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Youba Sokona

Dans le document RESOURCES in AFRICA (Page 45-49)

Observatoire du Sahara et du Sahel

de concertation tripartite pour faciliter la ges-tion concertée des ressources en eau du Sys-tème Aquifère du Sahara Septentrional qu’ils partagent.

La Libye s’est, par ailleurs, investie dans des travaux d’envergure sur le système aquifère des grés de Nubie, avec l’Égypte, le Tchad et le Soudan. A ma connaissance, la Libye est en fait le seul État africain à avoir mené des actions si avancées sur deux systèmes aquifères parta-gés.

On ne le dira jamais assez, les aquifères trans-frontaliers constituent à la fois des ressources en eau essentielles et stratégiques en Afrique.

• Essentielles et stratégiques par le volume d’eau qu’ils représentent. Le Système Aquifère du Sahara Septentrional stocke 30 000 km3 d’eau, celui des grès de Nubie 120 000 km3, celui du Système Aquifère d’Iullemeden 5 000 km3. A titre de comparaison, le débit annuel du Nil est de 90 km3et le stock d’eau du Système Aquifère du Sahara Septentrio-nal correspond ainsi à 300 années d’écoule-ment du Nil ;

• Essentielles et stratégiques en raison de leurs fonctions hydrologique et écologique de maintien des écosystèmes, et de leur rôle contributif au développement socio-économique ;

• Essentielles et stratégiques enfin pour sou-tenir les stratégies d’adaptation aux impacts négatifs des changements et/ou variabilités climatiques sur les ressources en eau dans de nombreuses régions africaines. Lorsque ces aquifères sont liés à des systèmes d’eau de surface, comme en Afrique Australe ou en Afrique de l’Ouest par exemple, leur rôle tampon d’atténuation des extrêmes leur confère une fonction majeure pour réduire les impacts des changements climatiques : stocker l’eau des inondations plus fré-quentes, et soutenir les débits des fleuves en période de sécheresse plus prolongée.

Les travaux entrepris à ce jour ont permis d’identifier une quarantaine d’aquifères trans-frontaliers en Afrique. Mais parmi eux, combien ont bénéficié d’études et de travaux spécifiques

sur l’ensemble de leur système ? Plus généra-lement, les travaux sur les eaux souterraines font cruellement défaut, contrairement aux fleuves ; on connaît donc encore très mal la majorité d’entre elles.

Dans la région du circum-Sahara, des travaux conséquents ont été menés sur deux prin-cipaux systèmes aquifères transfrontaliers.

Depuis 1994, dans le cadre de son programme sur les grands aquifères transfrontaliers du cir-cum-Sahara, l’OSS s’est beaucoup investi aux côtés des pays dans une dynamique partagée d’amélioration de la connaissance pour aboutir à une gestion intégrée et inclusive des res-sources en eau de ces aquifères.

Sur le Système Aquifère du Sahara Septentrio-nal, la Libye, l’Algérie et la Tunisie disposent désormais d’une connaissance plus précise sur les limites du système, l’estimation des res-sources en eau et de leur exploitation, des outils communs de gestion et d’un cadre de concertation. Ces résultats appréciables dans la connaissance ont nécessité dix années de tra-vail, des investissements conséquents, une grande expertise et une volonté politique renouvelée de la part des pays concernés.

Concernant le Système Aquifère d’Iullemeden (SAI), partagé par le Niger, le Mali et le Nigeria, un travail similaire est entrepris depuis 2004.

Les outils communs de gestion, le modèle hydrogéologique, la caractérisation de la recharge, l’évaluation des risques transfronta-liers ont montré deux résultats majeurs : i) les prélèvements estimés sur le système excédent désormais sa recharge, ii) le SAI est un contri-buteur net au débit du Niger (à hauteur de 80 % de sa recharge annuelle), et est aussi connecté hydrauliquement au Système Aquifère de Taoudéni-Tanezrouft. Dans son rôle de facilita-teur, l’OSS propose désormais de poursuivre cette dynamique et de l’étendre au Système Aquifère de Taoudéni-Tanezrouft, à travers un programme d’étude hydrogéologique du sys-tème global Iullemeden-Taoudéni-Fleuve Niger, qui rassemblera cinq autres pays en plus des trois pays qui se partagent le SAI.

Au-delà de ces avancées certes modestes mais notables dans la connaissance des aquifères transfrontaliers d’Afrique, d’autres travaux ont

lancé les bases du développement d’une conscience de bassin, au sein de la SADC en Afrique Australe, sur le système côtier des aquifères d’Afrique de l’Ouest, et dans les pays de l’IGAD, où l’OSS entame un projet d’évalua-tion des ressources en eau partagées, dans la perspective d’amener les pays à travailler ensemble sur les aquifères transfrontaliers. On est cependant loin de couvrir les 40 aquifères recensés en Afrique.

Au-delà des études et travaux scientifiques sur l’amélioration de la connaissance, il est essentiel et fondamental d’aboutir à des résul-tats concrets, utiles dans les pays, et béné-fiques aux populations. Pour y parvenir il est primordial de disposer de réseaux de mesures ou d’observations et d’institutions à même d’accompagner et d’amener les pays à une coo-pération transfrontalière à travers une approche intégrée et inclusive vers l’intégration régionale.

En 2003, l’AMCOW (la Conférence des minis-tres africains en charge de l’eau) a, fait le constat de la dégradation du peu de réseaux de mesures et la décadence des institutions en charge de ces réseaux. C’est pourquoi, au cours de sa sixième session ordinaire en 2007, elle a décidé la création de la Commission africaine des eaux souterraines.

L’expérience de l’OSS montre que la connais-sance limitée ou insuffisante et la mauvaise gestion de l’eau souterraine sont la norme plu-tôt que l’exception. La raison est bien simple ; son rôle peu visible dans le paysage et sa nature cachée font qu’elle est particulièrement vulnérable aux impacts des phénomènes natu-rels et des activités anthropiques. Ces impacts peuvent restés cachés pendant plusieurs années et quand on les découvre, il est parfois difficile et onéreux de les atténuer. Améliorer la connaissance et mieux gérer les ressources en eaux partagées des aquifères transfrontaliers exigent une prise de conscience des parties concernées et l’intégration de la gestion des eaux souterraines dans les stratégies natio-nales et régionatio-nales de développement.

A la lumière des acquis et de l’expérience de l’OSS, permettez-moi de partager avec vous quatre actions clé qui me paraissent

détermi-nantes dans la gestion durable des ressources en eau des aquifères transfrontaliers :

• accroître la prise de conscience de l’impor-tance des eaux souterraines et de leur carac-tère stratégique dans un contexte de chan-gement global marqué par la croissance démographique et les changements clima-tiques ;

• poursuivre et accélérer la connaissance de la dynamique des ressources, de leur poten-tiel, des usages, et une vision pour leur uti-lisation partagée, rationnelle et durable en investissant sur le long terme ;

• créer les capacités appropriées sur les plans scientifique et technique mais également et surtout sur le plan de la gouvernance et faci-liter la collaboration entre la communauté scientifique africaine, les institutions afri-caines et internationales, le secteur privé et la société civile ;

• renouveler la volonté politique et renforcer la coopération entre les pays pour une ges-tion inclusive et intégrée dans un esprit de responsabilité partagée.

Avant de terminer mon propos, permettez-moi enfin d’aborder la question du partenariat.

Nous sommes nombreux dans cette salle, nous venons d’horizons divers, d’institutions diffé-rentes, chacun avec sa culture, ses façons de faire, ses compétences. Chacun d’entre nous a la volonté de contribuer à l’amélioration de la gestion des aquifères transfrontaliers d’Afrique, pour le bénéfice des africains. Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. Mais si l’on sou-haite mobiliser nos énergies efficacement, sans perte de charge ; nous devons travailler en cohérence, et utiliser au maximum toutes les synergies possibles entre les pays, leurs admi-nistrations, du niveau national au niveau local, les institutions scientifiques et techniques, sous-régionales et continentales, les parte-naires du développement, qu’ils soient finan-ciers, scientifiques et techniques, politiques, ..., mais aussi les ONG, et le secteur privé. Il s’agît aujourd’hui de monter des programmes ambi-tieux, en bâtissant des partenariats durables sur chacun des aquifères transfrontaliers d’Afrique.

Pour conclure, je souhaiterais proposer deux idées innovantes :

• Premièrement, il s’agit de soutenir et d’ac-compagner les efforts de AMCOW à travers une identification des institutions nationales et régionales africaines qui ont un potentiel pour adresser les préoccupations et les défis des eaux souterraines, et de leur confier des mandats spécifiques en fonction de leurs avantages comparatifs ;

• Deuxièmement, il existe des opportunités pour collecter les données et informations.

Qui dispose aujourd’hui de données géolo-giques précises sur le continent africain : je

pense que les acteurs de l’exploration pétro-lière et minière en sont le plus pourvus. Je propose que, lors de la conclusion d’un accord de prospection, soit mentionnée une demande explicite des États aux opérateurs concessionnaires, celle de mener des études sur les eaux souterraines et de fournir les données ainsi que leur droit de propriété aux États.

Mes amis, chers collègues, nous n’avons pas le choix. Avançons ensemble, en cohérence, soyons innovants, soyons concrets, bâtissons des programmes africains intégrés, et partici-pons ainsi à l’intégration régionale du continent africain.

Dans le document RESOURCES in AFRICA (Page 45-49)