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Wechsler et l’esprit clinique de l’évaluation

1. Évaluation de l’intelligence

1.3. Théories de l’intelligence

1.3.1. Approche psychométrique globale de l’intelligence

1.3.1.3. Wechsler et l’esprit clinique de l’évaluation

Un autre psychologue américain que nous pouvons affilier à l’approche psychométrique globale est David Wechsler (1896 – 1981). Pour concevoir ses échelles

d’intelligence, ce dernier s’inspire de ses expériences cliniques au Bellevue Psychiatric Hospital de New York et dans l’armée américaine où psychologue fraîchement diplômé, il administre les tests Army alpha et Army beta. En 1939, il publie la Wechsler-Bellevue Intelligence Scale (WBIS) destinée à une population de 7 à 69 ans. Puis en 1946 paraît la Wechsler-Bellevue Forme II (WBIS-II) destinée à des individus de 10 à 79 ans.

S’ensuivent le Wechsler Intelligence Scale for Children (WISC ; Wechsler, 1949) et la Wechsler Intelligence Scale for Adults (WAIS ; Wechsler, 1955), deux échelles qui remplacent les Wechsler-Bellevue. Composé d’une dizaine de subtests, les premières échelles de Wechsler permettent d’évaluer une intelligence globale opérationnalisée par le QI Total et deux indices (QI Verbal, QI Performance). Les subtests sont regroupés sous l’un des deux indices selon qu’ils font appel à un mode de communication verbale (QIV) ou non verbale (QIP).

L’étendue des âges à qui s’adresse les échelles soulève un problème dans la manière de calculer un QI en fonction du rapport entre l’âge mental et de l’âge chronologique. Selon la formule de Terman, si l’âge mental correspond à l’âge chronologique alors le QI calculé est de 100, correspondant à une performance dans la moyenne du groupe de référence (𝑄𝐼𝐷 =𝐴𝑔𝑒 𝑐ℎ𝑟𝑜𝑛𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑞𝑢𝑒𝐴𝑔𝑒 𝑚𝑒𝑛𝑡𝑎𝑙 × 100). Si nous prenons un sujet âgé de 8 ans et que l’âge mental évalué par le test est de 10 ans, il aura un QID de 125, correspondant à une performance supérieure à la moyenne des enfants de son âge. Or, cette manière de calculer conduit à un contresens chez les adultes. Par exemple, si un sujet est âgé de 35 ans et que son âge mental évalué par le test est de 20 ans, il aura un QID de 57, correspondant à une performance très faible. Pourtant, il est absurde d’interpréter comme un retard mental le fait d’avoir des capacités intellectuelles dans la moyenne des adultes de 20 ans. En outre, il apparaît que le rythme de développement chez l’enfant est plus rapide (de l’ordre de quelques mois entre chaque phase) que chez l’adulte. Devenues inadaptées pour l’évaluation de l’intelligence chez les enfants et chez les adultes, les notions d’âge mental et de QI Développemental sont abandonnées. Wechsler innove alors une nouvelle manière de procéder. Le score total du sujet, obtenu en sommant les items réussis, est situé par rapport à la distribution des scores obtenus par d’autres sujets du même groupe d’âge.

Désormais, le QI devient une note relative qui caractérise chaque individu « par le rang auquel sa performance permet de le classer dans son groupe d’âge » (Huteau &

Lautrey, 2006, p. 123). La délimitation des groupes d’âge pour les enfants est plus rapprochée (de trois mois en trois mois).

À l’instar de Binet, Wechsler s’inscrit également dans une approche globale de dichotomie Verbal-Performance est une lecture parmi d’autres pour regrouper les subtests. Il précise à ce sujet que cette distinction n’implique pas que les domaines du verbal et de la performance soient « the only abilities involved in the tests. Nor does it presume that there are different kind of intelligence, e.g., verbal, manipulative, etc. It merely implies that these are different ways in which intelligence may manifest itself » (Wechsler, 1958, p. 64). La conception de Wechsler repose sur l’hypothèse d’une intelligence qui est non seulement une entité globale – car elle caractérise le comportement d’un individu dans sa totalité –, mais également une entité spécifique – car elle se compose d’aptitudes ou d’éléments complexes qualitativement distincts les uns des autres (Wechsler, 2005b). Avec ses échelles, dont la popularité ne se dément pas, Wechsler a marqué l’histoire de l’évaluation de l’intelligence. Il a à cœur de souligner que la pratique de l’évaluation par un psychologue ne se réduit pas au testing.

Le testing (ou la passation de tests) n’est qu’une partie dans le processus plus large et plus complexe d’une évaluation respectueuse de la personne. Pour Wechsler, la finalité des tests d’intelligence se révèle avant tout dans leur utilité clinique comme aide à la prise d’une décision au bénéfice du sujet, et non comme un moyen de mesure des aptitudes cognitives spécifiques.

What we measure with tests is not what tests measure – not information, not spatial perception, not reasoning ability. These are only means to an end. What intelligence tests measure, what we hope they measure, is something much more important: the capacity of an individual to understand the world about him and his resourcefulness to cope with its challenges. (Wechsler, 1975, p. 139)

C’est cet accent sur l’utilité d’un test comme aide à la prise de décision pour la clinique qui guide les révisions successives des échelles d’intelligence de Wechsler et qui fait perdurer leur popularité.

L’approche psychométrique globale propose une pratique de l’évaluation de l’intelligence qui répond aux besoins de la société de catégoriser les individus. Les systèmes de classification tout d’abord proposés font référence à des catégories nosographiques de type médical, tandis que, de nos jours, les classifications cherchent

à décrire une performance en fonction de la distribution normale. Le Tableau 1 (p. 52) montre une comparaison historique de trois systèmes de classification. Wechsler apporte une contribution pérenne en segmentant des catégories en fonction de la déviation à la moyenne des scores de QI. Rappelons que la distribution des QI dans la population est supposée suivre une loi normale. Selon les fréquences statistiques d’individus sous la courbe normale connues, environs 68 % des individus ont des performances situées à+/- 1 écart type de la moyenne (soit entre 85 et 115 pour les notes de type QI de moyenne 100 et d’écart type 15).

Tableau 1

Comparaison historique entre trois systèmes de classification

Levine & Marks (1928) Échelles de Wechsler (1944) Flanagan, Ortiz, & Alfonson (2013)

En même temps que l’usage des tests d’intelligence se multiplie en Angleterre et aux États-Unis, la psychométrie se dote de deux méthodes statistiques – la corrélation et l’analyse factorielle – grâce aux contributions de Spearman et Thurstone.

L’approche factorialiste de l’intelligence dont ces derniers peuvent être affiliés repose