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Elle est comprise entre 8°36” à 12°54” de latitude Nord, et 12°30” à 15°42” de longitude Est. Elle recouvre approximativement les régions du nord (Vallée de la Bénoué) et de l’Extrême Nord (Monts Mandara et plaines de l'Extrême-Nord), soit une superficie de 10.2 millions d’hectares dont 0.56 million mis en culture.

Le climat est caractérisé par une pluviométrie de type monomodale de durée et d’intensité variables (de 400 à 1 200 mm par an du Nord au Sud), concentrée sur 4 mois (de juillet à octobre). Les températures moyennes sont de l’ordre de 28° C avec des écarts thermiques très importants (7,7°C moyenn e annuelle).

Malgré un milieu naturel relativement hostile, cette zone enregistre des densités de populations parmi les plus importantes du Cameroun, la moyenne étant d'environ 37 habitants au Km² avec des pics de l’ordre de 320 habitants/Km² dans les Monts Mandara.

On distingue trois principaux systèmes d’exploitations agricoles :

l’agriculture traditionnelle à faible productivité où les céréales (mil et maïs), l’arachide et d’autres plantes comme le gombo ou le haricot sont cultivées autour des habitations ;

l’agriculture pluviale améliorée qui s’est principalement développée autour de la culture cotonnière, avec utilisation d’intrants (engrais, pesticides, et plus récemment les herbicides) et de la traction animale ;

l’agriculture intensive à vocation commerciale qui a recours à l’irrigation et concerne la riziculture dans les aménagements hydro-agricoles de la vallée du Logone et la culture d’oignon et autres produits maraîchers.

L'élevage villageois et transhumant de bovins (38% environ du cheptel national), d’ovins et de caprins ainsi que la pêche continentale pratiquée dans nombreuses retenues artificielles de la zone (Lagdo, Maga, etc.) sont des activités économiques importantes des populations de cette zone.

Avec la pression démographique élevée, il était estimé en 1994 que la superficie moyenne cultivable par habitant rural devrait passer de 0,3 ha en 1995 à 0,2 ha en 2020 dans l’Extrême-Nord65. Dans les Monts Mandara, les seuils de saturation sont dépassés, ce qui entraîne de nombreux problèmes de gestion des terroirs villageois (accroissement des conflits entre agriculteurs et éleveurs dans l’utilisation de l’espace rural ; surexploitation des ressources conduisant à la dégradation des sols et du couvert ligneux ; précarité des activités et des revenus ruraux aggravée par des déficits pluviométriques fréquents et une mauvaise répartition des pluies). La pression sur la terre constitue une menace pour les parcs et réserves de faune et pose ainsi la question d’un réaménagement de l’affectation des terres dans cette région.

La structuration du paysannat dans cette zone agro-écologique est marquée par deux tendances majeures à savoir : (i) l’organisation des producteurs autour des filières coton, riz et oignon promues par l’intervention de l’Etat et les projets de développement dans le cadre de la politique de promotion de certaines filières agricoles jugées porteuses et, (ii) les nouvelles formes d’organisations fédératives accompagnées par les ONG et associant à la fois des objectifs de promotion de l’agriculture et les objectifs plus larges d’amélioration du cadre de vie des paysans.

L’organisation des producteurs de la filière coton qui est la culture dominante

dans cette zone a été promue par la Société de Développement du Coton (SODECOTON), structure parapublique créé depuis 1974, pour prendre le relais de la Compagnie Française de Développement des Textiles (CFDT) qui auparavant avait introduit et vulgarisé la culture du coton dans cette zone en 1950. Dans ce cadre, la collecte du coton et la distribution des semences et des engrais sont organisées par village puis en secteurs suivant le mode de découpage et de fonctionnement des activités de production et de collecte du coton mis en place par la SODECOTON. Les premiers groupements cotonniers ont été mis en place en 1980 et ils ont obtenu un statut légal au début des années 90. Le but principal des groupements de producteurs de coton est de prendre en charge la collecte primaire du coton graine. Evoluant dans un système d’encadrement descendant, les paysans,

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en bout de chaîne, sont relégués au rang de «simples exécutants des directives» de la SODECOTON. Cette organisation pyramidale amène les paysans à percevoir les groupements cotonniers comme un bien de la société de développement et un démembrement de l’Etat. Ceci est d’autant plus significatif que face à l’absence des ressources de l’Etat, les groupements cotonniers sont parfois appelés à jouer le rôle de «comité de développement des villages » en prenant en charge certaines missions des services publics telles que la construction des cases de santé ou le paiement des instituteurs ; ceci contribue à renforcer l’image externe portée sur les groupements par les paysans.

Avec la crise cotonnière et les multiples actions d’appui à l’organisation des producteurs financés par l’Etat et la Coopération française on a assisté depuis 1995, à la création en urgence du Conseil des Producteurs de Coton du Cameroun (CPCC), sorte de fédération des groupements cotonniers, sous l’impulsion de la SODECOTON, pour contrecarrer l’acquisition par un opérateur privé des parts de l’Etat dans la SODECOTON en constituant un fonds d’investissement paysan pour l’achat d'actions. Le CPCC donnera plus tard naissance à l’Organisation des producteurs de coton du Cameroun (OPCC) en 2000. L’OPCC sera restructurée en 2010 et pendra l’appellation de Confédération de producteurs de coton du Cameroun (CNPCC) qui regroupe l’ensemble des producteurs de coton et dont les objectifs sont d’assurer l’approvisionnement des producteurs en intrants et en matériels de production, de fournir et de gérer les crédits agricoles, d’organiser l’apport de l’appui technique à la production et développer les banques de céréales.

En étroite liaison avec les groupements cotonniers, on rencontre les organisations chargées de la gestion des «greniers communautaires» et les Associations de producteurs-stockeurs (APROSTOC). Les «greniers communautaires» sont des structures mises en place par les membres des groupements de producteurs de coton pour assurer la sécurité alimentaire grâce au stockage des excédents de céréales et la rémunération optimale des exploitants qui en disposent. Le principe de fonctionnement est basé sur l’achat par les groupements cotonniers d’une partie de la production de céréales de leurs membres à la récolte en vue du stockage dans l’attente que les prix augmentent. Ce système permet de réguler l'approvisionnement en céréales dans les marchés et de renforcer la sécurité alimentaire des agriculteurs.

De plus en plus, les APROSTOC sont appelés à représenter les producteurs céréaliers face à l'administration pour gérer les problèmes d’insécurité alimentaire qui sévissent dans cette zone.

Dans la filière riz, les organisations de producteurs sont soutenues par la Société

d'Expansion et de Modernisation de la Riziculture de Yagoua (SEMRY)66. Cette société de développement a été créée en 1972 pour assurer l'autosuffisance en riz du Cameroun à travers l’augmentation de la production et les revenus des producteurs de la vallée du Logone, la mise en place d'un système durable de gestion des périmètres irrigués par les utilisateurs et des actions de relance ciblée de la production agricole et de la commercialisation. Le système mis en place consiste à attribuer des parcelles aménagées et des intrants aux familles paysannes qui versent à la récolte une redevance évaluée à environ la moitié de leur production. Les populations les plus concernées par cette culture sont les Massa qui s’organisent en groupes familiaux à la base pour assurer la conduite des travaux pénibles de labour et de semis du riz. Aujourd’hui, la SEMRY est en crise et n’arrive pas à assurer de manière efficace l’encadrement des producteurs. Une fédération des producteurs de riz s’est constituée et s’implique dans la gestion des aménagements hydro-agricoles (gestion de l’eau) et la commercialisation du paddy.

S’agissant de l’oignon, la filière représente la seconde activité économique de

production agricole pour les régions du Nord et de l’Extrême-Nord. La production de l’oignon regroupe environ 15 000 producteurs et fournit l’essentiel de la production camerounaise. Deux organisations de producteurs, à savoir la Fédération des producteurs d’oignon de l’Extrême-Nord (FEPRODEX) et la coopérative Tignéré dans la région du Nord, tentent de regrouper l’ensemble des producteurs de la filière et d’organiser la commercialisation. Toutefois ces deux organisations regroupent moins de 20% des producteurs et la majorité de la production est écoulée par des

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La SEMRY produit environ 80% du riz camerounais et est considérée sur le plan agronomique comme le seul périmètre en Afrique où l'on pratique avec succès deux cultures de riz par an grâce aux techniques culturales modernes et intensives qui sont utilisées (repiquage, semences sélectionnées, fertilisation, traitements). Les rendements sont de 4,5 à 5 tonnes par hectare et par cycle en moyenne et comptent parmi les plus élevés d'Afrique. Cependant la SEMRY fait face à la rentabilité économique de son système car le riz produit à l'extrême nord du Cameroun est prévu pour être consommé dans l'extrême sud du pays (Douala et Yaoundé), située à près de 1 500 km. Le coût de production du riz de la SEMRY auquel il faut ajouter les frais de transport est plus élevé que le prix du riz importé arrivé au port de Douala.

réseaux commerciaux informels de petits marchands qui assurent la collecte primaire au niveau des champs paysans.

Les autres formes d’organisations paysannes sont constituées de structures plus

récentes soutenues par les ONG et autres projets de développement autour des thèmes variés faisant intervenir la protection de l’environnement, l’éducation de la femme, l’amélioration des techniques cultures, et bien d’autres aspects.

De manière générale, la structuration du milieu paysan est peu développée. La constitution des structures fédératives d’organisations de producteurs agricoles est confrontée aux clivages existant au sein des populations où certains groupes ethniques, notamment les Peuls qui se considèrent plus nobles et voudraient prendre de l’ascendance sur les autres groupes. Cette situation trouve sa source dans l’histoire d’installation des peuples de ces deux régions du Nord et de l’extrême Nord du Cameroun, histoire faite des guerres de conquêtes et d’hégémonie entre les Peuls, Haoussa et Arabes Choas (musulmans), les Mandara et Kotoko (islamisés) et les Kirdis (païens).. La fragilité de ces rapports sociaux est également renforcée par le fonctionnement très hiérarchisé et segmenté en classes de la société traditionnelle dans les régions précitées. Dans ce système, l’autorité traditionnelle (Lamido) est propriétaire de toutes les terres et collecte un impôt en nature (part des récoltes) ou en numéraire sur chaque habitant. Dans ces conditions, si l’agriculture reste indispensable pour assurer la subsistance du paysan (se nourrir et nourrir sa famille), elle est parfois et davantage perçue comme une activité subie et non choisie, permettant à l’agriculteur, d’intégrer le système de l’économie de marché pour accéder aux crédits d’intrants octroyés par les sociétés cotonnières à savoir les engrais qui serviront à la fois pour le coton et les cultures vivrières (principalement le mil et le maïs), aux tourteaux pour l’alimentation des animaux de traite et d'élevage et enfin disposer des ressources pour payer les impôts dus au Lamido.

Enfin, le faible niveau d’éducation des populations de cette zone, contribue à renforcer la reproduction de l’organisation de la hiérarchie traditionnelle au sein des groupements de producteurs agricoles. Les responsables de ces groupements sont d’ailleurs appelés « Chefs » et une fois désignés, les membres ne pensent plus à les remplacer.

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