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Identification et analyse des éléments significatifs

À la lumière du nombre de codes d’analyse assignés aux fragments, il ne semble pas y avoir eu de grande différence entre l’importance de certains éléments d’information entre les deux matchs. De plus, le pointage était serré dans les deux matchs mais les résultats ont été différents avec un match perdu et un match gagné. Aucun des participants n’a fait réfé- rence au pointage dans leurs réponses. De plus, il est possible d’interpréter à partir de leurs propos que ce qui était significatif dans le jeu, aux yeux des participants, dans cette période de temps n’a pas nécessairement changé malgré les scénarios du match.

L’analyse qualitative consistait à interpréter de manière détaillée certaines actions pour en comprendre leurs fondements. En considérant que toutes les situations sont uniques, l’analyse qualitative s’est montrée nécessaire pour saisir comment les segments identifiés dans les analyses préalables s’agencent pour expliquer la décision du point de vue des participants.

4.2.1. Analyse qualitative à travers des exemples tirés de fragments des récits

En général, il ne suffisait que d’une ou deux réponses pour que le participant ap- porte les arguments pour expliquer son action. Conséquemment, seules les réponses in- cluant les segments auxquels plusieurs codes ont été assignés ont été traduits en français. Seule la traduction écrite de ces exemples fut validée par le collaborateur externe d’origine portugaise résidant et pratiquant au Québec. Le chercheur principal a jugé satisfaisant de ne réaliser la traduction que sur la base de la transcription étant donnée la nature descriptive de cette étude.

Action 1, sélectionnée sur la base du code « contrainte »

La première action est une passe aérienne. Le participant décrit une passe qu’il a faite à son coéquipier qui était plus proche que lui du but adverse. Comme le participant subissait de la pression d’un adversaire et qu’il faisait face à son propre but, il a récupéré le ballon qui bondissait du cou du pied et l’a fait passer par dessus son adversaire. Sans même qu'une question ne lui soit posée, le participant a débuté la conversation après le visionne- ment de la séquence en stipulant qu’il avait souvenir de l’action et en ajoutant:

J’ai juste shooté le ballon par en arrière, parce que si je me retournais je perdais le ballon, tout le monde était en

arrière de moi.

Cet extrait permet de comprendre que le joueur ressentait qu’il était contraint par la présence d’un adversaire et qu’il ne pouvait se retourner. Dans ce cas, la contrainte s’est traduite en une solution créative par le participant.

Les mentions de contraintes sont parmi les plus fréquentes (n=14) dans la catégorie traitement de l’information. Il semble donc que la contrainte de temps et d’espace causée par la présence des adversaires est une première information qui oriente la prise de décision des joueurs. À plusieurs reprises dans les EDE, les participants mentionnent la présence d’un ou plusieurs adversaires sans toutefois apporter des détails sur leur propre position, comme c’est le cas dans ce segment retenu. Sans percevoir ou décrire les détails de leurs adversaires, il semble malgré tout que les participants interprètent leur présence comme une contrainte puisque les fragments des récits incluaient aussi la mention de ce qu’ils ne pou- vaient pas faire en présence de cet adversaire.

Cette contrainte se traduit en pression de temps pour agir et réduit le temps pour le- ver la tête et percevoir le jeu (González-Víllora et al., 2010). De plus, à la différence de l’étude de Gonzalez-Villora, les joueurs étudiés dans le présent projet ont vécu chaque ac- tion qu’ils ont décrites, permettant ainsi de comprendre une partie de leur expérience

comme joueur dans cette situation. Par conséquent, il est permis d'avancer qu'ils étaient en mesure d’identifier ce qu’ils pouvaient et ne pouvaient pas faire dans la situation dans la- quelle il se trouvait.

Action 2, sélectionnée sur la base du code « planification »

La deuxième action sélectionnée est une passe vers l’arrière effectuée par le joueur. Dans l’EDE complet, le joueur décrit une simple passe à un joueur qui était un peu plus éloigné que lui du but adverse. Cette partie de l’échange permet d’identifier les arguments en faveur de cette passe.

G - Ok donc quand tu l’endors (contrôles le ballon au sol), il (le ballon) reste par terre, qu’est-ce que tu fais?

R - J’ai passé tout de suite en arrière. J’ai senti l’in- stinct rapidement d’avoir vu mon collègue et j’ai passé parce que je l’ai imaginé faire cette combinaison au moment où je passe le ballon. J’ai passé et je l’ai vu passer le ballon à l’autre milieu pour qu’il fasse un centre rapidement.

G - Et à ce moment, tu vois d’autres choses que ton collègue? R - J’aurais pu jouer par en arrière, aux défenseurs… mais j’ai passé à mon collègue. Parce que comme ça on pouvait

faire rapidement une contre-attaque, sinon on aurait dû faire circuler le ballon une autre fois, passer par le milieu, et

j’ai senti, comme ça j’ai senti l’obligation d’avoir passé à mon collègue.

Dans cet extrait, le participant explique qu’il avait « senti le coup » en détaillant qu’il avait rapidement vu son coéquipier, qu’il avait imaginé la suite de la séquence du jeu une fois qu’il lui aurait passé le ballon. Il ajoute qu’il y avait un bénéfice à tenter de passer le ballon au coéquipier qu’il désigne plutôt qu’à un autre qui était « en arrière » pour ne pas avoir à recommencer à construire le jeu de l’arrière et parce qu’il y avait une possibilité de jouer rapidement vers l’avant.

Les deux réponses permettent d’apprécier le fait qu’il ait pu imaginer la suite d’une séquence de jeu ce qui correspond à notre définition de « planification ». En premier lieu, il dit qu’il percevait l’action du collègue à qui il a passé le ballon comme une bonne opportu- nité pour circuler le ballon de nouveau avec l’objectif de réaliser un centre, c’est-à-dire une passe aérienne depuis l’aile à la surface de réparation devant le but adverse, pour marquer un but. Cette combinaison correspond à la description que le même participant fait des stra- tégies enseignées par son entraîneur, soit de créer des opportunités de faire un centre.

Il est alors possible d’avancer que des connaissances utilisées dans cette action peuvent être une combinaison des directives de l’entraîneur et de ce que la possibilité de jouer vers l’avant peut apporter à l’équipe à cet instant. En effet, le participant souligne dans le même extrait qu’il s’agit d’une contre-attaque, ce qui peut être interprété comme une perception de sa part d’un moins grand nombre d’adversaires entre le ballon et le but adverse (Teoldo, Garganta, Greco, & Mesquita, 2009).

Douze références à des planification ont été identifiées dans le traitement de l’in- formation. Ainsi, la planification semble orienter plusieurs actions dans la mesure où les joueurs connaissent les conditions qui leur permettent de réaliser une action spécifique, comme un centre.

Dans l’étude de Gonzalez-Villora et ses collaborateurs (2010, p. 498), les sujets semblent « ne pas tenir compte des stratégies » alors que dans la présente étude, les joueurs semblaient avoir recours à des actions et combinaisons spécifiques pour solutionner des si- tuations de jeu. Il est probable qu’un recours à des combinaisons travaillées à l’entraîne- ment soit un effet du travail réalisé par une équipe compétitive. En accord avec les résultats

des études des mêmes auteurs, les stratégies référent au fait de déterminer quelles décisions sont à favoriser à l’issue d’une rencontre alors que dans les exemples donnés par Zé, les combinaisons semblent être une requête spécifique de l’entraîneur qui a été pratiquée avant le match, comme une routine de passes et de déplacements pré-établis qui devait être appli- quée dans le match.

Action 3, sélectionnée sur la base du code « intentions »

Dans le même ordre d’idées que la planification, la mention des intentions et des objectifs derrière l’action encapsule des arguments importants. Par exemple, dans cette ac- tion, le joueur explique l’orientation de sa passe.

G - Ton objectif était aussi de...?

Z - C’était de virer le jeu de l’autre côté.

G - Comment tu sais que c’était ça le meilleur objectif?

Z - Quand c’est d’un côté on doit le virer de l’autre, si c’est plein d’un côté, on doit virer de l’autre coté.

Sans répondre directement à la question qui réfère à la situation spécifique vision- née, le participant appuie sa décision sur une règle d’action. Tel qu’expliqué par le partici- pant lui-même, un joueur qui reçoit une passe en provenance d’un côté continuera à faire circuler le ballon mais vers le côté opposé. Dans cette règle, le participant fait aussi réfé- rence à l’occupation de l’espace, ce qui prouve que (1) il sait que la présence de plusieurs joueurs peut compliquer la circulation du ballon, et (2) qu’il se sent capable d’exécuter des longues passes à un joueur dans un espace moins occupé.

À 10 reprises dans les segments de traitement d’information, les joueurs ont fait mention de leurs intentions. Cet exemple-ci inclut une règle d’action, qui dans ce cas peut avoir été assimilée à force de la répéter verbalement parce que c’est un principe facile à ré- péter, et qui peut expliquer leur intention globale (Chang, Wallian, Nachon, & Gréhaigne,

2006; Gréhaigne et al., 2005; Raab, 2003). Les intentions se manifestent aussi d’autres ma- nières. Par exemple, dans d’autres actions explicitées, les joueurs pouvaient faire référence à la manière d’exécuter une passe parce qu’ils ont évalué qu’ils n’ont pas été capables de la réaliser convenablement. Les intentions renferment donc des connaissances même si les joueurs n’ont pas été en mesure de les exécuter.

Action 4, sélectionnée sur la base du code « possibilités »

Pour prendre des décisions sur la base d’objectifs ou d’intentions, ou encore pour planifier un jeu, les joueurs doivent reconnaitre les possibilités de progresser dans le terrain adverse.

C’est elle l’option qui était la plus fiable. Notre ailier était en train de progresser dans le terrain, par en avant, et s’il avait passé le ballon, peut-être qu’il aurait abouti

par faire un jeu dangereux.

Dans cet exemple, un joueur détecte le déplacement de son collègue vers l’avant et reconnait que si le ballon lui parvenait, que la séquence de jeu aurait pu avoir un résultat dangereux, soit une opportunité de but en faveur de son équipe. Il juge aussi que cette ac- tion est la plus fiable parmi celles qu’il aurait pu envisager.

À 14 reprises dans la partie « traitement de l’information » des EDE, les participants ont offert une appréciation globale de la situation plutôt que de détailler la transmission du ballon entre les joueurs de leur équipe, ou du positionnement des défenseurs. Tel qu’expri- mé, cet extrait reflète à quel point les joueurs semblent bel et bien prendre des décisions sur la base d’une reconnaissance simple et générale d’une situation, renforçant le fait que les connaissances utilisées dans le jeu concernent davantage l’allure globale de la situation vé- cue plutôt que plusieurs de ses détails (Petiot et al., 2017; Raab, Arnold, & Tielemann, 2005; Schorer, Habben, Fischer, & Baker, 2013; Williams et al., 2006). Ce portrait des dé- cisions dans le jeu est différent des résultats d’études auprès d’experts qui démontrent que

les joueurs sont en mesure de prendre des décisions sur la base de détails au sujet des élé- ments d’information (Williams & Davids, 1998). Cette différence entre les niveaux de dé- tails pourrait être interprétée comme ce qui caractérise les joueurs en apprentissage et l’uti- lisation qu’ils font de leurs connaissances.

Dans ce cas-ci, il semble que le simple fait qu’un joueur se soit déplacé pour gagner de la profondeur dans le terrain et se rapprocher du but adverse représente une chance de marquer dû à la proximité avec ce but. Selon les principes fondamentaux du jeu du soccer, un mouvement en profondeur pour dépasser la ligne défensive adverse fournit une bonne opportunité de faire une passe, parce que ce joueur crée de l’espace pour recevoir le ballon en direction du but adverse (Teoldo et al., 2009). Dans ce cas, ce déplacement réalisé par son coéquipier reflète l’option « la plus fiable » aux yeux du porteur du ballon. Néanmoins, il demeure que cette option est offerte par un coéquipier qui est décrit par le participant comme étant pro-actif dans le jeu et n’est pertinente que grâce à cette coopération. Ainsi, les actions comme celles-ci ne semblent pas être exclusivement déterminées en utilisant des connaissances mais bien aussi en partageant des opportunités (Silva, Garganta, Araújo, Da- vids, & Aguiar, 2013).

Action 5, sélectionnée sur la base du code « risque »

En comparaison avec les possibilités associées aux mouvements des coéquipiers, les participants ont aussi souvent fait référence aux risques de perdre le ballon dans des situa- tions données ou en choisissant une option plutôt qu’une autre. Par exemple dans l’extrait suivant, un joueur explique qu’il risquait de perdre le ballon s’il choisissait de déjouer l’ad- versaire le plus près de lui.

Il y avait un adversaire sur moi, si j’étais allé pour le déjouer, j’aurais pu perdre le ballon et dans cette zone du

Cet exemple permet de constater que le joueur a évité une situation d’opposition de type un contre un pour éviter de perdre le ballon dans une zone spécifique. Selon lui, perdre la possession du ballon dans la zone du terrain qu’il occupait était directement associé au risque de subir une contre-attaque.

Les participants ont fait référence au risque à 13 reprises, risque qui est en général relié à la perte du ballon. Cet exemple était par contre le plus détaillé en raison du lien avec la zone du terrain, ce qui démontre que certaines décisions peuvent se prendre sur la base de concepts de jeu élaborés, comme c’est le cas pour un des joueurs dans l’étude de Gonza- lez-Villora (2010).

Action 6, sélectionnée sur la base du code « évaluation de l’option »

Dans cette action, le participant décrit les options qu’il avait. Ses choix sont de pas- ser vers l’avant ou vers l’arrière. Il opte finalement pour passer vers l’avant.

Je n’ai vu personne de plus à qui je pouvais passer sans que ce soit vers l’arrière… Et comme j’étais dans la troisième partie du terrain, je pense que c’était la meilleure option.

À la lumière de cet exemple, l’évaluation d’une option de jeu qui s’offre au porteur du ballon semble être un mécanisme important dans la prise de décision parce qu’il ne s’agit pas que d’avoir une option mais bien de juger si elle vaut la peine de la jouer. À 15 reprises dans le traitement d’information, les participants ont qualifié les options qu’ils avaient, parfois en mentionnant simplement que celles qu’ils ont choisies étaient les meilleures, d’autres fois en fournissant davantage de détails, comme dans l’exemple actuel. En l’occurence, le participant stipule dans cette situation de jeu que: (1) il n’y avait aucune autre option de passe en direction du but adverse, et (2) qu’il devait saisir l’occasion d’être dans le tiers offensif du terrain, soit dans la partie la plus proche du but adverse. L’évalua- tion de l’option permet par exemple d’identifier l’élément qui permet au joueur de prendre sa décision lorsqu’il doit peser le pour et le contre entre tout ce qu’il a pu percevoir dans la

situation de jeu qu’il a vécue, principalement en considérant la pression de temps constante de temps pour agir dans le jeu.

Le développement des actions sans le ballon qui permettent d’offrir davantage d’op- tions vers l’avant semble être un élément caractéristique de cette catégorie d’âge, principa- lement en raison du développement typique des capacités cognitives et des possibilités qu’elles apportent dans la réalisation d’actions sans le ballon (del Campo, Villora, Lopez, Mitchell, & Skills, 2011; Teoldo & Cardoso, 2013). Par exemple, si plus de joueurs réali- saient des actions appropriées sans le ballon et créaient des options de passes, il est pro- bable que le porteur du ballon ne disposerait pas que d’une seule bonne option dans le jeu. Or, dans les récits analysés, le jugement de la meilleure option à jouer est une affirmation du joueur, tant bien qu’il n’offre aucune information sur les autres options disponibles. Il est alors toujours impossible de savoir si la décision représentait un dilemme entre plusieurs options envisageables.

Retour sur l’action réalisée

Les segments classés dans la rangée appelée « après l’action » du tableau 3.2 (re- constitution chronologique de l’action) ont été analysés de manière à faire ressortir ce que le joueur pensait de l’action qu’il avait réalisée. Le simple fait que l’information au sujet de l’action réalisée soit mentionnée montre qu’elle peut être jugée comme significative aux yeux du joueur et peut avoir une influence sur les actions suivantes. L’analyse des segments identifiés par cette série de trois codes seulement avait pour objectif de détecter les critères d’une action réussie ou non-réussie, et d’un résultat positif ou négatif.

Dans l’action 6 présentée dans le dernier exemple, le participant décrivait une passe faite dans le dernier tiers du terrain. Dans le même extrait d’EDE, il ajoute:

[…] Quoi que ça n’ait pas donné un jeu très dangereux. Je pense que c’était bon.

À 14 occasions dans les EDE, les participants ont évalué le résultat de leur action dans le jeu. Dans cet exemple, le participant évalue sommairement le résultat de son action en remarquant que ce qu’il a fait n’a amené à aucune opportunité de marquer mais il appré- cie le geste dans le jeu.

Dans l’extrait de l’action 7, le participant explique qu’il a perçu le mouvement de son coéquipier et qu’il avait l’intention de passer le ballon sur le flanc droit.

J’ai vu Cardoso entrer et mon objectif était d’avoir passé plus par le coté droit mais ça a mal tombé et j’ai envoyé

trop fort par le milieu.

Bien que l’exécution du geste n’ait pas satisfait l’intention initiale, le participant souligne ce qu’il a vu et ce qu’il voulait faire. Il évalue aussi son action en stipulant qu’il a envoyé le ballon trop fort. À 11 occasions dans les EDE, les participants ont évalué leur action en détaillant en général en quoi l’exécution technique a permis ou non d’atteindre l’objectif de l’action.

Finalement, dans l’action 8, le participant décrit ce qu’il se produit dans le jeu après son action.

L’équipe est montée dans le terrain, en plaçant le ballon

plus par en avant, en suivant la ligne.

À cinq reprises dans les EDE, les participants ont pu reconnaître l’action collective de l’équipe en référant par exemple à la phase de jeu ou au mouvement du bloc équipe. Dans cet exemple, le participant conclut que son action a permis à l’équipe de progresser