisées dans le jeu consisterait donc à identifier la richesse et la pertinence des liens établis entre les élé-ments d’information significatifs pour eux, avec l’intention de créer un cadre de référence pour une catégorie d’âge ou un niveau de compétition donné.

C’est par cette démarche cognitive que le joueur peut anticiper le jeu, comme s’il lisait ce qui allait se produire dans le jeu. L’anticipation permet de gagner du temps pour prendre une décision et agir dans le jeu, et elle devient bien souvent la meilleure méthode pour réagir efficacement dans un jeu rapide, surtout en sports collectifs (Causer & Williams, 2013; Williams & Ward, 2007). La capacité du joueur à anticiper ce qu’il va

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arri-ver devrait lui donner le temps de choisir la meilleure action motrice à réaliser et ainsi de mieux réagir à la situation de jeu (North et al., 2011).

1.3. L’action tactique

et la prise de décision selon l’approche écologique

1

En dehors du courant de recherche cognitiviste qui permet d'expliquer la prise de décision par le traitement de l’information que fait l'être humain (Lindsay & Norman, 1980; Ward, 2003), il en existe un autre appelé approche écologique (Cole, Hood, & McDermott, 1997; Gibson, 2014). Ce courant de recherche se différencie de l’approche cognitiviste parce qu’il vise à étudier des phénomènes directement sur le terrain plutôt qu’en laboratoire ou en recréant des situations similaires à celles du terrain (Bossard & Kermarrec, 2011). En adoptant l’approche écologique, l’activité sportive est étudiée en situation naturelle, en pre-nant en considération la relation entre le joueur et l’environnement dans lequel il agit, c’est-à-dire le jeu. Le fait de situer l’action motrice et le joueur dans le contexte spécifique de jeu permet de mieux comprendre ce à quoi il accorde le plus d'importance et ce qui vient in-fluencer sa décision (Mouchet et al., 2012).

Les chercheurs qui endossent l’approche écologique suggèrent de plus que les joueurs semblent développer davantage leurs connaissances en étant exposé au jeu intégral plutôt que par la pratique d’éléments isolés comme les habiletés techniques (Aquino et al., 2016; Davids, Button, & Bennett, 2008). Il serait donc souhaitable d’utiliser autant la situa-tion de jeu pour analyser ce que le joueur a effectivement vécu, que la démarche cognitive par laquelle il est passé pour mieux comprendre la manière et les fondements qui ont servi d’appui pour prendre des décisions dans le jeu (Bossard & Kermarrec, 2011). Une telle ana-lyse du contexte et des connaissances des joueurs devrait permettre de mieux cerner ce qu’ils vivent en situation de jeu et ainsi favoriser leur formation et développement. La pré-sente étude visant à décrire les connaissances utilisées par les joueurs s’inscrit ainsi dans l’approche écologique pour que des connaissances davantage représentatives de la relation entre le joueur et son environnement soient identifiées (Cole et al., 1997; Mouchet, 2012).

L’appellation préférée dans les textes issus de revues internationales est « écologique »

1

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Dans les études adoptant l'approche écologique réalisées jusqu’à maintenant, les chercheurs ont davantage exploré ce que les joueurs font de l’information qu’ils perçoivent sur la base de leur vécu dans le jeu, plutôt que la référence à une situation de jeu type (Bos-sard & Kermarrec, 2011). Par exemple, les résultats de l’étude de McPherson et Kernodle (2003) sur les connaissances tactiques des joueurs avaient surtout permis d’identi-fier des règles d’action générales de type “si-alors” au tennis comme par exemple qu’il était préférable de jouer sur la ligne de fond si son adversaire se trouvait proche du filet.

Selon les écrits en sciences du sport consultés dans le cadre de cette étude, un projet de recherche mené par Mouchet (2003) a vraiment tenu compte du vécu réel de joueurs lors de situations spécifiques dans le jeu au rugby. Alors que d’autres études démontrent que des connaissances peuvent être utilisées lors de situations de jeu jugées typiques, les résultats obtenus par Mouchet se démarquent parce qu’ils démontrent: (1) qu’il y a une grande di-versité dans les événements du jeu perçus par le joueur, comme les phases, les remises en jeu ou même les détails dans les configurations de jeu; (2) que seulement certains de ces événements perçus ont eu une influence significative sur les décisions; et (3) que les connaissances utilisées comme références pour prendre ces décisions sont personnelles (McPherson & Kernodle, 2003; Mouchet, 2003). Bien qu’il soit difficile de déterminer scientifiquement s’il y a bel et bien un transfert des actions tactiques entre deux contextes de jeu et les situations typiques qui en découlent, il est tout de même reconnu que les connaissances de jeu qui ont été identifiées dans le projet de Mouchet se construisent en participant à plusieurs situations de jeu différentes (Forrest, Webb, & Pearson, 2007).

En dehors des recherches en environnement naturel préalablement mentionnées, il est aussi accepté par les chercheurs qualifiés pour interroger les joueurs, que la description des connaissances dépend également de la possibilité qu’a le joueur de revivre les actions mentales, comme revenir sur le moment où il a jugé la situation et décrire ce jugement (Vermersch, 1994). Bien que probablement très courtes, ces actions mentales pourraient être à l’origine des prises de décision. En effet, selon le modèle d’Orasanu et Conolly

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(1993), ces actions incluent tous les mécanismes de traitement d’information que le joueur a possiblement réalisés pour déterminer ce qu’il allait faire dans une situation donnée.

1.4. L’action et la prise de décision en combinant les deux approches

Marasso et ses collaborateurs (2014) proposent un modèle qui se distingue des autres modèles de prise de décision préexistants. Ce modèle plus global permet de considé-rer le continuum complet de la démarche qu’un individu peut faire lorsqu’il doit agir pour résoudre une situation, allant de la collecte d’information à la prise de décision compte tenu du contexte réel. Les auteurs suggèrent notamment que faire la bonne action comme celle requise dans un jeu sportif dépend de l’utilisation de « l’intelligence dans un environne-ment », c’est-à-dire la réalisation d’actions pertinentes dans un environneenvironne-ment donné en faisant preuve de rationalité (Todd & Gigerenzer, 2012). Ainsi, celui qui agit doit détermi-ner la bonne action de manière rationnelle après qu’il ait perçu et traité l’information de l’environnement. Ces habiletés cognitives, soit les capacités à bien exécuter des actions ef-ficaces dans le jeu, se développent avec l’âge, à la condition de les solliciter lors de la pra-tique de sports (Gastin, Tangalos, Torres, & Robertson, 2017; Tenenbaum, Stewart, & Sheath, 1999).

Les auteurs soulèvent aussi l’importance des états physique et psychologique de l’individu lorsqu’il agit, parce qu’ils influencent la réussite lors de la détermination et l’exécution de l’action à réaliser. Par exemple, il est fréquent d’observer de moins bonnes actions dans le jeu quand les joueurs sont fatigués ou qu’ils sont menés au pointage. Ainsi, la fatigue ou le fait de tirer de l’arrière influencerait la perception et le traitement de l’in-formation lorsque le joueur détermine ce qu’il fait et limiterait l’utilisation de connais-sances pour générer une bonne action dans le jeu.

Tel qu’illustré à la Figure 2.3, l’exécution de la bonne action motrice dans l’envi-ronnement de jeu, que Marasso appelle aussi « action intelligente ou rationnelle », est spé-cifiquement dépendante des caractéristiques de l’environnement et de celles de l’individu.

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Figure 2.3 Représentation graphique interprétée et adaptée du modèle « Developmental Ecological

Rationali-ty » (Marasso et al., 2014)

1.4.1. Les caractéristiques de l’environnement

Les caractéristiques des jeux et sports collectifs amènent les joueurs à interagir entre eux et selon l’environnement de jeu. L’environnement changeant prend davantage de sens dans le contexte officiel de jeu de soccer. En effet, l'environnement du soccer, tel que dé-terminé par la Fédération Internationale de Soccer Association (FIFA), consiste en un jeu opposant deux équipes de 11 joueurs sur un terrain à dimensions spécifiques, pour deux pé-riodes consécutives de 45 minutes (Garganta, 1997). De ce fait, le jeu du soccer se déroule dans un contexte dynamique, offrant une infinité de possibilités aux joueurs ce qui les oblige à prendre un très grand nombre de décisions de manière continue pendant une pé-riode prolongée d’efforts intenses.

Les actions effectuées par les joueurs sont variables, imprévisibles et continuelle-ment changeantes selon ces interactions (Garganta, 1997). Ainsi, même si certaines situa-tions de jeu lors d’un match peuvent présenter des similitudes compte-tenu par exemple de la configuration du jeu, chaque situation de jeu est unique et ne se reproduira probablement jamais exactement de la même façon (Gréhaigne, 2007). Donc les connaissances utilisées par les joueurs devraient permettre d’orienter leurs décisions et leurs actions plutôt que d’appliquer des règles d’actions imposées par l’entraîneur.

Les caractéristiques de l’environnement de jeu ont une influence sur les actions que les joueurs peuvent réaliser. En effet, certaines actions seront significatives pour les joueurs

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et pour leurs équipes, par exemple parce qu’elles amèneront directement l’équipe à mar-quer, et resteront emmagasinées dans leur mémoire à long terme. Par contre, d’autres ac-tions seront moins déterminantes dans le jeu comme un déplacement sans ballon (Damásio, 1999; Ericsson & Delaney, 1999). Une partie de ces actions représentent des actions entraî-nées ou automatisées comme des déplacements dans des espaces ou des appels de balle qui ne nécessitent pas de réflexion importante de la part du joueur avant leur exécution (Mou-chet, 2012; Powell, Symbaluk, & Honey, 2016).

1.4.2. Les caractéristiques de l’individu

Durant sa croissance, et plus particulièrement durant son adolescence, le jeune joueur développe ses capacités physiques, cognitives, et sociales (Haywood & Getchell, 2019). C’est en grande partie parce que son corps se développe et que ces capacités appa-raissent qu’il parvient à les solliciter et développer ses habiletés et aptitudes (Dias et al., 2015). Ce développement a un impact sur ses capacités dans chacune des composantes de la performance. L’influence de la maturation s’applique par exemple aux capacités cogni-tives comme la mémoire et la perception, qui sont essentielles à la prise de décision (Pool-ton, Masters, & Maxwell, 2006). Ces capacités cognitives permettent entre autres de perce-voir et de comprendre des éléments plus complexes du jeu, et par conséquent de prendre de meilleures décisions (Teoldo & Cardoso, 2013). De telles capacités permettent aussi d’as-similer le principe de réciprocité qui se définit par la capacité d’un joueur de se mettre à la place de son équipier pour l’aider en lui offrant par exemple une option de passe comme ce qu’il aimerait avoir s’il était dans la même situation que le porteur (Caty, Meunier, & Gré-haigne, 2007b). Cette capacité se développe au travers des liens sociaux dans le jeu et est déterminante dans tous les processus de choix d’actions impliquant des adversaires ou des coéquipiers.

De plus, les émotions ont aussi une grande influence sur la prise de décision des joueurs pendant un match (Vorraber, 2010). En effet, la prise de décision d’un joueur sur le jeu est aussi affectée par les émotions suscitées entre autres par le résultat des actions pré-cédentes, par les conséquences possibles du succès ou de l’échec d’une action, par les

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ca-ractéristiques du joueur telle que son impulsivité, par les liens sociaux entre les joueurs, ainsi que par la culture du milieu dans lequel il vit (Gonzaga, Albuquerque, Malloy-Diniz, Greco, & Teoldo, 2014; Mouchet, 2012; Santos, Padilha Maickel, & Teoldo, 2014). Les joueurs se souviennent généralement de ce qu’ils ont fait de bien et de mal à des moments clés du match et conservent en mémoire les résultats de ces actions, ainsi que les émotions qui y sont associées (Damásio, 2012; Oliveira, 2004).

L’activité cognitive des joueurs est ainsi influencée par les émotions qui ont souvent préséance sur la pensée rationnelle dans une situation qui représente un enjeu (Vorraber, 2010). Ainsi, un match qui mène à la victoire d’un trophée important serait probablement marqué par une grande quantité d’actions à haute intensité émotionnelle alors qu’un jeu si-mulé à l’entrainement ne provoquera pas les mêmes émotions. Dans de telles situations, les actions les plus significatives n’auront peut-être pas nécessairement été déterminées qu’en utilisant que des connaissances rationnelles. Cependant, l’importance que prend l’émotion dans un tel cas pourrait aussi être étudiée comme un facteur de la performance.

Il est donc accepté que la gestion des émotions est importante dans la performance (Balyi et al., 2013). À court terme, le joueur peut par exemple expérimenter différents états émotifs, comme la frustration ou au contraire une grande satisfaction, en fonction du dérou-lement du match, des bonnes séquences de jeu ou des erreurs commises antérieurement, ce qui peut le distraire et détourner son attention du moment présent et de ce qui se passe dans le jeu (Cotterill, 2012). Par contre, l’influence des émotions sur les processus cognitifs sol-licités lors de la prise de décision n’est pas que négative. En effet, il a été démontré qu’une émotion positive comme la joie permet une meilleure perception de l’environnement et une meilleure efficacité dans les actions (Schmitz, De Rosa, & Anderson, 2009).

1.4.3. Caractéristiques de la prise de décision

Selon Guia et Araujo (2014), la prise de décision, tout comme l’action motrice, est en accord avec les particularités de l’environnement et celles de l’individu. Par exemple, la contrainte de temps d’action dans le jeu, soit le temps dont dispose le joueur pour réaliser son action, exerce une forte influence sur les processus cognitifs qu’il utilise (Johnson &

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Raab, 2003). Pour répondre à l’exigence d’agir rapidement, la prise de décision se doit d’être économique, c’est-à-dire de ne considérer que quelques-uns des éléments perçus par le joueur au moment de l’action (Raab & Gigerenzer, 2015). Raab (2012) soutient que le joueur ne perçoit et ne reconnait que sommairement les éléments de son entourage, ce qui a pour effet de simplifier l’étape de perception de l’environnement. Ainsi, même avec une brève reconnaissance visuelle, le joueur peut anticiper le jeu et prendre une décision qui avantagera son équipe (Williams et al., 2006; Williams & Ward, 2007).

De plus, Mouchet (2012) souligne que de multiples modes de traitement de l’infor-mation, dont l’intuition, sont aussi utilisés pour déterminer les actions à exécuter tout au long d’un match. Ces modes de traitement sont directement liés à l’utilisation de connais-sances du jeu provenant entre autres de l’expérience du passé. Par exemple, il est fréquent qu’un joueur justifie une décision en mentionnant qu’il a « senti le coup », ou qu’il ne sait pas trop pourquoi il a fait ce qu’il a fait, tout en sachant qu’il devait le faire (Mouchet, 2003). Comme le souligne l’auteur, ces connaissances sont par conséquent souvent diffici-lement descriptibles, même par les joueurs dits experts. Finadiffici-lement, la prise de décision peut être considérée comme le fait de juger ce qui se déroule dans le jeu selon sa perspec-tive et ses connaissances personnelles (Bar-Eli, Plessner, & Raab, 2011; Mouchet & Bou-thier, 2008). Le joueur juge donc ce qu’il perçoit sur la base d’un arrière-plan décisionnel, soit un ensemble d’informations et de caractéristiques personnelles qui englobe les appren-tissages, les préférences d’action ou les directives des entraîneurs (Mouchet, 2003). Ainsi les décisions sont souvent guidées par des préférences ou des éléments de la réalité du joueur, comme son entourage ou sa personnalité.

Pour toutes ces raisons, les motifs qui justifient pourquoi un joueur a pris une déci-sion sur un jeu donné parmi toutes celles faites durant un match devient particulièrement difficile à obtenir, puisque les joueurs eux-mêmes peuvent ne pas les connaitre, s’en rappe-ler ou ne pas savoir comment les expliquer. De plus, les émotions sont aussi identifiées comme un facteur ayant préséance sur l’utilisation des connaissances, ce qui ajoute une couche d’information potentielle avant d’obtenir les possibles connaissances qui ont amené

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à une action donnée (Oliveira, 2004; Vorraber, 2010). Il demeure cependant que les émo-tions ressenties dans une situation de jeu, l’arrière-plan décisionnel et les acémo-tions mentales constituent des indices qui permettent de décrire les ressources utilisées, dont les connais-sances, pour déterminer une action. Les prendre en compte peut démontrer une proportion entre les actions déterminées par des arguments rationnels et celles déterminées par d’autres motifs.

1.4.4. Caractéristiques des connaissances du jeu

Pour pouvoir performer dans une compétition de soccer, le joueur doit développer entre autres des connaissances spécifiques à la fois au jeu à 11 joueurs et aux principes im-portants à respecter dans la manière de jouer de l’équipe, sans pour autant devoir tout assi-miler ce contenu conceptuel en même temps (Oliveira, 2004). Conformément au modèle d’Orasanu et Connolly (1993), ces connaissances seraient notamment utilisées dans la sé-quence d’étapes qui amènent à la prise de décision, notamment à l’étape de la perception et à celle du traitement de l’information. Ainsi, il est probable que les éléments perçus ne soient pertinents aux yeux du joueur que s’il connait leur influence potentielle sur l’accom-plissement d’un objectif à réaliser (French et al., 1996; McPherson, 1993; Oliveira, 2004). Selon les écrits sur le sujet, ces connaissances spécifiques sont subjectives et sont considé-rées comme un sous-produit de l’expérience du jeu (Mouchet & Bouthier, 2006; Williams & Davids, 1995).

Différents niveaux de connaissances sur le jeu ont été détectés chez les joueurs à travers plusieurs études scientifiques, notamment en utilisant des protocoles de rapports verbaux et des tests vidéo (Giacomini, Soares, Santos, Matias, & Greco, 2011b; González-Víllora, García-López, del Campo, & Contreras-Jordán, 2010). Les indicateurs les plus im-portants pour reconnaître un niveau de connaissance plus élevé de certains joueurs incluent la richesse des conceptions du jeu, comme les solutions qui leur permettent de performer et progresser vers le but adverse, et les éléments d’information considérés pour prendre une décision (González-Víllora, García-López, & Contreras-Jordán, 2015; Griffin et al., 2001). Par exemple, González-Villora et ses collaborateurs (2015) ont pu identifier des idées de

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jeu avancées chez un seul des six joueurs participant à une compétition scolaire. Bien que ces idées ne concernaient qu’un adversaire et lui-même, elles lui avaient permis de prendre des décisions efficaces lorsqu’il avait joué. À titre d’exemple, l’idée d’ouvrir le jeu, de se démarquer dans des espaces libres et même de quitter sa position pour l’emporter sur l’ad-versaire ont été mentionnées. Il semble donc que ces connaissances du jeu ne sont détectées que chez une minorité de joueurs.

La majorité des actions détaillées par les participants des études mentionnées précé-demment, sont des actions avec ballon parce qu’elles sont plus significatives pour les joueurs (Auld, 2006; González-Víllora et al., 2015). Tel que le démontrent plusieurs cher-cheurs, le jeu sans le ballon, quant à lui, est plus difficile à concevoir ou est moins mar-quant pour les joueurs (Auld, 2006; Georget, 2013; Teoldo & Cardoso, 2013). Toutefois, le niveau de connaissances associé aux actions sans le ballon est considéré plus riche, parce qu’il oriente une plus grande quantité d’actions, compte tenu que seulement 3 % du temps de jeu de chaque match se réalise avec le ballon (Garganta, 2001).

Une interprétation possible des écrits serait que les connaissances utilisées pour dé-terminer et exécuter l’action dans le jeu correspondent à ce que Vermersch qualifie de la connaissance dans l’acte, soit une connaissance tacite, procédurale, qui se construit en jouant, sans nécessairement être verbalisée (Myers & Davids, 1993; Rix-Lièvre & Lièvre, 2012; Vermersch, 1994). Ces caractéristiques reflètent donc la nature implicite de l’appren-tissage et le défi à relever pour identifier et décrire les connaissances qui pourraient servir à déterminer une action dans le jeu.

Pour sa part, Anderson (1987) distingue la connaissance procédurale (soit la connaissance dans l’acte) de la connaissance déclarative, soit celle qui est verbalisée. En effet, il a été démontré que les joueurs possèdent des connaissances du jeu dont ils peuvent parler sans nécessairement pouvoir les mettre en action, mais qu’ils peuvent aussi exécuter des actions sans pouvoir en parler (Araújo et al., 2010; Griffin & Placek, 2001). Ainsi, un des défis reliés à la présente étude est donc d’identifier les connaissances qui ont réellement été utilisées et non celles que le joueur pourrait verbaliser sans avoir pu les mettre en

Figure

Figure 2.1 Version simplifiée du modèle de prise de décision selon Orasanu et Connolly (1993)
Figure 2.2 Représentation graphique des relations entre l’action, la détermination de l’action, ses mécanismes  et ses ressources - Intégration et interprétation des notions de Greco (2006)
Figure 2.3 Représentation graphique interprétée et adaptée du modèle « Developmental Ecological Rationali- Rationali-ty » (Marasso et al., 2014)
Figure 2.4. Représentation graphique de l’accès aux connaissances utilisées dans l’action, interprétée et adap- adap-tée des travaux de Vermersch (1994) et Williams et Davids (1995)
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