• Aucun résultat trouvé

Chapitre 9 : Discussion

B. Vue d’ensemble des résultats

Au cours de ce travail de recherche, nous nous sommes largement appuyés sur le Hard

Fall Effect pour étudier l’influence de l’utilisation de stratégies efficaces dans la relation entre

MDT et cognition de haut niveau. En effet, le HFE est supposé apparaître uniquement dans le

cas où l'utilisation de stratégies efficaces a une influence sur la performance et où ces

stratégies efficaces sont en lien avec la capacité de MDT. Ce paradigme constitue donc un

outil pertinent pour étudier le rôle médiateur des stratégies.

Dans le Chapitre 4, nous avons montré que le HFE pouvait être observé dans une tâche

de mémoire visuospatiale, la LSC. Les participants avec une forte capacité de MDT étaient les

plus perturbés par la double tâche, ce qui soutient l'idée que ces participants utilisent des

stratégies plus efficaces en situation de simple tâche. Par ailleurs, l'utilisation conjointe d'une

contrainte temporelle destinée à limiter la possibilité d'utiliser des stratégies efficaces a fait

disparaître le HFE, ce qui soutient l’interprétation que nous avons faite de cet effet en tant que

reflet du comportement stratégique des participants. De plus, lorsqu’on limitait la possibilité

d’utiliser des stratégies efficaces, la relation entre la capacité de MDT et la performance de

mémoire visuospatiale était supprimée. Cela indiquerait donc que le comportement

stratégique intervient dans la relation entre la capacité de MDT et la cognition de haut niveau,

évaluée ici à travers la tâche de localisation spatiale de couleurs.

Le Chapitre 5 avait pour objectif principal de spécifier les contraintes d’apparition du

HFE dans la tâche de LSC. Nous nous sommes plus particulièrement intéressés au moment

critique pendant lequel interviennent les stratégies impliquées dans le HFE, à savoir

l’encodage ou la récupération. Les résultats obtenus dans l'Étude 2 ont montré que seule la

perturbation à l'encodage affectait spécifiquement l'utilisation de stratégies, un effet que nous

avons observé aussi bien au niveau de la distribution des stratégies reportées par les

participants qu'au niveau de la performance sur la tâche de LSC. Ces résultats suggèrent que

les stratégies d'encodage sont les plus déterminantes dans le HFE. Nous avons également

Chapitre 9 : Discussion

195

interrogé la notion de complexité de la tâche dans laquelle le HFE était étudié (Étude 3). La

tâche de LSC correspond à une combinaison de plusieurs fonctions élémentaires, dont la

mémorisation de localisations spatiales et le binding ; nous avons donc cherché à spécifier si

la perturbation des stratégies induite par le HFE dans la tâche de LSC était spécifique à la

complexité induite par la combinaison de ces deux processus élémentaires, ou si cette

perturbation pouvait s’observer pour chacun de ces processus lorsqu’ils étaient étudiés

séparément. Aucun HFE n'est apparu dans les deux situations impliquant uniquement des

processus élémentaires, ce qui pourrait indiquer que la plus faible complexité de ces situations

permet à tous les participants de mettre en place des stratégies efficaces. Les résultats de

l'Étude 3 suggèrent que les différences d'utilisation de stratégies efficaces en fonction de la

capacité de MDT émergent avant tout dans les tâches particulièrement complexes, de façon

congruente avec les travaux antérieurs. Ces résultats soutiennent également l'idée que la

relation entre capacité de MDT et utilisation de stratégies efficaces est à mettre en lien avec

l'efficacité du contrôle attentionnel, qui serait uniquement nécessaire pour implémenter des

stratégies sur des tâches suffisamment complexes.

Dans le Chapitre 6, nous avons tenté de généraliser le HFE à d’autres paradigmes

expérimentaux que la LSC. D’une part, nous avons tenté de montrer la similarité des

paradigmes de CUP et de HFE dans une tâche d'arithmétique modulaire (Étude 4). D’autre

part, nous avons supposé que l’effet d’indiçage d’une partie de liste pouvait être considéré

comme une sorte de HFE (Étude 5), dans lequel les indices joueraient le même rôle

perturbateur de l’utilisation de stratégies efficaces que la double tâche. Aucun HFE n’a été

mis en évidence dans ces deux études, et l’utilisation de stratégies efficaces n’était pas liée à

la capacité de MDT. Cependant, nous avons observé une faible variabilité dans l’utilisation

des stratégies dans l’Étude 3, et la capacité de MDT n’était liée à la performance que dans une

expérience sur trois dans l’Étude 4. Ces éléments pourraient contribuer à expliquer l’absence

de HFE : en l'absence de variabilité dans l'utilisation de stratégies efficaces et de lien entre

capacité de MDT et performance, les conditions nécessaires à l’apparition du HFE n'étaient

pas remplies. La faible difficulté des tâches perturbatrices utilisées pourrait également

expliquer cette absence de résultats : ni la poursuite de cible utilisée dans l'Étude 4, ni la

répétition à voix haute utilisée dans l'Étude 5 n’avaient d’influence sur la performance. Les

deux études présentées dans ce chapitre ne constituaient donc pas un test critique de notre

hypothèse.

L’objectif poursuivi dans le Chapitre 7 était de se détacher de la méthode des reports

verbaux, utilisée dans les études précédentes (études 2, 4 et 5), afin de rechercher des

Chapitre 9 : Discussion

196

différences interindividuelles d’utilisation de stratégies qui pourraient ne pas être

verbalisables ni conscientes. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur l’analyse des

patterns de réponse censés refléter l’utilisation d’une réduction de l’espace de travail mental

au sous-espace pertinent d’une part (Étude 6), et l’enrichissement de l’information verbale

dans l’effet de concrétude d’autre part (Étude 7). Dans ces deux études, la capacité de MDT

était liée à la performance, et nous avons réussi à reproduire l'effet de la taille du sous-espace

pertinent et l'effet de concrétude observés dans la littérature. Cependant, la méthode d’analyse

des patterns de réponses n’a pas mis en évidence de différences interindividuelles d’utilisation

de stratégies efficaces en fonction de la capacité de MDT. Cela peut suggérer soit qu’il n’y a

pas de différences interindividuelles de comportement stratégique en fonction de la capacité

de MDT dans ces deux tâches, soit que nous n'avons pas réussi à opérationnaliser

correctement la notion de stratégie efficace dans ces deux tâches. Comme nous ne disposions

pas de modèle précis de la nature des stratégies impliquées (Étude 6), ni de modèle des

conditions d’émergence de ces stratégies (Étude 7), il est difficile de trancher entre ces deux

possibilités.

Enfin, le Chapitre 8 constituait un test direct de notre hypothèse selon laquelle

l'utilisation de stratégies efficaces dans les tâches de cognition de haut niveau médiatise le lien

entre capacité de MDT et cognition de haut niveau. Nous avons montré que lorsqu’on

contrôle pour l’utilisation de stratégies efficaces dans la tâche des Matrices Avancées, la

relation entre la capacité de MDT et la performance diminue, à l'appui de notre hypothèse. Ce

résultat semble relativement robuste, même s'il gagnerait à être répliqué sur un échantillon

plus important.

Pour conclure, on peut donc dire qu’il existe des différences de comportement

stratégique en fonction de la capacité de MDT (études 1 et 8) ; une forte capacité de MDT

semble plus particulièrement liée à l’utilisation de stratégies efficaces (Étude 8). Ces

différences interindividuelles sont observées dans des tâches de mémoire (Étude 1) aussi bien

que dans des tâches d’intelligence fluide (Étude 8). De plus, ces différences semblent

médiatiser le lien entre capacité de MDT et cognition de haut niveau, que l'on teste cette

hypothèse de médiation en contraignant l'utilisation de stratégies (HFE observé dans l’Étude

1), ou grâce à un test statistique direct de médiation (Étude 8).

En parallèle, il est parfois difficile de bien caractériser la nature des stratégies en jeu

dans les tâches de cognition de haut niveau ; cette difficulté nous a empêchés de généraliser

nos résultats à d'autres paradigmes où le comportement stratégique est plus mal connu

(Chapitre 7). Par ailleurs, le paradigme de HFE implique une perturbation de l’utilisation de

Chapitre 9 : Discussion

197

stratégies efficaces avec une situation de double tâche, mais il semble difficile de construire

des tâches perturbatrices qui soient suffisamment complexes pour perturber l’utilisation de

stratégies efficaces tout en utilisant un type de matériel différent de la tâche d’intérêt afin de

ne pas provoquer de perturbation spécifique (Chapitre 6).

Pour terminer, il est important de souligner qu’il peut y avoir un effet de la capacité de

MDT en l’absence de différences de comportement stratégique identifiables (Chapitre 6), ce

qui implique que d’autres facteurs que les stratégies sont en jeu dans le lien entre capacité de

MDT et cognition de haut niveau.

C. Modélisations du comportement stratégique et de ses liens avec la